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© L’Encéphale, Paris, 2008. Tous droits réservés. L’Encéphale (2008) Supplément 4, S121–S122 journal homepage: www.elsevier.com/locate/encep Éditorial H. Lôo Il me revient l’honneur et le plaisir d’introduire cette jour- née autour du trouble bipolaire. L’adjectif « bipolaire » doit-il se substituer à celui de maniaco-dépressif ou lui est-il superposable ? La « folie maniaco-dépressive » fut individualisée par Kraepelin en 1899 à côté de la démence précoce. Mais les auteurs depuis Hippocrate avaient entrevu et même repéré de façon claire les liens entre manie et dépres- sion. Arétée de Capaddoce au premier siècle de l’ère chré- tienne aurait mentionné à propos des maniaques : « L’accès fini, ils deviennent languissants, tristes, taciturnes ». La maladie maniaco-dépressive a emprunté de multi- ples dénominations qui viennent bien rendre compte de ses aspects cliniques et de ses cours évolutifs extrêmement variés avec les termes de folie circulaire (Falret), folie à double forme (Baillarger), délire à formes alternes (Legrand du Saule), psychose périodique, psychose cyclique, psy- chose intermittente. Falret a bien opposé la forme rémittente sans intervalle libre et la forme intermittente la plus fréquente où en règle l’intervalle libre apparaît après la mélancolie qui suc- cède à la manie. Puis dans les psychoses alternantes, Ballet a distingué : la folie alterne simple où manie et mélancolie sont sépa- rées par un intervalle libre ; la folie à double forme où l’accès dysthymique comprend la séquence manie/mélancolie suivie par un intervalle libre ; et la folie circulaire qui se déroule sans intervalle libre. Puis vont apparaître la dichotomie entre forme bipo- laire et forme unipolaire, la notion de bipolaire à cycle rapide caractérisé par un minimum de quatre accès dys- thymiques par an. Puis récemment les auteurs ont insisté sur la fréquence des épisodes mixtes et leurs difficultés de prise en charge. La diversité des expressions cliniques et des potentiali- tés évolutives pose bien sûr la question de l’unicité ou de la pluralité des psychoses affectives au plan clinique, évo- lutif, pronostique et peut être par voie de conséquence thérapeutique. Les questions soulevées par cette affection ou ces affections sont multiples et une approche exhaustive appa- raît peu réaliste. Le comité scientifique que nous formons avec Jean Daléry, Jean-Pierre Olié et Daniel Sechter a effectué des choix dont la pertinence peut être discutée. Nous avons souhaité privilégier les aspects cliniques avec le lourd far- deau des comorbidités, les données modernes de la généti- que et de l’imagerie médicale, les règles thérapeutiques et leur fécondité à court et à long terme. Les laboratoires Bristol Myers Squibb et Otsuka Pharmaceutical France après avoir réalisé avec un grand succès une série de réflexions sur les stratégies au long cours dans la schizophrénie sous forme de relais d’experts, ont relevé le pari d’une même réussite autour des troubles bipolaires. Entre votre nom, je tiens à leur exprimer notre vive gratitude collective pour cette initiative. * Auteur correspondant. E-mail : [email protected] L’auteur n’a pas déclaré de conflits d’intérêt.

Éditorial

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© L’Encéphale, Paris, 2008. Tous droits réservés.

L’Encéphale (2008) Supplément 4, S121–S122

journa l homepage: www.e l sev ier.com/ locate/encep

ÉditorialH. Lôo

Il me revient l’honneur et le plaisir d’introduire cette jour-née autour du trouble bipolaire.

L’adjectif « bipolaire » doit-il se substituer à celui de maniaco-dépressif ou lui est-il superposable ?

La « folie maniaco-dépressive » fut individualisée par Kraepelin en 1899 à côté de la démence précoce.

Mais les auteurs depuis Hippocrate avaient entrevu et même repéré de façon claire les liens entre manie et dépres-sion. Arétée de Capaddoce au premier siècle de l’ère chré-tienne aurait mentionné à propos des maniaques : « L’accès fi ni, ils deviennent languissants, tristes, taciturnes ».

La maladie maniaco-dépressive a emprunté de multi-ples dénominations qui viennent bien rendre compte de ses aspects cliniques et de ses cours évolutifs extrêmement variés avec les termes de folie circulaire (Falret), folie à double forme (Baillarger), délire à formes alternes (Legrand du Saule), psychose périodique, psychose cyclique, psy-chose intermittente.

Falret a bien opposé la forme rémittente sans intervalle libre et la forme intermittente la plus fréquente où en règle l’intervalle libre apparaît après la mélancolie qui suc-cède à la manie.

Puis dans les psychoses alternantes, Ballet a distingué :

la folie alterne simple où manie et mélancolie sont sépa-rées par un intervalle libre ;la folie à double forme où l’accès dysthymique comprend la séquence manie/mélancolie suivie par un intervalle libre ;et la folie circulaire qui se déroule sans intervalle libre.

Puis vont apparaître la dichotomie entre forme bipo-laire et forme unipolaire, la notion de bipolaire à cycle rapide caractérisé par un minimum de quatre accès dys-thymiques par an.

Puis récemment les auteurs ont insisté sur la fréquence des épisodes mixtes et leurs diffi cultés de prise en charge.

La diversité des expressions cliniques et des potentiali-tés évolutives pose bien sûr la question de l’unicité ou de la pluralité des psychoses affectives au plan clinique, évo-lutif, pronostique et peut être par voie de conséquence thérapeutique.

Les questions soulevées par cette affection ou ces affections sont multiples et une approche exhaustive appa-raît peu réaliste.

Le comité scientifi que que nous formons avec Jean Daléry, Jean-Pierre Olié et Daniel Sechter a effectué des choix dont la pertinence peut être discutée. Nous avons souhaité privilégier les aspects cliniques avec le lourd far-deau des comorbidités, les données modernes de la généti-que et de l’imagerie médicale, les règles thérapeutiques et leur fécondité à court et à long terme.

Les laboratoires Bristol Myers Squibb et Otsuka Pharmaceutical France après avoir réalisé avec un grand succès une série de réfl exions sur les stratégies au long cours dans la schizophrénie sous forme de relais d’experts, ont relevé le pari d’une même réussite autour des troubles bipolaires.

Entre votre nom, je tiens à leur exprimer notre vive gratitude collective pour cette initiative.

* Auteur correspondant.E-mail : [email protected]’auteur n’a pas déclaré de confl its d’intérêt.

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H. Lôo122

Mais notre gratitude se porte également à nos conféren-ciers qui ont accepté cette mission d’inaugurer cette pre-mière réfl exion avec leur connaissance qui est vaste et leur générosité à les faire partager.

C’est dire que cette réunion sera riche au plan scienti-fi que en regard de ces talentueux orateurs et dans une ambiance conviviale et chaleureuse grâce à vos présences dont le comité scientifi que vous remercie.