Upload
vumien
View
216
Download
0
Embed Size (px)
Citation preview
CHRISTOPHE Céline Diplôme préparé : D.P.P.E.
Eduquer le regard : comment former des lecteurs d’images ?
Tuteur de mémoire : Antoine MILESI Année 2006 / 2007
CHRISTOPHE Céline Diplôme préparé : D.P.P.E.
Eduquer le regard : comment former des lecteurs d’images ?
Tuteur de mémoire : Antoine MILESI Année 2006 / 2007
FICHE DESCRIPTIVE
L’image semble être aujourd’hui l’un des éléments central et moteur de notre société,
productrice et consommatrice de toutes sortes d’icônes. Nous sommes bombardés d’images à
longueur de temps et nous les regardons souvent sans les comprendre. Nous pouvons les
parcourir du regard sans les voir, comme nous pouvons lire un texte sans en saisir le sens. Il
est donc important d’éduquer le regard, surtout chez les enfants qui sont captivés par toutes
sortes d’images.
Et l’école peut jouer un rôle essentiel. Les images étant présentes dans de nombreuses
disciplines scolaires, il est important d’apprendre aux élèves à les lire et à les comprendre. Les
images ne servent pas seulement à illustrer ou à démontrer mais peuvent être utilisées comme
un véritable outil d’apprentissage. Il faut aider les élèves à lire des images, à prendre du recul
par rapport à celles-ci afin que l’émotion première ne prenne pas le dessus.
Les enfants doivent parvenir à dépasser le stade du « c’est beau » ou « c’est laid » si nous
souhaitons que s’exerce leur regard critique. Il faut donc leur apprendre à déconstruire une
image pour la lire et par conséquent éduquer leur regard. Mais comment s’y prendre ?
Ce mémoire développe des pistes et des idées de travail, basées sur une approche
scientifique de l’image. J’ai utilisé cette démarche dans certaines disciplines (arts visuels,
géographie et maîtrise du langage et de la langue française) afin de guider les enfants vers une
lecture transversale de l’image, leur permettant ainsi de forger leur esprit critique face à celle-
ci.
Mon travail a surtout été axé autour du point de vue car il m’apparaît essentiel que les enfants
comprennent qu’une image, quelle qu’elle soit, est une construction et donc que derrière
chacune de celles qu’ils rencontrent, qu’ils reçoivent, il y a une intention.
Alors, apprenons aux enfants à avoir l’œil !
SOMMAIRE
Introduction page 5
I – Apports théoriques : pages 7 – 14
1 – Quelques définitions : image, lecture, lecture d’images. page 7
2 – Ce que disent les instructions officielles sur l’image : page 8
3 – Statut, nature et fonctions de l’image : page 11
4 – Les différentes lectures qui peuvent en être faites : page 13
5 – Quelles images choisir et pourquoi ? page 13
II – Vers une lecture de l’image en arts visuels : pages 15 – 23
1 – Pourquoi une approche scientifique ? page 15
2 – Description de ma pratique de classe : page 16
3 – Analyse de pratique : page 19
III – Une approche transversale de la lecture d’images : pages 24 – 30
1 – La lecture de paysages en géographie : page 24
a – Description de ma pratique de classe : page 24
b – Analyse de pratique : page 25
2 – L’album : le lien texte / image : page 27
a – Description de ma pratique de classe : page 28
b – Analyse de pratique : page 28
Conclusion page 31
Bibliographie page 33
Table des annexes page 35
INTRODUCTION
L’image existe depuis longtemps. Historiquement, elle apparaît déjà au temps de la
Préhistoire où elle est pendant longtemps un objet nécessaire pour apprivoiser les dangers et
se les approprier. Elle aide à survivre. Comme l’explique Régis Debray dans son ouvrage Vie
et mort de l’image, l’image ne représente pas le monde, elle agit sur lui. Puis, au temps du
christianisme, l’image est condamnée, accusée de favoriser l’idolâtrie et d’empêcher
d’atteindre la foi car le culte est rendu à la représentation de la divinité et non à la divinité
elle-même.
Mais les temps ont changé. Avec l’arrivée de la photographie, de la presse, du cinéma, de la
télévision, des médias visuels et de l’ordinateur, l’image n’a plus cette conception
moralisante. La société actuelle a placé l’image au centre de toutes les stratégies
d’information et de communication. De nos jours, on peut fabriquer à partir d’un logiciel
d’ordinateur des images sans lumière, sans lentille, sans objet. L’image n’est donc plus une
empreinte mais devient une matrice que rien ne peut distinguer d’une image enregistrée réelle.
Se pose alors le problème de l’incapacité à distinguer une entité réelle d’une entité qui a sa
réalité en soi mais qui est le produit d’intentions.
Nous sommes tellement bombardés d’images qui déferlent devant nos yeux que nous
devenons, comme le dit Sophie Malaizé des « iconophages »1 c’est-à-dire des mangeurs
d’images. On les reçoit, or voir, ce n’est pas recevoir. Et les enfants, fascinés par tout type
d’images, les consomment souvent sans les comprendre. Il y a donc nécessité d’éduquer le
regard, de penser à un apprentissage du langage de l’image, à une culture de celle-ci.
L’école peut jouer un rôle primordial dans la compréhension des images. Comme
l’expliquent Eric Battut et Daniel Bensimhon « l’image se décrypte, se comprend, se lit »2.
L’enfant devient critique de ce qu’il voit et la pédagogie de l’image participe à l’éducation
citoyenne.
Mais l’apprentissage de la lecture d’images n’est pas simple : le langage des images n’est pas
rigide, les intentions des concepteurs ne sont pas toutes de même nature et ne font pas toutes
appel aux mêmes contraintes. Une culture de l’image, comme une culture de l’écrit, n’est pas
1 Malaizé S., « La lecture d’images à l’école maternelle », Education enfantine, n°1023, octobre 2000, p.60 2 Battut E., Bensimhon D., Lire et comprendre les images à l’école, 3è éd, RETZ, Paris, 2006, p.5
5
construite au hasard. Et découvrir cela en classe ne peut que favoriser la formation de l’esprit
critique des enfants.
L’image peut alors être utilisée en tant q’outil spécifique d’apprentissage. Mais comment
procéder avec des enfants à l’école ?
C’est de ce postulat qu’est née ma réflexion : Comment éduquer le regard des élèves
pour que ceux-ci se nourrissent intelligemment des images et qu’ils puissent prendre du
recul par rapport à ce qu’ils voient ? Et donc, comment former des lecteurs d’images ?
L’image étant un objet complexe, on ne peut pas tout aborder en une seule fois. J’ai
donc choisi de travailler l’image fixe car elle semble plus simple à aborder. En effet, une
image immobile se construit dans l’espace alors que celles qui défilent, comme au cinéma par
exemple, se construisent également dans l’espace mais aussi dans le temps.
Je vais donc axer mon travail sur l’image fixe et plus particulièrement sur le point de vue car
je pense que la condition primordiale pour que les élèves comprennent une image, c’est qu’ils
perçoivent que celle-ci est née d’une volonté agissante. L’image est une construction et donc
derrière chacune d’elles, il y a une intention. En comprenant cela, les élèves pourront prendre
du recul par rapport à ce qu’ils voient. Et ce travail participe largement à une éducation du
regard.
Dans un premier temps, je donnerai quelques apports théoriques concernant les
images : définitions, ce qu’en disent les instructions officielles, nature, fonctions et statut de
l’image, les différentes lectures qui peuvent en être faites et enfin je traiterai de la question du
choix des images.
Dans un second temps, j’aborderai la lecture d’images dans le domaine des arts visuels, en
proposant quelques activités autour du point de vue, basées sur une approche scientifique de
l’image, puis je ferai une analyse de ces activités.
Dans une dernière partie, je traiterai de l’approche transversale de la lecture d’images
permettant de renforcer l’éducation du regard. J’étudierai le point de vue dans d’autres
champs disciplinaires comme la géographie, la maîtrise du langage et de la langue française.
Enfin, pour chacune de ces mises en pratique, j’effectuerai une analyse.
6
I – Apports théoriques :
Il me paraît essentiel, avant de commencer tout travail sur la lecture d’images, d’apporter
quelques précisions sur et autour de celle-ci. En effet, on ne peut pas traiter de l’image si l’on
ne sait pas de quoi il en retourne. Voici donc quelques références théoriques, non exhaustives,
qui permettront de mieux comprendre de quoi il s’agit lorsque l’on parle d’images et de
lecture d’images.
1 – Quelques définitions : images, lecture, lecture d’images.
Qu’est-ce qu’une image ?
L’image, qui vient du latin imago, signifie représentation, portrait, fantôme, copie. D’après Le
petit Robert, elle peut être : une représentation d’une personne ou d’une chose par la
sculpture, la peinture, le dessin, la photographie… ; une reproduction visuelle d’un objet
donnée par un miroir ou un instrument d’optique ; une représentation des personnes ou des
objets dans l’esprit ; une ressemblance.
Bref, que ce soit du point de physique, visuel ou mental, l’image représente. Elle n’est donc
pas l’objet lui-même. Dans l’idée de représentation, il y a l’idée de quelque chose d’absent.
Le problème, c’est comment rendre présent quelque chose d’absent ? En faisant ce travail, il y
a forcément une interprétation, une intention de la part de la personne qui le réalise. L’image
est donc la représentation de la réalité physique de cet objet à laquelle elle impose ses
contraintes.
Qu’est-ce que la lecture ?
La lecture vient du latin lectio qui signifie choix, lecture, cueillette. D’après Le petit Robert,
elle peut être : une action de déchiffrement ; une analyse, une interprétation d’un texte. Lire,
c’est : reconnaître des signes graphiques d’une langue, former mentalement ou à voix haute
les sons que ces signes ou leurs combinaisons représentent et leur associer un sens ;
comprendre, déchiffrer un ensemble de signes autres que ceux de l’écriture ; comprendre
quelque chose, le discerner, le reconnaître à certains signes.
7
Dans la notion de lecture, il y a donc une idée de déchiffrement, d’analyse, d’interprétation,
de reconnaissance de signes, de compréhension et de sens. Donc lire, ce n’est pas simplement
voir de l’écrit. On fait d’ailleurs bien la distinction entre voir et regarder, entendre et
écouter…
Qu’est-ce que la lecture d’images ?
D’après les définitions précédentes, on peut dire que lire une image, ce n’est pas simplement
la voir. Il faut, comme pour un texte, déchiffrer, reconnaître des signes, comprendre, donner
du sens et interpréter. Lire une image, c’est donc avant tout un travail d’analyse c’est-à-dire
apprendre à différencier le signifiant (ce qui est montré) du signifié (ce que cela veut dire).
Cela revient donc à travailler les notions de dénotation et de connotation. Analyser une image,
c’est chercher des voies qui isolent des données de manière à ce que l’émotion ne prenne pas
le dessus sur le sens.
Mais lire une image est quelque chose de complexe. En effet, les signes de l’image ne sont
pas spécifiques à celle-ci : couleurs, objets, actions, qui tous sont des signes, appartiennent
aussi à la vie réelle. C’est ainsi que ce que l’on voit dans l’image n’est pas toujours ce que
l’on doit comprendre. Chaque signe possède plusieurs sens et fait sens différemment pour
chaque récepteur. L’image est donc polysémique.
2 – Ce que disent les instructions officielles sur l’image :
Dans les instructions officielles de 2002, c’est dans le domaine des arts visuels que le
plus grand nombre d’occurrences du terme « image » apparaît, ce qui traduit l’importance de
sa place.
• Au cycle 1, L’enseignant doit montrer des images variées, comme des photographies,
des reproductions d’œuvres, des dessins, des images documentaires... Il doit
également apprendre à l’enfant à poser son regard pour que celui-ci puisse prendre le
temps d’observer. C’est à lui de proposer des activités qui « abordent des
connaissances propres aux images appréhendées selon leurs caractéristiques, leurs
supports et leurs fonctions »3. Ces activités participent déjà à une éducation du regard.
3 Ministère de l’Education Nationale, Qu’apprend-on à l’école maternelle ?, 1ère éd, CNDP, XO Editions, 2002,
p.143
8
Le rôle de l’enseignant est alors d’accompagner l’enfant, de l’aider à affiner ce qu’il
voit afin qu’il comprenne davantage le monde qui l’entoure.
• Au cycle 2, l’approche de l’image est plus structurée et l’on va plus loin dans
l’observation. Son étude « consiste à décrire dans une image les éléments perçus en
relation avec les informations délivrées »4. Il y a donc un travail approfondi de
l’image qui fera le lien entre le signifiant et le signifié.
• Au cycle 3, « l’objectif est de doter l’élève d’outils d’observation et d’analyse lui
permettant de mieux comprendre le monde d’images dans lequel il vit, et de mieux s’y
repérer »5. Tout cela se fait en mettant l’accent sur l’analyse et la production
d’images. Cette analyse peut être mise en relation avec d’autres disciplines comme
l’histoire, la géographie, les sciences expérimentales et technologiques, ce qui amène
l’élève à distinguer une image artistique d’une image scientifique, documentaire ou
commerciale.
L’observation, la manipulation, la transformation et la production d’images sont préconisées
dans les trois cycles. C’est en passant par toutes ces actions que l’école peut contribuer à une
éducation du regard.
Même si le terme « image » apparaît davantage dans le domaine des arts visuels, il est
souvent mentionné dans d’autres disciplines qui donnent toute leur place à l’image :
• Au cycle 1, les images sont utilisées dans :
- le langage au cœur des apprentissages, pour l’évocation, la familiarisation des élèves
avec l’écrit et la construction d’une première culture littéraire.
- la découverte du monde, où les élèves apprennent à percevoir les images comme des
documents.
• Au cycle 2, trois domaines parlent des images :
- la maîtrise du langage et de la langue française, où on les utilise au moment de
l’apprentissage de la lecture. Elles servent à préciser la signification des mots et à
verbaliser.
- le vivre ensemble, où l’observation d’images permet de montrer aux enfants la
richesse et la diversité d’autres cultures.
4 Id., Qu’apprend-on à l’école élémentaire ?, 1ère éd, CNDP, XO Editions, 2002, p.135 5 Ibid., p.259
9
- La découverte du monde, où les images conduisent à mieux appréhender la diversité
des réalités humaines dans l’espace et dans le temps.
• Au cycle 3, quatre disciplines utilisent souvent les images :
- l’éducation civique où l’étude d’images montre comment les artistes, témoins de leur
temps et de leur société, sont porteurs de valeurs universelles.
- la littérature où elles permettent de renforcer l’univers de connaissances et de valeurs
qu’est la littérature.
- l’histoire où les images ont toute leur place. On apprend à les interpréter ainsi que
leurs codes et leur langage.
- la géographie : les images jouent un rôle important dans la compréhension de
l’organisation de l’espace par les sociétés. La lecture d’images paysagères, par
exemple, permet de montrer l’évolution d’un paysage construit par l’homme et permet
de voir que celui-ci est constamment réinventé. Le paysage est quelque chose qui
s’embrasse du regard.
A noter que dans les technologies de l’information et de la communication, les images ne sont
pas clairement citées. « L’observation du réel et de l’action sur celui-ci ont la priorité sur le
recours au virtuel »6. Cependant, il me semble important de montrer aux enfants que les
informations et les images véhiculées par l’informatique peuvent être fabriquées. En effet,
avec l’apparition du numérique, on a affaire à autre chose car les images peuvent être
transformées, truquées. Il n’y a donc plus de matérialité de l’image. Il faut donc faire attention
à ce que l’on nous montre et donc prendre du recul par rapport à ce que l’on voit.
On peut constater que vu le nombre de disciplines dans lesquelles les images sont
utilisées, il apparaît nécessaire d’apprendre aux élèves à les lire et à les comprendre.
D’ailleurs, dans Ecole et collège : tout ce que nos enfants doivent savoir, il est noté dans « La
culture humaniste » que les élèves doivent être capables de « lire et utiliser différents
langages, en particulier les images… »7 et dans « Les compétences sociales et civiques » que
« les élèves devront être capables de jugement et d’esprit critique… »8. Et pour cela, ils
6 Ibid., p.247 7 Ministère de l’Education Nationale, Ecole et collège : tout ce que nos enfants doivent savoir, CNDP, XO
Editions, 2006, p.45 8 Ibid., p.50
10
devront « savoir distinguer virtuel et réel »9 et « être éduqué aux médias et avoir conscience
de leur place et de leur influence dans la société »10.
On en déduit alors qu’il y a à la fois l’importance de montrer des images variées et
l’importance de travailler sur celles-ci. Ce double travail doit être réalisé à l’école.
3 – Statut, nature et fonctions de l’image :
Le statut de l’image :
L’image a beaucoup évolué dans son utilisation au cours des siècles. L’évolution de son statut
dans les pratiques pédagogiques permet d’aider à mieux comprendre les enjeux de son
utilisation.
- L’image a d’abord été l’ennemie des pédagogues (déjà à l’époque de Platon) car elle était
considérée comme un obstacle à l’accès au concept.
- Au début du XXème siècle, il y a une forte domination de l’écrit dans la sphère intellectuelle
et donc les images apparaissent peu.
- Les enluminures apparaissent très tôt dans les manuels de l’école. Elles viennent apporter
une sorte de décoration à l’austérité du texte. Mais elles sont vite laissées de côté au profit de
ce qui, à l’époque, est essentiel : le texte.
- Puis l’image devient le bon point, ce qui lui confère un statut moraliste.
- Et dans les années 1960 apparaît la grammaire de l’image où on la décortique mais
uniquement de manière didactique.
- Enfin, on a utilisé l’image comme projet. On a fabriqué des images, mais le problème est
que les enfants se sont tellement fascinés pour cette production que celle-ci prend la place de
l’intérêt que les élèves pourraient portés aux apprentissages.
- Aujourd’hui, le statut de l’image a évolué avec le développement des techniques de
l’information et de la communication. L’école a perçu l’enjeu de cette généralisation comme
le montre les instructions officielles.
9 Ibid., p.50 10 Ibid., p.51
11
La nature de l’image :
Le terme image recouvre diverses représentations : le dessin, la peinture, la photographie, les
médias visuels, les photos satellites, les cartes, les schémas, les imageries médicales, le
virtuel… Il n’est donc pas facile de s’y retrouver dans tout cela. Eric Battut et Daniel
Bensimhon proposent de classer les images en deux catégories :
- les images fabriquées (dessins, peintures…) qui sont des conceptions de l’esprit.
- Les images enregistrées (photographies, scanners, films…) qui sont des saisies du réel.
Je pense qu’il est également important d’ajouter que l’image numérique possède une double
nature : elle est à la fois une image enregistrée car elle saisit le réel mais aussi une image
fabriquée car elle peut être transformée.
Les fonctions de l’image :
Dans l’ouvrage Lire et comprendre les images à l’école, les auteurs développent l’idée que le
langage de l’image, comme tout autre langage, peut être étudié. Sa fonction première a un
rapport avec un processus de communication et nous pouvons donc lui appliquer les fonctions
de toute communication :
- la fonction cognitive ou dénotative. Elle est axée sur le contenu du message et est
objective (l’image scientifique, les panneaux indicateurs…).
- la fonction informative. L’image est une observation attentive qui se veut neutre (les
images réalistes…).
- la fonction argumentative. L’image est un outil de connaissance (image scientifique,
photo satellite, schéma…).
- la fonction narrative. Elle s’applique surtout aux images séquentielles (BD…).
- la fonction « mémorisation » ou témoignage. L’image perdure (photo souvenir, carte
postale, photo de guerre…).
- la fonction expressive ou émotive. C’est l’image de l’artiste qui produit de manière
instinctive. Elle est donc subjective.
- la fonction symbolique (la peinture pariétale, les anneaux olympiques…).
- la fonction conative. Elle est centrée sur le destinataire et a pour but d’interpeller
(publicité, affiche…).
- la fonction phatique. Elle est là pour illustrer ou décorer (image décorative, illustration
d’album de jeunesse, logo, peinture, photographie d’art…).
12
L’image, de même qu’un texte, peut utiliser plusieurs de ces fonctions en même temps.
4 – Les différentes lectures qui peuvent en être faites :
Une image, c’est avant tout le repérage de signes, l’émission d’hypothèses puis le détectage
du sens du message. D’ailleurs, on pourrait comparer cela à la lecture de texte qui utilise un
décodage, une compréhension des mots et des phrases pour aboutir au final à une
compréhension du message.
Eric Battut et Daniel Bensimhon proposent trois niveaux de lecture basés sur les signes
iconiques (que l’on distingue des signes plastiques et des signes linguistiques) c’est-à-dire des
éléments qui ont une réelle existence en dehors de l’image :
- la lecture iconique : on prend les signes dans leur fonction première. Je vois une porte
donc je comprends une porte.
- la lecture iconographique : on comprend les signes iconiques dans une fonction
secondaire. Je vois une porte ouverte donc je comprends que quelqu’un est sorti ou va
entrer. Les différents sens qui peuvent être donnés à une image doivent reposer sur des
éléments de l’image. Les points de vue doivent être fondés sur des indices pris sur
l’image.
- la lecture iconologique : on dépasse les signes iconiques pour lire un message
symbolique. Je vois une porte ouverte et je pense à l’idée de liberté. On entre dans le
domaine de l’interprétation, de l’implicite.
Ces différentes lectures peuvent se superposer. Il s’agit alors de faire des liens et de créer un
réseau de sens.
5 – Quelles images choisir et pourquoi ?
Je me suis souvent demandée comment les illustrateurs, les auteurs de manuels…
justifiaient leur choix d’images, comment ils les sélectionnaient ou encore sur quels critères
ils les choisissaient. Est-ce par souci didactique ? Par souci idéologique ? Par souci
esthétique ? Je ne sais pas.
Ce que je pense, en revanche, c’est qu’il est important de travailler avec :
- des images que les enfants ne connaissent pas afin qu’ils acquièrent une culture
commune en les rencontrant.
13
- des images que les élèves connaissent déjà pour les déconstruire (en utilisant des outils
de lecture). L’image étant complexe, on a besoin de passer par là afin de mieux la
reconstruire.
Il me semble également nécessaire de souligner que les enfants baignent dans un
environnement où l’école n’est plus le seul lieu d’enseignement. Ils y arrivent avec leur
propre culture et l’école doit faire avec. Il faut donc prendre en compte ce phénomène.
Ces apports théoriques m’ont permis d’être plus au clair sur ce qu’est une image, une lecture
d’images, … et tout ce que cela peut impliquer lorsque l’on aborde celle-ci, comme par
exemple les notions de représentation ou de réalité.
Je pense qu’il faut passer par ce travail de recherche et de questionnement préalable si l’on
souhaite étudier la lecture d’images avec les élèves. Cela aide à mieux en comprendre les
enjeux.
Maintenant, je vais proposer des idées de travail en arts visuels concernant la lecture d’images
et plus particulièrement la question du point de vue.
14
II – Vers une lecture de l’image en arts visuels :
Comme je l’ai dit dans ma première partie, c’est en arts visuels que la place de l’image a sa
plus grande importance. C’est pourquoi j’ai d’abord privilégié cette discipline.
1 – Pourquoi une approche scientifique ?
J’ai effectué mon stage en responsabilité au mois de janvier dans une classe de CM1 /
CM2. Les instructions officielles de 2002 nous rappellent, concernant le cycle 3, qu’il faut
« doter l’élève d’outils d’observation et d’analyse lui permettant de mieux comprendre le
monde d’images dans lequel il vit, et de mieux s’y repérer »11. On passe ainsi d’une simple
perception de l’image au cycle 1 à la mise en place, au cycle 3, d’outils d’observation et
d’analyse pour comprendre et développer ce regard nouveau sur le monde.
L’image étant complexe, il est essentiel d’avoir des outils pour la déconstruire ainsi qu’une
« méthode » qui l’accompagne. Il apparaît donc nécessaire d’aborder l’image avec une
approche scientifique. En effet, l’image doit être traitée sous l’angle de la signification et non
sous celui de l’émotion ou encore de l’esthétique. Il faut aider les enfants à dépasser la simple
phase de description, leur apprendre à regarder et à analyser ce qu’ils voient pour aller plus
loin et les sensibiliser ainsi à une certaine forme de séduction. Pour cela, on a besoin d’outils
de lecture. Et ce sont ces derniers qui vont permettre de passer de la dénotation à la
connotation.
Il semble très difficile d’être exhaustif sur les pratiques de la lecture d’images et il
n’existe sûrement pas qu’une seule méthode pour celle-ci. Cependant, il est possible de mettre
en place une démarche qui permette de construire cette lecture. D’après un article paru dans le
Journal des instituteurs, « Lire des images », on peut procéder de la façon suivante :
- dénoter pour décrire : « Toute lecture d’image requiert d’abord l’observation »12. C’est la
dénotation. On décrit ce que l’on observe, ce que l’on constate. Et le fait de décrire permet de
mettre en ordre les constats et de donner une prépondérance à telle ou telle partie d’une
image.
11 Ministère de l’Education Nationale, Qu’apprend-on à l’école élémentaire ?, 1ère éd, CNDP, XO Editions,
2002, p.259 12 Biville J., Popet A., Thibon H., « Lire des images » Journal des instituteurs, n°1519, juin 1998, p.62
15
- connoter pour analyser : les points soulevés au cours de la description doivent dépasser le
stade du constat pour prendre sens. C’est la connotation. Elle associe les significations des
différents éléments qui composent l’image. Comme l’expliquent Jackie Biville, Anne Popet et
Hervé Thibon dans leur article « Lire des images », « un certain nombre de notions […]
permettent de donner corps et solidité aux connotations. Elles constituent le fondement
majeur de la lecture de l’image. Elles sont autant d’outils pour cette activité de
déconstruction des lieux et du sens qu’organise la connotation »13. Et ce sont ces notions qui
garantissent le bon fonctionnement de l’analyse.
- associer pour synthétiser : l’analyse permet de donner du sens à l’image mais cela reste
encore assez éparpillé. Il faut mettre de l’ordre dans toutes les remarques qui ont été faites au
cours de l’analyse. Il va falloir lier entre elles ces remarques afin de construire un réseau de
sens. C’est pourquoi la phase de mise en commun avec les élèves est essentielle. Elle permet
au final d’aboutir à une synthèse.
Il me paraît enfin essentiel d’insister sur le fait que la lecture d’images ne doit pas se
limiter à une activité intellectuelle. C’est par l’activité manuelle que le « voir » se comprend.
En effet, c’est en faisant que les choses s’affinent, se comprennent. Les élèves doivent donc
en fabriquer eux-mêmes.
Activités manuelles et intellectuelles doivent donc être liées pour que l’éducation du regard
soit rendue possible.
2 – Description de ma pratique de classe :
Comme nous l’avons vu précédemment, le questionnement préalable est nécessaire
avant toute mise en place de travaux sur la lecture d’images. Il a été fondamental pour moi de
réfléchir d’abord à : qu’est-ce qu’une image ? Qu’est-ce que la lecture d’images ? Qu’est-ce
qu’une représentation ? Qu’est-ce que la réalité d’une image ?... Il fallait que je sache tout ce
que cela pouvait impliquer derrière.
Après avoir réfléchi dessus dans ma première partie, il a fallu que je m’interroge sur la façon
dont j’allais aborder le point de vue avec des élèves de CM1 / CM2.
13 Ibid., p.62
16
Dans l’ouvrage Petite fabrique de l’image, les auteurs définissent le point de vue comme « un
choix signifiant »14 c’est-à-dire qu’il correspond à une intention. Je me suis donc demandée
comment faire pour que les élèves comprennent qu’une image est une construction, que
derrière chacune d’elles, il y a une volonté agissante ?
J’en suis arrivée à la conclusion qu’il y avait plusieurs aspects de l’image à traiter : nature,
sens (orientation) et cadrage (impliquant les notions de champ et de hors-champ). En effet, si
l’on arrive à faire comprendre aux enfants que ces trois éléments influencent sur la lecture que
l’on fait de l’image ainsi que sur le sens qu’on lui donne, ils ne regarderont plus les images
avec le même œil.
Il faut également, si l’on souhaite que les élèves comprennent réellement qu’une image est
une construction, qu’ils en soient acteurs. Comme je l’ai dit précédemment, il faut lier activité
manuelle et intellectuelle pour permettre de fréquents aller et retour entre les deux.
C’est grâce à ce travail préalable que j’ai pu mettre en place ma séquence d’arts
visuels, que je vais maintenant présenter.
Cette dernière était inscrite à l’intérieur d’un projet pluridisciplinaire, qui avait pour but de
réaliser une exposition à travers le temps sur la commune dans laquelle j’ai effectué mon
stage. J’ai travaillé sur différents types d’images (reproductions d’œuvres d’art, illustrations,
photographies…) et j’ai également utilisé l’appareil photographique numérique,
principalement pour trois raisons :
- la première, c’est que la notion de cadrage est née avec l’apparition de la
photographie.
- la deuxième, c’est que l’utilisation du numérique permet de faire comprendre aux
enfants que même une image enregistrée peut être fabriquée.
- la troisième, c’est que les élèves peuvent l’utiliser pour prendre des photographies et
ainsi mieux comprendre les notions que l’on aura abordé car ils pourront manipuler et
seront acteurs de leurs propres images. D’ailleurs, d’après un article paru dans les
Cahiers pédagogiques, « Images », Serge Tisseron souligne que les technologies du
numérique permettent aux jeunes de ne plus être « seulement sollicités comme
consommateurs d’images, mais aussi comme producteurs d’images »15.
14 Fozza J.C., Garat A.M., Parfait F., Petite fabrique de l’image, MAGNARD, 1992, p.90 15 Malliet F., Tenier J., « Images » Cahiers pédagogiques, n°450, février 2007, p.32
17
Ma séance 1 concernait l’identification des images alors que les autres s’attachaient
essentiellement à leurs procédés de fabrication.
Ma première séance a été axée autour de la nature des images. En effet, il m’a paru
essentiel, avant tout travail plus pointu sur les images, que les enfants comprennent qu’elles
peuvent être de deux natures différentes : enregistrée ou fabriquée. J’ai donc proposé aux
élèves de classer des images en deux groupes (choisis d’abord par eux-mêmes puis en
donnant le critère images fabriquées / images enregistrées s’il n’est pas apparu dans leur
classement). Les élèves avaient à leur dispositions des magazines pour enfants, contenant
toutes sortes d’images : des illustrations, des dessins, des photographies… Ils devaient les
découper et les classer. Ceci a été suivi d’une mise en commun et d’une synthèse.
Ma deuxième séance avait pour objectif de faire comprendre aux enfants que le sens
d’une image influent sur la lecture que l’on en fait. A l’aide d’une silhouette, identique pour
tout le monde mais ayant un sens, une orientation différente (voir annexe 1), les élèves
devaient imaginer à quoi celle-ci leur faisait penser. Ils ont ensuite confronté leurs idées pour
aboutir à une synthèse.
Ma troisième séance avait pour but de montrer aux élèves que le cadrage influence sur
le sens que l’on donne à une image. Nous avons observé une reproduction de l’œuvre de Jean-
Baptiste Camille Corot, « Venise, la Piazzetta » (voir annexe 2), puis j’ai distribué à chaque
élève une feuille blanche avec une fenêtre découpée à l’intérieur. Je leur ai demandé de
chercher dans ce tableau l’endroit qu’ils aimeraient mettre en valeur, de le cadrer et de lui
donner un titre.
Il m’a semblé également très important, en abordant la notion de cadrage, de traiter du champ
et du hors-champ, car lorsque l’on parle de cadrage, on parle de la surface de représentation,
c’est-à-dire du champ de l’image.
J’ai alors proposé une activité aux enfants : après avoir observé une reproduction de l’œuvre
de Maria Baschkirtsev, « Un meeting » (voir annexe 3), les élèves ont du imaginer ce qu’il
pouvait y avoir autour. Les productions (voir annexe 4) ont été affichées au tableau et
expliquées par les élèves.
Après ces trois premières séances, je pense que les élèves avaient assez d’outils en main pour
fabriquer leurs propres images.
18
Ma quatrième séance a donc été centrée principalement sur la prise de photographies
afin que les élèves comprennent que derrière chaque image, il y a une intention, une volonté
agissante. Je les ai alors emmenés prendre des photographies d’une des façades du couvent
qui se trouvait juste à côté de l’école. A l’aide d’un appareil photographique numérique,
chaque enfant devait prendre un cliché de cette façade (ou partie de celle-ci) en tenant compte
du sens, du cadrage et du champ (voir annexe 5). Et chacun devait être capable de justifier
ses choix. Une fois les photographies développées, nous les avons affichées, nous avons
regroupé celles qui pouvaient avoir quelque chose de commun et chacun a explicité son point
de vue, les effets souhaités ainsi que ceux qui n’étaient pas intentionnels (flous, mauvais
cadrages…).
Nous avons ensuite observé d’autres photographies en se demandant, pour chacune d’elle, où
se trouvait l’auteur lorsqu’il l’a prise. Nous avons alors constaté que notre regard prenait alors
la place du point de vue du photographe.
Ma cinquième séance visait à faire prendre conscience aux élèves de l’intérêt d’un
questionnement pendant une réalisation plastique, en fonction de l’intention souhaitée. J’ai
proposé aux élèves d’imaginer à quoi pourrait ressembler leur commune dans deux cents ans.
Pour cela, ils disposaient de photographies de maisons et de rues de leur village, qu’ils avaient
réalisées auparavant. Ils devaient choisir une de ces images et la transformer (en la découpant,
en la déchirant, en ajoutant d’autres éléments, en n’en gardant qu’une partie, en la combinant
avec d’autres images …). Puis les productions (voir annexe 6) ont été affichées et discutées.
Ma dernière séance était une évaluation. Les enfants ont montré leur exposition sur la
commune à une autre classe. Ils devaient la présenter en expliquant le choix des
photographies et des productions réalisées et les effets qu’ils ont voulu produire.
J’ai essayé, par cette description de séquence, de commenter le plus succinctement possible
les actions et les activités réalisées en classe. Pour mieux comprendre comment les enfants
ont appris à éduquer leur regard, à devenir des producteurs et des lecteurs d’images, je vais
analyser ma séquence.
3 – Analyse de pratique :
Trois points essentiels me paraissent intéressants à étudier : la didactique, la pédagogie et les
notions à retenir.
19
Au niveau didactique :
• Les dispositifs mis en place pour aborder les notions de nature, sens, cadrage, champ,
hors-champ et point de vue :
- le classement effectué lors de la première séance a permis aux élèves de se poser des
questions sur la façon dont on pouvait regrouper les images. Il a permis une observation plus
fine, plus attentive des images rencontrées puisqu’il fallait trouver des éléments communs à
celles-ci. Cela a obligé les élèves à fixer leur regard, qui ne fait alors pas que balayer l’image,
mais qui s’arrête un instant sur une partie ou un élément de celle-ci. Cela contribue déjà à une
première éducation du regard dans la mesure où les images ne passent pas sans qu’on les voit.
On apprend à s’arrêter sur elles.
- l’utilisation d’une feuille blanche avec une fenêtre découpée à l’intérieur a permis aux
enfants de cadrer (je dirai même de recadrer) un élément de l’image. Ce qui revient à leur
demander de porter leur attention sur un seul élément ou une seule partie de l’image. Ils
donnent donc un point de vue de l’image.
- compléter une image pour la transformer a permis d’aborder les notions de champ et de
hors-champ. C’est alors, qu’ils ont appris qu’une image est bien plus que ce qu’elle montre.
Les élèves ont été amenés à s’apercevoir que si l’image possède une limite physique, notre
esprit sait lire au-delà. Le fait d’avoir relevé au préalable, ensemble, les indices permettant de
voir mentalement le reste de la scène qui est caché (la petite fille, les palissades, l’église, les
chemins…) a favorisé l’idée que l’on peut imaginer ce qui est hors-champ, en s’appuyant sur
des indices visuels. On se fabrique une image mentale que l’on peut décrire et dessiner, mais
qui n’est pas toujours fidèle à la réalité.
Je pense que ce dispositif n’était pas le plus adéquat car les élèves disposaient de l’image
entière, ce qui n’a pas permis de comparer leurs productions avec le document initial. Il me
semble qu’il aurait été plus intéressant de ne donner aux élèves qu’une partie de l’image. Ils
auraient imaginé et dessiné un hors-champ que l’on aurait pu comparer ensuite à l’image de
départ, ce qui aurait permis de montrer de quelle manière le champ induisait le hors-champ.
- la fabrication d’images à partir d’un appareil photographique numérique a permis de
renforcer l’idée qu’une image est une construction. En effet, après avoir donné aux élèves des
outils nécessaires à la fabrication d’images, ils ont pu être eux-mêmes acteurs, ce qui permet
une meilleure imprégnation et donc une meilleure compréhension. En prenant chacun des
photographies d’un même lieu, les enfants ont assimilé l’idée que pour qu’une photographie
existe, il a fallu qu’on la capture.
20
- la transformation d’images a permis aux élèves de se rendre compte de la nécessité de se
questionner au cours de la réalisation. En effet, quand on cherche à fabriquer quelque chose
de précis, il faut obligatoirement s’interroger sur les effets souhaités et par conséquent, sur
comment on va pouvoir les produire. C’est en les mettant dans cette situation de
questionnement qu’ils vont avoir un regard sur ce qu’ils produisent.
- l’évaluation m’a permis de me rendre compte de ce que les enfants avaient retenu sur le
travail concernant les images car ils ont du expliquer à des camarades d’une autre classe
pourquoi ils avaient fait ces choix d’images et quels effets ils avaient voulu produire.
- la liaison entre activité manuelle et intellectuelle n’a pas été réalisée dans les premières
séances. Les aller et retour n’ont donc pas pu toujours se faire.
• L’approche scientifique de l’image :
A chaque fois que nous avons rencontré ou fabriqué des images, nous avons utilisé la
démarche scientifique, qui consistait à observer, décrire, analyser et associer.
Dans chaque séance, il y avait une phase d’observation, de description. Le fait de décrire a
permis d’ordonner les constats pour prendre sens.
Grâce aux notions que j’ai fait découvrir aux élèves, ils ont pu passer de la simple phase de
dénotation à celle de connotation. Elles sont des outils nécessaires à la déconstruction de
l’image et permettent ainsi de donner du sens à l’image.
Je pense qu’au cours des séances, j’ai doté les élèves d’outils d’observation et d’analyse, afin
qu’ils dépassent leurs émotions premières et deviennent des lecteurs d’images.
Il a fallu ensuite lier les remarques faites durant l’analyse pour construire un réseau de sens.
Une approche scientifique, même en arts visuels, me semble donc nécessaire si l’ont veut
éduquer le regard des enfants et former leur esprit critique. C’est ainsi que l’on va leur
apprendre à devenir des citoyens qui comprennent le monde qui les entoure.
• Le choix des images :
J’ai utilisé, comme je l’ai précisé à la fin de ma première partie, des images :
- que les enfants ne connaissaient pas afin qu’ils acquièrent une culture commune.
- qu’ils connaissaient déjà (celles qu’ils ont fabriquées de leur commune) car je pense
qu’il est plus aisé pour les élèves de les déconstruire. L’image étant complexe, on a
besoin de passer par là afin de mieux la reconstruire.
J’ai choisi également différentes type d’images : illustrations, photographies, œuvres d’arts
pour montrer la diversité des images à voir.
21
Par contre, je ne pense pas qu’il ait été judicieux de choisir une silhouette pour ma deuxième
séance. En effet, il ne s’agit pas à proprement parler d’une image, mais plutôt d’un signe, d’un
pictogramme. Je voulais faire comprendre aux élèves qu’une image se regarde dans un certain
sens et comme je voulais quelque chose de flagrant, j’ai utilisé une silhouette. Et faire
découvrir cela avec des images courantes, c’était plus complexe. Il aurait été plus intéressant
de demander aux enfants de prendre des photographies d’un même espace en orientant
l’appareil numérique de différentes manières et de comparer les images obtenues. Ce travail
aurait permis également de traiter du format de l’image (format paysage et format portrait) et
de ces incidences sur la prise de vue.
Au niveau pédagogique :
Dans mes séances, j’ai favorisé le travail individuel pour tout ce qui concernait la fabrication
et la transformation d’images. Je pense que cela permettait à chaque enfant de s’approprier le
travail de façon personnelle. Cependant, il aurait été intéressant de faire réaliser, au cours
d’une de mes séances, un travail par petits groupes. Cela favorise davantage la confrontation
entre élèves et cela les obligent à argumenter leurs idées et donc à mieux les assimiler.
Les élèves ont pu, au cours de certaines séances, être eux-mêmes acteurs, ce qui permet une
meilleure imprégnation et donc une meilleure compréhension.
Les mises en commun ont permis la confrontation à plusieurs reprises et ont été
fondamentales pour remettre de l’ordre dans toutes les remarques qui ont été faites par les
élèves. Elles permettent d’aboutir à une synthèse et donc de retenir l’essentiel. Par exemple,
lors de la séance 3, j’ai demandé aux élèves de cadrer un élément de l’image et de
confronter leur choix avec celui de leurs camarades. Ils ont donc donné leur point de vue sur
l’image. Et comme celui-ci n’était pas le même que les autres enfants, ils en viennent plus
facilement à assimiler le fait que le cadrage influe sur le sens que l’on donne à l’image. Ils
comprennent alors qu’une image est une construction.
L’argumentation des choix est un facteur essentiel car il permet d’aboutir à une synthèse.
Lors de la séance 4 par exemple, chaque élève a pris une photographie d’un même lieu. Ils ont
dû argumenter leurs choix et en faisant cela, ils ont assimilé l’idée que pour qu’une
photographie existe, il a fallu qu’on la capture. On ne prend donc pas une photographie au
hasard, mais en fonction d’un point de vue, d’un effet souhaité par celui qui l’a prise. Il est
donc nécessaire que les élèves prennent conscience que même une image enregistrée est
fabriquée.
22
L’analyse plus approfondie de certaines œuvres d’artistes a permis de les confronter avec
leurs productions. Et ce n’est que par la confrontation répétée et attentive avec des images que
l’apprentissage de la lecture d’images est possible.
Au niveau notionnel :
J’ai fait découvrir aux élèves certaines composantes de l’image : nature, sens, cadrage,
champ et hors-champ. Ces notions sont essentielles si l’on veut permettre la connotation. Ce
sont elles qui garantissent le bon fonctionnement de l’analyse. Et les élèves ont besoin de ces
outils pour déconstruire une image et lui donner du sens.
Ces notions ont permis aux élèves de comprendre que toute image, même enregistrée, est une
construction, que derrière chacune d’elles, il y a une volonté agissante, un point de vue de
l’auteur.
En abordant ces notions, il y a eu nécessité d’amener les élèves à travailler sur les capacités à
observer, analyser, classer, comparer, imaginer, confronter, argumenter… Ces capacités
sont alors transversales puisque l’on peut les appliquer à d’autres disciplines scolaires.
Grâce à cette approche, les enfants ont pu donner du sens à ce qu’ils voyaient. Ceci a
contribué largement à une éducation du regard.
Cependant, certaines questions restent en suspend pour moi : donner du sens aux images est
extrêmement important, mais comment analyser la réaction des élèves face à l’image ? Peut-
on donner réellement tout son sens à une image ? Peut-on, même en utilisant des outils
d’observation et d’analyse, comprendre toute la signification d’une image ?
Comme nous l’avons vu dans les instructions officielles de 2002, l’image, même si elle est un
contenu spécifique des arts visuels, est utilisée dans beaucoup d’autres disciplines à l’école.
Et on peut y appliquer l’approche scientifique vue précédemment en arts visuels, c’est-à-dire
mettre en place des outils pour passer de la dénotation à la connotation. C’est donc une
approche transversale de la lecture d’images que je propose ici.
23
III – Une approche transversale de la lecture d’images :
Quatre disciplines utilisent fréquemment les images au cycle 3 : la littérature, l’histoire, la
géographie et l’éducation civique. Pour des raisons de temps et de choix personnels, j’ai
décidé d’aborder la lecture d’images en géographie ainsi qu’en littérature. Je traiterai plus
particulièrement de la lecture de paysage en géographie et du lien texte / image en littérature.
1 – La lecture de paysages en géographie :
J’ai travaillé avec les élèves de CM1 / CM2, au cours de mon stage en responsabilité,
sur la lecture de paysages ruraux et industriels, en lien avec le projet pluridisciplinaire
(exposition à travers le temps sur la commune où j’étais en stage).
J’ai utilisé la photographie de paysages car je sais qu’il est important que les élèves
comprennent qu’elle n’est pas construite au hasard mais qu’elle est réalisée en fonction des
intentions de l’auteur. Par exemple, deux photographies distinctes représentant un même
paysage peuvent donner une idée fort différente de cet espace.
Comme en arts visuels, accéder à la compréhension d’une image est un acte qui suppose un
apprentissage méthodique se basant sur des outils de lecture. L’approche scientifique étudiée
en arts visuels peut donc être appliquée en géographie.
a – Description de ma pratique de classe :
Il ne me paraît pas important d’expliquer toute la séquence parce que certaines séances ont le
même objectif de méthode et procèdent par conséquent à la même démarche.
Les séances 1 et 3 me semblent importantes. La première est celle qui va mettre en place
l’apprentissage méthodique de la lecture de photographie de paysages et la troisième est celle
qui va permettre de comprendre que deux photographies d’un même espace peuvent ne pas
avoir la même signification.
La séance 1 a commencé par l’observation et la description d’un paysage d’openfield (voir
annexe 7). La notion de point de vue a ensuite été abordée : les élèves ont cherché à situer la
place du photographe (où était-il quand il a pris la photographie ?). Il s’agissait ici d’une
photographie aérienne Les enfants devaient comprendre l’importance de cette vue aérienne :
24
elle permet d’avoir une vue d’ensemble d’une grande partie d’un territoire et facilite donc
l’étude de la composition d’un paysage d’openfield (champs de forme plus ou moins
géométrique, non clôturés et séparés par des chemins larges et rectilignes, avec des habitats
regroupés…).Une vue au sol n’aurait pas permis cela.
La séance 3 consistait à montrer deux photographies de l’ancienne filature de la commune et à
les comparer. J’en ai choisi deux bien spécifiques : l’une représentait la filature en friche (voir
annexe 8) et l’autre, du même auteur, montrait la filature sous un autre angle mettant en
évidence la seule partie de l’usine qui a été reconvertie en magasin de vente de vin (voir
annexe 9).
b – Analyse de pratique :
Au niveau didactique :
• Les dispositifs mis en place pour aborder la notion de point de vue :
- la vue aérienne était un bon point de départ. En se mettant à la place de celui qui a pris la
photographie, les élèves ont compris l’intérêt d’une telle prise de vue. Le photographe avait
pris ce cliché pour montrer à quoi ressemblait un paysage d’openfield.
Je pense qu’il aurait été intéressant de montrer aux élèves une photographie de cet espace vu
du sol pour qu’ils la comparent avec la vue aérienne. Ils auraient ainsi mieux compris la
nécessité d’une vue d’ensemble si l’on veut étudier la composition d’un certain type de
paysage.
Il aurait été également judicieux de réaliser un croquis de ce type de paysage afin d’opérer
une lecture parcellaire du paysage, ce qui aurait faciliter la lecture d’images.
- le travail de comparaison d’images réalisé au cours de la troisième séance a permis aux
élèves de comprendre que même les photographies de paysage sont réalisées en fonction
d’intentions. Les enfants ont très vite compris que l’une « dénonçait » les problèmes
industriels (friche), alors que l’autre tentait de redorer l’image de cette usine en montrant sa
reconversion. Cette compréhension vise à montrer que les élèves ne font pas que simplement
observer deux images, ils les confrontent pour mieux les analyser. C’est en cela qu’ils
deviennent des lecteurs d’images.
- les activités manuelles et intellectuelles n’ont pas été en lien dans cette séquence. Il n’y a eu
que du travail intellectuel. C’est pourquoi j’ai proposé précédemment de réaliser un croquis
25
du paysage d’openfield. Cela aurait permis un va-et-vient entre le dessin et la photographie,
ce qui aurait faciliter davantage la compréhension.
Pour la séance 3, j’aurai pu proposer aux élèves de prendre chacun une photographie de la
filature pour montrer son état de friche et une photographie de celle-ci pour la mettre en
valeur. En se mettant à la place du photographe, les enfants auraient mieux cerné les enjeux
de la prise de vue et auraient davantage compris qu’il s’agissait d’intentions volontaires de la
part de l’auteur. L’image, même enregistrée, est donc fabriquée.
• L’approche scientifique :
Dans les deux séances, l’approche scientifique de la lecture d’images a été mise en place :
observation et description, analyse, synthèse.
La première séance était une « pure » application de la démarche scientifique. Elle a permis
de faire comprendre aux élèves qu’elle peut être réutilisée ailleurs que dans le domaine des
arts visuels et qu’elle fonctionne tout aussi bien.
Le passage à la connotation a été cependant plus difficile qu’en arts visuels car ils ne
disposaient d’aucun moyen visuel permettant l’analyse. L’image étant polysémique, il a fallu
l’accompagner de deux petits textes traitant du remembrement et des raisons de l’habitat
groupé pour que l’analyse puisse se faire. L’image ne permet donc pas toujours de tout
expliquer. Le lien avec l’écrit est parfois indispensable.
• Le choix des images :
Dans le choix de mes images, je n’ai utilisé ici que des photographies. Leur but est de donner
des informations au lecteur. L’image n’est donc pas construite de la même façon que celles
qui sont faites pour rêver par exemple.
Pour comprendre de quoi est composé un paysage d’openfield, il valait mieux prendre une
vue aérienne pour mettre en évidence les champs, les chemins et les villages. Une vue du sol
n’aurait permis que d’identifier certains éléments.
Pour la comparaison d’images, j’ai pris deux images d’un même espace avec des vues
différentes afin d’insister sur le fait que l’on peut avoir une idée très différente de l’espace
représenté en fonction des intentions de l’auteur, c’est-à-dire de son point de vue. Grâce à
cela, les élèves peuvent prendre du recul par rapport à ce qu’ils voient car ils ont compris que
même une photographie qui représente le réel est une construction.
J’ai également varié images inconnues des élèves (paysage d’openfield) et images connues
(filature de leur village). Les premières permettent de faire découvrir aux élèves des paysages
26
éloignés et souvent inaccessibles alors que les secondes permettent une observation plus fine,
une meilleure déconstruction de l’image puisqu’ils peuvent faire une comparaison avec leur
réalité.
J’aurai pu également prendre des images artistiques pour étudier le paysage. Mais dans ce cas,
celle-ci est utilisée comme image documentaire et non plus comme image artistique. Se pose
alors la question du référent à l’image.
Au niveau notionnel :
Nous avons abordé les notions de point de vue, de prise de vue, de vue aérienne. Ces outils
permettent aux élèves d’analyser l’image. L’analyse garantie alors la bonne compréhension
puisque les enfants ont compris que même une photographie de paysage est née d’une volonté
agissante et par conséquent d’un point de vue.
En abordant ces notions, il y a eu nécessité d’amener les élèves à travailler sur les capacités à
observer, analyser, comparer. Celles-ci ont été déjà abordées en arts visuels et comme je
l’ai expliqué, elles sont transversales. On en retrouve donc certaines ici.
L’enseignement de la géographie à l’école accorde une large priorité à l’image et la
photographie est l’un des principaux éléments pour étudier le paysage. Elle représente le réel
mais, comme en arts visuels, elle est née d’un choix, d’une volonté agissante de son auteur.
2 – L’album : le lien texte / image :
Comme nous l’avons vu précédemment dans une des séances de géographie, le lien
texte / image peut être très intéressant à étudier. Au cours de la lecture d’images, il est
important de tenir compte du texte qui l’accompagne pour éviter de faire des contresens dans
l’interprétation. Et souvent, l’image apporte des informations complémentaires au texte. Le
rapport texte / image est donc intéressant de ce point de vue là. Et quoi de mieux que l’album
pour aborder ce rapport ?
Etant en CM1 / CM2, j’ai décidé de m’appuyer sur l’album Une histoire à quatre voix,
d’Anthony Browne, pour plusieurs raisons :
- il est avant tout très riche concernant le rapport texte / image.
- les images, dans cet album, expriment la psychologie des personnages.
- la présence abondante d’icônes favorise le développement d’une analyse fine de
l’image et permet donc aux élèves de comprendre que le sens d’une œuvre littéraire
27
n’est pas immédiatement accessible mais que le travail d’interprétation (et donc de
connotation) est nécessaire.
a – Description de ma pratique de classe :
Parmi les séances travaillées, l’une traite du lien texte / image.
Dans cette séance, il fallait mettre en évidence la relation texte / image en découvrant
progressivement la cohérence du récit. Pour cela, chaque élève disposait de deux images
extraites de l’album, toutes différentes d’un enfant à l’autre. J’ai lu les quatre voix de
l’histoire et à la fin de la lecture de chacune d’elles, les élèves pouvaient venir afficher leurs
images en dessous de la voix qui correspondait. Ce travail a été suivi d’une mise en commun
et d’une validation par une lecture de l’album dans son intégralité, en montrant les images.
J’ai mis en place une autre séance, qui ne concerne pas la relation texte / image mais qui je
pense, peut être intéressante. Il s’agit d’une étude comparative de deux images (voir annexe
10) permettant de comprendre, à travers le procédé de l’illustrateur, que les images expriment
la psychologie des personnages.
J’ai divisé la classe en deux groupes et chaque élève reçoit une image (la même pour chaque
groupe mais différente d’un groupe à l’autre). J’ai affiché un tableau comparatif des deux
images (voir annexe 11) et les élèves devaient le compléter. Une fois le tableau rempli, les
élèves devaient observer les deux colonnes et donner un titre à chacune.
b - Analyse de pratique :
Au niveau didactique :
• Les dispositifs mis en place :
- en passant d’abord par les images pour découvrir progressivement le texte, la relation texte
/ image a pu être mise en évidence. Cette séance a contribué également à une lecture fine de
l’image. En effet, certaines images n’étaient pas évidentes à placer si on ne les observait pas
attentivement car seuls de petits détails permettaient de savoir à quelle voix appartenait
l’image. On a donc travaillé la prise d’indices, qui nous a permis de lier le texte à l’image.
- la séance de comparaison d’images n’a pas été évidente à comprendre pour les élèves car
ils ont souvent l’habitude, dans les albums, de trouver des images qui illustrent le texte. Ce
n’était pas le cas ici, puisque qu’elles traduisaient les sentiments des personnages, ce qui peut
28
paraître déroutant. L’illustrateur a montré, à travers ses procédés, que l’image peut avoir une
fonction autre que celle d’illustration. Il nous montre son point de vue, sa propre
interprétation du texte par les images. Là encore, il faut interpréter les images si l’on veut
mieux les comprendre.
• La démarche scientifique :
Les deux séances décrites précédemment se base elles aussi sur une approche scientifique de
l’image. Il a fallu observer, décrire, analyser et synthétiser. Il a été nécessaire de travailler
sur la prise d’indices pour comprendre que l’auteur nous fait découvrir, au travers de ses
illustrations, ce que pensent les personnages.
Ces deux séances permettent de remédier aux problèmes liés à la fonction de l’image dans la
littérature de jeunesse. L’image n’est pas toujours qu’illustrative. Elle est aussi expressive et
peut alors s’interpréter comme une œuvre d’art. La démarche scientifique y a alors tout son
sens.
• Le choix des images :
Pour la deuxième séance, j’ai pris deux images qui me paraissaient très intéressantes à étudier
car elles abondaient d’indices iconiques. En faisant une étude comparative des formes, des
couleurs, des personnages…, on arrivait à comprendre l’évolution des sentiments d’un des
personnages de l’histoire.
Au niveau pédagogique :
Le travail a d’abord été individuel lors de la première séance. Je voulais que chacun puisse
s’approprier l’histoire par les images.
Lors de la deuxième séance, les élèves ont travaillé en groupe. J’interrogeais les groupes à
tour de rôle en leur demandant d’argumenter leur choix. La confrontation répétée avec les
images et l’argumentation que les élèves ont du donner pour justifier leurs choix a permis aux
enfants d’apporter déjà une première analyse de l’image. Là aussi, il faut être capable de
passer de la simple dénotation à la connotation.
Au niveau notionnel :
Dans ces deux séances, je n’ai pas apporté de nouvelles notions aux élèves. Le travail était
surtout axé sur la prise d’indices.
29
Je pense que de nouvelles notions auraient pu être abordées avec les élèves, comme la
profondeur de champ par exemple ou encore l’échelle de plans. De plus, cet album s’y prêtait
tout à fait. L’image ne pouvant pas fixer la troisième dimension, il aurait été intéressant de
voir comment l’auteur joue avec l’illusion pour nous donner cette sensation de profondeur.
On aurait pu également analyser les différents plans de certaines images de l’album et montrer
que ces cadrages sont volontaires, qu’ils ont leur importance dans la construction du sens
d’une image.
Comme en arts visuels, la lecture d’images en géographie et en littérature de jeunesse doit
passer par une approche scientifique et celle-ci est valable dans les autres disciplines utilisant
l’image et travaillant la lecture de celle-ci (en sciences ou en éducation civique par exemple).
Et ce n’est qu’en procédant par une approche scientifique que l’on arrive à passer d’une
simple observation à une analyse de l’image. Ainsi, les élèves comprennent mieux le monde
qui les entoure, voire même ce que l’on dit du monde.
30
CONCLUSION
L’image est omniprésente dans notre société. De par sa force, sa magie, elle a une
grande influence sur les personnes. Il est donc essentiel d’apprendre aux enfants à lire ces
images, à éduquer leur regard afin qu’ils comprennent mieux le monde qui les entoure.
J’ai donc tenté, à travers ce mémoire, de mettre en place des dispositifs afin d’aider les élèves
à éduquer leur regard pour que ceux-ci se nourrissent intelligemment des images, qu’ils
deviennent de véritables lecteurs.
J’ai tiré plusieurs constats de cette expérience :
- l’image étant un élément complexe, on ne peut pas tout aborder. Il faut donc attaquer par un
angle puis on va du particulier vers le général. Sinon, on ne reste que dans des généralités car
on ne peut pas faire de lien. J’ai donc choisi de n’aborder que l’image fixe et mon entrée a été
celle du point de vue.
- j’ai pris conscience de l’importance d’un questionnement préalable avant tout travail sur la
lecture d’images. En effet, on ne peut pas l’aborder si on ne traite pas les questions de
représentation et de réalité de l’image. Ces deux notions sont essentielles à tout travail sur
l’image.
- j’ai expliqué, à travers ma pratique de classe, l’importance d’une approche scientifique de
l’image si l’on ne veut pas que les émotions prennent le dessus. Cette approche peut s’adapter
à n’importe quelle discipline traitant la lecture d’images. Elle est donc transversale et dote les
élèves d’outils d’observation et d’analyse qui leur permettent de déconstruire une image afin
de pouvoir la connoter. Ils peuvent alors prendre conscience qu’une image (fabriquée ou
enregistrée) est une construction, qu’elle dépend du point de vue de son auteur et de ce qu’il
veut faire passer.
- la question du choix des images est aussi un facteur essentiel pour l’éducation du regard. Il
faut à la fois choisir des images inconnues des élèves afin de construire une culture commune
mais également des images connues des élèves pour mieux les déconstruire.
- l’importance du lien entre activité intellectuelle et activité manuelle. L’activité intellectuelle
seule ne suffit pas. C’est en faisant que le voir se comprend.
31
- j’ai également compris que l’image a ses limites. Même si on analyse une image, on ne
pourra jamais en comprendre tout son sens. J’ai découvert aussi, en étudiant les notions de
champ et de hors-champ, qu’une image limite ce que l’on peut connaître d’elle.
Tout ceci favorise l’éducation du regard. Cela va même plus loin : cela permet de se former
en tant que citoyen et même en tant qu’être humain.
Pour finir, je dirais que le partenariat est un atout non négligeable pour l’enseignant. Il est
important de faire venir des professionnels (artistes peintres, photographes, cinéastes…) à
l’école. Cela permet également aux élèves de mettre un visage sur ces spécialistes. L’école
doit s’ouvrir au monde des images fabriqué par des professionnels pour mieux le comprendre.
32
BIBLIOGRAPHIE
Les documents officiels : Ministère de l’Education Nationale, Qu’apprend-on à l’école maternelle ?, 1ère éd,
CNDP, XO Editions, 2002, 159 p.
Ministère de l’Education Nationale, Qu’apprend-on à l’école élémentaire ?, 1ère éd,
CNDP, XO Editions, 2002, 287 p.
Ministère de l’Education Nationale, Ecole et collège : Tout ce que nos enfants doivent
savoir, CNDP, XO Editions, 2006, 60 p.
Les ouvrages : Le petit Robert, dictionnaire de la langue française, Paris, 2003, 2949 p.
BATTUT, Eric, BENSIMHON, Daniel, Lire et comprendre les images à l’école, 3è
éd, Paris, RETZ, 2006, 176 p.
FOZZA, Jean-Claude, GARAT, Anne-Marie, PARFAIT, Françoise, Petite fabrique de
l’image, MAGNARD, 2003, 254 p.
DEBRAY, Régis, Vie et mort de l’image, GALLIMARD, 1992, 526 p.
Les ouvrages de littérature de jeunesse :
BROWNE, Anthony, Une histoire à quatre voix, KALEIDOSCOPE, 2004, 40 p.
Les articles de revue :
BIVILLE, Jackie, POPET, Anne, THIBON, Hervé. « Lire des images » Journal des
instituteurs, 1998, N°1519, p.61-76.
MALAIZE, Sophie. « La lecture d’images à l’école maternelle » Education enfantine,
2000, N°1023, p.60-70.
MALLIET, François, TENIER, Jacques. « Images » Cahiers pédagogiques, 2007,
N°450, p.7-55.
33
Bibliographie justifiée :
J’ai choisi l’ouvrage d’Eric Battut et de Daniel Bensimhon, Lire et comprendre les
images à l’école, car c’est celui qui m’a le plus aidé tout au long de mon mémoire. Il propose
à la fois des apports théoriques et des activités, dans plusieurs disciplines, concernant la
lecture et la compréhension des images à l’école pour les cycles 2 et 3.
C’est une mine d’idées pour la pratique de la lecture d’images en classe et il regorge de
ressources iconographiques. Il m’a permis de mieux comprendre les notions liées au point de
vue, comme le cadrage, le champ et le hors-champ par exemple, ce qui était essentiel pour
mon mémoire. C’est un guide de réflexion car il m’a fait comprendre qu’une image n’a pas
qu’une seule fonction et que plusieurs lectures peuvent en être faites.
Il m’a également aidé dans le choix de mes images. En effet, il n’est pas toujours évident,
même si l’on sait ce que l’on veut faire comprendre aux enfants, de trouver les bonnes
images.
Il a un très grand intérêt pour la profession car il aborde beaucoup de notions en relation avec
la lecture d’images.
J’ai choisi également la revue de Jackie Biville, Anne Popet et Hervé Thibon, « Lire
des images ». Elle propose une démarche de lecture ainsi que des activités concrètes
permettant de mettre en évidence ce qui est intéressant à découvrir dans une image. Elle
souligne aussi la possibilité de savoir ce qui est abordable ou non à l’école primaire.
Je me suis plus particulièrement appuyée sur les pages 62 à 64, car c’est grâce à ce passage
que j’ai clairement compris ce qu’était une approche scientifique de la lecture d’images. Je
savais qu’il fallait passer par des étapes de description et d’analyse mais j’ai appris qu’il était
aussi important de mettre de l’ordre dans les remarques faites lors de l’analyse. Il ne suffit pas
de faire une mise en commun pour montrer ce qui a été réalisé. Il faut relier ces remarques, les
associer, voire les confronter afin que les élèves puissent construire du sens. J’ai donc utilisé
cette proposition d’approche scientifique de l’image pour mes pratiques de classe.
Ce passage m’a également conforté dans mon idée qu’activité intellectuelle et activité
manuelle doivent être liées. L’une ne va pas sans l’autre. Pour que les enfants apprennent à
lire des images, il faut qu’ils participent activement à leur réalisation.
34
TABLE DES ANNEXES
Annexe 1 : silhouettes proposées au élèves.
Annexe 2 : Maria Baschkirtsev, « Un meeting », 1884, huile sur toile, 193 x 170 cm, musée
d’Orsay, Paris.
Annexe 3 : Jean-Baptiste Camille Corot, « Venise, la Piazzetta », 1834, huile sur toile, 20 x
34 cm, musée du Louvre, Paris.
Annexe 4 : quelques productions d’élèves à partir de l’œuvre de Maria Baschkirtsev
Annexe 5 : quelques productions d’élèves sur la prise de photographies d’une façade du
couvent.
Annexe 6 : quelques productions d’élèves sur la transformation d’images.
Annexe 7 : vue aérienne d’un paysage d’openfield du nord-est de la France.
Annexe 8 : photographie de la filature en friche, 2004.
Annexe 9 : photographie d’une partie de la filature reconvertie en magasin de vente de vin,
2004.
Annexe 10 : deux images extraites de l’album d’Anthony Browne, « Une histoire à quatre
voix ».
Annexe 11 : tableau comparatif de deux images.
35