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Revue du rhumatisme 79 (2012) 460–463 Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com Fait clinique Efficacité de l’anakinra dans le traitement de l’arthrite réfractaire aiguë induite par cristaux de PPCa Anna Moltó a , Hang-Korng Ea a,,b,c , Pascal Richette a,b,c , Thomas Bardin a,b,c , Frédéric Lioté a,b,c a Pôle appareil locomoteur, fédération de rhumatologie, centre Viggo-Petersen, hôpital Lariboisière, AP–HP, 2, rue Ambroise-Paré, 75010 Paris, France b Université Paris-Diderot, Sorbonne-Paris Cité, 75205 Paris, France c Inserm, UMR 606, 75010 Paris, France info article Historique de l’article : Accepté le 19 janvier 2012 Disponible sur Internet le 15 mai 2012 Mots clés : Anakinra Cristaux de pyrophosphate de calcium Arthrite réfractaire Traitement Interleukine-1 résumé L’arthrite aiguë, induite par des dépôts de cristaux de pyrophosphate de calcium (PPCa) et d’urate de sodium, implique la production et l’activation d’interleukine-1. L’efficacité d’un traitement inhibant l’activité de l’interleukine-1 (au moyen d’un antagoniste du récepteur de l’interleukine-1 [anakinra] ou d’anticorps anti-interleukine-1) est bien documentée dans le cas des crises de goutte, mais n’a été rapportée que deux fois au cours des arthrites à cristaux de PPCa. Nous rapportons ici cinq cas (quatre hommes, âge moyen 71 ± 27 ans) d’arthrite à cristaux de PPCa avec résistance et/ou intolérance aux traitements usuels, et traités de manière efficace par anakinra. Le diagnostic a été confirmé par l’identification des cristaux de PPCa dans le liquide synovial. Les oligoarthrites induites par les cristaux de PPCa (n = 4) et la polyarthrite (n = 1) étaient réfractaires aux traitements conventionnels, incluant les AINS, la colchicine et les stéroïdes (administration systémique ou injection intra-articulaire). Après avoir écarté toute infection latente, l’anakinra, à la dose de 100 mg/j, a été administré en sous-cutané pendant trois jours. Quatre patients ont montré une réponse clinique et biologique rapide, trois jours en moyenne après le traitement. L’anakinra a procuré un soulagement satisfaisant de la douleur articulaire (score à l’inclusion sur une échelle visuelle analogique [EVA] 0–100 mm égal à 60 ± 17 mm, résultat après traite- ment 10 ± 10 mm) et a entraîné une diminution du taux de la protéine C-réactive (de 58 ± 43 à 5 ± 2 mg/L). Cette molécule a été bien tolérée. Une réaction cutanée au site d’injection a été observée, mais il n’y a pas eu d’infection. L’anakinra s’est révélé efficace et bien toléré dans cette petite série de patients présentant une arthrite à cristaux de PPCa réfractaire aux traitements conventionnels. © 2012 Société Française de Rhumatologie. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. 1. Introduction Les personnes âgées présentent fréquemment des dépôts de cristaux de pyrophosphate de calcium (PPCa). La prévalence de tels dépôts augmente avec l’âge, atteignant 17,5 % après 80 ans. Au cours de l’arthrose du genou, le liquide articulaire prélevé au moment de l’arthroplastie totale contient des cristaux de PPCa dans 25 % à 43 % des cas [1]. Bien que souvent asymptomatiques, les dépôts de cristaux PPCa peuvent être associés à une arthrite aiguë mono- ou oligoarticulaire et, plus rarement, à une polyarthrite chronique et à une arthropathie destructrice. Les arthrites aiguës induites par cristaux de PPCa et d’urate de sodium (UMS) partagent plusieurs caractéristiques communes tant cliniques que physiopathogéniques. Elles dépendent toutes DOI de l’article original : 10.1016/j.jbspin.2012.01.010. Ne pas utiliser, pour citation, la référence franc ¸ aise de cet article, mais la réfé- rence anglaise de Joint Bone Spine ci-dessus. Auteur correspondant. Adresses e-mail : [email protected], [email protected] (H.-K. Ea). deux de la production et de l’activation de l’interleukine (IL)-1 [2]. Les traitements habituels des crises de goutte et de pseudo- goutte sont la colchicine, les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) et les corticostéroïdes systémiques ou intra-articulaires (CS). Cependant, chez les patients âgés, ces médicaments comportent des risques ou sont contre-indiqués, ou ne peuvent pas être utili- sés à la dose optimale. Il est ainsi nécessaire de disposer d’autre option thérapeutique. Bien que l’efficacité de l’inhibition de l’IL- 1 dans les crises de goutte soit actuellement bien connue, son effet dans les arthrites à cristaux de PPCa n’a été rapporté que dans deux faits cliniques seulement [3,4]. L’activité de l’IL-1 peut être bloquée par l’administration d’un antagoniste du récepteur de l’IL-1 (IL-1ra), d’un récepteur soluble de l’IL-1 ou d’un anti- corps anti-IL-1 [5]. L’anakinra, IL-1ra recombinant, est efficace dans les attaques de goutte [6] et est largement utilisé pour le traitement de l’arthrite juvénile systémique et des syndromes auto-inflammatoires, avec une injection quotidienne de 100 mg [5,6]. Nous rapportons une série de cinq patients atteints d’arthrite à cristaux de PPCa réfractaire aux traitements usuels et traités avec efficacité par l’anakinra. 1169-8330/$ – see front matter © 2012 Société Française de Rhumatologie. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.rhum.2012.03.002

Efficacité de l’anakinra dans le traitement de l’arthrite réfractaire aiguë induite par cristaux de PPCa

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Revue du rhumatisme 79 (2012) 460–463

Disponible en ligne sur

www.sciencedirect.com

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fficacité de l’anakinra dans le traitement de l’arthrite réfractaire aiguë induitear cristaux de PPCa�

nna Moltóa, Hang-Korng Eaa,∗,b,c, Pascal Richettea,b,c, Thomas Bardina,b,c, Frédéric Liotéa,b,c

Pôle appareil locomoteur, fédération de rhumatologie, centre Viggo-Petersen, hôpital Lariboisière, AP–HP, 2, rue Ambroise-Paré, 75010 Paris, FranceUniversité Paris-Diderot, Sorbonne-Paris Cité, 75205 Paris, FranceInserm, UMR 606, 75010 Paris, France

n f o a r t i c l e

istorique de l’article :ccepté le 19 janvier 2012isponible sur Internet le 15 mai 2012

ots clés :nakinraristaux de pyrophosphate de calciumrthrite réfractaireraitementnterleukine-1

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L’arthrite aiguë, induite par des dépôts de cristaux de pyrophosphate de calcium (PPCa) et d’urate desodium, implique la production et l’activation d’interleukine-1�. L’efficacité d’un traitement inhibantl’activité de l’interleukine-1� (au moyen d’un antagoniste du récepteur de l’interleukine-1 [anakinra]ou d’anticorps anti-interleukine-1�) est bien documentée dans le cas des crises de goutte, mais n’aété rapportée que deux fois au cours des arthrites à cristaux de PPCa. Nous rapportons ici cinq cas(quatre hommes, âge moyen 71 ± 27 ans) d’arthrite à cristaux de PPCa avec résistance et/ou intoléranceaux traitements usuels, et traités de manière efficace par anakinra. Le diagnostic a été confirmé parl’identification des cristaux de PPCa dans le liquide synovial. Les oligoarthrites induites par les cristauxde PPCa (n = 4) et la polyarthrite (n = 1) étaient réfractaires aux traitements conventionnels, incluant lesAINS, la colchicine et les stéroïdes (administration systémique ou injection intra-articulaire). Après avoirécarté toute infection latente, l’anakinra, à la dose de 100 mg/j, a été administré en sous-cutané pendanttrois jours. Quatre patients ont montré une réponse clinique et biologique rapide, trois jours en moyenneaprès le traitement. L’anakinra a procuré un soulagement satisfaisant de la douleur articulaire (score à

l’inclusion sur une échelle visuelle analogique [EVA] 0–100 mm égal à 60 ± 17 mm, résultat après traite-ment 10 ± 10 mm) et a entraîné une diminution du taux de la protéine C-réactive (de 58 ± 43 à 5 ± 2 mg/L).Cette molécule a été bien tolérée. Une réaction cutanée au site d’injection a été observée, mais il n’y a paseu d’infection. L’anakinra s’est révélé efficace et bien toléré dans cette petite série de patients présentant

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une arthrite à cristaux de© 2012 Société Fr

. Introduction

Les personnes âgées présentent fréquemment des dépôts deristaux de pyrophosphate de calcium (PPCa). La prévalence de telsépôts augmente avec l’âge, atteignant 17,5 % après 80 ans. Au course l’arthrose du genou, le liquide articulaire prélevé au momente l’arthroplastie totale contient des cristaux de PPCa dans 25 % à3 % des cas [1]. Bien que souvent asymptomatiques, les dépôts deristaux PPCa peuvent être associés à une arthrite aiguë mono- ouligoarticulaire et, plus rarement, à une polyarthrite chronique etune arthropathie destructrice.

Les arthrites aiguës induites par cristaux de PPCa et d’uratee sodium (UMS) partagent plusieurs caractéristiques communesant cliniques que physiopathogéniques. Elles dépendent toutes

DOI de l’article original : 10.1016/j.jbspin.2012.01.010.� Ne pas utiliser, pour citation, la référence francaise de cet article, mais la réfé-ence anglaise de Joint Bone Spine ci-dessus.∗ Auteur correspondant.

Adresses e-mail : [email protected], [email protected] (H.-K. Ea).

169-8330/$ – see front matter © 2012 Société Française de Rhumatologie. Publié par Elsoi:10.1016/j.rhum.2012.03.002

réfractaire aux traitements conventionnels.se de Rhumatologie. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

deux de la production et de l’activation de l’interleukine (IL)-1�[2]. Les traitements habituels des crises de goutte et de pseudo-goutte sont la colchicine, les anti-inflammatoires non stéroïdiens(AINS) et les corticostéroïdes systémiques ou intra-articulaires (CS).Cependant, chez les patients âgés, ces médicaments comportentdes risques ou sont contre-indiqués, ou ne peuvent pas être utili-sés à la dose optimale. Il est ainsi nécessaire de disposer d’autreoption thérapeutique. Bien que l’efficacité de l’inhibition de l’IL-1� dans les crises de goutte soit actuellement bien connue, soneffet dans les arthrites à cristaux de PPCa n’a été rapporté quedans deux faits cliniques seulement [3,4]. L’activité de l’IL-1� peutêtre bloquée par l’administration d’un antagoniste du récepteurde l’IL-1 (IL-1ra), d’un récepteur soluble de l’IL-1� ou d’un anti-corps anti-IL-1� [5]. L’anakinra, IL-1ra recombinant, est efficacedans les attaques de goutte [6] et est largement utilisé pour letraitement de l’arthrite juvénile systémique et des syndromesauto-inflammatoires, avec une injection quotidienne de 100 mg

[5,6].

Nous rapportons une série de cinq patients atteints d’arthrite àcristaux de PPCa réfractaire aux traitements usuels et traités avecefficacité par l’anakinra.

evier Masson SAS. Tous droits réservés.

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Fig. 1. Valeurs moyennes du taux de protéine C-réactive (en haut) et de l’intensitéde la douleur sur une échelle visuelle analogique (EVA) graduée de 0- à 100-mm

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. Méthodes

Nous avons identifié rétrospectivement cinq patients présen-ant une arthrite induite par cristaux de PPCa et ayant recu de’anakinra entre 2008 et 2011. L’anakinra a été prescrit suite à’échec des traitements habituels, et les patients ont accepté ce trai-ement après avoir recu les informations sur son efficacité et sesisques délivrées par leurs rhumatologues, tous affiliés à un centreospitalier universitaire. Avant l’injection d’anakinra, toute infec-ion latente a été exclue par l’examen clinique, une analyse desrines, des test sérologiques pour les hépatites B et C et les virusIH 1 et 2, un panoramique dentaire, une radiographie de thorax etne intradermoréaction à la tuberculine. Le diagnostic d’arthritecristaux de PPCa était basé sur l’identification de ces cristaux

ans le liquide articulaire [7,8]. Les données démographiques etelatives à la maladie ont été recueillies par analyse systématiquees dossiers médicaux au moyen d’une fiche de données formatée.a douleur articulaire globale a été auto-évaluée sur une échelleisuelle analogique (EVA) graduée de 0- à 100-mm avant (dans touses dossiers médicaux, 24 heures avant ou le jour même) et après’injection d’anakinra (dans les dossiers médicaux, 48 heures aprèsa première injection ou lors d’une consultation externe dans unélai de deux semaines après l’injection). Les taux sanguins de larotéine C-réactive (CRP) ont été évalués aux même échéances que

a douleur.

. Résultats

Cinq patients (dont quatre hommes) présentant une arthritenflammatoire à cristaux de PPCa, résistante aux traitements stan-ard, ont recu de l’anakinra, 100 mg/j, pendant trois jours, commeapporté par So et al. dans le traitement des crises de goutte6]. Les caractéristiques démographiques sont présentées danse Tableau 1. La durée moyenne des poussées d’arthrite avant’initiation de l’anakinra était de 45 ± 15 jours. Les traitements clas-iques ont été soit mal tolérés (intolérance aux AINS pour unatient) soit inefficaces (AINS [n = 5], corticostéroïdes [n = 3], col-hicine [n = 3], seuls ou en association).

Quatre des patients ont montré une réponse clinique spectacu-aire et rapide, avec un délai moyen de disparition des pousséese trois jours après les injections d’anakinra. Un patient était nonépondeur (forme polyarthritique mimant une polyarthrite rhuma-oïde, traitée auparavant sans succès par methotrexate). Les taux deRP et l’évaluation de la douleur articulaire étaient disponibles pourrois patients uniquement : la douleur articulaire diminuait forte-

ent (moyenne 60 ± 17 réduite à 10 ± 10 mm ; médiane 50 à 10 ;ntervalle 50–80 et 0–20) de même que le taux de CRP (moyenne8 ± 43 à 4 ± 2 mg/L, valeur normale inférieure à 5,0 mg/L ; médiane

5 à 4 ; intervalle 8–83 et 4–7) (Fig. 1).

L’anakinra était bien toléré : seul un patient a rapporté des réac-ions cutanées localisées au site d’injection, et aucun événementndésirable grave n’a été rapporté. Il n’y a pas eu de traitement

ableau 1aractéristiques des cinq patients atteints d’arthrite induite par cristaux de pyrophospha

Cas Âge, ans/sexe Indication anakinra Comorbidités IMC kg/m2

1 83/H Inefficacité AINS, CS, Cch Aucune 242 79/H Inefficacité AINS Aucune 273 85/F Inefficacité AINS, Cch, CS HT 274 65/H Intolérance AINS,

inefficacité Cch, CSAucune 25

5 44/H Inefficacité AINS Aucune NAMoyenne 71 ± 27

: homme ; F : femme ; HT : hypertension ; IMC : indice de masse corporelle ; CS : cortitéroïdiens ; Cch : colchicine

(en bas) avant et après injection d’anakinra, 100 mg/j, pendant trois jours, pourtrois cas atteints d’arthrite induite par cristaux de pyrophosphate de calcium (PPCa)réfractaire aux traitements antérieurs. C1, 2, 5 : cas 1, 2, 5.

d’entretien ni de retraitement, avec une durée de suivi moyennesans poussée d’un an pour les patients 1 et 2, et six mois pour lespatients 4 et 5.

4. Discussion

L’anakinra s’est révélé efficace dans la prise en charge de quatrede nos cinq cas d’arthrite à cristaux de PPCa résistante aux trai-tements standard. Cette observation confirme chez l’homme lerôle capital de l’IL-1� dans la physiopathologie de l’inflammation

te de calcium (PPCa).

Facteurs de risqued’arthrite à PPCa

Atteinte articulaire Nombre de poussées par anavant la thérapie par anakinra

Aucun Oligoarticulaire 1Aucun Polyarticulaire 1hPTH Polyarticulaire 6Aucun Polyarticulaire 12

Aucun Polyarticulaire 12

costéroïdes ; hPTH : hyperparathyroïdie primaire ; AINS : anti-inflammatoires non

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nduite par les cristaux de PPCa, souligné par les études in vitrot in vivo [2]. En effet, Martinon et al. ont montré que les cristaux’UMS et de PPCa stimulaient la maturation et la sécrétion d’IL-1�ar les macrophages THP-1 et les macrophages murins dérivés de laoelle osseuse. La production d’IL-1� par les macrophages induit

n afflux de polynucléaires neutrophiles qui accroît l’inflammationnduite par les deux types de cristaux [2].

Ainsi, l’inhibition de l’IL-1� pourrait constituer une thérapierometteuse dans les arthrites induites par les cristaux de PPCa,n particulier en cas d’intolérance ou de résistance aux traitementsabituels. En effet, les AINS, la colchicine et les corticostéroïdesont souvent mal tolérés ou contre-indiqués chez les personnesgées, en raison de pathologies cardiovasculaires, rénales et gastro-ntestinales, de toxicité ou d’interactions médicamenteuses.

L’efficacité de l’inhibition de l’IL-1� est bien connue dans lesas de goutte, et de plusieurs maladies auto-inflammatoires tellesue les syndromes périodiques associés à la cryopyrine, la fièvreamiliale méditerranéenne, la maladie de Behcet, la maladie detill survenant chez l’adulte et l’arthrite juvénile systémique [5].’activité de l’IL-1� peut être bloquée par l’IL-1ra (anakinra), unnticorps monoclonal anti-IL-1� (canakinumab) ou un récepteuroluble pour l’IL-1�, l’IL-1R (rilonacept) [9,10]. Lors d’une étudeilote ouverte, So et al. ont rapporté les cas de dix patients atteintse goutte réfractaire et efficacement traités par anakinra en sous-utané, à la dose de 100 mg/j pendant trois jours. Les attaquese goutte ont été stoppées chez huit patients dans un délai de8 heures, et aucune récidive n’a été rapportée durant les pre-iers mois après le traitement [6]. Chen et al. ont rapporté un

aux de réponse similaire dans une autre série ouverte de dixas de goutte réfractaire [11]. Dans cette petite série, l’anakinra,tilisé avec le même schéma thérapeutique, a montré une effica-ité rapide et spectaculaire chez quatre des cinq patients ayantne arthrite à cristaux de PPCa réfractaire aux traitements habi-uels ; les attaques de pseudo-goutte ont été résolues dans lesinq jours après le traitement (délai moyen de réponse : trois jours).e résultat concorde avec ceux de deux autres faits cliniques. McGo-agle et al. ont rapporté une amélioration après 14 jours chez unatient traité par anakinra en sous-cutané, à la dose de 100 mg4]. Des études contrôlés et randomisés sont nécessaires pouronfirmer l’efficacité de l’anakinra dans les arthrites à cristaux dePCa.

L’anakinra s’est révélé inefficace chez une patiente qui avaitne forme chronique et polyarticulaire mimant une poly-rthrite rhumatoïde. Cette patiente (cas no 3) était atteinte’hyperparathyroïdie primaire et d’arthrite à cristaux PPCa sévèret destructrice, ayant nécessité la mise en place de prothèse arti-ulaire des genoux, de l’épaule droite et du coude droit. Lesraitements antérieurs par AINS, colchicine, CS et methotrexatee sont révélés inefficaces. De facon similaire, So et al. ainsi quehen et al. ont rapporté 20 % de patients goutteux avec réponseartielle à l’anakinra [6,11]. L’absence de réponse chez ces patientsuggère l’implication d’autres cytokines dans la physiopathologiee l’inflammation induite par les cristaux, d’UMS et de PPCa. Uneutre explication possible réside dans la demi-vie relativementourte de l’anakinra (quatre à six heures). Les nouveaux inhibiteurse l’IL-1� (canakunimab et rilonacept), présentant une demi-vielus longue, pourraient constituer une alternative à l’anakinra chez

es patients avec une réponse inflammatoire de longue durée,ouvant nécessiter une inhibition de l’IL-1� plus soutenue. Leanakinumab (un anticorps monoclonal d’origine intégralementumaine dirigé contre l’IL-1�) possède une demi-vie longue (troisquatre semaines), et son efficacité clinique dans la goutte aiguë

u dans la prévention des poussées a été démontrée par plu-ieurs essais cliniques [12,13]. Le rilonacept, une protéine de fusionécepteur-Fc soluble, inhibant l’IL-1�, a montré son efficacité dans’arthrite goutteuse lors d’une étude pilote [9], et son rôle dans

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la prévention des poussées durant l’introduction d’un traitementhypo-uricémiant est actuellement en cours d’évaluation dans lecadre d’un essai randomisé [14].

Dans notre petite série, l’administration d’anakinra surtrois jours a été globalement bien tolérée, bien qu’une réactionau site d’injection soit survenue chez un patient. Aucun de nospatients n’a rapporté d’infection. Cependant, une récente étude duBritish Society for Rheumatology Biologics Register (BSRBR) a misen évidence un taux de 20 % d’infections graves chez des patientssouffrant de polyarthrite rhumatoïde et recevant un traitementchronique par anakinra. Il y a eu trois décès (arthrite septique[n = 1], sepsis urinaire [n = 1] et fasciite nécrosante [n = 1]). Parconséquent, l’administration d’inhibiteurs de l’IL-1�, particulière-ment dans le cas d’une exposition durable, peut être associée à unrisque accru d’infection grave.

L’anakinra avec sa courte demi-vie courte et sa phamarcoci-nétique est un traitement approprié des crises inflammatoiresinduites par les microcristaux d’UMS et de PPCa survenant chezdes personnes âgées où les traitements conventionnels sontd’utilisation difficile. Tous nos patients sauf un étaient âgés de plusde 65 ans. Au contraire, les inhibiteurs d’IL-1� à longue demi-viepourraient être plus appropriés pour le traitement des formes chro-niques ou pour la prévention des crises lors de l’instauration d’untraitement hypouricémiant. Cette prévention dure en principe plu-sieurs mois. Elle peut exposer les patients aux risques infectieux enraison de l’inhibition prolongée de l’IL-1�.

Déclaration d’intérêts

F.L. a recu des honoraires de consultant et/ou de FMC de la partde Menarini International, Ipsen Pharma, Novartis France, NovartisGlobal ; des subventions de la part de SOBI, Menarini Internatio-nal, Ipsen Pharma, Novartis France, Novartis Global pour la tenuedu second « European Crystal Research Workshop and Network »,Paris, 10–11 mars 2011.

P.R. a recu des honoraires de Sobi, Novartis, Savient, Menarini etIpsen.

T.B a recu des honoraires pour sa mission de consultant etd’orateur ainsi que pour ses frais de déplacement, de Novartis,Savient, Ardea, BioCryst Pharmaceuticals, Menarini, Ipsen et MayoliSpindler.

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