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Médecine des maladies Métaboliques - Octobre 2014 - Vol. 8 - N°5 489 Dossier thématique © 2014 - Elsevier Masson SAS - Tous droits réservés. Micro-constituants, oligoéléments et peptides bioactifs : leurs effets en pathologie cardio-métabolique Correspondance Anne-Marie Roussel UFR de Pharmacie Domaine de la Merci 38700 La Tronche [email protected] A.-M. Roussel Professeur émérite, Université Joseph-Fourier, Grenoble ; UFR de Pharmacie, Grenoble. Résumé Les apports en zinc (Zn) et en sélénium (Se) participent à la lutte contre le stress oxydant et l’inflammation, alors que le chrome (Cr) et le zinc agissent comme insulino- potentialisateurs. Dans le syndrome métabolique (SM) et le diabète de type 2 (DT2), des déficits en Zn, Se, Cr, ou des surcharges en fer (Fe), participent aux mécanismes qui induisent l’insulinorésistance, l’inflammation et le stress oxydant. Ces déficits sont fréquents, et dus à des apports insuffisants et des besoins augmentés. Au contraire, la surcharge en fer, pro-oxydante et pro-inflammatoire, augmente le risque de SM et de DT2. La prévention nutritionnelle du SM et du DT2 doit, de ce fait, prendre en compte l’optimisation des apports alimentaires en Zn, Se, Cr, et dénoncer le rôle délétère des apports excessifs de Fe. Lorsque le déficit est important et que la couverture des besoins est difficile, le recours à la complémentation par des formes bio-disponibles de Zn et de Cr est justifié. Mots-clés : Éléments-trace – syndrome métabolique – diabète de type 2 – stress oxydant – résistance à l’insuline. Summary Trace element (zinc, selenium, chromium) deficiencies or overload (Iron) could be directly implicated in the metabolic syndrome (MS) and type 2 diabetes to counteract insulin resistance, increased oxidative stress and inflammation. Selenium (Se) and zinc (Zn), as key components of antioxidant enzymes, are involved in protecting cells against oxidative damage and inflammation, and chromium (Cr 3+ ), beside Zn, acts as insulin potentiating factor and improves insulin sensitivity. In contrast, in MS, iron (Fe) overload, is pro-oxidant and increases the risk of cardiometabolic syndrome. In addition to the nutritional prevention aiming to increase Zn, Cr and Se in the diet, a potential beneficial effect of Zn and Cr supplementation in the prevention of MS features can also be considered. In contrast, iron and selenium supplementation should be avoided. Key-words: Trace elements – metabolic syndrome – type 2 diabetes – oxidative stress – insulin resistance. Éléments-trace (zinc, sélénium, chrome, fer), syndrome métabolique et diabète de type 2 Trace elements (zinc, selenium, chromium, iron), metabolic syndrome, and type 2 diabetes Introduction En France, plus de 3,5 millions de per- sonnes soufrent de diabète de type 2 (DT2) et sont, de ce fait, exposées à des risques accrus de maladies car- diovasculaires, de glomérulopathies, de rétinopathies et de déclin cognitif. Ce chiffre, en augmentation annuelle de 5 % au cours des deux dernières décennies, est en étroite relation avec l’épidémie d’obésité et de surpoids, et la progression du syndrome métabo- lique (SM) en Europe. Le SM et les troubles métaboliques qui lui sont associés (syndrome cardio-

Éléments-trace (zinc, sélénium, chrome, fer), syndrome métabolique et diabète de type 2

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Page 1: Éléments-trace (zinc, sélénium, chrome, fer), syndrome métabolique et diabète de type 2

Médecine des maladies Métaboliques - Octobre 2014 - Vol. 8 - N°5

489Dossier thématique

© 2014 - Elsevier Masson SAS - Tous droits réservés.

Micro-constituants, oligoéléments et peptides bioactifs : leurs effets en pathologie cardio-métabolique

CorrespondanceAnne-Marie RousselUFR de PharmacieDomaine de la Merci38700 La [email protected]

A.-M. RousselProfesseur émérite, Université Joseph-Fourier, Grenoble ; UFR de Pharmacie, Grenoble.

Résumé Les apports en zinc (Zn) et en sélénium (Se) participent à la lutte contre le stress oxydant et l’inflammation, alors que le chrome (Cr) et le zinc agissent comme insulino-potentialisateurs. Dans le syndrome métabolique (SM) et le diabète de type 2 (DT2), des déficits en Zn, Se, Cr, ou des surcharges en fer (Fe), participent aux mécanismes qui induisent l’insulinorésistance, l’inflammation et le stress oxydant. Ces déficits sont fréquents, et dus à des apports insuffisants et des besoins augmentés. Au contraire, la surcharge en fer, pro-oxydante et pro-inflammatoire, augmente le risque de SM et de DT2. La prévention nutritionnelle du SM et du DT2 doit, de ce fait, prendre en compte l’optimisation des apports alimentaires en Zn, Se, Cr, et dénoncer le rôle délétère des apports excessifs de Fe. Lorsque le déficit est important et que la couverture des besoins est difficile, le recours à la complémentation par des formes bio-disponibles de Zn et de Cr est justifié.

Mots-clés : Éléments-trace – syndrome métabolique – diabète de type 2 – stress oxydant – résistance à l’insuline.

SummaryTrace element (zinc, selenium, chromium) deficiencies or overload (Iron) could be directly implicated in the metabolic syndrome (MS) and type 2 diabetes to counteract insulin resistance, increased oxidative stress and inflammation. Selenium (Se) and zinc (Zn), as key components of antioxidant enzymes, are involved in protecting cells against oxidative damage and inflammation, and chromium (Cr3+), beside Zn, acts as insulin potentiating factor and improves insulin sensitivity. In contrast, in MS, iron (Fe) overload, is pro-oxidant and increases the risk of cardiometabolic syndrome. In addition to the nutritional prevention aiming to increase Zn, Cr and Se in the diet, a potential beneficial effect of Zn and Cr supplementation in the prevention of MS features can also be considered. In contrast, iron and selenium supplementation should be avoided.

Key-words: Trace elements – metabolic syndrome – type 2 diabetes – oxidative stress – insulin resistance.

Éléments-trace (zinc, sélénium, chrome, fer), syndrome métabolique et diabète de type 2Trace elements (zinc, selenium, chromium, iron), metabolic syndrome, and type 2 diabetes

Introduction

En France, plus de 3,5 millions de per-sonnes soufrent de diabète de type 2 (DT2) et sont, de ce fait, exposées à des risques accrus de maladies car-diovasculaires, de glomérulopathies, de rétinopathies et de déclin cognitif.

Ce chiffre, en augmentation annuelle de 5 % au cours des deux dernières décennies, est en étroite relation avec l’épidémie d’obésité et de surpoids, et la progression du syndrome métabo-lique (SM) en Europe.Le SM et les troubles métaboliques qui lui sont associés (syndrome cardio-

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Médecine des maladies Métaboliques - Octobre 2014 - Vol. 8 - N°5

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les cellules  du pancréas. Le zinc est nécessaire au stockage et à la sécrétion d’insuline, stabilise sa structure, aug-mente l’expression de ses récepteurs et, en favorisant l’activité des kinases dans la cascade de l’insuline, accroît son effi-cacité. Enfin, il intervient également dans des réactions qui sont importantes à considérer chez les sujets en surpoids : réaction de conversion des hormones thyroïdiennes (T4/T3), production de lep-tine, et régulation de l’appétit. De nombreux aliments sont riches en zinc. Les céréales complètes, les fruits de mer et les crustacés, la viande rouge et la volaille, les œufs, sont les principales sources de zinc, dont 10 à 12 mg/j sont nécessaires à la couver-ture des besoins de l’adulte. De ce fait, les carences sont rares dans les pays occidentaux. Cependant, des taux bas de zinc plasmatiques sont fréquem-ment observés dans le SM et le DT2. Ces déficits de statut sont attribués à une augmentation des besoins, en lien avec le stress oxydant et la baisse de la sensibilité à l’insuline et/ou à des pertes augmentées, en particulier dans le DT2 [12]. Une étude prospective, déjà ancienne, a montré, après 24 ans de suivi de 82 297 femmes âgées de 33 à 60 ans, que le risque de DT2 était le plus bas chez celles dont les apports en zinc étaient les plus élevés [13]. Cette étude souligne l’importance d’apports et d’un statut en zinc optimaux dans la prévention du SM et du DT2. Chez les patients déficitaires, les béné-fices potentiels de la supplémentation en zinc, à dose nutritionnelle ou supra-nutri-tionnelle, méritent d’être considérés. Ainsi, dans une méta-analyse récente, la supplémentation de patients diabé-tiques, ou avec SM, ou obèses, par des doses nutritionnelles ou supranutrition-nelles (10 à 30 mg) de zinc, conduit à une baisse significative de la glycémie à jeun [14]. Il faut rappeler, qu’au-delà de 50 mg/j, un apport trop élevé de zinc peut conduire à une baisse des high-density lipoproteins (HDL), à une diminution de l’absorption du cuivre, et à une altération de la fonction immune.

Le sélénium [15]

Le sélénium alimentaire est incorporé sous forme de sélénocystéine (SeCyst)

l’altération de la tolérance au glucose indui-sant l’agression précoce de l’endothélium vasculaire, le stress oxydant, c’est-à-dire un déséquilibre entre systèmes de produc-tion d’espèces réactives de l’oxygène et systèmes de défenses antioxydants, se trouve au cœur des mécanismes impliqués dans le SM [5, 6]. Les marqueurs plasma-tiques et urinaires de stress oxydant sont plus élevés chez les sujets avec SM que chez des sujets sans SM, et sont corré-lées à l’IMC et au tour de taille [7]. De plus, des taux élevés d’adipokines et de mar-queurs de la phase aiguë d’inflammation accompagnent les principaux signes de SM (adiposité abdominale, dyslipidémie, insulinorésistance) [8].Dans ce schéma métabolique, les éléments-trace décrits comme antioxy-dants et anti-inflammatoires (zinc [Zn], sélénium [Se]) ou impliqués dans le sys-tème glucose/insuline (Zn, chrome [Cr]) ont, à l’évidence, un rôle important à prendre en compte.

Eléments-trace, syndrome métabolique et diabète de type 2

Le zinc Les déficits en zinc et les altérations de l’homéostasie de cet élément-trace essentiel sont associés à plusieurs pathologies chroniques, dont le SM, le diabète et ses complications, en parti-culier les rétinopathies [9].Le zinc est un puissant antioxydant. Il assure la stabilité structurale de la superoxyde dismutase (Cu-Zn SOD), enzyme de défense antioxydante majeure, protège, par compétition avec le fer, les groupes SH de l’oxydation, inhibe l’activité de la NADPH oxydase, source de radicaux libres de l’oxygène, ainsi que la réaction de Fenton, source d’ion hydroxyle OH- particulièrement délétères, et induit des synthèses de métallothionéines antioxydantes. De plus, il protège la cellule endothéliale contre l’agression par le tumor necro-sis factor- (TNF ) [10]. Antioxydant et anti-inflammatoire, le zinc est également impliqué dans la fonction insulinique [11]. Il est établi que le transporteur de zinc ZnT8 est une protéine-clé pour la régu-lation de la sécrétion insulinique par

métabolique) touchent désormais plus de 15 % de la population adulte française. Un Français sur trois est en surpoids, et, pour un âge donné, les jeunes générations ont un indice de masse corporelle (IMC) supé-rieur de 5 à 10 % à celui de leurs aînés. Le SM est défini par des signes biologiques et cliniques, dont l’augmentation du tour de taille, les dyslipidémies, l’hypertension artérielle, et la diminution de la sensibilité à l’insuline [1].Sur le plan métabolique, il est important de retenir que le SM est caractérisé par un ensemble d’altérations associant un état de résistance à l’insuline à un stress oxydant élevé et à une production de cytokines pro-inflammatoires par le tissu adipeux viscéral. Dans ce contexte, la prévention du SM doit s’attacher à une prise en charge globale, non seulement nutritionnelle, mais également en relation directe avec le mode de vie, destinée à combattre le manque d’activité physique, le stress psychosocial et le tabagisme, car il est bien établi que ces facteurs contribuent majoritairement à la définition d’une population à risque de SM.Cause ou conséquence des altérations métaboliques rencontrés dans le SM et le DT2, des déficits ou des surcharges en éléments-trace essentiels sont impli-qués dans les mécanismes qui induisent l’insulinorésistance, l’inflammation et le stress oxydant [2, 3]. De ce fait, de nom-breuses études cliniques d’intervention ont proposé une stratégie de prévention nutritionnelle par le conseil nutritionnel et la complémentation des apports.Dans cette brève revue, nous nous pro-posons de faire le point sur l’influence des apports et du statut en éléments-trace essentiels dans le SM, en relation avec leurs rôles biologiques et physiologiques,

Stress oxydant, inflammation et insulinorésistance dans le syndrome métabolique

La relation entre obésité, en particulier obésité abdominale, et baisse de la sensi-bilité à l’insuline est décrite depuis plus de 20 ans [4]. L’insulinorésistance étant une des causes majeures de stress oxydant, et

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dans des sélénoprotéines. Les séléno-protéines identifiées à ce jour dans le sélénoprotéome humain comprennent, entre autres, quatre isoformes des gluta-thion peroxydases (GPx), deux isoformes des thiorédoxines réductases, trois isoformes des iodothyronine 5’déiodi-nases, les sélénophosphate synthases, et les sélénoprotéines P, W, Sep15. L’expression des sélénoprotéines est régulée, et, en cas de déficit sélénié, les concentrations sont prioritairement maintenues dans le cerveau, la thyroïde, et les organes de la reproduction.Les sélénoprotéines jouent un rôle clé dans la protection des cellules et de leurs constituants contre l’attaque radicalaire [16]. Cette fonction est due aux glutathion peroxydases (GPx), aux thiorédoxine réductases (TR) et aux sélénoprotéines P. Les GPx détoxifient les peroxydes d’hydrogène et hydro-peroxydes organiques, et les TR jouent un rôle essentiel dans les processus antioxydants, en réduisant les ponts disulfures intramoléculaires, et en cata-lysant la régénération de la forme réduite de substances, telles que vitamines C et E. L’activité antioxydante maintient l’intégrité membranaire, et réduit la probabilité de propagation de lésions oxydatives à des biomolécules, telles que les lipides, les lipoprotéines et l’ADN. Les sélénoprotéines assurent, en syner-gie avec d’autres molécules, de nature enzymatique (superoxyde dismutase, catalase) ou non (vitamine E, C, caro-ténoïdes, groupes thiols, polyphénols, Q10), l’équilibre intra- et extracellulaire de la balance pro- et antioxydante. L’activité anti-radicalaire est complétée par les propriétés immuno-modulatrices du sélénium. Son rôle de modulateur de la réponse inflammatoire et immunitaire passe par son action sur la phagocy-tose, aussi bien que par l’activation, la prolifération et la différentiation des lym-phocytes. Le sélénium est nécessaire à l’action des hormones thyroïdiennes, car les trois désiodases (5’DI, 5’DII et 5DIII), essentielles pour la régulation des taux de triiodothyronine (T3), sont des sélénoprotéines. Les rôles essentiels précédemment décrits sont complétés par d’autres fonctions du sélénium, telles que détoxication des métaux lourds (cadmium, mercure, plomb), activation

l’alimentation ou la complémentation, semble donc devoir participer à la stra-tégie de prévention nutritionnelle du SM et des risques associés : maladies cardiovasculaires et DT2. Cependant, la complémentation à hautes doses et au long cours est actuellement remise en question par plusieurs études épi-démiologiques, qui ont observé une augmentation de l’incidence du syn-drome cardio-métabolique, avec dyslipidémies et intolérance au glucose associées [19, 20], lorsque les concen-trations en sélénium plasmatique sont élevées. Le mécanisme de la toxicité serait lié à une baisse de la sensibilité à l’insuline due au rôle de certaines sélé-noprotéines qui, activées par les apports élevés de sélénium, exacerbent l’oxy-dation phosphorylante et la production d’espèces radicalaires par la mitochon-drie [21]. Cependant, l’étude de Rayman et al. [22] se veut rassurante, car elle n’a pas retrouvé ce risque dès lors que la supplémentation (100 à 300 μg/j pen-dant 6 mois) s’adressait à des patients au statut sélénié bas. La complémentation séléniée devrait donc être prudente, à doses modérées, et réservée à des patients identifiés comme déficitaires. La controverse sur les bénéfices et les risques des supplé-mentations séléniées souligne l’intérêt des apports par l’alimentation, et le

de la métabolisation des xénobiotiques organiques, et régulation du métabo-lisme oxydatif de l’acide arachidonique et de la fonction plaquettaire.Ce sont les aliments protéiques (viandes, poissons, crustacés, abats, œufs, céréales) qui sont les plus riches en sélé-nium, mais leur biodisponibilité varie de 20 à 50 % pour les produits de la mer, et de plus de 80 % pour les céréales et la levure de bière. La sélénométhio-nine semble être le composé majeur des aliments solides, alors que le sélénium inorganique (sélénite et sélénate) est présent dans les eaux de boissons. Les groupes thiols et la vitamine C favorisent la biodisponibilité du sélénium, alors que les fibres et les métaux lourds la dimi-nuent [16]. L’apport optimal est difficile à définir, mais la dose de 1 μg/kg de poids corporel est une dose qui semble adé-quate pour maintenir pertes et apports en équilibre, ainsi que l’activité antioxy-dante et anti-inflammatoire. Les apports séléniés, en France, atteignent rarement les apports recommandés, et sont estimés, en moyenne, à 30 à 40 μg/j. L’incidence du SM est augmentée par le déficit d’apport [17], alors qu’une baisse du facteur 3 du complément, qui est un marqueur précoce du SM, a été décrite lorsque les apports sont hauts [18].Le maintien des apports recomman-dés en sélénium (70 à 100 μg/j), par

• Le syndrome métabolique est caractérisé par un ensemble d’altérations associant un

état d’insulinorésistance périphérique à un stress oxydant élevé et à une production

de cytokines pro-inflammatoires par le tissu adipeux viscéral.

• Les éléments-trace décrits comme antioxydants et anti-inflammatoires (zinc [Zn],

sélénium [Se]), ou impliqués dans le système glucose/insuline (Zn, chrome [Cr]), ont

donc un rôle important à prendre en compte.

• Des déficits d’apports et de statut en Zn, Se et Cr sont fréquemment observés dans

le syndrome métabolique et le diabète de type 2.

• L’excès de fer, pro-oxydant et pro-inflammatoire, est impliqué dans l’étiologie du

syndrome métabolique et du diabète de type 2.

• L’optimisation des apports en Zn, Cr et Se par l’alimentation participe à la stratégie de

prévention nutritionnelle du syndrome métabolique et des risques associés, maladies

cardiovasculaires et diabète de type 2.

• Lorsque le déficit est important et que la couverture des besoins par la seule alimen-

tation est difficile, le recours à la complémentation par des formes bio-disponibles

de Zn et de Cr mérite d’être également considéré.

• En revanche, la complémentation séléniée doit rester prudente, à doses modérées,

et être réservée à des patients identifiés comme déficitaires.

Les points essentiels

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Excès de fer, syndrome métabolique et diabète de type 2

Plusieurs études épidémiologiques dénoncent le risque d’insulinorésistance, de SM et de DT2, lorsque les apports et les réserves en fer sont excessives [31, 32]. Les propriétés pro-oxydantes et pro-inflammatoires du fer ont été mises en cause dans l’étiologie de ces patho-logies. Le fer, comme métal de transition, peut en effet être un puissant oxydant, impliqué dans la réaction de Fenton et le cycle d’Haber-Weiss, et catalyser la production d’ions OH-. Dans l’adipo-cyte, les marqueurs de l’inflammation et les marqueurs du métabolisme du fer sont étroitement corrélés et contribuent à l’insulinorésistance [33]. On dispose aujourd’hui de nombreuses études, à la fois prospectives et cas-contrôles, rap-portant que des apports en fer élevés et une ferritine haute prédisposent au DT2 [34]. Dans la stéatose hépatique non alcoolique, qui est considérée comme une manifestation hépatique du SM, les dangers de la surcharge en fer sont également très documentés [35]. Le conseil nutritionnel et la consom-mation modérée de viande rouge participent, à l’évidence, à la prise en charge du patient, et, en particulier chez le sujet en surpoids, il conviendra d’évi-ter toute supplémentation systématique

sont retrouvées dans le SM et le DT2. La baisse de la sensibilité à l’insuline est aussi responsable de changements dans le métabolisme du chrome, dont l’excrétion urinaire est augmentée, ce qui aggrave le déficit de statut. Dans le SM et le DT2, les déficits de statut sont aggravés en raison de l’augmentation des besoins due à l’insulinorésistance qui s’installe, combinée à des apports insuffisants. En moyenne, les indicateurs de statut sont de 30 à 50 % plus bas chez les sujets atteints de diabète que chez des sujets sains [25]. L’alimentation occidentale étant pauvre en chrome, et les déficits d’apports impliqués dans la baisse de sensibi-lité à l’insuline, faut-il avoir recours à la supplémentation ? L’étude attentive des nombreux essais cliniques publiés à ce jour fait clairement apparaître deux types de populations, ce qui pourrait expliquer des résultats parfois contradictoires et la controverse sur les bénéfices de la supplémentation en chrome [26] :– celles (obèses, SM, DT2) dont le statut est déficitaire, et qui sera répon-dante à condition que la forme soit bio-disponible et la dose et la durée de la supplémentation suffisantes. Dans ces populations, la dose efficace est supérieure aux apports nutritionnels recommandés, et l’approche est donc plus pharmacologique que nutrition-nelle. De plus, le phénotype des sujets influence la réponse des patients à la supplémentation [27] ;– celle qui ne souffre pas de déficit de statut ou d’apport, ni de baisse de la sensibilité à l’insuline, et chez qui on n’observera pas de réponse à la supplémentation. La réponse à la supplémentation semble donc dépendre du statut en chrome avant traitement, de la dose de chrome, et de la forme d’administration. Ainsi, depuis l’étude pilote d’Anderson et al., en 1997 [28], plusieurs autres études d’intervention et méta-analyses [29] ont montré que l’administration de doses élevées de chrome (500 à 1 000 μg/j) sous forme bio-disponible (picolinate) était bénéfique pour des patients diabé-tiques, en particulier DT2, alors que des doses plus basses et des formes peu bio-disponibles étaient inefficaces [30].

danger des supplémentations à doses supra-nutritionnelles lorsqu’elles sont non justifiées.

Le chrome Avec le zinc, le chrome (Cr3+) est l’élément trace le plus étudié dans la pré-vention et l’accompagnement des états d’insulinorésistance. C’est aussi, mal-gré de très nombreuses études montrant son intérêt, celui dont l’efficacité reste la plus controversée. Le chrome triva-lent est un potentialisateur de l’insuline. La sensibilité à l’insuline et l’utilisation cellulaire du glucose sont régulées. Le chrome 3 intervient également dans le métabolisme lipidique, en augmentant les taux sanguins de cholestérol HDL, et en abaissant ceux de triglycérides. Via son action sur l’insuline, le chrome est, de plus, impliqué dans le métabolisme des hormones corticoïdes, en particu-lier en régulant le cortisol [23]. Le mode d’action du chrome est connu [24]. Il passe par une augmentation du nombre de récepteurs de l’insuline, une modi-fication de la liaison insuline/récepteur, une augmentation de l’internalisation de l’insuline, et une activation de la trans-location des transporteurs du glucose GLUT4 et GLUT1. La tyrosine kinase, qui catalyse la cascade de réactions de phosphorylation, permettant la liaison de l’insuline à la sous-unité alpha de son récepteur, est activée par le chrome, alors que la phosphotyrosine phospha-tase, qui, elle, inactive le récepteur de l’insuline, est inhibée. Les aliments les plus riches en chrome sont la levure de bière, le foie, le jaune d’œuf, les épices et les noix. La plu-part des aliments consommés dans les régimes occidentaux contiennent moins de 10 μg/100 g. Des apports nutrition-nels conseillés (ANC) de 50 à 70 μg/jour pour l’adulte, et de 125 μg/j à partir de 70 ans, ont été proposés en France. L’alimentation des pays occidentaux est, en général, pauvre en chrome tri-valent, et les apports recommandés sont rarement atteints. Des apports bas en chrome entraînent une élévation de l’insulinémie, des taux plasmatiques de glucose, de cholestérol, de LDL-cholestérol, de triglycérides, et une baisse du HDL-cholestérol. Ces mêmes altérations de marqueurs biologiques

Cette revue de la littérature souligne

l’importance des apports et du statut

en éléments trace (Zn, Se, Cr, Fe) dans

les mécanismes de contrôle de l’insu-

linorésistance, du stress oxydant et de

l’inflammation, et donc dans l’étiologie

du syndrome métabolique et du dia-

bète de type 2.

La prise en compte des déficits d’ap-

ports en éléments trace chez les

patients insulinorésistants, encore

souvent négligée, et la restauration

des statuts par la modification des

habitudes alimentaires et/ou une com-

plémentation adaptée, apparaissent,

de ce fait, essentielles dans la préven-

tion de ces pathologies.

Conclusion

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en dehors d’une justification biologique de déficit, et des quantités modérées de fer, nécessaires à compenser l’insuffi-sance d’apport, seront préférées à des apports pharmacologiques, potentielle-ment à risques pro-oxydants.

Déclaration d’intérêtL’auteur déclare avoir des activités remuné-

rées avec les laboratoires Aguettant, Isocell,

Labcatal et Thérascience, ainsi qu’avec la

société McCormick.

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