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Le monde à cœur battant Cécile Quiniou

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Le monde à cœur battant

Cécile Quiniou

Le monde à cœur battant

Cécile Quiniou

9 782728 917488

www.fl euruseditions.com

Ma vie a basculé le jour où j’ai suivi mes parents à l’autre bout du monde, à Manille. Quitter mes amis, ma meilleure amie, Henri ? Impossible ! Et pourtant… quelle année ! Ce pays est incroyable et les amis que je m’y suis faits aussi ! C’est avec eux que j’ai décidé d’aller aider dans les bidonvilles où très vite les choses ont mal tourné… Je voulais tellement soigner mon petit Antoy, mon « chouchou du bidonville »…

Heureusement, j’ai retrouvé ce garçon perdu de vue après tant d’années…

Bref, entre mes nouvelles amitiés, nos enquêtes, les défi lés de mode et le bidonville, ma nouvelle vie s’est vite révélée bien plus palpitante que ce à quoi je m’attendais…

À 25 ans, Cécile Quiniou s’engage au sein de l’association Enfants du Mékong. Volontaire Bambou, elle vit à Manille au cœur d’un bidon-ville. Pendant un an, elle y anime, coordonne et soutient les actions des responsables locaux de

l’association. Son premier roman s’inspire directement de son expérience.

© J.-M

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Illustration de couverture : Félicité d’Hautefeuille

Direction : Guillaume ArnaudDirection éditoriale : Sarah Malherbe, Sophie Cluzel

Édition : Pauline Trémolet et Olympe Richez, assistées de Sophie Harinck

Fabrication : Thierry Dubus, Anne Floutier

© Mame, Paris, 2013www.fleuruseditions.com

ISBN : 978-2-7289-1748-8MDS : 531 304

Nº d’édition : 13207

Tous droits réservés pour tous pays.« Loi nº 49-956 du 16 juillet 1949 sur les publications destinées

à la jeunesse. »

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À ma chère Pollak, pour cette belle aventure !À Enfants du Mékong,

pour leur action extraordinaire auprès des petits d’Asie.À « Father Dan », en remerciement de sa bonté,

de sa douceur et de sa bienveillance constantedans les bidonvilles de Manille…

À mon amour d’Antoy, en lui souhaitant le vrai bonheur.À ma famille, à mes amis et à mon « petit Bobby »,

pour la vie !

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Partir c’est mourir ?

22 août, dans l’avion

– Puis-je vous servir quelque chose à boire, mademoiselle ?– Un Coca light, s’il vous plaît.Je réponds à l’hôtesse de l’air sans détourner mon regard

du hublot. Elle me sort d’un demi-sommeil et je réaliseavec désespoir que le cauchemar est toujours bien réel. Je laremercie et engloutis ma cannette d’une traite.

– Ne pleure pas, ma Jade chérie, tu verras, nous allonsêtre heureux là-bas.

Maman tente de me réconforter avec cette voix compatis-sante qui a le don de m’exaspérer.

– Je ne pleure pas ! C’est le Coca qui me pique les yeux !Je remets rageusement les écouteurs de mon iPod dans les

oreilles. Je ne vois pas comment je pourrais être heureuseloin de ce que j’aime ! J’avais pourtant prié Dieu pour neplus jamais partir, pour ne plus souffrir… Mais pour laénième fois je pars. Et ça fait mal.

« Mesdames et messieurs, nous allons bientôt amorcernotre descente vers Abu Dhabi. Veuillez attacher votreceinture et relever le dossier de votre fauteuil… »

La douce voix du haut-parleur m’arrache à mes penséesmélancoliques. Elle se décline en français, en anglais, puisdans une langue qui doit être de l’arabe puisque c’est dans

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les Émirats arabes que nous atterrissons maintenant. Celafait plus de six heures que nous sommes en plein ciel,enfermés dans cet oiseau de malheur aux ailes de fer, et jene suis pas mécontente de faire enfin escale. Sur l’écran enface de moi, une carte permet de suivre l’avancée du trajet :nous avons déjà survolé l’Europe et le Moyen-Orient. C’estincroyable tout ce chemin parcouru en aussi peu detemps… Je ne suis jamais allée aussi loin, ce n’est pas fauted’avoir déménagé pourtant… Je suis née en Pologne, j’aiappris à marcher en Espagne, puis j’ai fait ma première ren-trée à l’école au Maroc… Par chance, je n’ai plus quitté laFrance depuis mon entrée au collège.

Avec maman et Thomas, mon frère cadet âgé de 12 ans,nous allons nous poser pour quelques heures à Abu Dhabi,puis nous embarquerons à bord d’un autre avion vers notreultime destination : l’Asie du Sud-Est, dans l’archipel desPhilippines, à Manille. Je me suis vraiment angoissée enimaginant cette nouvelle vie : nous partons bel et bien àl’autre bout du monde, où nous allons retrouver papa qui yhabite déjà depuis deux mois.

A priori, nous partons au minimum pour une année :autant dire une éternité ! Papa est un hônôraaaablemédecin, internationalement reconnu. C’est pourquoi lespays se l’arrachent. Il vient d’être nommé à Manille pour yprendre la tête de la mission permanente de l’ONU et conti-nuer son œuvre auprès de l’organisation Médecins dumonde. Comme d’habitude, nous suivons, sans pouvoirdire quoi que ce soit.

Aujourd’hui, c’est le 22 août, et la rentrée scolaire estprévue pour le 15 octobre au lycée français de Manille : cedélai ne sera pas de trop pour m’habituer à ma nouvelle viedans ce pays inconnu.

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L’enjeu est de taille car, à la fin de l’année, je passe le bacet, pour ne rien arranger, je suis inscrite en double cursus,français-anglais ! La moitié des matières seront en anglais :littérature, histoire, sans parler de mon option, mathéma-tiques… Ayant déjà redoublé, je ne peux pas me permettreun nouvel échec : la pression est importante. Je vais devoirtravailler dur, sans courage ni motivation et avec des courstout en anglais, ça va être chaud ! Je suis plutôt douée pourles langues, mais de là à faire de la chimie dans la langue deShakespeare… Il va me falloir une bonne remise à niveauet des cours de soutien !

Si seulement je n’avais pas raté ma seconde, j’aurais purester à Paris cette année… J’aurais logé dans une chambrede bonne sous les toits de Paris, celle qui est juste au-dessusde chez ma tante. J’aurais fait du baby-sitting et d’autrespetits boulots pour payer mes sorties, ma nourriture et meshabits : j’aurais été libre, plus autonome. J’ai hâte d’être àl’an prochain, mon bac en poche, pour pouvoir étudierl’histoire de l’art à la fac, ou à l’école du Louvre comme enrêve maman… Mais il ne faut pas trop rêver, je n’aurai pro-bablement jamais le concours…

Comment mes parents peuvent-ils m’infliger de partir siloin et si longtemps ? Si j’échoue au bac, ce sera quand mêmeun peu de leur faute, ils ne pourront pas me le reprocher !

Il faudrait pourtant que je l’obtienne ce diplôme, neserait-ce que pour profiter un peu de ma majorité, de monindépendance, et rentrer en France au plus tôt !

Welcome to the Hotel CaliforniaSuch a lovely place, such a lovely placeSuch a lovely face…

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Hotel California retentit dans mes oreilles : j’adore !Mentalement, je suis presque de retour à la maison…J’affiche toujours un sourire satisfait quand j’entends cetube intersidéral, je me sens indestructible !

Je fouille dans mon sac à la recherche d’un chewing-gum. Ma main s’arrête sur une petite enveloppe froissée. Jeme souviens que Mouna, ma grand-mère chérie, m’a donnéun mot à lire dans l’avion quand nous nous sommesquittées il y a deux semaines. C’est peut-être le moment dele lire. Un peu hésitante, le cœur battant, je déchire l’enve-loppe. L’émotion me pique déjà les yeux.

Saint-Roman-les-Melles, ce 10 août

Ma Jade chérie, mon petit ange,Je t’écris ce petit mot avant le grand départ. Si tu le lis,

tu dois déjà être en train de survoler le monde vers uninconnu qui te fait peur. Certainement regrettes-tu déjà tonamie Amélie et peut-être même cet « obligeant » Henri,dont le nom t’a échappé à plus d’une reprise cet été…

Je voudrais que tu saches que nous sommes, Bon Pap’ etmoi, toujours à tes côtés malgré la distance qui va bientôtnous séparer.

Je sais que tu es très malheureuse de nous quitter, nouset tes amis, ainsi que ton pays. Tu es très en colère contreton papa et tu te sens seule, peut-être même un peu trahiepar ceux qui précisément t’aiment plus que tout au monde,tes parents, simplement parce qu’ils ne font pas ce que toitu juges le mieux pour toi. Je le comprends. Mais je t’ensupplie, ne te morfonds pas et ne doute jamais que « c’esttoujours le meilleur qui se fait ». C’est une grande chancepour toi de pouvoir découvrir un nouveau pays en famille.

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Bon Pap’ et moi nous te portons dans notre cœur etjamais, au grand jamais, nos pensées et prières ne t’aban-donneront ! Nous t’aimons tendrement et sommes vrai-ment fiers de la belle jeune fille que tu es. Notre seul désirmaintenant est que tu sois heureuse ! Nous savons que tuauras la force de toujours espérer et d’avancer. Nousavons confiance. Tu ne seras jamais seule !

Prends soin de toi, de ton frère, et aime tes parents car ilst’aiment énormément…

Envole-toi sereinement, mon trésor, et à très bientôt enFrance, aux Philippines ou ailleurs !

Je t’aime de tout mon cœur et Bon Pap’ aussi !Nous prions pour toi, quotidiennement et avec toute la

ferveur possible.

Ta Mouna

Je ne peux m’empêcher de laisser couler une larme, etcette fois-ci le Coca n’y est pour rien. Ma Mouna… Elle meconnaît si bien ! Elle a même repéré mon affection pourHenri… Lui et moi sommes… un peu… in love, commedirait maman ! Sans nous l’être jamais vraiment avoué,nous sommes très attachés l’un à l’autre… Je regrette den’avoir pas eu le courage de lui parler de mes sentimentsavant de partir : maintenant, séparés par onze mille kilo-mètres, ça va être plus compliqué de communiquer…

Conseillère bienveillante, Mouna s’est toujours évertuéeà me convaincre d’être une personne saine et droite :« Quitte à être différente, ma belle, sois-le dans le bon senset surtout, ne désespère jamais ! » Elle dit aussi qu’enamour les choses bien faites sont forcément belles. Il faut

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que je m’en souvienne toujours, que je m’en fasse tatouer lecœur.

Cette femme extraordinaire, c’est la mère de maman.Avec la même attention maternelle, maman s’adresse tou-jours à moi avec le ton de celle qui aime et qui sait : « Machérie, il faut apprendre à savoir tout quitter tout le temps.La vie réserve souvent des surprises aux hommes : il fautles recevoir comme un cadeau même si cela n’y ressemblepas, car c’est alors le meilleur qui se prépare. Avant tout,mon trésor, il faut avoir confiance. » Maman m’avait glisséce mot sous la porte de ma chambre alors que nous démé-nagions encore une fois, cet été-là, depuis le chaud Paysbasque jusqu’à ce Versailles royal et rigide… « Docteurpapa » était alors muté à Paris pour diriger le pôle desmaladies tropicales à l’Hôpital américain de Paris, et cepour quatre ans. « Merci bonsoir ! »

À 12 ans, je n’avais pas vraiment saisi le message. Ilm’avait été impossible, à l’époque, de comprendre ce quemaman voulait dire. « Apprendre à tout quitter » signifiaitpour moi perdre, soit plus simplement mourir. Alors merci,mais non ! Et à bien y réfléchir, je ne suis toujours pasd’accord. J’ai l’impression de mourir un peu loin de mesamis, de mon école, de toute cette vie qui va continuer sansmoi. Trop jeune, j’avais refusé ce conseil avec colère : non,je ne voulais pas apprendre à « tout quitter » sans merévolter, je ne voulais rien « perdre », ni « mourir » !

« Mais maman ! Il n’y a que des coincés à Versailles ! »Je les connaissais bien, les Versaillais ! De 8 à 12 ans,

j’avais passé mes étés dans les Deux-Sèvres à fréquenterles voisins de Mouna et Bon Pap’ : les « Garinattes deMontalis-Chafford »… de Versailles évidemment, cette

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dernière particule placée comme la prolongation naturelled’un nom de famille qui en dit déjà long !

Amélie, ma meilleure amie, venait souvent passer lesvacances chez mes grands-parents. Nous nous sommes ren-contrées à ma première rentrée au collège en France. J’étaisangoissée à l’idée de changer de nouveau d’école et de neconnaître personne, mais j’ai rencontré Amélie. Elle m’atout de suite prise sous son aile et, depuis, nous ne noussommes plus quittées. Même lorsque j’ai dû suivre papaaux quatre coins du pays, nous sommes restées en contactet avons passé tous nos étés ensemble, en compagnie deMouna et de Bon Pap’ – et de leurs voisins versaillais. Pournous moquer gentiment d’eux, nous les appelions les« Verchââillais », en exagérant l’accent emprunté et chuin-tant de Marie-Catherine Garinattes de Montalis-Chafford,mère de famille remarquable mais avec des goûts vestimen-taires qui nous faisaient souvent pouffer de rire : avecAmélie, nous étions persuadées qu’elle achetait sesjupes-culottes chez Mondial Moquette… Et pourtant, nosdeux familles, bien différentes en apparence, étaient assezproches sur l’essentiel. Nous étions tous animés par une foiprofonde, et partagions les valeurs qui en découlent. Nousnous donnions sincèrement et religieusement « la paix duChrist », chaque dimanche de vacances à la messe. Lereste, finalement, n’appartenait qu’à chacun d’entre nous.

Pourtant, il avait beau y en avoir de tous les âges, je neme suis jamais vraiment bien entendue avec les huit enfantsde Marie-Catherine. À l’exception de Gaspard, le troi-sième de la famille. C’était un garçon mystérieux, drôle,très créatif et courageux, avec qui j’ai passé de très bonsmoments. D’ailleurs, je ne l’ai jamais considéré comme unGarinattes tant il était différent d’eux et libre. Malgré ses

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trois années de plus que moi, Gaspard me traitait toujourscomme son égale. Grand, la peau claire, des cheveux épaiset bruns qui contrastaient avec ses yeux verts qui regar-daient toujours bien en face, il était vraiment sympathiquequand j’y repense. Je le reverrais avec plaisir.

Je me souviens du jour où nous avions cueilli en cachettetoutes les poires du jardin de Bon Pap’, celles qu’il culti-vait avec tant de soin. Nous avions tout saccagé et Gas-pard s’était dénoncé tout seul pour que je ne me fasse pastrop gronder… J’avoue que s’il n’avait pas été de cettefamille-là, j’en aurais certainement rêvé comme d’unprince très charmant.

Et puis un jour, les Garinattes de Montalis-Chafford deVersailles ont déménagé à Chicago, aux États-Unis, et nousne nous sommes jamais revus. That’s life, right ? Je ne saispas ce qu’est devenu Gaspard. Quel métier et quel chemina-t-il bien pu choisir ?

Mince ! Mon iPod, plus de batterie !Je sors de mes rêveries, agacée, retire mes écouteurs et

me joins, maussade, à la conversation voisine :– Il y a combien d’îles aux Philippines, maman ? ques-

tionne Thomas.– Plus de sept mille, mon trésor, c’est le plus grand

archipel du monde. Sur ces îles, il y a des montagnes ver-doyantes, des rizières où l’on cultive le riz, des volcansencore actifs, des lagons secrets, des criques paradisiaqueset des plages somptueuses où nous irons passer vosvacances scolaires.

– C’est vrai ? Mais c’est trop bien ça !Thomas est surexcité à l’idée – que je trouve puérile – de

parader sur les plages ensoleillées dans son nouveau

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bermuda de surfeur, et avec, bien sûr, ses lunettes d’avia-teur rapportées par papa lors de son dernier voyage enChine.

Il est inconscient de ce qui nous attend vraiment. Thomasa 12 ans, « bientôt 13 », comme il dit. Je ne peux m’empê-cher de le trouver niais. Comment peut-il dire que cevoyage est merveilleux alors que nous quittons tout ce quenous aimons ? Il m’énerve ! Je le trouve hypocrite et idiot.Ce n’est pas mon frère, c’est impossible !

– Et c’est aussi « trop bien » de tout quitter pour seretrouver dans une ville misérable, polluée, sale et dange-reuse, dans une ville du bout du monde où la moitié de lapopulation habite dans des bidonvilles ?

Je me suis un peu renseignée sur la ville de Manille avantde partir. Cette ville, c’est l’enfer. Tentaculaire et grouil-lante, Manille is big ! Elle fait presque dix fois la taille deParis ! Elle se compose de dix-sept villes différentes, avecquinze à vingt millions d’habitants ! Quand j’imagine qu’àParis il n’y en a même pas trois millions…

Sur Internet, des articles disent que « 40 % de ces mil-lions d’habitants vivent dans l’un des cinq cents bidon-villes de la ville ». Ça fait peur ! Sur certains blogs, desvoyageurs décrivent un bidonville comme « un amas plusou moins vaste d’habitats précaires et sales où la misère estconcentrée et où les rats et les cafards fourmillent ». En fait,le mot « bidonville » désigne littéralement des « maisonsen bidons », constituées de matériaux de récupération(cartons, plastiques, bâches et tôles, ou je ne sais quoid’autre), où les gens pauvres vivent entassés comme desbêtes, au milieu de poubelles. C’est gore, tout simplement.Et nous allons habiter près de tout cela ?

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Thomas se défend et me scande : « T’es super-naze,Jazz ! » « Naze » est le mot actuel préféré de mon poète defrère. Il apprécie la finesse de la rime. Un talent pareil, c’estaffligeant. Il me nargue bassement ce chihuahua ! Quand ilfait cela, il me rappelle étrangement cette race de chien« inutile, couineur, rachitique, bête et agressif ». Je manquede sauter à la gorge de Thom pour le faire taire. Je vaisl’é-cra-bou…

– Stop ! Ça suffit, les enfants ! Calmez-vous tout de suiteet attachez vos ceintures, nous allons atterrir ! s’interposemaman.

L’hôtesse de l’air la remercie d’un sourire soulagé, ellen’avait visiblement pas osé intervenir au milieu du pugilatqui se préparait.

J’obéis, rageuse, et ne dis plus un mot jusqu’à ce que lesroues de l’avion raclent le sol brûlant du tarmac d’AbuDhabi. Il est 11 heures du matin heure locale et il fait cin-quante-deux degrés à l’extérieur. Le dépaysement prometd’être brutal.

– C’est quoi des bidonvilles, m’man ? demande discrète-ment Thomas, un brin inquiété par mon exposé.

Gagné ! Il est inquiet !Maman lui répond furtivement qu’ils en reparleront plus

tard. Pour l’heure, nous devons nous préparer à sortir del’avion. Nous récupérons nos affaires, sortons du Boeing etnous précipitons dans les toilettes de l’aéroport pour nousrafraîchir. Nous n’avons emporté ni collants, ni chaus-settes, ni chauds manteaux pour l’hiver : il n’y a pas d’hiveraux Philippines. À présent, nous n’avons besoin que de tee-shirts, de shorts et de tongs pour éviter de succomber auxfortes et continuelles chaleurs de ce pays de l’hémisphèreSud.

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Avertissement de l’éditeur :

Si l’héroïne dont vous avez lu les aventures est un person-nage de fiction, ce roman est néanmoins inspiré de faitsréels et de personnages existants, que l’éditeur remercie.

L’auteur a abondamment puisé dans son expériencehumanitaire. Retrouvez son parcours sur son blog :http://lestrottoirsdemanillepourapprendreamarcher.blog.youphil.com/

Les actions menées en Asie du Sud-Est auprès desenfants pauvres par l’association Enfants du Mékong sontréelles. Pour en savoir plus et découvrir l’action des volon-taires appelés « Bambous » rendez-vous sur :www.enfantsdumekong.com

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