En finir avec l'idée de nature - Yves Bonnardel - Estiva Reus

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  • 7/28/2019 En finir avec l'ide de nature - Yves Bonnardel - Estiva Reus

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    ditions tahin party

    Le fait dtre traite matriellement comme une chose fait que vous tes aussi dansle domaine mental considre comme une chose.De plus, une vue trs utilitariste(une vue qui considre en vous loutil) est associe lappropriation : un objet est

    toujours sa place et ce quoi il sert, il y servira toujours.Cest sa nature . [...]

    Corollairement, les socialement dominants se considrent comme dominant la Natureelle-mme, ce qui nest videmment pas leurs yeux le cas des domins qui,

    justement,ne sont que les lments pr-programms de cette Nature.

    Colette Guillaumin, Sexe, Race, Pratique du pouvoir et ide de nature, d.Tierces, 2000.

    esclaves sexuelles, violencesverbales et physiques

    A quoi servent les lois de la Nature ?

    Avec quelles consquences ?

    En finir aveclide de Nature,renouer avec l thiqueet la politique

    Marquerles chairsau fer rouge

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    En finir avec lide de Nature,renouer avec lthique et la politique

    La rgle obir la nature est vide de sens.Cest au prix damalgames (notamment le glis-sement illgitime entre deux sens parfaitement distincts du mot loi , qui dsigne soit unergularit soit un commandement) quun courant de pense multiforme prtend fonder unethique sur le respect de l ordre naturel ou sur lobissance aux lois de la nature .En revenir cette ide de nature nest rien moins quun retour ou un rappel lordre.

    Les ides reues se propagent en chappant tout questionnement critique. Mais les pro-positions creuses ou fausses ne deviennent pas vraies force de rptition.Elles constituentun danger parce quelles offrent une ligne de conduite illusoire ou errone face des probl-mes bien rels. Invoquer la nature en lieu et place de principes clairs de jugement compteparmi les infirmits majeures qui handicapent de nombreux mouvements contemporains quisouhaitent amliorer le monde.

    Invoquer un critre de naturalit en lieu et place dun critre de justice permet dasseoirtoutes les injustices.Lthique est la recherche du bien. La seule thique digne de ce nom estcelle qui sapplique tous les tres qui on peut faire du bien ou du mal, cest--dire tous lestres conscients (sensibles).Cela dcoule du principe de justice ou dquit : lgalit,par d-finition,refuse toute discrimination arbitraire.

    Beaucoup prfrent aujourdhui se plonger dans la nostalgie dun ge dor ou de modes de vie traditionnels harmonieux qui nont jamais exist, plutt que de se battre iciet maintenant pour lavnement enfin de mondes qui se soucient des autres mondes, de tousles autres.La politique, si elle se veut fonde sur lthique, na rien non plus gagner vouloir

    arcbouter ses valeurs sur le sentiment de la nature.Heureusement, il ny a aucune fatalit naturaliste : il nest dans la nature de personne de

    prfrer une frileuse rvrence lOrdre plutt quun dbat ouvert et contradictoire sur cequil est juste ou non de faire.

    Yves Bonnardel,daprs un texte de Estiva Reus.Texte paru dans la revue Les Temps Modernes de mars-juin 2005.

    Cette brochure est tlchargeable en plusieurs langues sur le site des ditions tahin party: http://tahin-party.org

    Ce qui est naturel est bien , rpte-t-on1

    . La Nature est un ordre, harmonieux,o toutechose est sa place, quil ne faut pas dranger. Elle inspire un sentiment religieux de respect,au sens dadoration et de crainte (comme de soumission devant tout ce qui nous paratpuissant et dangereux).

    Pourtant, si la nature dsigne tout ce qui existe, alors rien ne peut tre contre-nature. Sipar contre la nature dsigne une partie de ce qui existe, alors il ny a de sens parler de contre-nature que si lon suppose que cette nature non seulement existe, mais est le sigedune finalit.Or, rien ne soutient ce point de vue. La science tout du moins, depuis Darwin,est muette sur ce point2. Le seul soutien de lexistence dune telle finalit reste la foi (sim-ple foi en lordre naturel,ou foi religieuse).En outre,lexistence dune entit Nature muniedune finalit ne rglerait pas en soi le problme thique : il ne dcoule pas automatique-ment de lexistence de la Nature (ou de celle de Dieu) quil faille se soumett re sa volont.

    En soi, cultiver un sentiment de respect de ce qui apparat comme une puissance, etde soumission un ordre (mme dguise en volont dharmonie ),ne parat pas de bonaugure... Et pourtant, lide de nature reste omniprsente dans les discours normatifs. Enpratique, lattitude est plus ambigu : tantt les humains dnoncent avec indignation ce quils

    jug ent contre- na tu re, ta ntt ils cl bren t le s c on qu te s qu i o nt pe rmis lh um an it

    1. Cet article contient des passages emprunts avec laccord de lauteure la prface dEstiva Reus lessaiLa nature de John Stuart Mill (LaDcouverte,2003). Cet essai de Mill,dont la premire dition remonte 1874,offre une remarquable analyse critique des doctrines qui fontde la Nature un critre du juste et de linjust e, du bien et du mal, ou qui dune manire ou un degr quelconque approuvent ou jugent mritoiresles actions qui suivent, imitent ou obissent la nature . (p. 55) Plus gnralement,les analyses dveloppes ci-aprs doivent beaucoup auxrflexions en cours au sein du mouvement pour lgalit animale.

    2. Voir louvrage collectifEspces et thique.Darwin, une (r)volution venir, d.tahin party,2001. Les versions de la biologie,de lcologie ou de lathorie de lvolution que lon apprend lcole, dont on lit des comptes rendus de vulgarisation dans les magazines (y compris scientifiques),dont on entend parler la radio ou la tlvision, sont trs gnralement truffes de mentions naturalistes,finalistes et holistes.

    2 11

    Peter Singer, La Libration animale, d. Grasset,1993 (21 ).

    Peter Singer, Questions dthique pratique, d.Bayard, 1998 (24,60).

    Peter Singer, Lgalit animale explique aux humains, d.tahin party,2002 (2,30 ).

    Collectif, Luc Ferry ou le rtablissement de lordre,ou lhumanisme contrelgalit, d.t ahin party,2002 (3 ).

    Collectif, Darwin,une (r)volution venir,d.tahin party,2002 (8 ).

    Joan Dunayer, Poissons.Le carnage, d.tahin party,2004 (2,30 ).

    Brochures et textes tlchargeables :http://infokiosques.net/antispecisme

    Jeffrey Moussaieff Masson & Susan McCarthy, Quand les lphants pleurent: la viemotionnelle des animaux, d. Albin Michel,1997 (6,50).

    Les Cahiers antispcistes, revue pour lgalit animale (plus de 25 numros parus!)dont les textes sont accessibles sur :http://www.cahiers-antispecistes.org

    Jaime trop la viande!, brochure prix libre (en table de presse,cf. antispesite).

    Les livres des ditions tahin party sont disponibles gratuitement sur internet :http://tahin-party.org

    Antoine Comiti, Le spcisme et les pratiques spcistes,http://antoine.comiti.free.fr/specisme/index.htm

    Petite bibliographie complmentaire

    RSEAU ANTISPCISTE :20, rue Cavenne 69007 LYON FRANCEcourriel : [email protected] : reseau-antispeciste.org

    COLLECTIF ANTISPCISTE DE PARIS : 99,avenuede la rpublique, esc.3 94800 VILLEJUIF FRANCEcourriel : [email protected] site : antispesite.free.fr

    ACTA (AGIR CONTRE LA TORTURE ANIMALE) :rs.Les Corolles, appt 26,bt. A,rue Simone de Beauvoir 33320 EYSINES FRANCEsite : acta-gironde.fr

    INSCRIPTION SUR LA LISTE INTERNETDE CRITIQUE DE LIDE DE NATURE :site : poivron.org/mailman/listinfo/contre-nature

    Contacts

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    dchapper aux rigueurs de sa condition primitive. Personne ne souhaite vraiment que nousimitions la nature en tout point, mais personne ne renonce pour autant volontiers lideque la Nature doit nous servir dexemple ou de modle. Les considrations sur ce qui estcontre-nature et ce qui est naturel (cens tre quivalent : normal, sain, bon...) viennenttrop souvent court-circuiter la rflexion sur ce quil est bon ou mauvais de faire, sur ce quiest souhaitable et pourquoi,en fonction de quels critres. Lide de nature pollue lesdbats moraux et politiques...

    La rvrence pour lordre naturel

    Le naturel reste fortement associ des jugements de valeur. La publicit utilise le mot na-ture pour dsigner ou voquer nimporte quelle notion connotation positive :campagne, sant,tradition, ternit, force, authenticit, sagesse, simplicit, paix, splendeur, abondance... Le senti-ment de la nature apporte un supplment dme bienvenu au monde de la marchandise,il participe du renchantement du monde capitaliste : quest-ce qui, lheure de se vendre,nest pas naturel ?

    Lidologie du respect de la nature lemporte de plus en plus sur celle de la victoire sur lanature, alors mme que lune est le miroir de lautre. Les avances des sciences et techniquessont habituellement salues comme des tapes dans la Longue Marche du Progrs,alors quedans le mme temps on ressasse des propos alar-mistes sur les risques encourus en jouant aux ap-prentis-sorciers . Dans les deux cas, on recourtplutt des mythes (le Progrs versus la d-

    miurgie de lHomme ) qu des rflexions sur lecaractre positif ou ngatif des consquences pourlensemble des tres concerns. Le dosage desdeux attitudes semble tout fait arbitraire : au-

    jourdhui, la gntique et les biotechnologies sontvictimes au premier chef du rflexe pro-nature ,notamment lorsquelles touchent la reproduc-tion humaine. Dautres innovations mdicalessont ranges sans tats dme du ct du progrs. Que cette distinction provienne pour partiedune rflexion sur les consquences possibles des unes et des autres suffit-il expliquer pour-quoi aider un couple mettre au monde un enfant par fcondation in vitro soulve, selon la for-mule consacre, de graves problmes thiques , alors que remdier, avant la conception, certaines causes de strilit nen pose pas ? Tout se passe comme si on avait dcrt que cer-tains domaines relevaient du sacr : la nature a prvu une procdure prcise de reproduction eton sexposerait des sanctions terribles en ne sy pliant pas.

    Des ractions du mme ordre se manifestent pisodiquement dans les domaines les plusdivers : soudain, la crainte inspire par quelque menace nouvelle ranime lide que la Naturecommande et punit. Ainsi, linquitude suscite par la transmission aux humains de lencphalo-pathie spongiforme bovine a fait dire que le malheur venait de ce quon stait permis de nour-rir des btes naturellement herbivores avec des farines animales3.

    On assiste ainsi aujourdhui la rsurgence dune pense religieuse,lacise grce au rem-placement du mot Dieu par celui de Nature. On la devine par exemple derrire les discours

    et humain, naturel et social, naturel et artificiel, inn et acquis14, etc. Dun point de vue scien-tifique, philosophique tout autant quthique, ce nest pas cette distinction entre supposs tres de libert et tres de nature qui semble dsormais pertinente, mais bien pluttcelle entre une matire sensible et une matire inanime, entre ces choses relles qui prou-vent des sensations,qui ds lors ressentent des dsirs etde ce fait agissent en fonction de fins qui leur sont pro-pres,et ces autres choses qui nprouvent rien,nont pasdintrts, auxquelles rien nimporte, qui ne donnent au-cune valeur aux vnements et aucun but leur exis-tence. Entre les tres sensibles et les choses insensibles,entre les animaux, pour faire vite, et les cailloux ou lesplantes. Plus encore que lexistence dune consciencerflexive,le simple fait que la matire puisse danscertains cas se rvler capable dprouver des sensa-tions est dailleurs une impressionnante nigme, et lex-plication de ce mystre sera sans doute le dfi que de-vront relever les sciences au cours de ce sicle naissant.

    Ce sont les choses vivantes sensibles qui donnent unevaleur ce quelles vivent.Les seules valeurs qui existentobjectivement sont celles que chaque tre sensible donne sa propre vie, ses moments vcus et au monde qui len-toure. En ce sens, le monde nest pas insens,absurde,mais a un sens ;ou plutt, il en a de trs nombreux ! Dessens qui ne rsultent pas dune totalit, mais bien de chacun des tres qui,sparment, parce

    quils sont sensibles, donnent un sens au monde qui leur est propre. Les seules choses qui ontune valeur par elles-mmes sont ces tres sensibles : nous tous, qui ressentons le monde, quiressentons notre vie,qui ressentons la douleur et le plaisir, le dsir et la rpulsion,qui connais-sons lintention, la volont et le refus. Nous tous : pas seulement les humains, mais lensembledes tres dous de sensibilit.

    La sensibilit a t dvalorise car exclue des valeurs mises en avant par lHumanisme (laRaison, la Libert, etc. ). On constate cependant une volution ces dernires dcennies versune prise en compte croissante de la souffrance et du plaisir pour eux-mmes. On sait quau-

    jourdhui les soins pa lliatifs pour les humains, et mme pour les animaux de compagnie, se d-veloppent enfin,et que lon ne veut plus par exemple oprer les nourrissons sans anesthsie15.De mme, on commence se proccuper du bien-tre des animaux dlevage.On est bien srloin dune revendication dgalit de considration,mais il est notable quun souci nouveau sefait jour pour les affects, les sensations et les motions, une valorisation du sensible en tantque tel. Nous pensons quil sagit de lmergence dun mouvement qui tire ses racines des si-cles prcdents,qui ont vu notamment la sensibilit la souffrance (la sienne propre et celledes autres) progressivement prendre de limportance. Ce mouvement dattention croissante notre vie sensible pourrait tre qualifi de sensibiliste ...Mais ne cherchez pas dans le dic-tionnaire,le mot ny figure pas encore.

    3. En revanche,la pratique routinire de linsmination artificielle sur les mmes vaches na ni scandalis lopinion publique,ni agit les comitsdthique. Quant ce que subissent les vaches elles-mmes,qui sen soucie ?

    14.La traditionnelle controverse sur ce qui chez les humains serait acquis ou au contraire inn (par exemple,concernant les sexes ou les races ) ne sexplique que par la croyance en lide de nature; linn et lacquis sont ncessairement inextricables et rsultent danschaque cas de causes extrmement nombreuses et htrognes quil est dnu de sens de vouloir ainsi distinguer en deux catgories. Enoutre, les qualits que lon qualifie dinnes nimpliquent aucunement une nature, contrairement ce qui semble espr ou au contraireredout.Des caractres inns nimpliquent ni une essence ni une destination (devoir-tre),et il est faux de penser que ce qui serait inn seraittoujours immuable,dfinitif (et dans certains cas inconscient, ne requrant pas une perception subjective,ni une dcision du sujet poursexcuter) alors que ce qui serait acquis resterait plastique,modifiable, amliorable (et conscient et soumis la volont,etc.).

    15.Cf.Claude Guillon, la vie la mort. Matrise de la douleur et droit la mor t,Nosis,1997.

    10 3

    Fcondation in vitro

    conditionnementdes gamtes fcondation

    culturede lembryon

    transfertdes embryonsaprs deux joursde culture

    Separate sick turkeys : Illustration de Susan Coe.

    Abattage des dindes malades aprs sparation.

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    faon dont se termine le sacrum sont des raisons tout aussi insuffisantes pour abandonner untre sensible au mme sort. Et quel autre critre devrait tracer la ligne infranchissable ? Est-ce lafacult de raisonner, ou peut-tre celle de discourir ? Mais un cheval ou un chien adulte sont desanimaux incomparablemen t plus rationnels et aussi plus causants quun enfant dun jour, dunesemaine,ou mme dun mois.Mais sils ne ltaient pas, quest-ce que cela changerait ? La ques-tion nest pas : peuvent-il raisonner ? ni : peuvent-ils parler ? mais : peuvent-ils souffrir ? 12

    Ce jour de libration nest pas encore venu, et aujourdhui comme hier, la discriminationdont sont victimes les animaux reste aussi arbitraire que lest le racisme, et lexploitation

    omniprsente, massive, froce qui en dcoule est de ce fait aussi injust ifiable moralementque ltait lesclavage. Elle est un socle sur lequel sest btie notre civilisation. On peut penserque si le naturalisme occupe toujours cette place fondamentale quil tient dans notre culture,

    cest en grande partie parce quil reste irremplaable pour jus-tifier le spcisme.

    Notre humanit ne semble en effet prendre de valeurquen proportion du mpris accord aux animaux. Elle sedfinit tout entire par contraste avec lanimalit , cest--dire, avec ces reprsentants tout dsigns dune Nature laquelle elle soppose point par point : les humains sont desindividus possdant une valeur intrinsque, ont une histoire,sont raisonnables, conscients et l ibres, ont bri l lammentmerg de l tat de nature , quand les animaux sont desrouages fonctionnels de lordre (la Nature), spcimen deleur espce,entirement agis par leur instinct13 et prisonniers

    de leur naturalit sans espoir de rmission. Nous avons d-coup dans le monde rel deux empires qui se dfinissentlun par opposition lautre : lun,rgne de libert et dindi-vidualit, de dignit exclusive, lautre, royaume du dtermi-nisme et de la fonctionnalit, de labsence de valeur propre.Nous acceptons alors une double morale, issue de lessen-tialisme chrtien : une morale de lgalit au sein du groupe biologique de lespce humaine,et une morale foncire-ment litiste,hirarchique, lencontre des individus dautresespces. Cest sur la base de l lment hirarchique denotre morale que se sont labores les discriminations racis-tes ou sexistes : i l suffit de restreindre le groupe des gaux en naturalisant les catgories vises pour les ex-clure,les faire passer de lautre ct de la barrire .Preuvesupplmentaire,sil en est besoin,de lextrme arbitraire (etde la grande dangerosit) de ces notions dHumanit et deNature,nanmoins supposes fonder notre thique et,par-tant, notre politique.

    De fait, sil y a des diffrences radicales tablir dans lerel, elles ne rsident pas dans les oppositions entre naturel

    qui lvent le respect des quilibres naturels au rang de valeur en soi. Au sens premier,lquilibre est un terme purement descriptif. Il dsigne un tat dimmobilit ou de perma-nence : les relations quentretiennent les lments dun cosystme sont telles quilconserve sa structure,les tres qui le com posent tant soit invariants, soit renouvels liden-tique4. Dans le langage courant cependant, le mot quilibre dsigne plus que cet tatparticulier (de repos par opposition au mouvement), pour revtir le sens dun tat idal.Lquilibre des cosystmes se mue en ordre de la nature ou en harmonie naturelle .La notion dordre voque un systme o chaque tre ou catgorie dtres se trouve sa justeplace.C elle dharmonie fait songer un tat dunion ou dentente,o chaque partie saccordeau mieux avec les autres pour contribuer la beaut de lensemble 5. Ces mots font natrelimage dune Nature ordonnatrice du monde pour le bien de ses cratures, tout en faisantsentir le danger quil y aurait en dranger la perfection.

    Dans la mesure o la croyance ne se laisse gure formaliser,nous croyons plus adapt deparler de mystique de la nature plutt quimmdiatement de religion. Omniprsente, elleest comme dissoute dans la vie sociale : formant lun des bruits de fond de nos existences,elle nest formule explicitement comme systme que par certains. Ceux-l sont la voix dunereligiosit qui se distingue des religions traditionnelles en ce quelle est parfaitement en phaseavec la socit moderne : une religiosit individuelle mais commune, commune mais noncollective.Une mystique diffuse,qulaborentles individus atomiss, et quils ne clbrentle plus souvent quindividuellement, dans lesecret de leur esprit en toute lacit.

    Cette mystique se porte bien : une bonne

    partie de la population classe les activits oules ralisations humaines en naturelles (ou bonnes, originelles,authentiques...) etartificielles (dgnres, dnatures, mauvai-ses...). Si certains communient dans les asso-ciations de protection de la Nature oules magasins bios (et excommunient lesmdicaments, les pi lules, la chimie et lebton...), bien plus nombreux sont les croyants non pratiquants. De nombreuses personnesressentent ainsi la crise cologique actuelle en termes naturalistes : notre espce, vuecomme groupe biologique, poserait question en elle-mme, lhumanit serait en quelquesorte maudite et ne pourrait par essence que dtruire la nature . Cette faon daborderdes problmes trs rels escamote la question des rapports sociaux (cest bien ce quoisert dinvoquer la nature) et ne permet pas de rechercher de solutions concrtes, politi-ques : lvidence, ce ne sont pourtant pas tous les humains ni toutes les activits socialesqui psent dun mme poids destructif sur notre environnement et sur nos vies... Quant croire que les peuples premiers , prtendument proches de la nature (pourquoi ne pasdire simplement,comme au bon temps des colonies : peuples primitifs ou naturels ?)pourraient nous aider en nous dlivrant une sorte de sagesse originelle ... Ne serait-il pasplus utile de reparler des rapports sociaux dexploitation, capitalistes,patriarcaux, etc. ?

    12.An Introduction to the Principles of Morals and Legisl ation (1789).

    13.Linstinct reste un lment central de la rhtorique naturaliste lencontre des animaux, mais aucun thologiste nose aujourdhui se rfrerencore une notion qui voque la vertu dormitive de Molire... Le principal atout de la notion dinstinct est dvacuer lide dune sub-jectivit animale (ou,il ny a pas si longtemps, dautres classes de domins comme les femmes ou les Noirs),et dvoquer(et non expliciter !)une transmission de lespce lindividu de la fonction naturelle quil doit incarner.

    4. Malgr son succs dans la pense environnementale grand-public,la notion dquilibre naturel ne correspond probablement aucune ralit.Cf. Daniel Botkin, Discordant Harmonies,A New Ecology for the Twenty-First Century, Oxford University Press,1990.

    5. Il est intressant de constater que la notion d ordre naturel est contemporaine de rgimes politiques et sociaux explicitement autoritai-res,alors que celle d quilibres naturels est plutt contemporaine des dmocraties parlementaires.Lide de nature a trs souvent t uneprojection de notre propre mode de vie en socit ; il est alors inquitant de remarquer que nous gardons de la nature une vision propre-ment totalitaire,o les individus nexistent quen tant que rouages et fonctions au sein dun ordre totalisant.

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    Pour notre part,nous ne voyons dans la nature (la ralit) ni harmonie,ni modle suivre,ni source de chtiments utiles ou mrits : on pourrait dtailler ses mfaits envers les hu-mains ou les autres animaux. On pourrait dtailler aussi les tentatives faites pour justifier lesmalheurs quelle cause par les bienfaits censs en rsulter,tentatives quon peut imputer lef-fort dsespr de thologiens pour soutenir que la Cration est toujours bonne puisquelleest luvre de Dieu. En fait, nous ne croyons pas que la Nature existe, que le monde soit or-donn, quilibr, harmonieux,que les choses aient une place naturelle, ni non plus quil existeune nature des choses.La notion de ralit nous suffit,elle est descriptive, et non prescrip-tive comme lest celle de nature . On imagine des actes contre-nature ; mais des actes contre-rels ? On ne viole pas la ralit, ni ne la transgresse : dbarrasss dune crainte re-ligieuse,nous sommes alors libres de rflchir ce quil est bon ou mauvais de faire.

    Nature et thique :le saut de ce qui est ce qui doit tre

    On simagine volontiers que les choses ont une essence qui fait quelles sont ce quellessont et pas autre chose, quelles ont telle ou telle proprit et pas dautres ; quelles ont une nature qui leur est propre, qui organise leurs caractristiques,leur croissance,leur devenir,et qui garantit quelles resteront la place qui leur est assigne dans lordre du monde etquelles y assureront leur rle ; Mre Nature est ainsi cense donner chaque lment ditnaturel, sa nature.On associe une finalit cette suppose nature des choses, les trescomposant une catgorie de mme nature sont faits pourquelque chose ou destins secomporter dune certa ine manire.Ce nest quen accomplissant ce pour quoi ils sont faits quilsralisent leur vraie nature. Un chat est ainsi cens raliser sa nature de flin,ou de carnivore.

    Sil nagit pas conformment cette nature,il sera peru comme dgnr ...Les essences sont essentielles ; on ne doit pas y toucher. Ainsi ne

    faut-il pas mlanger des choses dclares dessence (de nature) diff-rente. Le mme rflexe fait har les mtissages. La nature des chosesne doit pas tre altre sous peine que lordre dont elle garantis-sait le maintien ne se dissolve en chaos. Cet imaginaire mythologiquecondamne les biotechnologies parce quelles crent des chimres, parcequelles brouillent les fantasmatiques frontires naturelles entre les es-pces,ou, dans le cas du clonage humain, sont censes profaner unesacro-sainte unicit6. Ici encore,pourtant, le problme nest pas de savoir si les consquencesde notre activit sont naturelles ou artificielles, si elles violent des lois de la nature (sielles transgressent une frontire naturelle comme est cense ltre la frontire despce),mais dvaluer si elles sont nuisibles ou non, dangereuses ou non,et pour qui. Poser les pro-blmes en termes dune science artificielle industrielle moderne mauvaise qui sopposerait une sagesse naturelle artisanale traditionnelle bonne empche (ou vite) de raisonner en fonc-tion de critres rationnels. Notamment, concernant les nouvelles technologies, cela revientbien souvent dtourner lattention de ce problme politique fondamental qui est que ce nesont pas les populations qui dcident de leur avenir (on pourrait mme aujourdhui parler delavenir du monde) ni des moyens mettre en uvre. Une critique similaire vaut pour lemouvement de lagriculture bio qui,malgr sa bonne volont,met finalement plus laccentauprs du public sur le credo ce qui est naturel est bon que sur les questions thiques etpolitiques de proprit des moyens de production et de distribution, ou de dcroissance des fins dcologie et de partage des richesses.

    6. Pour une critique des implicites des discours humanistes contre le clonage humain,cf. David Olivier, Alors, on pourra les manger ? dansles Cahiers antispcistes n15.

    Il y a peu de sujets o une diffrence naturelle , en loccurrence despce10, est utilise avecaussi peu de prcautions comme frontire morale.Pour ceux que lon a ainsi exclus,on admetnon seulement que leur bien se confond avec ce que la nature a prvu pour eux , mais onlassimile au besoin avec ce quoi ils nous servent : les chats sont faits pour attraper les sou-ris, les moutons pour tre tondus et les pou-lets pour tre rtis.

    Y-a-t-il donc un ou des caractres nat urelsqui justifient de faon vidente que lon nese soucie pas des intrts d es tres sensiblesdu moment quils ne sont pas humains11 ?Le simple fait de poser la question est sou-vent jug sacrilge. Pourtant, si lon consi-dre les membres concrets de lespce, ona le plus grand mal trouver un caractrequi soit la fois exclusivement humain etprsent chez tous les humains. Les traits distinctifs gnralement invoqus nappartiennentpas tous les humains.Ils caractrisent lhumain-type, une nature humaine que lon sest plu dessiner pour les besoins de la cause (et qui correspond lhumain adulte en bonnesant mentale).La dfinition mme de lhumain reste extrmement floue.Les ftus sont-ils des humains ? Quiddes spermatozodes ou des ovules ? Quiddes individus en coma d-pass,que lon se sent obligs de dclarer en tat de mort clinique (alors quils restentindubitablement vivants) pour sautoriser les dbrancher ? Le critre de lhumain necorrespond ainsi en rien une dfinition scientifique qui serait acceptable par chacun, in-dpendamment de ses prsupposs philosophiques ou thologiques. Il est galement impor-

    tant de noter que les traits mis en avant pour justifier la discrimination lencontre desnon-humains (lintelligence, la raison, la libert, le fait dtre sortis de la nature , etc.),non seulement sont eux aussi indfinis, mais surtout nentretiennent aucun rapport avec cequils sont censs justifier.O n ne peut en outre qutre heureux de ce quen loccurence ilsne soient pas pris au srieux concernant les nombreux humains qui ne sont ni intelligents,ni raisonnables, ni libres... Bizarrement, ces mmes arguments sont par contre acceptssans tergiverser ds lors quil sagit danimaux : nous navons de ce fait aucun scrupule lestraiter dune manire telle que,cha que jour en France, des dizaines de millions dentre euxressentent de la peur, de langoisse, de la souffrance,de lennui, de la colre.Nos pratiquesgnrent des sensations pnibles, douloureuses ou insoutenables que lon souhaitenavoir jamais ressentir soi-mme. Si nous prenions au srieux ces contradictions,nouspourrions changer nos pratiques individuelles et collectives pour immdiatement faire ces-ser lessentiel de ces souffrances.

    Il y a plus de deux sicles dj, Jeremy Bentham rsumait en ces termes les objectionsque soulve une attitude spciste : Les Franais ont dj dcouvert que la noirceur de la peaunest en rien une raison pour quun tre humain soit abandonn sans recours au caprice dunbourreau. On reconnatra peut tre un jour que le nombre de pattes,la pilosit de la peau,ou la

    10.Cf. David Olivier, Les espces non plus nexistent pas, les Cahiers antispcistes n11, dc.1994.

    11.Un inventaire et une analyse critique des thories dfendant cette distinction sont proposs dansAnimal, mon prochain de Florence Burgat(ditions Odile Jacob,1997).Dans la philosophie thique savante, la frontire naturelle dlimitant lespce humaine est rarement prsen-te de faon aussi sommaire,comme constituant,en tant que telle, un critre moralement pertinent.On soutient plutt que les tres appar-tenant cette espce sont seuls possder dautres caractristiques qui, elles, sont pertinentes. On espre ainsi, par des moyensplus prsentables,arriver des conclusions quivalentes. Ces positions ont t systmatiquement passes au crible de la critique au coursdes trente dernires annes,notamment par des auteurs anglo-saxons (P. Singer, T.Regan, J. Rachels...) qui en ont rvl toute la faiblesse.Des textes de ces auteurs et dautres traitant de ce mme sujet sont disponibles en langue franaise sur le site desCahiers antispcistes(http://cahiers-antispecistes.org) et des ditions tahin-party(http://tahin-party.org).

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    Lappropriation :on marque au fer les animaux comme on marquait lesNoirs et les femmes les sicles prcdents (illustrations page 7).

  • 7/28/2019 En finir avec l'ide de nature - Yves Bonnardel - Estiva Reus

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    Envole toute individualit, il devient un specimen qui exprime avanttout sa catgorie.Cela vaut bien sr surtout pour les domins : si lesNoirs sont essentiellement Noirs, les Blancs sont des Blancs certes,mais ne se rduisent pas, eux, leur couleur de peau.

    De mme pour les sexes : je nai plus tel ou tel sexe, qui consti-tuerait lune de mes particularits,mais je suis de tel ou tel sexe.Monsexe est cens dire le tout de ce que je suis. Cest dautant plus vraipour les femmes. Tota mulier in utero : la femme est entirement d-

    finie par son uterus. Les hommes, eux, restent pleinement humains,incarnent lespce, luniversalit,alors que les femmes sont spcifiques,

    particulires, diffrentes.

    De mme,les enfants sont des enfants,et leurs ractions ne sont plus perues que commedes expressions denfants. Simone de Beauvoir, dans ses Mmoires dune jeune fille range,crivait justement : La condescendance des adultes transforme lenfance en une espce donttous les individus squivalent : rien ne mirritait davantage. la Grillre, comme je mangeais des noi-settes, [linstitutrice] dclara doctement : Les enfantsadorent les noisettes. Mes gots ne mtaient pas dictspar mon ge ; je ntais pas une enfant: jtais moi. .

    Les adultes, eux, sont pleinement humains, indivi-dualiss.Ils sont la norme...

    Beaucoup dantiracistes ou dantisexistes,hlas, re-fusent den finir avec lide de nature et essayent sim-

    plement de saper la pertinence des catgories desexe et de race en rendant leurs contours aussi flous que possible. Cette tactique est parti-culirement vidente concernant le racisme lorsquelle se rsume dans la formule les racesnexistent pas,il ny a quune seule race humaine . Concernant le sexisme, laffirmation qui-valente les sexes nexistent pas est trop abrupte, mais la proposition selon laquelle nous avons tous du fminin et du masculin en nous en est un substitut frquemment em-ploy. Ces formes dargumentation ont en commun de pouvoir tre menes sans remettreen cause deux caractristiques fondamentales de lapproche naturaliste : la transforma-tion des individus en tres porteurs de lessence de leur catgorie,et la justification du statutthique des membres de ce groupe par les traits naturels qui sont censs leur correspondre.Lopinion aujourdhui dominante ne veut pas renoncer chercher sa justification dans les in-tentions de la nature, ni contester la pertinence morale des limites naturelles .

    Nature et spcisme9

    De fait, il existe un domaine dans lequel lopinion majoritaire ne peut tre explique autre-ment que par ladhsion ces deux postulats, bien que ceux qui la partagent en aient rare-ment conscience.Il sagit de la dfinition des tres dont nous devrions nous soucier (les pa-tients moraux ).Qui devrait-on ne pas tuer , ne pas faire souffrir , ne pas traiter commeun simple moyen pour parvenir nos fins ? Gnralement, la rponse est : les tres hu-mains,alors quelle devrait logiquement tre : tous ceux pouvant ptir de ces comportements.

    9.Le terme spcisme a t forg sur le modle des mots racisme ou sexisme .Il dsigne la discrimination arbitraire lencontre des indi-vidus sensibles qui nappartiennent pas notre espce.Il dcoule du spcisme une exploitation dune extrme brutalit,puisque la plupart deshumains de nos socits considrent les animaux comme des marchandises,utilisables pour des fins aussi drisoires que les lever puis tuerpour en consommer la chair !

    En assignant aux tres une nature, on affirme tantt un droit,tantt une finalit ou un de-voir-tre.Avec larbitraire le plus total.Ainsi, le fait que les femmes puissent enfanter a souventconduit lide quelles devaient enfanter ou que leur vritable nature ne saccomplissait quedans la maternit.Le fait que les organes sexuels mles et femelles permettent la procration apu tre interprt comme un commandement de la nature (ou de Dieu) exigeant quils ne ser-vent qu cela7. En revanche, le fait que la bouche soit un point dentre pour lingestion desaliments a rarement conduit les moralistes ds-approuver ceux qui sen servent pour soufflerdans une clarinette. La nature, cest la norme.

    Le plus souvent, ce qui est peru comme na-turel nest en ralit que ce qui est habituel ouadmis dans une socit donne en particulierchez ceux qui sy trouvent en position domi-nante : lorsque ce nest plus par droit divin,cestpar un fait de nature que les adultes ont le de-voir de rgir la vie des enfants, les hommes dediriger celle des femmes, les Blancs de civili-ser les Noirs ou les autres races , les humains de rgner sur les autres espces , etc.Les domins le sont par nature, les dominants le sont par nature8. Le discours est brutal,mais efficace. L encore, linvocation de la Nature permet de faire lconomie dune discus-sion argumente, sur nos valeurs et sur les choix censs en dcouler.Il ny a plus dbattre,les choix sont faits.

    Nature et discriminations intra-humainesPrenons la notion de race ; le problme nest pas quon se soit amus distinguer des vari-

    ts dhumains (ceux la peau noire, ceux la peau blanche,aux yeux brids ou non, les blon-des et les brunes,etc.), il est quon a na-turalis certaines classifications ainsiopres (celles qui offraient un intrtpolitique) : la peau noire devenait lesigne dune race, une race tant en faitune nature. Avoir la peau noire cessait dslors dtre une caractristique, une pro-prit parmi dautres dun individu,pour si-gnifier une essence, une appartenance une catgorie englobante : lindividu ap-partient ds lors une classe, qui le dter-mine tout entier ;il en devient un reprsen-tant. Il na plus une peau noire, il est Noir.

    7. On lit par exemple dans le Catchisme de lEglise catholique propos des relations homosexuelles : Sappuyant sur la Sainte Ecriture qui lesprsente comme des dpravations graves,La Tradition a toujours dclar que les actes dhomosexualit sont intrinsquement dsordonns. Ils sontcontraires la loi naturelle.Ils ferment lacte sexuel au don de la vie.Ils ne procdent pas dune complmentarit sexuelle et affective vritable. Ilsne sauraient recevoir dapprobation en aucun cas . (Mame/Plon,1992, p.480).

    8. En fait, les dominants simaginent comme ayant, de par leurs qualits propres, merg de la nature (contrairement aux domins,quils imagi-nent volontiers y rester immergs),sauf lorsquil sagit de lgitimer la domination : ainsi redeviennent-ils des hommes naturels (mles) auxbesoins irrpressibles sil sagit de justifier des viols (cf. D.Welzer-Lang,Le viol au masculin, LHarmattan,1988) ; ainsi redeviennent-ils des car-nivores par nature sil sagit de justifier la consommation carne (cf.Clm Guyard,Dame Nature est mythe, d. carobella ex natura,2002), etc.Sur le discours de la nature et les pratiques sociales dappropriation,on lira utilement Colette Guillaumin,Sexe, Race et Pratique du pouvoir.Lide de Nature, Indigo et Ct-femmes,2000 [1978].

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    volutionde lhomme

    et de la femme

    Tu nes

    quun

    enfant

    /adoles-

    cent!

    Je croyaispourtant treun individu comme

    les autres...