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Jean-Yves Hénin Thomas Weitzenblum Eléments d'évaluation de la réforme des retraites In: Revue française d'économie. Volume 18 N°3, 2004. pp. 9-73. Citer ce document / Cite this document : Hénin Jean-Yves, Weitzenblum Thomas. Eléments d'évaluation de la réforme des retraites. In: Revue française d'économie. Volume 18 N°3, 2004. pp. 9-73. doi : 10.3406/rfeco.2004.1529 http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rfeco_0769-0479_2004_num_18_3_1529

Eléments d'évaluation de la réforme des retraites

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Jean-Yves HéninThomas Weitzenblum

Eléments d'évaluation de la réforme des retraitesIn: Revue française d'économie. Volume 18 N°3, 2004. pp. 9-73.

Citer ce document / Cite this document :

Hénin Jean-Yves, Weitzenblum Thomas. Eléments d'évaluation de la réforme des retraites. In: Revue française d'économie.Volume 18 N°3, 2004. pp. 9-73.

doi : 10.3406/rfeco.2004.1529

http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rfeco_0769-0479_2004_num_18_3_1529

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RésuméJean-Yves Hénin, Thomas Weitzenblum Eléments d'évaluation de la réforme des retraites. Ce travailest consacré à une évaluation des coûts et avantages de différents scénarios de réforme des retraites.Il considère tant les stratégies d'ajustement des prestations : — réduction des taux de remplacement,départ retardé - que les stratégies de financement à l'équilibre courant ou introduisant un fonds delissage ou encore constituant un pilier de capitalisation publique. Le calcul explicite de la dynamique detransition dans un modèle d'équilibre général à agents hétérogènes permet une caractérisation trèscomplète de l'impact en termes de bien- être sur diverses cohortes et par PCS de ces stratégiesalternatives. Les résultats font ressortir d'abord la dégradation spontanée de la situation des « jeunes »,nés ou à naître, dans un scénario tendanciel. Ils soulignent l'importance des effets redis- tributifs etconfirment que loin de constituer des scénarios « pareto - améliorants, où tout le monde gagne, lesefforts à consentir par les générations actuellement actives, sont relativement élevés. Ils prouvent quel'impact de mesures de « départ retardé » sur des indicateurs synthétiques d'inégalités (les coefficientsde Gini) est plus défavorable que celui de mesures de réduction proportionnelle des taux deremplacement.

AbstractAssessing Pension Reforms. In order to assess the welfare costs and gains of different scenarios ofpension reforms for French socio- occupational groups, we compute transition paths from the currentsituation to the steady states resulting from the ultimate effects of reforms. Accounting for differentincome and mortality risks, together with bequests, allows our model to better reproduce wealthinequality than standard life-cycle models do. Alternative pensions reforms are considered, combining :i) reduced generosity through lower replacement rates or postponing retire- ment ; ii) alternativefinancing schemes : current balance vs. building a temporary smoothing fund or a permanent fundedpillar. The consequences of these scenarios on macro aggregates, inequality measures and age/groupspecific welfare and consumption profiles are computed at the rational expectation equilibrium. We firstshow how the situation of young cohorts deteriorates in the no-reform case, with a passive adjustmentin contribution rates. However, the intergenerational redistributive effects of reforms are found to belarge, thus supporting the view that structural pension reforms are not Pareto-improving. We especiallyshow that postponing the retirement age increases inequalities more than reducing replacement ratesdoes and that alternative financing adjustements involve only modest intra-generational redistributiveeffects.

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Pierre- Yves

HÉNIN

Thomas

WEITZENBLUM

Eléments d'évaluation

de la réforme des retraites

ous les pays européens sont confrontés, à des degrés divers, à la nécessité d'une réforme de leurs régimes de retraites. Comme Га souligné l'ampleur des oppositions rencontrées par divers projets de réforme, en particulier en France et en Autriche, les enjeux de telles réformes sont majeurs,

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tant en termes macro-économiques qu'en matière de redistribution inter générationnelle ou d'inégalités internes à une génération.

Au-delà des analyses comptables, la construction de modèles de comportements, éventuellement « bouclés » en équilibre général, permet d'appréhender l'une des marges d'adaptation à ces réformes, à savoir la capacité des salariés à substituer une épargne privée à la perspective de retraites réduites afin de lisser leur consommation. Les principaux enjeux d'une réforme de retraites sont associés à leurs impacts différentes sur les diverses générations, retraitées, actives proches de la retraite, ou jeunes entrants ou à entrer sur le marché du travail. L'impact des réformes varie aussi entre les groupes socio-économiques appréhendés ici par leur PCS (professions des catégories socio-professionnelles de l'Insee). La différenciation entre PCS porte à la fois sur la situation démographique (espérance de vie), leur niveau et profil de revenus, le taux de remplacement et leur aptitude à lisser leur consommation par l'épargne. La prise en compte de cette hétérogénéité est essentielle pour appréhender les implications de la réforme des retraites sur les inégalités à différentes dates ou pour différentes générations.

Une telle évaluation des réformes de retraites, en particulier des scénarios de transition qu'elles impliquent, constitue l'objet de cette étude, qui repose sur une extension dynamique du modèle développé par Th. Weitzenblum [2001] dans un cadre de régime permanent.

Cette étude considère un régime uniforme, le traitement des diverses PCS ne se distinguant que par les taux de remplacement dont elles bénéficient. Les réformes considérées combinent des scénarios alternatifs d'ajustement des prestations — réduction des taux de remplacement et/ou départ retardé1 avec trois variantes de financement, respectivement à l'équilibre courant, avec constitution d'un fonds de lissage ou avec accumulation d'un pilier permanent de capitalisation publique, assurant à terme le financement de 25 % de prestations.

Chaque scénario de réforme est caractérisé tant par ses effets macro-économiques sur la consommation, l'épargne et le revenu national net, que par ses conséquences distributives en

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termes de bien-être ou de profils de consommation par cohorte et par PCS.

Il conviendra d'abord de préciser les enjeux d'une étude de la transition pour l'évaluation de réformes des systèmes de retraites. Nous proposons ensuite une brève revue des travaux de modélisation existant dans la littérature. La présentation du cadre d'analyse et des scénarios considérés fait l'objet de la troisième section. La caractérisation comptable des scénarios de réforme est présentée ensuite. La cinquième section est consacrée à une présentation plus formelle du modèle d'équilibre dynamique utilisé. La caractérisation des réformes en termes d'agrégats macro-économiques est abordée dans la sixième section tandis que nous développons, dans la septième section, les différentes mesures des effets redistributifs, intra et inter-géné- rationnels. Quelques conclusions, enfin, sont suggérées dans une dernière section.

Les enjeux d'une étude

de la transition

Les mécanismes en œuvre dans le processus de transition associé à une réforme des régimes de retraites soulèvent divers enjeux, qui ne sont pas toujours bien distingués dans le débat public. Il nous paraît important de rappeler les principaux, en les regroupant en quatre thèmes qui, sans prétendre à l'originalité, nous paraissent pouvoir structurer la réflexion. - L'impact de la transition démographique sur les implications du « contrat social entre les générations ». - Les stratégies alternatives d'ajustement du couple prestations- cotisations assurant l'équilibre financier du système. - L'introduction de mécanismes temporaires de préfinancement en vue de lisser les prélèvements nécessaires.

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— L'introduction d'un « pilier » de financement en vue de gains d'efficacité permanents.

Comme on le voit à cet agenda, l'examen des arbitrages possibles entre prestations et cotisations ne recouvre que l'un des aspects du problème. En particulier, il convient de distinguer explicitement les enjeux attachés à des stratégies de préfinancement pour lissage, de ceux associés à la constitution d'un pilier de financement permanent.

L'impact de la transition démographique

Les effets de la transition démographique sur le taux de dépendance (retraités/actifs), qui passerait de 40 à 70 % en quarante ans, sont bien connus2 ainsi que les profils possibles de taux de prélèvement (à prestations définies constantes) ou de remplacement (à contributions définies constantes) qui en résultent mécaniquement.

Il est moins évident d'expliciter comment ces évolutions inéluctables vont affecter différentes générations en vie ou à naître à cet horizon. L'enjeu est de première importance. Le « contrat social entre les générations »3 fondant le système de retraite par répartition n'est réellement équitable qu'en régime démographique permanent. Le système s'accommode bien de la déviation par rapport à l'équité que comporte l'effet d'aubaine accompagnant la mise en place et la généralisation du dispositif dans un contexte démographique favorable. L'absence d'une égalité de traitement entre les générations devient plus problématique dans un contexte de transition démographique défavorable. Aussi importe-t-il de proposer des évaluations quantitatives, non seulement des flux de transfert en jeu comme l'ont fait diverses études, mais aussi des conséquences en termes de profil de consommation et de bien-être pour diverses générations et différentes PCS par génération.

Comme le remarque, entre autres, le rapport du COR, il serait trompeur de ramener le problème démographique à l'absorption de la vague du « baby boom », puisqu'il résulte plus fon-

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damentalement de la conjonction de l'allongement de l'espérance de vie et de la réduction de la fécondité. De ce fait, des solutions consistant à accommoder le pic de financement des « baby-boomers » en léguant une dette nette aux générations futures ne peuvent être ni rationnelles, ni équitables puisque ces générations seront elles-mêmes confrontées à des conditions de financement moins favorables.

Les scénarios d'arbitrage prestations - cotisations

La combinaison actuelle de droits à prestations retraites et de taux de cotisations étant insoutenable au regard des évolutions démographiques, les trois marges d'ajustement possible sont clairement identifiées : réduction des prestations (baisse des taux de remplacement et/ou élévation de l'âge de liquidation des droits) et/ou augmentation des prélèvements. A nouveau, il convient d'examiner comment le profil de mise en œuvre de telles réformes paramétriques affecterait de manière différenciée le revenu, mais aussi la consommation et le bien-être des différentes générations concernées.

La présente étude ne prétend toutefois pas aborder toutes les dimensions du nécessaire équilibrage entre prestations et cotisations. En premier lieu, elle ne considère que des systèmes uniformes, supposant réalisée une complète harmonisation des régimes privés, publics et spéciaux. De ce fait, nous ne pourrons prendre comme scénario de référence une simple stylisation de la situation existant en France, mais devrons supposer un scénario de compromis où serait étendues à l'ensemble des salariés des dispositions proches de celles du régime privé, quelque peu assoupli par rapport aux réformes intervenues en 1993 (et ultérieurement, sur les régimes complémentaires).

Bien que l'éventualité en soit périodiquement proposée, il ne nous paraît pas justifié de considérer des variantes de financement des retraites par transfert de ressources fiscales ou - ce qui revient au même — par élargissement de l'assiette. Un équilibre formel des systèmes de retraites qui serait obtenu par affec-

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tation de ressources fiscales — ou d'actifs publics — venant accroître la dette publique nette transmise aux générations futures viendrait biaiser les évaluations du bien-être relatif des différentes générations4.

Par ailleurs, le cadre du débat français excluant des réductions drastiques des taux de remplacement, implique le maintien d'un système principalement bismarkien, contributif et relativement peu redistributif. Il est clair que la considération de stratégies de réduction plus forte des prestations retraites devrait intégrer l'hypothèse d'une réorientation dans un sens plus beve- ridgien et redistributif.

Préfinancement et lissage des taux de prélèvement

Le modèle pur de répartition implique normalement un équilibre courant des prestations et des cotisations. Considérons d'abord les enjeux associés à un lissage des taux de prélèvement par constitution d'un fond de réserve temporaire.

Dans un système de prestations définies constantes, donc a priori équitable entre les générations5, il peut sembler logique de préconiser un taux de prélèvement constant. Ce taux constant ou « permanent » qui assure l'équilibre intertemporel du système de retraite peut être calculé conditionnellement à un ensemble de prévisions sur l'ensemble des variables démographiques et économiques et tout spécialement sur les taux d'intérêt.

Une telle politique de lissage complet comporte deux difficultés, en dehors même des incertitudes qui imposeraient sa révision périodique6. D'une part, elle impliquerait un « saut » immédiat des prélèvements, dont la faisabilité politique et économique est incertaine. D'autre part, conjuguée à des prestations constantes, elle n'assurerait pas l'équité intergénérationnelle. En effet, il est conforme à l'équité que des générations appelées a bénéficier d'une durée relative de retraite plus longue cotisent plus. On serait ainsi amenés avec Kifmann et Schindler [2000] à proposer des taux de cotisations propres à chaque génération, donc

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différents selon l'âge à une date donnée, modalité probablement peu acceptable socialement et politiquement.

Plutôt donc que la recherche d'une équité intergénéra- tionnelle parfaite, il semble qu'un lissage de taux de cotisations par accumulation, puis liquidation, d'un fonds de réserve doive viser des objectifs plus pragmatiques et de « second rang ». Il sera ainsi intéressant d'examiner les gains et pertes relatives des différentes générations concernées par un scénario de lissage partiel des cotisations.

Transition vers un système de retraite partiellement fondé

Le débat majeur entre systèmes de répartition et de capitalisation comporte deux dimensions bien distinctes et pas toujours bien spécifiées dans le débat public. La capitalisation, en tant que technique de financement par le revenu d'un capital préalablement accumulé, peut assurer la couverture d'un même système de droits à prestations définies que la répartition, l'agence publique constituée du système consolidé des caisses de retraites assurant la couverture des risques par un ajustement des contributions demandées. Dans le principe, les avantages en termes d'efficacité associés à la capitalisation sont donc indépendants de toute mesure de « privatisation des retraites ».

La raison d'une efficacité supérieure de la capitalisation sur la répartition est connue : les contributions mobilisées dans un système de capitalisation ont un taux de rendement égal au taux d'intérêt7, tandis que les contributions affectées à un système de répartition ont un taux de rendement égal au taux de croissance de la masse salariale. Si le taux de rendement de la répartition a pu dépasser 5 % à l'époque des « trente glorieuses »8, il ne paraît guère pouvoir excéder 1.6 à 2 % pour les quarante prochaines années. Les évaluations de taux de rendement des placements sont très variables, mais une estimation prudente de 4 à 4.5 % implique un rendement de la capitalisation excédant le double de celui de la répartition9.

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Cet argument d'efficacité est robuste. Il implique que l'on peut définir des mécanismes de couverture des risques et de répartition tels que, dans un scénario de comparaison de régimes permanents, tous les agents aient un bien-être plus élevé dans une économie avec capitalisation que dans un système de pure répartition10. C'est d'ailleurs ce résultat qui explique le ralliement de nombreux économistes, à la suite notamment de Feldstein aux Etats-Unis (Feldstein, [1998]) à l'adoption, totale ou partielle, d'un système de capitalisation. Une telle stratégie de passage dans un premier temps à un système préfinancé ou « fondé » à 25 % et à terme à un système de pure capitalisation est ainsi explicitement défendu par un document de la Commission européenne (Me Morrow et Roeger, [2002]).

Sans approfondir ici les conditions auxquelles un système de capitalisation pourrait satisfaire les mêmes critères d'équité et de redistribution11 que les systèmes bismarckiens européens, il convient de remarquer que cette meilleure efficacité a priori n'implique pas qu'une réforme portant sur l'adoption (totale ou partielle) de la capitalisation soit nécessairement avantageuse. Une telle réforme comporte en effet un coût, celui de l'accumulation du capital correspondant. Plus fondamentalement, il a été montré par F. Breyer [1989] que, sous des hypothèses assez générales, le passage à un système « fondé », c'est-à- dire de capitalisation, ne peut pas constituer une réforme pareto-améliorante, c'est-à-dire entraînant un gain net pour toutes les générations, ou pour tous les agents en cas de générations hétérogènes. Le passage à un système fondé est un jeu à somme nulle, le coût de la transition étant par construction égal au gain d'efficacité attendu (Breyer [1989, 2001], Boldrin et alii, [1999], et Sinn, [2000]). Ce montant est en fait égal au gain consenti aux générations initiales qui ont bénéficié de pensions de retraites sans une durée complète de cotisations.

L'hypothèse a été évoquée que le passage à un système fondé peut cependant entraîner un gain supplémentaire d'efficacité, autorisant ainsi le financement d'un mécanisme redistri- butif par lequel toutes les générations (et tous les agents) seraient gagnants à la réforme. Pour Breyer et Straub [1993], la réduc-

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tion des prélèvements sociaux distorsifs au profit d'une épargne volontaire en cas de capitalisation privée entraîne ce gain d'efficacité12. K. Brunner [1996] a montré cependant qu'une transition pareto-améliorante resterait impossible, la mise en œuvre d'une telle réforme exigeant l'instauration de règles de calcul des prélèvements et des prestations redistributives, donc coûteuses pour certains agents13.

Lindbeck et Persson [2002] concluent, d'une étude de cette famille de modèle, qu'une réforme pareto-améliorante n'est possible que si le système de répartition initial ne comporte qu'un lien faible entre cotisations et pensions, introduisant donc de fortes distorsions. Ce n'est probablement pas le cas des systèmes contributifs bismarkiens « continentaux ». Les distorsions engendrées par le système anglais, beveridgien par excellence, étant pour leur part limitées par la modestie des taux pratiqués.

Non seulement il est impossible en dehors des cas ainsi considérés d'élaborer un scénario de transition vers la capitalisation qui ne fasse aucun perdant, mais il semble difficile qu'un tel scénario bénéficie à une majorité d'agents actuellement vivants, et en particulier d'électeurs, les gagnants étant principalement des jeunes, dont ceux qui ne votent pas encore, ou également les générations à naître. En ce sens, de même que le soutien apporté au système de répartition mobilise un principe de solidarité, l'adoption d'une transition vers la capitalisation par une majorité d'électeurs rationnels suppose de leur part une prise en compte altruiste du bien-être des générations à venir.

L'examen proposé ne portera directement que sur l'introduction d'un fonds de capitalisation publique, comme composante permanente du financement des retraites. Le rôle de la capitalisation privée résulte dans l'approche adoptée ici d'une réponse de l'épargne privée à une réduction des prestations et même à la simple augmentation de l'espérance de vie14. Le débat sur les fonds de pension correspondrait, dans ce cadre, à l'introduction d'instruments d'épargne privée bénéficiant d'incitations fiscales sous condition de satisfaire des contraintes de liquidation ou de réalisation spécifiques.

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Les modélisations de la transition

vers de nouveaux systèmes

de retraite : une littérature

encore limitée

Si l'utilisation de modèles d'équilibre à générations d'agents en vue d'analyser ou de simuler des systèmes de retraite s'est maintenant généralisée, le calcul explicite de trajectoires de transition est resté plus rare, en particulier dans des modèles à agents hétérogènes s 'efforçant de dégager les effets redístributifs intragéné- rationnels autant qu'intergénérationnels de telles réformes. Le mérite de contributions pionnières revient à Auerbach et Kotli- koff [1987], dont la méthodologie est retenue par de nombreux travaux récents15, notamment en Europe.

Quelques études européennes

Une première série d'évaluations quantitatives de la dynamique des systèmes de retraites européens a été proposée par D. Miles et divers co-auteurs. Miles [1999] propose deux étalonnages d'une variante du modèle d'Auerbach - Kotlikoff représentatifs respectivement de la situation anglaise et d'une situation européenne (continentale) moyenne. L'évaluation de scénarios de privatisation confirme le résultat théorique de Breyer [1989]. Une transition graduelle sur la période 2020-2040 accroît de 26 % une mesure de bien-être pour les générations à naître en 2020, mais seulement de 13 % pour la génération naissant en 2000 et de 2.7 pour celle née en 1990. Toutes les générations actives en 2000 sont perdantes, au maximum de 8.5 % pour la génération née dans les années 1970, mais seulement de 0.6 % pour les actifs âgés de 50 à 57 ans en 2000. Les évolutions obtenues sur le Royaume-Uni diffèrent par leur ordre de grandeur, divisé environ par 4, mais pas par leur profil.

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Avec A. Iben, D. Miles [2000] a approfondi la comparaison des cas anglais et allemand16 dans le cadre d'un modèle purement comptable des flux de transferts. Boldrin et alii [1999] appuient principalement sur ces travaux leur scepticisme à l'égard de réformes privilégiant le passage à la capitalisation des systèmes de retraites européens.

Bôrsch-Supan, Heiss et J. Winter [2000] étudient l'impact du degré de mobilité internationale du capital sur les profils d'accumulation et de taux de rendement qui résultent de différents scénarios de réforme17. Ils proposent également une mesure de l'effet sur le bien-être d'un scénario intermédiaire, où le taux de remplacement est progressivement réduit de 70.5 à 33 %, entre 2005 et 2035. Les générations nées de 1945 à 1985 sont perdantes (de 4.5 % de leur utilité actualisée pour les travailleurs nés entre I960 et 1965). Les générations nées après 1990 gagnent en bien-être de 5 % pour la génération 2000, à 20 % pour la génération à naître en 2040.

Me Morrow et Roeger [2002] examinent des scénarios relatifs à une moyenne européenne stylisée, en vue de dégager des recommandations d'harmonisation. Ils examinent d'abord les ajustements financiers paramétriques requis pour assumer la sou- tenabilité du système de répartition, puis de scénarios de passage partiel (25 %) ou total à la capitalisation. Dans leur modèle, le relais par l'épargne privée en cas de suppression simple du système de répartition n'éviterait pas une division par deux de la consommation des retraités d'ici à 2050. Leur scénario préféré, à moyen terme, de réduction modérée des taux de remplacement, avec un « pilier » de financement public, atteignant 25 % en 2050, permettrait par rapport au scénario de base des gains de consommation aussi bien pour les actifs que les retraités (respectivement de 17.1 et 12.6 % en 2030, de 29.3 % et 15 % en 2050). Les auteurs ne rapportant pas le résultat équivalent pour la période 2005-2030 où l'effort de constitution du fonds s'ajoute à la charge de financement courante, leur article ne permet pas d'évaluer explicitement les coûts de la transition.

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Hétérogénéité et risque : l'apport de quelques contributions américaines

Une série d'études américaines de la réforme des retraites a intégré l'hétérogénéité des agents et les différents risques démographiques et de revenus auxquels ils sont confrontés.

Kotlikoff, Smetter et Walliser [1999] considèrent divers scénarios de transition pour douze groupes socio-économiques (dix déciles de revenus en découpant les deux déciles extrêmes).

Un résultat relativement robuste entre les scénarios est que la privatisation stimulant l'accumulation du capital, et donc les salaires, bénéficie aux pauvres (+ 6 %) plus qu'aux riches (+4.5 %), mais moins qu'aux classes moyennes (+ 8 %). Seules les générations non encore actives ou à naître bénéficient toujours de la réforme, s'il y a un lien conscient et défini entre prestations et cotisations.

Les facteurs d'incertitude dans un modèle de transition ont été introduits par Huang et alii [1997] et par de Nardi et alii [1999]. Huang et alii [1977] simulent deux scénarios de passage à la capitalisation : d'une part, une suppression brutale des cotisations, l'Etat s'endettant pour rembourser intégralement les valeurs des droits acquis puis amortissant sa dette en quarante ans et, d'autre part, un scénario de capitalisation publique où l'Etat accumule progressivement le fonds requis à l'autofinancement du système. Les résultats portent sur les agrégats macro-économiques, les profils de consommation et une mesure des gains et pertes en bien-être par génération. Le scénario d'accumulation progressive d'un capital confirme les études déjà citées, les générations en activité perdant jusqu'à quatre points de bien-être pour un gain égal de la génération naissante et un gain triple de bien-être, de la génération à naître trente ans après la réforme. Le scénario de rachat des droits à retraite par l'Etat évite par construction toute perte des agents en activité. Il impose en revanche une perte de six points aux nouveaux entrants sur le marché du travail, ce handicap s'annulant progressivement sur vingt cohortes, et laissant place à un gain pour les agents à naître,

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gain cependant moins élevé que dans le scénario de capitalisation.

De Nardi, Imrohologlu et Sargent [1999] affinent la représentation de la transition démographique, combinée à huit scénarios de réformes des retraites, portant sur l'assiette du financement, l'âge de départ, le lien prestations-cotisations ou une privatisation graduelle. Les deux réformes les plus efficaces apparaissent être, à long terme, la privatisation partielle et, à moyen terme, un système liant prestations et cotisations. Les mesures de bien-être, en termes de transferts compensateurs, montrent que le passage à la capitalisation est coûteux pour les générations nées entre 1930 et 1990, mais procure un gain 2,5 fois supérieur aux générations à naître après 2040. Plus original est le résultat que la réforme consistant principalement à lier fortement le niveau des pensions aux cotisations accumulées est pareto-amé- liorante, toutes les générations en vie ou à venir y gagnant par rapport au scénario de base, le bénéfice des générations futures étant environ 2/3 de celui procuré par un scénario de capitalisation. Le mécanisme ici à l'œuvre est l'élimination de l'effet dis- torsif sur l'offre du travail qui domine les autres effets à l'œuvre dans le modèle18.

Conesa et Krueger [1999] approfondissent l'étude de l'hétérogénéité associée à la persistance des chocs salariaux affectant la carrière de travailleurs considérés comme identiques à leur entrée sur le marché du travail. En illustrant le rôle d'assurance à l'égard des risques de carrière qu'assure le système de répartition, ils montrent que la proportion des agents favorables à un passage à la capitalisation en est réduit d'autant. Seuls les agents âgés de moins de trente ans en moyenne bénéficient d'une telle réforme immédiate en cas d'hétérogénéité, alors que tous les moins de trente-cinq ans y trouvent avantage en l'absence de risque de revenu persistant. Un second résultat intéressant est que ce soutien s'effrite encore en cas de réforme annoncée mais différée, qui devient défavorable à la plupart des jeunes actifs.

Cette brève évocation de la littérature internationale confirme en général l'absence de réforme pareto-améliorante. En particulier, l'introduction d'un pilier de capitalisation impose

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une charge supplémentaire aux générations actives, de l'ordre du tiers à la moitié du gain permanent attendu par les générations futures.

Le cadre d'analyse et les scénarios

de transition

La présente étude repose sur l'explicitation de la dynamique de transition du modèle de générations à agents hétérogènes élaboré par Th. Weitzenblum [200 1]19, étalonné sur les caractéristiques de revenu et de risque des ménages français par PCS. La mise en œuvre de cette extension suppose toutefois d'établir au préalable une caractérisation comptable des scénarios considérés. Nous présenterons ensuite les scénarios de réformes des retraites retenus en vue de leur évaluation.

Une modélisation en deux étapes

La représentation de l'économie retient un grand nombre d'agents, caractérisés par leur âge, leur catégorie socio-professionnelle d'appartenance et leur patrimoine, constitué d'un actif unique rémunéré à un taux d'intérêt constant. L'objectif de l'étude, portant sur l'évaluation des transitions et pas seulement d'effets de régime permanent, impose certaines simplifications et en particulier une hypothèse de « petite économie ouverte » qui, en assurant l'exogénéité des rémunérations de facteurs, permet une modélisation en deux étapes.

En « petite économie ouverte », le taux d'intérêt domestique est exogène et sera considéré comme constant. Le taux de salaire par unité d'efficience est fixé au niveau de la productivité de plein emploi, elle-même constante pour un taux d'intérêt donné et une offre de capital illimitée à ce taux. Sous cette hypo-

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thèse, les rémunérations respectives des actifs, au taux d'intérêt,

des salariés, à un taux proportionnel à l'indice d'efficience correspondant à leur âge et des retraités, à une pension obtenue en appliquant un taux de remplacement donné à leur dernier salaire

d'activité, sont toutes indépendantes des comportements d'épargne.

Cette structure particulière conduit à construire dans une première étape un module comptable, separable du modèle économique, déterminant les revenus salariaux bruts, ou « base salariale » dont dérivent les salaires nets et les pensions de retraites

nettes en fonction des taux de remplacement et de cotisations. Le module comptable intègre aussi le calcul actuariel des

profils de prélèvements compatibles avec l'équilibre budgétaire

intertemporel des caisses de retraite lorsque l'on s'écarte de l'hypothèse d'un équilibre courant pour introduire une composante de lissage ou de capitalisation.

Le module comptable détermine ainsi l'ensemble des flux de transferts impliqués par le système des retraites-pensions

et cotisations. Le résultat, qui constitue fréquemment l'objectif ultime des études, permet de nourrir le modèle de comportement économique en indiquant les revenus nets perçus par chaque agent selon son âge, sa PCS et son état d'emploi (s'il est actif)20.

Le modèle économique de comportement a pour objet de déterminer un équilibre intertemporel d'anticipations rationn

elles, où chaque agent ajuste à chaque période son épargne (et donc sa consommation) en fonction de ses revenus anticipés et du risque qui s'y attache. La résolution de ce modèle permet de traduire en termes de caractéristiques macro-économiques, de consommation et d'accumulation d'actifs les flux de revenus d'activité nets que le module comptable associe à chaque scénar

io de réforme de retraites. Au-delà de ces résultats macro-économiques, il permet le calcul d'effets redistributifs en termes de bien-être résultant de chacun de ces scénarios.

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Stratégies de réformes et scénarios de transition

L'évaluation quantitative des stratégies de réforme des régimes de retraite est étroitement dépendante de la paramétrisation adoptée pour chacune des trois dimensions caractérisant un scénario : la transition démographique, les stratégies d'ajustement des prestations et les stratégies de financement des caisses de retraites. Par rapport aux études de régime permanent, les stratégies considérées se caractérisent également par l'échéancier de mise en œuvre des mesures réformant le système.

La transition démographique

L'évolution et la structure par âge de la population active sont pour une part héritées de la démographie observée en 2000. L'effet du baby boom se trouve ainsi appréhendé sans exiger d'hypothèses supplémentaires. Au-delà, la construction du scénario démographique repose sur une projection des flux d'entrée et des taux de mortalité.

Les flux d'entrée sur le marché du travail jusqu'en 2020 sont déduits des données démographiques sur les cohortes âgées de moins de vingt ans en 2000 et de flux d'immigration stabilisés. Les entrées, de 797 000 en 2000, diminuent régulièrement. Elles connaissent un creux de 2012 à 2016 (environ 720 000), puis ré-augmentent temporairement. En pure projection, à partir de 2020, on suppose qu'elles diminuent linéairement pour se stabiliser à 652 000 à partir de 2050.

Les taux de mortalité sont projetés selon une tendance linéaire décroissante jusqu'en 2030, entraînant une hausse de l'espérance de vie de 10,5 années. Le gain bénéficie également à toutes les catégories socio-professionnelles, sans rattrapage des inégalités devant la mort. L'allongement commun de l'espérance de vie implique cependant une réduction relative de ces écarts socio- économiques entre les durées de vie.

L'étalonnage de ces processus démographiques permet de reproduire le profil des projections de population active de Nauze-Fichet et Lerais [2002] 21. Comme pour ces auteurs, la

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population active passe par un pic en 2007 (période 3 du modèle) puis décroît régulièrement. Elle se stabilise à 79 % de ce pic en 2090. En 2050, dernière année couverte par la projection Insee- Dares, notre paramétrisation conduit à un niveau de 87 % du pic de 2007, au lieu des 89 % trouvés par Nauze-Fichet et Lerais [2002], ce qui n'excède clairement pas l'ordre de grandeur des incertitudes pesant sur ce type de projection. La projection démographique détermine aussi le ratio de dépendance à réglementation inchangée, soit le rapport du nombre de retraités au nombre d'actifs en supposant un départ systématique à 60 ans. Ce ratio dans notre projection se stabilise à 70 % en 21 15, à partir d'un niveau initial de 39 %. Il s'élève rapidement de 2007 (37 %) à 2020 (52 %) sous l'effet du baby boom, et plus lentement ensuite, pour atteindre au maximum 80 % en 204522.

Les régimes de retraites : caractérisations initiales

Idéalement, les exercices proposés dans cette étude considèrent que le régime de retraite initial est homogène et stabilisé. Ceci conduit à retenir comme scénario de base une caractérisation très stylisée de la situation existant en 2000. D'une part, l'hypothèse d'homogénéité implique un âge de départ unique, fixé à 60 ans, donc supérieur à l'âge moyen de cessation d'activité de 58,5 ans si l'on tient compte des dispositifs de départ anticipé. Les taux de remplacement, tirés de l'échantillon inter-régimes de retraités, sont fixés par PCS de 80 % pour les ouvriers non qualifiés, 78 % pour les employés, 70 % pour les professions intermédiaires et 56 % pour les cadres supérieurs, soit une moyenne de 66 %. Cette évaluation, qui projette les taux mesurés en 1994, repose sur l'hypothèse d'un compromis où l'extension des règles du secteur privé au secteur public est compensée par une suppression des mesures d'ajustement prises en 1993 ou résultant des négociations ultérieures abaissant les prestations servies par les régimes complémentaires.

De même, la caractérisation du scénario de base comme système de pure répartition conduit à poser un taux unique de cotisations, assis sur les salaires nets de tout autre prélèvement.

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Le taux de prélèvement compatible avec l'équilibre initial est de 24 %.

Le scénario de base, constituant la référence pour l'évaluation de diverses stratégies de réforme, prévoit le maintien des taux de remplacements nets, l'équilibre budgétaire du système étant assuré à chaque période par l'ajustement du taux de cotisation uniforme. Ce scénario ne constitue pas un pur scénario tendanciel en ce sens qu'il n'intègre pas la réduction des taux de remplacement résultant des dispositions déjà acquises23. En revanche, il suppose réalisée l'homogénéisation des régimes autour de ce « régime privé consolidé ».

Les scénarios d'ajustement des prestations

Trois scénarios viennent représenter des stratégies d'ajustement des prestations dans le sens d'une moindre générosité et donc d'un moindre coût. D'une part, la révision des droits à pension déjà acquise pour les régimes du privé, notamment depuis 1993, d'autre part le report de l'âge de cessation d'activité, et enfin un scénario combinant les deux.

Le scénario qualifié, pour faire simple, de « générosité réduite » (GR) comporte deux volets mis en place progressivement à partir de la période 1 du modèle, soit l'indexation sur les prix et l'allongement de la période de référence pour le calcul des droits.

Toutes les grandeurs du modèle étant mesurées en termes d'efficience (déflatée par la productivité), la seule indexation sur les prix implique une diminution des taux de remplacement au cours de la retraite de 1,8 % par an. L' implementation de Г indexation-prix est progressive, en ce sens qu'on ne considère pas d'effet rétro-actif. Ainsi, des agents ayant, par exemple, 80 ans au moment de la réforme, voient leur pension déflatée décroître au taux constant de 1,8 % par an. Une fois le régime permanent atteint, les agents de 80 ans bénéficieront d'un taux de remplacement au dernier salaire courant nettement plus bas, car l'érosion aura commencé dès leur entrée à la retraite.

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L'incidence de l'allongement de la période de référence de 10 à 25 ans est fonction de la croissance de la productivité (et du salaire) individuel au cours de la vie active. Cette progression étant faible pour les ouvriers non qualifiés, la mesure appliquée progressivement sur 1 5 ans, ne pèse que pour 2 % sur les retraites de cette PCS. En revanche elle affecte plus fortement les cadres moyens (7,4 %) et supérieurs (6,8 %) dont la progression salariale en cours de carrière est plus importante. Dans la pratique, on supposera qu'à chaque période du modèle (soit 2,5 ans), l'indexation porte sur une période de plus. On suppose ici que cette indexation s'applique, au début de son implementation, à tous les agents, y compris les anciens retraités.

Au total, par la combinaison de ces deux mécanismes, le scénario dit « générosité réduite » pèse très sensiblement sur le niveau et le profil des pensions.

Le scénario de « départ retardé » (DR) correspond pour l'essentiel à une application mécanique des dispositions préconisées dans le rapport Charpin. On pose que l'âge uniforme de départ en retraite est repoussé progressivement de 60 à 65 ans en 20 ans, de 2003 à 2020, sans modification des taux de remplacement. Avec des flux de départs normaux de l'ordre de 800 000, cette mesure se traduit par une diminution d'un quart de ce flux, à environ 600 000, venant contrecarrer la baisse spontanée de la population active.

L'agrégation temporelle retenue dans le modèle (avec des périodes de 2,5 ans) a imposé comme simplification permettant de concilier l'homogénéité de traitement d'une cohorte et la continuité des évolutions l'hypothèse formelle d'un départ progressif, chaque cohorte concernée passant par une période de temps partiel. Précisément, nous supposons qu'à chaque période d'ajustement, la durée d'activité est accrue de un quart de période. Par exemple, à la première période d'implémentation de la réforme, nous supposons que la cohorte dont l'âge est compris entre 60 et 62,5 ans travaille à quart temps, au lieu de se trouver en retraite. La cohorte suivante, à la période suivante, travaillera à mi-temps, etc.

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Une dernière variante des stratégies d'adaptation des prestations de retraite combine les deux ajustements précédents dans un scénario « départ retardé — générosité réduite ». Alors que les effets comptables de ces variantes sont relativement additifs, les règles de réaction des agents, comme leur comportement d'épargne, n'étant pas linéaires, l'examen du scénario d'ajustements combinés des prestations apportera une information spécifique.

Les scénarios de financement

Le scénario de référence retient l'hypothèse d'un équilibre courant du système de retraite par un prélèvement à taux uniforme ajusté à chaque période.

Une telle hypothèse de financement à l'équilibre courant — noté EQC — est naturellement croisée dans les exercices qui suivent à chacun des quatre scénarios de prestations présentées précédemment.

La première stratégie alternative de financement des retraites est qualifiée d'équilibre lissé et noté EQL. L'hypothèse retenue est celle d'un lissage partiel obtenu comme suit : on considère que s'applique à partir de 2060 le taux de prélèvement constant correspondant à l'équilibre asympto tique. L'équilibre démographique n'étant pas alors atteint, on détermine l'actif en 2060 de la caisse des retraites compatible avec le scénario après cette date. Connaissant les prestations par période et l'assiette salariale nette, on peut déterminer le taux constant qui, appliqué de 2005 à 2060, permet d'atteindre ce niveau d'actif. Le taux de prélèvement appliqué dans le scénario d'équilibre lissé EQL est la moyenne de ce taux constant et du taux d'équilibre courant24.

La seconde stratégie alternative évoquée dans les travaux internationaux, et recommandée par exemple dans le rapport de McMorrow et Roeger [2001] à la Commission européenne, porte sur la constitution d'un pilier de financement par capitalisation publique. Comme ces auteurs, nous retenons l'hypo-

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thèse d'un fonds assurant à long terme le financement d'un quart des prestations retraite.

La construction de ce scénario dit d'« équilibre fondé lissé » et noté EFL s'effectue comme suit. On calcule d'abord le niveau d'actif requis pour financer à long terme le quart des prestations. Ensuite, supposant qu'à partir d'une date charnière (entre 2060 et 2070) les prélèvements sont fixés au taux d'équilibre courant diminué de la contribution du fonds, on détermine le niveau d'actif requis à cette date. On en dérive le taux de prélèvement supplémentaire requis entre 2005 et 2060 par rapport au scénario EQL. On ajoute alors au taux d'équilibre lissé, déterminé précédemment, ce taux constant de majoration. Un dernier lissage permet d'étaler de 2060 à 2070 le passage du régime à taux majoré (constitution du fonds) au régime à taux minoré, bénéficiant de la contribution du fonds.

Ce scénario est retenu comme représentatif d'une stratégie de constitution d'un pilier de capitalisation publique25.

Les scénarios EQL et EFL semblent pertinents dans les variantes de prestations de base, GR ou DR-GR considérées indépendamment. Toutefois, le scénario mixte DR-GR conduit à un taux de lissage total, constant dès la période initiale, inférieur au taux d'équilibre courant. Aussi dans cette variante de prestations seulement considère- t-on un scénario de « superlissage », noté EFSL, avec un taux constant égal au taux d'équilibre initial. Ce taux est suffisant pour permettre l'accumulation d'un pilier de capitalisation à long terme, certes plus modeste que dans le scénario EFL.

Les scénarios de réforme :

une caractérisation comptable

La caractérisation des différentes stratégies de réforme en termes de profils de prestations et de prélèvements, par application du

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module de comptabilité intertemporelle présenté en annexe, est un préalable nécessaire à l'évaluation de ces scénarios dans le modèle économique complet. De plus, les résultats de ces exercices présentent un intérêt pour eux-mêmes, et de nombreux travaux existants se tiennent à une telle caractérisation des alternatives.

Les figures nos 1 et 2 rapportent d'abord l'impact des mesures de report de l'âge de cessation d'activité de 60 à 65 ans, appliquées progressivement de 2005 à 2025.

La population active, après 2007, continue à augmenter jusqu'en 2023, d'environ 300 000 personnes, puis amorce sa décroissance pour s'établir à 400 000 personnes au-dessus de sa valeur de long terme dans le scénario de base. Le ratio de dépendance diminue jusqu'en 2007, et reste jusqu'en 2020 inférieur au niveau initial. Il s'établit à long terme à 52 %, soit 26 % en dessous du niveau de référence (70 %).

Les stratégies d'ajustement des prestations

Les stratégies d'ajustement - par réduction - des prestations retraite affectent directement les taux de remplacement ainsi que, par l'intermédiaire du ratio de dépendance, le montant global des prestations, égal à leur coût à l'équilibre courant.

Le profil d'évolution des taux de remplacement26 moyen est reporté figure n° 3. Le scénario de base maintient constant les taux de remplacement par PCS. Le taux moyen augmente marginalement, car l'allongement des durées de vie augmente la part parmi les retraités des ouvriers et employés dont le taux de remplacement est plus élevé. Cet effet de composition démographique joue en sens inverse dans le scénario de départ retardé DR, le report des départs en retraite réduisant la part relative des ouvriers à espérance de vie plus faible.

La figure n° 3 montre bien l'impact important des mesures regroupées dans la variante GR de réduction des taux de remplacement. A long terme, ces mesures réduisent de 26 % le taux moyen de remplacement, qui tombe en dessous de 50 %. La

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« morsure » de ces mesures est progressive jusqu'en 2015, puis à rythme ralenti jusqu'en 2035. Le taux moyen de remplacement se stabilise à 5 1 % quand il est combiné au départ retardé. L'érosion du taux de remplacement due à l'indexation-prix est en effet réduite, car elle dépend de la durée moyenne de retraite qui est mécaniquement réduite.

En équilibre courant, le taux de prélèvement mesure directement la masse des retraites en pourcentage de la masse salariale. La figure n° 4 permet sur ce point de contraster le coût des différents scénarios de prestations.

Le profil des prélèvements requis par le scénario de base illustre bien l'impact du seul processus démographique sur un système à générosité constante et transpose pour l'essentiel l'information apportée par le ratio de dépendance. Après une baisse temporaire, le taux de prélèvement augmente de douze points, soit 80 %, entre 2007 et 2030, pour culminer à 39 % de 2050 à 2080. Il ne baisse ensuite que très faiblement, le taux d'équilibre de long terme s'établissant à 36 %, soit une fois et demie le niveau initial.

Il se trouve que, pour des raisons fortuites, la réduction des prestations, GR, et le départ reporté, parfois dénommé « réforme Charpin », ont le même impact à long terme, abaissant de l'ordre de sept points le taux de prélèvement requis. L'impact de ces réformes diffère sensiblement à moyen terme. Dans la période 2015-2030, l'allongement de la durée d'activité, qui à la fois réduit le numérateur (pensions) et accroît le dénominateur (salaire) du ratio, réduit plus sensiblement le coût des retraites.

Le scénario combiné, départ retardé et générosité réduite, est le seul qui ramène le coût à long terme au voisinage du coût initial (24 %). Il entraîne une baisse transitoire mais sensible du taux de prélèvement requis, qui passe en dessous de 20 % de 2007 à 2025.

Les profils représentés à la figure n° 4 illustrent l'importance des enjeux en termes de coûts associés aux différents scénarios considérés. Ils mettent aussi en évidence le poids des facteurs démographiques27. On remarque en particulier que la

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transition démographique ne se limite pas au choc transitoire de l'impact du baby boom. Le coût d'un système à générosité constante, à son pic de 2045 à 2080, n'excède que marginalement son coût à long terme. C'est donc bien à un choc permanent qu'est pour l'essentiel confronté le système des retraites.

Les stratégies de financement

La solution de référence, normalement associée à une logique de répartition, conduit toujours à une augmentation sensible des taux de prélèvement, à partir de 2007 avec les prestations de base ou plus tardivement dans les scénarios de départ reporté. Il est donc important d'examiner les effets de mécanismes de lissage ou de l'introduction d'un pilier de financement par capitalisation publique.

Cet examen est effectué pour chaque modalité de prestation, les profils de taux de cotisation correspondant étant reportés sur les figures nos 5 a et b, pour les prestations de base et le scénario d'ajustement cumulé.

Dès lors que l'on s'écarte de l'équilibre financier courant propre à un pur régime de répartition, la contrainte budgétaire des caisses de retraites doit être reformulée en termes intertemporels et dépend donc essentiellement du taux d'intérêt. La logique de modélisation en deux étapes présentée plus haut conduit à supposer un taux d'intérêt exogène suivant une hypothèse d'économie ouverte. Les scénarios internationaux, avec des évolutions parallèles des systèmes de retraite, conduisent à prévoir une baisse des taux de rendement de 2000 à 2040. Pour des raisons de simplicité, nous avons retenu l'hypothèse d'un taux constant en choisissant par prudence la valeur de 4,5 %, qui se situe dans le bas de la fourchette considérée dans les travaux internationaux28.

La figure n° 5a reprend d'abord le profil des prélèvements nécessaires à l'équilibre courant dans le cas des prestations de base, à taux de remplacement inchangés.

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Le scénario de lissage (EQL) ne modifie pas par construction le taux de prélèvement à long terme qui reste égal à 36 %. Il implique un effort d'anticipation de la hausse des prélèvements, mis en place entre 2003 et 2010, et poursuivi jusqu'en 2023, avec une contribution additionnelle atteignant cinq points. Le fonds de lissage est utilisé à partir de 2025, le taux de cotisation passant alors au dessous de sa valeur d'équilibre courant, avant de la rejoindre à partir de 2060 selon la spécification introduite a priori. Le gain au lissage est particulièrement net dans les années 2040-2050 où les prélèvements sont limités aux environs de 35 % au lieu de 39 % à l'équilibre courant.

Le scénario d'équilibre partiellement fondé EFL diffère plus fondamentalement par les gains d'efficacité qu'il autorise à long terme. A prestations inchangées, le taux de cotisations est alors ramené de 36,09 à 30,63 %, soit un gain de 15 %. On vérifie facilement que ce gain est bien le quart de celui qui serait associé à un système de pure capitalisation, résultant de la différence des rendements (4,5 % au lieu de 1,8 % en répartition). Pour évaluer la robustesse de ce mécanisme, remarquons qu'une hypothèse plus conservatoire d'un taux d'intérêt de 4 % avec un taux de croissance de la masse salariale de 2 % laisserait subsister, pour le scénario d'un pilier d'un quart de capitalisation publique, un gain de 12,5 % (0,25 * 2 %/4 %) au lieu de 15 % pour l'étalonnage retenu dans le scénario présenté.

Ce gain d'efficacité se paie d'un effort supplémentaire de 1,43 point de cotisations entre 2007 et 2065, à comparer donc au gain permanent ultérieur de 5,46 %. Comme on l'a indiqué à propos des travaux de Breyer, ces gains et pertes sont actua- riellement équilibrés et se compenseraient parfaitement pour des agents à durée de vie infinie avec des marchés financiers parfaits. Ils comportent bien sûr des effets redistributifs majeurs en raison des profils démographiques et des contraintes de liquidité.

Par définition, les enjeux de scénarios de financement alternatifs sont atténués pour d'autres scénarios de prestations dont le coût actualisé est inférieur.

Les scénarios de générosité réduite, départ retardé et, a fortiori, leur combinaison, entraînant une baisse à court terme

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des cotisations d'équilibre, justifient la constitution d'un fonds de lissage. Pour le scénario combiné (DR GR), toutes les stratégies de financement considérées conduisent à une baisse des prélèvements jusqu'en 2035 ou 2040, rendant ainsi particulièrement opportun l'institution d'un fonds de lissage ou de capitalisation.

Dans le cas de départ retardé, la stratégie de lissage EQL permet de repousser jusqu'en 2023 la hausse des cotisations qui plafonnent à 28 % dans les années 2040-2055 avant de dépasser légèrement (à 30 %) leur valeur de long terme de 2060-2100.

Le montant du pilier de capitalisation à constituer est réduit dans les mêmes proportions que les prélèvements à long terme. Le prélèvement additionnel à mettre en œuvre de 2007 à 2060 étant de l'ordre de 1,15 point pour un gain permanent ultérieur de 4,40 points.

Le scénario de prestations ajustées en générosité réduite étant plus coûteux jusqu'en 2037, le scénario de lissage EQL fait apparaître une augmentation régulière du taux de cotisations de 24 % en 2003 à 28 % en 2030 puis 29 % en 2060. Le niveau de cotisations requis pour la variante partiellement fondée EFL plafonne à 30 % de 2040 à 2065. Le scénario le plus économe en termes de prestations, DR GR, est compatible avec un superlissage du taux de cotisations, constant à partir de 2005, aux environs de 22 % et laissant subsister un pilier de financement permanent économisant à long terme deux points de cotisations.

Les implications des stratégies alternatives de financement, en termes d'accumulation d'un fonds de réserve ou de financement, sont explicitées respectivement aux figures nos 6a et 6b.

Le financement du scénario de prestations de base, le plus coûteux, exige l'accumulation du fonds de réserve le plus important, avec un montant équivalent à dix mois de consommation. On note également que ce fonds doit culminer en 2032. La générosité réduite diminue de 12 % le montant

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requis, mais allonge de cinq ans environ la période d'accumulation. Les scénarios de départ retardé réduise plus sensiblement l'importance du fonds de lissage.

On remarque que nos résultats diffèrent sensiblement des perspectives envisagées pour le fonds de réserve tant en termes de montant que de délai. Selon le rapport du COR ([2001], p. 97) « le fonds de réserve pour les retraites, créé par la loi de financement de la sécurité sociale pour 1999 est destiné à lisser entre 2020 et 2040 les efforts de financement des régimes ». Dans notre scénario de base, environ 20 % du fonds reste à accumuler entre 2020 et 2032 et plus de 80 % doivent être utilisés après 2040. De même le montant prévu de 184,5 milliards d'euros29 en 2020, valeur 2002, soit environ trois mois de consommation, représente le tiers de la valeur obtenue dans notre scénario de base et 55 % du montant requis dans le scénario de générosité réduite.

La figure n° 6b présente les profils de constitution, de 2003 à 2070, d'un pilier de capitalisation (scénario EFL), le profil du fonds de lissage en cas de prestations de base étant reproduit pour comparaison.

La constitution du pilier de capitalisation représente une accumulation permanente d'une ampleur près de trois fois (2,75 pour le scénario de base) supérieure. On remarque toutefois que ces profils ne divergent qu'à partir de 2020. Par construction, l'importance relative des fonds de capitalisation à long terme est exactement proportionnelle au coût asymp- totique des scénarios de prestations correspondant, s'éche- lonnant d'un ordre de grandeur de 1,1 à 2,0 PIB annuel.

Une remarque générale peut être tirée de ces exercices comptables : l'horizon 2040 habituellement retenu par les travaux français paraît trop court pour appréhender les effets de stratégies alternatives de réforme des retraites, en particulier si des modifications significatives des modes de financement sont envisagées.

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Le modèle économique :

comportement des ménages

et équilibre intertemporel

La caractérisation comptable des différents scénarios de réforme des retraites définit les flux de revenus nets des ménages en fonction de leur âge, de leur PCS et de leur situation d'activité. Le calcul de l'équilibre dynamique associé à partir des comportements d'agent est alors réalisé en utilisant le modèle développé par Th. Weitzenblum [200 1]30.

La représentation des processus démographiques et des revenus d'activité ayant été esquissée plus haut, avec le module comptable, on présentera maintenant les hypothèses relatives aux préférences et au comportement des agents.

Préférences et décisions des agents

Confrontés au profil exogène de leur revenu d'activité anticipé, et au risque qu'il comporte, les agents peuvent épargner une partie de leur revenu courant pour adapter leur détention d'actifs financiers at, ce qui détermine dans le même temps leur consommation courante puisque l'on exclut la possibilité d'endettement (at > 0). L'épargne est motivée par le souhait de lisser leur consommation le long de leur cycle de vie et en réponse aux aléas de revenus, mais aussi par un motif de legs. Les préférences des agents sont représentées par une fonction d'utilité intégrant trois composantes. • la contribution de la consommation courante selon une fonction à aversion relative constante pour le risque :

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• pour un agent actif, la désutilité du travail, exprimée en unité d'efficience, mesurée par le salaire brut, soit :

и. =

où Ç est un paramètre commun à tous les agents et К^м une mesure du temps travaillé, valant 1 pour les actifs, 0 pour les retraités, mais une valeur intermédiaire pour les cohortes concernées par Г implementation progressive du départ retardé. • pour les agents confrontés au risque de décès, un terme mesurant l'utilité indirecte31 du capital légué en héritage en fonction de la consommation moyenne de l'héritier potentiel čj

où t(a) désigne la taxation de l'actif légué, Ф/ et Ф2 des paramètres positifs.

On remarque que, avec cette spécification, le motif de legs croît si la consommation des jeunes est réduite. De même, l'incitation des jeunes à épargner est réduite en fonction de leur anticipation d'héritage3 32

Comportement d'accumulation

Le comportement d'épargne — et donc identiquement de consommation des agents - résulte de la maximisation de l'espérance d'utilité intertemporelle sous leurs contraintes budgétaires qui coïncide ici avec la loi d'évolution de leur actif, sous une condition d'actif positif (contrainte de liquidité ou de non endettement). Le programme de l'agent est écrit sous forme recursive, caractérisée par l'équation de Bellmann, et explicité en annexe.

A chaque instant, l'utilité espérée à la période suivante est pondérée par les probabilités de transition sur les niveaux de revenu (pour les actifs), de décès (pour les retraités et les actifs âgés), et d'héritage pour les jeunes concernés. Elle est actualisée à un facteur d'escompte Д Afin de comporter une solution sta-

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tionnaire, le problème est reformulé en termes de grandeurs « intensives » déflatées par la tendance du progrès technique (l+g)\ les taux d'actualisation et taux d'intérêt étant redéfinis en conséquence.

L'équilibre de l'économie

Si le calcul de l'équilibre stationnaire reste une étape incontournable pour la détermination des conditions terminales et de certaines conditions initiales, l'objectif plus spécifique de l'étude requiert de déterminer un équilibre dynamique à anticipations rationnelles, ce qui suppose de calculer les trajectoires des variables endogènes sur la période de transition telle que les comportements des agents reproduisent une trajectoire identique à celle qu'ils avaient anticipée.

Les conditions terminales correspondent à l'équilibre stationnaire du modèle pour des paramètres démographiques et institutionnels stabilisés respectivement en 2030 et 2060. Toutefois, la forte inertie des processus démographiques, la population n'atteignant sa composition stationnaire que vers 2030, impose de considérer un horizon de transition plus long, de l'ordre de 2160 ou 2185 selon les simulations.

Un équilibre à anticipations rationnelles sur cet horizon de transitions est défini par les conditions suivantes : • l'évolution des actifs at+1{a) suit les règles de décision, solution du programme des agents ; • la distribution des agents selon leurs caractéristiques exogènes et leur niveau d'actif, à chaque date, dérive de manière unique de ces règles de décision à partir des conditions initiales ; • les anticipations d'héritage et de consommation moyenne des héritiers sont satisfaites ; • le produit de la taxation de l'héritage, étant endogène donc non intégré dans le module comptable, est redistribué entre tous les agents sous forme forfaitaire.

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L'étalonnage du modèle

Pour limiter la taille du problème et compte tenu de la lon

gueur de la période de transition à considérer, la période du

modèle a été prise égale à 2,5 ans, d'où une durée de vie maxi

male de 32 périodes. L'intervalle entre deux générations est de

douze périodes (30 ans). L'étalonnage des tables de mortalité,

des flux d'entrée et de la matrice de mobilité sociale est pré

cisé dans l'annexe technique.

Les paramètres de comportement ont été fixés confo

rmément à la littérature et en vue de reproduire certains ratios

significatifs. L'aversion pour le risque est prise égale à 1,5 et

le facteur d'escompte psychologique /3 =0,982, pour obtenir

un rapport actif sur revenu A/y = 2,5. Le paramètre Ф1 com

mande l'importance du motif du legs. Il est posé égal à -14 pour

obtenir un ratio moyen des legs à l'actif total de 1,5 %. La valeur

Ф2 = 10 est choisie pour déterminer le surcroît de consom

mation permanente, assuré à l'héritier en fonction du legs

reçu. Le coefficient Ç de désutilité du travail a été fixé à 2,95.

Cette valeur assurant qu'un départ en retraite à 60 ans conduit

au bien-être maximal à l'équilibre stationnaire initial (Weit

zenblum, [2001]).

Le profil salarial est étalonné par PCS selon les données

de l'Insee (Emploi-revenu n° 103, [1996]). La progression

cumulée sur la carrière croît avec le niveau de qualification, de

l'ordre de 20 % pour les ouvriers elle atteint 1 10 % pour les

cadres. Le taux d'imposition de l'héritage suit, dans le modèle,

un barème approximant par palier, de 0 à 40 %, le profil

obtenu par Hallez et Marescot [1995]. Le processus de mobil

ité sociale entre générations est paramétré selon les données de l'Insee (Emploi-revenu n° 86-88, [1996]).

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40 Pierre-Yves Hénin, Thomas Weitzenblum

L'évaluation des réformes : une

caractérisation macro-économique

Les solutions du modèle dynamique de comportement définissent des distributions d'équilibre à chaque date de l'horizon de transition. Par intégration sur ces distributions, on définit des valeurs agrégées ou moyennes qui caractérisent les implications macro-économiques des scénarios alternatifs de réformes considérés. Rappelons que, sous l'hypothèse de petite économie ouverte, le taux d'intérêt est posé exogène et invariant aux différentes politiques, ainsi que les taux de salaires, qui croissent au taux annuel de 1,8 % comme la productivité, et sont donc constants en termes de variables normalisées dans la présentation ici retenue.

Il nous semble en effet que la présentation en variable normalisée permet de mieux dégager la contribution spécifique des réformes considérées, alors qu'une présentation en niveau, dominée par les évolutions tendancielles, tend à écraser les effets spécifiques aux régimes de retraite33.

La caractérisation macro-économique porte sur trois variables : les profils de consommation par tête, les profils d'accumulation d'actif et le revenu national net.

Les profils de consommation par tête sont reportés à la figure n° 7a. Plutôt qu'au niveau de référence, initial, dont la mesure a un caractère conventionnel, c'est bien sûr aux écarts et aux évolutions qu'il convient de s'attacher.

La première observation porte sur la diminution régulière de la consommation dans le scénario de base. Lente jusqu'en 2040 (environ 2 % en cumulé), elle s'accélère jusqu'en 2080 pour atteindre 10 % à la fin du siècle. C'est le constat qui fonde l'exploration d'alternatives, en termes de prestations comme de financement.

Le scénario de lissage conduit à anticiper la baisse de la consommation avant 2020 (de 1 à 1,5 %), pour gagner environ

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2 % de 2040 à la fin du siècle. La consommation est en particulier stabilisée de 2010 à 2045.

Le scénario de générosité réduite conduit à une baisse immédiate de la consommation (4 % environ) qui excède la baisse des prestations, en raison de l'effort d'épargne interprétable comme capitalisation privée qui se substitue aux futures retraites réduites. Toutefois, à partir de cet ajustement initial, la consommation augmente régulièrement. Elle dépasse celle du scénario de base en 2033 et excède à long terme de 7 % celle de ce scénario de référence. L'adjonction d'un lissage (scénario GR EQL) accentue la baisse initiale et les gains ultérieurs. Elle apparaît donc comme un surajustement à la baisse tendancielle impliquée par le scénario de base.

Notons ici qu'on ne peut pas inférer de cette évolution de constat normatif sur le bien-être des agents en 2040 par rapport au bien-être en 2000. En effet, l'accroissement de la consommation moyenne, dans ce scénario comme dans tous ceux qui suivent, est du à un fort effet de composition. En raison du vieillissement de la population, les retraités, dont la consommation moyenne est supérieure à celle des actifs, sont relativement plus nombreux. Ils tendent à élever la consommation par tête. Cet effet est remarquable, car les profils de consommation (deflates de la tendance de la productivité) indiquent qu'en 2040 les agents consomment, pour un âge et une PCS donnée, moins qu'en 2000. Ainsi, à tous les âges, la consommation est effectivement réduite d'ici à 2040 mais la moyenne est calculée sur des pyramides des âges très différentes. Cette remarque implique alors que la baisse de la consommation par tête du scénario à prestations inchangées et équilibre courant (base EQC) réduit la consommation à tous les âges nettement plus que ne le suggère le graphique, car l'effet de composition tend à accroître la consommation moyenne.

Les scénarios à départ progressivement retardé entraînent une très sensible augmentation de la consommation, par hypothèse substituée au loisir. Cet effet est immédiat (+ 6,5 %) puisque la perspective de revenus salariaux accrus sur le cycle de vie réduit le besoin d'épargne. A long terme, le gain de consom-

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mation est de 14 % sur le scénario de base, et même 24 % quand on combine départ retardé et générosité réduite. Les modifications apportées par le lissage des taux de contributions sont semblables à celles commentées plus haut. Remarquons que la consommation moyenne se sur-ajuste plus fortement dans les scénarios à départ retardé que dans les autres. Alors que la cible de long terme est inférieure à la consommation en 2000, on observe une augmentation sur les vingt-cinq premières années. Ceci est essentiellement dû à la baisse conséquente du taux de prélèvement sur cette période : les agents profitent de cette baisse pour consommer davantage, tout particulièrement les agents contraints par la liquidité qui ne souhaitent dans aucune configuration épargner.

La figure n° 7b permet d'évaluer l'impact sur la consommation moyenne de l'introduction d'un pilier de capitalisation publique. Dans le cas de prestations généreuses, de base, l'effort additionnel se traduit par une réduction supplémentaire de la consommation de l'ordre de 1,5 %. Le gain par rapport au scénario d'équilibre courant, apparaît à partir de 2040 et s'amplifie ensuite, permettant de retrouver à long terme le niveau de consommation initial.

Associée à la générosité réduite, la capitalisation partielle est très efficace à long terme permettant le même niveau de consommation que la variante DR avec financement courant EQC, où les salariés travaillent cinq ans de plus. Avec un coût initial important et un profil croissant ensuite, ce scénario s'écarte cependant de l'objectif de lissage.

Le scénario de superlissage, appliqué à la combinaison de départ retardé et de prestations réduites DR GR, assure la consommation maximale en régime permanent. La combinaison de capitalisation et de départ retardé DR EFL implique une moindre composante de capitalisation totale, et donc un niveau moins élevé de consommation à long terme. Il permet en revanche une stabilisation rapide de la consommation à un niveau élevé.

Les figures n° 8 permettent d'approfondir les comportements d'épargne qui sous-tendent ces profils de consommation. Le profil en base EQC montre que le scénario de base, à pres-

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tations maintenues, implique lui-même un effort de capitalisation privée, sensible à l'équilibre stationnaire, comme l'avait montré un travail antérieur (Weitzenblum, [2001]) mais surtout dans une période de transition culminant en 2025-2030. A ce moment, l'actif privé excède de 75 % sa valeur initiale et de 50 % sa valeur de long terme. Le surajustement est dû à la forte accumulation des actifs d'âge mûr qui souhaitent épargner davantage tant que le taux de prélèvement est inférieur à son niveau de long terme. Remarquons que cet effet est massif, en comparaison de l'accroissement de l'actif privé par tête entre la période initiale et le long terme.

Le départ retardé atténue quelque peu ce pic et le retarde dans le temps. Le surajustement est plus faible, car l'accroissement du taux de prélèvement est moindre : les agents épargnent un peu moins, car les revenus nets avant 2025 en proportion des revenus nets de long terme sont plus hauts que dans le schéma de base. Le niveau d'actif par tête en DR est asymptotiquement supérieur à celui en base, l'effet d'un revenu accru dépassant la réduction du taux d'épargne. L'examen du profil de richesse par âge en coupe de long terme (non représenté) révèle que l'accumulation en niveau avant 60 ans est semblable dans les deux scénarios, avec une accumulation qui se poursuit jusqu'à 65 ans en DR, et un actif par tête moyen signifïcativement supérieur à tous les âges de retraite en DR. Ce résultat est conforme à ceux établis dans une étude précédente (Weitzenblum, [2001]).

Le phénomène de « capitalisation privée spontanée » induit par la réduction des prestations selon le scénario GR est massif. Le niveau d'actif privé est pratiquement doublé à long terme, le surajustement des années 2030 étant en conséquence moins marqué. Le même raisonnement que celui portant sur le départ retardé s'applique au moindre surajustement : le taux de prélèvement augmente moins sur longue période qu'à prestations inchangées. Les scénarios de lissage des prélèvements EQL réduisent, de l'ordre de 10 à 15 %, le phénomène de surajustement de l'épargne privée.

En rapportant parallèlement l'actif privé et l'actif total (incluant le fonds de retraite) la figure n° 9 permet d'une part

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de comparer l'ampleur des piliers de financements public et privé, d'autre part d'évaluer les effets d'éviction du fonds de retraite sur l'actif privé. A long terme, le « pilier public » requis pour financer le quart des prestations de base approche 90 % de l'actif privé. Il ne représente que 37 % de l'actif privé s'il s'agit de financer les prestations réduites en scénario GR.

L'effet d'éviction de la capitalisation publique est sensible : l'épargne privée est réduite de 15 % au pic de 2030 dans les scénarios EFL ou EQL et de 1 1 % environ en 2070 dans le cas d'un pilier de capitalisation publique. On peut mesurer l'effet d'éviction au pic d'accumulation en 2025, pour les scénarios EQL et EFL en prestations inchangées. En lissage temporaire, la baisse de l'actif privé atteint presque 60 % de l'actif public, ce qui est considérable. En EFL, cette baisse vaut environ 43 %. Remarquons cependant que l'effet d'éviction ne porte que sur la transition. A long terme, le fonds permanent en EFL permet de réduire les prélèvements, ce qui accroît proportionnellement tous les revenus par rapport à l'absence de capitalisation (scénarios EQC et EQL).

L'agrégat de revenu calculé dans le modèle, hors amortissement et impôts, est plus comparable à un revenu national net qu'à un PIB. La figure n° 10-a reporte les profils de ce RNN selon les prestations, à financement courant. Le scénario de base comporte un mouvement de baisse lié à la baisse du taux d'activité totale, compensé jusqu'en 2025 par la croissance des revenus d'actifs. Le RNN en générosité réduite bénéficie surtout de l'augmentation durable des revenus d'actifs, les scénarios de départ retardé d'une augmentation du taux d'activité. L'écart à long terme sur le RNN entre les variantes extrêmes est de 20 %.

Ces profils de revenu net permettent de mieux comprendre les profils de consommation examinés à partir des figures n° 7, et en particulier la baisse sensible de la consommation dans le scénario de base.

Les figures n° 10 rapportent les prestations retraites au revenu net. Cet agrégat étant plus étroit que le PIB, le ratio obtenu est supérieur à ceux présentés habituellement (11,6 à 18 % dans le rapport du COR). Ce ratio traduit ici, dans le scé-

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nario de base, à la fois la croissance du numérateur et la décroissance du dénominateur, d'où un accroissement de 45 % à l 'horizon 2060-2080.

Ainsi donc, malgré les simplifications apportées à différents mécanismes, les simulations du modèle apportent un éclairage original sur diverses implications macro-économiques de scénarios de réforme des retraites. En termes d'enjeux politiques, il est tout aussi important d'examiner les aspects redistributifs de ces réformes.

Les effets redistributifs,

inter et intragénérationnels

Les effets redistributifs de réformes des retraites sont souvent évoqués, mais rarement évalués quantitativement dans un modèle dynamique de transition. Si, bien sûr, on pense d'abord à des effets intergénérationnels, les effets intragénérationnels (dans notre approche, entre PCS) sont aussi importants. Rappelons que nous ne considérons pas de scénarios explicites de redistribution, puisque l'on conserve la valeur relative des différents ratios de remplacement, respectant ainsi le caractère principalement bismar- kien du système français.

Des mesures globales des inégalités

On propose d'abord une mesure globale des inégalités en termes de coefficients de Gini de la consommation — indicateur du niveau de vie - et de l'actif privé - indicateur de la richesse.

Deux remarques liminaires se dégagent, l'une bien connue, la seconde originale : l'inégalité en matière de patrimoine excède largement les inégalités de consommation, mais surtout, la transition démographique va impliquer la croissance des inégalités

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46 Pierre- Yves Hénin, Thomas Weitzenblum

de consommation et une décroissance, au moins temporaire des inégalités de richesse. La comparaison des scénarios de réforme ne manque pas d'intérêt.

Le scénario tendanciel de pure répartition à niveau élevé de prestations base EQC est à moyen terme parmi les plus inéga- litaires en termes de consommation, tandis que la générosité réduite, indépendamment de son financement est plus satisfaisante du point de vue de ce critère comme de celui des inégalités de patrimoine. En revanche, les scénarios de départ retardé s'accompagnent aux différents horizons, de coefficients d'inégalité supérieurs34.

Le paradoxe apparent au regard du débat français d'un effet réduction d'inégalités de la générosité réduite repose sur deux mécanismes. D'une part, dans la distribution par âge, les retraités ont des niveaux de consommation élevés. Réduire les pensions les ramène vers la moyenne, ce qui réduit la dispersion. La réduction concomitante des cotisations élève la consommation des jeunes, la rapprochant également de la moyenne. D'autre part, l'incitation à une épargne privée vient compenser le phénomène que l'on peut qualifier de « syndrome suédois »35. La réduction des inégalités de patrimoine observées dans tous nos scénarios jusqu'en 2030 est ainsi le corollaire du surcroît d'épargne auquel se livrent toutes les PCS.

Le caractère relativement inégalitaire des variantes de départ retardé tient en revanche en partie à un effort d'épargne réduit, mais surtout à la diminution relative des pensions dans le revenu total de cycle de vie.

La redistribution intergénérationnelle

II est difficile de comparer des mesures de bien-être sur des durées de vie différentes. Aussi, la première mesure proposée des conséquences inter-générationnelles de réformes alternatives est- elle une mesure du bien-être à vingt ans, soit à l'entrée dans la vie active, étant entendu que ce bien-être intègre l'anticipation

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de la consommation sur le cycle de vie, et même l'utilité tirée du legs laissé aux héritiers (figure n° 13).

A nouveau le scénario de base s'accompagne d'une dégradation des perspectives pour les cohortes nées entre 1980 et 2030, avant que s'esquisse une récupération très partielle. On observe que le lissage évite ce surajustement du bien-être à la naissance. En termes intertemporels, et hors effets de composition, le lissage aboutit effectivement à maximiser le bien-être à la naissance de la génération la moins bien lotie. Par ailleurs, lorsqu'on considère exclusivement les générations à naître, le coût du lissage est extrêmement limité et ne porte que sur les générations nées avant 200 536.

Le départ retardé n'améliore que faiblement le bien-être des générations jeunes ou à naître, ce qui contraste avec les gains de consommation très sensibles apportés par cette mesure et résulte de la prise en compte de la perte en loisir. Le lissage a ici également l'effet escompté.

Le scénario de générosité réduite en financement courant EQC est le plus favorable aux générations jeunes ou à naître. Eventuellement combinée au départ retardé, la réduction des prestations permet seule que les générations futures retrouvent le même niveau de bien-être que les jeunes de l'an 2000. Bien sûr, ce résultat doit être mis en rapport avec le coût plus élevé que comportent ces scénarios pour les travailleurs actifs ou retraités en 2000, comme on va le voir maintenant.

Une comparaison de la situation des générations actives ou à naître ne peut être menée en termes absolus, mais uniquement en termes d'écart, comme ceux figurant sur les figures n° 14 que nous allons considérer maintenant37.

La figure n° 14a rapporte en écart de bien-être par rapport au scénario de base, financement EQC, les gains ou pertes de bien-être entraînés par une réforme des prestations selon la cohorte d'appartenance (la date de naissance). L'enjeu de redistribution intergénérationnelle des réformes considérées apparaît clairement.

La générosité réduite est coûteuse pour les retraités et pour les actifs de plus de 35 ans, mais favorise les jeunes, en par-

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ticulier ceux nés à partir de 2000. La perte moyenne pour les plus de 35 ans n'est cependant que la moitié du gain de ces générations futures.

Le départ retardé bénéficie aux retraités actuels, et le reste aux jeunes qui entrent actuellement dans la vie active. Seules les cohortes nées à partir de 1987 redeviennent gagnantes à ce scénario.

Le scénario combiné DR GR ne conduit pas à une simple moyenne des précédents. A l'exception de quelques retraités (nés en 1 920) tous les agents de plus de 22 ans en 2000 perdent à ce scénario, dont le bénéfice à long terme n'excède pas celui de la seule générosité réduite. En comparaison avec la seule générosité réduite, la combinaison DR GR accentue les disparités de bien-être entre les générations présentes en 2000. Les agents de plus de 60 ans étant déjà à la retraite, ils bénéficient du prolongement de la durée d'activité à travers une augmentation de leurs revenus nets, sans en subir la désutilité. Le coût est donc reporté sur les actifs.

Les résultats complets, non reportés ici, permettent d'affiner l'analyse pour chaque PCS. De manière inattendue, le rapport des gains aux pertes à la générosité réduite est meilleur pour les ouvriers non qualifiés, tandis que le départ retardé leur est plus défavorable, avec un gain très limité pour les générations futures (négatif jusqu'à la cohorte 2005 !).

A l'opposé, les cadres supérieurs bénéficient plus des mesures de départ retardé. La perte en bien-être des actifs et retraités (en GR) est pour eux sensiblement plus faible, l'atténuation des gains étant plus limitée.

La figure n° 14b indique les gains en bien-être associés aux différents scénarios de financement, dans l'hypothèse du maintien des prestations (base). La variante de lissage comme celle de financement représentent un pur transfert intergénérationnel, à effet transitoire (en EQL) ou permanent (en EFL).

Les termes de l'arbitrage sont différents. Le lissage implique pour tous les plus de dix-sept ans en 2000 un effort limité (15 à 20 % du coût moyen de la générosité réduite), dont bénéficieront principalement les cohortes nées entre 1990 et 2040. La consti-

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tution d'un pilier de capitalisation publique impose un effort en moyenne double, jusqu'à la cohorte née en 1990, pour un bénéfice à la fois permanent et plus sensible, puisqu'à partir de 2040 il équivaut à celui de la générosité réduite.

On remarque que l'impact des scénarios de financement est moins contrasté par PCS que celui des réformes des prestations. Dans l'ensemble, le message fort qui résulte de ces exercices est bien la confirmation du résultat de Breyer [1989]. La réforme des retraites exige une redistribution, et ne peut relever d'un dispositif pareto-amélio rant dans lequel chaque génération pourrait être bénéficiaire.

Des effets différenciés par PCS

Les figures n° 1 5 nous permettent de porter un regard approfondi sur les gains et pertes par cohorte différenciés selon la PCS. En particulier, la mesure d'impact sur le bien-être adoptée ici est directement interprétable : c'est le montant du transfert, transfert équivalent en cas de gain, transfert compensateur en cas de perte, qui laisserait inchangé le bien-être de l'agent médian38 en cas d'adoption d'un scénario différent de la combinaison prestation de base — financement courant.

La figure n°15a présente les enjeux de la générosité réduite à financement courant, et donc identique à celui de la solution de référence. Elle confirme que les ouvriers non qualifiés sont la PCS qui bénéficie relativement le plus de cette solution. Ils sont bénéficiaires de cette mesure en dessous de 37 ans, alors qu'un cadre doit avoir moins de 30 ans pour y gagner. La perte maximale de près de deux ans de salaire (pour la cohorte 1990) est certes importante, mais moins que pour les cadres supérieurs où elle atteint onze trimestres. De même, le gain permanent pour les cohortes 2000 et suivantes d'ouvriers non qualifiés est de l'ordre de neuf trimestres de salaires contre 5,5 pour un cadre supérieur. Le coût initial est maximal pour les cadres moyens et les professions intermédiaires tandis qu'à long terme se rejoignent

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les situations respectives des cadres moyens et supérieurs d'une part, des ouvriers qualifiés ou non d'autre part.

L'examen de la figure n°15b, rapportée à n°15a, permet de comparer réformes GR et départ retardé. Le départ retardé entraîne un coût plus concentré et un gain plus limité à long terme, presque nul pour les ouvriers non qualifiés.

Le cumul des mesures générosité réduite et départ retardé alourdit le coût pour les cohortes 1945 à 1970. Globalement, les désavantages pour les ouvriers du départ retardé dominent les avantages relatifs tirés de la générosité réduite, tandis que l'inverse prévaut pour les cadres.

L'examen des figures nol6, qui explicitent l'impact des différents scénarios de retraites sur les profils de consommation de diverses cohortes, apporte une vue complémentaire sur les enjeux des réformes considérées. Les figures nos 16a et 16b présentent les profils de consommation suivant le schéma de prestations retenu, à équilibre courant. Les profils de consommation suivant le financement, à prestations données (non représentées), sont assez semblables pour les différentes PCS.

En premier lieu, on peut observer l'effet propre du choc démographique dans le scénario de base, de prestations maintenues. Ne disposant pas de calcul de la consommation avant 60 ans pour les cinq cohortes considérées, nous pouvons cependant illustrer la dégradation spontanée de situation des jeunes par le niveau de consommation à cet âge. Pour les ouvriers non qualifiés (figure n° 16a) la cohorte née en I960 aura, en 2020, une consommation inférieure de 2,9 % à celle de la cohorte 1940 en 2000. La réduction de la consommation à 60 ans est de 3,1 % pour la cohorte 1980, de 9,1 % pour la cohorte 2000 et de 1 1,3 % pour la cohorte née en 2020.

Les cohortes de cadres supérieurs connaissent de même une réduction de consommation à 60 ans, de 1,3 % (cohorte 1960), 5,1 % (cohorte 1980), 11,2 % (cohorte 2000) atteignant 12,8 % pour la cohorte née en 2020.

L'aspect redistributif inter générationnel de la générosité réduite ressort de son impact sur les consommations à 60, mais surtout à 90 ans. Par rapport au scénario de base, la consommation

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à 60 ans baisse de 10,8 % pour les ouvriers non qualifiés nés en 1940, de 2 % pour les ouvriers nés en 1960. Elle augmente de 4 % pour la cohorte 1980, de 8,2 % pour la cohorte 2000 et de 10,3 % pour la cohorte 2020. A 90 ans, cette réforme est in

itialement plus coûteuse. Pour la même PCS des ouvriers non qualifiés, la perte de consommation, par rapport au scénario de base, est de 24 % pour la cohorte 1940, de 3 % pour la cohorte 1980 et pratiquement nulle pour la cohorte 2000. La génération née en 2020 gagnerait à cette réforme près de 1 % de consommation à 90 ans.

Pour les cadres supérieurs nés en 1940, la perte de consommation est de 1 1 % à 60 ans et de 14 % à 90 ans. Elle est encore de 2,3 % à 60 ans et de 6 % à 90 ans pour la génération 1960. La génération 1980 gagne à 60 ans (2,6 %) mais perd encore à 90 ans (1,4 %). Les générations 2000 et 2020 gagnent à la fois à 60 ans (respectivement 5,2 % et 6,4 %) et à 90 ans (0,6 % et 1,2%).

Bien sûr, les gains de consommation sont amplifiés en cas de départ retardé. On remarque cependant que la contrainte de liquidité présente dans le modèle ne permet pas à la consommation des jeunes entrant dans la vie active de répondre complètement à l'augmentation de leur revenu salarial de cycle de vie.

Toute réforme du système des retraites affecte inégalement les différentes générations et, dans une certaine mesure, les différentes catégories socio-professionnelles. Cette étude permet une caractérisation - certes stylisée mais très complète - de l'impact des réformes couramment engagées, ou envisagées, en matière de prestations comme de financement qui prend en compte à la

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fois l'effet permanent ou à long terme de ces mesures mais aussi et surtout les effets différenciés sur les diverses générations actives, retraitées, ou devant entrer sur le marché du travail d'ici 2040. Les résultats sont pour une part attendus, parce que standard ou établis par des études antérieures, mais nous dégageons aussi divers résultats plus originaux qui méritent d'être examinés avec attention et interprétés avec prudence.

Une première série de remarques concerne les ordres de grandeur des enjeux en cause. Il est bien connu que le maintien des taux de remplacement prévalant à la fin des années 1 990 impliquerait dans les années 2040 une augmentation des taux de cotisations des 2/3. On montre qu'un tel scénario tendanciel entrai- nerait une baisse permanente de la consommation par tête, par rapport à la tendance de croissance de l'économie, de l'ordre de 10 %.

L'adoption d'un dispositif de réduction des prestations type générosité réduite dans la logique de la réforme engagée en 1993, réduit à 3 % cette perte de consommation à long terme, au prix d'une baisse de 7 % à court terme. L'adoption d'un dispositif de report du départ à la retraite se traduisant par un gain immédiat de la même ampleur, mais un gain à long terme atteignant 24 % lorsqu'il est combiné avec la générosité réduite.

Notre étude montre l'efficacité d'un dispositif de lissage par constitution d'un fonds, mais aussi l'insuffisance de l'horizon envisagé pour le Fonds de réserve des retraites : l'essentiel de ce fonds devrait être utilisé après et non pas avant 2040.

On vérifie l'efficacité, pour la paramétrisation adoptée, de la constitution d'un pilier de capitalisation publique qui, à long terme, réduirait de 1 5 % le taux de cotisation requis à cotisations inchangées. On montre aussi que cette capitalisation publique n'évincerait que très partiellement la capitalisation privée que représente l'augmentation de l'épargne des ménages, sensible même en cas de prestations maintenues mais bien sûr amplifiée en cas de réduction des taux de remplacement. Sous l'effet combiné des taux d'activité accrus et des revenus d'actifs majorés, le revenu national net de long terme est, dans les variantes les plus

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favorables, supérieur de près d'un quart à sa valeur dans le scénario de base.

Il est intéressant à ce stade de situer nos résultats par rapport à ceux d'études étrangères comparables. Si le message qualitatif est semblable, notre évaluation des arbitrages entre gains et pertes est nettement moins favorable à des réformes fondamentales. A titre indicatif seulement, puisque les scénarios de réformes sont assez différents, nous obtenons typiquement un rapport entre gain à long terme et perte des cohortes le plus affecté de l'ordre de 2, contre un rapport de 5 pour Bôrsch-Supan [2002], voire de 15 pour Miles et Cerny [2002] 39.

Au-delà de ces effets macro-économiques, notre étude dégage une première mesure synthétique de l'évolution des inégalités. Spontanément, le choc démographique entraîne une hausse durable des inégalités en termes de consommation (à prestations maintenues) et une baisse largement temporaire des inégalités de patrimoine. De manière inattendue, la générosité réduite entraîne une réduction des coefficients de Gini, qui reste sensible à long terme en particulier en termes de patrimoine. Le départ retardé a le résultat inverse, car il accentue l'effet de la disparité des revenus d'activité et stimule moins l'épargne.

L'effet redistributif des diverses réformes sur le bien-être des diverses générations est clairement dégagé. On montre d'abord la dégradation spontanée de la situation des jeunes générations dans le scénario de base et à nouveau l'efficacité supérieure de la générosité réduite par rapport au départ retardé pour corriger cette dégradation.

Les scénarios de financement considérés ne constituent que des « jeux à somme nulle » dans la mesure où nous n'introduisons pas de mécanismes, tels qu'une réduction des effets dis- torsifs des prélèvements, qui autoriseraient un gain net du passage à la capitalisation.

L'accroissement futur des revenus nets et de la consommation n'est ainsi que la contrepartie d'efforts accrus en matière de travail et d'épargne.

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54 Pierre- Yves Hénin, Thomas Weitzenblum

Le coût des réformes examinées pour les générations actives ou retraitées, mesuré en termes de bien-être ou de transferts compensateurs, est de ce fait très sensible.

Si le départ retardé bénéficie aux retraités et aux jeunes, il ne s'agit que de jeunes pas encore entrés dans la population active. La générosité réduite en revanche bénéficie aux moins de 35 ans, mais affecte sensiblement les retraités. Les coûts économiques mesurés par le modèle tiennent en grande partie au fait qu'il s'agit de réformes non anticipées. Il est trop tard pour les retraités ou salariés proches de la retraite pour accumuler une épargne lissant leur consommation en présence d'un profil de pension décroissant. A nouveau l'impact de la générosité réduite est plus favorable, notamment pour les ouvriers, que celui du départ retardé.

L'impact entre générations des scénarios de financement - lissage ou pilier de capitalisation publique - est d'un ordre de grandeur moindre et surtout plus homogène entre les PCS.

Les calculs détaillés - de transferts ou de profils de consommation - complètent l'éclairage ainsi apporté.

Bien sûr, ces résultats sont à interpréter à l'aulne des spécificités d'un modèle particulier. Evoquons rapidement certaines caractéristiques de méthodes qu'il convient d'avoir présentes à l'esprit.

La caractérisation démographique est hétérogène. Les PCS ne diffèrent que par leur profil d'espérance de vie, et non par leur date de retraite ou d'entrée dans la vie active. L'impact négatif du départ retardé pour les ouvriers s'en trouve surestimé. Plus généralement, l'effet en bien-être de cette mesure, très favorable sur les profils de consommation, tient à l'étalonnage du paramètre de préférence pour le loisir dont la robustesse peut être discutée.

Les résultats obtenus dans cette étude reposent bien sûr sur la capacité effective de l'épargne privée à relayer des pensions de retraites réduites. Sur le plan normatif, cela suppose l'accès des salariés modestes à des produits d'épargne normalement performants. En matière de recherche, cela souligne l'importance des travaux appliqués sur le comportement d'épargne selon l'âge.

Revue française d'économie, n" 3/vol XVIII

Page 49: Eléments d'évaluation de la réforme des retraites

Pierre- Yves Hénin, Thomas Weitzenblum 55

L'absence de considération des effets (dés-) incitatifs en matière d'offre de travail est une lacune par rapport à certains travaux notamment américains. Le coût de cette simplification est probablement limité dans la mesure où nous considérons des déformations d'un système qui reste essentiellement bismarc- kien. Cette simplification pourrait plus difficilement être maintenue si on considérait des scénarios fortement redistributifs.

Au-delà de la prudence à adopter pour une lecture normative des résultats, deux remarques minimales peuvent cependant être formulées. En premier lieu, et bien que cette dimension ne soit pas réellement présente dans le débat public, les choix en matière de réforme de retraites sollicitent bien les arbitrages politiquement souhaitables et réalisables entre les efforts qui peuvent être consentis par les générations actives et retraitées, et les jeunes entrant ou à entrer dans la vie active. En second lieu, le coût des réformes peut être très sensible pour les cohortes ou les PCS qu'il affecte le plus directement, comme l'illustre dans nos simulations la réduction drastique de la consommation des retraités de la cohorte 1940, ce qui justifie qu'une attention particulière soit apportée à la situation de ces groupes et notamment des plus fragiles d'entre eux.

Ce document est adapté d'un rapport préparé dans le cadre du contrat finalisé 2002 du CEPREMAP pour le commissariat général du Plan. Les auteurs remercient deux rap

porteurs anonymes de la Revue française d'économie, ainsi qu'Emmanuelle Walraet et les participants du séminaire Fourgeaud pour leurs commentaires. Ils demeurent seuls re

sponsables des erreurs qui pourraient subsister, comme bien sûr des opinions formulées dans ce texte.

Pierre-Yves Hénin — Cepremap et EUREQua — Université Paris-I. Adresse : Cepremap, 142, rue du Chevaleret, 75013 Paris.

Thomas Weitzenblum — Cepremap et EURIsCO — Université Paris-IX. Adresse : Cepremap, 142, rue du Chevaleret, 75013 Paris.

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56 Pierre- Yves Hénin, Thomas Weitzenblum

Annexe

Figure 1 Population active

3.6E+07

2.0E+07

pop base

2000 2015 2030 2045 2060 2075 2090 2105 2120 2135 2150 2165 date

Figure 2 Taux de dépendance

67

Revue française d'économie, n° 3/vol XVIII

Page 51: Eléments d'évaluation de la réforme des retraites

Pierre- Yves Hénin, Thomas Weitzenblum 57

Figure 3 Taux de remplacement moyen

2000 2015 2030 2045 2060 2075 2090 2105 2120 2135 2150 2165

date

Figure 4 Taux de prélèvement d'équilibre

0,45

61

0,45

67

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Page 52: Eléments d'évaluation de la réforme des retraites

58 Pierre- Yves Hénin, Thomas Weitzenblum

Figures 5 a et 5 b Taux de prélèvement, base et GR

0,35 : échelle gauche GREQC

échelle droite =>

0,55

0,5

0,45

0,4 |

1 0,35 ~ ÎS

0,3

0,25

0.2 2000 2015 2030 2045 2060 2075 2090 2105 2120 2135 2150 2165

date

Figures 5 с et 5 d Taux de prélèvement, DR et DR GR

0,35 : échele gauche

DR GREQC

0,55

0,5

0,45

0,4 g

0,35

0,3

0,25

0,2 2000 2015 2030 2045 2060 2075 2090 2105 2120 2135 2150 2165

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Figure 6a Fonds de lissage

3.0E+07

0.0E+00 2000 2015 2030 2045 2060 2075 2090 2105 2120 2135 2150

date

Figure 6b Fonds de financement permanent

8.0E+07

O.OE+00

DREFL

2000 2015 2030 2045 2060 2075 2090 2105 2120 2135 2150 date

Revue française d'économie, n° 3/vol XVIII

Page 54: Eléments d'évaluation de la réforme des retraites

60 Pierre- Yves Hénin, Thomas Weitzenblum

Figure 7a Consommation moyenne par tête, EQL vs EQC

1.7

1,3

DR GR EQL .

DRGREQC

DR EQL DR EQC

GR EQL

base EQL base EQC *

1,7

1,65

1.6

1,55

1,5

1,45

1,4

1,35

+-И.З 2000 2020 2040 2060 2080 2100 2120 2140 2160

date

Figure 7b Consommation moyenne par tête, EFL vs EQC

1,75

1.3

P.R.GREFSL DR EFL

DR GR EQC

DR EQC GREFL

base EFL

GREQC

base EQC -

1,75

1,7

1,65

1,6

1,55, i i 1,5 '

1,45

1,4

1,35

1,3 2000 2020 2040 2060 2080

date 2100 2120 2140 2160

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Pierre- Yves Hénin, Thomas Weitzenblum 61

Figure 8 a Actif privé par tête, variantes prestations (à équilibre courant)

2000 2015 2030 2045 2060 2075 2090 2105 2120 2135 2150 date

I baseEQC- - -baseEQL GREQC — — DREQC DRGREQC I

Figure 8 b Actif privé par tête, variantes de financement (en prestations

base)

2000 2015 2030 2045 2060 2075 2090 2105 2120 2135 2150 date

•baseEQC- - -base EFL —«—GREQC ■ GR EFL — ■•— DR EQC • DREFL

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Page 56: Eléments d'évaluation de la réforme des retraites

62 Pierre- Yves Hénin, Thomas Weitzenblum

Figure 9 Actif privé et total, prestations base

2000 2020 2040 2060 2080 2100 2120 2140 2160 2180 date

l privé EQC - - - privé EQL —h— total EQL privé EFL —x— total EFL I

Figure 10a Revenu national net selon prestations (financement EQC)

5.5E+07

3.0E+07 2000 2020 2040 2060 2080 2100 2120 2140 2160

date ■R93 — * — DR — • — DRR93

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Page 57: Eléments d'évaluation de la réforme des retraites

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Figure 10b Revenu national net selon financement (prestations base)

3.0E+07

-EQC EQL

-EFSL

2000 2015 2030 2045 2060 2075 2090 2105 2120 2135 2150 date

Figure 10c Prestations sur RNN selon prestations (financement EQC)

«хмиимхюсмииинимх

KtMIXtMMUMtl

2000 2015 2030 2045 2060 2075 2090 2105 2120 2135 2150 date

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64 Pierre- Yves Hénin, Thomas Weitzenblum

Figure 11 Trajectoires du Gini de la consommation

0,235 1 2'" 3 4... 5 8--- 7 8-.. 9 — IO_ 11 12

beseEQC -- ЬаиЕСК.

GREQC - - GR EQL

DREQC -• DR EQL

DR GREQC -- ORGREQL — dbmEFL — GREFL — DREFL —DRGREFSL

2000 2020 2040 2060 2080 2100 2120 2140 2160 date

Figure 12 Trajectoires du Gini de l'actif privé

0,66 1 2 "■ 3 4 ... 5 e ... 7 Ъ ... 9_ 10_ 11 12

--1ЯМ EQL GREQC

- - GREQL

-- DR EQL DRGREQC

■ - DR GREQL LjmcEFL

—OR EH. ^DREFL —DRGREFSL

2000 2020 2040 2060 2080 2100 2120 2140 2160 date

Revue française d'économie, n° 3/vol XVIII

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Pierre- Yves Hénin, Thomas Weitzenblum 65

Figure 13 Bien-être intertemporel à 20 ans

-50,5 date à 20 ans

20 30 2015 2030 2045 2060 2075 2090 2105 2120 T

-53,5 •běse EQC -DREQC baseEFL

- - -baeeEQL - - - DR EQL

a GREFL

GREQC GREQL DR GR EQC DR GR ECH. DREFL ж DRGREFSL

Figure 14a Variation du bien-être suivant la date de naissance selon prestations, financement EQC vs base (moy.)

2000 2020 2040 2060 2060 2100 2120 date de naissance

-GR -DR DRGR

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Page 60: Eléments d'évaluation de la réforme des retraites

66 Pierre- Yves Hénin, Thomas Weitzenblum

Figure 14b Variation du bien-être suivant la date de naissance selon financement, prestation base vs EQC (moy.)

1.4

1.2

1 -

0,8-

0,6 -

0,4-

0.2-

0 1

-0.2

-0,4

1S 59— 13601980/ 2000 2020 2040 2060 2080 2100 2120 date de naissance

■EQL EFL

Л Figure 15a A Gains et pertes, GR EQC vs base EQC

1980 2000 2020 2040 2060 2080 2100 2120 21|4O date de naissance

—cadres sup — cadres moy - - prof interní. — ouvr. Q, empl. —ouvr. NQ

Revue française d'économie, n° 3/vol XVTII

Page 61: Eléments d'évaluation de la réforme des retraites

Pierre- Yves Hénin, Thomas Weitzenblum 67

Figure 15b Gains et pertes, DR EQC vs base EQC

1.5 1

0,5 0 1S20

S -1 1-1,5

-2

2000 2020 2040 2060 2080 2100 2120 date de naissance

2140

■cadres sup - cadres moy prof interm.

-ouvr. Q, empl. •ouvr. NQ

Figure 15c Gains et pertes, DR GR EQC vs base EQC

2000 2020 2040 2060 2080 2100 2120 date de naissance

2140

—cadres sup cadres moy prof interm. ouvr. Q, empl.

-~— ouvr. NQ

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68 Pierre- Yves Hénin, Thomas Weitzenblum

Figure 16a Profils de consommation par date de naissance, EQC (ouvr NQ)

2000 2015 2030 2045 2060 2075 2090 2105 2120

-1940 base -1940GR -1940 DR GR -1960 base -1960GR -1960 DR GR -1980 base -1980GR -1980 DR GR -2000 base -2000GR -2000 DR GR -2020 base -2020GR -2020 DR GR

Figure 16b Profils de consommation par date de naissance, EQC (cadres sup.)

2000 2015 2030 2045 2060 2075 2090 2105 2120 date

1940 base 1940 GR

— H — 1940 DR GR 1980 base 1960 GR

— X — 1980 DR GR 1980 base 1980 GR

— X — 1980 DR GR 2000 base 2000 GR

— X — 2000 DR GR 2020 base 2020 GR

— X — 2020 DR GR

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Pierre- Yves Hénin, Thomas Weitzenblum 69

Notes

1. Le départ en retraite est ici considéré comme exogène. L'étude de réformes, introduisant une flexibilité accrue dans la décision de cessation d'activité, a été menée par J.O. Hairault, F. Langot et Th. Sopraseuth [2002].

2. Selon le rapport Charpin [1999], se fondant sur des conventions légèrement différentes, le rapport du COR [2002] évalue ce ratio à 54 % en 2000 et 87 % en 2040.

3. Selon l'heureuse expression retenue comme titre du premier rapport du COR [2001]. 4. L'examen des effets de tels transferts exigerait un modèle beaucoup plus complet, intégrant les dépenses publiques et les prélèvements fiscaux, avec les conséquences budgétaires et incitatives qu'ils comportent, notamment sur l'offre et la demande de travail, l'investissement et la localisation de l'activité.

5. Du moins, en l'absence de déséquilibres démographiques.

6. Comme l'a montré Barro [1974] dans le cas du lissage fiscal, le taux de prélèvement doit alors suivre une marche aléatoire, ses révisions périodiques n'étant pas anticipables.

7. Ou à un taux de rendement moyen d'un portefeuille, qu'il convient alors d'ajuster pour le risque.

8. Et souvent plus, du fait d'effets d'aubaine résultant des circonstances institutionnelles ou démographiques.

9. Voir sur ce point les calculs de Me Morrow et Roeger ([2002], pp. 46-47).

10. Conesa et Krueger [1999], entre autres, montrent que ce résultat reste

valide en présence d'agents hétérogènes, avec capitalisation privée. Ce résultat est atténué, mais non remis en cause dans son principe, si l'on tient compte de la baisse des taux de rendements induite par le surcroît d'accumulation de capital.

11. Ce qui suppose que l'on parle d'un système (au moins partiellement) public.

12. Cet argument est également développé par G. Démange et G. Laroque [2000].

13. Certains auteurs soutiennent la possibilité d'une transition vers la capitalisation pareto-améliorante, en présence de mécanismes entraînant un gain accru d'efficacité en particulier en croissance endogène.

14. On suivra donc sur ce point l'approche en termes de « capitalisation spontanée » adoptée par Hairault et Langot [2002], ou Hénin et Weitzenblum [2002], dans des études de régime permanent. En l'absence de titres garantissant le risque de décès (annuités), l'épargne publique n'est que partiellement substituable à l'épargne privée dans le modèle, ce qui limite, comme on le verra, les effets d'éviction. Plus généralement, l'équivalence entre préfinancement par capitalisation publique et épargne privée requiert les mêmes conditions que l'équivalence ricardienne en matière budgétaire.

15. Ainsi, en France, la contribution de Chauveau et Loufir [1994].

16. Par l'évaluation de scénarios de réforme en Allemagne, voir aussi H.W. Sinn [1999].

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70 Pierre- Yves Hénin, Thomas Weitzenblum

17. Sur les implications internationales de réformes des retraites, voir aussi les travaux de l'équipe INGENUE (par ex., [2002]).

18. Ce résultat conforte ainsi la conjecture de Breyer et Straub [1993] évoquée plus haut. On notera que cet effet distorsif peut être plus élevé aux Etats- Unis, où les prestations du système public sont très dégressives.

19. Voir aussi Hénin et Weitzenblum [2002]. 20. Les résultats du modèle comptable peuvent être comparés à ceux de l'étude de Bonnet, Bontout et Cornilleau [2001]. Plus stylisées sur le plan macroéconomique, nos évaluations sont par contre ventilées par CSP et tranche d'âge.

21. La projection du modèle, portant sur une population d'âge actif, est en niveau supérieure à celle de Nauze- Fichet et Lerais [2002]. 22. Ce chiffre peut être comparé à celui de 83 % pour 2040 dans la projection, Dares de référence (Bonnet et alii, [2001], p. 56).

23. Le maintien des taux de remplacement nets ne protège cependant pas les pensions d'une réduction parallèle à celle des salaires nets, affectés par des taux de cotisation croissants.

24. On applique de plus un lissage local, actuariellement neutre sur les périodes 2 à 4 d'une part, 22 à 26 d'autre part.

25. On rappelle que la capitalisation privée intervient, dans le modèle, comme réponse spontanée de l'épargne à une réduction anticipée des pensions de retraite.

26. Dans le modèle, il s'agit de taux de remplacement net du dernier salaire.

27. Ainsi, le ratio de dépendance décroissant jusqu'en 2006, le taux de

prélèvement compatible avec l'équilibre courant peut lui-même être légèrement réduit à court terme.

28. Ainsi, dans un modèle international Bôrsch-Supan, Ludwig et Winter [2003] retiennent des taux de rendement de 7,8 % (en 2000) à 6,2 % (en 2040), McMorrow et Roeger [2002] un profil également décroissant de 5,7 à 5,2 %, et Bôrsch-Supan [2002] pour l'Allemagne un profil de 4,5 à 4,2 %.

29. A défaut de réelles prévisions, nous reprenons la projection établie en octobre 2001 pour la direction de la Sécurité sociale au ministère de l'Emploi et de la solidarité (rapport du COR, p. 354).

30. Une présentation plus complète du modèle, de son étalonnage et de sa résolution, fait l'objet d'une annexe technique disponible sur le site web du Cepremap (co. n°2003-12) 31. Sur cette spécification, parfois qualifiée d'«altruisme impur», voir Weitzenblum [2001].

32. Pour limiter la complication du modèle, on suppose que la consommation de l'héritier potentiel tient compte de son âge, mais non de sa PCS d'appartenance. Symétriquement, les jeunes ont des anticipations d'héritage ne dépendant que de leur âge. 33. A contrario, cet « écrasement » des effets variantiels par les effets tendanciels a été fortement évoqué dans le débat français pour relativiser l'augmentation des prélèvements requis en cas de maintien des taux de remplacement et durée de cotisations. 34. Le résultat a été établi dans les études antérieures de régime permanent (Hairault et Langot [2001], Hénin et Weitzenblum [2002]).

35. Comme l'ont montré Domeij et Klein [2002], le niveau élevé de redis-

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Pierre- Yves Hénin, Thomas Weitzenblum 7 1

tribution et d'assurance en Suède explique la concentration de l'épargne et les fortes inégalités patrimoniales dans ce pays.

36. Le coût du lissage pour les générations nées avant 1980 ne peut être évalué avec ce critère, mais sera examiné plus loin.

37. Ceci provient du fait que l'utilité est separable additivement dans le temps, et que le motif de legs ne correspond pas exactement au bien-être des descendants. En d'autres termes, les

niveaux de bien-être à des âges différents ne sont pas homogènes.

38. Notons que ce calcul repose sur la comparaison de l'utilité intertemporelle de l'agent médian dans deux scénarios différents, alors que les graphiques précédents (figures n° 14) représentaient le bien-être moyen.

39. Le caractère anticipé de la réforme, qui permet dans les simulations la constitution préalable d'une épargne privée, est l'un des principaux facteurs expliquant ces différences en particulier avec Miles et Cerny [2002].

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Page 66: Eléments d'évaluation de la réforme des retraites

72 Pierre- Yves Hénin, Thomas Weitzenblum

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