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ELISE FLORENTY & MARCEL TÜRKOWSKY AIDE À LA RECHERCHE DU CNAP – JAPON SEPT / NOV 2014 SOMMAIRE Projet de départ.............................................................. 01 Répartition Temps/Espace............................................... 02 Ningyo Joruri et Fusuma Karakuri................................... 02 L'expérience Hashimoto............................................. 03 Journal de bord............................................................... 07 PROJET DE DÉPART Notre étude s'est intéressée à la mise en miroir de deux pratiques japonaises qui, bien qu'éloignées dans leurs formes, visent toutes deux à inculquer du langage à des êtres non- humains. Ces pratiques sont particulièrement curieuses dans le contexte très caractéristique du Japon, où les signes se donnent à lire sans cesse dans une sorte d'immédiateté et fulgurance déconcertante, conduisant le plus souvent à une échappée du sens ; et où le rapport à la parole est en général très différent de celui existant en occident. Notre premier intérêt s'est porté sur une légende para-scientifique, celle du couple Hashimoto, qui dans les années 70 ont cherché à donner une « voix » au cactus, à « chanter » avec lui, et même à essayer de lui apprendre des lettres de l'alphabet japonais. M. Hashimoto, directeur de l'entreprise Fuji Electronics était un inventeur insatiable, qui aurait breveté, selon les portraits télévisés japonais qu'il nous a été possible de consulter, l'écran géant (dit « Mammouth »), les néons qui changent de couleurs, les premiers panneaux lumineux LED qui font défiler du texte de droite à gauche… Avec plus de 200 inventions et quelques prix d'honneur nationaux en poche, il a également, à ses heures perdues, construit la machine 4D Meter, un détecteur de mensonge modifié qui transforme en sons articulés les pulsations électriques des plantes. Sa femme, qui avait la main verte, a tout de suite pu, grâce à cette machine, rentrer en contact avec son cactus. Cette expérience a été relayée une première fois dans les années 70 par des scientifiques californiens, et plus tard dans les années 80 et 90 par l’institut lui-même, puis par les médias japonais. Nous sommes partis au Japon afin d'essayer d'en savoir plus sur cette expérience, tant d'un point de vue scientifique que métaphorique. Peut-on estimer que le cactus est doué de sentiments (peur, joie, tristesse) ? Si oui, peut-on considérer qu'il a une âme ? Peut-on lui apprendre les rudiments du langage, sa mécanique ? L'apparente capacité du cactus à communiquer - manifestation rendue appréhendable par la transformation de ses impulsions électriques en sons articulés - peut-elle être comparée à notre utilisation de voyelles, consonnes, voire syllabes ? Quelles sont ses capacités de reconnaissance, de répétition, de mémoire à court et long terme ? Pourquoi un cactus ? Et non pas un bonsaï, par exemple, ou une orchidée ? Cette expérience a-t-elle hérité d'influences plutôt asiatiques ou plutôt occidentales ? En quoi est-elle utopique ?

ELISE FLORENTY & MARCEL TÜRKOWSKY AIDE À … · En sus, nous avons découvert une autre pratique liée au Ningyo Joruri, le Fusuma Karakuri, qui ne s’exerce que dans les îles

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ELISE FLORENTY & MARCEL TÜRKOWSKYAIDE À LA RECHERCHE DU CNAP – JAPON SEPT / NOV 2014

SOMMAIRE

Projet de départ.............................................................. 01

Répartition Temps/Espace...............................................02

Ningyo Joruri et Fusuma Karakuri...................................02

L'expérience Hashimoto.............................................… 03

Journal de bord...............................................................07

PROJET DE DÉPART

Notre étude s'est intéressée à la mise en miroir de deux pratiques japonaises qui, bienqu'éloignées dans leurs formes, visent toutes deux à inculquer du langage à des êtres non-humains.

Ces pratiques sont particulièrement curieuses dans le contexte très caractéristique du Japon, oùles signes se donnent à lire sans cesse dans une sorte d'immédiateté et fulgurancedéconcertante, conduisant le plus souvent à une échappée du sens ; et où le rapport à la paroleest en général très différent de celui existant en occident.Notre premier intérêt s'est porté sur une légende para-scientifique, celle du couple Hashimoto,qui dans les années 70 ont cherché à donner une « voix » au cactus, à « chanter » avec lui, etmême à essayer de lui apprendre des lettres de l'alphabet japonais. M. Hashimoto, directeur del'entreprise Fuji Electronics était un inventeur insatiable, qui aurait breveté, selon les portraitstélévisés japonais qu'il nous a été possible de consulter, l'écran géant (dit « Mammouth »), lesnéons qui changent de couleurs, les premiers panneaux lumineux LED qui font défiler du textede droite à gauche… Avec plus de 200 inventions et quelques prix d'honneur nationaux enpoche, il a également, à ses heures perdues, construit la machine 4D Meter, un détecteur demensonge modifié qui transforme en sons articulés les pulsations électriques des plantes. Safemme, qui avait la main verte, a tout de suite pu, grâce à cette machine, rentrer en contactavec son cactus. Cette expérience a été relayée une première fois dans les années 70 par desscientifiques californiens, et plus tard dans les années 80 et 90 par l’institut lui-même, puis parles médias japonais. Nous sommes partis au Japon afin d'essayer d'en savoir plus sur cette expérience, tant d'unpoint de vue scientifique que métaphorique. Peut-on estimer que le cactus est doué desentiments (peur, joie, tristesse) ? Si oui, peut-on considérer qu'il a une âme ? Peut-on luiapprendre les rudiments du langage, sa mécanique ? L'apparente capacité du cactus àcommuniquer - manifestation rendue appréhendable par la transformation de ses impulsionsélectriques en sons articulés - peut-elle être comparée à notre utilisation de voyelles,consonnes, voire syllabes ? Quelles sont ses capacités de reconnaissance, de répétition, demémoire à court et long terme ? Pourquoi un cactus ? Et non pas un bonsaï, par exemple, ouune orchidée ? Cette expérience a-t-elle hérité d'influences plutôt asiatiques ou plutôtoccidentales ? En quoi est-elle utopique ?

En contrepoint, nous nous sommes intéressés à un autre type de pratique qui consiste à infuercette fois du souffe et du langage à un être complètement inanimé : les manipulateurs demarionnettes Bunraku. Comme l'exprime très bien Roland Barthes dans l'Empire des Signes,cette pratique - datant du 16ème siècle - se situe au delà des divisions animé/non animé,dedans/dehors. La marionnette n'est pas animée, comme en occident, par un seulmarionnettiste invisible qui lui donne vie (tel un Dieu qui tirerait les fcelles de l'âme). Aucontraire, elle est manipulée par trois marionnettistes qui se tiennent derrière elle et séparent defaçon artifcielle son corps en trois zones d'action : la tête, les bras et les jambes. Sa voix esttransmise par un locuteur unique qui fait toutes les voix des divers personnages, féminins oumasculins, vieux ou jeunes… du gémissement au grondement... en utilisant divers registres - unregistre neutre, non chanté, un registre mi-chanté mi-parlé, et un registre chanté très lyrique detradition bouddhiste.

Les marionnettistes, habillés de noirs et la plupart du temps masqués, ainsi que le locuteur,accompagné d'un joueur de Shamisen (instrument à trois cordes), sont tous visibles du public.Comme dans le théâtre de distanciation brechtien, le travail est donné à voir sur scène, il n'y aaucun mystère caché. Les représentations sont souvent même précédées de démonstrations quidévoilent et dissèquent les mécanismes très complexes des poupées. Le dramaturge allemandHeiner Müller y voyait la forme d'un théâtre du futur, où tous les éléments sont séparés,annulant toute illusion de totalité, dans un artifce complet mais d'où ressort paradoxalementune véritable émotion. Il disait des marionnettistes masqués de noir manipulant les poupées :Ils sont « comme si la mort se tenait derrière les vivants et les guidait. »Nous étions très impressionnés par cette pratique très moderne qui consiste à « dévisser » lavoix du corps et nous pensions pouvoir proposer une étude flmique qui raconterait l'histoiredu cactus à travers la pratique du Bunraku.

RÉPARTITION

Le premier mois a été consacré à la visite de l'institut Hashimoto, traduction des archives,réactivation de l'expérience. Le deuxième mois, essentiellement nomade, s'est composé devisites de nombreuses troupes de marionnettes, particulièrement sur les îles Awaji, berceau decette pratique. Le troisième mois a consisté à collecter les éléments manquant à ces deuxexpériences pour les faire se réverbérer dans le contexte plus large du Japon.

NINGYO JORURI ET FUSUMA KARAKURI

Nous avons compris au cours de ces trois mois que nous ne pourrions pas assimiler ou mêmearticuler les deux recherches, pour en faire un objet complètement tiers. La pratique duBunraku et du théâtre de marionnette en général (appelé communément Ningyo Joruri) estinébranlable, sa force vient de ses partitions fxes, qui ne permettent aucune improvisation ouré-appropriation. Nous n'avons pas pu rencontrer les véritables troupes nationales de Bunraku,car elles protègent leurs images au maximum. Il faudrait établir un dialogue de confance surplusieurs années pour pouvoir flmer leurs coulisses. Par contre les théâtres semi-professionnels ou amateurs, qui pratiquent le Ningyo Joruri sont tout à fait abordables et mêmetrès heureux de partager leur savoir-faire acquis et transmis sur plusieurs centaines d'années,afn de préserver leur pratique et la faire connaître à l'international. Nous avons été trèssensibles à l'histoire des divers théâtres, en particulier ceux de la région de Tokushima, qui sontdes théâtres ruraux, installés en face de temples, en haut des montagnes. Nous avons flmé detrès nombreuses représentations, répétitions et coulisses qui démontent, d'un point de vue

esthétique mais aussi théorique, le mécanisme de cette pratique. Notre approche a étéessentiellement documentaire. Nous avons pu capter de très nombreuses situations, qui sontintéressantes en soi par rapport à la pratique ancestrale du Ningyo Joruri, mais qui dialoguentaussi avec le présent d'aujourd'hui. L'esthétique ultra moderne et quasi structuraliste de cettepratique mettant le plus souvent en jeu des situations irrationnelles et fantastiques, contrasteintensément avec la vie et aux humeurs de tous les jours. Nous pensons réaliser un ou deuxflms courts à partir du vaste matériel accumulé qui nous semble très singulier.

En sus, nous avons découvert une autre pratique liée au Ningyo Joruri, le Fusuma Karakuri, quine s’exerce que dans les îles Awaji. Il s'agit d'un système impressionnant d'écrans coulissantsattenant aux théâtres de Ningyo Joruri de cette région. Ils sont manipulés par une dizaine demarionnettistes, après le spectacle de marionnettes, en guise d'épilogue. Les motifs des écranspeints sont tous similaires d'un théâtre à un autre, bien que l'interprétation esthétique diverge.Il y a quatre type d'images : les paysages, les intérieurs, les animaux, les créatures imaginaires.Les écrans se coulissent, se hissent, ou se pivotent dans une grande structure qui se pèle un peucomme un oignon ou une poupée russe, ne laissant voir à la fn que l'espace d'un intérieurvide et dont les parois se refètent les unes les autres, un peu comme dans un palais des glaces.Nous avons pu assister au montage et démontage de ce système complexe et nous pensonsnous en inspirer dans des installations futures, ce qui rejoindra l'esprit de certains mécanismes-bolides que nous avons auparavant réalisés. Nous pensons changer les registres d'images etrajouter un registre textuel (notamment l'onomatopée) et d'autres matériaux (flets colorés,verres, miroirs). Ce qui nous intéresse ici, c'est la possibilité de voir une image « en train de sefaire », « au travail », prise dans un moment d'indécision entre la construction et la dé-construction, laissant percevoir dans ses creux l'image en devenir.Cette immersion dans les îles Awaji nous a particulièrement révélé comment le Japon cherche àextérioriser ses pratiques. Tout est question de mécanismes bien rodés, de gestes à effectuer à laseconde près, de collectivisation et synchronisation des tâches. L'histoire n'est pas une fn ensoi. Elle n'a pas besoin d'être compréhensible. Ce qui importe c'est que « quelque chose » soitraconté. Nous avons été particulièrement étonnés d'apprendre que les narrateurs de Bunrakuchantent leurs partitions dans la langue d'origine du 16ème siècle, qui est aujourd'huiincompréhensible pour le public contemporain. Il semblerait que ce soit l'intensité du textedans ses singularités émotionnelles qui prime, renvoyant le tout à une appréciationessentiellement musicale.

L'EXPÉRIENCE HASHIMOTO

Ayant pu dès le début du séjour avoir accès à l'institut Hashimoto et à ses archives, nous avonstrès vite décidé d'écrire et réaliser sur place une sorte de fction-documentaire autour de cetteexpérience. Pour cela nous avons recherché un personnage principal féminin, que nous avonsflmé comme dans une fction, bien que ses faits et gestes soient basés sur sa proprepersonnalité, comme si elle jouait en quelque sorte son propre rôle. L'intrigue du flm consistedonc à suivre cette jeune femme dans sa tentative de réactiver l'expérience des Hashimotodans le contexte du Japon d'aujourd'hui.

Nous avons cherché de façon plus générale à retracer, dans une sorte de narration ouverte etonirique, les différentes réceptions de cette expérience, l'utopie qu'elle a suscitée au Japon etdans le monde dans les années 70 et sa réappropriation comique par les shows télévisuels desannées 80 – notamment dans un sketch du cinéaste Takeshi Kitano - qui a favorisé sapopularisation et sa vulgarisation. Dès lors, de nombreuses histoires, anecdotes et faits diversfaisant appel à des cactus sont apparus au Japon.

Au delà de cette expérience, nous nous sommes intéressés à la contradiction d'un pays où tousles êtres vivants semblent communiquer entre eux de façon animiste et où paradoxalementbeaucoup de choses ne peuvent être formulées et dîtes, dans une sorte de tradition où lesilence, notamment en politique, fait loi. Nous avons alors cherché le point d'articulation entred'un côté, l'entreprise qui consiste à vouloir faire parler les cactus et de l'autre, celle quiconsiste à faire taire les hommes.

En effet au moment du tournage du flm, un présentateur télé, très populaire pour son émissionen « prime time » sur les conséquences sanitaires et sociales de l'explosion du réacteur 4 deFukushima à la suite du tsunami en mars 2011, a été retrouvé mort, asphyxié, dans sa chambre.Ses amis journalistes ont réfuté l'hypothèse du suicide et beaucoup y ont vu un complot d'État.Le flm fait allusion à la mort du journaliste et à une enquête fctive menée avec un cactus.

L'idée de cette enquête est motivée par le fait que beaucoup d'expériences dans les années 70et à travers le monde (Inde, États-Unis, Russie, Japon...) ont essayé de tester la mémoire et lacapacité de reconnaissance d’êtres humains par des plantes. Il a été plusieurs fois prouvéqu'une plante peut se souvenir de la personne qui a auparavant maltraité, soit une autre planteà proximité, soit cette plante elle-même, en émettant en sa présence une sorte de stressélectrique que l'on pourrait qualifer de cris de panique. Prenant appui sur la faculté de« parler » du cactus grâce à la machine 4D Meter des Hashimoto, les media japonais avaientfnalement émis l'hypothèse tragi-comique que les cactus pourraient être utilisés commetémoins dans des investigations criminelles.

La jeune femme que le flm suit est donc prise dans cette idée « fabuleuse » d'implanter dulangage dans le cactus, de communiquer avec lui, de lui donner la parole en tant que témoinde crimes futurs... Elle déambule dans un espace narratif où de nombreux personnagesécoutent les retransmissions de ces expériences (le flm montre peu les archives, il les donnesurtout à entendre). Elle en vient alors à se rendre à l'institut - encore en activité - et à réactiverl'expérience avec les machines d'origine. En chemin, elle est prise à nouveau dans ses penséeset associations d'idées sur la communication paradoxale des êtres au Japon, entre archaïsme etscience-fction, silence et lamentation, animisme et électricité...

Nous avons désiré travailler avec une jeune femme actrice non professionnelle, de fortcaractère, qui entretient un rapport intéressant à la traduction, au cinéma, à la botanique et à lafabrication de jus organiques (ce détail est assez important dans le flm). Le script s'est écrit enpartie en puisant dans ses émotions face à la situation actuelle de son pays. C'est elle qui nousa alertés sur le meurtre du journaliste mais aussi sur la fermeture des parcs de la ville soit disantpour cause de dengue (fèvre transmise par des moustiques) mais en réalité pour limiter lesmanifestations anti-nucléaires qui ont lieu dans ces parcs.

L'utilisation récurrente du super 8 nous a permis de brouiller volontairement les pistes entre lesannées 70 et l'actualité du moment. Nous avons flmé en super 8 tout ce qui a trait à lanature (jardin potager de Totoro, jardins décoratifs, forêts de Yakushima) et tout ce qui a trait àM. Hashimoto (le 4D Meter ainsi que nombre de ses inventions qui dessinent toujours lepaysage urbain tokyoïte).

Ce flm – encore à l'état de montage – présente un fort fl rouge narratif, entrecoupé de partiesplus discursives ou au contraire complètement contemplatives et sensorielles.

Il se situe dans la lignée d'autres de nos flms qui s'attachent tous à suivre un personnagesolitaire et dissident et à le connecter à une communauté d'idées utopiques.

La technique des Fusuma Karakuri / (documents de recherche dans les îles Awaji)

La technique des Fusuma Karakuri, îles Awaji

JOURNAL DE BORDCENTRE ET SUD DU JAPON

1er mois

Premier jour : *Arrivée dans le quartier Higashi Muryama, près de la montagne Totoro.Location d´une chambre dans une maison de style japonaise, à une heure de Tokyo, à raisonde 2 trains par heure. Deuxième jour : *Rencontre avec Ayumi Yoshida qui sera notre précieuseinterprète, traductrice, organisatrice pendant les 3 mois de recherche.

Première semaine : *Prise de contact avec le centre Hashimoto. Possibilité de filmer les lieux etd'avoir accès aux archives. En revanche pas d'interview accordée, ni avec Mme Hashimoto (M.Hashimoto est mort en 2010), ni avec leur fils, ni avec l'employé. Le centre semble ne pasavoir bougé depuis les années 70-80. Ambiance très new-age. Un employé très appliquécommercialise les inventions de M. Hashimoto et propose des sessions d'Alpha Coil (une autreinvention de M. Hashimoto qui envoie des fréquences Alpha au cerveau à des finsthérapeutiques). *Passage du Typhon #16

Deuxième semaine : *Gros travail de traduction des archives. Intérêt particulier pour unmagasine TV animé par Takeshi Kitano qui présente la biographie de M. Hashimoto et satentative d'enseignement du langage (japonais) à des cactus. Reconstitution télévisuelle plus oumoins grotesque d'une scène d´investigation d'un crime où un cactus apparait comme témoin.Début de cristallisation du projet autour de cette scène. Entre l'humain et le non-humain,l'animé et le non-animé, le verbal et le non-verbal : Qui peut témoigner ? Et comment ?

Troisième semaine : *Achat d'un cactus et d'un recueil d´onomatopées. Retour au centreHashimoto, tournage d'une séance avec le 4D Meter de M. Hashimoto et notre cactus. Ayumi,notre interprète, se prête au « jeu » et tente de lui apprendre quelques onomatopées. Lesonomatopées dessinent le spectre d'un crime ou d'une catastrophe. Le cactus ne répond pas.*Toute première représentation de Bunraku au Théâtre National de Tokyo. Histoire d'unefemme délaissée qui se transforme en serpent d'eau pour se venger. *Prises de contactinfructueuses avec certaines troupes officielles de Bunraku à Tokyo et Osaka. Recherche detroupes en province. *Achat d'un habit noir professionnel de manipulateur et du masque. Achat(compliqué) de négatifs de film super 8. *Passage du Typhon #17

Quatrième semaine : *Recherche d´acteurs de théâtre contemporain en vue de séances detravail reprenant certains codes de jeu du Bunraku et se focalisant sur la légende du cactus.Prises de contact infructueuses. *Tournage des répétitions de l'atelier amateur de Ningyo Joruride notre quartier. *Reconstitution en super 8 de Teaching a Plant the Alphabet de JohnBaldessari (1972) avec notre cactus et un des trois alphabets japonais. *Bar La jetée.

2nd mois

Première semaine : *Tournage dans l'atelier professionnel de Ningyo Joruri en banlieue deTokyo, à la montagne de Takao : animations des têtes et instructions sur le jeu des corps. Deuxprésentations en solo du maître puis de son apprenti. *Tournage du spectacle de l'atelieramateur de Ningyo Joruri de notre quartier dans le centre culturel municipal. *Prise de contactavec trois troupes en province à Iida (région de Nagoya) Fukura et Tokushima (îles Awaji) quisont toutes prêtes à nous accueillir.

Deuxième semaine : *Cloués à Tokyo à cause de l'énorme Thyphon #18. Annulation du départpour le sud du Japon. *Collecte d´histoires factuelles ou littéraires japonaises sur des cactus.Réécriture de ces histoires pour les intégrer à notre recherche filmique. Passage enbibliothèque.

Troisième semaine : *Départ pour le sud. *Tournage dans un des théâtres d'Iida. Monstrationde très vielles têtes atypiques par une manipulatrice (spécialisée dans le bras gauche).Possibilité de manipuler nous-même les lourdes poupées. *De Nagoya, passage par Kyoto etOsaka (visite du Musée National du Bunraku), Hiroshima, Furuoka, Kagoshima, prise du ferryjusqu'à Yakoshima (île qui a inspiré Princesse Mononoké - Princesse des esprits vengeurs deHayao Miyazaki). Tournage en super 8 de la célèbre forêt de mousse.

Quatrième semaine : *Arrivée sur les îles Awaji. Deux jours à Fukura : tournage au grandthéâtre de la ville, donnant quatre représentations par jour. Possibilité de filmer le mêmespectacle de plusieurs points de vue, et notamment des coulisses. *Six jours à Tokushima :interview avec des manipulateurs, confectionneurs de poupées et joueurs de Shamisen. Pasd'interview possible avec un narrateur (dit le Tayu) *Tournage de plusieurs répétitions et dedeux représentations publiques dans des théâtres de campagne à l'extérieur, dans la forêt, surune colline. Ils n'ouvrent qu'une fois par an, le 3 novembre. *Découverte de la pratiqueincroyable des décors amovibles Fusuma Karakuri, tant à Fukura qu'à Tokushima. *Tournaged'une répétition d'une troupe particulière, branche dissidente du théâtre d´Osaka, qui tente demoderniser la pratique du Bunraku pour en faire une sorte de grand show de type comédiemusicale.

3ème mois

Première semaine : *Retour sur Tokyo et prise de contact avec des acteurs contemporains dediverses troupes afin d´expérimenter le jeu d´un manipulateur dans un autre contexte que celuidu théâtre de marionnettes. *Écriture de diverses expérimentations possibles, avec ou sansdialogue.

Deuxième semaine : *Expérimentation et tournage dans une maison de style japonais dansnotre quartier. 5 acteurs, 3 hommes et 2 femmes + interprète Ayumi + le cactus. Reconstitutiond'une scène de meurtre déguisée en suicide. Allusion à un fait divers - crime politique - actuel.

Troisième semaine : *Suite et fin du travail de traduction d´archives. Retour sur les diverséléments de recherche. Écriture de textes visant à homogénéiser ces éléments en vue d'unefiction-documentaire. *Traductions, performances et enregistrements sonores de ces textes.

Quatrième semaine : *Tournage dans certains lieux et scènes de vie de tokyoïte en vue decollecter des images-sutures pour le projet global. Jardin botanique et zoo.

Dernier jour: *Tournage avec Junko (vocaliste et instrumentaliste de musique noise), performantdans la forêt Totoro, la nuit.

* * *

Les possibles réalisations à l'issue de ce voyage de recherche sont multiples : fictionexpérimentale, courts documentaires de création, extensions en installations, livres, etc. Nouscomptons poursuivre ce projet et l'amplifier par une étude plus large sur la relationanthropomorphique que l'homme entretient avec les plantes et plus précisément avec lescactus (le « devenir homme » du cactus), relation qui implique de façon inversée une sorte debota-morphisme (le « devenir cactus » de l'homme). Nous remercions ici grandement le CNAPsans qui cette aventure et expérience n'auraient été possibles.

* * *

Ce rapport a été écrit pendant l'été 2015. Les images qui suivent présentent les divers films quiont été produits depuis.

Conversation avec un cactus,45min - 2017images fixes

Conversation avec un cactus, images fixes

NI A, NI NON-AEn boucle - 2015images fixes

Ni A, NI NON-A, images fixes

SHADOW-MACHINE14min - 2016images fixes

SHADOW-MACHINE, images fixes

KITSUNE-BI MATERIAL32min - 2016images fixes

KITSUNE-BI MATERIAL, images fixes