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THÈSE Pour obtenir le grade de Docteur de l’Université Jean Moulin Lyon 3 en Sciences de Gestion Présentée et soutenue publiquement Septembre 2004 Oyaya Kalitou Lydie Management stratégique et systèmes d’information. Une analyse contingente et structurelle de la gestion des entreprises africaines liée aux spécificités culturelles dans les actes de pilotage stratégique d’entreprise : l’exemple des firmes gabonaises

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THÈSE

Pour obtenir le grade de

Docteur de l’Université Jean Moulin Lyon 3

en Sciences de Gestion

Présentée et soutenue publiquement

Septembre 2004

Oyaya Kalitou Lydie

“ Management stratégique et systèmes d’information. Une

analyse contingente et structurelle de la gestion des

entreprises africaines liée aux spécificités culturelles dans les

actes de pilotage stratégique d’entreprise : l’exemple des

firmes gabonaises ”

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Sous la direction du Professeur Ahmed SILEM

Jury

Rapporteurs : Jacques BRASSEUL, Professeur des Universités, Université de Toulon et du Var

Jean-Paul METZGER, Professeur des Universités, ENSSIB

Suffragants : Robert PATUREL, Professeur des Universités, Université de Toulon et du Var

Ahmed SILEM, Professeur des Universités, Université Jean Moulin Lyon 3

Véronique ZARDET, Professeur des Universités, Université Jean Moulin Lyon 3

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REMERCIEMENTS

À notre directeur de recherche,

Le Professeur Ahmed Silem. Pour les conseils qu’il nous a prodigués, la patience mais aussi

l’impatience légitimes avec lesquelles il nous ont poussé vers l’aboutissement de ce travail.

À sa collaboratrice,

Mme Violette Kerrien, pour la spontanéité, la gentillesse et la mesure avec lesquelles elle

encadre les projets et les membres de l’École Doctorale MIF.

Aux acteurs des entreprises sollicités,

J’exprime ma reconnaissance et ma gratitude. Que ce travail soit l’accomplissement de leur

engagement.

À ma famille, et particulièrement à ma mère,

Pour le soutien moral et la confiance indéfectibles qu’elles m’ont apportés.

À tous ceux qui m’ont aidé durant ce parcours,

Je dédie ce travail.

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Introduction générale

0.1. Thématique et exposé de la problématique

Entreprendre une réflexion contingente sur les problèmes de gestion dans les entreprises

africaines est une tâche ardue à plus d’un titre. Tout d’abord, en raison de l’étendue et de la

diversité du champ d’investigations, en l’occurrence celui du management stratégique des

organisations qui constitue à lui seul un paradigme, tant il recourt à une diversité d’approches.

Cette pluralité, dont témoigne la littérature sur la question, lui confère un statut

épistémologique d’intersciences au carrefour d’influences et d’horizons hétéroclites qui

contribuent à la richesse de ses analyses et de ses interprétations. Aux confluents de la

sociologie des organisations, des sciences de gestion et de l’information et de la

communication, cette mixité nous servira dans le cadre de la présente étude, pour décrypter le

fonctionnement des organisations en analyse.

Si l’on s’en tient au contexte économique et mondial actuel, l’Afrique apparaît désormais de

plus en plus fragilisée et en marge du commerce international. Cette situation, tributaire d’une

multitude de faits, dont la concurrence des Pays de l’Est, de l’Asie (cf. Forum pour le

Développement de l’Afrique1), et la construction d’un espace économique et monétaire

européen constituent les phénomènes les plus apparents. Cependant, ce même contexte

commande de se mettre au diapason des avancées de la mondialisation2 et de la société de

l’information3.

En outre, le milieu d’investigations constitue une gageure supplémentaire, si l’on s’en tient à

la faiblesse des études relatives au management des entreprises africaines ; et de surcroît à

celles s’intéressant au tissu économique gabonais, délimité ici à quelques firmes, pour les

1 Forum pour le Développement de l’Afrique,. www.bellanet.org/partners/aisi/adf99docs/infoeconomyfr.htm,

2 Pour Adeya et Cogburn, c’est « un phénomène mis à jour à travers une série de processus sociaux,

économiques, politiques et culturels mondialement interdépendants par lesquels les événements, les décisions et

les activités dans différentes parties du monde se conjuguent pour exercer des effets importants sur les individus,

les communautés, les entreprises et les structures politiques dans des régions du monde éloignées les unes des

autres », « La mondialisation de l’information : enjeux et perspectives pour l’Afrique »,

www.bellanet.org/partners/aisi/adf99docs/infoeconomyfr.htm 1999, p.2.

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motifs qui seront détaillés dans la troisième partie de ce travail. Il nous est d’ailleurs apparu, à

la lumière de nos lectures que les entreprises africaines obéissent particulièrement bien -pour

ne pas dire « résistent »- particulièrement bien à la logique de ce que Luc Boltanski et

Laurent Thévenot appellent « la cité domestique » dans De la justification. Les Economies de

la grandeur [1991].

Selon cette logique, les rapports entre les individus reposent sur des systèmes d’équivalence

partagés, des grandeurs communes qui permettent aux acteurs de retrouver les repères qui

vont guider leurs relations dans une situation donnée. Ces systèmes d’équivalence ou

grandeurs se donnent à lire dans des mondes régis par la cohérence des principes qui y sont

activés et qui correspondent à des formes idéales-types parmi lesquelles les auteurs

distinguent : le monde de l’inspiration, le monde domestique, celui de l’opinion, et enfin les

mondes civique, marchand et industriel.

Dans le monde domestique qui retient ici notre attention, ce sont les figures de la famille, de

la tradition et des anciens qui prédominent. L’état de grandeur s’y mesure en fonction du

respect de l’échelle hiérarchique et des traditions. Dans le cadre de notre étude, nous nous y

arrêterons plus particulièrement, par opposition aux mondes marchand et industriel parce que

ces trois mondes véhiculent des idéologies pertinentes à la compréhension d’un management

spécifique adaptable aux entreprises africaines lato sensu et à celles faisant l’objet de nos

investigations stricto sensu.

Si le monde domestique est assimilé par ses détracteurs à un monde désuet où prédomine la

survivance du passé, et dans lequel se distinguent des organisations économiquement peu

efficaces, les mondes marchand et industriel font eux directement référence à des

organisations compétitives et performantes, reposant davantage sur l’esprit individualiste

plutôt que communautariste. Les échelles de grandeur de ces trois mondes : prégnance des

liens affectifs et du tissu social, rationalité économique et managériale., constituent en effet le

socle autour duquel se cristallise la problématique de notre recherche sur les contingences

d’un management adaptable aux firmes gabonaises de note corpus.

Ces contingences qui sous-tendent également les perspectives de recherche dans ce domaine

[Diagne, 2004 ; Hernandez, 1997-2000 ; D’Iribarne, 1987-2003 ; Kamdem, 2002 ; Mutabazi,

3 Adeya et Cogburn la définissent comme « une forme spécifique d’organisation sociale dans laquelle la

production, le traitement et la diffusion d’informations sont les sources fondamentales de productivité et de

puissance », op. cit., p.5.

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2001], nous permettrons à travers ce projet de parvenir à la lumière de nos investigations, à la

constitution d’un modèle de management où les relations sociales tiennent une place de choix,

sans obérer pour autant les exigences d’efficacité économique. Cette ambition part de l’idée

que la conception d’un management stratégique africain ne peut se concevoir sans avoir à

l’esprit deux réalités : l’Afrique et ses spécificités d’une part, et les contraintes et les logiques

du management d’entreprise, d’autre part.

Notre démarche, à partir de ce facteur culturel fortement structurant, est de savoir :

« Comment tirer avantage de la réalité et de l’impact des réseaux sociaux, pour instaurer un

modèle de management stratégique conciliant rationalité économique et rationalité sociale à

l’ère de l’avènement de la société de l’information » ?

C’est cette conciliation, apparemment, difficile à établir qui fonde notre perspective de

recherche et nos hypothèses de base sur la nécessité d’une approche contingente indispensable

à l’instauration d’un modèle de management qui tienne compte de cette cohabitation. Ces pré

requis établis, nous formulons une hypothèse centrale gouvernant l’ensemble de notre

problématique à savoir que dans le contexte des entreprises ici étudiées, il existe un lien de

consubstantialité entre management et structures organisationnelles, elles-mêmes étant

influencées par l’imbrication de contenus sociétaux extérieurs à l’entreprise. C’est cette

hypothèse centrale qui nous permet de formuler les deux hypothèses suivantes :

- Hypothèse 1 : la performance d’une entreprise est en corrélation avec le degré de

cohérence entre rationalité managériale et rationalité culturelle.

- Hypothèse 2 : le ratio performance économique et sociale/logiques individuelles est un

élément essentiel à la compréhension et au fonctionnement de ces organisations.

Ce modèle aurait l’ambition d’aboutir à un canevas où il n’y aurait pas de ruptures entre les

valeurs de la société de ces individus et le monde de l’entreprise. Sur cette base, l’approche du

sociologue américain Amitaï Etzioni mérite le détour, parce qu’elle voit dans les

communautés une alternative à la domination des sociétés par le marché et l’État. Cette

approche établit ainsi un mode de fonctionnement similaire à celui du monde de la cité

domestique développé par Luc Boltanski et Laurent Thévenot, dans la mesure où elle associe

à ces trois piliers : l’État, le secteur privé et les communautés, des univers auxquels les

individus adhèrent en fonction de valeurs auxquelles ils se rattachent.

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Cette acceptation de règles ou « compliance », tenant pour l’auteur à la mixité des substrats

idéologiques suivants : la contrainte, l’intérêt, les valeurs qui sont les piliers de trois types

d’organisations : coercitive (les institutions par exemple), utilitaire (les entreprises) et

normative (les communautés religieuses par exemple). Mais le fait majeur de cette théorie,

c’est surtout qu’elle repose sur une dynamique du changement prenant racine dans

l’expression même de ces communautés. Celles-ci établissent une « troisième voie », pour

reprendre le titre d’un de ses essais, dont l’idée forte ressort à travers le passage suivant :

« Une société ne peut pas être fondée uniquement sur l’échange et le pouvoir, le marché et

l’État, le commerce et les institutions. Toute vie sociale repose aussi sur des normes, des

règles morales, des liens d’affection et de solidarité, une culture commune »4.

Cette croyance est à la base du mouvement dit du « communautarisme »5, enraciné dans le

contexte d’action de la société américaine, et qui est plus largement tributaire du mouvement

plus global de la socio-économie6. Le communautarisme veut ainsi établir un modèle de

société, « societal guidance » ou « théorie de la guidance sociétale » qui voit la mobilisation

des collectivités comme une source majeure de leur transformation et de la transformation de

leur relation aux autres unités sociales.

Selon cette perspective, les choix des individus ne sont pas uniquement motivés par des choix

rationnels. À côté d’eux coexistent une interaction complexe de motifs et de logiques

d’appartenance, qui font dire à l’auteur que le fonctionnement d’une économie suppose de

prendre en compte l’encastrement des logiques marchandes, institutionnelles et sociales.

C’est cet aspect transformatif des communautés qui fait de la mobilisation des collectivités

une source majeure de leur transformation, et de la transformation de leur relation aux autres

unités sociales par le principe de « compliance », que nous transposerons dans l’analyse des

firmes gabonaises de notre corpus. En effet, tout comme les effets pervers de la

mondialisation et des programmes d’ajustement structurel, la pratique du management dans

les entreprises africaines relève d’une aventure à la fois préoccupante et complexe. À la fois

4 Etzioni (A.), « Comment reconstruire la société ? » Propos recueillis par Jean-François Dortier et Martha

Zuber, Sciences humaines n°112, janv.2001, p.38-41. 5 Mouvement de pensée qui s’oppose à l’individualisme excessif de la société américaine et prône la

reconstruction des communautés comme groupes d’appartenance et de reconnaissance. 6 Par ce courant, s’exprime une tradition de pensée qui cherche à articuler l’étude des formes économiques à

celles des structures sociales.

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singulière et plurielle, si l’on s’en tient à l’ensemble des contributions parues sur la question

[cf. Hernandez (1997 ; 1998 ; 2000), D’Iribarne (1987, 1989, 1990, 1998, 2003)].

0.2. Justification théorique

C’est pourquoi le concept de « cité domestique » issu des écrits de Boltanski et de Thévenot7

offre une alternative à l’adéquation de ces valeurs dans le monde de l’entreprise dans un

premier temps. La « théorie de la guidance sociétale » d’Etzioni, tributaire du mouvement de

socio-économie dans un second temps, nous semble compléter cette première approche, dans

la mesure où elle inclut les communautés, c’est-à-dire les individus dans la dynamique des

relations entre l’État et le marché. En effet, ces deux théories permettent d’établir une forme

de mixité et d’équilibre entre les exigences et les objectifs de rationalité économique, sans

pour autant négliger les logiques d’appartenance sociale auxquelles se réfèrent les individus.

C’est pour cette raison que l’un des pré-requis que nous avons posé, au vu de la perspective

retenue est de considérer d’une part, l’Afrique et ses spécificités comme paramètre d’analyse

à part entière, indissociable de l’appréhension des structures organisationnelles. Pierre

Dupriez notamment, [1999, « Le management interculturel : mode éphémère ou réalité

d’entreprise ? »] l’a fort bien appréhendé, à travers le paradigme du management

interculturel. Celui-ci manifestant les interactions existant entre la pratique du management et

la réalité des cultures et des lieux d’implantation.

Dès lors, comme le soulève Kanyi O’Cloo8 ou Philippe D’Iribarne

9 dans leurs propos, on peut

s’interroger sur la pertinence de l’universalité de méthodes et de théories managériales

appliquées en dehors de leur contexte d’action à obtenir des résultats satisfaisants, sans

quelque adaptation. Le tout étant bien sûr de savoir comment y parvenir, chaque entreprise

ayant une âme et des environnements particuliers en fonction de sa taille, de sa structure, de

sa culture, de son mode d’organisation, etc.

7 Boltanski (l.), Thévenot (L.), De la justification. Les économies de la grandeur, 1991.

8 O’Cloo (K.), « Spécificités culturelles pour un management stratégique africain ». Mémoire de DEA, sous la

direction de Michel Kalika, 1991. 9 D’Iribarne (P.), « Ce qui est universel, et ce qui ne l’est pas », Revue française de gestion, 1987, p.6-9.

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Cela revêt d’autant mieux d’importance que c’est cette cohabitation (d’un contexte socio-

culturel indissociable du monde de l’entreprise) qui est en partie ou en totalité responsable des

difficultés de gestion patentes dans la plupart des entreprises publiques des États africains.

Mais au-delà de l’impact de ce facteur fortement structurant, nous nous demanderons si c’est

un entrelacement de facteurs hétérogènes, que nous tenterons de décrypter sur le terrain, qui

perturbent et projettent dans leur ensemble ces entreprises dans des gouffres financiers et

organisationnels, conduisant à des campagnes de restructuration/privatisation.

C’était notamment le projet de Mouhamed El Bachir10

, dans sa thèse consacrée aux

procédures de contrôle et au degré de décentralisation dans les groupes français implantés en

Afrique. Sa réflexion a comme point d’ancrage la crise des années 1970, qui marque en effet

le tournant des problèmes de compatibilité relevant des méthodes de gestion, ainsi que la

médiocrité des performances des entreprises publiques, dont les problèmes et déficits majeurs

sont imputables à une absence de rigueur et de contrôle.

C’est pourquoi, le titre générique de notre recherche insiste sur le caractère contingent de nos

investigations, en mettant en relief la mise en œuvre du management stratégique des systèmes

d’information comme vecteurs de performances. Autrement dit, nous voulons à partir de la

réalité de nos observations sur le terrain, expérimenter les facteurs clés de succès ou d’échec

de la politique générale d’entreprise, en soulignant la place accordée aux pratiques et

politiques informationnelles du système d’information dans les actes de pilotage stratégique.

Une « bonne » stratégie doit en effet pouvoir reposer sur une vision juste et s´appuyer sur des

objectifs concrets et précis. Pour épauler l’équipe dirigeante dans ses choix et son suivi, il

existe des outils permettant d´établir des indicateurs de performance (gestion des stocks, flux

des ventes et de la production, etc.), grâce à l´analyse des données du système d´information,

établie sur la base des calculs de ses indicateurs. Le « Business Process Management »

évoqué par Pierre Barreaud11

, est l’un de ces systèmes de pilotage permettant de définir a

posteriori des indicateurs de performance et de suivi des objectifs.

Le système d´information constitue en effet pour nous un moyen d’évaluer l’impact de ce

type de management à l’intérieur de ces firmes. Au vu des possibilités offertes, non seulement

10

El Bachir (M.), « Autonomie et procédures de contrôle dans les groupes français implantés en Afrique ». Sous

la direction de Daniel Gouadain, Octobre 1995. 11

Barreaud (P.), « Pilotage stratégique : le SI au service du management »,

http://www.indexel.net/doc.jsp?id=1914

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par les développements de la société de l’information, mais aussi en raison des opportunités

que ces technologies sont susceptibles d’offrir pour bénéficier d’avantages compétitifs

durables. Ce qui nous porte de plain-pied vers la prépondérance de l’économie de

l’immatériel, en tant que facteur permettant d’optimiser la décision informée [Bounfour,

1998 . Davenport et Marchand, 1999 ; Du Tertre ; Epingard ; Portnoff].

Ainsi, l’économie de l’immatériel ou management des ressources immatérielles, ne se réduit

pas seulement à la société de l’information, mais correspond davantage à « une rupture entre

une économie fondée sur des ressources physiques critiques et une économie où les facteurs

immatériels sont devenus déterminants, en raison de l’explosion des connaissances

disponibles et de la complexité des situations à traiter »12

. Ce management a pour objet

d'optimiser les liaisons entre les ressources technologiques, les ressources humaines et

l'ensemble des systèmes de l'entreprise afin d'accumuler et de valoriser les savoirs internes de

l'entreprise en liaison avec ceux existants et offerts à l'extérieur [cf. Bounfour 1998 ;

Epingard ; Du Tertre ].

Grâce au décryptage du système stratégique de ces firmes, nous allons ainsi pouvoir

déterminer les dysfonctionnements ou les phénomènes qui président ou ont présidé à leurs

performances. L'analyse des aspects organisationnels relevant de la dimension socio-culturelle

d’une part. Et d’autre part, celle de la gestion des risques liée à l’activité de ces firmes, à la

lumière des opportunités offertes par le management des ressources immatérielles (MRI)

notamment, nous permettra d’éclairer le fonctionnement et les contraintes inhérentes à

l’action organisée au sein des firmes retenues.

Concrètement, il s’agit pour nous de savoir s’il existe ou non une volonté d’intégrer dans les

processus décisionnels clés de ces firmes, le système d’information tel que nous nous le

sommes approprié, en tant qu’interface hommes/machines, en élément-ressource du pilotage

stratégique. Cela présuppose de tenir compte des logiques de management de ces entreprises

en tant que facteur clé de succès ou d’échec des spécificités et des stratégies déployées.

0.3. Méthodologie de la recherche

Le décryptage du système stratégique de ces firmes nous permettra ainsi de distinguer les

organisations performantes, notamment par leur capacité à intégrer le management des

12 Portnoff (André-Yves), « Comment tenir compte de l’immatériel ? », http://www.i-km.com/immateriel.htm

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11

ressources informationnelles dans le dispositif global d’intelligence13

. Mais cette intégration

constitue surtout pour nous le moyen de jauger l’adaptativité et la compétitivité de ces firmes,

par rapport aux conditions et aux évolutions de leur environnement et du marché. En effet, les

problèmes de coordination, de coopération et d’adhésion constituent indéniablement les

ingrédients moteurs/catalyseurs du pilotage stratégique d’entreprise, car ils sont au cœur de la

mise en œuvre des processus qui conditionnent leurs succès ou leurs échecs.

Notre perspective de recherche ayant une visée exploratoire, nous analyserons le

fonctionnement de ces organisations aux fins de recueillir les données indispensables pour

mener au mieux nos investigations. Cela présuppose de façon sous-jacente de s’appesantir

quelque peu sur l’acception et la portée de l’idée de performance dans la poursuite et le

maintien d’avantages compétitifs durables.

Ainsi, à partir de l’idée de performance, terme polysémique ou « concept-valise »,

s’appliquant à tout ou presque dans des domaines divers, pour reprendre l’expression

d’Annick Bourguignon14

, pourrons-nous, risquer des interprétations sur le style de

management et le type de structure organisationnelle. Cette tripartition prend notamment en

compte l’acception de la performance en tant que représentation de la réussite économique

des organisations, déclinée au singulier.

La seconde définition renvoie aux notions d’efficience (un ratio productif), de compétitivité

(le souci d’adaptation et de réactivité permanent) et d’efficacité (l’atteinte des objectifs

poursuivis), grâce à la mise en valeur des savoir-faire et expériences, sources des core-

competence évoqué par Gary Hamel et C.K. Prahalad15

. Le résultat de ces actions pouvant

être relié à la combinaison de processus ad hoc tributaires de convictions personnelles, mène

à la troisième acception. Celle-ci intègre à l’idée de performance les substrats idéologiques,

identitaires, et/ou culturels que les individus peuvent lui donner. Elle est plus idéologique et

subjective, car elle renvoie directement aux représentations qu’en ont les individus. Elle nous

intéresse en ce sens qu’elle désigne à quoi se rattache la notion de performance pour telle ou

telle catégorie d’individus par exemple.

13

Il s’agit bien entendu de la capacité d’une organisation à adopter une configuration organisationnelle qui soit

en adéquation avec les objectifs stratégiques poursuivis. 14

Bourguignon (A.), “Définir la performance: une simple question de vocable?”, Performances et ressources

humaines, 1996, p.18-31. 15

Hamel (G.), Prahalad (C.K.), La conquête du futur, 1995.

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12

Cette troisième et dernière acception peut être rapprochée de celle du concept d’« espace

social » d’Hamid Bouchikhi16

, faisant référence à « un ensemble de règles formelles ou

informelles, de ressources matérielles ou symboliques, de schémas cognitifs partagés par un

certain nombre de personnes, parce qu’ils représentent le contenu dans lequel ces derniers

agissent et interagissent ». Il ressort de ces différentes acceptions que le concept de

performance est un terme chargé de valeurs, dont les enjeux se situent à des niveaux

d’interprétation divers comme en témoigne le passage suivant :

« C’[l’idée de performance] est un moyen parmi d’autres pour comprendre des résultats ou

des processus d’action. On les évalue par rapport à des attentes, ce qui aide à prendre des

décisions. C’est aussi un cadre idéologique pour organiser le réel et le justifier, en mobilisant

les individus à partir des discours opérationnels qui en sont tirés. Derrière une image de la

performance, on peut introduire une théorie sur les hommes (X, Y, Z), glisser une

interprétation du management (hiérarchisé, participatif, contractuel) ou imposer un style de

communication (par persuasion, débat conflictuel ou consensus programmé)»17

.

Pour l’auteur, cette polysémie remplit une fonction politique, idéologique et sociale identique

à celle du management. Autrement dit, la performance, essentiellement contingente, est un

terme qui prend la valeur que ses utilisateurs veulent bien lui attribuer. L’intérêt de

l’acception idéologique, est de marquer le degré d’implication et/ou de motivation des

individus dans l’organisation, car cela facilite la compréhension et l’interprétation des

problèmes qui ont cours au sein de ces organisations.

Il répond à notre souci d’aider à la compréhension du management des entreprises africaines,

singulièrement à celui des entreprises gabonaises de notre corpus d’études. Les phénomènes

qui rythment la vie des organisations ne se comprennent que partiellement si l’on oublie de

prendre en compte ces interactions, dont la première acception régule les deux autres au

niveau de l’activité d’une organisation. Mais de manière générale, la performance est bien le

résultat d’une action quelle soit individuelle ou collective, en conformité avec les valeurs et

les objectifs poursuivis par les acteurs d’une organisation [Thévenet 1992, Nifle 2001].

Sa portée n’est donc pas dénuée d’intérêts. Elle nous permettra d’effectuer des analyses

comparatives, à partir desquelles seront dégagées les compétences-clés à l’origine de ces

16

Bouchikhi (H.), « Structuration des organisations et compétitivité : un point de vue constructiviste »,

Management stratégique et compétitivité, 1995, p. 379-394. 17

Bourguignon (A.), op. cit., p.5.

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13

performances. Cela nous permettra ainsi de dégager des catégories-structures permettant de

comprendre d’éventuels dysfonctionnements, dont le système d’information contient des

traces. Les échanges que nous aurons avec les membres des équipes dirigeantes de ces firmes,

ces derniers ayant la lourde et délicate tâche de définir la politique générale, nous éclaireront

sur la vision stratégique qu’ils ont de leur environnement.

Pour ce faire, nous nous appuierons sur les théories des organisations, notamment l’approche

contingente, parce qu’elle repose sur un ensemble de facteurs de nature à rendre compte de la

structuration des organisations. Il s’agit donc pour nous d’analyser et d’interpréter des

politiques managériales sur la base de résultats en corrélation étroite avec la réalité du

management des systèmes d’information de ces entreprises. Cela présuppose pour nous qu’au

niveau de leurs processus stratégiques, les entreprises doivent savoir anticiper d’éventuels

changements de leur environnement. Et le cas échéant, pouvoir se doter de moyens d’actions

pour ne pas être dépassés, notamment par une remise en cause des schémas habituels

d’élaboration et de mise en œuvre de leurs stratégies.

Les principes de « contingence » et du « fit »18

d’Éric Delavallée qui lient l’efficacité du

système à une adéquation entre ses variables (d’efficacité) et une situation donnée pour le

premier ; et « le principe du fit » qui lie l’efficacité du système à une cohérence entre ses

différentes variables, nous fournissent une grille de lecture pertinente pour analyser les

phénomènes à l’œuvre dans les organisations. On y trouve en effet des variables adaptées à

l’élaboration d’hypothèses, nous permettant a posteriori de valider ou d’invalider le fait que

les performances d’une organisation sont en étroite corrélation avec les interactions entre la

structure interne, ses acteurs, et l’environnement externe.

18

Delavallée (E.), « Pour ne plus gérer sans la culture », Revue française de gestion n°110, 1996, p.2-16.

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14

En effet, comme nous aurons l’occasion de le voir, la performance et le management de ces

entreprises résultent d’interactions multiples chargées de valeurs idéologique, politique et

sociale. Ces deux postulats renvoient à deux hypothèses centrales développées par Henry

Mintzberg [1996] sur l’analyse des configurations organisationnelles : « l’hypothèse de

congruence » qui implique que l’efficacité d’une structure soit en adéquation avec sa situation

(ses environnements) ; et « l’hypothèse de configuration » qui implique un minimum de

cohérence interne entre les différents paramètres de conception des tâches.

Dans sa théorie, il les recoupe en une seule : « l’hypothèse élargie de configuration » qui lie

l’efficacité d’une structure à la cohérence des variables internes, ainsi qu’aux facteurs de

contingence [cf. Mintzberg 1996, p.207-209]. Sur la base de ces hypothèses, notre étude vise

ainsi à mettre en relief, à partir de l’investigation de ces entreprises, les facteurs de réussite ou

d’échec imputables à leur politique générale au niveau du management de leur structure

organisationnelle, et plus singulièrement de leur système d’information.

Nous aurons l’occasion de le démontrer au cours de l’analyse-terrain des firmes retenues à cet

effet, afin de marquer le caractère contingent et idéologique du management. Nous pourrons

ainsi justifier des difficultés de gestion que peuvent rencontrer les entreprises, dans le cas qui

nous occupe. Grâce au décryptage de ces phénomènes, dont témoigne le concept de

« catégories-structures » d’Alain Degenne et de Michel Forse19

, nous pourrons ainsi mettre

au jour des structures organisationnelles, à partir des relations établies entre les acteurs de

l’organisation et le système stratégique de leur entreprise20

.

Cette proximité structurale nous permettra ainsi de « définir » a posteriori des modèles de

gestion et de gouvernement des hommes, au vu de l’interprétation que nous ferons des

observations sur le terrain, que l’on recoupera avec certains préceptes des théories de la firme.

Celles-ci envisagent en effet la firme comme un ensemble de contrats qui établissent une

certaine structure , et lui permettent à la fois de profiter des avantages de la spécialisation et

d'assurer un système d'incitation et de contrôle efficace. [cf. Armen Alchian et Harold

Demsetz 1972 ; Masahiko Aoki 1984 ; Harvey Liebenstein 1987].

19

Degenne (A.), Forse (M.), Les réseaux sociaux. Une analyse structurale en sociologie, 1994, 288 p. 20

Ce concept a une portée double, puisqu’il témoigne d’une part du réseau de filiales d’une entreprise qui repose

sur un ensemble d’unités et de services interreliés. Le second aspect qui se situe au niveau du champ stratégique,

se concentre sur les relations que peut développer une entreprise en nouant des alliances stratégiques par

exemple. Pour notre part, nous limiterons cet aspect au triptyque produits/services, compétences et marché. Ce

sont ces deux aspects qui constituent le système stratégique d’une entreprise dans l’ouvrage d’Yvan Allaire et de

Mihaela Firsirotu [1993, p.17].

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15

Nous inspirant des thèses de Robert Paturel21

, notre étude procèdera d’une approche clinique

hypothético-déductive à visée illustrative. Cette dernière étant bien entendu guidée par les

hypothèses issues des éléments de théorie permettant d'asseoir un raisonnement particulier

dont la confirmation ou l'infirmation est obtenue par l'expérimentation. Cette démarche de

recherche dite empirico-formelle nous portera vers cet objectif.

En effet, l’entreprise à laquelle nous nous attelons nécessite d’analyser le fonctionnement de

ces organisations à partir du recueil de données effectué. Ce type d'observations n'impliquant

pas obligatoirement que le chercheur soit immergé dans l'organisation, cela se traduira

concrètement pour nous par des entretiens approfondis de durée substantielle. Ces entretiens

s’appuyant sur l’élaboration d’un questionnaire avec des interlocuteurs privilégiés, occupant

des postes de direction dans ces entreprises.

Fort de cette stratégie, nous nous en servirons alors pour tirer parti de ces interactions dans

une perspective illustrative. Cette dernière correspondant à une argumentation éclairant le

sujet grâce aux faits recensés, susceptibles d'accentuer la valeur du point de vue exposé, aussi

bien au plan explicatif que démonstratif. Si notre intention première était d’effectuer une

étude de cas, les contingences matérielles et spatio-temporelles nous ont hélas contraint à

nous limiter à une étude clinique. En effet, cette dernière portant sur l’analyse d'un type de

phénomènes s'étant réalisés au sein d'une ou de quelques organisations précises en nombre

nécessairement limité, il nous était matériellement plus aisé d’aller en ce sens.

Notre approche-terrain visant à vérifier les hypothèses émises se basera pour l’essentiel sur la

pratique d’entretiens de recherche. Ces derniers permettant d’un point de vue méthodologique

d’aboutir à la compréhension et à la recherche de sens [cf. Blanchet et al., 1998, p.84-85].

D’utiliser ces entretiens comme champ expérimental, où l’enquêteur cherche la validation ou

la non-validation des hypothèses préalablement constituées [Blanchet et al., p.125], notre

tâche consistant à rechercher les facteurs contingents susceptibles d’expliquer les problèmes

de gestion dans ces entreprises. Au regard du contexte environnemental gabonais, l’approche

contingente trouve ici son sens, car elle a le mérite de relier l’efficacité d’une structure

organisationnelle, à l’adaptation et à la cohérence de concepts théoriques et sans matérialité

apparente à la réalité du terrain.

21

Paturel (R.), « Management stratégique », Papier de recherche disponible sur www.iae.univ-

nantes.fr/recherch/travaux/these/coordpaturel.html

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16

0.4. Plan de la recherche

L’organisation de notre travail comporte trois parties subdivisées en sept chapitres. Les deux

premières parties sont consacrées à l’examen théorique des thèmes de la recherche, tandis que

la dernière porte sur les aspects méthodologiques privilégiés, ainsi que sur l’interprétation et

l’extrapolation des résultats obtenus. Dans la première partie, le premier chapitre se consacre

notamment à l’évolution des courants majeurs de la pensée stratégique, pour insister sur la

complexité et l’aspect contingent des théories développées dans leur évolutivité.

Le second chapitre, compte tenu de l’évolutivité des théories issues des écoles normatives et

processuelles que nous avons ressorties, va s’attarder sur les conditions de congruence

(économiques, structurelles, environnementales, etc.) nécessaires à la dynamique d’entreprise.

Il s’agit à travers ce chapitre d’insister sur les mécanismes qui peuvent influencent et interagir

sur les environnements externe et interne des entreprises, pour leur assurer un potentiel de

compétences-ressources capable de répondre aux exigences et aux conditions du marché.

Par ce biais, nous cherchons à ébranler la thèse de l’universalité des pratiques de

management, pour privilégier celle de la complexité, proche des analyses contingentes et

structurelles. Celles-ci mettent en effet davantage l’accent sur les relations entre la stratégie,

l’environnement et les structures organisationnelles, relevant d’une multiplicité de facteurs

tributaires d’une construction/reconstruction de l’environnement stratégique.

C’est une interface cognitive essentielle entre l’environnement, l’organisation et les

performances, qui conditionne les processus mis en œuvre à cet effet, tout en accompagnant le

changement organisationnel lorsqu’il s’avère nécessaire. D’où l’importance des processus mis

en œuvre dans les actes de pilotage stratégique, en raison de la part accrue des investissements

et du management des ressources immatérielles.

La deuxième partie de notre exposé, solidaire de la précédente est consacrée aux effets du

management stratégique des systèmes d’information. Cet intérêt qui se justifie par la part

croissante des investissements immatériels, et de leur participation aux processus participant

de la décision informée est l’objet du quatrième chapitre. Nous y développons notamment les

aspects contribuant à l’intelligence organisationnelle, à travers les stratégies d’intelligence

économique et concurrentielle.

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17

Étant donné le choix de notre corpus, le troisième chapitre est donc axé sur la confrontation

des éléments de théorie issus de la pratique du management stratégique et des réalités de la

rationalité managériale africaine. À travers les éléments de théorie et les modèles conceptuels

qui en ressortent, nous montrerons que les logiques/grandeurs évoqués par Boltanski et

Thévenot acquièrent leur sens dans la construction et la pertinence des stratégies et du

management de ces firmes.

Tout comme dans la première partie, une fois l’examen des théories du management des

systèmes d’information achevé, nous en avons marqué l’intérêt dans le cinquième chapitre

consacré aux enjeux de ces mutations dans le contexte africain. Étant donné que la croissance

économique y est compromise en raison notamment de la pertinence des choix effectués, nous

y entrevoyons les bénéfices des TIC et du management des ressources immatérielles de

manière générale, pour les firmes de notre corpus.

La troisième partie à travers les deux derniers chapitres s’intéresse aux aspects

méthodologiques et analytiques de l’enquête, à travers l’exploitation et l’extrapolation de ses

données. Nous y aboutirons ainsi à la confirmation ou à l’invalidation des hypothèses

préalablement émises.

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Partie I : Le management stratégique face aux

contraintes de l’action organisée

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19

Chapitre Ier : Aperçu sommaire de l’évolution de la

pensée stratégique

Ce chapitre consacré à l’évolution de la pensée stratégique est un détour paradigmatique

effectué au cœur des théories des organisations. Il a pour effet d’examiner les grands courants

constitutifs de l’analyse stratégique, à partir de leur évolution. Le but étant de montrer que

comparativement à l’évolution des théories de la pensée stratégique, les approches

managériales à l’œuvre dans les entreprises de notre corpus, doivent elles aussi faire l’objet

d’adaptations et de mesures contingentes aux réalités et aux spécificités de leur contexte

d’action.

Section I : Les écoles normatives

Cet examen se base pour l’essentiel sur les travaux de Mintzberg et al. [1999]. Sous ce label

se retrouvent trois mouvements précurseurs de la pensée stratégique. Tous les courants de

pensée évoqués ici se focalisent davantage sur la manière de concevoir des stratégies, plutôt

que sur leur constitution effective. Cet aperçu est important pour nous, car il nous permet de

démontrer que les théories managériales, elles non plus ne doivent et ne devraient pas être des

modèles de gestion figées. À leur image, elles doivent suivre des processus et des contextes

de formulation seuls capables de les aider à se constituer.

La première d’entre elles, l’école de la conception correspond à ce que l’on pourrait appeler le

degré zéro de l’édification de la pensée stratégique. Son origine remonte aux années soixante

avec des concepteurs tels que Alfred Chandler [1989, Stratégies et structures de l’entreprise]

qui ont contribué à lui donner les contours que nous décrirons plus longuement par la suite. À

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20

sa suite, l’école de la planification qui a connu son apogée dans les années soixante dix, s’est

développée en apportant à cette première mouture une dimension formelle se traduisant par la

programmation des stratégies que l’école de la conception se bornait jusqu’à lors à concevoir

de façon plus ou moins informelle. La dernière, l’école du positionnement s’inscrit carrément

dans une logique économique en faisant la part belle au marché, et en négligeant de fait les

processus d’élaboration de la stratégie.

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21

Ces trois écoles sont aux sources de l’analyse stratégique et de ses développements futurs.

Même si aujourd’hui on peut leur reprocher leur « dogmatisme » par rapport aux écoles dites

processuelles, il n’en est pas moins vrai qu’elles ont œuvré à la construction de la forteresse

« management stratégique ». On peut même dire que ces prémisses ont mené à l’émergence

des processus du tournant paradigmatique des écoles dites « processuelles ». Dans un article

relatif à l’évolution des discours sur la stratégie d’entreprise, Alain-Charles Martinet22

en

arrivait déjà aux mêmes conclusions, en adoptant une typologie différente. Cela se traduit par

la classification qui apparaît dans le tableau suivant :

APPROCHE CLASSIQUE APPROCHE RENOVEE

L’entreprise est un organisme technico-

économique

L’entreprise est simultanément :

un agent de production

une organisation sociale

un système politique

L’environnement de l’entreprise est

essentiellement le(s) marché(s) sur

le(s)quel(s) s’affrontent des concurrents.

« L’entreprise est en marché(s)

2. L’environnement est constitué de tous

les acteurs en relation (effective et

potentielle) avec l’entreprise – « les parties

prenantes » - et l’ensemble « résiduel »

(groupes d’opinion, relais,…) qui

influencent les attitudes et comportements

des premiers.

« L’entreprise est en société »

22

Martinet (A.-C.), “Les discours sur la stratégie d’entreprise”, Revue française de gestion, 1988, p.49-59.

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22

La stratégie est celle de l’entreprise en lutte

(et accessoirement en coopération) avec les

acteurs intervenant sur le(s) marché(s).

3. La stratégie est d’abord celle que le

« groupe dirigeant » choisit pour

l’institution dont il a la garde, en lutte-

coopération avec les acteurs internes et

externes concernés. Elle devient celle de

l’entreprise lorsqu’elle est prise en charge

par son corps social.

La stratégie consiste à allouer les

ressources de telle sorte que soit modifiée

le système concurrentiel à l’avantage de

l’entreprise.

La stratégie consiste à créer les conditions

de congruence – économiques, techniques,

sociales, politiques – entre

l’environnement et l’entreprise de sorte

que celle-ci dispose d’un potentiel

maximal de performances.

L’essentiel de l’effort de réflexion

stratégique est dédié au choix d’un

positionnement judicieux sur le(s)

marché(s).

L’analyse stratégique peut se cantonner

à la formulation, à la mise en œuvre

ultérieures traitant tactiquement les

facteurs de freinage ou d’accélération.

L’effort de positionnement stratégique

porte sur le choix d’un positionnement

judicieux de l’entreprise dans

l’environnement ET sur les conditions de

son acceptation par les acteurs internes,

externes et « résiduels ».

L’analyse stratégique, récusant la

séparation formulation/mise en œuvre,

porte ex ante sur la compatibilité du projet

avec les éléments frein et moteur.

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23

Les contraintes et opportunités de

l’environnement, les forces et faiblesses de

l’entreprise sont perçues selon une logique

des facteurs (par exemple : le « facteur »

travail.

La rationalité stratégique est de type

technico-économique.

Ces éléments sont envisagés selon la

double logique des facteurs et des acteurs

(par exemple : quantité et qualité de travail

et comportements/pouvoirs des

« travailleurs ».

La rationalité stratégique est de type

mixte (technico-économique et

sociopolitique).

Tableau 1 : Fondements théoriques des approches stratégiques. D'après Alain-Charles

Martinet, “Les discours sur la stratégie d’entreprise”, p..57.

Dans ce tableau, transparaît clairement le passage d’une économie industrialisée à une

économie dominée par le fonctionnement et le recours à des réseaux techniques et socio-

économiques. De la première à la dernière étape symbolisée, on voit d’un côté un mode

d’organisation et de fonctionnement rigide ne tenant a priori pas compte de l’interaction issue

du jeu des acteurs. De l’autre, un mode de fonctionnement réticulaire et organique reposant

sur la combinaison des facteurs de production et des stratégies déployées par des acteurs qui

participent à l’édification de la stratégie d’entreprise.

1.1. L’école de la conception : l’élaboration de la stratégie en tant que processus

de conception

1.1.1. Présentation sommaire

Pour cette école, le processus d’élaboration de stratégies renvoie à une expérimentation

coercitive et analytique des potentialités de l’organisation, en adéquation avec la ligne

budgétaire et la politique générale de l’entreprise. Pour ce faire, elle s’arrime à un socle de

préceptes où l’élaboration de stratégies suit un processus délibéré de réflexion résultant d’un

processus faisant appel aux connaissances détenues par le « concepteur- stratège » qui

s’apparente généralement au chef d’entreprise.

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24

Ce dernier se basant sur un canevas précis d’étapes à poursuivre pour extraire « la meilleure

stratégie ». De fait, c’est moins le contenu des stratégies que le processus de leur élaboration

qui retient ici l’attention. C’est seulement après leur formulation que ces stratégies, uniques,

mûres, explicites et simples peuvent être appliquées. Ce principe fait référence à la

dichotomie qu’effectue l’école de la conception entre formulation et mise en œuvre de la

stratégie, et qui sous-tend le précepte selon lequel la structure suit la stratégie. Cette

dichotomie formulation/mise en œuvre de la stratégie est le principal grief à l’encontre de

cette école, outre l’omnipotence du manager-stratège dans la vie de l’entreprise et l’absence

de prise en compte des expériences passées.

1.1.2. Examen critique des préceptes de l’école de la conception

Au lieu de tirer parti du cadre général d’élaboration de la stratégie qu’elle a instauré, l’école

de la conception s’est réfugiée dans un créneau défini : la stricte poursuite des stratégies

arrêtées lors de la phase de formulation. Par ailleurs, la dichotomie effectuée entre pensée

(formulation de la stratégie à adopter) et action (mise en œuvre) contribue à l’enfermement de

la stratégie en un cycle réducteur de conception individualisée et simpliste où le manager-

stratège dicte sa loi aux autres composantes de l’organisation. De plus, l’aspect

incrémentaliste qui n’est pas pris en compte lors de l’élaboration de la stratégie mine l’aspect

émergent et la prise en compte de facteurs antérieurs.

L’élaboration de la stratégie est moins un processus d’apprentissage que de conception

« originale » reposant sur une idée maîtresse : la pensée est indépendante de l’action, avec

toute l’abstraction que cela représente en matière de construction de stratégies. Celles-ci se

limitant au diagnostic établi par des managers loin des réalités du terrain. Ce qui nous amène

à faire état d’une maxime chère à Alfred Chandler : « la stratégie doit précéder et déterminer

la structure ».

Ce à quoi Mintzberg et al. [1999] rétorquent : « le travail stratégique est un système intégré et

non une suite arbitraire d’actes ». Ce postulat laisse présumer l’idée selon laquelle

l’élaboration de la stratégie primerait sur le capital acquis par l’entreprise au cours de son

existence, niant ainsi l’impact de l’environnement tant interne qu’externe. Au lieu

qu’expériences et stratégies se soutiennent mutuellement, l’école de la conception privilégie

unilatéralement la conception de stratégies délibérées.

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25

Au-delà de ces critiques, l’apport de l’école de la conception à l’édification de la pensée

stratégique reste indéniable. L’inconvénient majeur à l’épanouissement de ce courant réside

dans l’idée même de la conception, qui repose sur les connaissances d’un concepteur

« génial » disposant de la panacée à tous les avatars susceptibles de se produire (prétention à

l’universalisme) au sein de l’organisation. En outre, ce modèle de conception de la stratégie,

s’il peut parfaitement s’appliquer à certaines situations reste insignifiant dans d’autres cas.

Dans leur appréciation de l’apport du modèle de la conception, Mintzberg et al. expriment

cette idée de la façon suivante :

« Notre critique ne vise pas à contester en bloc l’école de la conception mais seulement ses

prétentions à l’universalité, l’idée qu’elle représenterait la « voie royale » vers l’élaboration

de la stratégie. En particulier, nous jugeons son modèle inapplicable dans toutes les situations

où l’élaboration de la stratégie doit mettre l’accent sur l’apprentissage, notamment à caractère

collectif et où règne l’incertitude et la complexité »23

.

Voilà qui préfigure déjà des théories contingente et configurationnelle. Comme nous le

verrons plus tard au niveau des différents paradigmes de l’approche contingente, ces derniers

préconisent d’adapter la structure de l’organisation aux aléas de ses environnements (externe

et interne). Nous rapprochant des critiques émises par Mintzberg et al. [1999] sur la prétendue

universalité de la méthode de conception de stratégies en tant que panacée, nous y voyons là,

à l’instar des détracteurs de la thèse de l’universalité des pratiques managériales, une source

d’échecs avérés dans la plupart des entreprises africaines.

Ceux-ci se traduisant dans le cas d’espèce par des performances insatisfaisantes à tous points

de vue au niveau de la gestion financière et de la gestion des ressources humaines qui restent

calamiteuses. En dépit de cette critique, le modèle de l’école de la conception s’applique

particulièrement bien aux entreprises en difficulté dans deux contextes :

1. Le premier cas de figure fait référence à des entreprises nécessitant un changement de cap

radical, soit parce que la stratégie préconisée jusqu’à lors se révèle inappropriée, ou

qu’elle est susceptible d’instaurer un climat de stabilité de nature à permettre à l’entreprise

concernée de se remettre sur les rails.

2. Le second cas de figure peut s’appliquer aux entreprises qui débutent, les fameuses

« start-up ». L’élaboration de la stratégie dans ce contexte suppose une orientation claire

par rapport aux stratégies des concurrents, qui sont très souvent le fait de l’initiateur du

projet.

23

Mintzberg (H.), Ahlstrand (B.), Lampel (J.), Safari en pays stratégie. L’exploration des grands courants de la

pensée stratégique, 1999, p.53.

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26

En dépit de ces inconvénients, l’école de la conception reste le modèle fondamental de

référence de la pensée stratégique et de son développement, à travers son credo fondé sur

l’adéquation entre les opportunités extérieures et les capacités intérieures de l’entreprise.

D’ailleurs, il sert aujourd’hui encore de base à l’analyse stratégique et a laissé son empreinte

dans les processus d’élaboration de stratégies de l’école du positionnement dont nous

parlerons ultérieurement.

1.2. L’école de la planification ou l’élaboration de la stratégie comme plan

Apparue au même moment que l’école de la conception, l’école de la planification stratégique

connaît son apogée dans les années soixante dix avec la publication de Igor Ansoff24

. Bien

qu’ayant bénéficié d’une littérature prolifique, cette école va s’essouffler victime des revers

de ses succès d’antan.

1.2.1. Présentation sommaire

Le modèle dominant de cette école repose sur la fixation d’objectifs en amont et sur la

programmation de plans budgétisés en aval. En lieu et place de la réflexion menée par l’école

de la conception, les tenants de l’école de la conception ont développé des procédures

détaillées d’explications et aussi souvent que possible, de quantification des buts de

l’entreprise. Cette première étape franchie, les deux suivantes consistent à évaluer la situation

interne et externe de l’entreprise par un audit.

Ce modèle est plus en phase avec les réalités d’un « management à l’africaine », compte tenu

du taux élevé d’analphabétisation au niveau de la base de ces entreprises, dont les équipes

dirigeantes sont à la fois sources et moteurs de la politique générale et des initiatives à mener.

De plus, la manière de concevoir les stratégies sur la base de plans d’actions, si tant est que

ces derniers soient modulables et respectés au gré des contextes d’action et des

environnements de l’entreprise, leur conviendrait davantage. Le modèle de base de cette école

24

Ansoff (I.), Stratégie de développement de l'entreprise, 1989.

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27

est conceptualisé ci-après par Mintzberg et al. [1999] d’après le profil de George Steiner

[1969, Top Management Planning].

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Figure 1 : Modèle de base de la planification stratégique de Steiner

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29

1.2.2. Les griefs à l’encontre de l’école de la planification stratégique

Le grief principal fait à l’école de la planification concerne l’illusion de la prédétermination

stratégique. En effet, les concepteurs de ce mouvement se focalisaient davantage sur l’analyse

de stratégies à adopter plutôt que sur l’efficacité que celles-ci devaient apporter. Comme le

suggère le modèle de Steiner, la planification stratégique se focalise sur trois grandes étapes :

la définition d’objectifs à atteindre à partir de données chiffrées, l’évaluation des forces et

faiblesses de l’entreprise à partir de l’audit externe et interne. Enfin, l’étape finale consiste à

mettre en œuvre les plans arrêtés en respectant scrupuleusement les quotas budgétaires alloués

à chaque plan. On peut également dire de cette école qu’elle a pêché par défaut de procédures.

En effet, dans ce système, les critiques fondamentales convergent sur trois points :

L’illusion de la prédétermination qui fait référence au postulat de prévisibilité et de stabilité

de l’environnement à partir de données analytiques devant conduire à l’élaboration de la

stratégie ;

L’illusion du détachement qui se réfère à la dichotomie pensée/action et qui marque le

décalage entre formulation et mise en œuvre de la stratégie. Tout comme l’école de la

conception, elle institue un système de cloisonnement entre les concepteurs et les applicateurs

de stratégies;

L’illusion de la formalisation qui fait référence à l’utopie d’instituer les données analytiques

comme modèle stratégique viable au lieu de privilégier la rencontre avec le terrain.

Le pêcher de la planification stratégique consiste à reproduire des schémas tactiques où la

démarche analytique saborde l’approche synthétique, au lieu de tirer parti de la fixation et de

la définition d’objectifs pour faire valoir les stratégies arrêtées. Elle se confond par là avec la

démarche de l’école de la conception dont elle se rapproche au niveau méthodologique. Dans

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30

ce contexte, il paraît difficile de l’appréhender en tant que système d’élaboration de la

stratégie, mais plutôt comme un moyen d’étayer les stratégies arrêtées. La stratégie, les

principes de son élaboration sont en effet des matériaux beaucoup plus complexes que la

simple programmation de plans et de rapports savamment ficelés. C’est notamment ce qui

transparaît à travers le passage suivant :

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31

« l’élaboration de la stratégie est une entreprise très complexe, elle met en jeu des processus

cognitifs et sociaux éminemment complexes, subtils et parfois inconscients. Ces deniers font

appel à des données de nature diverse […]. Ces processus ne suivent aucun modèle

prédéterminé, aucune trace préétablie. La stratégie efficace arbore toujours certaines qualités

émergentes et, même lorsqu’elle est en grande partie délibérée, elle semble souvent relever

moins d’un plan structuré que de la vision informelle. Surtout l’apprentissage par à coups, les

découvertes faites à partir d’événements fortuits et l’identification de schémas inattendus

jouent un rôle fondamental, si ce n’est le rôle fondamental, dans le développement de

stratégies nouvelles »25

.

À travers ce passage, c’est tout un système d’élaboration et de conception de processus

stratégiques qui est remis en cause. D’ailleurs, toutes ces critiques portent moins sur le fait

que la planification stratégique échoue à insérer ses plans dans un processus de formalisation

ad hoc que sur l’élaboration de stratégies assimilables à une structure rigide de programmes à

appliquer à la lettre. On le voit encore ici à travers cette école, l’élaboration de stratégies, et

par voie de conséquence de politiques managériales sont des activités contingentes ne se

prêtant guère à des programmations et à des plans d’action édictés ex nihilo.

C’est donc le caractère inflexible d’une théorie bâtie à partir de « plans », reposant sur une

démarche structurée et formelle qui est ici remise en cause. Pour pleinement jouer son rôle,

l’élaboration de la stratégie doit se nourrir du principe de rétroaction. C’est-à-dire que les

stratégies adoptées doivent engager l’action, qui doit en retour fournir un matériau à

disposition de l’entreprise pour son apprentissage organisationnel. Autrement dit, il faut s’arc-

bouter sur un socle, en l’occurrence le contexte d’action et d’insertion de choix stratégiques

pour assurer le pilotage stratégique d’une entreprise et garantir son obligation de résultats,

c’est-à-dire sa survie.

Loin s’en faut, cette formalisation excessive traduit plutôt l’échec de la planification

stratégique à concevoir des stratégies intégrant la prise en compte de la complexité de

25

Mintzberg et al., op. cit., 1999, p. 83.

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32

l’environnement [cf. Avenier, 1999], au profit de l’institutionnalisation de programmes dits

« stratégiques », faisant totalement abstraction de la part d’intuition agissante dans

l’élaboration d’une stratégie. Ce qui fait dire à Mintzberg et al. [1999] que le terme de

planification stratégique est une contraction, un oxymoron qui aurait dû s’appeler

« programmation stratégique », et être présentée comme un processus de formalisation ayant

sa justification à des périodes précises de la vie d’une entreprise, notamment dans les deux cas

cités plus haut.

En somme, c’est moins l’usage que la méthode préconisée par l’école de la planification qui a

contribué à son déclin. Pour Gérard Koenig [1996] notamment, la planification n’est pas une

mauvaise chose en soi, mais plutôt quelque chose qu’il faudrait manipuler avec délicatesse.

Pour lui en effet, il faut distinguer le plan qui cristallise à un moment donné l’action

stratégique et la démarche de planification qui permet de consolider le processus de stratégie

formelle (cf. p.19). Ce que l’auteur veut montrer par cette prise de position, c’est que le

management, ses pratiques et ses contingences, doivent pour s’exercer dans de bonnes

conditions faire l’objet d’un savant dosage entre tous les éléments dont il se nourrit. C’est ce

qui transparaît notamment dans ce passage :

« Le management stratégique vit de processus qui sont à la fois contradictoires et

complémentaires. La pensée stratégique doit être à la fois analytique et compréhensive,

logique et intuitive, cohérente et critique. Le paradigme stratégique doit pouvoir donner lieu à

des visions nouvelles pour éviter que l’accumulation d’expérience ne ruine la capacité

d’adaptation et d’innovation de l’entreprise [...]. Le management stratégique est profondément

dialogique » (p.85).

Appliquée à notre problématique, on comprend d’autant mieux les échecs d’application d’un

management voulant s’affranchir du contexte et des réalités spécifiques des entreprises

africaines. Comme le rappelle Gérard Koenig [1996], « le management stratégique est une

activité essentiellement dialogique. Il s’accommode mal de visions uniformisées, car de

nature contingente, il trouve sa pleine mesure au contact des réalités du terrain dont il se

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33

nourrit de façon inter et rétroactive ». Notre démarche s’inscrira dans cette perspective, loin

du formalisme des conceptions normatives de stratégies des écoles de la conception, et de la

planification, en recherchant les éléments de dysfonctionnement, et pourquoi pas de succès

observés dans les entreprises gabonaises de notre échantillon.

1.3. L’école du positionnement : l’élaboration de la stratégie comme processus

analytique

Tributaire de l’école de la conception, l’école du positionnement, dernier mouvement de

l’école normative, se distingue par une approche de la stratégie à dominante économique.

Néanmoins, elle gagne en maturité par rapport à cette dernière en adoptant des stratégies non

pas uniques et sur mesure, mais en s’appuyant sur des données analytiques limitées (les

stratégies génériques) en phase avec les conditions du marché dans un secteur d’activités

donné.

1.3.1. Présentation générale

Comme l’école de la conception et celle de la planification, l’école du positionnement établit

la prééminence de la stratégie sur la structure de l’organisation. Ce postulat fondé sur

l’élaboration de la stratégie en tant que processus maîtrisé et conscient permet de mettre en

place des stratégies « clés en main ». Ici, la nuance se situe au niveau du choix même de ces

stratégies qui se limite à des stratégies génériques. Celles-ci permettent de répondre aux aléas

de l’environnement, en dépassant la stricte définition des plans coordonnés et programmés

comme ce fut le cas pour l’école de la planification.

Elles comportent notamment des éléments sur la position occupée par une entreprise dans son

secteur d’activités, à partir de l’évaluation de ses forces et de ses faiblesses par le manager-

stratège. Le « planificateur » constitue à ce titre un élément clé du système puisque tout

l’édifice repose sur la justesse de ses analyses concernant les ressources de la concurrence et

du secteur d’activité dans lequel il se situe. L’élaboration de ces stratégies repose sur les

éléments suivants :

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34

- La domination par les coûts, par la pratique de prix compétitifs impliquant de surcroît une

organisation flexible et à forte productivité ;

- Les stratégies de différenciation qui reposent sur ce que Phillip Selznick [1957] appelait déjà

les compétences distinctives ;

- La chaîne de valeur qui fait référence aux activités primaires d’une entreprise et aux

activités subsidiaires qui se rattachent à ce noyau, sans pour autant être dénuées

d’importance ;

- La concentration des activités de l’entreprise sur un segment clé de marché où elle possède

des atouts certains pour faire face aux concurrents du secteur. Cette stratégie a notamment

été critiquée par Miller26

qui y voit là une façon étroite de délimiter le champ d’action et

d’activités d’une entreprise.

Les éléments qui transparaissent à la lecture de ces stratégies génériques marquent leur

ancrage dans le domaine de la guerre économique, dans la mesure où ils s’appuient sur des

avantages concurrentiels acquis par une entreprise dans son domaine d’activités stratégiques.

Ils sont directement inspirés par la volonté de maintenir ou d’accroître une position acquise

sur le marché, par rapport aux concurrents du secteur, sur la base de stratégies génériques.

C’est l’édiction de telles stratégies qui caractérise la structure du marché gabonais, comme

nous le montrerons dans l’approche-terrain. Ainsi, l’intérêt de cette école par rapport à celle

de la conception est de positionner la structure de l’entreprise par rapport à des stratégies

dictées par la loi du marché, par rapport à son contexte d’action.

Cette école, nourrie principalement par les écrits de Michael Porter [1982, 2003] s’est

construite autour de trois grands mouvements. En première instance, on retrouve les préceptes

des tactiques de la guerre économique issus des ouvrages de Sun Tzu (ou Zi) (- 400 avant J.-

C.)27

et de Carl Von Clausewitz (1780-1831)28

. Ces préceptes sont en effet directement

inspirés des stratégies militaires qui ont encore toute leur actualité de nos jours,

26

Miller (D.), “The Generic Strategic Trap”, Jounal of Business Strategy, 1992, p. 37-41. 27

Tzu (ou Zi) (S.), L’Art de la guerre, 2001, 272 p. 28

Clausewitz (C. V.), De la guerre, 1998, 759 p.

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35

singulièrement à propos de la surveillance de « l’ennemi » et de l’opportunité d’une attaque

en fonction des alliés présents sur le terrain. Comme disait en son temps Lavoisier [1789],

« rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme ».

Chez Sun Tzu, ces stratagèmes (cf. les 36 stratagèmes) se révèlent être des procédés de veille

stratégique avant la lettre, qui définissent les conditions génériques favorables ou non aux

stratégies à mettre en œuvre sur le terrain. Nous avons relevé certains de ces préceptes pour en

démontrer la pertinence et l’actualité à travers quelques morceaux choisis :

Ne combats pas en terrain dispersif, ne t’arrête pas en région frontalière.

En terrain de concentration, fais alliance avec les États voisins ; en terrain profond pille.

Si tu es dix fois plus fort que l’ennemi, cerne-le. À cinq contre un, attaque-le. À deux contre

un, divise-le. À égalité, engage le combat. Si tu es plus faible numériquement, prépare-toi au

retrait. Et si tu es à tous égards inférieur, sois capable de l’éviter.

En général, qui occupe le premier le champ de bataille et attend son ennemi est tranquille ;

qui entre en scène le dernier et se précipite au combat est épuisé.

Ces préceptes édictés dans le contexte précis de batailles et de conquêtes guerrières se prêtent

à merveilles au contexte actuel de la mondialisation et de la globalisation des marchés

caractérisé par le fusionnement de groupes, pour s’assurer le leadership dans un ou plusieurs

secteurs d’activités stratégiques. Tel qu’ils se donnent à lire, ces préceptes révèlent bien que

Sun Tzu était un fin stratège. Il a en effet su appréhender l’élaboration de stratégies en tant

que processus cognitif complexe nécessitant un apprentissage et une observation fine du

terrain à conquérir, de même que l’évaluation des forces en présence, afin de s’y adapter et de

disposer de capacités suffisantes pour vaincre « l’ennemi ».

Bien sûr, des rectifications peuvent être opérées, notamment au niveau du dernier précepte

dans le contexte actuel, où l’on n’est pas à l’abri de se faire ravir la vedette par un concurrent

plus rusé, si l’on s’endort sur un leadership considéré comme acquis. Les stratégies mises en

place par les dirigeants de la BGFI, de la BICIG et de CELTEL correspondent bien à la prise

en compte de ces préceptes comme nous aurons l’occasion de le voir par ailleurs. En effet,

toutes ces entreprises issues du secteur privé évoluent dans un secteur d’activités fortement

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concurrentiel. Chacune d’entre elle a à cœur de conserver et de consolider ces acquis, en

misant sur la croissance de son activité pour se positionner de façon stratégique sur le marché.

Hormis Sun Tzu, l’Europe a elle aussi connu un grand stratège en la personne de Carl Von

Clausewitz (1780-1831). Sa théorie, nettement inspirée des stratégies de conquêtes

napoléoniennes consista à établir une conception nouvelle de « l’art de la guerre » par une

reconception des procédés jusqu’à lors en cours. Ainsi paru De la guerre en 1889, traité très

largement réédité depuis cette date. Cet ouvrage condense un échantillon des tactiques de

guerre, depuis le renseignement jusqu’aux positions d’attaques et de défenses.

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37

Tout comme les stratégies génériques valorisées par l’école du positionnement, Clausewitz va

insister sur la constitution de « blocs de construction » à combinaison variable pour faire face

aux assauts de l’ennemi. La constitution de ces blocs va fortement alimenter la théorie

élaborée plus tard par Michael Porter. En effet, les stratégies génériques qu’il conceptualise

sont basées sur deux types d’avantages concurrentiels qui leur sont redevables : la maîtrise

des coûts et les stratégies de différenciation.

1.3.2. Critique et apports de l’école du positionnement

Ce qui fait défaut à l’école du positionnement tient à la focalisation excessive de la stratégie

sur des valeurs quantifiables de l’économie et à leur analyse au détriment d’éléments tels que

le social, ou les jeux des acteurs, qui eux aussi ont leur importance et peuvent influencer

l’élaboration de stratégies. Dans un tel contexte, l’élaboration de stratégies y est pertinente en

environnement stable car il permet aux analystes de « fixer » la stratégie de positionnement à

adopter vis-à-vis du marché.

Ce choix découle directement d’une prédilection affichée pour les causes externes au

détriment des causes internes et tangibles. Au lieu de servir l’édification de la stratégie, cette

méthode peut aveugler les possibilités d’analyse des données chiffrées sur lesquelles elle

s’appuie, quand elle s’y enferme. L’apport conceptuel indéniable des stratégies génériques

optionnelles à mettre en œuvre en fonction des conditions du marché, est ainsi minimisé

quand il manque de prendre en compte la nature dynamique et chaotique de l’environnement

et de l’élaboration de stratégies.

La gestion chaotique des entreprises publiques, par rapport aux entreprises du secteur privé

dans le cadre de notre étude, est révélatrice des limites de ces stratégies à assurer des

avantages compétitifs pérennes, lorsque l’on s’y enferme. Si l’on considère les cas de la

compagnie nationale de navigation aérienne AIR GABON, et de GABON TELECOM,

l’opérateur de téléphonie récemment privatisé, cela apparaît de manière flagrante. Ces deux

entreprises, soumises à un programme de restructuration et de privatisation imposé par le FMI

(Fonds Monétaire International) ont pour caractéristique commune de détenir le monopole au

niveau de l’exploitation des ressources de leur domaine d’activités stratégique respectif sur le

marché gabonais.

Ce monopole, même s’il est quelque peu bousculé par l’arrivée de nouveaux concurrents,

n’entame en rien cette situation, au vu des dérogations dont bénéficient ces entreprises. Par

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38

contre, dans les entreprises privées qui tirent parti de leur leadership, pour accroître leur

potentiel et être encore plus exigeantes avec elles-mêmes, ce positionnement s’inscrit dans

une logique de différenciation stratégique. Àl’inverse des entreprises des secteurs public et

parapublic, les entreprises privées jouissent mieux de cet acquis, car elles font interagir des

interfaces stratégiques efficaces et efficientes combinant les aspects socio-psychologiques,

ainsi que ceux liés à la gestion des risques.

Ces interfaces associent ainsi à la détermination et à la poursuite de stratégies, l’implication et

la motivation du personnel à la vie de l’entreprise par des actions diverses, parmi lesquelles

les primes de motivation et la sécurité sociale occupent une bonne place. Cette différenciation

stratégique correspond à la revalorisation de la fonction ressources humaines que nous aurons

l’occasion de détailler plus avant. Elle s’apparente au « contrat social » dont parlent Yvan

Allaire et Mihaela Firsirotu [1993], parce qu’elle établit entre les individus et l’organisation à

laquelle ils appartiennent, des valeurs de confiance et d’engagement mutuel permettant

d’assurer le développement économique de leur entreprise.

Le tableau suivant regroupant des pensées des auteurs défendant une conception économiste

ou humaniste des relations entre individus et organisation fait la démonstration de deux

visions du monde, de deux styles de management complémentaires. Étant donné le contexte

concurrentiel dans lequel évoluent désormais les entreprises, elles peuvent osciller entre ces

deux pôles pour atteindre leurs objectifs stratégiques. Le premier qui est abrupt et correspond

à la réalité de l’environnement concurrentiel, est toutefois incomplet s’il ne prend pas en

compte la richesse et la complexité de la conception humaniste.

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39

CONCEPTION « ECONOMISTE » CONCEPTION « HUMANISTE »

L’individu par ses compétences et son savoir-

faire, est une ressource stratégique dont il faut

optimiser la valeur nette pour l’entreprise.

(Barney, Nelson, Beer et al.

L’individu est soumis à de fortes limites

cognitives (bounded rationality) qui

restreignent sa capacité analytique en

situation de complexité et de prise de

décisions.

(March, Simon et al.)

L’individu est fondamentalement mû par la

recherche de son intérêt personnel. En

l’absence de contrepoids, les comportements

opportunistes sont la norme plutôt que

L’individu par sa participation à

l’organisation cherche à satisfaire des besoins

d’appartenance, de sécurité économique, de

maîtrise de sa destinée et de réalisation de soi.

(Maslow, McGregor et al.

L’individu, par l’apprentissage intense et

passionné d’une activité, développe des cartes

cognitives et des schémas mentaux qui lui

procurent une flexibilité, ainsi qu’une capacité

d’adaptation et de prévision. La pensée

configurale transcende les limites de la pensée

analytique.

(Hampden-Turner, Edelman et al.)

L’individu est capable, et même désireux

d’engagement non calculé dans son

fonctionnement en milieu social et

organisationnel. L’émergence d’un climat

d’opportunisme et de calcul intéressé au sein

de l’organisation est la manifestation d’une

carence de leadership et d’incompétence

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l’exception. La combinaison d’opportunisme

et de capacités cognitives limitées constitue le

principal enjeu pour la structuration et la

gestion des grandes organisations.

(Williamson et al.)

L’individu n’hésite pas à maximiser son

intérêt personnel même en sachant que si tous

les membres de l’organisation se

comportaient comme lui, le résultat global

serait déplorable. L’individu cherchera à

tricher et à bénéficier du travail des autres et

de leur observation des régles et des valeurs

de l’organisation (free-rider). Si ces

comportements se multiplient sans

contrepoids ni punition, la grande

organisation deviendra un système

ingouvernable de relations intéressées et de

calculs opportunistes.

(Schelling et al.)

Toute relation de mandant-mandataire

suppose des coûts pour établir une symétrie

d’informations et contrôler les risques de

comportements contraires aux intérêts du

mandant.

(Jensen et Meckling, Pratt et Zeckhauser

administrative.

(Etzioni et al.)

L’individu veut participer à une organisation

dont les intérêts et ses intérêts propres

convergent à long terme. La socialisation au

système de valeurs de l’organisation lui

inculque une préoccupation pour le bien-être

de l’ensemble et l’incite à contrôler les

propensions opportunistes chez lui et chez ses

collègues. (Peters et Waterman, Moss-Kanter

et al.)

Dans une organisation fondée sur les

connaissances et l’expertise que chacun

apporte aux fins de l’organisation, les

relations mandant-mandataire sont

inexistantes. Elles sont remplacées par des

relations de partenaire et d’associé entre les

membres de l’organisation.

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41

et al.)

L’individu est foncièrement mû par son

besoin de puissance et de conquête. Ses

relations avec les autres membres de

l’organisation sont empreintes de rivalité et de

recherche de domination.

(Hobbes, Maccoby et al.)

(Drucker et al.)

L’individu mis en situation de relation en

vient à comprendre que la coopération

constitue la stratégie optimale dans ses

rapports avec les autres membres de

l’organisation.

(Axelrod, Wilson et al.)

Tableau 2 : Conception "humaniste" et "conception "économiste" de la relation individu-

organisation

Ces deux conceptions de la relation individu-organisation établissent la jonction entre les

aspects socio-psychologiques et économiques, liés au champ d’activités stratégiques d’une

entreprise. Elles réconcilient l’école du positionnement, telle qu’elle a été popularisée par

Michael Porter29

, à celle des ressources et compétences stratégiques dont les écoles dites des

relations humaines, de la culture et du pouvoir fournissent les jalons. Ce sont évidemment des

formes idéales-types, dont les manifestations concrètes peuvent être plus diversifiées.

L’approche de Allaire et Firsirotu [1993], établit ainsi à partir du concept de « système

stratégique », un canevas d’actions soumis aux interactions entre les réalités du terrain

(environnement interne et externe compris) et les stratégies édictées dans le cadre du champ

d’actions stratégiques d’une entreprise.

Ce « système stratégique » implique pour toute organisation, des choix stratégiques équilibrés

à effectuer entre rationalité économique et rationalité culturelle au niveau de la structure

29

Porter (M.E.), L’Avantage concurrentiel, 2003, 664 p. 1986 pour l’édition originale.

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42

organisationnelle. Il s’articule autour de diverses variables (sociales, individuelles, culturelles,

etc.) contextuelles à l’analyse dudit système. D’où la distinction fondamentale opérée par ces

auteurs entre la firme -en tant qu’entité organisationnelle constitutive de l’entreprise vouée

principalement, si ce n’est essentiellement à la réalisation des aspects économiques- et la

firme, en tant que système social imprégné des valeurs et des relations qui lient les membres

de ces organisations.

La firme-organisation est cette entité nourrie des interactions et des valeurs de la société dont

elle est imprégnée, que ce soit au plan historique, politique, culturel ou social en interaction

non seulement avec l’histoire d’une organisation (sa culture et ses valeurs, son mode de

fonctionnement), ses contingences liées à son activité (évolution technologique, concurrence,

etc.), mais aussi et surtout ses membres parce qu’ils sont moteurs et sources des stratégies

édictées par les comportements et les attitudes qu’ils adoptent. Ce distinguo symbolise un

ensemble de processus et d’interactions entre la firme et ses diverses composantes (filiales,

structures organisationnelles, individus, etc.) que Yvan Allaire et Mihaela Firsirotu ont

schématisé de la façon suivante :

Figure 2 : Représentation de la firme et de l'organisation. D'après Allaire et Firsirotu,

L’Entreprise stratégique, 1993, p. 8.

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43

Quand on regarde ce schéma, on voit distinctement deux entités qui interagissent visiblement

l’une sur l’autre. En nous penchant plus particulièrement sur l’entité organisation, on voit que

c’est une entité à trois composantes (la culture, l’organisation en tant que structure, et les

individus) interreliées, qui sont également soumises aux interactions de leur environnement

socio-historique, ainsi qu’aux contingences techno-économiques et concurrentielles. En nous

penchant plus particulièrement sur l’entité organisation, on voit que c’est une entité à trois

composantes (la culture, l’organisation en tant que structure, et les individus) interreliées, qui

sont également soumises aux interactions de leur environnement socio-historique, ainsi

qu’aux contingences techno-économiques et concurrentielles.

Au niveau des interactions qui se produisent entre ces trois composantes de l’organisation,

c’est la structure en tant que support de l’action organisée, concernant les aspects formels et

tangibles, à travers leur mode de fonctionnement et de gestion qui cristallise ces phénomènes.

Elle met également au jour les relations formelles et hiérarchiques de travail entre les

individus, ainsi que les objectifs officiels et les stratégies explicites affichées.

La culture englobe quant à elle les présuppositions, les valeurs et les coutumes propres à une

organisation, et qui peuvent influencer les actes et les décisions de ses membres. Dans

l’entreprise, cette culture dite organisationnelle renvoie à un ensemble de mécanismes de

contrôle et d’appartenance – projets, recettes, règles, slogans, etc. – sensés conditionner les

comportements de ses membres. Certes, disent les auteurs en se référant aux travaux de

Geertz [1973], mais ce qu’il ne faut pas perdre de vue, c’est que : « la culture n’est pas une

force, une entité à laquelle on peut directement et simplement attribuer événements,

comportements, processus et institutions : la culture est un contexte, une réalité au sein de

laquelle ces phénomènes acquièrent leur pleine signification » (p.14).

Cette nuance appréhende le fait que derrière les aspects institutionnels ou expressifs, que les

auteurs appellent un « système collectif de significations symboliques » s’exprimant à travers

les mythes, les idéologies et les valeurs de ses membres, coexistent des aspects affectifs

individualisés qui se nourrissent de diverses influences. Effectivement, les individus dans une

organisation agissent en fonction de leurs expériences, de leurs attentes, de leurs valeurs, ou

de leur statut vis-à-vis de ce « folklore organisationnel ».

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Tout comme leur entreprise peut être conditionnée par l’environnement sociétal à divers

niveaux, par exemple au niveau de la réglementation des activités De même leurs membres

peuvent l’être. Il apparaît clairement ici que l’organisation est une « unitas multiplex . au cœur

des principes dialogiques qui animent la dynamique des processus organisationnels, que

révèleront davantage les écoles processuelles.

En somme, malgré l’apport des stratégies génériques, l’école du positionnement manque à

établir la stratégie comme dynamique de relations complexes entre le marché et l’entreprise,

tant au plan externe qu’interne. Parce qu’elle se réfugie comme les analystes de l’école de la

planification dans des statistiques au lieu de s’immiscer de façon plus intime dans les réalités

du terrain, elle dissocie formulation et mise en œuvre de la stratégie. En dépit de ces

manquements, on note toutefois la volonté de cette école de fonder des stratégies par rapport à

une situation donnée, en l’occurrence les signaux émis par le marché sur la base de données

chiffrées.

C’est cette volonté d’inférer l’analyse d’une situation à un contexte particulier qui nous

intéresse, dans la mesure où notre problématique de recherches et nos hypothèses sont basées

pour l’essentiel sur la contextualisation des méthodes de management stratégique en fonction

des réalités du terrain. C’est ce qui enrichit l’apport d’Yvan Allaire et de Mihaela Firsirotu

[1993], par rapport à la théorie de Michael Porter. De façon générale, ce premier courant de la

pensée stratégique, à travers l’apport conceptuel de l’école du positionnement, va permettre le

passage d’une conception normative et idéale de l’élaboration de stratégies à une conception

contingente et multilatérale, dont l’école entrepreneuriale constitue l’entre-deux. Avant de les

aborder, nous allons quelque peu nous attarder sur les facteurs externes qui influencent

l’organisation, à travers le détail des éléments de la figure 3.

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Figure3 : Le modèle organisationnel d'Allaire et Firsirotu, L'Entreprise stratégique, p. 385

Ce schéma d’interactions constructives qui marque l’approche de Allaire et Firsirotu,

manifeste une dynamique de relations complexes entre l’entreprise, ses différentes

composantes et leurs environnements respectifs. Il renforce pour nous l’intérêt d’une analyse

contingente et structurelle à effectuer dans les entreprises de notre échantillon, pour

éventuellement apporter cohérence et signification aux stratégies mises en place. Il marque

par extension l’articulation nécessaire à effectuer entre l’élaboration de stratégies et les

spécificités de leur contexte d’action.

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Les performances économiques que l’on peut retrouver dans une organisation sont donc

tributaires de ces interactions. Elles sont à la base du système stratégique de l’entreprise, dont

la pertinence dépend de tout un ensemble de relations entre les différentes composantes de

l’organisation (culture, structure, individus) et de l’entreprise par le biais de son champ

stratégique (produits/services, marché, compétences). Ainsi, les contingences inhérentes au

fonctionnement de ces organisations, sont profondément influencées par les contextes

présents. Dans le cas des firmes de notre corpus, on examinera la nature de ces contingences,

dont la forme de propriété (publique/privée) et l’impact des technologies d’information et de

communication, ressortant de l’usage du système d’information à des fins stratégiques,

constituent des éléments d’analyse.

Ce schéma est particulièrement représentatif des interactions qui sous-tendent notre

perspective de recherche, dans la mesure où il synthétise les composantes de l’organisation

qui nous permettront d’établir un diagnostic sur la performance de ces entreprises, issues de la

dynamique managériale. Les cadres référentiels si chers à Grégory Bateson dans ses écrits

[1981, 1984] et dont Gareth Morgan révèle les champs d’application dans Images de

l’organisation [1991], présument au demeurant de ce qui se dégagera de manière tangible de

la productivité d’une organisation. C’est cette alchimie qui donne du sens à la politique

générale édictée par les dirigeants d’entreprise, et qui se répercute forcément sur son

management et son pilotage stratégique.

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47

À partir du système stratégique d’une entreprise, Allaire et Firsirotu [1993] établissent ainsi

une dynamique organisationnelle que la théorie de Michael Porter [2003] a manqué de

valoriser. Elle nous apporte un éclairage utile sur l’analyse des phénomènes se jouant au cœur

des organisations, grâce au décryptage du système stratégique, qui se rapporte grosso modo à

son positionnement stratégique, par rapport aux réseaux de firmes, de compétences, de

marchés, de savoir-faire, ressources individuelles, économiques, culturelles, etc., dont une

organisation sait tirer parti pour améliorer ses performances économiques.

Ce système est plus en phase avec le second grand tournant de l’évolution de la pensée

stratégique qui associe aux éléments théoriques des différentes approches que nous venons de

voir, une vision contingente qui s’attache à ne pas opérer de ruptures entre les processus de

formulation et la mise en œuvre de la stratégie. Voici de façon macroscopique ici détaillé les

composantes du champ stratégique, qui couplées aux aspects organisationnels déterminent la

performance d’une entreprise.

Figure 4 : Le champ stratégique de l'entreprise. Adapté de Allaire et Firsirotu, op. cit. p. 11 et

17

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48

Section II : Les Ecoles processuelles

Bien que se penchant sur les aspects spécifiques de l’élaboration de stratégies, notamment la

façon dont elles se forment et le cheminement qu’elles suivent, elles s’intéressent moins à la

formulation d’une stratégie type qu’à la description des processus conduisant à son

élaboration. Autrement dit, les écoles que nous verrons dans ce second mouvement de

l’évolution de la pensée stratégique incarnent davantage pour nous une façon consensuelle

d’approcher et de mettre en œuvre l’analyse des organisations. Elles s’attacheront davantage à

intégrer les éléments contextuels nécessaires à l’édification d’une stratégie, plutôt que de se

focaliser sur les aspects formels ayant présidé à son élaboration.

À la différence des écoles normatives, ces dernières se défendent d’instituer des normes de

fonctionnement et de procédures devant servir les actes de management et de pilotage

stratégiques des entreprises. Elles s’inscrivent plus volontiers dans une logique d’adaptation et

de refonte avec les contextes environnementaux réels de la vie des entreprises. Les deux

premières que nous évoquerons sommairement confirment cette intentionnalité.

2.1. Les écoles entrepreneuriale et cognitive : l’élaboration de la stratégie

comme processus visionnaire et mental

2.1.1. Présentation et perspectives des écoles entrepreneuriale et cognitive

Ces deux écoles ne rompent pas encore avec les écoles précédentes, notamment avec celle de

la conception, du point de vue de l’élaboration de la stratégie qui repose ici encore sur les

connaissances, l’intuition et les expériences du manager-stratège. Processus que l’on retrouve

également chez les tenants de l’école de la cognition en ce sens que « le patron » bâtit sa

vision de l’entreprise et son environnement stratégique, à partir de convictions qui lui sont

propres, et à partir desquelles il opère des choix. Ces derniers étant faits à partir de la capacité

du manager-stratège à définir une orientation stratégique de projets sur la base de visions et de

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perspectives qui lui sont intimes. On parle généralement de « vision » pour souligner l’aspect

intuitif et créatif de l’élaboration de stratégies.

L’Union Gabonaise de Banque (U.G.B.) est représentative de cette école de pensée. En effet,

au cours de notre séjour dans cette institution, nous avons remarqué que la structure

organisationnelle et les grandes orientations stratégiques de cette banque étaient sous la

surveillance des recommandations du siège social français, comme nous l’a précisé le

Directeur Central de l’Exploitation avec qui nous nous sommes entretenu. Les attributions du

Comité de direction local, consistant surtout à appliquer les directives venues du sommet, en

les adaptant dans la mesure du possible aux réalités du terrain.

Au plan théorique, l’école cognitive se différencie de l’école entrepreneuriale car elle n’insiste

pas sur la manière dont le processus d’élaboration de stratégies s’effectue. Elle est de ce fait

moins une école de pensée qu’un axe de recherches sur les procédés d’élaboration de la

connaissance. Elle a permis de mettre au jour les mécanismes qui peuvent présider à

l’émergence de prises de décisions, contrairement à l’école entrepreneuriale qui se bornait à

l’acte décisionnel lui-même, à partir des connaissances glanées par le leader-manager, en

l’occurrence, le Comité de direction.

À ce titre, l’école cognitive constitue une passerelle entre les écoles à prédominance objective

de la conception de stratégies (écoles de la conception, de la planification, et du

positionnement) et celles à prédominance subjective (écoles entrepreneuriale, de

l’apprentissage, culturelle, environnementale) qui constituent l’autre pan de ce voyage au

cœur de la pensée stratégique. Elle procède ainsi d’une double articulation entre

connaissances issues de l’expérience individuelle -fruit de cartes et de schémas intériorisés

dans divers champs (économique, social, éducatif, etc.)- qui vont en retour alimenter les

expériences et la formation de stratégies futures, et vice-versa (cf. les trois principes de la

complexité développés par Edgar Morin dans Introduction à la pensée complexe [1990].

Cette articulation procède de deux visions du monde : une vision objective de la réalité

empirique dont le courant positiviste s’est fait le chantre. Celle-ci donnant à lire le réel

comme une donnée objective et extérieure à l’individu qui l’observe : une re-création, qui de

fait peut être déformée par la représentation et l’angle sous lequel on l’analyse. Cette lecture

du réel est objectivée par la théorie de la rationalité limitée de James March et Herbert Simon

[1999].

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Une vision constructiviste ou subjective qui analyse le réel comme une construction

individualisée de l’esprit qui peut l’interpréter de façon aussi diverse que variée. C’est un acte

de création introspectif alimenté par diverses cartes cognitives dans lesquelles nous puisons

pour donner sens à l’interprétation du réel que nous observons. Dans son approche de la

question, Grégory Bateson, [1955, A Theory of Play and Fantasy] attribuait à cette

construction la notion de « cadres ».

Un cadre pouvant être considéré comme la réponse appropriée à une situation donnée, le

cadre psychologique permettant par exemple de résoudre l’ambiguïté entre les sensations

intérieures et extérieures. Gareth Morgan en a établi une application judicieuse dans Images

de l’organisation [1991] où l’auteur propose différentes acceptions de l’entreprise en tant que

machine, en tant qu’organisme, en tant que cerveau, etc.

L’hypothèse centrale qui sous-tend cette vision du monde repose sur une opposition

systématique entre une conception active (constructiviste) et une conception passive

(positiviste) de la réalité, selon laquelle elle participerait d’une vaste reconstruction

symbolique. Mais comme on le verra plus tard en évoquant les relations nées de la dynamique

entre information et stratégie, il n’y a pas de cloisons étanches entre ces deux approches. Le

tout, relevant de la façon de se représenter une situation, et d’agir face à cette contrainte.

2.1.2. Critique et apports des écoles entrepreneuriale et cognitive

Le point fort de l’école entrepreneuriale est également son point faible, car il est difficilement

concevable qu’un individu, fusse-t-il extrêmement doué puisse à lui seul parvenir à surmonter

tous les problèmes relatifs à la gestion et au management d’une entreprise, fusse-t-elle de

petite dimension, à partir de simples visions, de rêves, pourrait-on dire. L’autre critique

marque quant à elle le non fondement des procédés et méthodes par lesquels se forment les

stratégies édictées, que l’école cognitive mettra au jour.

À toutes ces insuffisances, l’école cognitive palliera en insistant sur le processus de formation

de stratégies menant à la prise de décisions. On peut lui reconnaître le mérite de s’être

penchée sur l’élaboration de la stratégie en tant que processus créatif complexe, contrairement

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à ce qui avait cours jusqu’à lors dans les écoles normatives. Somme toute, l’apport de ce

mouvement, au-delà des querelles d’école est de souligner l’importance de l’environnement et

de la perspective recherchée dans l’élaboration de stratégies par rapport aux buts que se fixent

les membres de l’organisation. Dans le cas d’espèce, il s’agit en général de se résoudre à

appliquer des principes de saine gestion et de management, en tenant compte des pesanteurs

et des substrats socio-culturels qui s’amalgament aux processus de mise en œuvre de plans

stratégiques, et les contrarient.

Pour notre part, il est indéniable que l’école cognitive introduit la notion de complexité en ce

sens qu’elle se place aux sources mêmes des mécanismes qui alimentent la prise de décisions.

Cette perspective est intéressante dans la mesure où la complexité que l’on entrevoit au

niveau du processus de la prise de décisions, laisse transparaître pour nous la velléité

d’instaurer une pensée unique dans l’application des théories du management stratégique, au

niveau de leur pratique et de leur impact. Rejoignant en cela les partisans d’un anti-

universalisme de l’application des principes et théories de la pensée stratégique, nous ne

dirons jamais assez que c’est une activité contextuelle et non universelle. Un outil

d’adaptation de la gestion (financière, humaine, logistique, etc. au service des organisations.

2.2. L’école de l’apprentissage : l’élaboration de la stratégie comme processus

émergent

Cette école constitue en quelque sorte un condensé de tout ce que nous avons pu relever

jusqu’à présent, et de ce que nous verrons par la suite sur les processus d’élaboration de la

stratégie. Elle préconise en effet l’élaboration de la stratégie comme accumulation de savoirs,

de savoir-faire, de compétences et de métier dont le savoir-faire unique permet de faire la

différence avec les concurrents du secteur. C’était déjà l’idée de Phillip Selznick [1957] et

plus tard de Hamel et Prahalad dans La conquête du futur [1995] avec le concept de

« capacités dynamiques ».

Dans cette dynamique, nous situons des entreprises comme la BGFI, la BICIG, l’U.G.B. et

CELTEL, car l’exploitation de leur activité, respectivement la banque commerciale et les

télécommunications pour la dernière, s’est développée grâce à l’expertise et au savoir-faire de

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leurs métiers respectifs. Dans la présentation que nous ferons ultérieurement, nous aurons

l’occasion de détailler ces points.

2.2.1. Perspectives de l’école de l’apprentissage

Ici, c’est moins la formulation que la manière dont émergent les stratégies qui intéresse les

tenants de cette école, comme l’atteste les travaux de Charles Lindblom [1968, « The Science

of Mudddling Thought »]. Ces derniers posent les jalons de l’apprentissage organisationnel à

partir du concept d’« incrémentalisme décousu » qui considère la prise de décisions comme

un phénomène marginal et graduel.

Mais c’est James Brian Quinn30

qui par la suite, critiquant l’aspect « décousu » de

l’incrémentalisme, va introduire l’idée d’« incrémentalisme logique » pour parler des actions

entreprises de façon « éparses » et « désordonnées », par ce qu’il appelle les « sous-

systèmes ». Il s’agit des parties constitutives du système que peut représenter une entreprise.

Mises bout à bout, celles-ci forment un tout cohérent par le fait qu’elles tendent à canaliser

l’action des sous-systèmes en vue d’améliorer l’ensemble du système.

Cet aspect « logique » de l’apprentissage organisationnel est repris dans la théorie

évolutionnaire de Richard Nelson et Sidney Winter [1982, An Evolutionary Theory of

Economic Change]. Selon les préceptes de cette théorie, ces changements sont davantage le

fait des interactions quotidiennes des éléments du sous-système, plutôt que celui du résultat de

l’action des dirigeants eux-mêmes. En d’autres termes, l’élaboration de stratégies ne se

construit pas uniquement avec des cadres logiques, il y a aussi une part d’irrationalités qui

permet des avancées notables [cf. Stacey, 1992].

Le choix de notre approche-terrain ne nous a pas permis de rester suffisamment plongé dans

ces organisations pour nous risquer à émettre un avis en ce sens. D’une part, par la démarche

de recherche préconisée et les contingences spatio-temporelles. Et d’autre part, par le manque

de coopération observé chez certains de nos interlocuteurs. Mais ce qui nous semble utile

d’aborder ici, c’est la manière d’édicter des stratégies à partir de la capitalisations des

ressources de quelque nature qu’elles soient.

30

Quinn (J.B.), « Strategies for Change: Logical Incrementalism », Sloan Management Review, 1978, p.7-21.

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53

Outre cet aspect « désordonné » devant intervenir dans la formation de stratégies, un autre pan

du courant de l’apprentissage organisationnel s’est lui davantage penché sur l’acquisition et la

création de savoirs. Son point de départ peut être attribué à l’ouvrage de Richard Cyert et

James March [1963, A Behavioral Theory of the Firm]. Pour eux, l’apprentissage peut être

assimilé à de la création et à de la capitalisation de savoirs. Dans ce cas, il s’agit de

l’interaction et du management quotidiens des savoirs entre connaissances explicites (fruits de

l’apprentissage et des compétences liées au domaine d’activités stratégiques) et connaissances

implicites (fruits de l’expertise de ce background).

Dans cet esprit, l’essence de la stratégie consiste à développer les capacités organisationnelles

nourrissant le potentiel de création et de diffusion de stratégies nouvelles Cette approche

développée par Hamel et Prahalad [1995] se base sur l’idée que les succès d’une entreprise

sont tributaires des apprentissages, eux-mêmes dépendant des compétences acquises dans le

métier. Le management stratégique dans cette optique est un processus d’apprentissage

collectif visant à stimuler, et à rentabiliser les compétences-clés de l’entreprise.

Dans le contexte d’action des entreprises gabonaises, l’école de l’apprentissage a un certain

poids au niveau du rôle particulier dévolu à la structure dirigeante, étant donné le peu de

qualification observable au niveau de la base de ces entreprises. Celle-ci pourrait être le

catalyseur de ces entreprises, pour mener à bien les objectifs qui sont les leurs au niveau de la

politique générale.

2.2.2. Critique de l’école de l’apprentissage

La critique principale formulée à l’endroit de cette école concerne la focalisation sur

l’apprentissage, surtout quand celui-ci au lieu de stimuler les performances de l’organisation

constitue au contraire une entrave. Cette critique que soulevait déjà Ralph Stacey [1992] porte

sur le risque d’enfermement du changement organisationnel, lorsque ce dernier repose sur des

positions acquises induites par une confiance et une focalisation aveugles dans

l’apprentissage. Au-delà de ces objections, ce qu’il faut retenir de cette école, c’est qu’elle

fournit un contrepoids de taille en matière d’élaboration de stratégies en bannissant l’idée du

tout rationnel. Mais surtout, elle entrevoit l’apprentissage comme un champ

d’expérimentations issu d’apprentissages diachroniques.

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54

Cela étant, l’apprentissage n’est pas pour autant la panacée : il faut savoir conjuguer savoir et

exploitation de ressources, surtout dans des organisations de type professionnelle où il

importe d’être au fait des techniques et procédés du moment pour être compétitifs et avant-

gardistes. Concernant les firmes gabonaises de notre corpus, l’apprentissage s’apparenterait

plutôt ici à une forme de capitalisation des stratégies et aléas survenus ou susceptibles de

survenir au sein de l’organisation, pour consolider une position acquise sur le marché.

Ce que cherchent à montrer les tenants de ce courant de pensée, c’est que la vie des

organisations fourmille de multiples et complexes phénomènes, dont l’apprentissage ne révèle

qu’un infime aperçu. Grâce aux écoles du pouvoir et de la culture, nous aurons un autre

éclairage insistant particulièrement sur la diversité des dynamiques qui peuvent altérer ou

améliorer ces apprentissages.

2.3. L’école du pouvoir : l’élaboration de la stratégie comme processus de

négociation

2.3.1. Présentation générale

Cette école renouvelle le processus d’élaboration de la stratégie en révélant l’empreinte et

l’impact des actions produites par les acteurs dans la vie des organisations, concomitamment

aux aspects « rationnels » qui interviennent dans les actes de management stratégique. À la

différence des écoles normatives qui s’attelaient à élaborer des procédures codifiées et

formalisées, l’école du pouvoir se concentre sur les zones « obscures » de la vie des

organisations, les zones présumées réelles ou apparentes de détention du pouvoir, qui

influencent le comportement des individus, et même l’ensemble de la structure

organisationnelle dans un sens ou dans l’autre.

L’existence de ces zones réelles ou apparentes de détention du pouvoir trouve une

signification particulière dans le contexte des sociétés africaines, où comme nous l’avons déjà

signalé dans notre propos introductif, les structures sociales cohabitent et influencent

considérablement la vie des organisations. Dans l’univers des entreprises gabonaises, il serait

intéressant de connaître l’ampleur de ces interactions sur la gestion et la prise de décisions

quotidiennes. Perspective non négligeable, puisque nous cherchons à saisir les éventuelles

causes de dysfonctionnement qui perturbent le management et par conséquent la gestion

stratégique de ces entreprises.

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55

Au sein de ces organisations, les acteurs sont en effet amenés à adopter des stratégies

(individuelles ou collectives) pour conserver ou défendre au mieux leurs intérêts. Ceci, pour

atteindre des objectifs personnels ou au contraire pour concourir à l’édification d’une œuvre

collective dans l’intérêt de l’organisation. Ces stratégies pouvant contrer ou favoriser la

politique générale sensée être poursuivie par tous les acteurs, et principalement par ceux de

l’équipe dirigeante au bénéfice de l’organisation (cf. tableau 2).

2.3.1.1. L’Approche dite de la coalition

Dans leurs théories, Lindblom [1968] et Quinn [1978] avaient déjà esquissé un profil des

enjeux autres que rationnels que les acteurs pouvaient entretenir, en montrant que les

membres de l’équipe dirigeante étaient amenés à coopter l’adhésion des acteurs du sous-

système de l’entreprise pour parvenir à un consensus satisfaisant pour l’ensemble de

l’organisation. Plus tard, Bolman et Terence Deal31

, parvenaient à des conclusions similaires

en affirmant que l’école du pouvoir éclairait les rapports de nature interne se jouant dans les

entreprises (cf. p.163). Tout comme nous le déplorions précédemment, nous n’avons pas été

suffisamment au contact de l’organisation pour déceler la réalité de ces zones de pouvoir,

mais les propos de nos interlocuteurs ont eux permis de révéler leur existence.

Ces rapports peuvent être scindés en deux branches. La première stipule que toute

organisation comporte des acteurs dotés de motivations et d’intérêts qui conditionnent leur

implication ou leur non implication à la politique et aux objectifs généraux. L’ouvrage de

Michel Crozier et d’Erhard Friedberg, L’Acteur et le système32

fournit un exemple exhaustif

des stratégies et des manœuvres qu’activent les acteurs pour atteindre leur(s) objectif(s) au

sein d’une organisation de type bureaucratique.

La seconde branche s’attache davantage à relever les phénomènes d’interdépendance qui se

créent entre une organisation et son environnement externe. Cela englobe aussi bien les

relations avec des partenaires tels que les fournisseurs, les clients, les syndicats, etc. que les

relations avec le pouvoir politique ou judiciaire concernant le respect des lois et de la

réglementation en vigueur. Ainsi, l’école du pouvoir va-t-elle permettre de mettre au jour la

part d’irrationalité qui intervient dans les logiques « rationnelles » que déploient les acteurs

31

Bolman (L.G.), Deal (T.), Repenser les organisations. Pour que diriger soit un art, 1998. 32

Crozier (M.), Friedberg (E.), op.cit.

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56

dans leurs prises de décisions quotidiennes. Ces jeux (d’acteurs) sont notamment sous-tendus

par les hypothèses suivantes de Bolman et Deal [1998, p.163] :

1 - Les entreprises sont des coalitions entre divers individus et groupes d’intérêt.

2 - Entre les membres d’une coalition, il existe des différends durables concernant les valeurs,

les croyances, l’information, les intérêts et la perception de la réalité.

3 - Les décisions les plus importantes impliquent l’allocation de ressources rares. (qui aura

quoi ?).

4 - La rareté des ressources et la permanence des différends donnent au conflit le rôle

essentiel dans la dynamique de l’entreprise, et font que le pouvoir est la ressource principale.

5 - Les objectifs et les décisions émergent du marchandage, de la négociation et de l’intrigue

entre les diverses parties concernées.

Cette manière de concevoir l’organisation se rapproche assez des termes de la

thermodynamique qu’on peut recadrer ici pour dire qu’un minimum de désordre (principe de

neg-entropie) est nécessaire pour dynamiser l’organisation (principe d’entropie). Elle

révolutionne la pensée stratégique, car elle invite désormais à concevoir l’organisation comme

une structure réticulaire et interactive, dont les ramifications peuvent perturber le bon

fonctionnement de l’entreprise. Mieux encore, elle renonce définitivement à la notion

d’homogénéité en établissant le rapport de force -ou du moins, l’influence- induite par la

notion de coalition d’acteurs, qui introduit la complexité des intérêts de ces derniers dans

l’organisation.

2.3.1.2. L’Approche psychanalytique

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57

Dans cette perspective, l’élaboration de la stratégie consiste moins à trouver la stratégie la

meilleure, qu’à prendre en compte le sociogramme33

(structure informelle des réseaux de

coalition et d’opposition mises en œuvre par les acteurs) de l’organisation au niveau de

l’existence réelle des zones de pouvoir, plutôt que de s’arrêter à l’organigramme (squelette de

la structure de l’organisation assignant un rôle et des prérogatives « définies » aux acteurs,

comme l’indique le point 4 ci-dessus relatif aux zones réelles de détention du pouvoir.

Dans un article où il adopte une orientation psychanalytique, Eugène Enriquez34

montre

comment l’occultation de la notion de pouvoir et les désirs des individus peuvent affecter les

organisations. D’après lui, seule la prise en compte des affects, des désirs et des conflits de

pouvoir permet de dépasser positivement l’aliénation produite par les valeurs

entrepreneuriales, pour propulser l’entreprise dans une logique de perfectionnement et de

performances. À son grand regret cependant, les désirs (de pouvoir, de reconnaissance,

d’initiatives, de réalisation, etc.) des individus sont souvent étouffés, s’ils ne sont carrément

pas manipulés.

Cette occultation tient pour lui au fait que contrairement aux gouvernants qui disposent du

« monopole de la violence légitime », tel que Max Weber en a fait usage dans ses écrits ; et

donc de la capacité « d’obliger » leurs concitoyens à entreprendre des actions en cas de conflit

armé, les dirigeants d’entreprise n’ont qu’une relation contractuelle à opposer vis-à-vis de

leurs salariés, cette dernière s’exerçant a priori dans le strict respect des engagements

contractés de part et d’autre.

Dès ce moment, l’auteur se demande pourquoi les entreprises ont intérêt, ou du moins croient

qu’il est de leur intérêt de saper la montée en force des désirs individuels. Ses observations

l’amènent à évoquer deux séries d’arguments. Premièrement, cette occultation procède de la

peur de voir s’exprimer le pouvoir des désirs individuels, et par conséquent de voir s’accroître

le risque de multiplication des conflits à l’infini.

Par voie de conséquence, cela est de nature à contrarier les objectifs de rationalité économique

si chacun en vient à donner libre cours à ses pulsions, d’autant qu’il situe l’essence du désir

33

On peut se reporter à l’étude effectuée par Annie Bartoli dans Communication et organisation pour une

politique générale cohérente, [1990] où elle montre bien que pouvoir et communication sont liés et influencent

de fait le sociogramme au détriment de l’organigramme. 34

Enriquez (E.), “Pouvoir et désir dans l’entreprise”,. Sciences humaines, 1998, p.30-33.

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dans les contradictions et les pulsions qui l’animent. L’entreprise essaie donc autant que faire

se peut de canaliser ces pulsions vers la satisfaction de ses objectifs, et de limiter l’émergence

de désirs velléitaires tels que l’appartenance à un mouvement syndicaliste, davantage

susceptible de contrecarrer ses projets. Par ailleurs, les dirigeants d’entreprise voient dans le

développement de ce type d’expressions, une entrave à l’idée (légitime ?) qu’ils cultivent de

l’entreprise en tant que système destiné à la production de biens et de services à partir de

procédés et de mécanismes de coordination, sous le contrôle d’une ligne hiérarchique relevant

de l’autorité « légitime » d’une poignée d’individus [cf. Mintzberg, 1996].

Autrement dit, ils y voient la fin de l’entreprise en tant que lieu de travail rationnel valorisant

la création de richesses (cf. p.31). Ce qui paraît utopique et infondé à l’auteur, puisque la lutte

de pouvoirs relative à la satisfaction des désirs individuels est une réalité omnipotente des

conflits qui secouent la vie des organisations, et heureusement d’ailleurs nous dit-il, puisque :

« L’image d’une entreprise harmonieuse – perturbée uniquement par des conflits d’intérêts,

donc des conflits rationnels – où chacun est à sa place et accomplit sa tâche avec vaillance est

un mythe. L’entreprise n’est pas cet endroit incolore et sans saveur, dont nous parlent les

consultants d’organisations. Elle est pleine de bruits et de fureurs et dans ce sens elle est à la

fois espace de vie et espace de mort » [Enriquez, p.31].

2.3.1.3. Les perspectives liées à l’analyse de ces deux approches

Les deux arguments développés précédemment, et qui sont corroborés par la présente citation

montrent bien la complexité régnant au sein des organisations. Par ce biais, Eugène Enriquez

dénonce l’attrait de la logique institutionnelle vers laquelle se portent de plus en plus

d’entreprises, en plus de la logique contractuelle. Logique dénoncée par l’auteur, car elle se

situe dans une optique de pure rationalité économique répondant à une logique de profits,

comme Renaud Sainsaulieu35

le montre dans l’une de ces analyses. Cette volonté (ou plutôt ce

désir) est en corrélation étroite avec les nouvelles formes d’organisation, tendant de plus en

plus vers la dématérialisation des activités et l’instauration de processus flexibles.

Elle justifie le recours à des compétences professionnelles précises sur lesquelles la fonction

gestion des ressources humaines est chargée de veiller. Elle se sert de cette dynamique pour

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manipuler les désirs de ses membres, notamment les désirs de pouvoir et de reconnaissance

qu’ils idéalisent par leur fierté et leur sentiment d’appartenance à une entreprise commune,

dans un monde où la précarité est vécue comme une perte d’identité. Pour dénoncer cette

manipulation, l’auteur use du concept de « totalitarisme démocratique » sous le contrôle de

Erving Goffman pour stigmatiser l’évolution subversive de la relation que les uns exercent sur

les autres par le biais de valeurs et de l’autorité qui légitiment ces manipulations de désirs.

35

Sainsaulieu (R.), « La construction des identités au travail », Sciences humaines, p.40-43.

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Si l’on décèle dans cette approche des relents psychanalytiques, il n’en reste pas moins que sa

subtilité est d’envisager au sein des organisations la présence des désirs (individuels) comme

facteurs motivants ou immotivants non seulement la dynamique organisationnelle, mais aussi

par extension ses performances. Pour nous résumer, nous pouvons dire de l’école du pouvoir

qu’elle a ouvert l’ère du réseau et de la négociation interactifs au sein des organisations. Bien

sûr, elle n’a pas réinventé la roue, mais elle a permis de consigner et de théoriser sur des

phénomènes omniprésents dans n’importe quelle organisation, même si ces derniers n’étaient

pas explicitement pris en compte auparavant au niveau de l’élaboration de stratégies.

2.3.2. Critique de l’école du pouvoir

Si l’école du pouvoir renouvelle la conception des stratégies dans l’organisation sous l’angle

des rapports de coalition et d’intérêts manifestés par les acteurs [cf. Nizet et Pichault, 1995,

Comprendre les organisations : Mintzberg à l’épreuve des faits], elle pêche néanmoins au

niveau de la focalisation sur ces seuls aspects. S’il est que les jeux politiques constituent ici la

clé de l’édification de la stratégie, notamment en matière de changement organisationnel, la

notion de culture mise en exergue par l’école du même nom est également un élément à ne

pas négliger, comme nous le verrons. Elle intègre en effet un noyau de valeurs communes

partagées en totalité ou de façon partielle par les membres d’une organisation.

2.4. L’école culturelle : l’élaboration de la stratégie comme processus collectif

Longtemps demeurée propriété intellectuelle et paradigmatique de l’anthropologie, la culture

s’est progressivement orientée vers la littérature en matière de management stratégique pour

refléter la face cachée de la dimension politique de l’entreprise. Si l’école du pouvoir se

bornait aux stratégies déployées par les acteurs en vue de contrer ou de favoriser l’émergence

d’une entité plus forte, l’école culturelle plonge plus finement vers les motivations qui sous-

tendent la formation de telles coalitions qu’elles soient individuelles ou collectives.

2.4.1. Présentation et perspectives de l’école culturelle

Plutôt que de procéder à un long épanchement, nous avons choisi en guise de propos

liminaire, cette citation de Mintzberg et al. [1999] qui marque bien le distinguo, ou plutôt la

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complémentarité à effectuer entre école du pouvoir et école culturelle à travers le passage

suivant :

« Le pouvoir s’empare de l’entité appelée entreprise et la fractionne ; la culture tisse une

collection d’individus en une entité intégrée qu’on appelle entreprise. En fait, le premier

s’attache d’abord à l’intérêt personnel, la seconde à l’intérêt commun […]. La première traite

du rôle de la politique interne dans la promotion du changement stratégique, la seconde traite

surtout du rôle de la culture dans le maintien d’une stratégie stable, voir, quelquefois, dans la

résistance active au changement » (p. 268).

Selon les termes de ce passage, l’école du pouvoir et l’école culturelle sont les deux faces

cachées d’une même réalité. L’une ancrée dans les logiques d’intérêts d’ordre individuels.

L’autre au service d’une idéologie collective, renvoie de façon générale à la contingence

culturelle qui recense toutes les études consacrées aux contraintes culturelles qui influencent

la vie des organisations. Ces contraintes peuvent être regroupées sous deux formes rendant

compte de deux perspectives à la fois antagonistes et complémentaires.

La première qui se manifeste par l’instauration d’une culture d’entreprise, comme mode

d’action chargé de fédérer les membres de l’organisation autour de valeurs, ou d’une image

identifiables, permet d’optimiser les potentialités d’une organisation. C’est du moins une idée

largement répandue chez les défenseurs de la culture organisationnelle [cf. Thévenet, 1992].

La seconde manifeste davantage l’enracinement à des valeurs individuelles relevant

généralement de substrats socio-culturels, qui apparaissent sous la forme d’une résistance

active au changement : c’est l’approche des particularismes identitaires [cf. Hernandez, 1997-

2000 ; Mbargane, 1995].

Telle qu’envisagée par ces deux perspectives, l’élaboration de la stratégie renvoie à « un

processus duel enraciné dans une force sociale » à la fois singulière (dans la capacité des

individus à se l’approprier) et collective (par le partage de valeurs référant à des liens d’ordre

social). C’est dans les années quatre-vingt que le concept de culture prend son envol au

niveau de la pensée stratégique, en se penchant sur l’impact de cette variable dans la vie des

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62

organisations. On dénombre ainsi de multiples approches de l’étude du phénomène dans les

organisations, dont témoignent les analyses ci-dessous.

2.4.1.1. L’approche institutionnelle

Elle permet de rendre compte, de la manière la plus objective possible de l’attitude des

individus face à la promulgation d’une idéologie se rapprochant généralement des champs

économique et social. Elle véhicule dans ce cadre, l’idée d’une « dérive institutionnelle » à

laquelle faisait référence Eugène Enriquez [1998] à travers le concept de « totalitarisme

démocratique » sous le contrôle de Erving Goffman, pour stigmatiser l’évolution subversive

de la relation que les uns exercent sur les autres par le biais de valeurs et de l’autorité qui

légitiment ces manipulations. Pour l’auteur, elles s’exercent dans le seul but de servir les

intérêts et la logique de profits des entreprises, à travers l’idée très répandue d’une culture

d’entreprise, ou culture organisationnelle fédérative.

Dans ce cas précis, il s’agit d’une approche contextuelle des particularismes observés au

niveau du management stratégique d’une entreprise, et des valeurs qu’elle est susceptible de

véhiculer. Ce qui se traduira par l’étude des identités au travail dont Renaud Sainsaulieu36

a

largement contribué à éclairer les perspectives dans ses écrits. Il a ainsi développé une

approche institutionnelle qui part de l’idée que l’entreprise est en tant que structure,

productrice de sociabilités, d’identités et de valeurs capables d’agir non seulement sur ses

membres, mais sur la société environnante. La dimension culturelle de l’entreprise suppose

dans ce cas précis des niveaux d’identification reconnaissables au sein des équipes, des

établissements, de la profession, etc.

Cette approche, fait référence de façon plus restreinte à celle de la sociologie des groupes de

travail et des professions qui se consacre volontiers à des groupes de métiers ou à des

communautés de travail plus réduites (atelier, service,…). Elle tente ainsi de mettre au jour les

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micro-cultures, facteurs de solidarités et d’esprits spécifiques conditionnant l’adhésion ou le

rejet des membres aux valeurs et aux intérêts de leur organisation (cf. les études consacrées à

la question développées par Yvan Barel [1997] et Sandra Bellier-Michel [1998].

36

Sainsaulieu (R.), L’Identité au travail. Les effets culturels de l’organisation, 1985.

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64

Dans le cas présent, la mise en exergue d’une culture organisationnelle, au-delà de son

caractère manipulatoire, a au moins le mérite de fixer un cap à partir d’objectifs et de missions

sensés être partagés par les membres de ces organisations, d’une part. D’autre part, d’arriver à

faire cohabiter cette culture commune avec celles plus spécifiques des individus, pour en faire

quelque chose de productif : en quelque sorte « une arme culturellement stratégique » au

service de l’entreprise. C’est la thèse défendue par Éric Delavallée37

, et qui va à l’encontre du

concept de « totalitarisme démocratique » défendu par Eugène Enriquez [1998].

À travers cette position, c’est l’évolution subversive de la relation que les uns exercent sur les

autres par le biais de valeurs, ainsi que l’autorité (légitime) des uns sur les autres qui est

remise en cause. Si le concept de culture d’entreprise fait l’objet d’une littérature prolifique

[cf. notamment les écrits de Thévenet 1992], il en est tout autrement de l’appropriation de ce

concept en matière de management stratégique. Partant de ce paradoxe, Éric Delavallée

[1996] a procédé à une redéfinition du concept aux yeux des objectifs de gestion, en

s’intéressant aux relations entre la culture d’entreprise et certaines variables clés qui

interviennent ou influencent souvent les données en matière d’évaluation des performances :

la rationalité, l’efficacité et le changement organisationnel.

Ainsi, l’auteur révèle-il que derrière l’apparente antinomie qui lie les notions de culture, de

rationalité et d’efficacité, se cache au contraire une relation de proximité. Cela se conçoit

aisément, si l’on admet que la culture est assimilable à la « rationalité » qui gouverne

l’entreprise, et qui peut l’influencer dans un sens ou dans l’autre, à la manière d’une politique

managériale. Partant de là, cette antinomie apparente se rapporte aux objectifs se trouvant

derrière chacun des termes employés. La rationalité supposant un comportement calculé sur la

base d’intérêts de type économique ou politique, tandis que la culture recouvre au sens large

un réservoir de réponses toutes faites dans lequel les individus peuvent puiser en fonction de

leurs valeurs et de leurs convictions, de leur appartenance38

.

37

Delavallée (É.), « Pour ne plus gérer sans la culture », Revue française de gestion, sept.-oct. 1996, p.5-16. 38

Elle se rapporte à la dichotomie effectuée par M. Weber (1971, Economie et société) entre “rationalité en

finalité” et “rationalité en valeur”.la rationalité en finalité étant le propre d’individus agissant en confrontant les

moyens et la fin de façon rationnelle pour faire valoir leurs intérêts. Au contraire, la rationalité en valeur comme

son nom l’indique fait état des valeurs qui guident l’action des individus.

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65

2.4.1.1.1. Lien entre culture et rationalité

Dans « Culture d’entreprise : la contribution de Herbert Simon », Éric Delavallée [1996],

montre que cette antinomie est dérisoire, parce que la culture d’une entreprise n’est ni plus ni

moins que la somme des évidences qui la composent et qui agissent comme des « frontières »

à la rationalité en faisant intervenir un mécanisme de sélection « naturelle ». Ces frontières

agissent à la manière d’un filtre pour apporter le consensus, c’est-à-dire finalement des

repères cognitifs permettant aux membres de l’organisation de puiser dans ce réservoir de

connaissances et de savoirs pré-encodés. Il dit d’ailleurs à ce propos :

« ces « frontières à la rationalité » préstructurent plutôt qu’elles ne déterminent la rationalité

et la capacité de choix des individus dans l’organisation. Elles limitent l’éventail des solutions

– et rendent par là même le choix possible – mais n’éliminent pas pour autant toute possibilité

de choisir. À cet égard, moins que de déterminer mécaniquement le comportement des

individus dans l’entreprise, la culture influence les possibilités de réponse à un problème

donné »39

.

Ce que laisse entrevoir ce passage, c’est que la culture, en tant que réservoir de valeurs dans

lequel puisent les individus, peut contribuer à la dynamique d’une organisation dans la mesure

où elle sert d’options stratégiques. Ces options pouvant être le fruit d’apprentissages et/ou

d’expériences individuelles ou professionnelles, sont une réalité, des « évidences » dont il

serait vain de nier la présence. D’où la difficulté d’instaurer des politiques managériales

tangibles en dehors de la réalité de leur contexte d’action. Par conséquent, au lieu de

condamner la juxtaposition des réseaux sociaux et leurs effets pervers dans les entreprises

africaines, il vaudrait mieux à l’instar des développements de Émile-Michel Hernandez

[1998] ou d’Emmanuel Kamdem [2002], les structurer en procédures de gestion

individualisées à part entière. Le passage suivant en témoigne fort à propos :

39

Delavallée (É.), op. cit., p.10.

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66

« Il ne s’agit plus dès lors de s’interroger sur les liens entre les techniques de gestion et la

culture, donc de considérer les évidences qui la composent comme des contraintes à prendre

en compte dans la mise en place des conditions de l’efficacité de l’entreprise, mais de

considérer la mise en évidence de la culture comme une véritable technique de gestion »

[Delavallée, op. cit., p.16].

Loin de restreindre les potentialités d’une organisation, l’auteur veut au contraire montrer que

ces « frontières » permettent de les diversifier. Confrontés à une situation quelconque, les

managers ont ainsi la possibilité de piocher dans ce réservoir pour y tirer des effets bénéfiques

à leur organisation, grâce aux choix que leur offre ce réservoir culturel, qui institue en quelque

sorte un cadre de références stables nécessaire à la structure pour piloter en environnement

incertain notamment. Autrement dit, la culture possède une rationalité qui lui est propre et

pré-structurée par des cadres, ou les catégories- dans lesquels son pouvoir s’exerce [cf.

Degenne et Forse, 1994], tout comme l’activité managériale répond à des cadres théoriques et

contextuels qui sont confrontés aux contraintes de l’action organisée.

2.4.1.1.2. Culture et efficacité

Pour ce qui est du concept d’efficacité, l’auteur situe le débat sur l’impact de la culture

d’entreprise dans les actes de pilotage stratégique, et dans la définition de la performance. Par

conséquent, il s’agit d’apprécier l’efficacité comme une forme de culture. Il insiste davantage

sur le rôle de celle-ci en tant que variable capable de conditionner l’efficacité d’une entreprise

suivant « le principe de contingence » qui lie l’efficacité du système à une adéquation entre

ses variables (d’efficacité) et une situation donnée. Dans le cadre de notre étude, nous aurons

l’occasion d’éprouver cette comparaison dans les entreprises de notre corpus.

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67

Ce principe tient davantage aux conditions de l’adaptation des entreprises par rapport aux

conditions du marché et à leur environnement stratégique, tandis que le second, « le principe

du fit », lie l’efficacité d’une organisation au degré de cohérence entre ses différentes

variables. Tous deux s’appliquent indifféremment à la variable culture ou à la variable

efficacité, étant donné que dans un cas comme dans l’autre, l’incohérence par rapport à une

situation donnée peut perturber la rationalité des décisions prises, par rapport au système de

référence habituel, en provoquant un décalage entre les objectifs poursuivis et ceux pratiqués.

Ce sont les interactions de ces principes qui contiennent les sources de la transformation de

l’efficacité culturelle d’une organisation, car elles touchent à la perspective du changement

organisationnel comme l’ont par ailleurs souligné Mintzberg et al. [1999, p.268].

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68

Au niveau du premier principe, la culture sert de cadre à la prise de décisions, donc au

pilotage stratégique d’entreprise. Cette conception se rapproche de l’idée de performance en

tant que substrat idéologique prenant la valeur que lui donnent les individus. Dans le second

cas, elle permet de faire converger l’ensemble de l’organisation par voie de consensus vers

une dynamique de groupe et d’actions coercitives. La relation entre culture et efficacité,

montre qu’il est nécessaire d’avoir un minimum de cohérence entre les différentes variables

d’un système pour qu’il atteigne un niveau d’efficacité acceptable pour maintenir sa survie et

ses exigences propres.

En somme, ces principes servent dans le premier cas de figure de levier d’action aux actes de

pilotage stratégique. Ces derniers prennent en effet racine dans des variables aussi diverses

que le domaine d’activités stratégiques ou l’élaboration de stratégies, en nous invitant à

comprendre que l’efficacité d’une entreprise est liée d’une part à son adéquation aux

contraintes de ses environnements tant interne qu’externe. Et d’autre part, d’envisager

l’adéquation de ces contraintes avec les différentes variables qui constituent le système

stratégique, car elles peuvent modifier sa stabilité et sa performance.

L’idée qui transparaît derrière ces assertions est que dans le fonctionnement courant des

relations de travail dans une entreprise, des habitudes plus ou moins rationnelles, conscientes

et/ou inconscientes gouvernent l’action des membres de ces organisations. Ainsi la notion de

« corporate culture » ou de « culture organisationnelle » ou encore de « culture

d’entreprise », révèle des valeurs communes et propres au fonctionnement interne des

entreprises, et par translation, une forme de management par les ressources humaines

[Thévenet 1992], qui se retrouve dans la définition suivante de la culture :

« ensemble des postulats de base que le groupe a inventés, découverts ou développés en

résolvant ses problèmes d’adaptation externes et d’intégration interne, et qui se sont avérés

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69

efficaces et donc peuvent être enseignés aux nouveaux membres comme étant la bonne façon

de percevoir, penser et ressentir la relation avec ces problèmes » 40

.

2.4.1.1.3. Culture et changement organisationnel

L’approche sociétale qui attribue quant à elle une place déterminante aux effets conjoints des

structures d’éducation, des pratiques syndicales, des représentations du personnel et des

structures politiques sur les rapports de travail dans l’entreprise constitue le prolongement de

l’approche institutionnelle. En effet, elle se matérialise par des différences qui ne caractérisent

pas des cultures nationales mais bien des styles d’entreprises liés à la société environnante :

elle est liée à une approche spécifique de la société fondée sur l’interaction des substrats

idéologiques et cognitifs des individus.

Au niveau de notre questionnaire, les questions relatives à la recherche de ces aspects,

manifestent bien une volonté au niveau des directions générales de ces entreprises, de porter

l’énergie et les compétences de leurs membres vers le partage de telles valeurs. Soucieux de la

qualité de son image et de la vulgarisation d’un esprit de corps au sein de ses équipes de

travail, la Direction Générale du groupe BGFI, a ainsi initié sous l’égide de la Direction des

Ressources Humaines des Affaires Générales et de la Communication, la formalisation de

cette identité d’appartenance et de valeurs, que nous avons consigné en annexes.

Dans la mesure où l’existence de la culture d’une entreprise s’entrevoit comme une forme de

rationalité managériale, elle tient donc moins à une volonté décrétée, qu’à l’acceptation par

les individus de règles et de valeurs partagées. Il faut que les acteurs de ces organisations

40

Thévenet (M.), Vachette (J.-L.), Culture et comportements, 1992, p.192.

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70

intègrent et respectent ces modalités, le changement organisationnel devenant alors

changement de l’organisation système social, et non une simple modification de la

structuration de l’organisation. GABON TELECOM est représentative de ce cas de figure, car

si cette entreprise s’est dotée d’un nouveau statut juridique, elle fonctionne encore avec les

avatars et les pesanteurs qui déstabilisent le fonctionnement « normal » des entreprises

publiques.

Si l’on tient compte des considérations épistémologiques ici abordées, les perspectives

découlant de l’approche institutionnelle correspondent davantage à des réalités et à des

systèmes de valeurs ancrés dans la lutte des classes, tant elles se recoupent dans des logiques

d’appartenances à des systèmes idéologiques, de pensée et de modèles économiques qui leur

sont rattachées. C’est cet ancrage qui fait qu’elles ne cadrent pas tout à fait avec les logiques

de fonctionnement des individus dans les entreprises africaines, en raison de « l’extériorité »

historique liée à leur perception dans l’imaginaire collectif africain. Youssouph Mbargane

[1995], Baye Ibrahima Diagne [2004] et Paul René Ollomo [1987], l’ont à suffisance

démontré dans leurs écrits.

Si l’on s’en tient notamment compte des propositions de Youssouph Mbargane [1995], ces

dysfonctionnements relèveraient davantage d’un décalage avec les mœurs et les réalités des

populations où l’on greffe des politiques managériales qui ont du mal à s’appliquer sur le

terrain. C’est le même constat que fait Émile-Michel Hernandez [1998, 2000] à travers le

modèle d’action de l’entreprise informelle africaine, sur lequel nous nous étendrons plus

avant. Ce qui ne veut bien entendu pas dire que des logiques d’appartenance au métier ou au

groupe ne se rencontrent pas. Dans ce contexte, elles sont voilées et reléguées au second plan

à cause des logiques d’appartenance claniques ou ethniques. C’est pour les combattre que

dans les entreprises du secteur privé, les comités de direction instituent des valeurs partagées,

pour limiter les méfaits de ces expressions sur les logiques de rationalité économique.

2.4.1.2. L’approche interculturelle

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71

Dans le second cas, c’est moins la constitution des identités au travail, que l’approche

contextuelle des particularismes observés au niveau du management stratégique qui nous

importe. En effet, l’une de nos préoccupations étant de vérifier que c’est l’interaction des

contraintes extérieures, notamment celle des réseaux sociaux, à travers les contingences et les

substrats sociologiques qui déstabilise le bon fonctionnement de ces entreprises au plan de

l’efficacité économique, et de la mise en valeur des compétences-ressources de manière

générale. Si l’on s’en tient aux propositions émises par Youssouph Mbargane [1995], ces

dysfonctionnements relèveraient davantage d’une mauvaise application des principes de

management, que ne font qu’amplifier les décalages entre le monde de ces individus et celui

de l’entreprise.

Pour lui, mais également pour Ollomo [1987] et Diagne [2004], le monde de l’entreprise, à

l’instar de l’État ou du management sont des émanations imposées aux africains et avec

lesquelles ils composent. Ce qui fait que c’est davantage la société (de traditions,

d’appartenance au groupe, à l’ethnie, à la tribu, etc.) qui reste fortement encastrée dans la vie

de l’entreprise, et qui altère souvent ses capacités. Notre objectif de base consistant à

rechercher les conditions de l’efficience du management stratégique à travers les difficultés de

gestion observables dans les entreprises gabonaises sélectionnées, l’association judicieuse des

approches institutionnelle et interculturelle enrichira certainement la texture de nos analyses,

en cas d’interférences entre ces deux approches.

Dans la recherche de la manifestation de cette interculturalité, il peut s’agir de facteurs

historiques, professionnels, régionaux, nationaux, etc. dont Geert Hofstede [1987], s’est

notamment appliqué à valoriser les influences dans ses travaux. De fait, l’approche dite

interculturelle s’intéresse par définition aux différences de culture qui ont une incidence sur

les relations de travail à l’intérieur et à l’extérieur de l’entreprise [cf. Dupriez, 1999]. En

pratique, elle s’intéresse aux différences entre cultures nationales, voire entre aires de

civilisation comme Geert Hofstede en a longuement fait état dans ses diverses contributions.

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72

Dans un autre ouvrage co-écrit avec Daniel Bollinger, Geert Hofstede41

montre comment la

culture d’un pays détermine de façon implicite un modèle de management. C’est également le

projet de Philippe D’Iribarne dans La Logique de l’honneur [1989], dont l’objectif visé est de

décrire les principales dimensions culturelles qui différencient les groupes humains, et d’en

projeter les conséquences au plan du management des hommes et des styles de gestion.

De ces travaux, il ressort que la culture constitue le niveau collectif de la programmation

mentale que nous partageons au niveau macroscopique avec d’autres membres d’une nation,

ou de façon parcellaire avec ceux d’une région ou de notre famille. Se limitant à l’approche

des cultures nationales, c’est-à-dire des modes de pensée partagés par la majorité des

habitants d’un État, les auteurs vont montrer comment les traits culturels peuvent constituer

des traits saillants influençant les pratiques managériales et organisationnelles.

Il s’agit ici de mettre en avant l’existence de stéréotypes nationaux qui rendent ces réalités

opaques, difficiles à comprendre. Ainsi, dans une étude au sein d’une multinationale, Geert

Hofstede42

a-t-il établi à travers la cartographie des employés de cette firme des pratiques

culturelles (relativité culturelle) marquant les grands traits d’une culture nationale, afin de

réfléchir sur la prétendue universalité des pratiques de gestion fondée sur « l’hypothèse de

convergence ». La figure ci-après montre la stratification issue des niveaux communautaires

et individualisés de nos programmations mentales telles que décrits par Geert Hofstede.

41

Bollinger (D.), Hofstede (G.), Les différences culturelles dans le management. Comment chaque pays gère-t-il

ses hommes?, 1987, 270 p. 42

Hofstede (G.), “Relativité culturelle des pratiques de gestion et théories de l’organisation”, Revue française de

gestion, 1987, p.10-21.

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Figure 5 : Pyramide du degré de programmation mentale des individus. D’après Geert

Hofstede, “Relativité culturelle des pratiques de gestion et théories de l’organisation”, 1987,

p.22.

À la base, le niveau universel marque le patrimoine génétique. C’est la partie de l’information

génétique commune à toute la race humaine qui se manifeste notamment à travers diverses

attitudes expressives : rires, pleurs, etc. Le niveau intermédiaire, le niveau collectif concerne

un nombre plus réduit de personnes appartenant à un même groupe, et qui permet de les

différencier des autres : langage, façon de concevoir les activités humaines avec des rites

voulus, habitudes vestimentaires, etc. C’est le seul niveau entièrement appris, siège des

valeurs transmises par notre communauté d’appartenance qu’elle soit sociale ou religieuse.

Seul le niveau individuel est vraiment la partie unique de la programmation humaine qui fait

la part des choses entre les niveaux universel et collectif. Mais les frontières ne sont pas

étanches d’un niveau à l’autre, on peut en effet trouver de l’universel dans l’individuel, par le

phénomène de l’hérédité notamment. Le point focal des études interculturelles est ainsi de

mettre en avant l’existence de stéréotypes nationaux qui rendent plus aisés la compréhension

des dysfonctionnements liés aux problèmes de management stratégique. C’est un projet de

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74

recherche ambitieux qui peut s’avérer intéressant dans le cadre de l’analyse des interprétations

concernant l’influence des aires culturelles sur les comportements, et par extension, les types

de management observés.

2.4.1.3. Les perspectives issues de l’analyse des approches institutionnelle et interculturelle

Ces deux grands systèmes d’investigation de l’école culturelle, sont intéressants dans la

mesure où, dans le premier cas nous retrouvons la trace des contraintes externes issues de

l’environnement qui viennent peser sur la structure des organisations. Elles « obligent » pour

ainsi dire les dirigeants d’entreprise à rechercher des voies et moyens susceptibles de canaliser

les efforts des uns et des autres, afin de porter leurs actions vers la réalisation d’objectifs

communs, sous la forme d’idéologies et de valeurs partagées.

Dans le second cas, ces contraintes sont le fait des réseaux sociaux qui « infestent » la vie des

entreprises, s’y superposent par le biais des individus en une infra-structure qui mènent bien

souvent à des résultats inverses à ceux attendus en termes d’efficacité et de performance

économique au plan du management stratégique de ces entreprises. Ainsi l’école culturelle

est-elle le lieu du foisonnement de nombre de courants qui manifestent autant de perspectives

de recherches que d’approches sur l’impact de la culture dans la vie des entreprises, qu’elle

soit institutionnelle ou interculturelle.

Cette diversité des approches fait que l’on parle volontiers d’approches culturelles des

organisations. Elles témoignent d’une volonté de la sociologie des organisations de prendre en

compte, outre les facteurs contingents « classiques » (l’environnement, la technologie, etc.)

que nous aurons l’occasion d’aborder par ailleurs, la dimension culturelle des organisations

issue des interactions qui s’exercent entre les membres de l’organisation, l’entreprise et leur

environnement. Ainsi, la culture organisationnelle ou culture d’entreprise43

se décline sous

43

Il existe plusieurs précurseurs du concept de culture d’entreprise ou « corporate culture » (Chester

Barnard1938, The Functions of the Executive ; Philip Selznick, 1957, Leadership and Administration), mais c’est

véritablement Elliot Jacques (Intervention et changement dans l’entreprise, Dunod, 1972) qui a contribué à lui

donner la facture qu’il connaît de nos jours à travers la définition suivante : « La culture d’entreprise, c’est son

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75

diverses formes et peut prendre autant de figures qu’il existe d’entreprises ou de type de

management.

mode de pensée et d’action habituel et traditionnel plus ou moins partagé par tous les membres, qui doit être

appris et accepté, au moins en partie, par les nouveaux membres ».

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Cette diversité nous montre de fait la prétention et l’utopie qui résultent de l’imposition de

modèles à caractère universaliste. Elle nous montre l’intérêt d’une mise en adéquation des

particularismes identitaires et culturels avec les marchés investis. C’est la prétention du

« management interculturel » encore dénommé « approche interculturelle », qui désigne « un

état de faits prenant en compte les comportements, les opinions et les déterminants culturels

qui guident l’action des membres de l’organisation », par opposition à la culture d’entreprise

qui désigne essentiellement quelque chose que les dirigeants ont à charge de définir et de

modifier [Journet 1998, p. 52].

2.4.2. Critique de l’école culturelle

L’intérêt de l’école culturelle est sans aucun doute d’apporter des cadres explicatifs

permettant d’envisager la culture comme une variable capable de situer les cadres référentiels

auxquels recourent les individus dans l’exercice de leurs fonctions. Elle trouve ainsi son sens

dans la corrélation directe avec l’école du pouvoir, car elle permet de déceler les logiques qui

sous-tendent la constitution de coalitions d’acteurs individuels ou collectifs. Elle apporte ainsi

au processus d’élaboration de stratégies la dose de phénomènes et de comportements sociaux

que les écoles normatives avaient jeté aux orties en privilégiant une approche rationnelle et

unidimensionnelle du management.

Elle nous renforce dans l’idée que l’élaboration de stratégies repose sur un substrat de valeurs

rationnelles et irrationnelles dont l’homme est le moteur44

, sans pour autant qu’il existe de

recettes toutes faites à appliquer, chaque entreprise devant trouver sa voie. Elle témoigne du

consensus à mettre en œuvre au sein des organisations pour mieux les piloter, tout en tenant

compte de la complexité des phénomènes et des logiques qui s’y jouent. Autrement formulé et

pour reprendre une expression chère à Henry Mintzberg [1999], la culture peut agir comme

des œillères et contrer l’élaboration de stratégies, car elle s’appuie sur des données acquises

qu’il est parfois difficile de défaire dans le cadre d’un environnement concurrentiel et

dynamique.

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77

44

Cf. Centre des Jeunes Dirigeants d’Entreprise, Pour l’entreprise, l’homme est capital, 1998, 157 p.

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La prise en compte de ces aléas ressort plus particulièrement des préoccupations des tenants

de l’école environnementale. Pour cette école, l’élaboration de la stratégie est vue en tant que

processus de réaction obéissant aux principes de « contingence » et du « fit » développés par

Éric Delavallée [1996]. Dérivée de la théorie de la contingence, elle se soucie de

l’environnement en tant qu’élément de nature à contrarier ou à favoriser l’existence des

entreprises tant au plan externe qu’interne. Dans ce contexte, l’environnement répond à une

construction de l’esprit pour désigner les contraintes, les forces et les situations susceptibles

de gêner leur action.

2.5. Perspectives issues de l’analyse des écoles processuelles

L’objet de ce développement est d’étayer les perspectives issues des courants majeurs du

second mouvement de l’évolution de la pensée stratégique au regard de notre axe de

recherche. Il nous importe en effet de démontrer qu’à l’image de celui-ci, la recherche de

moyens susceptibles d’aider à résoudre les problèmes de gestion des entreprises passe

également par la mise en place et la gestion de processus en conformité avec leur contexte

d’action. Au niveau de l’école de l’apprentissage par exemple, l’intérêt se situe pour nous au

niveau de la valorisation des expériences acquises pour améliorer le pilotage stratégique

d’entreprise. Ici, l’enjeu est de parvenir à intégrer stratégies délibérées et stratégies

émergentes, au niveau de l’élaboration du plan d’actions stratégiques.

Quant aux théories des écoles du pouvoir et de la culture, elles sont tout à fait en phase avec

notre préoccupation centrale, à savoir que la résolution des problèmes de management

observable dans les entreprises africaines ne peut se faire si l’on ne tient aucun compte de la

part d’irrationalités qui imprègnent la structure de ces organisations, et qui se répercutent

finalement sur la politique générale d’entreprise. Au sein de ces organisations, les acteurs sont

en effet amenés à adopter des stratégies (individuelles ou collectives) pour conserver ou

défendre au mieux leurs intérêts, ceci, pour atteindre des objectifs personnels ou au contraire

pour concourir à l’édification d’une œuvre collective dans l’intérêt de l’organisation.

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Si l’école du pouvoir situe son approche au niveau des stratégies individualisées des acteurs,

l’école culturelle propose en complément de cette approche le niveau collectif, avec à la base

une multitude d’approches rendant compte des interactions et de la complexité produites dans

la vie des organisations. Comme le dit Éric Delavallée, « il ne s’agit plus dès lors de

s’interroger sur les liens entre les techniques de gestion et la culture, donc de considérer les

évidences qui la composent comme des contraintes à prendre en compte dans la mise en place

des conditions de l’efficacité de l’entreprise, mais de considérer la mise en évidence de la

culture comme une véritable technique de gestion » [1996, p. 14]. Cette dernière étant

susceptible de pallier les insuffisances avérées sur le terrain.

De tous les mouvements issus des écoles processuelles, ce sont ces trois là qui collent

particulièrement bien aux exigences de notre problématique. Bien sûr, l’école de

l’environnement même si nous ne l’avons que sommairement abordé n’est pas en reste,

puisqu’à travers les principes de « contingence » et du « fit », ce sont les éléments de contexte

externe et interne qui sont évalués au plan global dans l’organisation, à la manière d’un

écosystème. En somme, il s’agit ici de rechercher les lieux et les moyens par lesquels peuvent

être réunies les conditions de l’efficacité des entreprises de notre échantillon à partir de ce que

Mintzberg regroupe sous le paradigme de « l’hypothèse élargie de configuration » qui lie

l’efficacité d’une structure à la cohérence des variables internes et aux facteurs de

contingence.

2.6. Conclusion du chapitre

Ce tour d’horizon de la pensée stratégique est révélateur de la complexité du management

stratégique. Nous avons pu voir à travers cette évolution, que d’un axe normatif, elle s’est

orientée vers plus ou moins de flexibilité, déjà avec l’école cognitive, mais de façon plus

tangible, avec les écoles du pouvoir, de la culture et de l’environnement. Comme le soulignait

Gérard Koenig, « il faut un juste équilibre entre stratégies délibérées et stratégies

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émergentes. C’est tout l’art du management stratégique, et ce n’est pas des moindres, de

vivre de processus qui sont à la fois contradictoires et complémentaires »45

.

Le but étant de montrer que comparativement à l’évolution des théories de la pensée

stratégique, les approches managériales à l’œuvre dans les entreprises de notre corpus,

doivent elles aussi faire l’objet d’adaptations et de mesures contextuelles aux réalités et

spécificités de leur contexte d’action. Si dans un premier temps, tous les courants de pensée

évoqués au niveau des écoles normatives se sont focalisés sur la manière de concevoir des

stratégies, ceux des écoles processuelles s’évertueront davantage à la description effective des

processus sous-tendant cette conception.

Autrement dit, les écoles que nous avons présentées dans ce second mouvement de

l’évolution de la pensée stratégique incarnent davantage pour nous, une façon consensuelle

d’approcher et de mettre en œuvre les phénomènes se jouant à l’intérieur de ces organisations.

Cette rupture paradigmatique consacre un changement de perspectives, permettant

d’envisager l’entreprise non plus seulement comme un organisme technico-économique, mais

surtout comme un agent de production doté d’une organisation sociale et d’un système

politique.

Elles s’inscrivent plus volontiers dans une logique d’adaptation et de refonte avec les

contextes environnementaux réels de la vie des entreprises. Rendue possible par les

perspectives de recherche de l’école cognitive qui a introduit la notion de complexité,

également à l’œuvre en ce qui concerne les écoles de l’apprentissage et de l’environnement. Il

s’agit ainsi de permettre à la stratégie de développer les capacités organisationnelles à partir

de la capitalisation de savoirs et d’expériences [cf. Hamel et Prahalad, 1995]. Cette idée

repose sur le fait que les succès d’une entreprise sont tributaires des apprentissages, eux-

mêmes dépendant des compétences acquises dans le métier, qui génèrent en retour de la

productivité.

45

Koenig (G.), Management stratégique. Paradoxes, interactions et apprentissages, 1996, p.85.

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82

Cette dynamique va se confirmer pour l’école du pouvoir et celle de la culture, en révélant

l’empreinte et l’impact des actions produites par les acteurs dans la vie des organisations.

Cette dernière manifestant l’élaboration de stratégies à partir de processus à la fois singuliers

(dans la capacité des individus à se l’approprier) et collectifs (par le partage de valeurs

référant à des liens d’ordre social), car elles renouvellent le processus d’élaboration de la

stratégie.

Piloter stratégiquement une organisation, revient dans ces conditions à créer les conditions de

congruence (économiques, techniques, sociales, politiques, etc.) entre l’environnement

externe et l’entreprise, de sorte que celle-ci dispose d’un potentiel de compétences-ressources

capables de répondre aux exigences de ses environnements. Par conséquent, nos

investigations vont se reporter sur des études consacrées à l’éclairage des aspects

organisationnels dans les entreprises africaines qui battent en brèche le principe d’universalité

consacré par l’approche traditionnelle, qui y montre ses limites. Mais au préalable, nous

allons rechercher d’autres éléments d’investigation dans les théories des organisations pour

parfaire la thèse de la complexité et non de l’universalité, concernant plus particulièrement les

entreprises de notre corpus.

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83

Chapitre II : Approches contingentes et processus

stratégiques

L’examen des théories managériales ici abordé a pour objectif de mettre en parallèle la

complexité des phénomènes à l’œuvre dans les organisations à partir des processus qui en

déterminent la portée. Au cœur de ces processus, nous situons notamment l’approche

contingente, car notre idée de départ et nos hypothèses de travail se fondent dans cette

perspective. L’approche contingente nous permet en effet de mieux nous positionner, car elle

est une théorie de l’action basée sur la complexité et l’interaction des situations dans un

environnement donné, par opposition à l’approche universaliste.

Section I : Fondements et analyse de la pensée contingente

1.1. Aux sources de la théorie de la contingence et de ses développements

L’intérêt de l’approche dite contingente par rapport à notre objet d’étude est d’établir à la fois

une rupture paradigmatique et une ouverture sur l’entreprise et son environnement, au niveau

de la perception des phénomènes se jouant au sein des organisations. Mais surtout, elle rompt

avec la prétention universaliste et fonctionnaliste du modèle taylorien. Aspect central pour

nous au niveau du management des entreprises africaines, et plus particulièrement des

entreprises gabonaises auxquelles il convient de trouver des voies spécifiques, comme l’ont

laissé entrevoir des auteurs comme Émile-Michel Hernandez [1997-2000] et Kanyi O’Cloo

[1991] dans leurs écrits.

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L’approche contingente a en effet ceci de particulier qu’elle décrit les rapports entre certaines

dimensions de l’environnement (le secteur d’activité, les concurrents du secteur, le marché,

les ressources humaines, matérielles et financières) et les attributs ou contingences spécifiques

à une organisation. En l’occurrence l’environnement stratégique des entreprises, leurs

maîtres-mots et leur souci étant dorénavant de veiller à maintenir une adaptativité, une

réactivité et une flexibilité constantes pour être compétitifs.

1.1.1. L’approche par les déterminismes structurels

Pour les tenants de ce courant, c’est l’influence de l’environnement qui détermine le

fonctionnement des organisations à travers les interactions qui existent entre variables

internes à l’organisation d’une part [Burns et Stalker, 1961 ; Woodward, 1965] et variables

externes à l’organisation [Emery et Trist, 1965 ; Lawrence et Lorsch, 1969]. Mais ce sont

davantage les travaux de Tom Burns et G.M. Stalker46

qui préfigurèrent des développements

actuels de la, ou plutôt des théories contingentes. Dans leur approche, ils situent en effet ces

travaux au niveau du lien de dépendance entre la nature de l'environnement et l’organisation

de façon globale.

Burns et Stalker47

découvrirent de façon tout à fait fortuite que certaines entreprises situées

dans un environnement stable étaient performantes lorsqu’elles adoptaient un fonctionnement

« mécaniste » (standardisation et spécialisation des procédés de travail et des modes de

production, structure fortement hiérarchisée,…). Alors que d’autres, situées dans un

environnement turbulent s’avéraient performantes en adoptant un mode de fonctionnement

« organique » (organisation de type transversal privilégiant l’autonomie des acteurs, la

communication et les échanges informels, le travail en équipe au plan vertical et

horizontal,…).

À leur suite, c’est Joan Woodward48

qui mit au jour les liens de dépendance entre structure,

mode de direction et système technique de l’entreprise à partir d’une étude comparative. Mais

c’est à partir de l’approche de Frederick Emery et Eric Trist49

qu’un tournant va être pris,

reposant sur une approche dynamique et complexe de l’environnement par rapport à la

structure et au fonctionnement de l’organisation. Ces derniers vont s’appuyer sur la théorie

46

Burns (T.), Stalker (G.M.), The Managemrnt of Innovation, London, Tavistock publications, 1961. 47

Idem. 48

Woodward (J.), Industrial Organization : Theory and Practice, Oxford, Oxford University Press, 1965.

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économique et sur ce qu’ils observent de l’environnement organisationnel, pour définir quatre

états d’environnement organisationnel conduisant à deux dimensions d’analyse : stabilité

versus dynamisme et simplicité versus complexité qui influent sur la stratégie des entreprises

se trouvant dans l’un ou l’autre de ces États.

L’apport de Emery et Trist [1965] est d’autant plus dynamique qu’il nous place d’emblée

dans le contexte d’action des entreprises de notre corpus et de notre problématique. Loin de la

vision mécaniste des précurseurs de la pensée contingente, il introduit la complexité en tant

que principe organisateur des phénomènes qui rythment la vie des organisations.

Effectivement, cette théorie prend davantage en compte les effets induits par l’interaction des

dynamiques organisationnelles, et l’environnement de façon globale. Autrement dit, c’est une

vision complexe et dynamique des phénomènes se jouant au cœur des entreprises, que nous

adapterons à la compréhension et à la spécificité des actes de management stratégique des

entreprises gabonaises de notre corpus.

S’inscrivant dans le même courant, Paul Lawrence et Jay Lorsch50

quant à eux vont s’inspirer

du concept d’incertitude lié à l’environnement de Burns et Stalker [1961], et de son impact

sur la forme et le fonctionnement des organisations, au niveau des sous-environnements

auxquels sont confrontés les acteurs dans leur quotidien. Cette étude approfondie va les

amener à dégager les concepts clés de « différenciation » et d’« intégration » qui régulent le

fonctionnement des groupes appartenant à des environnements différents.

Le concept de différenciation s’exprimant au point de vue formel, marque la différence de

nature entre départements et entre individus au sein de l’organisation. Le concept

d’intégration lui est défini comme « la qualité de la collaboration qui existe entre les

départements qui doivent unir leurs efforts pour satisfaire aux demandes de

49

Emery (F.E.), Trist (E.L.), “The Causal Texture of Organizational Environment”, Human Relations 18, p.21-

32, 1965. 50

Lawrence (P.R.), Lorsch (J.W.), Adapter les structures de l’entreprise : intégration ou différenciation, Paris,

Interéditions, 1973, traduit de l’anglais Organisation and environment : managing differnciation and

integration, Irvin, Homewood, 1969.

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l’environnement »51

. Il passe par la résolution efficace des conflits nécessitant la mise en place

de rôles de coordination et de liaison.

Même si ces concepts s’appliquent dans des cadres techno-économiques, ils peuvent s’étendre

de façon judicieuse dans la dynamique des jeux des acteurs. On peut par exemple les lier aux

hypothèses de contingence et de congruence émises sous le contrôle de Henry Mintzberg à

travers « l’hypothèse élargie de configuration », car ils montrent l’interdépendance existant

aussi bien entre les éléments internes qu’externes d’un système, et leur impact sur celui-ci.

Transférés dans le contexte d’action des entreprises gabonaises, il s’agit de faire la part des

choses entre ce qui est susceptible de perturber, ou au contraire de galvaniser la dynamique

d’ensemble de l’organisation. En effet, il faut toujours avoir à l’esprit que l’organisation de

telles structures, ici au niveau de leur management stratégique, ne s’appréhende que

partiellement, si l’on excepte à la compréhension des phénomènes qui s’y jouent, l’analyse

des réseaux sociaux de l’entreprise [Mutabazi, 2001].

D’un point de vue strictement théorique, cette approche montre que dans une organisation les

différentes entités peuvent ne pas absorber l’incertitude52

de la même manière, puisqu’elles ne

sont pas nécessairement confrontées au même type d’environnement dans la réalisation de

leurs tâches quotidiennes. Les concepts de différenciation et d’intégration mettent ainsi en

valeur deux forces contradictoires et complémentaires à prendre en compte dans la structure

d’une organisation : le besoin de différenciation et la nécessité d’intégration qui contribuent,

loin de la disloquer à la performance d’une organisation.

En effet, c’est le degré de coercition et de cohérence des actions menées dans les différentes

branches de l’entreprise qui entérine la différenciation souhaitable, au sein des différentes

51

Idem. 52

Galbraith (J.), Organization design, Reading Mass, Addison Wesley, 1977. Le concept d’incertitude

définissant la différence entre la somme d’information requise par la tâche et la somme d’information déjà

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unités à l’échelle globale de l’entreprise. C’est cette différenciation qui permet de créer de la

valeur dans l’entreprise, si tant est que les dirigeants parviennent à la transformer en une

synergie bénéfique au pilotage stratégique, et par conséquent à l’exercice même du

management stratégique.

Pour Paul Lawrence et Jay Lorsch53

, le besoin d’intégration n’est pas directement lié au

besoin de différenciation, car « l’état de différenciation d’une entreprise efficace doit être

compatible avec chacun des secteurs d’environnement, tandis que l’état d’intégration atteint

doit être compatible avec l’exigence d’interdépendance de l’environnement ». Ce qui en

d’autres termes veut dire que la différenciation dans un département, par exemple le

département « recherche-développement » doit être compatible avec les exigences de travail

et de structure (organique de préférence) de ce département, tout en tenant compte

parallèlement du fait que l’intégration est nécessaire à l’organisation pour assurer la

cohérence de la politique générale.

Par leur analyse, ils procèdent d’une démarche moins mécaniste que celle de Tom Burns et

G.M. Stalker [1961] ou de Joan Woodward [1965], grâce à leur modèle de conception de

l’organisation. Celui-ci établit les modalités de réponse que peut faire valoir une organisation

face à l’incertitude à laquelle elle est confrontée. La première modalité concerne la réduction

de cette incertitude par la réduction globale des surcapacités de l’entreprise, résultant de

l’adoption d’un mode de production en « juste-à-temps » par exemple.

La seconde modalité quant à elle, fait référence à l’accroissement des capacités de l’entreprise

pour gérer cette incertitude. Il se réalise sous forme d’investissements en systèmes

d’information, grâce à des investissements dans la mise en œuvre de structures transversales

dans l’organisation, et en instaurant un système de partenariats, pour mieux gérer l’incertitude

interne, et pouvoir ainsi mieux affronter celle venant de l’extérieur.

détenue par l’organisation. La somme d’information requise étant elle-même fonction de la diversité de

production, de la forme de division du travail choisie et du niveau de performance requis.

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S’aventurant plus loin dans son analyse, Jay Galbraith54

va aller au-delà des développements

de Lawrence et Lorsch [1973] en définissant de façon précise les différentes façons de

favoriser les relations latérales dans l’entreprise. Ceci, dans le but de mieux gérer

l’information et sa diffusion, en évitant la surcharge des échelons hiérarchiques. Nous

reviendrons plus avant sur les effets de la mise en place d’un système d’information

stratégique concernant les firmes de notre corpus, à travers les différents points et théories que

nous aborderons dans la partie suivante.

À cette première vision des interactions organisation/environnement basée sur la qualité et la

complexité de l’environnement, va succéder une autre vision basée sur l’analyse de

l’environnement comme porteur de risques, de menaces et de potentialités. Jeffrey Pfeffer et

G.R. Salanick55

et par la suite John Aldrich56

, vont ainsi montrer le degré de dépendance de

l’organisation vis-à-vis de certaines ressources, en faisant état du pouvoir relatif d’une

organisation à se procurer certaines ressources nécessaires à son fonctionnement. C’est de la

rareté de ces ressources que peut survenir une source d’incertitude et de vulnérabilité

préjudiciables à l’entreprise vis-à-vis de l’extérieur à terme. Une autre approche qu’il nous a

paru important de relever concerne la contribution de Charles Perrow57

. Ce dernier présenta

pour sa part une analyse de l’influence de la technologie sur la conception de l’organisation, à

partir de deux dimensions :

La variété, qui concerne à la fois la diversité des tâches d’une unité et les changements

prévisibles ou inattendus intervenant avant ou pendant le processus de transformation.

53

Lawrence (P.R.), Lorsch (J.W.), Adapter les structures de l’entreprise : intégration ou différenciation, Paris,

Interéditions, 1973. Traduit de l’anglais Organisation and environment : managing differnciation and

integration,Irvin, Homewood, 1969. 54

Galbraith (J.), Organization design, Reading Mass, Addison Wesley, 1977. 55

Pfeffer (J.), Salanick (G.R.), The Externals Control of Organizations: A Resource Dependance Perspective,

New York, Harper & Row, 1978. 56

Aldrich (J.H.), Organisation and Environment, Englewoods Cliffs, Prentice Hall, 1979 57

Perrow (C.), “A Eramework for the Comparative Analysis of Organisations”, American Sociology Review 32,

1967, p.194-208.

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L’analysabilité, qui fait référence au degré de maîtrise et de compréhension du processus de

transformation lui-même.

L’approche par les déterminants structurels, à travers les contributions sommaires que nous

avons présenté, montre les phénomènes contingents à la fois internes et externes qui

influencent la vie des organisations. Nous avons ainsi vu que par une évolution conceptuelle,

l’analyse de ces déterminants structurels s’est enrichie dans une seconde période de la

complexité des points de vues suscitée par des auteurs comme Frederick Emery et Eric Trist

[1967]. D’autres auteurs se sont également penché sur la nature des relations qui pouvaient

exister entre l’entreprise et ses environnements à travers le prisme des relations techno-

économiques, dont nous allons dresser un bref aperçu.

1.1.2. L’approche par les déterminismes techno-économiques

Outre le déterminisme structurel qui présupposait qu’à un type d’environnement donné (stable

ou complexe) correspond une structure organisationnelle (bureaucratique ou organique), les

déterminismes technologiques et économique participent des interactions qui animent la vie

des organisations. En effet, à côté de la structure organisationnelle, le choix des technologies,

leur coût et leur appropriation par les membres de l’organisation, engagent à plus ou moins

longue échéance la stratégie et le style de management portés par une entreprise.

La contribution de James Thompson58

, ce dernier mettant en évidence cette interaction, en

étudiant l’interdépendance technologique qui lie entre eux différents départements, va nous

servir de fil conducteur. Il met ainsi en exergue le fait que le degré de dépendance

technologique (faible, fort, possible) d’une unité à l’autre, pour accomplir une tâche varie en

fonction de l’interdépendance qui peut exister entre différents départements. Grosso modo,

l’approche par les déterminants techno-économiques analyse le lien entre l’entreprise et ses

environnements, à partir des choix technologiques ou techniques émanant des entités de

l’entreprise.

58

Thompson (J.D.), Organizations in Action, New York, McGraw Hill, 1967.

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1.1.3. En guise de synthèse

En somme, ces deux approches mettent en exergue l’influence conjointe de l’environnement

sur la structure organisationnelle et les choix technologiques. Les travaux de Paul Lawrence et

Jay Lorsch [1969], de Jay Galbraith [1977], Charles Perrow [1967] et James Thompson

[1967] se complètent dans la mesure où ils apportent chacun un éclairage singulier sur les

interactions produites par les effets conjoints des structures organisationnelles, des choix

technologiques et de leur coût/rentabilité pour l’organisation à plus ou moins long terme.

S’ils permettent d’accéder à la complexité des relations qui influencent la vie des

organisations, les approches par les déterminants structurels et techno-économiques, ne

rendent pas suffisamment compte du rôle des acteurs dans l’analyse de ces phénomènes. C’est

pour pallier ces insuffisances que les approches néo-contingentes vont pour ainsi dire prendre

le relais. Ces approches vont ainsi revisiter la prégnance des seuls déterminismes structuro-

technico-économiques, exercée au détriment du jeu des acteurs. Regroupées sous le sceau du

courant néo-contingent, ces approches intègrent à l’analyse des facteurs purement techniques,

la dynamique résultant du jeu des acteurs comme facteurs déterminant et influençant les

performances d’une organisation.

1.2. La pensée néo-contingente

Loin du déterminisme techno-économique, critique fondamentale adressée aux théoriciens de

la théorie contingente et structurelle, l’approche néo-contingente va pallier les insuffisances

de cette dernière en y associant l’action des acteurs comme médiateurs entre l’environnement

et l’organisation. Michel Crozier et Ehrard Friedberg [2000] reprochent notamment aux

tenants de l’approche contingente une vision « mécaniste » des rapports que l’entreprise

entretient avec son environnement.

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91

1.2.1. De la critique de l’argument mécaniste…

La critique majeure adressée aux tenants de ce courant se rapporte à une vision qui délimite la

perception de l’environnement à une donnée objective. Celle-ci, en instaurant une relation

univoque relevant uniquement de facteurs structurels et techno-économiques conditionne les

performances et l’environnement des entreprises à ces seuls déterminants. Ils critiquent ainsi

le fait que les rapports humains soient relégués au second plan, tout en reconnaissant l’apport

des travaux de ces chercheurs sur les interactions existant entre les entreprises et leur

environnement. Crozier et Friedberg exposent d’abord les limites du courant techno-

économique :

« Méconnaissant l’autonomie et les contraintes propres du construit humain sous-jacent à une

organisation, une telle optique technicienne est liée à un mode de raisonnement dont les

présupposés déterministes sous-jacents aboutissent en fin de compte à réduire le changement

organisationnel à un processus quasi mécanique d’adaptation unilatérale »59

.

Plus tard , Friedberg adoucit cette critique en insistant sur son aspect positif

« L’apport de la théorie contingente et structurelle a permis de souligner utilement

l’importance de l’environnement et du contexte (surtout technologique) des organisations

pour la compréhension de leurs processus internes (…). Les programmes de Burns et Stalker

et de Lawrence et Lorsch ont notamment fait progresser de façon notable quoique incomplète

la compréhension entre une organisation et son environnement »60

.

Si ces critiques sont fondées, il est que des traces résultant du jeu des acteurs apparaissent à

certains points notamment dans les théories de Emery et Trist [1965], de Galbraith [1977] et

59

Crozier (M.), Friedberg (E.), L’Acteur et le système, 2000. 60

Friedberg (E.), Le pouvoir et la règle, 1993.

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92

de John Child [1972]. Dans leur article sur la trame causale de l’environnement, Frederick

Emery et Eric Trist [1965] mettent ainsi en valeur l’existence de réactions d’acteurs dans

certains types d’environnement qui permet de contraster cette critique.

1.2.2. … À l’organisation de la riposte

Jay Galbraith [1977] entrevoit ainsi la possibilité de nuancer l’argument mécaniste et

déterministe qu’opposent les tenants du courant néo-contingent par la mise en œuvre de

parades pour faire échec aux aléas de l’environnement. Ces parades constituant autant de

choix stratégiques et de possibilités de négociations avec certains acteurs de l’environnement

(politiques, entreprises, etc.). À cela, John Child [1972], ajoute que plus que l’environnement,

c’est la stratégie de l’entreprise, c’est-à-dire les choix opérés par les dirigeants ou coalition

dominante qui façonnent la structure.

Mais c’est véritablement Karl Weick61

qui le premier va permettre de répondre à cette

absence de médiations des acteurs entre l’environnement et l’entreprise, qui sera plus tard

reprise par John Child [1972]. Il montre à cet effet que la conception de l’organisation n’est

plus la résultante d’une vision objective, impersonnelle et univoque, mais bien le fruit d’une

interprétation, c’est-à-dire le fruit d’une vision subjective d’une réalité ambiguë et équivoque :

l’environnement interprété par les acteurs. Dès lors, parler d’absence de médiation des acteurs

c’est faire preuve d’ostracisme.

Pour lui, les dirigeants d’entreprise ou coalition dominante interprètent les signaux émis par

l’environnement sur la base de leurs systèmes de valeurs (préférences, connaissances,

expériences personnelles, etc.). C’est cette interprétation qui va conduire à une vision de l’état

de l’environnement non ambiguë et non équivoque (enacted environment). En interaction

avec cet état, une organisation sera définie pour faire face à cette incertitude. On voit bien par

cette analyse que le fait de considérer la prééminence des déterminants structurels et

technologiques, n’occulte en rien celle des autres acteurs de l’organisation. C’est plutôt un

61

Weick (K.E.), The Social Psychology of Organizing, Reading Mass/ Addison Wesley, 1969.

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93

choix de perspective, qui fait que l’accent n’est pas ici prioritairement porté aux processus

cognitifs auxquels font appel les individus pour réduire l’incertitude de leur environnement.

Ce qui va dans le sens de la thèse de Robert Duncan62

, qui à la suite de Karl Weick va

reprendre le concept d’incertitude abordé dans les approches de Lawrence et Lorsch [1969] et

de Galbraith [1977], en le redéfinissant en termes de perception des membres de

l’organisation. Il établit ainsi que « l’incertitude et le degré de complexité et de dynamisme de

l’environnement ne devraient pas être considérés comme des traits constants dans une

organisation. Ils dépendent plutôt de la perception des membres de l’organisation et ainsi

varient dans leur incidence suivant le degré auquel les individus diffèrent dans leurs

perceptions »63

.

Raymond Miles et Charles Snow64

qui s’appuient à la fois sur les travaux de John Child

(approche des choix stratégiques et coalition dominante) et de Karl Weick (environnement

décrété) vont quant à eux élaborer une typologie d’adaptations organisationnelles liées à des

orientations stratégiques déterminées. Ils mettent ainsi en valeur le processus d’adaptation

organisationnel résultant de l’appréciation des managers, à partir de choix stratégiques

imposés par la situation de leur environnement.

Raymond Miles et Charles Snow [1978] veulent ainsi montrer que le processus d’adaptation

organisationnelle n’est ni un phénomène incontrôlé, ni un processus impliquant un choix

parfaitement rationnel. C’est plus qu’un processus mécaniste, puisqu’il requière la

confrontation d’un ensemble de décisions managériales prenant corps et consistance dans le

temps. Il conduit à la formation d’une image organisationnelle basée sur une cohérence

globale entre environnement réel et environnement perçu pour asseoir la stratégie et la

performance de l’entreprise.

62

Duncan (R.), “Characteristics of Organizational Environments and Perceived Environment Uncertainty”,

Administrative Science Quaterly 17, 1972, p.313-327.

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94

La nuance apportée à la critique mécaniste des déterminants structurels, technologiques et

économiques, permet d’établir par ce biais une théorie de la contingence basée sur la

perception des décideurs. De cette perception, naîtra une configuration structurelle de

l’organisation (conception défensive ou proactive) qui va induire une vision de

l’environnement et de l’organisation pouvant être considérée comme une forme de culture

organisationnelle avant la lettre.

De cette perception/interprétation de l’état de l’environnement découle la formulation d’un

type de stratégies qui vont déterminer la structure organisationnelle la mieux adaptée. Par voie

de conséquence, ces choix sont révélateurs du type de management à l’œuvre dans une

organisation, et pointent vers la problématique du changement organisationnel, comme nous

le verrons chez Roger Tsafack Nanfosso dans son « Essai de clarification du concept de

flexibilité offensive » [1996].

1.3. Perspectives issues de l’analyse des préceptes de la pensée contingente

En somme, les théories issues des approches contingente et structurelle mettent l’accent sur

les relations entre la stratégie, l’environnement et la structure organisationnelle, relevant de la

perception et des valeurs des individus. Cette perception relève d’une construction de

l’environnement stratégique des entreprises basée sur l’intuition et les valeurs des dirigeants

d’entreprise. Elle met en relief une interface cognitive essentielle entre l’environnement et

l’organisation qui conditionne les processus mis en œuvre à cet effet. Car les individus

interprètent l’environnement à partir de leurs expériences et de leurs préférences pour édicter

des stratégies capables de soutenir et d’accompagner le changement organisationnel.

Cette interprétation est d’autant plus nécessaire que l’environnement est une réalité ambiguë

et équivoque qui modèle dans la durée l’organisation et ses dirigeants pour aboutir à un

63

Duncan (R.), op. cit. 64

Miles (R.E.), Snow (C.), Organizational Strategy, Structure and Process, New York, Mac Graw Hill, 1978.

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95

véritable paradigme organisationnel. Appliqué à notre problématique, il s’agirait de mettre en

relation le type de management, la performance globale de l’organisation en étude, et

l’implication des individus au travail. Notre projet étant, faut il le rappeler, de mettre au jour

les facteurs contingents susceptibles de miner le pilotage stratégique des firmes de notre

corpus, et par conséquent, leur management stratégique.

La pensée néo-contingente rompt ainsi avec la critique déterministe et mécaniste d’adaptation

unilatérale à l’environnement par l’absence d’acteurs, en apportant une infinité de logiques à

faire prévaloir dans le fonctionnement des organisations. À cela, il faut intégrer l’idée que la

structure des organisations quelles qu’elles soient, est en réalité bien plus complexe que ne le

laisse apparaître les éléments de théorie ébauchés çà et là. Il s’agit de se rapprocher de la

vision du réel que l’on cherche à décrire ou à construire, et nullement un moyen de déterminer

de façon catégorique le fonctionnement des organisations.

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96

Par son évolution épistémologique, la pensée contingente se rapproche de l’évolution des

courants de la pensée stratégique. Dans leur cheminement respectif, on voit ainsi se dégager

une vision mécaniste des rapports qui rythment la vie des organisations, qui est peu à peu

suppléée par une approche plus consensuelle. Cette dernière intègre à la détermination

mécaniste des phénomènes étudiés, une dynamique de phénomènes complexes relevant du jeu

des acteurs et de leur implication dans la dynamique d’entreprise.

Cela est d’autant mieux vérifié que l’organisation en tant que système est traversée par des

flux de toutes sortes. Les flux de communication informelle notamment, font l’objet de flux

parallèles aux circuits de communication réguliers qui contournent bien souvent les processus

de décision du système régulé [cf. les travaux de Crozier et Friedberg 2000]. Mais aussi

contradictoires que cela peut apparaître, ces liens sont nécessaires au bon fonctionnement de

la partie formelle de l’organisation et constituent le sociogramme65

, c’est-à-dire une carte

décrivant « qui communique avec qui » dans l’organisation indépendamment des circuits de

communication formels.

Dès lors, la conception classique de la structure organisationnelle prit une nouvelle

dimension. Jusque là, la pensée dominante consistait à assimiler la structure à un ensemble de

relations de travail prescrites et standardisées couplées à un système strict et fortement

hiérarchisé d’autorité formelle. De plus en plus, les rapports informels se retrouvent propulsés

au devant de la scène, et comptent tout autant que les considérations économiques, financières

et matérielles devant servir les actes de pilotage stratégique66

.

Cette manière d’aborder les dynamiques organisationnelles mises au jour par la sociologie des

organisations nous importe dans la mesure où, comme nous le laissions entendre dans les

prémisses de notre exposé, les entreprises, et plus particulièrement les entreprises africaines

sont traversées par des flux informels qui cohabitent avec les flux et systèmes formels, et

peuvent en perturber le fonctionnement. L’activité stratégique de ces entreprises peut donc

65

D’après la terminologie édictée par Annie Bartoli, op.cit., p.117. 66

À ce propos les travaux de François Pichault [1995] fournissent des perspectives intéressantes sur le poids de

la “politique” dans la conduite du changement et dans la gestion des entreprises de façon générale.

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97

être considérablement affectée par l’imputation de tels phénomènes. Ce qui nous amène

auparavant à nous pencher sur le concept majeur de stratégie et de son rôle dans le pilotage et

le management stratégique d’une organisation à partir des processus qui le constitue.

Section II : La stratégie : fondements et processus

Le contexte concurrentiel mondial et les avancées spectaculaires de la science appliquées aux

technologies de l’information et de la communication imposent de nouvelles exigences de

gestion aux organisations, et plus particulièrement aux entreprises. Ces dernières sont de

plain-pied happées par cette vague déferlante, et sont désormais condamnées à une remise en

question de leurs structures organisationnelles, aux fins de s’adapter à la complexité

croissante de leur environnement tant interne qu’externe.

Au regard de l’incertitude et de la complexité qui prévalent désormais, tendant à réduire

(voire à effacer) les frontières nationales au profit de réseaux planétaires de transactions

monétaires, d’échanges et de circulation de l’information, les entreprises soucieuses de leur

survie doivent intégrer à la poursuite de leurs objectifs une gestion stratégique de l’ensemble

de leurs ressources (informationnelles, organisationnelles, humaines, financières, etc.). Cette

gestion stratégique, en accord avec la définition qu’en donnent Patrick Joffre et Gérard

Koenig a pour objet « d’assurer la compétitivité et la sécurité de l’entreprise »67

.

Cette compétitivité et cette sécurité s’inscrivant pour nous sur un ensemble de démarches et

de processus plaçant la stratégie, ou plutôt les processus stratégiques au cœur de la

performance, et donc de la longévité des entreprises. D’où les interrogations suivantes qui

fondent ce type de démarches : « Quelle est la nature de l’entreprise, sa raison d’être ? Quel

rôle jouent les compétences dans la dynamique de la stratégie ? Comment les acteurs

fabriquent-ils la stratégie ? À quels processus cognitifs font-ils appel dans ce cas ? » [cf.

Hervé Laroche et Jean-Pierre Nioche, 1998, p.3].

67

Joffre (P.), Koenig (G.), Gestion stratégique. L’entreprise, ses partenaires-adversaires et leur univers, 1992, p.1.

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98

Ce qui fait dire à Emmanuel-Arnaud Pateyron [1998, La veille stratégique] que l’objectif

véritable de la stratégie d’une entreprise est de savoir anticiper l’avenir et de se doter des

moyens nécessaires pour y jouer un rôle actif (p.7). Les entreprises sont ainsi plongées dans

un environnement stratégique qui requière des revirements permanents. Tout comme Gary

Hamel et C.K. Prahalad [1995] l’ont dit, en fonction de ces paramètres, les stratégies des

entreprises peuvent s’identifier à ces trois étapes :

La perception de leur environnement stratégique (concurrents, partenaires, clients, etc.).

La perception des objectifs à atteindre, ainsi que le suivi de l’élaboration de plans d’actions à

mener à plus ou moins long terme. Il s’agit de donner une réalité à ce plan d’actions par la

mise en œuvre d’actions diverses ou ponctuelles, qu’il appartient aux entreprises de définir.

Une fois les mesures préventives et offensives cernées, il faut à présent maintenir ces

avantages vis-à-vis de la concurrence.

Dans l’ouvrage collectif qu’ils consacrent à l’évolution et aux processus de la pensée

stratégique, Mintzberg et al. [1999] apportent des réponses à ces interrogations en fixant les

cadres nécessaires à l’intégration de tels processus. La première utilité qu’ils donnent à la

stratégie consiste à fixer une orientation et des objectifs à atteindre ou à ne pas dépasser, parce

qu’elle favorise un certain degré de cohérence dans la coordination des actions. L’essentiel

étant bien entendu que ces orientations ne limitent pas la vision périphérique qui laisse

supposer des recadrages constants pour ne pas s’y laisser enfermer. De plus, elles donnent une

image de l’identité et de l’activité des entreprises à partir de leurs « compétences-métier . Tout

cela, en permettant de réduire l’incertitude environnementale, en maintenant un minimum de

cohérence et d’homogénéité entre les éléments clés du système dans leur ensemble.

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99

L’exploration de la portée de la stratégie nous montre que ce concept « organise » les logiques

d’actions des acteurs dans les organisations, qu’elles soient individuelles ou concertées. Mais

pour que ces actions rencontrent un réel succès, elles doivent reposer sur des processus

flexibles et sur une vigilance accrue de l’environnement. C’est pour cette raison que nous

allons dans un premier temps, tenter de nous réapproprier ce concept en remontant aux

sources de sa genèse. Puis, nous en évaluerons la portée au cœur de la dynamique stratégique

des entreprises.

2.1. Les fondements conceptuels : la genèse

D’origine grecque, le concept de stratégie s’applique d’abord au domaine militaire pour

désigner l’art de conduire les armées ou de commander en présence de l’ennemi. Plus

précisément, l’action du stratège consiste à planifier la destruction de ses ennemis par un

usage efficace des ressources [Desreumaux 1993, p.7].

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100

Si l’on considère cette définition générique, Sun Tzu et Clausewitch étaient des stratèges

avant la lettre comme nous l’avons déjà fait ressortir par ailleurs. En effet, leurs traités

respectifs servent encore de nos jours à la pratique d’un nouveau type de guerre : la guerre

économique qui se caractérise par l’usage de variables diverses (capacité d’innovation,

avancées technologiques, notamment dans les secteurs de l’information et de la

communication, réactivité, flexibilité, etc.) qui ont une incidence directe sur le style de

management, la compétitivité et les performances des entreprises. Cette idée transparaît

notamment dans les lignes suivantes :

« En tant qu’ensemble d’actions spécifiques devant permettre l’atteinte des buts et objectifs et

s’inscrivant dans le cadre des missions et politiques de l’entreprise, le cœur de la stratégie

comporte plusieurs composantes fondamentales relevant à la fois de l’étendue des activités et

des modes de déploiement des ressources de l’entreprise. Les inventaires varient d’un auteur à

l’autre, mais se recoupent largement autour de trois composants majeurs : le domaine ou le

portefeuille d’activités, le mode de développement de l’entreprise et l’agencement des

moyens ou des ressources »68

.

Ainsi, au cours d'une histoire très brève, la stratégie d'entreprise a-t-elle connu de profondes

évolutions de définition et de cadre théorique. En s'inspirant des stratégies militaires et des

principes de la guerre, la stratégie d'entreprise fût d'abord définie comme l'art de combattre

sur le champ de la concurrence. Dans ce contexte, elle visait à obtenir un avantage sur un ou

plusieurs concurrents par des manœuvres stratégiques : confrontation, partage, dissuasion ou

évitement du combat.

Il s'agissait alors essentiellement de stratégies de positionnement basées sur le choix du terrain

à occuper, celui des adversaires et des alliés, et du calendrier, d'une part. D’autre part, de

stratégies d'allocation de ressources reposant sur la nature et l’importance des ressources

allouées aux manœuvres stratégiques. Cette opération de conquêtes/allocation de ressources

nous montre bien qu’au cœur de tout dispositif stratégique se trouvent des processus : ce sont

68

Desreumaux (A.), Stratégie, 1993, p.33.

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101

eux qui déterminent le maillage du chaînon stratégique sur la base des objectifs fixés et du

domaine d’activités stratégique de l’entreprise [Desreumaux, 1993 ; Mintzberg, 1999].

Désormais, pour coller aux exigences d’un contexte concurrentiel plus mouvant et incertain,

la conception dominante de la stratégie concerne l'acquisition et la maîtrise de ressources et

compétences permettant aux entreprises de se différencier de leurs concurrents. De déployer

leurs activités, d'innover ou de disposer d'une flexibilité suffisante pour s'adapter aux

évolutions de l'environnement ou aux stratégies des concurrents. Dans un tel contexte, il

devient de plus en plus incertain de maintenir un positionnement viable à long terme, la

stabilité des entreprises résultant des mouvements stratégiques d'un positionnement à un autre.

Ce sont les ressources possédées, ou plus généralement les ressources mobilisables qui

permettent de se différencier par le biais de ce que l’on pourrait appeler un « espace

stratégique ». Ce sont donc ces ressources qui sont à l'origine des performances stables des

entreprises [Davenport et Marchand, 1999 ; Lorino et Tarondeau, 1998 ; 1999]. Ainsi, le

concept de stratégie accompagne-t-il divers attributs : la gestion, le management, l’activité,

etc.).

Ces acceptions se rejoignent cependant toutes sur un point : il s’agit de désigner un ensemble

d’actions coordonnées ou de manœuvres pour atteindre un objectif, quelque soit la nature et le

domaine d’activités. Cette adjonction de l’attribut « stratégique » à un certain nombre

d’activités fait que ce concept, tout comme celui de performance peut être qualifié de « mot-

valise » ou « mot-éponge », parce que tout ou presque relève du domaine stratégique.

Regrettant cette dilution du concept de stratégie à tout ou presque rien, les écrits de ces

auteurs convergent vers la définition d’un cadre conceptuel fondant la stratégie sur les

processus stratégiques.

Cette approche plus en adéquation avec le contexte de mouvance et d’incertitude qui prévaut

dans des environnements complexes permet aux entreprises de répondre aux aléas de leur

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102

environnement. En étant réactives et anticipatives par rapport à leurs concurrents, et en

adoptant une attitude proactive. Mintzberg et al. définissent ainsi le concept de processus

comme « un ensemble d’activités organisé en réseaux, de manière séquentielle ou parallèle,

combinant et mettant en œuvre de multiples ressources, des capacités et des compétences

pour produire un résultat ou output ayant de la valeur pour un client externe »69

.

69

Mintzberg (H.) et al., op. cit.,1999, p.11.

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En somme, c’est l’ensemble des moyens que se donne une entreprise pour faire face aux aléas

de son environnement. Cette approche insiste elle aussi sur l’importance des processus dans la

définition d’un axe stratégique. En tant que réponse au degré d’incertitude et de complexité de

l’environnement des entreprises, ces processus traduisent une volonté d’infléchir ou de

modifier ce dernier, grâce à la mobilisation de deux inputs : les ressources au sens

économique du terme, pouvant faire l’objet de transactions ; et les ressources-compétences,

réservoir de savoir-faire, de potentialités et d’innovations au service des entreprises.

Ces dernières étant définies comme « une aptitude à combiner des ressources pour mettre en

œuvre une activité ou un processus d’actions déterminées »70

. Ce que Hamel et Prahalad

[1995] nomment « core competence », c’est-à-dire le noyau des compétences centrales d’une

entreprise qui combine les résultats d’apprentissages collectifs, organisationnels et structurels

qui de surcroît la distingue des autres.

Les entreprises sont donc au premier chef soumises à l’adoption d’un « système stratégique »

viable, tel qu’il a été défini par Allaire et Firsirotu [1993], pour se donner les moyens de

maintenir et/ou de poursuivre les objectifs qu’elles se sont assignés. Dans notre

problématique, ce système stratégique est fortement lié à l’association des réseaux informels

qui agitent la vie des entreprises, notamment les réseaux sociaux, qui entament la dynamique

du management stratégique de ces entreprises.

Mais quoiqu’on en dise et quelles que soient les définitions retenues, la nature et le domaine

d’application, la stratégie se rapporte à l’utilisation de moyens, d’actions coordonnées ou de

manœuvres pour atteindre un objectif [Martinet 1983, 2000 ; Desreumaux, 1993 ; Mintzberg,

1999]. Alain Desreumaux va même plus loin en disant « qu’une entreprise sans stratégie est

analogue à un individu sans personnalité », c’est-à-dire une organisation sans buts internes ni

externes et sans véritable organe de direction. Ce qui importe donc dans l’élaboration de

stratégies, ce n’est pas tant de résoudre un problème que de structurer une situation de façon à

rendre les problèmes émergents solubles [Desreumaux, p.15].

70

Mintzberg (H.) et al., op. cit.,1999 p.12.

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Dans ce cas précis, la véritable stratégie à opérer dans les entreprises africaines de manière

générale, serait de mettre en place un système stratégique qui permette de combiner au

système de valeurs et de référence des individus de ces organisations, l’instauration d’un

cadre d’actions bénéfiques à la poursuite des intérêts de la collectivité. Autrement dit, de

réconcilier tradition et modernité dans le cadre de politiques managériales en phase avec leur

contexte d’action. Préoccupations dont les travaux d’Émile-Michel Hernandez rendent

parfaitement compte.

On l’a vu, la stratégie n’est nullement un élément isolé. Son efficacité procède au contraire de

l’interaction de variables diverses. C’est pour faire valoir cet éclectisme que Pierre Tabatoni

et Pierre Jarniou concevaient déjà la stratégie comme « un choix de critères de décisions dites

stratégiques parce qu’elles visent à orienter de façon déterminante et pour le long terme, les

activités et structures de l’organisation »71

.

Autrement dit, ce sont les dirigeants d’entreprise, puisque ce sont eux qui en ont la charge qui

déterminent l’avenir stratégique de leur organisation, pour peu qu’ils en assument les

tensions, les paradoxes et les spécificités, qui rendraient autrement l’atmosphère bien terne au

sein de leur structure organisationnelle. D’ailleurs, depuis le début des années quatre-vingt-

dix, on assiste au déclin des approches dites concurrentielles issues de l’économie industrielle

dont Michael Porter était le porte-drapeau, au profit d’approches par les ressources plus

consensuelles. Ce type d’approches, en adéquation avec l’évolution de la pensée stratégique

tend à substituer à une approche par le contenu, des approches par les processus plus éclatées

et intégratives.

Elles regroupent pêle-mêle les courants de la sociologie, des sciences politiques, de la

psychologie ou de l’anthropologie, conférant au concept de stratégie un statut

épistémologique autonome nourri de ces diverses influences [cf. Desreumaux 1993 ; Joffre et

Koenig 1992 ; Martinet 2000 ; Mintzberg et al. 1999], qui articulent tout à la fois formulation

et mise en œuvre, contenu et processus, délibéré et émergent. L’approche évolutionnaire par

71

Tabatoni (P.), Jarniou (P.), Les systèmes de gestion. Politiques et structures, 1975.

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106

les processus ou dépendance de sentier (path dependancy se base ainsi sur l’idée que les

caractéristiques des processus ont un impact indéniable sur les performances. Ce dont nous

allons présentement discuter à travers la mise en œuvre de la stratégie, ou plutôt des processus

stratégiques à partir de différentes variables.

2.1.1. La stratégie : élément déterminant de la compétitivité dans les actes de

management stratégique

Parlant de la stratégie, Philippe de Woot préfaçant l’ouvrage de Marc Ingham [1995] établit

un parallèle entre stratégie et organisation pour montrer la corrélation que l’on peut établir

entre ces deux variables. Il fait ainsi remarquer que la stratégie renvoie à une certaine idée de

mouvement, d’initiative, et d’innovations nécessaires pour être réactif, tandis que

l’organisation suggère davantage une certaine stabilité, un ordre, des rôles clairement définis

et une permanence suffisante des structures, des comportements, des relations sans que cela

n’entraîne d’immobilisme.

Cette perspective marque la concomitance de deux principes au cœur de l’existence de toute

organisation : les principes d’entropie et de neg-entropie qui opposent à une logique

dynamique (la stratégie), une logique de stabilité (l’organisation). C’est la coexistence de ces

deux phénomènes qui instaure une dynamique positive ou négative au sein des entreprises,

notamment au niveau de leur pilotage et de leur management stratégique. La stratégie peut

ainsi contribuer à la compétitivité des entreprises, et à l’amélioration des performances

économiques pour peu que la logique dynamique et la logique de stabilité fassent « bon

ménage ».

2.1.1.1. La compétitivité « ex-post »

Ainsi, le concept de compétitivité si souvent employé en matière de gestion et de management

stratégique fait dans sa globalité référence à la capacité pour une entreprise d’offrir le meilleur

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rapport qualité/prix et de services en contrepartie de la rentabilité qu’elle pourrait en attendre,

par rapport aux pratiques des concurrents en termes de productivité, d’investissements, de

marge bénéficiaire à long terme. Plus généralement, la compétitivité est liée aux objectifs

stratégiques et managériaux et fait directement référence aux notions d’efficacité et

d’efficience. Cette compétitivité se situe au niveau macroéconomique et fait référence aux

indicateurs et agrégats de cette échelle. Elle renvoie directement aux résultats obtenus sur le

terrain, par exemple en termes de positionnement stratégique et de compétitivité.

2.1.1.2. La compétitivité « ex-ante »

Elle renvoie aux sources de compétitivité et d’avantages compétitifs internes liés notamment à

la structure et aux membres de l’organisation. Par exemple, la compétitivité de type

microéconomique permet de situer une entreprise à un moment donné de son évolution ; ce

par rapport aux compétences distinctives acquises [cf. Ingham, 1995, p.2]. Ces deux sources

de compétitivité renvoient à deux perspectives. La première, la compétitivité statique consiste

à considérer la position sur le marché à un moment donné. La seconde, la compétitivité

dynamique s’appuie sur la capacité de maintenir durablement cet avantage sur la base de

procédés et de procédures dont elle dépend. Le schéma suivant rend compte de ce

bicéphalisme de la notion de compétitivité.

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108

Figure 6 : Schéma de la compétitivité. D'après Marc Ingham. Management stratégique et

compétitivité, 1995, p. 3.

D’après cette figure, on voit clairement se dessiner les facteurs clés de succès influençant la

compétitivité des entreprises. À la prise en compte des facteurs internes directement issus des

choix stratégiques opérés par les dirigeants d’entreprise, viennent se greffer des facteurs

externes relevants de l’état de l’environnement des entreprises à un moment donné. Ces deux

sources de compétitivité leur permettent ainsi d’obtenir des positions et des avantages

concurrentiels qui se traduisent en termes de performances sur le schéma au niveau de la

compétitivité « ex post ». Différents systèmes ont ainsi été élaborés pour montrer comment la

stratégie détermine la compétitivité d’une entreprise, comme illustré à travers les exemples

suivants.

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109

2.1.2. Plate-forme et système stratégiques

2.1.2.1. La plate-forme stratégique

Avec sa « plate-forme stratégique », Gilbert Milan72

préconise la mise en place d’un système

permettant aux entreprises de se prémunir contre la croissance d’instabilité de leur

environnement face à deux phénomènes : l’érosion des segments produits-marché

traditionnels et l’adoption de stratégies de positions. Cette plate-forme stratégique devant

servir les actions menées au sein des entreprises, à partir de la définition de leurs activités et

de leur champ concurrentiel, se décline pour l’auteur comme « l’ensemble des compétences-

métier et des capacités organisationnelles dont la combinaison assure la compétitivité de

l’entreprise et sur laquelle prennent appui les différentes activités de son portefeuille

d’activités »73

.

Pour les entreprises de notre corpus, la combinaison des compétences-métier et des capacités

organisationnelles doivent s’intégrer à un axe stratégique où les représentations sociales des

individus ne doivent pas être minorées, car ce sont elles qui motivent ou immotivent en partie

les performances globales de l’organisation. C’est notamment le constat effectué par Nabil

Rifai74

à travers l’examen de différents types d’organisation, où il montre que celles-ci sont

des structures construites à partir de liens sociaux et affectifs qui touchent directement leurs

performances. Face à ce constat, il tire les conclusions suivantes :

1- L’analyse d’une organisation montre que celle-ci est traversée par des conflits conscients

et inconscients dont les causes et les enjeux sont à la fois d’ordre psychique, sociologique,

économique, culturel, idéologique.

72

Milan (G.), “La plate-forme stratégique dans un environnement instable”, Revue française de gestion, 1991, p.57-60. 73

Milan (G.), idem., p.57. 74

Rifai (N.), L’Analyse des organisations. Démarches et outils sociologiques et psychologiques d’intervention,

1996.

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2- Les structures n’existent pas en soi dans le vide, elles sont toujours habitées, façonnées par

des hommes qui dans leur action les font vivre, les modèlent et leur donnent signification.

3- Les personnes investissent fortement une organisation et se fusionnent en elle lorsqu’il y a

une congruence avec leurs aspirations et leur personnalité. Autrement dit, il existerait une

certaine correspondance entre l’organisation et les désirs, la psyché et les pulsions de la

personne.

4- Les stéréotypes ou « cartes cognitives » des individus influencent les relations inter-

individuelles et les rapports de travail au sein des organisations (p.24-30).

Cette plate-forme, pour être efficiente doit ainsi retenir l’adhésion de l’ensemble des

composantes de l’organisation autour du projet d’entreprise, et être sous-tendue par des

compétences-métier solidement ancrées. Ces dernières correspondent « aux expertises

qu’elles [les entreprises] ont pu développer dans leurs différentes activités. Elles représentent

un atout majeur pour exploiter des opportunités de croissance dans un environnement

concurrentiel rendu instable par la globalisation de la concurrence, l’accélération des cycles

de vie des produits, l’érosion des segments produits-marché »75

.

L’instauration d’une telle plate-forme correspond davantage à une phase de premier niveau

dans l’élaboration de processus stratégiques, puisqu’elle repose sur l’adoption de stratégies de

positionnement. Pour des entreprises évoluant dans des secteurs d’activité à forte complexité,

il n’est pas vraiment adapté, dans la mesure où il n’intègre pas suffisamment la mobilisation

des ressources-compétences, comme dans le modèle de Marc Ingham76

.

75

Milan (G.), op.cit., p.59. 76

Cf.. supra, p.94.

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111

Cependant, il peut bien s’appliquer au contexte d’action des entreprises en étude, parce que

globalement, elles évoluent dans un environnement plus ou moins stable, se limitant

davantage à l’adoption de stratégies de positionnement. Bien sûr les évolutions de leur

environnement peuvent les amener à opérer des changements, mais cela reste ponctuel.

L’adoption de stratégies défensives, plutôt que proactives est davantage en phase avec la

nature de leur environnement local.

2.1.1.3. Le système stratégique

Abordant la question à leur manière, Yvan Allaire et Mihaela Firsirotu [1993] parlent du

« système stratégique » comme système référentiel du positionnement stratégique des

entreprises et du réseau dynamique d’interrelations et d’échanges récurrents entre ses

différentes composantes. Ainsi, ce système s’apparente-t-il grosso modo, au système

(d’action) stratégique d’une entreprise. Ce système représenté à travers la figure ci-après

répond davantage que le précédent à la réalité du contexte concurrentiel des entreprises

gabonaises. Mais avant de justifier ce choix, nous allons d’abord présenter ce modèle qu’il

faut rapprocher de celui de la figure 2.

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112

Figure 7 : Cadre d'analyse et de conception du système stratégique d’une entreprise. D'après

Allaire et Firsirotu, op.cit., 1993, p.17.

Ce que l’on voit, d’après ce schéma, c’est que la performance économique d’une entreprise

s’articule autour de deux aspects : la gestion des risques et de l’incertitude, couplée à celle de

l’organisation au plan structurel et socio-psychologique. Seulement, pour atteindre ce niveau

d’efficacité et de performances, le système stratégique de l’entreprise doit veiller à

l’adéquation de son champ stratégique, par la cohérence des actes ressortant du triptyque offre

de produits/services, gestion des compétences-ressources et positionnement sur le marché.

Au niveau de la gestion des ressources humaines par exemple, l’usage stratégique de la

gestion des personnels au plan du recrutement et du niveau de qualification concernant leur

affectation pertinente est un élément clé du système stratégique dans une entreprise. Cette

intégration stratégique des ressources humaines dans les actes de pilotage stratégique

d’entreprise concerne d’une part la formulation de la stratégie au niveau des objectifs

généraux à atteindre, et d’autre part, le contexte d’action dans lequel la stratégie de

l’entreprise est édictée, notamment au niveau de la cohérence entre la gestion du personnel et

la prise en compte de la situation financière de l’entreprise.

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113

Nous nous étendrons plus largement sur cet aspect concernant la transformation de la fonction

ressources humaines dans le plan d’action stratégique des entreprises. Au regard des

entreprises publiques et parapubliques gabonaises, c’est visiblement l’un des points

d’achoppement de la politique générale d’entreprise. Ce n’est pas tant la qualité du niveau de

formation des managers qui fait défaut, mais plutôt une convergence problématique entre les

potentialités de ces entreprises et leurs effectifs pléthoriques.

La gestion des ressources humaines, compte donc tout autant que celle des ressources

financières ou informationnelles. Elle suppose une cohérence entre la gestion du personnel et

les mesures stratégiques arrêtées au niveau global par le sommet stratégique d’une part. Une

cohérence entre les différents départements pour qu’il y ait une correspondance entre la

gestion des ressources humaines et la politique générale d’entreprise, insufflée par les

conditions du marché d’autre part. La figure ci-après rend compte de cette synergie.

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114

Figure 8 : Lien entre GRH et compétitivité. D'après Marc Ingham. Management stratégique

et compétitivité, 1995, p.375.

Le moins que l’on puisse dire, c’est que l’élaboration de stratégies repose sur des processus

complexes et interactifs qui influencent à terme les performances des organisations. Par le

biais du rôle de la stratégie dans les actes de pilotage stratégique et de la gestion des

ressources humaines, nous avons quelque peu délimité ses champs d’intervention

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115

pragmatique. Concernant les entreprises de notre corpus, cela ne fait que renforcer davantage

pour nous la nécessité d’allier aux contraintes de l’action organisée, les vicissitudes des

réalités du terrain au niveau des actes de pilotage et de management stratégiques.

Ces deux exemples de mise en œuvre de processus stratégiques marquent le caractère

systémique de l’élaboration de stratégies. Ils vont tous deux dans le sens d’une pratique du

management stratégique en tant que processus et moyen d’actions de l’entreprise sur son

environnement. À ce propos, la maîtrise de la ressource information dans les actes de

management stratégique constitue un moyen supplémentaire et un atout indéniable pour

asseoir la compétitivité et la sécurité d’une entreprise à long terme.

Cette recherche d’adaptations s’accompagne en général d’une vision nouvelle de

l’organisation des entreprises basée sur la constitution de réseaux (internes et externes), et de

processus transversaux77

, qui obligent les entreprises à chercher davantage de flexibilité. Ceci

pour assurer leur développement et leur pérennité à long terme. Aspect que nous développons

à présent par l’intermédiaire de la mise en œuvre concrète des processus stratégiques.

2.2. Les processus stratégiques

Pour Philippe Lorino et Jean-Claude Tarondeau78

, on ne peut parler de stratégie que si l’on

tient compte des processus qui la sous-tendent. Pour asseoir cette corrélation, ils remontent

aux confins des origines de la stratégie qui puise ses racines dans le champ militaire, en

ressortant trois principes fondamentaux édictés par Foch :

77

“Il y a développement de la transversalité dans l’organisation lorsque la stratégie de l’entreprise est mise en

œuvre par des unités horizontales d’organisation appelées processus plutôt que par des unités verticales, qu’il

s’agisse de fonctions, de divisions ou de départements. Verticalité et horizontalité n’étant dans le contexte des

organisations que relatives, nous dirons qu’un processus est transversal en ce sens qu’il “traverse” (ou fait appel

à plusieurs entités verticales”. D’après J.-C. Tarondeau et R.W. Wright, “La transversalité dans les

organisations ou le contrôle par les processus”, Revue française de gestion, juin-juil.-août 1995, p. 112. 78

Lorino (P.), Tarondeau (J.-C.), “De la stratégie aux processus stratégiques”, Revue française de gestion, janv.-

fév. 1998, p. 5-17.

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116

« La concentration des forces consistant à attaquer le point faible de l’adversaire en

mobilisant des forces de telle sorte que la victoire soit assurée ;

L’économie des moyens qui consiste à n’exposer dans l’action que les ressources nécessaires

et suffisantes pour atteindre les objectifs fixés ;

Le principe de mobilité qui a pour but de préserver la liberté d’action, c’est-à-dire le choix du

lieu, du moment et de l’opportunité de combattre » 79

.

Ces trois principes correspondant à ce que l’on pourrait appeler un stade 1 de la stratégie ; Ils

sont calqués sur les préceptes militaires et consistent pour l’essentiel en des stratégies de

positionnement (choix du terrain, des alliés, des adversaires,…) et d’allocation de ressources à

mobiliser pour permettre à l’entreprise de se démarquer de ses concurrents. On peut d’ailleurs

établir des parallèles avec les préceptes de Sun Tzu dont nous avons déjà fait état

antérieurement.

La conception de stratégies s’assimile aisément à l’acquisition et à la maîtrise de ressources et

compétences permettant aux entreprises de se différencier de leurs concurrents. De déployer

leurs activités, d’innover ou de disposer d’une flexibilité suffisante pour s’adapter aux

évolutions de l’environnement. La cohérence et la pertinence des différents processus à

l’œuvre dans les organisations sont au cœur de leur réussite. Pour en témoigner, nous nous

penchons à présent sur la manière dont ces processus influencent le pilotage ou le

management stratégique au sein des entreprises.

2.2.1. Processus stratégiques et organisation

79

Idem., p.5.

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117

Dans les définitions de la stratégie auxquelles nous avons précédemment fait état, il est fait

référence aux processus qui permettent d’assurer les options stratégiques de manière

récurrente. Ces derniers sont donc aux principes de l’élaboration de stratégies. C’est pourquoi,

dans un article consacré à l’impact et au rôle des démarches stratégiques par rapport à la

prévisibilité des événements et des stratégies à venir, Michel Villette80

se penche sur leur

importance, notamment parce qu’elles permettent aux dirigeants d’affiner leurs stratégies en

cas de besoin.

Cette réflexion le conduit à assimiler ces démarches à des rituels à manifestations variables.

Elles agissent au même titre que les rituels observables dans les sociétés dont les

anthropologues et les sociologues rendent compte dans leurs travaux. Par analogie à ces

rituels, l’auteur assigne un rôle structurant aux démarches stratégiques, car elles semblent en

apparence désuètes, mais pertinentes après-coup sur le long terme.

Ce rôle est conforté par les éléments de définitions de la stratégie qui peuvent être ramenés à

une intention : ce qu’il va falloir faire, et à une trajectoire : le chemin qui a été effectivement

suivi. En somme, ce qu’il faut retenir, c’est que les processus stratégiques répondent à une

démarche de formulation rituelle à l’issue de laquelle les dirigeants d’entreprise disent ce que

pourra être le devenir de leur entreprise concernant l’atteinte des objectifs. Que par ailleurs

dans ces démarches interviennent nombre de procédés et de processus flexibles qui permettent

de réactualiser ou de changer de stratégies de façon radicale.

Dans son approche de la dynamique stratégique des entreprises en environnement complexe,

Marie-José Avenier81

lie l’adoption de stratégies à deux phénomènes interdépendants : le

compliqué et la complexité. Ainsi nous dit-elle, on qualifie de compliqué, « une situation

perçue comme comportant de multiples paramètres imbriqués, qu’il est néanmoins possible

de démêler, de comprendre, avec le temps et de l’expertise » (p.15). L’acquisition d’une

80

Villette (M.), Sociologie du conseil en management, 2003. 81

Avenier (M.-J.), « La complexité appelle une stratégie chemin faisant », Gestion 2000, 1999, p.13-33.

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118

technique par exemple peut demander du temps et de l’expertise, tandis que la compréhension

d’un phénomène social nécessite bien plus que du temps et de l’expertise.

On qualifiera donc de complexe, « un phénomène dont les représentations sont perçues

inéluctables à un modèle fini, aussi compliqué, sophistiqué que soit ce modèle, quelle que soit

sa taille, le nombre de ses composants, l’intensité de leurs interactions » (p.15). La notion de

complexité induit par conséquent celle d’imprévisibilité et d’émergence de variables

opportunes à la compréhension et à l’analyse du phénomène étudié.

Par analogie au contexte d’action de notre étude, cette distinction manifeste bien la

complexité régnant dans les entreprises africaines où la survivance et la prééminence des

structures sociales pèsent particulièrement dans la gestion quotidienne. D’où la difficulté de

faire prospérer des théories managériales, ou de faire appliquer des programmes d’ajustement

structurel. D’ailleurs, Daniel Etounga Manguele82

s’est demandé à juste titre dans son ouvrage

si ce n’est pas plutôt d’un programme d’ajustement culturel dont les entreprises africaines

auraient besoin plutôt que de programmes d’ajustement structurels.

2.2.2. Impact de la flexibilité sur les processus stratégiques

Le concept de flexibilité est un concept multiforme apparu au cours de ces vingt dernières

années pour satisfaire aux exigences imposées par la mondialisation et les développements

rapides d’une société informationnelle, constituée en réseaux multidimensionnels. Plus

simplement, il répond aux exigences d’un environnement de plus en plus complexe

nécessitant des réadaptations constantes au regard des stratégies déployées par la concurrence.

82

Etounga Manguele (D.), L’Afrique a-t-elle besoin d’un programme d’ajustement culturel ?, 1991.

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119

D’ailleurs, les développements du concept décrivent cette complexité, si l’on en croit les

différentes recherches s’y rapportant, et qui toutes esquissent autant de voies pour y répondre

favorablement. Comme nous l’avons vu à travers l’illustration de processus stratégiques83

.

Aucun de ces systèmes ne peut être viable sans un minimum de cohérence et d’adéquation

entre les paramètres de conception des tâches, les composantes de l’organisation, et tout

naturellement l’environnement externe. Ce qui demande des ajustements rendus possibles par

un minimum de flexibilité entre la prise en compte des aspects psycho-sociologiques et

structurels de l’organisation, d’une part. Et d’autre part, par l’objectivation des plans d’actions

stratégiques entre les différentes variables du système.

2.3. Approches et formes de la flexibilité84

Nous allons ici examiner différentes manifestations du concept de flexibilité à travers des

points de vue, mais aussi des modèles organisationnels.

2.3.1. Quelques approches du concept

Comme nous l’avons dit plus haut, la flexibilité est un concept multiforme donnant lieu à des

approches aussi riches que diverses dans le champ des études relatives au management

stratégique des organisations. De façon générale, le concept désigne l’aptitude d’un système à

se transformer pour améliorer son insertion dans l’environnement pour qu’il puisse accroître

sa probabilité de survie. Autrement dit, c’est savoir faire montre de réactivité [Kalika, 1991 ;

Tarondeau, 1999].

Robert Reix85

complète cette définition de la flexibilité comme moyen d’atteindre les

objectifs poursuivis par l’entreprise, en l’assimilant à un instrument d’apprentissage des

83

Cf. les approches de Gilbert Milan [1991] et de Yvan Allaire et de Mihaela Firsirotu [1993].

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120

organisations leur permettant de répondre aux exigences nouvelles de leur environnement.

Pour lui, elle s’apparente à une valeur d’options pour les entreprises, surtout pour celles qui

évoluent dans un environnement à forte incertitude, car elle leur permet d’optimiser leurs

marges de manœuvre et de réactivité. Bref, elle traduit une aptitude de l’entreprise à répondre

aux modifications de l’environnement, ce que Jean-Claude Tarondeau traduit en ces termes :

« La flexibilité d’un système placé dans un environnement incertain se définit et se mesure

d’une part par le nombre des états qu’il est susceptible de prendre de façon à atteindre les

finalités qui lui sont prescrites, et d’autre part par le coût et le temps consommés lors des

changements d’états »86

.

Cette acception introduit le critère de réactivité et lie la flexibilité à trois variables : une

variable d’étendue, mesurant le champ des possibilités qui s’offrent aux entreprises sur la

mise en place de stratégies à long terme ; et deux variables mesurant les coûts et les délais de

changement. La valeur d’options attribuée par Robert Reix à la flexibilité se matérialise

surtout en situation d’incertitude. L’entreprise pour y faire face pouvant mettre en œuvre

divers types de flexibilité axés au plan qualitatif (sur le niveau et l’étendue des qualifications

des employés, ainsi que leur degré d’autonomie dans l’organisation) ou quantitatif (en jouant

sur les variations du nombre d’employés, leurs horaires et leurs rémunérations).

Dans son essai de clarification du concept de flexibilité, l’appréciation qu’en donne Roger

Tsafack Nanfosso87

va dans le même sens, puisqu’il pose quatre préalables indispensables à la

saisie du concept et à sa mise en œuvre. Ces propositions sont les suivantes :

84

D’après un article de J.-C. Tarondeau, Revue française de gestion, mars-avril 1999, p.66-70. 85

Reix (R.), « Technologies de l’information et stratégies de partenariat ». Papier de recherche, 1984. 86

Tarondeau (J.-C.), “Approches et formes de la flexibilité », Revue française de gestion, 1999, p.66. 87

Tsafack Nanfosso (R.), “La flexibilité offensive de l’entreprise: essai de clarification théorique”, Gestion

2000, 1996, p. 45-64.

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121

La politique de flexibilité écarte les entreprises qui font preuve de « souplesse totale » (c’est-

à-dire les entreprises qui changent complètement la nature de leur activité principale) et

peuvent donc difficilement maintenir des objectifs préalablement fixés.

La flexibilité est une aptitude à l’adaptation. Cela signifie que l’environnement se modifie

d’abord, et ce n’est qu’ensuite que l’on actionne les leviers qui commandent la flexibilité.

La globalisation se matérialise par un contexte concurrentiel de type monopolistique

consacrant la différenciation des produits.

La flexibilité n’est pas seulement un moyen de surmonter des crises, elle peut également

être une réaction offensive.

Le management stratégique, et plus singulièrement celui des firmes gabonaises de notre étude

comporte des spécificités et des contraintes qui influencent peu ou prou leur gestion au

quotidien. Ces particularités, pour ne pas dire ces particularismes doivent, de même que la

flexibilité bénéficier d’ajustements, selon les situations, et de cadres de référenciation

susceptibles d’être assimilés par l’organisation dans son ensemble pour ne pas affecter son

pilotage stratégique.

C’est dans cet esprit que ces propositions ont été élaborées, notamment sous le contrôle des

thèses issues des travaux d’Igor Ansoff [1989] et de Robert Boyer [1986] en fournissant à

l’auteur le cadre conceptuel et méthodologique à partir duquel il va élaborer sa vision du

concept de « flexibilité offensive ». Robert Boyer en tant que principal fondateur de la théorie

de la régulation, apparue au milieu des années soixante-dix, part de l'analyse du capitalisme

pour poser une question centrale : celle de la variabilité dans le temps et l'espace des

dynamiques économiques et sociales.

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122

Cette caractéristique le conduit à une critique radicale des théories néoclassiques qui postulent

le caractère autorégulateur des économies de marché. Allant à l’encontre de ce postulat, il

établit ainsi que l'étude de la régulation du capitalisme ne peut pas être uniquement fondée sur

la recherche de lois économiques pures et abstraites. Il s'agit également pour lui d'étudier la

transformation des rapports sociaux créant des formes nouvelles à la fois économiques et non

économiques. Des formes organisées en structures, et reproduisant une structure déterminante

agissant sur le mode de production.

Tirant parti de cette argumentation, Roger Tsafack-Nanfosso montre que la « flexibilité

offensive » se réalise plus fréquemment dans des environnements turbulents, et non plus

seulement comme pour la flexibilité défensive et/ou adaptative pour répondre aux

modifications de l’environnement, en assurant le maintien des objectifs et en évitant des

catastrophes. Cette définition générale du cadre conceptuel et du champ d’application de la

flexibilité offensive implique une transformation radicale de l’organisation, de sa vision de

l’innovation et de sa culture organisationnelle, par ce que Roger Tsafack-Nanfosso appelle

l’esprit « flex-offensif ». Cet esprit reflétant pour lui …

… « un système de valeurs qui devient progressivement système de croyances. Il désigne en effet le

ciment psychologique qui découle de l’intégration d’un ensemble de valeurs fondamentales formées

par ce que défend l’entreprise en tous lieux et en tous temps, et qui donne le plus de fierté à chacun

dans l’organisation […]. L’esprit « flex-offensif » traduit ainsi une certaine apologie de

comportements non conformistes mais efficaces » 88

.

En somme, la flexibilité offensive correspond à une vision dynamique et active des mutations

de l’environnement des entreprises, et non plus seulement à une vision spectatrice, comme

dans le cas de la flexibilité défensive. Le tableau suivant résume ces deux conceptions du

phénomène.

88

Tsafack Nanfosso (R.), “La flexibilité offensive de l’entreprise: essai de clarification théorique”, Gestion

2000, 1996, p.53.

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Tableau 3 : Flexibilité défensive versus flexibilité offensive. D'après R. Tsafack Nanfosso,

“La flexibilité offensive de l’entreprise: essai de clarification théorique”, p.51.

Quoi que très instructive et riche d’enseignements, la clarification du concept de « flexibilité

offensive » émise par Roger Tsafack Nanfosso, comme il le démontre aisément par le cas de

Microsoft, acquière tout son sens et sa pertinence pour des entreprises situées en position de

leadership, et possédant des ressources matérielles, financières, technologiques et humaines

conséquentes. Elle serait difficilement applicable à des entreprises de moindre échelle comme

celles que nous nous proposons d’étudier qui se situent davantage au niveau de la flexibilité

défensive. Par contre, l’esprit flex-offensif correspondant à un état d’esprit faisant l’apologie

de comportements individuels et organisationnels efficacas, est adaptable à tous types

d’entreprises.

Pour Christophe Éveraere89

, l’approche du phénomène de flexibilité cultivant également cette

variabilité, est analysée à partir de l’antinomie inhérente aux concepts de stratégie et de

flexibilité cultivent, du fait de leurs objectifs et de leur contexte d’action respectifs. La

stratégie a trait à la définition de choix et d’options qui définissent le devenir de l’entreprise,

89

Éveraere (C.), “Stratégie et flexibilité: des compromis possibles”, Gestion 2000, 1997, p. 60-79.

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124

tandis que la flexibilité se situe dans un contexte d’incertitudes qui implique une réactivité et

une capacité d'action immédiates.

Il faut cependant noter que cette antinomie se situe dans le cadre d’une acception de la

stratégie associée à l’idée de planification stratégique, telle que développée par Henry

Mintzberg [1994, Grandeur et décadence de la planification stratégique] avec tout ce qu’elle

peut renfermer de rigidités. Dans un tel contexte, l’auteur privilégie une voie médiane, afin

d’éviter les distorsions entre la détermination de stratégies initialement faites, et celui plus

lointain et potentiellement différent du contexte dans lequel elles continuent de s’appliquer et

qui peut invalider la pertinence des choix faits initialement. Pour asseoir cette quasi

antinomie, il s’appuie sur une réflexion d’Henry Mintzberg où il tient les propos suivants :

« La stratégie est une force qui s’oppose au changement, un handicap, une camisole de force ;

la stratégie en tant que construit mental peut aveugler l’organisation et l’empêcher de se

percevoir dans son environnement. En bref, la stratégie est à l’entreprise ce que les œillères

sont au cheval »90

.

À travers cette citation ce n’est pas la stratégie que l’auteur remet en cause en tant que telle,

mais plutôt une définition de la stratégie s’opposant à l’adoption de stratégies émergentes.

C’est-à-dire une conception de stratégies délibérées, parce qu’elles opèrent difficilement des

recadrages, lorsque les objectifs poursuivis ne sont plus en phase avec le contexte

concurrentiel. Il envisage alors un compromis entre stratégie et flexibilité par le biais de ce

qu’il appelle une « stratégie flexible », cette dernière s’accomplissant dans le triptyque : choix

des activités de l’entreprise, innovation et choix technologique.

Ces choix allant dans le sens d’une évolution paradigmatique et environnementale marquant

le passage de la planification stratégique au management stratégique, tout comme la stratégie

cède le pas, ou mieux préconise la mise en place de processus flexibles. À ce propos, l’auteur

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125

s’appuie sur les travaux de Marie-José Avenier [1988] où elle montre l’évolution du concept

de stratégie d’abord appréhendé vers les années 1965-1970 comme un plan d’utilisation et

d’allocation de ressources ; qui dans les années 1970 a évolué vers un ensemble de règles

pour prendre des décisions stratégiques, pour être assimilée aujourd’hui à des stratégies de

niveau 3. C’est-à-dire à un potentiel de ressources permettant d’exercer un pilotage de

l’entreprise en phase avec l’incertitude croissante de l’environnement.

Le concept de stratégie flexible renvoie ainsi à un ensemble de processus prédisposant les

entreprises à rechercher les moyens d’une adaptation et d’une réactivité constantes, tout en

s’appuyant sur un socle organisationnel et structurel capable de répondre aux exigences et aux

modifications éventuelles susceptibles de se produire. C’est ce que l’on peut retenir de la

diversité des approches effectuées ici, concernant l’entendement de la stratégie en tant

qu’ensemble de processus et de procédés permettant sa mise en œuvre effective.

Ce qui caractérise la flexibilité à travers les différentes approches que nous avons présenté

semble bien se recouper derrière la définition qu’en donne Robert Reix [1994], en tant que

valeurs d’options adaptables au contexte d’action et à l’environnement des entreprises. La

nécessité de cette adaptation et de ce redéploiement permanents n’est pas sans conséquences

sur la structure organisationnelle, puisqu’elle s’accompagne en général de modifications pour

faire face à de telles situations. Ces deux phases, identifiées par Jean-Claude Tarondeau

[1999] en tant que « flexibilité stratégique » et « flexibilité opérationnelle » seront plus

amplement développées au point suivant.

2.3.2. « Flexibilité et modes d’organisation »91

De façon générale, la mise en œuvre de processus flexibles obéit à deux grands canevas

regroupés sous ces deux appellations génériques : la flexibilité stratégique et la flexibilité

90

Mintzberg (H.), cité par Christophe Éveraere, op. cit., p.62.

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126

opérationnelle. Ce sont ces deux grandes classifications qui fournissent matière à diverses

représentations dont nous allons à présent rendre compte.

2.3.2.1. Les manifestation du concept de flexibilité

Comme nous le soulignions précédemment, cette classification se rapporte aux deux aspects

suivants :

- La flexibilité stratégique repose sur la combinaison judicieuse des entités de l’entreprise

afin d’œuvrer au maintien de l’entreprise dans son secteur d’activités. Elle s’apparente à une

valeur d’options, telle que définies par Robert Reix, fondées sur la combinaison des

ressources, des compétences et des différentes fonctions que compte l’entreprise,

proportionnellement à ses besoins et aux exigences de l’environnement.

- La flexibilité opérationnelle désigne quant à elle les moyens concrets d’application de la

flexibilité stratégique au niveau des processus auxquels elle a recours. Elle permet de

s’adapter et de modifier rapidement, des paramètres si la situation l’exige. [cf. Jean-Claude

Tarondeau, 1999, p.68]:

Ces deux phases de mise en œuvre de la flexibilité sont des instruments de réactivité et

peuvent par analogie être assimilées aux phases délibérées et émergentes de l’élaboration de

stratégies qui s’exercent moins de façon isolées que complémentaires. Comme le résument

91

. D’après un article de Patrick Cohendet et Patrick Llerena, « Flexibilité et modes d’organisation », Revue

française de gestion, 1999, p.72-79.

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127

Janusz Bucki et Yvan Pesqueux, « la flexibilité est une capacité d’accommodation réversible

à la situation par opposition à l’évolution qui elle est irréversible »92

.

Pour être encore plus explicite, nous dirons que la flexibilité et les processus auxquels elle

recourt sont là pour permettre d’effectuer des recadrages stratégiques nécessaires à la

poursuite des finalités « générale »93

et « factorielle »94

de l’entreprise. Ces derniers

interviennent surtout pour des entreprises situées en environnement complexe où l’incertitude

est une donnée quasi permanente. Dans le cadre de notre recherche, ces recadrages nous

invitent à opérer la même démarche concernant les choix stratégiques des entreprises. Au

regard des spécificités déjà évoquées, et que nous répercuterons plus densément dans les

chapitres à venir, il s’agira de faire état des possibilités et des manifestations d’un type de

management stratégique adaptable aux contextes d’action particulier de ces entreprises.

Dans leur article relatif aux modes d’organisation induits par la recherche et la pratique de

processus flexibles, Patrick Cohendet et Patrick Llerena95

insistent notamment sur la

corrélation existant entre les types de flexibilité et les modes d’organisation. À partir de ce

lien, ils établissent l’évolution des modes de production auxquels doivent faire face les

entreprises, ces derniers étant eux-mêmes assujettis aux aléas de l’environnement, et à la

présence de concurrents. À titre d’exemple, le modèle de standardisation ou modèle taylorien

se caractérise par un mode de production uniformisé relayé par une demande homogène dans

un environnement stable où il n’y a pas de place pour l’imprévisibilité. Il implique une

mécanisation des processus et une organisation fortement hiérarchisée et fonctionnalisée,

reposant sur la division des tâches.

92

Bucki (J.), Pesqueux (Y.), “De la flexibilité stratégique à la flexibilité dynamique”, Revue française de

gestion, 1992, p.20. 93

La finalité générale englobe l’ensemble des objectifs que l’activité est susceptible de reconnaître et d’assumer.

Pour une entreprise par exemple, il s’agit de produire des biens et d’en tirer des profits pour sa continuité. 94

La finalité factorielle est un sous-ensemble d’une finalité générale. Elle insiste sur la spécificité de l’activité

dont il est question. 95

Cohendet (P.), Llerena (P.), « Flexibilité, formes et modes d’organisation », Revue française de gestion, 1999,

p.72-79.

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128

À l’inverse, le modèle de réactivité fonctionnant dans des environnements complexes et à

forte incertitude s’illustre par « une capacité de reconfigurer rapidement ses ressources de

production et la capacité de répondre rapidement aux exigences des consommateurs »96

. Il est

donc en rupture avec le modèle de production et d’organisation traditionnelles précédent,

rendant l’entreprise dépendante des moindres aléas de son environnement. Ce constat les

amène à dresser la typologie suivante -voisine de celle de Janusz Bucki et d’Yvon Pesqueux

[1992]- marquant le lien entre le type de flexibilité et le type d’environnement :

une flexibilité statique, « potentielle et présente à tout moment » dans l’entreprise. Elle relève

de l’existence à un moment donné d’un ensemble plus ou moins vaste d’opportunités. Elle est

une réponse à une qualité particulière d’environnement caractérisée par la présence de

surcapacités, afin de pouvoir faire face à d’éventuels aléas. Elle correspond davantage au

modèle d’organisation de type taylorien (p.74-75).

une flexibilité dynamique. Elle caractérise une capacité à gérer dans le temps l’adéquation de

l’entreprise à son environnement et se subdivise en deux catégories :

a)- une flexibilité dynamique réactive correspondant à « une capacité à réagir continûment

dans le temps aux variations de l’environnement » ;

b)- une flexibilité dynamique proactive ou d’initiative qui repose sur « une capacité de

création et d’anticipation par rapport à l’environnement, où c’est l’entreprise qui intervient

pour « modifier » certaines caractéristiques de l’environnement par un comportement

innovateur » (p.75).

Le lien entreprise/environnement/organisation établi dans cet article conforte l’impact de la

structure organisationnelle sur les performances économiques d’une entreprise [1996]. Face

96

Cohendet (P.), Llerena (P.), op. cit. , p.74.

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129

au contexte de la mondialisation et de la globalisation des marchés, les entreprises doivent

s’adapter toujours plus vite à un environnement complexe et à une concurrence éclectique,

pour accroître leur probabilité de survie. Ces changements se répercutent en général sur la

morphologie des entreprises, qui adoptent des modes d’organisation tendant à la transversalité

des processus et au bannissement des structures hiérarchiques traditionnelles [Tarondeau,

Wright, 1991, p.113-121].

2.3.2.2. Flexibilité et modes d’organisation

Le développement des organisations de type transversal obéit à une nouvelle donne de

l’interaction entreprise/organisation/environnement. Ce développement induit de nouveaux

modes organisationnels, où la transversalité et la remise en question du concept de pouvoir en

tant qu’instrument et lieu de la détention et du filtrage de l’information distillée dans

l’organisation sont revisitées pour favoriser la culture du partage. Il s’agit en effet désormais

de faire-valoir les compétences individuelles, en les coordonnant autour des activités et des

objectifs de l’entreprise. D’aplanir sans totalement les bannir les niveaux hiérarchiques entre

l’équipe dirigeante et les autres membres de l’organisation.

De ces différentes mises en valeur de processus flexibles et de leur impact sur la structure des

organisations, nous pouvons retenir grosso modo que leur mise en œuvre répond à une vision

« intelligente » de la saisie des mutations de l’environnement par l’entreprise. Elle intervient

directement sur la problématique du changement organisationnel, puisqu’elle repose sur une

dynamique d’adaptations et de recadrages permanents imposés par le contexte concurrentiel.

Comme nous l’avons vu pour l’évolution de la pensée stratégique, la dynamique des

processus flexibles requiert une certaine adéquation entre les contraintes de l’organisation, les

valeurs et les motivations de ses membres, et les états de l’environnement auxquels il

convient de s’adapter à des moments précis. Les apports croisés des théories de la pensée

stratégique dans lesquelles nous ressortons à présent le rôle des processus flexibles dans

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130

l’élaboration de stratégies et dans le pilotage stratégique des entreprises, intègrent en quelque

sorte cette différenciation qui fait cruellement défaut au niveau des aspects tangibles des

performances organisationnelles et économiques des entreprises africaines de manière

générale.

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131

Ces difficultés sont-elles inhérentes au manque de flexibilité et de décentralisation nécessaires

à la poursuite de telles actions ? Seule l’analyse des modes et structures de fonctionnement de

ces organisations nous permettra in fine de le déterminer. D’ores et déjà, nous pouvons

suggérer en accord avec Michel Kalika97

que ces interrogations se rapportent au degré et à la

capacité de réactivité des organisations.

Dans son analyse du phénomène, il opte en effet pour la prise en compte du paramètre de

réactivité par rapport aux soubresauts de l’environnement, et à la capacité de modifications

des entreprises suite à ces derniers. Ce qui le conduit à mesurer la réactivité de l’entreprise à

travers sa vitesse de réaction, comparativement au rythme de changement de l’environnement.

Il s’agit par le biais de ces variables de déterminer la capacité de réactivité d’une organisation

par rapport à différents processus liés aux contraintes et aux évolutions de l’environnement,

grâce à la flexibilité qu’elle est capable de générer.

Mais cette notion de réactivité est à relativiser car c’est un phénomène qui n’a de substance

que s’il est corrélé à la vitesse de réaction de l’organisation, faisant elle-même référence à la

notion de « vitesse relative de réaction » (V.R.R.), et au rythme de changement de

l’environnement (R.C.E.). Ces variables permettant de mesurer le rapport entre la vitesse de

réaction de l’entreprise i(VRi) et la moyenne des vitesses de réaction des principaux

concurrents. D’où cette précision : « l’organisation réactive est celle qui réagit aux

stimulations de l’environnement, au moins aussi vite que ses concurrents »98

.

Si ce jargon apparaît ardu, il suggère simplement que la capacité de réactivité d’une

organisation ne peut s’entendre que comparativement à une autre variable ou à tout autre

phénomène qui entre en compte dans son domaine d’activités stratégiques. Par exemple, les

contradictions et les critiques à l’égard de la capacité des entreprises africaines à instaurer des

politiques managériales efficaces sont sous-tendues par l’observation et la comparaison avec

des systèmes de gestion jugés plus efficaces.

97

Kalika (M.), “De l’organisation réactive à l’organisation anticipative”, Revue française de gestion, nov.-déc.

1991, p.46-50. 98

Idem., p.46.

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132

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133

L’un des facteurs qui rend difficilement opportune l’estimation de cette capacité de réactivité

concerne le rapport au temps tel qu’il a notamment été appréhendé par Mamadou Dia99

dans

ses travaux, par rapport à l’absence de rigueur temporelle des africains de manière générale.

Si l’intérêt de la flexibilité est de rendre les organisations plus performantes et davantage

réceptives aux mutations de leur environnement, l’accomplissement de ces transformations

n’est pas sans conséquences sur les pratiques de gestion.

Dans un article consacré aux paradoxes inhérents aux nouvelles pratiques de gestion, suite

aux bouleversements induits sur la morphologie des organisations, Éric Milliot100

dénombre

une multitude de paradoxes que nous avons condensés et recensés ici. Ces paradoxes sont le

fruit des développements d’une société informationnelle impliquant un mode de

fonctionnement organique, fondé sur la réduction du formalisme procédural et la

décentralisation de la prise de décisions. Ceci pour favoriser et faciliter le flux des échanges

internes, réduire la ligne hiérarchique et faciliter le développement d’organisations de type

transversal dont fait état ce premier paradoxe.

Paradoxe 1 : le besoin accru d’informations pour faire face aux exigences du marché accélère

le changement organisationnel. Par conséquent, cela demande aux entreprises une capacité

d’adaptabilité et de réactivité de plus en plus croissante. Ainsi, plus l’entreprise est

décentralisée et adopte une structure aplanie, plus les actions menées en interne ont de

chances d’être coordonnées et efficaces.

La société informationnelle engendre l’émergence de « l’entreprise pluri-culturelle »

caractérisée par le développement de firmes multinationales. Celles-ci se caractérisent par

l’intégration de nouveaux processus de production, pour s’adapter à la spécificité et aux

particularismes des consommateurs et des marchés où elles s’implantent.

99

Dia (M.), « Développement et valeurs culturelles en Afrique subsaharienne », Problèmes économiques

n°2281, juin 1992, p.28-32. 100

Milliot (É.), “Typologie des mutations managériales : réflexion sur la nature paradoxale des nouvelles

pratiques d’entreprise”, Gestion 2000, mars-avril 1997, p.17-35.

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134

Paradoxe 2 : dans le cadre de la mondialisation et de la globalisation, il faut savoir être

citoyen du monde et membre d’une culture nationale, régionale,…

L’émergence d’entreprises réticulaires caractéristiques d’une recherche de flexibilité, du

développement de la société informationnelle et de la globalisation conduisent à

l’identification du troisième paradoxe.

Paradoxe 3 : apprendre à utiliser des ressources de plus en plus dispersées pour le bénéfice

d’organisations sans frontières.

Le développement de l’entreprise transversale caractérisée par une plus grande place laissée

aux processus d’activités organisées autour de l’information permet de mettre davantage

l’accent sur les processus d’apprentissage (collectif) que sur le contrôle de la ligne

hiérarchique traditionnelle.

Paradoxe 4 : cette reconfiguration de l’organisation, au lieu d’affaiblir le pouvoir de

l’entreprise donne en principe plus d’autonomie et de responsabilités aux équipes de travail.

Mais elle peut également entraîner un manque de cohérence organisationnelle et susciter des

effets contraires aux résultats attendus, si le consensus nécessaire à la poursuite des activités

de l’entreprise n’est pas réalisé.

Par ailleurs, les contraintes exercées par l’environnement sur l’entreprise peuvent avoir des

effets « antinomiques » pour reprendre la terminologie de Christophe Everaere [1997] entre

stratégie et flexibilité.

Paradoxe 5 : rendre compatible la mise en place de bases solides pour assurer la pérennité de

l’organisation et un type de management en reconfiguration permanente.

Le développement de la société informationnelle entraîne la formation d’un nouveau type

d’entreprise prenant position dans les débats qui rythment l’évolution de notre monde,

notamment en matière de luttes anti-pollution. Cela se traduit par l’engagement des

entreprises dans des champs et des contextes d’action qui paraissent éloignés de leurs

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135

préoccupations habituelles (mécénat, parrainage, luttes anti-pollution, etc.), pour se donner

une image d’entreprises citoyennes, engagées dans les problèmes et les débats de sociétés.

Ces nouvelles pratiques managériales font ressortir la dialectique

entreprise/organisation/environnement caractéristique d’un contexte économique et

environnemental complexe, nécessitant l’apparition d’organisations réactives et flexibles, qui

justifient l’existence des paradoxes ci-dessus énoncés. Tout cela, parce que les entreprises

sont désormais condamnées à gérer des masses d’informations dans des délais toujours plus

courts. Doivent s’adapter à la concurrence et aux particularismes des marchés d’implantation,

tout en préservant leur identité. Arriver à décentraliser les organes de décision afin de

répondre aux enjeux de la mondialisation, tout en s’impliquant dans les débats qui rythment

l’évolution de la société, dont témoigne la problématique actuelle du développement durable.

Cette recherche d’adaptation constante se traduit chez Amélie Seignour et Pierre- Louis

Dubois101

par une démarche de « marketing interne », s’entendant comme un moyen

d’activation de la performance des entreprises et de leur adaptabilité, à partir de la

reconnaissance et de la prise en compte des ressources humaines comme avantage

concurrentiel. Ainsi, la démarche « marketing interne » consiste-t-elle à « importer en interne

dans un espace structuré sur des liens de subordination et par des rapports de pouvoir

spécifiques, le modèle de l’échange marchand » (p.19).

101

Seignour (A.), Dubois (P.-L.), “Les enjeux du marketing interne”, Revue française de gestion, mars-avril-mai

1999, p.19-29.

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136

Elle est symptomatique de ce contexte environnemental turbulent, et correspond à une

adaptation de l’entreprise aux mutations socio-économiques et technologiques, tendant à

privilégier l’entreprise de type aplanie plutôt que fonctionnelle. Ce type d’entreprises,

fortement hiérarchisé, reposant sur l’établissement de règles inverse à celle des entreprises de

type aplanie, où la réduction des intermédiaires entre chaque niveau de la ligne hiérarchique

est privilégiée pour stimuler la communication entre le sommet stratégique et les autres

composantes de l’organisation. À cette première définition, Christian Michon ajoute :

« le marketing interne est une démarche de marketing à l’intérieur de l’entreprise permettant à

celle-ci de concevoir et de promouvoir des idées, des projets ou des valeurs utiles à

l’entreprise, de communiquer par le dialogue avec les salariés pour qu’ils puissent s’exprimer,

choisir librement et en fin de compte favoriser ainsi leur implication dans l’entreprise »102

.

À la lecture des arguments exposés par ces différents auteurs, l’émergence de ce type de

management est symptomatique du contexte concurrentiel actuel assujetti aux mutations

socio-économiques et technologiques qui influencent directement la structure

organisationnelle des entreprises. Pour y faire face, les entreprises, surtout celles qui se situent

en environnement complexe, répondent à ces mutations de leur environnement stratégique par

l’adoption de différents processus flexibles.

2.4. En guise de synthèse

Après avoir évoqué les fondements conceptuels de la stratégie, nous nous sommes attelé à

dégager l’importance des processus qui permettent d’assurer leur mise en œuvre. Ceci, pour

montrer à quel point ils alimentent et conditionnent les plans d’actions stratégiques arrêtés au

niveau des équipes dirigeantes dans les entreprises. Il nous importait en effet de ressortir les

102

Michon (C.) [], « Le marketing interne, un système de marketing à part entière », Revue française de

marketing, 1988, p.11-20.

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137

possibilités offertes par les processus stratégiques pour le pilotage d’une organisation, afin

d’en mesurer l’impact sur les firmes de notre corpus.

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138

S’adaptant à l’évolution et aux enjeux de ce contexte, la stratégie concerne de plus en plus

l’acquisition et la maîtrise de ressources et compétences permettant aux entreprises de se

différencier de leurs concurrents. C’est donc de plus en plus la mobilisation de ressources

pour s’assurer un positionnement stratégique sur le marché qui importe, et qui s’illustre par un

ensemble d’actions coordonnées pour réaliser cet objectif. Les processus stratégiques

traduisent cette volonté d’infléchir ou de modifier l’environnement grâce aux compétences-

ressources des entreprises. Cela peut se faire en recourant à une flexibilité de type offensive

ou défensive pour reprendre la terminologie de Roger Tsafack-Nanfosso [1997].

En effet, l’activité stratégique, tout au moins les processus qui régissent leur exercice, sont

pour nous primordiaux dans l’accomplissement des objectifs fixés par les acteurs dans une

organisation. S’ils ne se manifestent pas forcément par les processus ici évoqués, leur intérêt

est d’appréhender un cadre stratégique capable d’aider les organisations dans ce sens. Les

différents éléments conceptuels et théoriques présentés avaient ainsi pour objet d’identifier le

noyau stratégique ressortant des différents modèles présentés, en tant que capacités permettant

à une entreprise donnée de réagir et de s’adapter aux aléas de son environnement.

Appliqué à notre perspective de recherches, la stratégie par le biais des processus auxquels

elle recourt, consiste à mettre en place un système stratégique répondant aux particularismes

des entreprises étudiées. Dans ce cas précis, il devrait permettre de combiner au système de

valeurs et de références des acteurs de ces entreprises, l’instauration d’un cadre d’actions

permettant de concilier rationalité économique/managériale et rationalité culturelle/sociale.

Nous allons à présent appréhender l’impact des processus stratégiques au cœur de la

dynamique information/stratégie.

Section III : Stratégie et dynamique d’entreprise

Définir une entreprise à partir de la gestion de son portefeuille de ressources/savoirs implique

de profonds bouleversements dans la structure et les modes de détermination de la stratégie.

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139

Ainsi le problème n’est plus seulement de savoir comment organiser efficacement la

production, mais aussi de savoir comment s’organiser efficacement pour prendre des

décisions stratégiques sur la base des informations émises et captées dans son environnement.

Ces nouvelles tactiques de guerre économique, rendent compte de ce qu’il est convenu

d’appeler management stratégique de l’information. C’est à dire l’utilisation de l’information

à des fins stratégiques, dans le but d’en tirer des avantages substantiels pour le

fonctionnement et la prospérité de l’entreprise par rapport aux concurrents [Michel, 1999 ;

Reix 2003 ; Yolin, 1999].

Contrairement à ce que nous avions vu précédemment, le rôle de l’information en tant que

ressource capable d’optimiser les performances d’une organisation n’apparaissait que

subrepticement, à travers les informations émanant de l’environnement de ses entreprises. Il

s’agit à présent de rendre davantage compte de la relation entre information et stratégie, à

partir des opportunités qu’elle peut faire naître. Cette manière spécifique d’envisager

l’environnement des entreprises, et leur rapport aux autres organisations renouvelle la

conception de stratégies, car elle intègre la prise en compte de phénomènes liés à la

globalisation et à la complexité de l’environnement qui en découle [Drucker, 1993, 1996,

1999, 2000 ; Lesca, 1989, 1997].

Elle permet de réaliser en quelque sorte une stratégie d’entreprise élargie au cœur du triptyque

environnement/stratégie/structure. Ce qui fait dire à Prahalad103

que l’on peut considérer la

stratégie comme le fil conducteur qui guide le processus d’acquisition et de développement de

ressources présentant un caractère stratégique (p.4).

3.1. Le nouveau paysage concurrentiel ou la dynamique information/stratégie

103

.. Prahalad (C. K.), Le nouveau paysage concurrentiel,www.lesechos.fr

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140

On peut sans hésiter affirmer que l'approche par les savoirs a considérablement renouvelé

l'analyse stratégique à différents points de vue. Les entreprises désireuses de s’adapter aux

évolutions de leur contexte concurrentiel par exemple, ont dû recourir à de nouvelles formes

d’organisation requérant plus de flexibilité et de transversalité. Cette dynamique a ainsi

permis d’impulser à l'acquisition et à l'exploitation de la décision informée, des avantages

concurrentiels plus ou moins pérennes pour peu qu’elles apprennent à maintenir, entretenir et

conserver ce capital [Davenport et Marchand 1999 ; Malone et Laubacher 1999 ; Tarondeau,

1998].

Robert Solow104

le faisait déjà remarquer lorsqu’il disait que les leaders économiques de

demain, ceux qui survivront, seront ceux qui tireront les meilleurs bénéfices de la gestion de

la connaissance, notamment par le biais de nouvelles formes organisationnelles, et de la

surveillance de leur environnement. Selon son modèle, la croissance économique s’explique

par trois paramètres : un accroissement des deux principaux facteurs de production, à savoir le

capital ou équipement et les heures de travail, et les progrès technologiques. Dans ce contexte,

développer une stratégie consiste pour une entreprise donnée à choisir un ensemble d’actions

qui exploite au mieux les spécificités de son portefeuille de ressources/compétences [Day et

Reibstein, 1999 ; Fréry et Laroche, 1999].

Ce dernier n’étant ni plus ni moins qu’une façon de faire état des différences de performances

entre entreprises qui exerçant dans des domaines d’activités stratégiques et des

environnements similaires, ne tirent pas parti de leurs ressources de la même façon. Aussi,

importe-t-il dans la stratégie d’une entreprise de bien tenir compte de la gestion de

l’information comme potentiel de compétitivité à part entière.

3.1.1. L’ouverture de l’espace stratégique et concurrentiel

104

Solow (R.), Growth Theory: An Exposition, Oxford University Press, 2000

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141

L’utilisation de l’information à des fins stratégiques se situe dans un contexte où l’élaboration

de stratégies est soumise non seulement à l’élargissement de l’espace stratégique et

concurrentiel, mais aussi à l’adoption de structures organisationnelles aptes à répondre aux

aléas de ce type d’environnement. Prenant en compte ces bouleversements, Prahalad105

les a

regroupé derrière ces trois phénomènes majeurs :

L'augmentation de l'espace stratégique disponible. Les entreprises, même si elles gardent

une assise locale, ne sont pas pour autant exonérées des effets de la mondialisation sur leur

champ d’action et d’intervention stratégique.

La réactivité comme atout indispensable et solidaire de cette ouverture stratégique. Face à la

nature des changements concurrentiels, la vitesse de réaction sera un élément clé de la

stratégie. Elle va de pair avec l’instauration d’organisations plus flexibles. C’est aussi un

élément d’appréciation de la capacité des membres de l’organisation à s’approprier des

savoirs. À les transformer par la suite en actifs stratégiques pour qu’ils deviennent sources

d’avantages concurrentiels.

L'innovation comme source d'avantage concurrentiel. Si elle est, et a toujours été

considérée comme une source d'avantage concurrentiel, le débat reste ouvert quant à sa

capacité réelle à susciter de la valeur (cf le problème macroénomique momentané du paradoxe

de Solow dans les années 1980 : on voit des ordinateurs partout mais pas de gains de

productivité). Tout comme l’innovation, l’exploitation du capital humain en tant qu’actif

stratégique est elle aussi source de controverses.

L’aléa environnemental introduit une incertitude faisant que de plus en plus souvent, la

stratégie des entreprises doit être sans cesse réajustée. Elle se scinde ainsi désormais en deux

grandes phases : celle de l'analyse externe où sont explorés les facteurs environnementaux

structurels, et l'analyse interne où les ressources propres aux entreprises sont évaluées et

105

Prahalad (C.K), « Le nouveau paysage concurrentiel », www.lesechos.fr

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142

comparées à celles des principaux concurrents. Les savoirs constituent de la sorte des actifs

stratégiques, dont la mise en valeur permet réellement de se distinguer de la concurrence.

Cette manière spécifique d’envisager l’environnement des entreprises, ainsi que le rapport aux

autres organisations renouvelle la conception de la stratégie. Elle permet de réaliser en

quelque sorte une stratégie d’entreprise élargie au cœur du triptyque environnement, stratégie

et structure. En tant que fil conducteur qui guide le processus d'acquisition et de

développement des ressources présentant un caractère stratégique, comme le dit Prahalad.

Face à tous ces changements survenus dans le paysage concurrentiel, il pense que le concept

de stratégie et les processus stratégiques eux-mêmes sont appelés à changer, et que les

anciennes approches ne suffiront plus. Cela est d’autant plus vrai que la mondialisation des

économies s’est accompagnée d’un climat de défiance et d’une crise de valeurs d’autant

mieux ressentie dans le monde de l’entreprise, qu’elle accroît la précarité de l’emploi. Pour

Jean Simonet106

, cette situation se traduit par ce qu’il appelle « le management stratégique de

l’incertitude », plus en phase avec ce contexte de mouvance et de précarité, propre aux

entreprises engagées dans la guerre économique. En un mot, c’est la fin des certitudes pour

paraphraser le titre d’un ouvrage de Ilya Prigogine107

.

Avec ces pratiques de guerre économique, les entreprises sont de plus en plus constamment

soumises à l’ajustement configurationnel des ressources qu’elles détiennent, par rapport à

l'évolution du contexte concurrentiel. Être stratégique, c'est justement avoir la capacité de

s'adapter rapidement dans le cadre d'une orientation globale fixée par avance, mais susceptible

de modifications selon les contextes d’action. Au total, la stratégie adoptée par une entreprise

est la somme des stratégies délibérées et émergentes, résultant souvent d’événements

prévisibles et imprévus.

106

Simonet (J.), Les stratégies de l’éphémère. Guide du nouveau management, 1998, 132 p. 107

Prigogine (I.), op. cit., 1996.

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143

Compte tenu de ces nouvelles règles, le modèle « top-down » apparaît désuet du fait de

l’instauration de cette dynamique, dans les organisation sujettes à l’élargissement de leur

espace stratégique et concurrentiel. Par exemple, la répartition des rôles dans la hiérarchie

traditionnelle où seuls les hauts dirigeants avaient le monopole des clés de l’élaboration de

stratégies, laisse de plus en plus de place à des acteurs dont le rôle, la fonction et les

compétences sont de fait revalorisés. Le concept de stratégie émergente de Mintzberg [1999],

s’inscrit dans ce contexte d’adaptabilité, d’innovation et d’apprentissages [cf. l’article de

Patrick Barwise dans L’Art du management de l’information, p.637-647].

Pour pleinement jouir de la dynamique information/stratégie, les entreprise qui veulent rester

durablement compétitives doivent repenser leurs modes d’élaboration stratégiques. C’est bien

pourquoi nous allons à présent aborder cette reconception, non plus d’un point de vue

méthodologique, mais épistémologique. Nous allons appréhender comment s’organise ce

renouveau stratégique, essentiellement à partir des représentations du lien entre stratégie et

information, effectué par Nathalie Schieb-Bienfait108

et Donald Marchand109

.

3.1.2. La stratégie comme représentation de la « réalité stratégique » des organisations

Engagé dans un environnement en mutations constantes, où les innovations technologiques

sont également très présentes, les entreprises se dotent de systèmes d’information stratégique

(SIS) pour capitaliser en actifs stratégiques les compétences et ressources dont elles disposent.

Au cœur de ce redéploiement stratégique, la ressource information occupe une place de choix

ressortant de l’impact de son usage. Envisager la conception de processus stratégiques sur la

base des représentations que s’en font les individus touche indéniablement à la manière

d’appréhender cette « réalité stratégique ».

108

Schieb-Bienfait « Plaidoyer en faveur du repositionnement des relations information/stratégie », Gestion

2000, juil.-août 1999, p.69-89. 109 Marchand (D.), « Quelle culture de l’information », L’Art du management de l’information, 1999, p.384-390.

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144

Si l’on se réfère à la nature de l’information dans les processus stratégiques, la ressource

information est effectivement au cœur de la représentation stratégique qu’ont les individus

pour les mettre en œuvre. Pour Humbert Lesca, [1989], ce comportement est une somme de

processus dont témoigne la définition suivante : « c’est le processus par lequel l’entreprise

s’informe sur elle-même et son environnement et par lequel elle informe son environnement ».

À partir de cette définition, on peut aisément imaginer que c’est la détention de ces

informations qui va rejaillir sur la perception de l’environnement stratégique des entreprises et

en organiser la représentation. Ce qui est fondamental pour mieux percevoir la relation entre

information et stratégie, puisqu’il s’instaure de ce fait une relation d’interdépendance. En

fonction de la finalité qui lui est attribuée, l’information motive ou non la perception de

l’environnement stratégique. Il faut donc qu’elle soit utile, c’est-à-dire nécessaire à la

réalisation des objectifs stratégiques poursuivis par les entreprises, afin que les acteurs qui

l’utilisent puissent extraire l’information critique de l’information fatale.

3.1.2.1. La représentation de l’information dans les modèles stratégiques : entre le donné et le

construit

Nathalie Schieb-Bienfait [1999] se propose ainsi de réévaluer l’impact du binôme

information/stratégie, sur la base de représentations propres aux concepteurs de modèles

stratégiques. En ce qui concerne la stratégie, elle la considère à l’instar d’Alain-Charles

Martinet110

comme un « processus dans un univers changeant, jamais totalement compris,

c’est-à-dire cheminement et non chemin à suivre ».

De la confrontation, ou plutôt de l’interaction de ces deux univers sur la dynamique

stratégique, l’auteur touche à un modèle d’élaboration de stratégies motivé par les

représentations que s’en font les acteurs des organisations. Il peut ainsi naître une pluralité de

visions stratégiques en fonction des jeux et des motivations des uns et des autres, au sens

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145

puissamment crozérien. La dynamique information/stratégie s’apparente alors à un couplage

au centre duquel s’organisent les activités des individus à partir de leurs approches de la

réalité (positiviste ou constructiviste). Elles-mêmes faisant appel à divers champs culturels,

relationnels, intellectuels, etc. comme symbolisé à travers le schéma suivant :

Figure 9 : Le concept de représentation sur le continuum épistémologique

D'après Nathalie Schieb-Bienfait, « Plaidoyer en faveur du repositionnement des relations

information/stratégie », 1999, p.79.

En tant que tel, la perception du réel est le fruit d’une construction ou interaction dynamique

entre la perception de cette réalité dont est issu le sujet, qui le constitue autant qu’il peut la re-

constituer entre l’approche positiviste ou constructiviste. Cette approche nous amène ainsi à

établir le lien entre les adeptes de stratégies à caractère délibérées, et celles à caractère

émergent qui se fondent sur la cohérence entre variables internes et externes à l’organisation.

Le principe de contingence, qui lie l’efficacité du système à une adéquation entre ses variables

(d’efficacité) et une situation donnée ; et le principe du « fit » qui lie l’efficacité du système à

une cohérence entre ses différentes variables, s’insèrent bien sur cet axe en tant que variables

capables de conditionner l’efficacité des stratégies déployées au sein d’une entreprise.

Replacées dans le contexte de la dynamique information/stratégie, ces deux approches de la

réalité stratégique soulignent le fait que le traitement de l’information, et par conséquent le

choix de stratégies, doit tenir compte d’une complexité d’abondance de données et de

situations, auxquelles il faut répondre le mieux possible. C’est-à-dire que selon les cas, les

individus s’en tiennent au niveau des choix à opérer à une logique d’optimisation faisant

appel au concept de « rationalité limitée » de Herbert Simon. Ce qui se matérialise du point

de vue positiviste par une recherche et un traitement d’informations devant être en adéquation

110

Martinet (A.-C.), « Stratégie et pensée complexe », Revue française de gestion, 1993, p.64-72.

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146

avec les objectifs généraux que se fixent l’organisation. La figure 10 tente de reproduire cette

vision.

Figure 10 : De la complexité computationnelle à la complexité informationnelle

Cette représentation est caractéristique de la distinction effectuée par Thomas Davenport dans

Privilégier l’information sur la technologie111

et plus généralement de la problématique de

l’économie de l’attention dont témoignent les écrits de Michael H. Goldhaber. Dans cet

article, Thomas Davenport établit ainsi que nous sommes dans une société caractérisée par

une surabondance de données, qui occulte le discernement de l’information stratégique. Il faut

pouvoir ressortir de cette complexité computationnelle de l’information stratégique, pour

faciliter l’élaboration des stratégies à mettre en œuvre et capables d’y faire face.

Le sens né de la représentation de l’environnement stratégique s’opère donc sur la base d’un

processus allant de la complexité d’abondance à la complexité de sens. En tant que reflet de la

réalité stratégique des entreprises issu de l’action des décideurs, cette représentation préjuge

ainsi de la capacité d’adaptation d’un système d’information à développer des stratégies

opportunes au pilotage stratégique de l’organisation. Potentiellement, le couple

information/stratégie joue un rôle déterminant dans la capacité des organisations à développer

des modèles d’actions que l’on peut rapprocher des trois champs d’application suivants :

111

Davenport (T.), « Privilégier l’information sur la technologie », www.lesechos.fr

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147

1- Le premier, decision making tiré des écrits de Simon aide à la recherche et à l’évaluation des

informations collectées pour le pilotage stratégique, en adoptant la perspective la moins mauvaise

possible dans cette complexité d’abondance.

2- Le second, construct meaning, fait référence à la manière dont l’organisation construit son

environnement stratégique sur la base des signaux captés, et qu’elle va par la suite interpréter

pour qu’ils soient cohérents avec la stratégie à adopter.

3- Le troisième, knowledge building, est le lieu de la capitalisation des savoirs, savoir-faire et

expériences issus des champs précédents. C’est ici que l’organisation tire les ressources

nécessaires pour créer, organiser et traiter les informations (individuelles ou collectives) dont

elle pourra se servir par ailleurs pour répondre à d’autres besoins.

Le fait que la dynamique information/stratégie soit rattachée à ces trois champs montre bien

que la représentation qu’adopte un individu, suit un processus qui le mène de l’existence

d’une surabondance d’informations, à l’exploitation d’une information stratégique pour aider

à la prise de décisions. Cette relation est sensée s’exercer dans l’organisation par un système

de traitement de l’information à rationalité limitée, dans lequel les acteurs sont les processeurs

d’information leur permettant de réduire l’incertitude, naissant de cette complexité

d’abondance (cf. p.82). Elle sert particulièrement bien dans le premier champ défini

précédemment qui concerne la prise de décisions.

À travers la conceptualisation de la réalité stratégique d’une entreprise, c’est la complexité de

l’acte de la prise de décisions qui transparaît à partir de la représentation/interprétation de la

relation information/stratégie. En somme, cette dynamique information/stratégie est une

dynamique de la construction de l’espace stratégique des entreprises. Autrement dit, c’est un

reflet des pratiques managériales des entreprises, lors de la recherche d’informations à

caractère stratégique, et de la prise de décisions qui s’ensuit.

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148

En ce sens, le management stratégique d’une entreprise témoigne d’une

construction/recréation de son univers stratégique, d’une complexité de sens à une complexité

d’abondance. Ce redéploiement permanent de l’arbre des compétences des entreprises repose

sur des processus flexibles, nécessaires pour adapter la capacité et l’outil de production aux

contraintes de l’environnement.

3.1.2.2. La stratégie en tant que reflet de la culture informationnelle

Dans « Quelle culture de l’information ? »,Donald Marchand112

se penche sur le couple

information/stratégie à partir du mode de traitement de l’information. Ce mode qui définit la

culture informationnelle de l’entreprise symbolise pour lui « les valeurs, les attitudes et les

comportements qui influencent la manière de percevoir, de collecter, de structurer, de traiter,

de communiquer et d’utiliser l’information ». Dans la dynamique information/stratégie, cette

culture est révélatrice de l’importance accordée au traitement et à la gestion de l’information

en tant qu’actif stratégique.

À la différence de l’approche de Nathalie Schieb-Bienfait [1999], ici le mode de

représentation/construction de l’environnement qu’articule la dynamique

information/stratégie, se concentre davantage sur la complexité de sens. En effet, cette

approche se focalise davantage sur l’importance que l’on va donner à l’information par le

biais de la culture informationnelle.

112

Article paru dans L’Art du management de l’information, 1999, p.384-390.

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149

Ici, la représentation de l’environnement stratégique, sur la base de la relation

information/stratégie, ne se limite pas seulement à une manière de concevoir et/ou de

percevoir son environnement stratégique par un individu. C’est par dessus tout la valeur

dominante de l’organisation dans son ensemble, puisque l’organisation/redéploiement de cette

information rejaillit sur le management stratégique de l’entreprise.

De ce point de vue, la dynamique, information/stratégie s’apparente ici à la culture de

l’information, en tant que moteur de l’action stratégique. L’auteur envisage cette relation

comme la manière de façonner les valeurs, les attitudes et les comportements qui influencent

la manière de percevoir, de collecter, de structurer, de traiter, de communiquer et d’utiliser

l’information. Ce mouvement n’acquiert son sens que s’il s’inscrit dans un processus

d’actions collectives, dont les individus restent le maillon sensible de la chaîne. Il distingue

ainsi quatre types de culture de l’information au cœur de cette dynamique :

1- La culture fonctionnelle. Elle conçoit l’information comme un moyen de pression et

d’influence exercé par un individu ou un groupe d’individus sur les autres. En un mot, c’est

un instrument d’influence et/ou de pouvoir.

2- La culture du partage désigne quant à elle un mode de gestion de l’information plus

souple instaurant un niveau de confiance suffisant pour que l’information soit utilisée à des

fins compétitives pour améliorer les processus et les performances de l’entreprise.

3- La culture du questionnement ou culture proactive est une culture de l’information

proactive reposant sur l’anticipation des tendances à venir, notamment par le couplage

veilles/intelligence économique.

4- La culture de la découverte caractérise les entreprises qui vont à contre-courant et qui

adoptent par conséquent des stratégies de rupture.

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150

Sur le terrain, toutes ces stratégies peuvent évoluer ou se grouper en fonction du contexte pour

répondre à ses exigences. Il est intéressant de voir également que chacune de ces cultures

réfléchit un modèle d’organisation. Par exemple, on peut aisément associer la culture

fonctionnelle à la culture des organisations de type bureaucratique. Les cultures du partage, du

questionnement et de la découverte, moins soucieuses du respect de la ligne hiérarchique

reflétant le modèle d’organisations de type aplani, qui mettent davantage l’accent sur des

processus flexibles pour asseoir leurs stratégies.

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151

On le voit ici, la prise en compte de la culture informationnelle dans les actes de management

stratégique est un point de démarcation pour établir un profil entre les entreprises qui veulent

se donner les moyens de répondre à la complexité d’un monde en mutations, et les autres.

Cela signifie entre autres process qu’il faut savoir capitaliser ces données et se doter des

moyens nécessaires à leur rentabilité. C’est dans cette perspective qu’Emmanuel-Arnaud

Pateyron, dans La veille stratégique [1998] signalait que la compétitivité des entreprises dans

un tel contexte passe par des comportements économiques nouveaux au sein desquels les

technologies de l’information et de la communication jouent un rôle majeur.

Si l’importance des technologies de l’information et de la communication dans l’amélioration

de la qualité des prestations offertes à l’intérieur et à l’extérieur des organisations à travers le

management des ressources immatérielles est reconnue, Michael Goldhaber soutient que la loi

classique de l'offre et de la demande ne tient plus dans une société caractérisée par la

surabondance d'information, où les sources ne cessent de se multiplier. D'après lui, cette

effervescence de sources et de contenus informationnels masque désormais la recherche d'une

"zone d'attention" capable de nous préserver du fléau de la prédominance des données

transactionnelles, au détriment de l’information critique [cf. Davenport113

].

Ce déficit d’attention dont témoigne cette formule d’Herbert Simon : « l’abondance

d'information crée une pauvreté de l'attention » attire pour le moins l’attention sur le

recentrage nécessaire à effectuer sur l’attention. C’est cette capacité, dans le flux continu

d’informations dans lequel baignent particulièrement les décideurs d’entreprise, qui

surdéterminera l’enjeu stratégique de la ressource information, dans le pilotage stratégique

des organisations. Le passage suivant qui reprend le problème évoqué par Simon en

témoigne :

« Alors que la technologie et la production d'informations accroissent fortement le volume et la

disponibilité des données, la capacité d'attention, elle, est constante, et notre aptitude à la

mobiliser n'est en rien affectée par les progrès techniques. Aussi, pour que les informations les

plus importantes ne soient pas noyées dans la masse, les entreprises doivent appliquer

une gestion de l'attention pertinente […]. De fait, certains observateurs se demandent si les

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152

hommes d'affaires ne sont pas de plus en plus victimes du « syndrome du déficit d'attention », étant

donné que l'avalanche d'informations limite notre capacité à nous concentrer sur tel ou tel élément »114

.

À leur manière, Frantz Rowe115

et Éric Brousseau116

abordent la question de la relation entre

information et stratégie, à partir du ratio disproportionné de la relation entre information et

attention. Prenant prétexte des problèmes structurels et de flux liés à la production et à

l’accessibilité de l’information, ils démontrent qu’au cœur de ces problèmes, c’est bien

l’homme utilisateur, interface et traducteur de l’information encodée qui lui donne du sens.

D’où le second volet de la théorie de Frantz Rowe qui s’appuie sur la théorie de l’agir

communicationnel d’Habermas.

C’est bien la valeur d’usage d’une information, et donc sa pertinence dont dépend le

traitement qui lui sera accordé. C’est moins une affaire de vitesse de traitement, qu’une

question de pertinence intuitive sur la circuits qu’emprunte l’information entre les différents

protagonistes. Sachant que le lien entre information et stratégie repose sur le couplage étroit

entre la phase de capture et celle de son exploitation, ces deux aspects de la dynamique

information/stratégie sont contenus dans les interrogations suivantes d’Anthony Hopwood117

:

1.- Quels sont les facteurs qui freinent le développement d'une véritable base informationnelle

pour la formulation de la stratégie ?

2.- Quels éléments sont nécessaires pour que les processus d'information et d'élaboration de la

stratégie oeuvrent ensemble de manière productive ?

113

Davenport (T.), « L’attention, prochaine frontière de l’information », www.lesechos.fr 114

Idem. 115

Rowe (F.), « Productivité de l’information et design organisationnel, accessibilité aux données et agir

communicationnel », L’Entreprise et l’outil informationnel, 1997, p.23-39. 116

Brousseau (É.), « Technologies de l’information et de la communication, gains de productivité et

transformation des dispositifs de coordination », L’Entreprise et l’outil informationnel, 1997, p.41-65. 117

Hopwood (A.), « S’informer pour s’ouvrir au monde », www.lesechos.fr

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153

La dynamique d’une entreprise au niveau de la relation entre information et stratégie est

corrélée à la dimension du management des hommes d’une part. Et d’autre part, à la

cohérence et à la coordination des processus qui fondent ce type de stratégies. Lorsque le pont

entre la détermination de stratégies et la gestion de l’information n’est pas jeté, pour quelque

raison que ce soit, il se crée ce que Jean Simonet [1998] appelle une rupture paradigmatique.

Robert Reix, dans ses différentes contributions [1984, 1987, 2003] s’est penché sur la

question, en examinant les enjeux stratégiques des technologies de l’information et de la

communication et des systèmes d’information. Il y montre notamment comment, sur la base

d’un système d’information organisationnel (S.I.O.) reposant sur la mise en commun de

matériels, procédures et données, des organisations communiquent entre elles pour

coordonner leurs actions stratégiques. Il en découle deux conséquences : la nécessité explicite

du développement des systèmes d’information ; et la prise en compte systématique dans

l’instauration de cette plate-forme stratégique, des potentialités offertes par les technologies

de l’information et de la communication pour le pilotage stratégique. Ce qui renforce et

consacre bien l’idée d’un couplage étroit entre information et stratégies.

À travers les perspectives issues de la dynamique information/stratégie, nous avons pu

explorer la complexité et l’importance que peut revêtir la décision informée, pour le

management et le pilotage stratégique des organisations. Nous avons notamment pu

appréhender les facteurs qui peuvent freiner le développement d'une véritable base

informationnelle pour la formulation de la stratégie. Et d’autre part, déterminer les éléments

nécessaires aux processus d'information dans le cadre de l'élaboration de stratégies.

3.2. Une société en mutations

Avec le développement des TIC, et de la société de l’information, l’outil informationnel a

acquis une nouvelle dimension dans l’organisation des entreprises. Ainsi, la conception et la

production traditionnelles de marchandises, se mesure de plus en plus en raison de la part

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154

croissante de ces technologies, par la production de marchandises/connaissances

économiquement utiles au moyen de ressources intangibles [Bounfour, 1998 ; Drucker 1996,

1999, 2000 ; Reix, 2003 ; Tarondeau, 1998].

L’activité des entreprises s’en trouve donc profondément affectée, ce qui génère une

révolution en soi, puisque ces modifications renouvellent de façon inédite la conception de

stratégies. En effet, celles-ci ne se limitent plus seulement au choix d’un domaine d’activités

requérant une bonne adéquation entre environnement, stratégie et structure pour atteindre le

niveau de performances visé. Désormais, il s’agit d’asseoir la stratégie de l’entreprise sur ses

compétences-métiers et la gestion de son portefeuille de savoirs118

.

Au demeurant, cette création de valeur nécessite de disposer des savoirs nécessaires et de les

exploiter au mieux, chaque organisation ou portefeuille de savoirs, présentant des caractères

distinctifs par rapport aux autres organisations, même lorsque celles-ci sont engagées dans les

mêmes activités. C’est d’ailleurs un facteur discriminant permettant de dire qu’une

organisation est plus compétitive qu’une autre, si l’on intègre à son pilotage, la qualité du

management des ressources immatérielles.

S’inspirant des écrits de Peter Drucker, Jean-Claude Tarondeau119

fait lui aussi remarquer que

la société actuelle est dominée par l’ère du savoir. Il souligne ainsi le fait que cette

domination se ressent au niveau de la structure organisationnelle des entreprises sous formes

d’actifs stratégiques. C’est-à-dire que la prise en compte de la gestion des savoirs en tant que

ressource à part entière, au niveau de l’organisation et de la stratégie de ces entreprises est de

nature à créer de la valeur.

118

Cf. le concept d’ «arbre de compétences » de Marc Giget, Véronique Hillen et Michel Godet dans La

dynamique stratégique de l’entreprise, Dunod, 1998, 346 p. 119

Tarondeau (J.-C.), « Le management des savoirs et le renouveau de la pensée stratégique », Humanisme et

entreprise, 1999, p.97-115.

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155

Cette reconception de la dynamique stratégique des entreprises, en phase avec un contexte

concurrentiel mouvant, se fonde sur l’acquisition et la maîtrise de ressources et compétences

permettant de se différencier des concurrents au niveau de processus d’activités flexibles.

Autrement dit, cela correspond au management stratégique des savoirs, ou management des

organisations basé sur la gestion des savoirs. Elle concerne davantage des organisations

évoluant en milieu instable, et dont les performances et les avantages concurrentiels reposent

sur l’harmonisation des connaissances formelles et/ou informelles détenues par leurs

membres.

Ainsi le problème n’est plus seulement de savoir comment organiser efficacement la

production, mais aussi de savoir comment s’organiser efficacement pour prendre des

décisions stratégiques. Les choix stratégiques des entreprises consistent ainsi à créer, exploiter

et maintenir ce portefeuille de savoirs, aux fins de s’assurer un avantage concurrentiel

durable. Pour Peter Drucker [1993, 1996, 1999, 2000], cela a une conséquence majeure : le

passage de l’organisation commandement-contrôle, à celui de l’organisation basée sur

l’information.

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156

Dans ce nouveau paradigme stratégique, ce sont « les organisations de base » (départements,

unités, équipes de travail, etc.) -pour reprendre l’expression de Pierre Romelaer120

, parce que

se sont elles qui sont sources et bases des gains de productivité induits. Dans cette optique, la

stratégie des entreprises est revisitée, car les savoirs y constituent davantage des actifs

stratégiques, dont la mise en valeur permet de se distinguer de la concurrence.

Au demeurant, cette création de valeur nécessite de disposer des savoirs nécessaires et de les

exploiter au mieux, chaque organisation ou portefeuille de savoirs, présentant des caractères

distinctifs, même lorsque celles-ci sont engagées dans les mêmes activités. Ce contexte

concurrentiel sur fond de mutations technologiques et de globalisation, a résolument fait

entrer les entreprises et les sociétés dans un cycle de révolutions structurelles qui font de la

détention de connaissances et de l’information des actifs et des ressources stratégiques à part

entière.

3.2.1. Des organisations apprenantes et flexibles

L'émergence des organisations apprenantes est due à des facteurs économiques (la

globalisation des marchés), sociaux (la part croissante des technologies de l’information et de

la communication) et humains (le besoin de formation pour élargir son champ de

compétences et suivre l’évolution des techniques) qui tous se rapportent au nouveau

paradigme stratégique et concurrentiel, dont la ressource information modélise les activités.

On a déjà souligné les profondes transformations de l'environnement économique à l'origine

du changement de paradigme stratégique. Ce sont elles qui ont contribué à l’émergence

d'organisations flexibles, c'est-à-dire des organisations capables de percevoir les changements,

potentiels ou réels d'environnement, de se transformer, et pourquoi pas de les transformer,

pour améliorer leur insertion présente ou future dans l’élaboration de stratégies.

120

Romelaer (P.), « Les organisations de base, lieux stratégiques des évolutions managériales à venir », Le

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157

La réalisation de ces processus flexibles commande la poursuite d’objectifs multiples. Par

exemple, elle doit agréger des activités répondant à des logiques locales en un tout

globalement efficient. Engendrer des besoins de communication et d'interaction d'autant plus

importants que les systèmes techniques sont mieux intégrés, et que l'environnement est plus

mouvant. Autrement dit, plus l’environnement est complexe et instable, plus y faire face

implique de recourir à des organisations où le pouvoir est décentralisé, c’est-à-dire en fait

partiellement délocalisé.

Corollaires du développement de la société de l’information, l'émergence des organisations

apprenantes correspond à cette manière nouvelle d’appréhender la stratégie « chemin faisant »

des entreprises comme dirait Marie-José Avenier121

. En effet, ces nouvelles formes

d’organisation tributaires d’un contexte environnemental complexe demandent de s’adapter

en permanence, notamment en « installant » des organisations flexibles au niveau de leurs

divers processus d’activités.

Ces modifications de l’environnement d’un contexte économique et concurrentiel stable à un

contexte économique et concurrentiel indéterminé par avance, ont eu pour effet de susciter

des structures capables d’y répondre. L’organisation flexible, c'est-à-dire une organisation

capable de percevoir les changements potentiels ou réels, d'environnement et de se

transformer pour améliorer son insertion présente ou future poursuit cet objectif.

Au registre des processus flexibles, les attributs de l'organisation apprenante les plus souvent

mentionnés sont l'ouverture et l'autonomie se traduisant dans les faits par une faible

formalisation des règles et des procédures. Cela touche directement aux modes de

coordination et de hiérarchisation, dont Henry Mintzberg a largement rendu compte dans ses

différents ouvrages sur le management stratégique [1996, 1999].

management aujourd’hui, théories et pratiques. Actes de forum sous la direction de Philippe Cabin et de Jean-

Claude Ruano-Borbalan, 1999, p.43-53. 121

Avenier (M.-J.), « La complexité appelle une stratégie chemin faisant », Gestion 2000, 1999, p.13-33.

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158

La structure la plus usitée concerne les organisations de type aplanie où le recours à des

communications latérales pour résoudre les problèmes rencontrés reste la caractéristique

dominante. Cela leur permet de s’adapter aux aléas de l’environnement par leur capacité à

intégrer la diversité de leurs ressources en une synergie efficiente, prévenant ou agissant

même en cas d’événements imprévus.

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159

Pour Éric Milliot122

qui s’est lui aussi penché sur ces bouleversements, les perspectives

apportées en termes de dynamique organisationnelle, que ce soit par rapport à la prise de

décisions stratégiques ou à la réduction des lignes hiérarchiques, se répercutent sur la

structure des organisations qui se réforment. On assiste par conséquent à l’émergence

d’organisations de type transversal reposant toutes sur la constitution de réseaux internes et

externes. Ce sont des organisations mues par l’interaction des modes organisationnels

réticulaire et pluriculturel comme montré dans la figure 13.

Fort de cette conviction, il s’appuie dans son approche sur l’articulation de la structure

organique de ces organisations qui favorise une circulation et une bonne diffusion de

l’information. La dimension réticulaire et enfin, le caractère pluriculturel des organisations,

s’appuyant sur le réseau d’échanges de données sur lequel elle repose. C’est ce triangle qui

permet d’apprécier la dynamique des organisations informationnelles.

3.2.2. La capitalisation des actifs stratégiques

Par analogie au savoir individuel qui peut se rapporter à l'ensemble des croyances d'un

individu sur un phénomène donné, Jean-Claude Tarondeau définit le savoir organisationnel

comme « l'ensemble des croyances partagées au sein d'une organisation sur les relations

causales entre phénomènes ». L’un comme l’autre sont à la base des actifs stratégiques sur

lesquelles comptent les organisations pour valoriser leur portefeuille de ressources. Ce savoir

détenu par les uns et géré par les autres, de par son application dans l'action est au fondement

des capacités et des compétences que détient une organisation.

Il intègre par conséquent le patrimoine d’une entreprise en tant qu’actif stratégique utile au

déploiement et à la formation de stratégies. Il est tout à la fois constitué de ressources, de

compétences et de capacités susceptibles d’aider les entreprises à maintenir ou à préserver des

122

Milliot (É.), « Les modes de fonctionnement de l’organisation informationnelle », Revue française de gestion,

1999, p.5-19.

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160

acquis. Ces ressources regroupent ainsi tout ce que l'entreprise peut mobiliser pour générer un

avantage concurrentiel, autrement dit, de la valeur. Cette définition très vaste, intègre pêle-

mêle les ressources comme les facteurs de production, la réputation, les systèmes

d'information et les qualifications du personnel, les savoir-faire individuels et collectifs, etc.

Les compétences sont davantage exploitées dans des actions intentionnelles et finalisées, où

elles se construisent et s'enrichissent par apprentissage diachronique. C’est notamment

l'accumulation de savoirs individuels et collectifs, et l'apprentissage obtenu de leur mise en

action qui génèrent les aptitudes, les capacités et les compétences, fruits de l'accumulation des

savoirs individuels et collectifs, et de l'apprentissage issu de leur mise en action. Pour réaliser

cette vision, l'entreprise doit maîtriser des «key strategic capabilities», combinaison singulière

de capacités technologiques, structurelles et de compétences individuelles et collectives,

constituées en avantage concurrentiel.

Mais cette combinaison singulière n’est optimisée que si les individus adhèrent au projet

collectif, au niveau de la mise en oeuvre des processus stratégiques. Pour pleinement disposer

de ces ressources, les entreprises doivent parvenir à les transformer en actifs stratégiques. Ces

derniers, comprennent tout ce qu'une entreprise peut utiliser dans ses processus pour créer,

produire et/ou offrir des produits ou services sur un marché.

C’est pourquoi nous les assimilions aux savoirs détenus par les acteurs de l’organisation, car

cette valeur provient de la mobilisation des ressources de l’organisation et de ses

compétences, qui en feront des actifs stratégiques. Ces derniers pouvant être tangibles,

physiques ou matériels. Intangibles ou immatériels et « impalpables », si l’on considère ici

des notions telles que l’aptitude, la capacité, le savoir, la réputation, l’information, les

compétences, les droits de propriété intellectuelle, etc. L’information devient ainsi un moteur

de projet à titre offensif et prévisionnel, non seulement au sein de l’organisation par la

circulation fluide et ciblée des informations. Mais aussi, un moyen de contrer les attaques

d’éventuels concurrents par ailleurs.

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161

C’est en ce sens que Jean-Claude Tarondeau parle du management des savoirs pour

« matérialiser » cette nouvelle forme d’intelligence caractérisée par la maîtrise des savoirs au

sein d’organisations bâties et fonctionnant sur le mode réticulaire123

. Pour cela, il faut pouvoir

donner toute sa place à l'expérience comme moyen de développement du savoir, telle que

l’école de l’apprentissage l’entrevoit.

Ce sont les membres de l’équipe dirigeante qui doivent porter ce projet en faisant émerger ces

aspirations en actions concrètes. Pour aller dans cet esprit, il conclut son analyse de la

manière suivante : « Pour développer des organisations performantes, il faut des leaders

modestes, ayant oublié les figures imposées qui les ont propulsé au sommet des organisations,

avides d'apprendre et de partager le savoir des autres ». L’analyse de ce passage nous éclaire

à la fois sur l’ambivalence de l’information en tant que ressource stratégique et sur le rôle que

peut avoir la technologie dans ce processus.

Elle nous interpelle sur le paradoxe de la productivité de l’information, dont parle Robert

Solow [2000] dans sa théorie de la croissance économique, par rapport au déterminisme

positif qui existerait entre le management stratégique de cette ressource et l’apport de gains de

productivité systématique. Cela est d’autant plus vrai que nous sommes dans une société

croulant sous l’abondance d’informations. Ce qui peut rendre cette information stratégique, et

donc productive, c’est l’attention, en tant que ressource permettant d’extraire l’information

critique, grâce au travail des individus et au système de collecte/exploitation mis en œuvre

[Davenport, Goldhaber, Levet et Paturel, Portnoff, Du Tertre].

C’est cette capitalisation des données que ne saurait remplacer aucun logiciel, fut-il doté

d’une technologie avancée qui permet de constituer des actifs stratégiques, en ce sens qu’ils

constituent un socle de potentialités stratégiques. Cela sous-entend qu’il ne suffit hélas pas de

se doter des meilleurs outils technologiques pour atteindre de bons résultats. Il faut encore et

surtout gérer ses activités de telle sorte qu’elles soient coordonnées et organisées avec

123

À ce sujet, on peut se reporter au modèle de l’organisation informationnelle développé par Éric Milliot que

nous avons reproduit dans notre énoncé.

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162

cohérence et efficience. Pour cela, il faut impliquer les individus, en faisant en sorte qu’ils

coopèrent et adhèrent au projet collectif. Il en est ainsi de la valorisation de certains actifs qui

sont spécifiques à une entreprise, parce que développés par elle et protégés de toute diffusion

à des tiers par des brevets.

Au vu des éléments ici détaillés, on peut se risquer à dire que les actifs stratégiques reflètent

une image de l’activité, des ressources, et vraisemblablement le style de management d’une

entreprise. En tous les cas, c’est le reflet de son potentiel offensif. En somme, l'approche par

les savoirs renouvelle le dispositif d'élaboration de stratégies de façon restrictive, et le

management stratégique de façon générale. Engagées dans ce mouvement, les entreprises ne

se laissent pas passivement modeler par leur environnement comme dans le modèle dominant

de l’école de la conception, le modèle SWOT (acronyme de Strengh Weaknesses

Opportunities Threats ou Forces, faiblesses, opportunités et menaces).

Si les actifs stratégiques permettent réellement de faire la différence entre des entreprises

compétitives et réactives, et celles qui le seraient moins, tout le génie réside dans la qualité

même de cette exploitation sur le terrain. En effet, à l’image des technologies de l’information

et de la communication sensées apporter des gains de productivité, le management des savoirs

prête lui aussi à polémiques, concernant les gains de productivité qu’il est sensé apporter.

C’est tout le propos de Robert Solow à travers le paradoxe de la productivité de l’information

dans sa théorie de la croissance économique.

Cette polémique se base sur la corrélation (positive) existant entre l’investissement en

technologies d’information et de communication, et les performances et les gains de

productivités réalisés. Par exemple, qui pourrait savoir quelle stratégie serait mieux

appropriée à tel portefeuille de savoirs, et inversement savoir si elle permet réellement de

créer de la valeur ? Ou tout simplement, savoir si une stratégie est toujours source et élément

de compétitivité ? Autrement dit, la relation entre la détention d’un portefeuille de savoirs et

la détermination de stratégies n’est pas toujours si évidente à établir.

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163

Tout cela pour dire que l'approche de l'organisation par les savoirs repose sur une croyance :

celle qui suppute que les entreprises les plus performantes dans un environnement largement

imprévisible, seront celles qui développeront et exploiteront mieux que les autres leurs savoirs

et leur compétences en tant qu’actifs stratégiques. Au demeurant, l’un des bénéfices tangibles

et incontestables de cette croyance s’observe au niveau des opportunités en termes de

coopération et de partage d’information naissant de la constitution d’organisations de type

organique et réticulaire. L’une de ses manifestations concrète concerne le travail en équipe

qui permet aux membres de l’organisation de s’épanouir en se réalisant dans un projet

collectif.

Ce sont donc les individus qui peuvent tout autant fragiliser ou consolider cette chaîne. Cela

est d’autant plus vrai dans le contexte actuel, qu’il y règne une précarité de l’emploi, telle que

défiance rime avec crise de confiance [Gratton, 1999]. Cette situation tributaire des effets de

la mondialisation qui réclame encore et toujours plus de flexibilité influe sur les motivations

et les stratégies développées par des acteurs hésitants à faire montre d’un dévouement

inconditionnel, quand le spectre de la perte de leur emploi est omniprésent.

Des individus inquiets pour leur emploi, menacés dans la conscience de leur utilité sociale, et

engagés dans une compétition quasi permanente avec leurs collègues, mobiliseront davantage

leur intelligence au service de leurs intérêts personnels ou catégoriels, plutôt qu’aux bénéfices

de la collectivité. Les stratégies personnelles de défense de territoire ou de statut par rétention

d'informations dans ces cas là, l'emporteront sur les stratégies de partage et de déploiement

des compétences, comme nous le verrons à travers l’exemple donné par Wanda Orlikowski124

Il va sans dire que la performance des organisations ne repose pas seulement sur la structure

et la technologie d’une mécanique bien huilée par des processus flexibles. Il faut encore

pouvoir faire coïncider efficacité et implication des membres [cf. Moisdon, « Le poids de

l’acteur dans l’organisation », L’Art du management de l’information, p.240-245). Le

124

Orlikowski (W.J.), “L’utilisation donne sa valeur à la technologie »,

www.lesechos.fr/formations/manag_info/articles/article_8_5.htm.

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164

paradoxe, c’est bien que les individus qui sont au cœur de ces processus peuvent également

les défaire. D’où le scepticisme admis par Jean-Claude Tarondeau, et qui se reflète également

dans l’analyse de Lynda Gratton et de Jean-Claude Moisdon sur l’instauration d’un contexte

de défiance.

3.2.2. La revalorisation du facteur humain

Dans un marché mondialisé, le niveau de concurrence et d'instabilité entraîne un besoin

croissant de flexibilité au sein des entreprises. Dans ce contexte, le facteur humain, par

définition plus statique que les capitaux ou que l'information, apparaît souvent comme un

frein à la mise en oeuvre de la stratégie. Cela tient à divers phénomènes d’ordre technologique

ou structurel fortement liés aux motivations des individus [cf. Jean-Michel Saussois, « Les

implications de la gestion du savoir »,L’Art du management de l’information, Les Echos,

1999, p.VI].

Ainsi, le rôle du facteur humain dans l'accomplissement de l’exercice stratégique devient

primordial, dans la mesure où il s’apparente à l’alpha et à l’oméga des actions qui rythment

l’efficacité du système stratégique des entreprises. Dans un article marquant le caractère

stratégique de cette variable dans la course à la compétitivité que se livrent les entreprises,

Philippe Plagnes et Daniel Giffard-Bouvier125

font ainsi remarquer que plus de la moitié des

opérations de restructuration lourde (fusion, diversification) n'atteignent pas les résultats

escomptés, du fait de points de blocage liés aux facteurs humains et sociaux. Cette situation

fait que le facteur humain se transforme rapidement en conditions du succès, traduisant

l’impact de la gestion des ressources humaines, tant au plan qualitatif que quantitatif.

Cette tendance a des répercussions qui entachent le lien entre facteur humain et stratégie,

confortant l'émergence de nouveaux modes d’organisation, et plus profondément d’enjeux de

125

Plagnes (P.), Giffard-Bouvier (D.), « La nouvelle place du facteur humain dans la stratégie »,

www.lesechos.fr .

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165

management en phase avec le contexte concurrentiel. C’est moins la possession d’une

infrastructure matérielle que l’accent mis sur le facteur humain qu’il s’agit d’équilibrer.

Thomas Davenport126

l’a fort bien souligné en disant qu’il ne suffisait pas de se doter

d'outils informatiques puissants. Mais que pour mieux gérer leurs informations, les

entreprises devaient davantage mettre l'accent sur le facteur humain, et éviter ainsi

l'écueil de l'obsession technologique.

Ces tendances donnent ainsi lieu à l'émergence de nouveaux enjeux de management, dont la

transformation de la fonction Ressources Humaines dans les entreprises est symbolique. C’est

pour mieux cerner cette transformation que Philippe Plagnes et Daniel Giffard-Bouvier127

ont

initié une réflexion de synthèse sur cette problématique et qui est résumée à travers ces deux

étapes :

La rupture dans l'exercice stratégique qui place désormais le facteur humain au cœur de la

stratégie.

Dans un environnement incertain, les processus stratégiques ne peuvent plus seulement

consister en une démarche « top-down » purement séquentielle entre l’élaboration et la

conception de stratégies d’une part, et leur stricte application d’autre part. Il faut qu’il y ait

davantage d’interactivité, en ce sens que la complexité et l'instabilité de l'environnement ne

permettent plus de donner l'exclusivité aux stratégies élaborées « en chambre ». Ce qui veut

dire apprendre à responsabiliser les individus, en favorisant le passage d'une culture

hiérarchique à une culture coopérative, pour dépasser le modèle d’action SWOT de l’école de

la conception.

Les enjeux du management des ressources humaines qui permettent de répondre à ce

nouveau contexte concurrentiel aux plans interne et externe.

126

Davenport (T. H.), « Privilégier l’information sur la technologie », www.lesechos.fr

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166

Il s’agit ici de montrer que la fonction ressources humaines est en corrélation étroite avec le

positionnement et l'orientation dominante de l'entreprise sur son marché. Ainsi, les nouvelles

pratiques concurrentielles engendrent des réflexes sur la pratique et la gestion du capital

humain, en réalisant notamment un diagnostic du capital humain à la fois aux plans quantitatif

et qualitatif. Par exemple, savoir quels besoins en compétences clés génèrent la vision

stratégique de l'entreprise. Déterminer à partir de là, les compétences critiques nécessaires à la

réalisation et au succès des orientations stratégiques, à partir de ces deux axes pour le moins

stratégiques.

Le premier concerne le diagnostic quantitatif et qualitatif du capital humain, il s’agit selon le

contexte de tirer profit des compétences individuelles pour les transformer en compétences

collectives. De les valoriser en tenant compte des profils individuels qui en sont la source. En

somme, cela revient à identifier et à faire fructifier le portefeuille des compétences

individuelles. De se tourner vers l’extérieur lorsque le portefeuille interne de compétences ne

permet pas de répondre à la demande exprimée. Le second axe, solidaire du précédent permet

d’optimiser et de mobiliser ces ressources, à partir des besoins en compétences de l'entreprise

et du potentiel des individus.

Cette culture est illustrée par l'approche dite du « vide contrôlé », qui vise à laisser aux

salariés une marge de manœuvres dans la traduction et la mise en oeuvre, à leur niveau, de la

vision globale du projet d’entreprise. Dans notre étude, cette valorisation du portefeuille de

compétences est davantage le fait des entreprises du secteur privé. Cela se traduit au niveau de

la BGFI par l’identification aux valeurs et au projet d’entreprise que tente d’inculquer le

Directeur des Ressources Humaines de cette société, par diverses batteries de mesure. Elles

passent aussi bien par des politiques d’intéressement, que par l’octroi de primes diverses pour

motiver le personnel.

127

Plagnes (P.), Giffard-Bouvier (D.), « La nouvelle place du facteur humain dans la stratégie »,

www.lesechos.fr

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167

Le perfectionnement et l’acquisition de nouvelles connaissances est également assuré dans

des centres de formation où les agents peuvent bénéficier de stages. On retrouve la même

formule aussi bien à la BICIG qu’à l’U.G.B., mais c’est véritablement la BGFI qui s’illustre

le mieux dans ce domaine, comme en témoigne le projet d’entreprise fourni en annexes.

Toutes ces mesures incitatives sont en rapport immédiat avec ce contexte concurrentiel et

environnemental mouvant, qui demande toujours plus de flexibilité pour s’y adapter.

Plus que jamais, on peut dire que les entreprises qui survivront dans cette nouvelle guerre

économique auront à leur actif la valorisation des acteurs/ressources internes pour mieux

affronter les aléas de l’environnement externe. L’une des clés de ce renouvellement de la

fonction ressources humaines passe par le degré de confiance q'un leader aura su établir au

sein de son organisation. Le second point sensible, une fois ce lien établi, consiste à gérer

efficacement la constitution d’équipes travaillant en réseaux, fondée sur la capitalisation de

savoirs et d’expériences.

Ainsi, les dirigeants d’entreprises qui pratiquent cette politique d'auto-renouvellement sont

bien conscients de la nécessité d'accroître le potentiel de leurs salariés, et d'investir dans la

formation du personnel, en créant un environnement d'apprentissages qui leur sera d'une

manière ou d’une autre bénéfique. Autrement dit, de simple composante du patrimoine de

l’entreprise, le facteur humain s’apparente davantage à un outil et à un ingrédient essentiel de

la production de valeurs.

Dans tous les cas, l'entreprise doit disposer d'un référentiel de compétences aligné sur ses

préoccupations et enjeux stratégiques. La question centrale est ici de faire émerger ce que

Jean-Christian Fauvet128

appelle des organisations «holomorphes». C’est-à-dire des

organisations dans lesquelles les projets locaux reproduisent la vision d'ensemble (à la

manière d'un hologramme), et créent les conditions de la motivation.

128

Fauvet (J.-C.), L’Élan sociodynamique, 2004.

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168

Ce sont ces transformations dans la nature des actifs stratégiques, dans les choix stratégiques

et dans les formes d'organisation qui caractérisent les stratégies fondées sur les savoirs. Ce qui

n’est pas sans rappeler la formule de Thomas Davenport consacrant la primauté de l’individu

sur la technologie : « Il ne suffit pas de se doter d'outils informatiques puissants. Pour

mieux gérer leurs informations, les entreprises doivent éviter l'écueil de l'obsession

technologique et mettre l'accent sur le facteur humain ».

3.3. Conclusion du chapitre

Ce chapitre consacré aux développements de la pensée contingente et du concept de stratégie

dans la dynamique d’entreprise, s’appuie sur le principe de causalité. En effet, tout comme les

développements de la pensée contingente le font apparaître, l’analyse des phénomènes

organisationnels se donne à lire par l’interaction de liens de causalité dont « l’hypothèse

élargie de configuration » d’Henry Mintzberg [1996] et les « principes de contingence et du

fit » d’Éric Delavallée [1996] nous servent de grille de lecture pour la validation des

hypothèses admises concernant le management stratégique des firmes gabonaises en étude.

Dans sa lecture des phénomènes qui influencent et interagissent sur les organisations,

l’approche contingente va distinguer dans une première période l’approche par les

déterminants structurels. Celle-ci, part du principe que la nature de l’environnement

(stable/instable) conditionne la nature de la structure organisationnelle (bureaucratique vs

organique). À cette approche, va succéder une autre vision du phénomène privilégiant

l’impact des déterminants techno-économiques. Cette dernière porte sur les relations entre les

choix technologiques et leur impact au sein des différentes composantes d’une organisation,

par les liens d’interdépendance qui peuvent naître de ces choix.

À l’influence et à l’impact des déterminants structurels et techno-économiques, va succéder

de nouvelles approches dites néo-contingentes. Ces dernières vont prendre le relais en

s’écartant quelque peu de la voie du déterminisme structurel et techno-économique, pour

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169

privilégier le jeu des acteurs dans l’organisation en tant que médiateurs pouvant faciliter ou

contrer les effets structurels ou techno-économiques [Child 1972, Crozier et Friedberg 2000,

Duncan 1972, Weick 1969].

Il ressort de l’analyse de l’influence de toutes ces variables que le contexte environnemental

et concurrentiel des entreprises s’exerce au sein des organisations par des pressions aussi

diverses que singulières. Soumises à ces pressions, les entreprises sont pour ainsi dire

condamnées, avec la mondialisation galopante, à adapter leur structure organisationnelle à ces

mutations. De fait, les entreprises qui veulent s’adapter ou gérer au mieux cette complexité et

les mutations de leur environnement, sont amenées à adopter un ensemble de démarches et de

processus flexibles [cf. les concepts de flexibilité offensive et défensive de Roger Tsafack-

Nanfosso, 1996} sur lesquelles reposent leurs stratégies.

En tant que réponse au degré d’incertitude ou d’adaptabilité de leur environnement, les

processus stratégiques traduisent une volonté d’infléchir ou de modifier cet environnement

par la mobilisation des ressources/compétences de l’entreprise. Ce que Christophe Éveraere

[1997] appelle une « stratégie flexible », car de plus en plus d’entreprises « intelligentes »

capitalisent ces ressources-compétences en actifs stratégiques, à travers le management des

ressources immatérielles notamment. Ce dernier s’entendant comme tout ce que l'entreprise

peut utiliser pour créer, produire et/ou offrir des produits ou services sur un marché, par la

mobilisation des ressources et des compétences qu’elle détient.

Ces savoirs peuvent donc être assimilés aux connaissances détenues par les acteurs de

l’organisation, car ce sont eux qui sont à la base du potentiel des actifs stratégiques. Dans

cette perspective, la décision informée en tant que pendant du management des connaissances,

passe par une reconfiguration des structures organisationnelles. La revalorisation de la

fonction ressources humaines qui repose sur une adéquation entre les besoins internes au

niveau des effectifs, par rapport au contexte concurrentiel, participe à l’émergence de ces

nouvelles formes organisationnelles. Elle s’apparente à un mode d’optimisation et

d'affectation du capital humain, car elle prend en compte, à la fois les besoins en compétences

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170

de l'entreprise et le potentiel des individus. De plus, elle a un rôle de régulation interne qui

peut s’avérer salutaire dans des situations de restructuration imposant des redéploiements

complets d'effectifs.

La relation entre information et stratégie liée à ces mutations de l’environnement économique,

social et concurrentiel des entreprises, marque la prise en compte de la décision informée dans

les actes de management stratégique. Pour Jean Simonet [1998], la prise en compte et

l’interaction de tous ces phénomènes traduit bien ce qu’il appelle le « management

stratégique de l’incertitude ». Il fait en sorte que dans la gestion d’une entreprise, le

portefeuille de ressources/savoirs, occupe une place stratégique dans la structure et les modes

de détermination des processus stratégiques.

Ce dernier fait que la stratégie adoptée par une entreprise, est en fait la somme des stratégies

délibérées et émergentes résultant souvent d’événements imprévus ou anticipés. À ce titre, la

dynamique information/stratégie peut être considérée comme le reflet plus ou moins fidèle

d’une structure organisationnelle, dans le sens où elle participe du processus

d’élaboration/construction de cette dynamique. D’ailleurs Donald Marchand [1999] l’assimile

à la « culture informationnelle » de l’organisation, parce qu’elle donne une image de

l’importance accordée au traitement, à la gestion, à la communication et à l’exploitation des

informations issues de ce processus.

Adaptée à nos perspectives de recherche, la stratégie telle qu’elle ressortira de notre approche-

terrain, s’apparentera davantage à l’adoption de stratégies de positionnement. Celles-ci, sous-

tendues par le système stratégique à l’œuvre dans les entreprises retenues, s’attachent à

combiner au système de valeurs et de références des individus, l’instauration d’un cadre

d’actions permettant de concilier rationalité économique/managériale et rationalité

culturelle/sociale.

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171

C’est ce que démontre notamment Nabil Rifai [1996], lorsqu’il dit que les organisations se

construisent à partir des liens sociaux et des affects qui déterminent leurs performances. En ce

sens, l'économie traditionnelle limite considérablement les possibilités d'analyse du

fonctionnement de la firme. dont relèvent les écoles normatives, car elle manque de saisir la

complexité pouvant régner dans une entreprise. Cette pertinence est biaisée par le fait que la

firme y est appréhendée comme une « firme automate » dotée de réactions parfaitement

prévisibles, qui transforme mécaniquement les facteurs de production (matières premières,

capital et travail) en un produit fini.

En situation de concurrence pure et parfaite ces théories ont leur sens, mais elles s’altèrent

dans des environnements complexes, à partir du moment où l'entreprise est considérée comme

un véritable acteur pesant sur le cours des choses, comme c’est le cas avec les écoles

processuelles. Dans leurs approches, la firme est devenue un objet à part entière remettant en

cause les hypothèses du modèle de l’économie industrielle qui lui donnaient une image

complètement passive.

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172

Armen Alchian [1984] voit notamment dans la spécificité des actifs, la raison essentielle de

l'existence de la firme. Cette approche rénovée considère davantage la firme comme un

ensemble de contrats qui établissent un type de structures avec des prérogatives bien définies

au niveau de l’activité et de la propriété (société anonyme, publique, à responsabilité limitée,

etc.), pour lui permettre à la fois de profiter des avantages de la spécialisation et d'assurer un

système d'incitation et de contrôle efficace.

Ces caractéristiques donnent lieu à l’émergence et à la qualification de différents types

d'entreprise en fonction de la théorie privilégiée, sur lesquels nous nous appesantirons au

cours de l’analyse-terrain notamment. Pour l’heure, nous allons évoquer de plain-pied les

manifestations des approches contingentes à travers une série d’études confrontant rationalité

managériale et spécificités des contextes d’action des univers stratégiques africains.

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173

Chapitre III : Approches contingentes et rationalité

managériale africaine

Le présent chapitre est exclusivement consacré à la manière dont différentes sensibilités

d’auteurs ont appréhendé les problèmes de management spécifiques au contexte et à

l’environnement africains. La première partie de notre exposé situera dans un premier temps

les éléments de justification théoriques apportés par ces auteurs au niveau des difficultés et

des impasses de la gestion chaotique de ces entreprises. Suite à cela, nous examinerons les

solutions qu’ils envisagent et leur pertinence par rapport à notre corpus et à nos perspectives

de recherche.

Section I : Fondements conceptuels

La présente section va s’étendre sur les modalités d’analyse des problèmes de gestion des

entreprises africaines, à partir des théories qui nous ont servi de base pour élaborer nos

hypothèses de travail, et qui fondrent les perspectives de recherche en la matière.

1.1. L’emprise de la cité domestique

L’intérêt des perspectives abordées par Boltanski et Thévenot129

porte sur la production des

accords et la réalisation des coordinations entre personnes, à partir de l’histoire des idées du

monde occidental et des diverses philosophies politiques qu’ils retiennent comme essentielles.

129

Boltanski (L.), Thévenot (L.), Des économies de la grandeur, De la justification, 1991.

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174

De là découlent des principes qui fondent les équilibres de la cité (grandeur vs petitesse) et qui

peuvent s’appliquer au monde de l’entreprise.

Dans cet univers, tout comme dans celui de la cité, les rapports entre les individus reposent

sur des systèmes d’équivalence partagés, des grandeurs communes qui permettent aux acteurs

de retrouver les repères qui vont guider leurs relations dans une situation donnée. Ces

systèmes d’équivalence ou grandeurs se donnent à lire dans des mondes régis par la cohérence

des principes qui y sont activés et correspondent à des formes idéales-types parmi lesquelles

ils distinguent : le monde de l’inspiration, le monde domestique, celui de l’opinion, ainsi que

les mondes civique, marchand et industriel.

Dans le monde de l’inspiration, l’échelle de la grandeur se mesure au génie créateur vs les

comportements routiniers et la banalité. Dans le monde domestique ce sont les figures de la

famille, de la tradition et des anciens qui prédominent. L’état de grandeur s’y mesure en

fonction du respect de l’échelle hiérarchique et des traditions. Le monde de l’opinion est

gouverné par l’étendue de la renommée de tierces personnes, tandis que le monde civique

repose sur la prééminence de l’application de la loi ; une loi valable et équitables pour tous les

membres de la communauté. Dans les mondes marchand et industriel, l’échelle de grandeur se

mesure respectivement à une logique de compétitivité et de productivité où les performances

techniques sont capitales.

Concernant notre problématique de recherche, nous allons nous focaliser sur les mondes

domestique, marchand et industriel, parce que se sont ces mondes qui articulent la pertinence

de nos hypothèses de recherche. Il n’en demeure pas moins que ces six types-idéaux ne sont

pas opaques et peuvent bien entendu se retrouver jumelés au sein d’une organisation : ce sont

les spécificités du contexte qui révèleront la primauté ou le jumelage d’un monde sur l’autre.

Ainsi, dans le cadre de notre étude, nous arrêterons nous plus particulièrement sur le monde

domestique par opposition aux mondes marchand et industriel, parce que ces trois mondes

véhiculent des idéologies pertinentes à la compréhension d’un management spécifique

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175

adaptable au contexte d’action des entreprises africaines lato sensu, et à celles faisant l’objet

de nos investigations stricto sensu.

Si le monde domestique est assimilé par ses détracteurs à un monde désuet où prédomine la

survivance du passé, et où se distinguent des organisations économiquement peu efficaces, les

mondes marchand et industriel font directement référence à des organisations compétitives et

performantes, reposant davantage sur l’esprit individualiste plutôt que communautaire. Les

échelles de grandeur de ces trois mondes constituent en effet le socle autour duquel s’articule

la problématique de notre recherche sur les contingences d’un management adaptable aux

firmes gabonaises de note corpus, et qui de plus fondent les perspectives de recherche dans ce

domaine.

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176

Nuançant ce type d’approches car elles se focalisent sur des liens de causalité déterministes et

mécanistes, la contribution d’Alain Degenne et de Michel Forse130

se base sur l’analyse des

structures sociales, en l’enrichissant de la pluralité des phénomènes qui peuvent justifier ce

déterminisme. Les auteurs partent ainsi de l’idée que si les comportements ou les opinions des

individus dépendent des structures dans lesquelles ils s’insèrent, ces derniers construisent la

réalité sur la base des catégories et des relations qui correspondent aux canons des

représentations de leurs différents cadres référentiels.

Ce postulat est sous-tendu par l’idée selon laquelle la structure ne serait qu’un ensemble

d’attributs individuels, et que les individus partageant les mêmes attributs sont proches

« structuralement » (p.6). Autrement dit, ceci revient à considérer que le comportement social

est normativement orienté. Les normes traduisent alors les effets de la situation structurale des

individus ou des groupes, car elles permettent de déterminer les opportunités et les contraintes

qui pèsent sur l’allocation des ressources, à l’intérieur d’une organisation (p.7).

Cette perspective apporte un éclairage pluridimensionnel, permettant de considérer davantage

que les individus appartiennent et sont régis tout autant par des catégories que par des

relations ou des réseaux. Ces catégories sont le reflet de relations structurales qui les lient a

priori, à partir de l’étude de l’ensemble des relations qu’ils entretiennent entre eux. Une

structure comporte donc un ensemble d’éléments liés les uns aux autres par des relations

diverses. Dans une entreprise, c’est notamment l’organigramme qui définit de façon formelle

l’attribution des tâches, que peut renforcer ou contrecarrer le sociogramme.

Par la combinaison des relations et des régularités de comportements dégagés dans une

structure, ainsi que par les groupes ou statuts qui présentent ces régularités de façon inductive,

on peut ainsi dégager des groupes pertinents a posteriori, et comprendre comment la structure

contraint les comportements tout en faisant émerger des interactions (p7). Cela est d’autant

mieux vrai que le concept de réseaux sociaux sert à décrire et à expliquer des réalités sociales

aussi diverses que la parenté, le pouvoir, la communication, etc. Nous allons ainsi montrer

130

Degenne (A.), Forse (M.), Les réseaux sociaux. Une analyse structurale en sociologie, 1994, 288 p.

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177

sans pour autant remettre en cause l’apport de Boltanski et de Thévenot [1991], la diversité

des phénomènes que permettent de révéler l’analyse des réseaux sociaux, à partir des

éléments théoriques et conceptuels qui suivent.

1.2. Une conciliation difficile à établir

Il ressort des difficultés de gestion et de gouvernement des hommes spécifiques aux

entreprises africaines, qu’elles tiennent en partie, si ce n’est exclusivement le cas aux

problèmes de cohabitation de deux univers : la société traditionnelle avec ses valeurs sociales

dominantes d’une part. Les exigences de la société moderne, dont la rentabilité économique

est l’une des facettes, d’autre part.

Ainsi, allons nous toucher à la cohabitation de deux mondes aux valeurs antagonistes, sous

l’angle de deux approches complémentaires : celle qui prend racine dans l’histoire des

sociétés africaines, marquant une surdétermination du milieu sociétal sur les logiques

d’entreprise. Et celle plus actuelle, au cœur des logiques d’entreprise qui analyse ces

phénomènes dans le contexte économique et concurrentiel actuels.

Ce dernier, est dominé par les effets plus ou moins porteurs de la mondialisation, car il

contribue à la fragilité de l’équilibre entre rationalité culturelle/sociale et rationalité

économique/managériale. D’ailleurs les différentes études relatives au management des

entreprises africaines qui répercutent cette ambivalence en témoignent. Elles constatent toutes

à la source des maux qui empêchent l’instauration d’un minimum d’objectivité dans la

conduite des affaires, le fait que les entreprises soient installées dans une logique où les

difficultés de gestion semblent être devenues une de leurs caractéristiques, comme cela

transparaît notamment dans le passage suivant :

« La lecture des rapports d’experts chargés de porter un diagnostic sur la gestion de telle ou

telle entreprise d’Afrique noire a quelque chose de lassant par la répétitivité des constatations

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178

faites : une centralisation abusive, une absence de définition précise des responsabilités, une

faible motivation des agents trop tenus en bride, une imbrication excessive de l’entreprise et

de l’environnement rendant difficile la mise en place d’une gestion attentive à un bon

fonctionnement interne »131

.

131

D’Iribarne (P.), « Face à l’impossible décentralisation des entreprises africaines »., Revue française de

gestion, 1990, p.28.

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179

L’argumentaire de ce passage montre un aspect intangible au niveau des problèmes de gestion

dans les entreprises africaines, que l’on retrouve indiféremment dans la diversité culturelle et

épistémologique des approches de ces différentes études. Le moins qui apparaisse, c’est que

cette gestion défectueuse des entreprises africaines tient à des décalages structurels et

organisationnels qui ont du mal, ou plutôt qui cohabitent difficilement avec les exigences

d’efficacité et d’objectivité des procédures de management à l’occidentale [Agier 1995,

Mbargane 1995 ; O’Cloo 1991]. Ce qui fait que l’installation de ces phénomènes acquière une

dimension complexe que ne dément ni leur actualité, ni leurs manifestions dont témoignent

les deux courants majeurs que nous avons dégagé.

1.2.1. L’approche historiciste

Paul René Ollomo132

, dans son approche de la question situe l’origine des maux des

entreprises africaines au constat d’échec humain et économique des modèles de

développement occidentaux en Afrique qui s’enchaînent depuis la période coloniale. Période

au cours de laquelle les occidentaux ont subverti le mode communautaire -basé sur des

transactions rituelles (mariage, initiation, esclavage,…)- des sociétés placées sous le joug de

leur domination, en introduisant le salariat. En effet, dans la société traditionnelle, l’économie

a un rôle secondaire par rapport au social : elle est encastrée dans les relations sociales alors

que dans la société moderne, les relations sociales sont encastrées dans le système

économique [cf. Hernandez, 1998, p.49].

Ce cadre référentiel subverti a eu pour effet de déprécier le travail en lui apportant une

dimension déshumanisante et contraignante, que l’importation de la fonction publique et des

entreprises privées ont contribué à asseoir. Ces deux institutions symbolisant pour les

autochtones, le prolongement et le reflet des valeurs impersonnelles véhiculées par le système

colonial. Il y déplore notamment le plaquage sur le tissu industriel « naissant » de ces

entreprises, des principes et des méthodes de gestion inadaptés, parce qu’ils tiennent rarement

132

Ollomo (P.R.), “Comment concilier tradition et modernité dans l’entreprise africaine”, Revue française de

gestion,, sept;-oct. 1987, p.91-101.

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180

compte des réalités et des modes de fonctionnement spécifiques au contexte d’action de ces

structures. Dans ce contexte, les individus ne trouvent pas d’identification et de symbole vis-

à-vis de la chefferie dans la relation individu/autorité établie, ainsi que dans les relations entre

tiers qui sont plus impersonnelles dans le monde de l’entreprise.

Cette perte d’identification a eu pour conséquence de difficilement recueillir l’adhésion des

membres aux valeurs de l’entreprise, parce qu’ils ne se reconnaissaient pas dans la figure du

leader qui en avait la charge pour des raisons diverses : appartenance ethnique, clanique,

tribale, etc. au-delà des compétences et de la personnalité que ce dernier pouvait avoir. Cette

situation se traduit bien souvent dans les faits par des tensions révélatrices de la prééminence

du sociogramme sur l’organigramme. Ce qui fait que cette relation identitaire échappant aux

logiques fonctionnelles et impersonnelles de l’administration publique notamment, est un

échantillon représentatif et symptomatique de l’inadaptation des modèles de gestion importés

dans ces entreprises, en dehors d’un minimum de « collages » aux contextes d’action locaux.

La majorité des dysfonctionnements observables dans les entreprises africaines sont

imputables à la survivance du système traditionnel, à son rythme particulier qui cohabite très

souvent de façon néfaste avec les contraintes de la rationalité et des exigences économiques.

Cela est particulièrement vrai pour les entreprises publiques, à l’inverse des entreprises

privées, où l’esprit des méthodes et des principes de saine gestion sont mieux appliqués, et

concilient avec efficacité ces deux univers, comme nous le démontrerons. À partir de ce

problème d’identification, Paul Ollomo [1987] montre ainsi la nécessité de développer un

type d’organisation spécifique, passerelle entre les références culturelles du monde villageois

et celles des réalités de l’entreprise moderne, afin de donner aux individus l’opportunité de se

faire-valoir dans leur activité professionnelle.

La démarche de Baye Ibrahima Diagne133

s’inscrit dans la même perspective que celle de

Paul Ollomo [1987], puisqu’elle traite de la question de l’inadaptabilité des outils et des

modes d'organisations importés et plaqués sans remodelage, donc sans ancrages socioculturels

dans les entreprises et les sociétés africaines. Cette coexistence calamiteuse du système

133

Diagne (B.I.), « L'Ajustement culturel des entreprises africaines »,

http://fr.allafrica.com/stories/200401290619.html

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181

traditionnel et du management occidental témoigne pour lui de la résistance des pays sous-

développés à toute forme de modèle universaliste qui nierait la prise en compte des

particularismes sociétaux locaux. Pour lui, le fait est que :

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182

« Les facteurs historiques ont fait que le modèle universel de management dans sa forme

courante est inapplicable aux pays du Tiers-monde. Les pratiques managériales semblent

réussir non pas en copiant le modèle occidental mais en intégrant la culture du Tiers-monde et

ses besoins environnementaux, ce qui doit nous pousser vers l'ajustement culturel du

management de nos entreprises » Diagne [2004].

La préoccupation identitaire qui ressort de ces deux approches, permet d'appréhender la

distance culturelle qui sépare l'entreprise des sociétés africaines, et qui s’exprime également à

travers le concept d’« extériorité » développé par Émile-Michel Hernandez [1998]. D'où la

nécessaire reformulation par Ibrahima Diagne, d'une identité nouvelle qui passe

immanquablement par l'adaptation des modèles organisationnels et managériaux au contexte

d’action des lieux d’implantation. Effectivement, comme nous le disions dans notre

introduction générale, l’Afrique, son management et ses spécificités, ne se comprennent que

partiellement si l’on occulte les substrats socio-culturels présents dans la vie des institutions et

des sociétés.

Tout comme Paul Ollomo, il montre que pour comprendre les dysfonctionnements des

entreprises africaines, il est nécessaire de se référer à leur structuration, c'est-à-dire à leur

historicité. Ainsi part-il de la naissance de l'entreprise africaine, pour montrer comment cette

naissance a marqué de façon indélébile la structure mentale du salarié africain. En tant que

structure importée, il considère que l'entreprise a été dès le début de son implantation « un

corps étranger qui ne s'est pas greffe dans les structures sociales et économiques africaines,

mais elle est restée à la périphérie de l'économie endogène, et en plus elle fut un lieu

d'oppression et d'exploitation ».

Pour Ibrahima Diagne [2004], l'association de ces deux constats : la préoccupation identitaire

et la naissance de l'entreprise africaine a toujours fait de l'entreprise africaine, une « affaire

non africaine ». Effectivement, cette association marque l’absence de relais d’un monde

(traditionnel) à l’autre (moderne) qui est ici remise en cause par ces deux auteurs, parce

qu’elle pénalise in fine les stratégies de développement des pays africains de manière

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183

générale, et de leurs entreprises plus particulièrement. Pour Paul Ollomo [1987], la résolution

de ces maux doit se traduire par une nouvelle dynamique managériale. Celle-ci devant passer,

non seulement par la formation massive de cadres africains aux techniques de gestion, mais

davantage par une redéfinition des modèles organisationnels imprégnés d’identitarismes, pour

favoriser le sentiment d’appartenance à l’entreprise. Mais par dessus tout, ce qu’il

recommande, c’est d’établir une passerelle tangible à la coexistence du monde traditionnel et

du monde moderne dans la gestion de ces entreprises.

Cette confrontation des logiques identitaires à la rationalité économique dans les entreprises

africaines s’exprime à travers cette interrogation : « Comment amener des groupes ou des

individus fortement imprégnés de traits culturels locaux à coopérer et à s’investir totalement

dans un projet commun de production ? » [Ollomo, 1987, p.92]. La réponse ou les remèdes à

apporter ne vont pas de soi, et sont loin d’être simples. En effet, outre le mal identitaire lié à la

transposition du monde traditionnel dans les structures héritées du colonialisme, et la

constitution de ces entreprises, l’autre mal de l’Afrique découlant des deux précédents, réside

dans les innombrables mutations industrielles qu’elle a opéré par mimétisme et non par étapes

successives.

La structure du tissu économique gabonais est symbolique de cette défaillance. En effet, le

boom pétrolier des années 70, au lieu de favoriser la diversification de l’économie, et de

soutenir le développement agro-industriel, n’a pas su pour divers motifs que nous ne

développerons pas ici, impulser des stratégies de développement viables à long terme. Ces

défaillances qu’accentue la crise actuelle des secteurs bois et pétrole, principales ressources

du pays, si elles ont autrefois permis l’émergence d’un tissu industriel dont les performances

étaient dopées par ce boom économique, s’avèrent aujourd’hui contrastées. Cette idée est

résumée à travers le passage suivant :

« Une des particularités de l’Afrique est qu’elle a, en moins d’un demi siècle, franchi toutes

les étapes de l’industrialisation. Elle a cru faire l’économie d’une révolution industrielle, mais

de ce fait n’a pas connu le stade de la petite entreprise familiale où se forment l’esprit, les

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184

pratiques et les symboles qui caractérisent encore aujourd’hui les grands noms de l’industrie

européenne. Certes, l’Afrique a eu ses artisans, mais l’absence de véhicule et la sacralisation

de leur art ont circonscrit les limites du rayonnement du savoir ainsi accumulé au noyau

familial, au clan »134

.

L'analyse qu’apporte Ibrahima Diagne [2004] au cumul des dysfonctionnements observables

au sein des entreprise africaines, fait le lien avec les développements de l’approche que nous

qualifierons d’« économiste », parce qu’elle tire argument de ces faiblesses pour promouvoir

un mode de management crédible dans le contexte économique et environnemental actuel,

dominé par les effets plus ou moins bénéfiques de la mondialisation. Cette crédibilité est

considérée comme acquise pour lui, lorsque la place de ce management est acquise dans les

esprits des acteurs d’une organisation, avant de réussir dans les bilans. Or, là encore en

Afrique nous dit-il, le constat est unanime : les entreprises éprouvent toutes les difficultés à

maîtriser la variable «management».

Ce phénomène s’exprime à travers les relations complexes entre les africains et le travail

moderne qui fait de l’entreprise africaine, une structure hétéronome, parce qu’elle est au

moins biculturelle du fait de la présence en son sein de deux blocs liés à l’entrelacement et à

la cohabitation des rationalités culturelle et économique. La non-responsabilisation ou le

défaut de reconnaissance des uns et des autres, sont des formes de marginalisation que nous

avons relevé dans la plupart des entreprises publiques de notre corpus. Elles sont la source

d'une certaine frustration et de la démotivation qui semblent caractériser les membres de ces

organisations, et freinent le développement de leur entreprise, en installant davantage ce

biculturalisme.

Les origines de cette démotivation tiennent tout autant à des causes internes qu'externes. Les

premières sont repérables à travers les comportements des salariés et constituent le « bloc

visible ». Les secondes, constituées des valeurs occidentales, parce qu'elles renferment les

principes de fonctionnement de l'entreprise, à travers ses outils de management renvoient à ce

134

Ollomo (P.R.), op. cit., 1987, p.93.

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185

que l’auteur appelle un « cliché ». La complexité de ces relations, dont témoignent les cadres

explicatifs ébauchés au niveau de l’approche historiciste montre que les causes externes

comptent tout autant que les causes internes, et est vraisemblablement liée au problème

d’adaptation des outils et des méthodes de management.

Comme nous le faisait remarquer l’un de nos interlocuteurs au cours d’un entretien, le

problème en Afrique, c’est qu’il n’y a pas d’existant. Les méthodes de management qu’ils

appliquent ont été conçues et expérimentées dans des contextes qui n’ont pas grand chose à

voir avec le lieu de leur transfert dans le contexte particulier des sociétés africaines. Comme

pour le transfert de technologies, la vente est assurée mais le service-après-vente laisse à

désirer. Pour Émile-Michel Hernandez, [1997, 1998] tous ces problèmes d’adaptation tiennent

à une vision caricaturale des univers africains, ressortant à trois postulats majeurs qu’il tire

d’une lecture de Mamadou Dia135

:

une conception mécaniste et linéaire de l’histoire du développement ;

une approche technologique de la gestion partant de l’idée que la modernisation passe

obligatoirement par l’assimilation des méthodes et techniques de gestion occidentales ;

une approche ethnocentrique de la culture fondée sur l’idée que toute société tend in fine à

épouser les mêmes valeurs que les pays développés, et que le refus de les partager est

synonyme de sous-développement.

Pour ces auteurs, le défi des entreprises africaines dans ce contexte n’est évidemment pas de

se complaire dans cette nostalgie identitaire, mais de prendre appui sur le mode de

fonctionnement du système traditionnel pour « réinventer les valeurs, vertus et symboles

135

Dia (M.), « Développement et valeurs culturelles en Afrique subsaharienne », Problèmes économiques°2281,

juin 1992, p.28-32.

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constituant le fond culturel commun aux groupes humains concernés. Leur donner un idéal et

des raisons de coopérer » [Ollomo, 1987, p.93], tout en tenant compte d’autres facteurs aussi

importants que le déterminisme culturel : l’étroitesse des marchés, les structures financières

inadéquates, l’absence de stratégies ou de cohérence des moyens et des finalités mises en

œuvre, qui constituent autant de freins à l’épanouissement et aux potentialités économiques et

sociales des entreprises africaines.

Au niveau de la BGFI par exemple, ce pari se traduit par une politique d’intéressement des

salariés au capital de l’entreprise et depuis peu, par l’objectivation de valeurs sensées

gouverner l’action de chacun des membres de l’organisation. Dans son approche de la

question, Émile-Michel Hernandez, [1997, 1998] tout en reconnaissant la prédominance des

rapports sociaux dans l’entreprise montre que les problèmes de gestion sont davantage

consécutifs à l’extériorité majeure des membres de l’organisation par rapport à l’entreprise.

Extériorité provenant du décalage causé par la perte de repères entre les valeurs du monde

traditionnel et du monde moderne.

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L’entreprise y est en effet perçue comme une émanation de l’Occident et de ses valeurs, avec

lesquelles les logiques des acteurs et leur vision du monde s’entrechoquent [cf. Diagne 2004,

Ollomo, 1987]. Si la vision des dirigeants, ou du moins celle des cadres est différente, parce

qu’ils ont acquis des compétences au niveau de leur formation pour faire abstraction de ce

type de considérations, c’est malheureusement le cas pour les agents d’exécution. Dans cette

optique, l’auteur suggère que la conception de modèles de management devrait davantage

obéir à une logique communautaire plutôt que sociétaire, dans laquelle les liens sociaux ne se

limiteraient pas seulement à l’instauration de liens contractuels, mais comporteraient aussi des

liens affectifs ou moraux. Cela pourrait par exemple favoriser le travail en équipes construit à

l’image des rapports de travail opérés dans l’entreprise informelle.

Il fait ainsi état du concept de « culture appliqué à l’entreprise » qui situe le débat sur la

prédominance ou l’entrecroisement de « l’homo oeconomicus » et de « l’homo culturalis », à

partir du modèle théorique issu des écrits de Luc Boltanski et de Laurent Thévenot [1991],

dont Gilles Herreiros et Yves-Frédéric Livian136

ont par ailleurs dressé l’importance pour

l’activité de gestion. Ce constat apparaît également dans l’analyse de Youssouph Mbargane137

qui montre à travers le prisme des relations travail/hors travail, comment la reproduction des

réseaux (claniques, ethniques, religieux,…) s’insère dans la dynamique d’entreprise. Il y

insiste par ailleurs sur le poids et l’impact de ces réseaux sur l’organisation en général, à partir

de la reproduction des logiques associatives à l’intérieur comme à l’extérieur de l’entreprise.

Ces logiques constituant de fait des « cordons » sociaux doublés de réseaux aux interférences

multiples, se prolongeant au sein des entreprises par le maintien des rapports de solidarité et

d’entraide, qui font qu’il est d’autant plus difficile de sévir en cas de faute et d’imposer la

rigueur. Ce que Michel Agier138

nomme « codification ethnique des relations sociales et

économiques ». La conciliation de ces deux systèmes alliant la primauté de l’économique sur

le social (société moderne) et la primauté du social sur l’économique (société traditionnelle)

136

Herreiros (G.), Livian (Y.-F.), “L’apport des économies de la grandeur: une nouvelle grille d’analyse des

organisations ?, Revue française de gestion, 1994, p.43-59. 137

Mbargane (Y.), “De l’atelier à la société. Les ouvriers de l’huilerie Sonacos de Dakar”, Salariés et entreprise

dans les Pays du Sud. Contribution à une anthropologie politique, 1995, p.133-151. 138

Agier (M.), « Espaces et tensions de l’anthropologie du travail. Un itinéraire de recherche », Salariés et

entreprise dans les Pays du Sud. Contribution à une anthropologie politique, 1995, p.440-445.

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188

entraîne pour Paul Ollomo [1987], par analogie aux logiques ressorties par Luc Boltanski et

Laurent Thévenot [1991], la prédominance d’une logique communautaire ou de la relation,

comme caractéristique majeure des entreprises africaines.

Cette logique permet d’asseoir le concept de « gestion écosociale des ressources humaines »,

par opposition aux modèles occidentaux de management, valorisant davantage les individus

par leur place dans la société. Cette place étant déterminée par la possession d’un contrat de

travail : c’est lui qui fait la valeur d’un individu dans la société, et qui conditionne le regard

que les autres portent sur lui, et sur sa condition. D’ailleurs, le courant de pensée baptisé

socio-économie sous l’impulsion du sociologue américain Amiltaï Etzioni privilégie ce type

de rapports économiques.

La majorité des dysfonctionnements observables dans les entreprises africaines sont

imputables à la survivance du système traditionnel, à son rythme particulier qui cohabite très

souvent de façon néfaste avec les contraintes de la rationalité et des exigences économiques.

Cela est particulièrement vrai pour les entreprises publiques, à l’inverse des entreprises

privées, où l’esprit des méthodes et des principes de saine gestion sont mieux appliqués, et

concilient avec efficacité ces deux univers, comme nous le démontrerons.

À partir de ce problème d’identification, Paul Ollomo [1987] montre ainsi la nécessité de

développer un type d’organisation spécifique, passerelle entre les références culturelles du

monde villageois et celles des réalités de l’entreprise moderne. Cela, afin de donner aux

individus l’opportunité de se faire-valoir dans leur activité professionnelle.

La préoccupation identitaire qui ressort de ces deux approches, permet d'appréhender la

distance culturelle qui sépare l'entreprise des sociétés africaines, et qui s’exprime également à

travers le concept d’« extériorité » développé par Émile-Michel Hernandez [1998]. D'où la

nécessaire reformulation par Ibrahima Diagne d'une identité nouvelle, qui passe

immanquablement par l'adaptation des modèles organisationnels et managériaux au contexte

d’action des lieux d’implantation. Effectivement, comme nous le disions dans notre

introduction générale, l’Afrique, son management et ses spécificités, ne se comprennent que

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189

partiellement si l’on occulte les substrats socio-culturels présents dans la vie des institutions et

des sociétés.

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190

Cette façon de considérer les liens unissant les salariés à leur entreprise n’est pas seulement

spécifique à l’Afrique. Tous les salariés sont a priori mus par des intérêts à défendre, des

enjeux à surmonter, des stratégies personnelles à élaborer, tout comme leur institution. Dans

ce cadre, on peut dire qu’ils sont d’abord des acteurs en situation, avant d'être membres d’une

communauté.

Cette primauté de l'universalité de l'humain sur le contexte socioculturel mise en avant par

Ibrahima Diagne [2004], met en garde contre ce qu’il appelle l’« autisme culturel , en tant que

cadre explicatif restrictif et unilatéral. Tout cela pour faire entendre que si le contexte

socioculturel permet d’améliorer la compréhension de ces phénomènes, il ne doit pas pour

autant empêcher d’autres lectures périphériques.

« Le mal africain » est trouvé et a même été bien appréhendé dans les différents cas de figures

où s’illustrent les difficultés des entreprises africaines : c’est davantage la cohabitation de

deux univers aux valeurs antagonistes (sens de la communauté vs sens de l’individualisme)

qui reste problématique, parce que la passerelle a été imparfaitement fixée. Si Diagne [2004]

reconnaît que la culture, ou du moins l'hétéronomie qui caractérise l'entreprise africaine,

s'explique par l'absence de syncrétisme entre ces deux modes de gestion, il pense également

qu’il serait tout aussi illusoire de considérer qu'il suffit d'intégrer la culture dans le

management des entreprises africaines pour que les dysfonctionnements disparaissent.

Faire ce choix reviendrait à occulter certains invariants qui sont méta-culturels. Par exemple,

ce n’est pas qu’il n’existe pas de cultures endogènes dans ces entreprises, le problème vient

peut-être de leur mode de diffusion trop formalisé, par rapport à la cooptation du plus grand

nombre. Cet exemple est à lui seul révélateur des micro-climats qui perturbent la vie de ces

organisations, hormis les problèmes externes.

Cela explique en partie certaines incohérences et l’inefficacité constaté dans la majorité de ces

entreprises, et qui proviennent certainement de l'allogénéité des outils de gestion utilisés.

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191

C’est pour cette raison que l’auteur préconise l’adoption d’un « management intégral », c'est-

à-dire un mode de management dans lequel les micro-modes de gestion des relations de

travail tiennent compte des macro-modes de gestion des relations sociales de l'aire culturelle

de l'entreprise.

Pour que la culture ne soit pas un frein, mais le moteur d'un management intégré [cf.

Delavallée 1996], il faut vraisemblablement en passer par là. Cela est devenue une nécessité

rendue paradoxalement légitime par la mondialisation, car les entreprises sont de fait

devenues des objets transculturels.

La mondialisation a effectivement accéléré le mouvement de restructuration/privatisation des

entreprises publiques, et une tendance à l'universalisme économique encouragée par les

organismes et les institutions internationaux. Ceci, afin d’y promouvoir un type de modèle

économique et de développement soutenu par la société de l’information. Il serait par

conséquent insensé de vouloir diriger des groupes humains dans une logique de performance

économique, en faisant fi de la logistique culturelle indispensable à son adhésion, pour

faciliter la mise en oeuvre des stratégies définies.

Les acteurs sont par essence des êtres «culturels», parce qu’ils se définissent tout autant par

des catégories-structures à la fois singulières et collectives, leur donnant le sens des actions

qu’ils posent [cf. Degenne et Forse, 1994]. Tout cela pour dire qu’ils sont porteurs de normes

et de valeurs sociales dont dépendent leur façon de penser et d'être. D’où la problématique de

la culture et de l'action dans l'entreprise que nous verrons à travers les développements de

l’approche économiste. Elle montre ainsi qu’il serait hasardeux, voire imprudent de mener

une quelconque réflexion sur le management des entreprises africaines, en l'absence des

substrats culturels qui sont le véhicule de l'action tant individuelle que collective [Kamdem

2002, Mutabazi 2001].

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192

1.2.2. L’approche économiste

L’approche économiste met davantage l’accent sur la capacité du management à impulser au

cœur des entreprises africaines, un potentiel de gestion et d’organisation tenant compte de son

hétéronomie. Les différents travaux que nous examinerons ici, s’appuient sur l’impact de la

mondialisation et de l’économie de marché, pour considérer l’importance de la culture, que ce

soit à l’échelle d’une nation ou d’un individu, en tant que force motrice. Dans cette

perspective, Évalde Mutabazi139

s’est penché sur les nombreux échecs des projets de

développement, des programmes d’ajustement structurel, et autres restructurations

d’entreprises menés en Afrique, pour pointer la part de mésestimation des enracinements

culturels, religieux et ethniques qui agit manifestement sur les performances de ces

organisations.

Il préconise ainsi un « modèle circulatoire » qui définit l’unité d’une identité africaine, dans la

diversité de ses expressions par l'existence de traits communs, parce qu’elle constitue un socle

culturel commun où se combinent des rapports singuliers au temps, au travail, à l’entreprise et

aux autres. À travers les études de Philippe D’Iribarne140

et de Guy Desaunay141

sur les

rapports entre expatriés et autochtones dans des entreprises africaines, nous avons des

exemples pathologiques de la prégnance de cet enracinement.

Dans son étude, Guy Desaunay [1987] mettait en évidence les clivages culturels entre salariés

expatriés et locaux. La distance culturelle qui existe entre ces deux catégories de personnel,

est pour lui symbolique de la confrontation de deux visions du monde et du rapports aux

autres qui s’y projette. Ces visions du monde et ces points de vue antagonistes, à partir de

l’appréciation de la notion de rendement, montre comment cette appréciation contribue à

l’enlisement des difficultés de gestion.

139

Mutabazi (É.), « Multiculturalisme et gouvernement des sociétés africaines », Sociologies pratiques, 2001,

p: 95-118. 140

D’Iribarne (P.), “Face à l’impossible décentralisation des entreprises africaines”, Revue française de gestion,

1990, p.28-39. 141

Desaunay (G.), “Les relations humaines dans les entreprises ivoiriennes”, Revue française de gestion, 1987,

p.95-101.

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193

Effectuée sur la base de la distinction entre bien public et bien privé entre ces deux catégories

de personnel, elles justifient de part et d’autre le malaise relatif au statut des uns et des autres

dans l’entreprise. Pour les salariés autochtones notamment, la faiblesse de leur rendement

provient du fait qu’à diplôme équivalent, les expatriés bénéficient d’avantages et de

rémunérations plus élevés, en plus d’un statut social et professionnel de privilégiés. Les

expatriés quant à eux, critiquent le rendement des salariés autochtones, parce qu’ils estiment

que leurs attitudes dans l’entreprise n’est pas compatible avec les exigences de rigueur et du

manque de crédit dont ils les accablent. Ces critiques se retrouvent dans les trois logiques

suivantes :

« une logique du retard, essentiellement un retard de développement lié au retard culturel ;

une logique du vide, les sociétés africaines étant alors conçues comme manquant d’un certain

nombre d’éléments d’ordre intellectuel (conception du temps par exemple) ou moral (sens de

la responsabilité) ;

une logique de la différence, avec une recherche de ce qui dans les sociétés africaines pourrait

expliquer que les comportements dans certaines circonstances soient différents des

comportements européens et évidemment moins efficaces » (p. 96).

Concernant ces reproches, nous les avons effectivement nous-même entendu chez les deux

directeurs expatriés exerçant dans des entreprises privées au Gabon. Ce qui montre bien que

derrière la diversité culturelle qu’on peut observer dans ces pays, on retrouve bien un socle

commun de valeurs/clichés qui définit l’unicité de l’identité africaine dont parle Évalde

Mutabazi [2001]. Pour Guy Desaunay [1987], l’intensité relationnelle que critiquent les

expatriés, et que font prévaloir les travailleurs locaux dans l’entreprise, marque les écarts

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194

d’incompréhension de leurs univers respectifs, et la survivance du monde traditionnel dans

l’entreprise.

Au lieu de la proscrire et de la condamner, il propose de la formaliser en procédures de

gestion du personnel, en y précisant alors clairement les droits et les devoirs, le rôle et les

statuts de chacun, aux fins d’arriver à un résultat satisfaisant au plan social et économique.

Philippe D’Iribarne [1990] en arrive également aux mêmes conclusions, mais en abordant la

difficulté sous l’angle des problèmes inhérents à la décentralisation (des pouvoirs, des

compétences, des individus, de l’organisation, etc.), pour montrer l’inadaptation des méthodes

de gestion classiques au contexte culturel africain de manière générale.

Mésestimer l’impact des enracinements socio-culturels, à l’heure de la mondialisation, c’est

sous-estimer leur impact sur les performances économiques d’une entreprise. Cela est

d’autant mieux vrai que Ibrahima Diagne [2004] a dans son analyse, démontré que les

entreprises africaines étaient biculturelles, et qu’on pouvait difficilement les dissocier de leur

environnement politique, économique et socioculturel. Avec la mondialisation, les entreprises

si elles exercent et restent arrimées à une réalité et à un environnement local, n’en restent pas

moins confrontées et soumises aux logiques de la société globale.

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195

Cette ambivalence qui complique l’équation entre rationalité culturelle, caractérise également

les travaux de Kanyi O’Cloo [1991], à travers la question de l’adaptation ou de la non

adaptation des techniques de gestion occidentales aux contingences des entreprises africaines.

Ce dernier fonde ainsi son analyse sur une redéfinition de la conception et des conditions

d’existence des entreprises en Afrique, tout comme les perspectives des travaux regroupés

sous le label Salariés et entreprises dans les Pays du Sud sous la direction de Robert Cabanes,

Jean Copans et Monique Selim [1995], dont est extrait l’article de Youssouph Mbargane. Ces

deux interrogations accréditent cette problématique :

« Est-ce la logique de la société globale qui par les formes de solidarité qu’elles peuvent

déployer donne le ton des rapports sociaux dominants, réduisant les efforts des logiques

d’entreprise ? Où…

Est-ce à l’inverse les logiques d’entreprise qui créent lentement et sûrement les sociétés à

deux vitesses, rapprochant celles du monde « développé » des pays « en développement »,

permettant de penser l’articulation de l’entreprise avec son environnement sociétal » ?

(p.12).

Nous pouvons esquisser comme réponse en nous appuyant sur une idée de Philippe

D’Iribarne que : « la gestion d’une entreprise, loin de relever seulement ou même d’abord

d’un ensemble savant de procédures et de ne faire appel qu’à l’intérêt et à la raison possède

une dimension fondamentalement morale. Les hommes en effet ne coopèrent volontiers à une

œuvre commune que s’ils sont traités conformément aux valeurs auxquelles ils croient »

[1989, p.201]. Autrement dit, pour nous et conformément au caractère formateur et interactif

que nous attribuons aux perspectives de recherche en matière d’organisation et de

management stratégique, ces deux interrogations ne sont nullement exclusives, bien au

contraire. Seulement, elles occultent le poids des acteurs en tant que leviers d’action de ces

différents dispositifs.

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196

C’est également la tendance développée par les membres du Réseau Cultures», une O.N.G.

s’intéressant à l’analyse des cultures locales et à leurs dynamiques par rapport à la vie

économique. Leurs travaux s’attaquent ainsi à la remise en question des modèles

universalistes, à partir de la prise en compte des besoins et des situations réels. Thierry

Verhelst]142

dans ce cadre part du présupposé que, contrairement à la pensée économique et

politique dominantes, les peuples ne répondent pas partout, et de la même manière, à la même

logique de maximisation du profit individuel.

Ce que dénie ici l’auteur, c’est la logique implacable et dominatrice du capitalisme symbolisé

par la globalisation des marchés. Car sur le terrain, elle se combine et/ou se confronte à

d’autres rationalités, attentes, intérêts, valeurs, codes et modèles de comportements qui ne

veulent pas forcément se soumettre à son ordre. Cette logique effrénée vers le développement

conduit à ce qui est apparu sous le terme de « développementalisme » ou logique perverse de

la croissance, du productivisme, de l’individualisme, de l’accumulation, de la maximisation

du profit (p.9).

Elle va dans le même sens que les préoccupations abordées par Pierre Dupriez et Solange

Simons143

, qui préconisent de favoriser le management interculturel car il permet de

reconnaître et d’intégrer les cultures locales, tout en s’efforçant de coordonner cette diversité

au sein d’une politique d’entreprise. Emmanuel Kamdem144

, dans son essai sur les pratiques

managériales et les cultures africaines tente de construire un édifice théorique et conceptuel

qui apporte un éclairage de plus sur l'entreprise africaine, en mettant en valeur les liens qui

existent entre les logiques sociales en Afrique et les pratiques du management.

À partir de l'observation des structures sociales, l’auteur tente ainsi de concilier enracinement

traditionnel et efficacité organisationnelle et économique. Son modèle d’action ayant pour

finalité de constituer les éléments de la « culturalité » des sociétés africaines, comme des

142

Verhelst (T.), « Organisation économique et structures locales : éclairages sur l’enchâssement de la vie

économique locale », sur www.globnet.org/horizon-local/cultures/localfr.html . 143

Dupriez (P.), SimonS (S.), La résistance culturelle. Fondements, applications et implications du management

interculturel, 2000, 358 p.

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197

leviers pour le décollage des entreprises en Afrique, il propose donc la construction d’un

management sur la base de cette « culturalité ». Parce que l’observation des entreprises et les

sociétés africaines attestent encore, loin s’en faut, que leurs structures sont dominées par

l’emprise des grandeurs de la cité domestique de Boltanski et Thévenot [1991], son modèle

compte sur la compétitivité et l'épanouissement des individus, pour restituer les rationalités

sociales au cœur des processus stratégiques. Ce qui nous amène à évoquer l’intérêt des

théories de la firme, car elles véhiculent des modèles explicatifs à la base de la classification,

de l’évolutivité et des performances repérables dans les entreprises.

1.3. L’intérêt des théories de la firme

1.3.1. La construction du paradigme

Dans leur ensemble, les théories de la firme appréhendent l’entreprise comme un ensemble de

contrats qui établissent les droits de propriété d’une structure organisationnelle (société

anonyme, parapublique, etc.), combinée à une forme d'organisation-contrôle efficiente du

travail en équipe. Celle-ci doit lui permettre à la fois de profiter des avantages de la

spécialisation et d'assurer un système d'incitation et de contrôle efficaces.

Ces théories qui s’inscrivent dans le champ du courant des écoles processuelles, témoignent

d’une volonté de dépasser les limites de la théorie néo-classique. C’est grâce à l'hypothèse de

Simon qui va substituer la théorie de la rationalité substantive à celle de la rationalité limitée,

en mettant en avant l'imperfection de l'information en tant que frein à la résolution des

problèmes d’environnement interne et externe qui va introduire ces bouleversements. Ce

changement de perspective aura pour effet d’entrevoir la firme comme une organisation

complexe nécessitant une organisation et des modes de production spécifiques [Adolf

Augustus Berle et Gardner Coit Means 1932, Michael Jensen et Meckling 1976].

144

Kamdem (E.), Management et interculturalité en Afrique. Expérience camerounaise, 2002, 454 pages.

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198

Ces contingences vont alors susciter l’instauration de processus internes de décisions

justifiant la logique de fonctionnement adoptée. La théorie des droits de propriété et de

l’agence qui établissent le noyau contractuel et composite des intérêts divers des agents de la

firme, va ainsi montrer comment la répartition de ces droits influence le comportement des

agents [Alchian et Demsetz 1972, Cyert et March 1963]. La théorie de la transaction qui

découle de l’existence de la firme et de ses intérêts se justifie donc parce que le marché est

imparfait et que sa régulation fait l’objet de transactions.

Ces dernières générant des coûts qu’il s’agit de limiter, la croissance de la firme ne peut être

assurée que si les coûts d'organisation interne sont inférieurs aux coûts des transactions

qu’elle effectue sur le marché [Ronald Coase 1987, 1988 ; Oliver Williamson 1981, 1985].

C’est d’ailleurs la raison pour laquelle Alfred Chandler [1989] insiste sur l'importance des

innovations organisationnelles et de la coordination des activités et des flux de ressources,

selon un ensemble de procédures administratives pour apporter des gains de productivité.

La nature des droits de propriété, la spécificité de l’activité et l’évolutivité des entreprises

permettent ainsi d'analyser et de distinguer les firmes. Cette évolutivité n'est donc pas

aléatoire, puisqu’elle est déterminée en fonction des compétences et de l’expérience

accumulées [Alchian et Demsetz 1972, Nelson et Winter 1982], qui font que la répartition des

actifs et l’organisation sont des facteurs d’efficience qui animent les théories centrales que

nous présentons ci après.

1.3.2. Les théories centrales

La théorie de Harvey Liebenstein, ou « théorie de l’efficacité X » est centrale pour arborer

l’impact des autres théories et la classification à laquelle nous parviendrons au cours de

l’interprétation et de l’extrapolation des résultats de l’enquête. Cette théorie a en effet pour

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199

point de départ un grand nombre d'observations ayant mis en évidence que des firmes aux

caractéristiques techniques identiques pouvaient avoir des différences de coût de production

très importantes.

Il préfère privilégier les composantes de la firme, notamment les individus dont la rationalité

est limitée, pour expliquer cette contradiction d’intérêts. Ce point de vue permet d’entrevoir la

firme comme le résultat des actions des différents agents qui la composent, le « X » de la

théorie marquant son caractère non allocatif. Étant donné que notre grille de lecture du

management et des performances des firmes de notre corpus se construit sur la base du

caractère structurant des facteurs socio-culturels dans la vie de ces organisations, nous voyons

dans cette théorie un moyen de comprendre et de justifier les écarts de productivité entre

entreprises publiques et privées.

Cette divergence d’intérêts et de résultats se confirme à travers la théorie des entreprises

publiques et de la réglementation, qui légitiment l’implication de l’État vis-à-vis des

défaillances du marché. Ces théories montrent en effet les carences des entreprises publiques

qui cherchent à concilier l'objectif de service public avec celui de profit à travers différentes

approches, parmi lesquelles : l’école publique normative [Arthur Pigou, 1932] et celle de

l’économie positive de la réglementation [George Stigler, 1971].

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200

Cette finalité des missions et des contrats que génèrent les théories de la firme se retrouve

dans la théorie des firmes « A » et « J » de Masahiko Aoki. Son analyse se concentre sur la

structure même de l'entreprise et sur sa performance sans reconsidérer la question de son

existence. En fonction des conditions du marché et des opportunités technologiques

notamment, chacune d’elles adopte une structure d'échanges de l'information, à laquelle la

firme de type « A » (pour américain) est moins bien préparée, à cause de sa structure rigide et

de ses règles de fonctionnement peu propices en univers instable.

Au contraire, la firme de type « J » (pour japonais) a une organisation du travail souple, qui

lui permet d’être plus réactive et de s’adapter aux conditions du marché. Pour Aoki, si l’on se

réfère à l’hypothèse de la rationalité limitée, « J » est donc la forme d'organisation la plus

efficiente : la coordination horizontale entre unités opérationnelles, le partage des

informations obtenues à travers l'expérience acquise et la hiérarchie des grades (par niveau de

salaire et non par fonction) sont pour lui une meilleure garantie pour résoudre et affronter la

masse des informations et des situations adaptables au contexte d’action et à l’adhésion des

différentes composantes de l’organisation.

1.4. En guise de synthèse

L’examen des postulats théoriques ici évoqués fait apparaître à travers l’exposé des

contributions présentées, la confrontation de deux logiques qui ressortent autant de l’approche

historiciste, que de l’approche économiste. Ces deux logiques trouvant leur sens pour nous

dans la théorie de Boltanski et de Thévenot [1991], à travers les grandeurs/logiques des

mondes domestique marchand et industriel.

En effet, que ce soit l’approche de Paul Ollomo [1987] sur les problèmes d’identification et de

conciliation entre la société traditionnelle et la société moderne, qui se répercutent au sein des

entreprises. Ou celle de Évalde Mutabazi [2001] sur la prise en compte de l’enracinement des

rapports sociaux au sein des entreprises, une constante demeure : c’est la

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201

cohabitation/confrontation de deux univers aux valeurs antagonistes qui s’affrontent avec plus

ou moins de dommages.

Si l’ancrage socio-culturel permet de mieux comprendre les dysfonctionnements des

entreprises africaines, Ibrahima Diagne [2004] nous invite néanmoins à être attentif au risque

d’« autisme culturel » qui guettent les analystes qui s’enferment dans la lecture de ces seuls

cadres explicatifs. Voilà pourquoi il fait valoir la primauté de l'universalité de l'humain sur le

contexte socioculturel, comme en témoigne le passage suivant :

« Certes, on ne peut sortir l'entreprise de son environnement politique, économique et socioculturel,

les rapports sociaux dans l'entreprise prennent leur source dans ceux de la société globale […]. Le

salarié africain a des intérêts à défendre, des enjeux à surmonter, des stratégies personnelles à élaborer,

dés lors il est acteur avant d'être africain. Cette primauté de l'universalité de l'humain sur le contexte

socioculturel doit nous interdire de placer l'acteur africain (il en est de même pour l'entreprise

africaine) dans une altérité infranchissable, voire un autisme culturel » Diagne [2004].

L’ensemble des théories exposées, notamment les théories de la firme nous montre la

complexité des situations et des réalités observables à l’intérieur des entreprises. Pour ne pas

sombrer dans l’autisme culturel dont parle Ibrahima Diagne, nous nous appuierons au cours

de l’interprétation des résultats de l’étude sur les piliers des théories de la firme, dont les

thèses d’Aoki [1984] et de Liebenstein [1987] nous fourniront la matière.

Section II : Modèles conceptuels et rationalité managériale africaine

S’il est un point où se rencontrent les différents éléments de théories relatifs au management

stratégique des entreprises africaines, c’est bien l’inadaptation des schémas de pensée locaux

aux exigences de rationalité économique de la gestion des entreprises. Pierre Dupriez145

l’a

fort bien expliqué, puisque son analyse rend particulièrement bien compte des problèmes

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202

soulevés par le management des entreprises, notamment en situation interculturelle, c’est-à-

dire lorsqu’il est confronté à d’autres cultures ou à d’autres aires géographiques.

Pour lui en effet, l’interaction entre management et culture est une réalité omniprésente

quelque soit le contexte d’action. Cette interaction qui imprègne l’évolution même de la

pensée stratégique, est issue d’un contexte historique et social propre à l’évolution des

sociétés occidentales. En effectuant ce parallèle, on voit donc bien que le management est lui

aussi pétri de substrats historiques et sociaux, et par conséquent d’une culture qui alimente la

construction de ses concepts.

De fait, l’interaction entre management et culture est une réalité omniprésente dans les

organisations quelque soit le contexte. Dès lors, le terme générique de management

interculturel renvoie à une forme de management qui reconnaissant l’existence de cultures

locales, tente d’intégrer les valeurs qui les fondent dans l’exercice des différentes fonctions

d’entreprise, et de les coordonner au niveau du pilotage stratégique, à côté des impératifs

stratégiques auxquels elles doivent répondre.

Réfléchissant à la question de l’adaptation ou de la non adaptation des techniques de gestion

occidentales aux contingences des entreprises africaines, les arguments développés par les

spécialistes en la matière se rencontrent sur la nécessité d’adapter ces outils au contexte

d’action des entreprises africaines, et de ne surtout pas déconsidérer les effets socio-culturels

[cf. Diagne 2004, Kamdem 2002, Mutabazi 2001].

L’enjeu de ces réflexions est de redéfinir la conception universaliste des théories managériales

guidées par le diktat du libéralisme économique, aux fins d’agir sur les facteurs qui perturbent

le fonctionnement normal et les performances de ces entreprises. C’est cette redéfinition des

145

Dupriez (P.), « Le management interculturel : mode éphémère ou réalité d’entreprise », Gestion 2000, 1999,

p.61-77.

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203

conditions d’existence des entreprises en Afrique, qui va alimenter l’ensemble des travaux

que nous présentons ici, et qui s’orientent vers deux perspectives : adapter ou s’adapter.

2.1. Adapter ou s’adapter ? : La légitimité de l’approche interculturelle

Pour reprendre l’explication fournie par Kanyi O’Cloo146

ou Philippe D’Iribarne147

, il s’agit

de s’interroger sur la pertinence de l’universalité de méthodes et de théories appliquées en

dehors de leur contexte d’action à obtenir des résultats satisfaisants sans quelque adaptation.

À l’image de la théorie de Pierre Dupriez [1999] sur la proximité entre management et

culture, nous allons montrer ici comment peut se manifester cette adaptation. Le tout étant

bien sûr de savoir comment y parvenir, chaque entreprise ayant une âme et des

environnements particuliers en fonction de sa taille, de sa structure, de sa culture, de son

mode d’organisation. Bref, de ses environnements.

Ce que nous avons constaté sur le terrain, c’est que dans leur pratique quotidienne, les

managers sont effectivement amenés à établir un consensus, traduisant une forme

d’adaptation inhérente aux contraintes de l’action organisée. Cette adaptation correspond à la

réalité du management interculturel : il convient donc pour l’analyse de chaque cas

particulier, d’étudier les contours qui correspondent le mieux à la gestion et au management,

en tant qu’activités contingentes. Émile-Michel Hernandez148

l’a fort bien perçu puisque pour

lui, la clé des difficultés de la gestion des entreprises africaines réside moins dans la

reproduction des schémas classiques de gestion des entreprises « officielles », que dans le

développement des structures de fonctionnement des entreprises du secteur informel.

146

O’Cloo (K.), « Spécificités culturelles pour un management stratégique africain ». Mémoire de DEA sous la

direction de Michel Kalika, 1991. 147

D’Iribarne (P.), Le Tiers-monde qui réussit. Nouveaux modèles, 2003, 273 p. 148

Hernandez (É.-M.), “La gestion des ressources humaines dans l’entreprise informelle africaine”, Revue

française de gestion, 1998, p.49-57.

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204

Celui-ci constitue l’une des nombreuses voies de sortie ébauchées par l’auteur. Il est

révélateur de la complexité et de l’adaptabilité d’un management correspondant aux

spécificités des entreprises africaines. Il a en effet été établi pour ne pas se limiter à calquer

des méthodes de management importées hors de leur périmètre, mais plutôt des méthodes qui

prennent en compte les spécificités locales, afin d’y adapter les outils de la gestion des

entreprises « officielles ». Ce modèle a été établi par l’auteur après de nombreuses

confrontations avec la littérature dans le domaine, qui tourne autour d’un constat essentiel :

c’est l’occultation des valeurs et de la culture de ces pays qui est responsable des échecs

économiques constatés. En effet, la réussite du secteur informel constitue pour lui une voie

royale à l’élaboration d’un type spécifique de management africain.

D’une part, parce que ce dernier concilie à la culture et aux valeurs africaines, les exigences

d’efficacité et de rationalité économiques. Et d’autre part, parce qu’une autre clé de la réussite

de ce secteur tient à la mise en œuvre de stratégies marketing implicites parfaitement adaptées

à la demande des populations. Cela dénote d’une forme de flexibilité reposant sur la confiance

et les relations d’affaires qu’entretiennent les acteurs de ce secteur. Cette voie de structuration

vers un management stratégique à l’africaine par le développement du mode de

fonctionnement de l’entreprise informelle, est également préconisé par Taoufik Ben

Abdallah149

.

Pour lui également, le salut de l’Afrique passe par le développement et le mode de

fonctionnement du secteur informel. Ce dernier est en effet plus en phase avec les réalités

locales, plutôt qu’avec les privatisations intempestives et les programmes d’ajustement

structurel imposés sans succès dans leur ensemble, par les organismes et organisations

internationales aux États africains. Doutant de la justesse de tels plans de développement pour

l’Afrique, l’auteur conteste l’efficacité de tels modèles de développement et d’intégration à

l’économie-monde.

149

Ben Abdallah (T.), “Politiques internationales. Réalités africaines. L’Afrique entre ajustement structurel,

mondialisation et croissance durable », www.africapolicy.org

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Au regard notamment des politiques de privatisation massives qui ont davantage eu pour

conséquence de brader le patrimoine national de ces États, plutôt que de les sortir du marasme

économique, il y voit là un moindre mal. Dans un autre article co-écrit cette fois-ci avec

Philippe Engelhard150

, il parle d’une osmose à effectuer entre l’ensemble des systèmes et des

processus économiques et sociaux du secteur informel, et les cultures ambiantes comme

contribution directe au succès de ces entreprises.

En deux mots, la réussite de ce secteur tient à l’intelligence des entrepreneurs qui dans leur

gestion quotidienne, parviennent à concilier deux conceptions opposées : la primauté de

l’économique sur le social (société moderne) et la primauté du social sur l’économique

(société traditionnelle). Ce qui revient à distinguer les grandeurs de la théorie de Boltanski et

Thévenot [1991], entre les mondes marchand, industriel et le monde domestique. Dans son

article, Jean-Louis Laville151

réfléchissant à la contextualisation de cette économie mixte dans

le cadre des sociétés occidentales, lui préfère le terme d’« économie solidaire » pour parler de

cette combinaison synergique entre les aspirations individuelles et les contraintes collectives.

2.2. De la théorie à la réalisation de modèles conceptuels

Après avoir rappelé les obstacles inhérents à l’instauration d’un management stratégique

africain efficient, nous allons à présent voir comment cette vision s’est matérialisée à partir

des modèles de conception dits « paternaliste » et de Direction Par les Objectifs

« contingent », par opposition au modèle de DPO classique, dressés par Émile-Michel

Hernandez. La construction de ces modèles repose sur l’observation du terrain et des

pratiques organisationnelles qui y réussissent le mieux, comme nous le verrons.

2.2.1. Le modèle paternaliste

150

Ben Abdallah (T.), Engelhard (P.), “Quel avenir pour l’économie populaire en Afrique ? », Revue Quid Pro

Quo, 1990, p.14-17.

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206

Dans le cadre de sa contribution à l’élaboration d’une réflexion sur les conditions de mise en

place d’un management stratégique africain, Émile-Michel Hernandez152

remet au goût du

jour le modèle paternaliste largement imprégné des figures dominantes de la cité domestique

de Boltanski et Thévenot [1991]. Ce modèle a comme axe stratégique l’émergence d’un

modèle de management où les relations sociales occupent une place de choix.

Pourquoi ce choix ? Parce que le modèle paternaliste y tient, ou du moins peut avoir sa place

au sein des entreprises africaines, car il repose sur la légitimité et la consolidation des liens

sociaux. À l’instar du modèle nippon, il n’établit pas de ruptures entre les valeurs de la société

et le monde de l’entreprise. S’appuyant sur une définition donnée par Michel Pinçon et Pierre

Rendu153

, il définit le paternalisme de la manière suivante :

« un rapport social dont l’inégalité est déviée, transfigurée par une métaphore sociale, qui

assimile le détenteur de l’autorité à un père et les agents soumis à cette autorité, à ses enfants.

Cette métaphore tend à transformer les rapports d’autorité et d’exploitation en rapports

éthiques et affectifs, et le devoir et le sentiment se substituent au règlement et au profit »

(p.98).

Ce modèle, fondé sur un certain partage du pouvoir réparti entre la figure du père (le

patron/manager) et ses fils (les employés) s’effectue sur la base d’un échange plus ou moins

équilibré des prestations entre les deux parties. Chacune d’elle est d’autant mieux légitimée,

qu’elle occupe la place qui lui sied « naturellement ». Par conséquent, l’attribution et la

coordination des tâches s’effectuent plus sereinement, le père pouvant légitimement sévir en

cas de dérapages. Pour Hernandez, ce modèle du « père protecteur », en opposition avec celui

du modèle du « père abusif », devrait permettre aux entreprises du circuit formel de renforcer

leur rôle, face à des structures telles que le clan, l’ethnie ou la famille, par le partage de

valeurs contenues dans le projet d’entreprise, comme symbolisé dans le tableau ci-après :

151

Laville (J.-L.), « L’économie solidaire : une réponse à la crise », Lien social et politiques, Article consulté

dans Problèmes économiques n°2365, 1994, p.14-19. 152

Hernandez (É.-M.), « Afrique : l’actualité du modèle paternaliste », Revue française de gestion, 2000, p.98-106. 153

Pinçon (M.), Rendu (P.) « Un patronat paternel », Actes de la recherche en sciences sociales, 1995, p.95-102.

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207

Modèle du « père protecteur »

Modèle du « père abusif »

Le pouvoir est au service de ceux sur

qui il s’exerce : pouvoir altéro-centré

Recherche d’un échange équilibré

Acceptation du modèle par la majorité

qui en perçoit les bénéfices

Paix sociale, efficacité économique

Négociation interne visant au

consensus

Le pouvoir est au service de ceux qui le

détiennent : pouvoir prédateur autocentré

Echange inégal, peu équitable

Rejet du modèle par la partie perdante qui

s’estime injustement brimée

Contestation sociale, grèves, luttes de classes,

perte d’efficacité économique

Mise en place de contre-pouvoirs

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208

Maintien du modèle

Protection par l’entreprise

Motivation de la base

Evolution vers un modèle bureaucratique

impersonnel

Protection sociale par l’État

Manque de motivation de la base

Tableau 4 : Les deux conceptions du paternalisme. D'après É.-M. Hernandez, « Afrique :

l’actualité du modèle paternaliste », p. 101.

La répartition de ce tableau nous place dans le contexte de la répartition des entreprises de

notre corpus. Du côté gauche, on distingue plus volontiers les entreprises privées et de l’autre,

les entreprises publiques et para-publiques. Cette répartition correspond en réalité à deux

modèles de gouvernement des hommes qui se côtoient avec des rendements et une

productivité proportionnelle au type de management et de protection sociale préconisés. Les

résultats de notre approche-terrain que nous détaillerons plus tard, confirment en effet cette

corrélation entre la structure organisationnelle, le management observable et les performances

réalisées dans ces firmes.

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209

Ce modèle s’inscrit donc autant dans l’actualité des perspectives de recherche d’un

management stratégique adaptable au contexte d’action des entreprises africaines, qu’à celui

plus particulier des entreprises gabonaises que nous avons étudiées. Dans le cas du « père

protecteur », cela est susceptible d’amener les employés à ne plus considérer l’entreprise

comme quelque chose d’extérieur, mais davantage comme une entité à laquelle ils peuvent

« s’identifier », en contribuant pleinement à son efficacité. D’ailleurs, les composantes de ce

modèle : maintien du modèle, protection par l’entreprise, négociation interne visant au

consensus, sont des traits typiques de l’organisation sociale en Afrique.

C’est tout le mérite de la réflexion portée par Pierre Dupriez [1999], quand il parle des

interactions entre management et culture, comme d’une réalité omniprésente des contextes

historique et social. Dès lors, le terme générique de management interculturel prend tout son

sens, parce qu’il renvoie à une forme de management qui reconnaissant l’existence de cultures

locales, tente d’intégrer les valeurs qui les fondent dans l’exercice des différentes fonctions

d’entreprise, et de les coordonner au niveau du pilotage stratégique, à côté des impératifs

stratégiques auxquels ces entreprises doivent répondre.

À l’instar de Philippe D’Iribarne dans La Logique de l’honneur, il lie pratiques managériales

et phénomènes culturels à l’œuvre dans un pays. Dès lors, tout management se trouve en

situation interculturelle du moment qu’il entre au contact de cultures étrangères à son

domaine d’application « naturel » comme en témoigne le passage suivant :

« Tout management est culturel, et entre culture et management peuvent se développer des

interactions fécondes. Dès lors que le management rencontre des cultures différentes, il se

trouve en situation de devenir interculturel » Dupriez, 1999, p.72.

2.2.2. Le modèle de D.P.O. contingent

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210

Outre le modèle paternaliste, Émile-Michel Hernandez avait déjà étudié la possibilité d’un

système conciliant la culture et les valeurs africaines, aux exigences d’efficacité et de

rationalité économiques dans la gestion des entreprises. Cette option coïncide avec la

perspective du modèle de D.P.O. ou Direction Par les Objectifs. Ce modèle, à partir de

l’observation du terrain et des pratiques organisationnelles qui y réussissent, comme

l’intégration du substrat social au substrat économique, va aboutir à l’élaboration d’un modèle

de D.P.O. contingent par opposition au modèle de D.P.O. classique que nous présentons ci-

après :

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211

Figure 11 : Modèle de DPO classique

D'après É.-M. Hernandez, Le management des entreprises africaines, 1997, p.108.

Ce modèle dont la paternité incombe à Peter Drucker154

repose sur un contrôle cybernétique

de l’organisation. Il envisage un système de direction permettant de susciter et d’harmoniser

consciemment les efforts individuels des membres d’une organisation en vue de lui faire

154

Drucker (P.), Au-delà du capitalisme, 1993.

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212

atteindre ses objectifs. Ces derniers peuvent être quantitatifs (croissance du chiffre d’affaire

par exemple) ou qualitatifs (préservation de l’image de marque de l’entreprise), l’essentiel

étant qu’ils parviennent à terme à être associés à la stratégie de l’entreprise.

Ces contrôles qui doivent s’échelonner sur différentes périodes reposent sur des plans d’action

individuels et/ou collectifs sanctionnés par une évaluation des résultats entre les objectifs

visés et ceux atteints. On peut imaginer sur les lignes ressortant en pointillés l’influence des

substrats socio-culturels dont sont imprégnés les individus, et qui se répercutent au sein de

l’organisation en termes de résultat/récompense ou de résultat/sanction.

En Afrique plus particulièrement, la D.P.O. devra s’adapter à la donne culturelle ambiante

pour réussir, en favorisant l’implication et la responsabilisation des membres de

l’organisation. Elle devrait servir à dégager et à développer la dimension communautaire pour

mieux servir les intérêts de l’entreprise, sur la base d’un consensus et de valeurs partagées

accréditant la survivance du modèle paternaliste dans ce type de structures. En effet, l’un des

obstacles majeurs à l’épanouissement d’un tel modèle repose sur la relation au temps, et à

l’extériorité vécue par rapport à la détermination et au respect des objectifs fixés d’une part.

Et d’autre part, au système de sanction-récompense dont il relève à l’origine, et qui

s’appliquerait difficilement dans ce contexte, pour de multiples raisons tenant à l’imbrication

des réseaux sociaux au sein des entreprises.

L’environnent et le contexte sociétal africains faisant que les motivations des individus sont

souvent reliées au contexte social, un modèle de D.P.O. adaptable dans ce contexte tire sa

légitimité du consensus dégagé par les acteurs de l’organisation. La proposition d’un tel

modèle repose sur l’adaptation aux contraintes d’un milieu où l’entreprise est ressentie

comme un corps étranger « émanation de l’homme blanc ». C’est dans cette perspective

qu’est établi le modèle de D.P.O. contingent, pour apprendre à intégrer les valeurs et les

aspirations individuelles aux contraintes et aux logiques de la rationalité économique. Voici

ce modèle tel qu’il a été remanié par Émile-Michel Hernandez.

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213

Figure 12 : Modèle de D.P.O. pour l'Afrique.D'après É.-M. Hernandez, Le management des

entreprises africaines, 1997, p.105.

Dans ce modèle, on voit que la relation en filigrane entre individus, organisation et contexte

socio-culturel se dessine clairement, tandis que la présence de sanction/récompenses, cède la

place à une politique d’apprentissages et de recyclage des connaissances. L’auteur a ainsi

contextualisé un modèle de gestion en le confrontant aux réalités du lieu d’implantation. Ce

qui se ressent au niveau du système de résultats sanctions/récompense par l’adoption d’un

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214

système plus conciliant basé sur le modèle de l’organisation apprenante. Autre point positif, la

refonte des attentes et des objectifs individuels en objectifs collectifs.

Tous ces éléments peuvent s’accorder sur ce que déclarent les membres du « Réseau

Cultures » quand ils disent : « En méconnaissant la dynamique culturelle comme fondement

implicite de toutes actions et façons de s’organiser socialement et économiquement, on

aboutit à l’échec des projets de développement, à l’anémie des grands programmes d’union

économique et politique »155

.

C’est également le souci de Mokhtar Ben Henda156

qui partant des disparités Nord/Sud en

matière d’information et de communication, renvoie davantage ces disparités à un manque de

ressources, et à la marginalisation de l’Afrique sur la scène décisionnelle internationale. À

cela, il ajoute l’inefficacité des programmes et modèles qui lui sont greffés, qui font peu de

cas des particularismes propres aux structures des Pays du Sud de manière générale. En effet,

force est de constater que paradoxalement, ce ne sont pas seulement les infrastructures qui

font défaut, mais la précarité de leur usage dans le sens de l’optimisation du rendement.

C’est bien là notre souci d’aider à l’optimisation du pilotage stratégique des entreprises de

notre corpus. Comme le fait justement remarquer Mokhtar Ben Henda157

, il s’agit pour nous

de rechercher « le maillon perdu d’une chaîne qui apparemment regroupe toutes les

composantes pour ériger l’Afrique à l’état de partenaire à part entière dans la métamorphose

universelle que connaît le monde de l’information et de la communication ».

155

Réseau Cultures, www.globnet.org/horizon-local/cultures 156

Ben Henda (M.), « Les réseaux électroniques d’information en Afrique. À la recherche du maillon perdu »,

www.chez.com/benhenda/publicat/afrque.fr 157

Iidem.

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215

2.3. Conclusion du chapitre

Il ressort des différents éléments de théorie et des modèles conceptuels présentés que la

rationalité managériale des entreprises en Afrique est indissociable du contexte socio-culturel.

Mais cette situation spécifique, comme nous le rappelle Pierre Dupriez [1999], n’est pas que

le fait des entreprises africaines, car le management prend non seulement racine dans le

contexte dans lequel il a été élaboré : les sociétés occidentales. Mais en plus, il acquière une

dimension interculturelle par essence, dès lors qu’il se trouve confronté à d’autres cultures ou

à d’autres aires géographiques.

À partir de ce point de vue, et en sachant que notre travail se base sur les grandeurs/logiques

évoquées par Boltanski et Thévenot [1991], c’est bien l’entrecroisement de deux univers

antagonistes par les objectifs et les valeurs qu’ils défendent auxquels l’ensemble des

contributions présentées ici tente d’apporter une réponse. Cette manière d’entrevoir les

phénomènes se jouant dans les entreprises africaines, nous a permis de dégager deux

approches majeures, que nous avons regroupé sous le sceau des approches historiciste et

économiste, en fonction du point de vue sur lequel elles s’appuyaient pour étayer leur

argumentaire.

Les modèles conceptuels fournis par Émile-Michel Hernandez [1997], notamment le modèle

paternaliste et celui de D.P.O. contingent apportent un éclairage significatif sur la nécessité de

construire des modèles de management qui tiennent compte de la prégnance des relations

sociales et de leur mode de structuration. C’est dire que finalement, un modèle n’est pas

davantage à privilégier qu’un autre, puisqu’en l’occurrence, ils s’avèrent être

complémentaires. En effet, dans le modèle paternaliste, on retrouve des valeurs et une

organisation qui ne créent pas de ruptures, dans la mesure où les individus peuvent s’identifier

et se projeter dans une telle structure, sans qu’elle leur apparaisse pour autant éloignée.

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216

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217

En complément du modèle paternaliste qui légitime le rôle et les attributions des acteurs de

l’organisation, le modèle contingent de D.P.O. va permettre de réaliser la satisfaction des

objectifs et des missions de l’entreprise, tout en participant à l’épanouissement et à l’adhésion

des membres au projet d’entreprise. Incontestablement, le management est une activité

contingente par essence, comme nous nous efforçons de le démontrer à partir de l’évolution

des théories de la pensée stratégique, et à présent avec l’éclairage particulier du management

stratégique dans les entreprises africaines.

Nous allons à présent nous étendre sur la seconde partie de notre argumentation. Nous allons

notamment y situer les enjeux du management stratégique de l’information, ou plus

exactement des systèmes d’information, au cœur des organisations en analyse. Il s’agit pour

nous de situer l’impact des efforts consentis au niveau des actes de management stratégique,

par le biais de la décision informée dans une société dominée par les développements de la

société informationnelle. Dans cette perspective, notre approche-terrain s’est intéressée à la

pratique du management stratégique des systèmes d’information des entreprises en étude, en

soulignant notamment la place accordée aux pratiques et politiques informationnelles dans le

dispositif global d’intelligence.

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218

Partie II : Le management stratégique de

l’information face aux contraintes de l’action

organisée

La seconde partie de notre thèse, va situer les enjeux du management stratégique de

l’information, ou plus exactement des systèmes d’information au cœur des organisations en

analyse. Si nous avons d’abord présenté les paradigmes fondateurs de la pensée stratégique,

c’était pour mieux situer notre angle d’approches, mais surtout pour parler sous le contrôle de

théories et de postulats affirmés en matière de management et de gestion des organisations.

Cela nous permettra pour la suite de notre travail, et concernant notamment la présente partie,

d’avoir toujours à l’esprit le caractère contingent de notre étude. Ici, nous allons à partir de

l’exposition des théories relatives au management stratégique de l’information, déterminer

dans quelle mesure les systèmes d’information peuvent concourir à la réalisation de

performances, à la lumière des opportunités offertes par les développements de la société de

l’information, pour renforcer les perspectives de management interculturel, telles que présenté

par Pierre Dupriez [1999].

Cette façon nouvelle d’envisager l’intégration des technologies de l’information et de la

communication à la gestion stratégique des organisations, au préalable domaine réservé des

seules technologies de l’information, dessine par extension le paradigme de la « nouvelle

économie ». C’est-à-dire, « une nouvelle manière d’envisager l’économie en prenant en

compte l’importance acquise par l’ensemble des secteurs qui produisent ou utilisent des

technologies de l’information et de la communication au niveau de la conception, de la

production ou de la commercialisation ».

Pour faire face aux mutations d’un environnement nécessitant une adaptativité et une

réactivité constantes, les entreprises évoluant en milieu complexe qui souhaitent être en phase

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219

avec les aléas de ce type d’environnement, sont peu ou prou obligées d’instaurer de nouveaux

modes d’organisation en interne. Ces nouvelles formes d’organisation sont rendues

nécessaires pour maintenir des avantages concurrentiels, ou pour contrecarrer des stratégies

concurrentes. Effectivement, plus que par le passé, les desseins stratégiques des entreprises

sont liés à la gestion de leurs processus informationnels. Ils forment et définissent ainsi un

type nouveau de management stratégique au cœur duquel se trouve la ressource information.

Marc Giget158

notamment, a parfaitement ressenti ces mutations de l’environnement

stratégique des entreprises, puisqu’il utilise le concept de « l’arbre de compétences », somme

des actifs, valeurs, compétences, savoir-faire, etc. dont disposerait une entreprise pour faire

face à cette complexité. Autrement dit, cet arbre serait en quelque sorte un rempart

stratégique : un outil permettant de saisir des opportunités stratégiques grâce à la

formalisation d’un outil spécifique d’organisation et d’évaluation des informations pertinentes

[cf. p. 263].

Ce mode de gestion de l’information comme ressource stratégique intervenant dans la prise de

décisions est souvent matérialisé par des systèmes d’information stratégique (S.I.S.). Plus

généralement, le management stratégique de l’information, ou des systèmes d’information,

car il opère de manière réticulaire, désigne « l’utilisation de l’information à des fins

stratégiques dans le but d’en tirer un avantage concurrentiel par rapport aux autres

concurrents » [Pateyron, La veille stratégique, 1998, p.8]. Chaque élément du système étant

solidaire des autres, l’arbre des compétences fournit une vision de l’arsenal stratégique des

entreprises dans lequel il se déploie. Il permet d’apprécier la « fertilité » de cet arsenal

stratégique, à savoir s’il est plutôt offensif ou défensif.

Ce déploiement des technologies de l’information et de la communication, couplé à celui de

la mondialisation des économies dessine une infrastructure mondiale de l’information et de la

communication (I.M.I.C.), qui n’est pas sans rappeler la justification d’un Nouvel Ordre

158

Giget (M.), Hillen (V.), Godet (M.), La dynamique stratégique de l’entreprise. Innovation, croissance et

redéploiement de l’arbre de compétences, 1998, 346 p.

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220

Mondial de l’Information et de la Communication du rapport de Sean Macbride, lors de la

conférence de l’UNESCO tenue en novembre 1976 à Nairobi en faveur d’un rééquilibrage de

l’information entre le Nord et le Sud.

Ce contexte économique et concurrentiel nouveau nous interpelle sur la capacité des

entreprises en analyse à intégrer la dimension stratégique du management des systèmes

d’information. Comme nous le verrons plus en détail, cela peut se réaliser par l’adoption de

nouveaux schémas tactiques. Ou plus simplement peut-être, en adoptant une attitude basée sur

« l’attention » comme revendiqué dans un article de Thomas Davenport159

, et qui s’exprime

plus largement à travers le paradigme de l’économie de l’attention.

159

Davenport (T.H.), « L’attention, prochaine frontière de l’information », www.lesechos.fr .

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221

Chapitre IV : De l’économie matérielle a une société du

savoir

Ce chapitre précise les enjeux du management stratégique de l’information dans une

économie-monde dominée par l’intégration et l’usage stratégique de l’information à des fins

compétitives. Dans cette nouvelle économie, les systèmes d’information sont valorisés pour

permettre aux organisations, et plus particulièrement aux entreprises de disposer au mieux de

leurs actifs immatériels (gestion des connaissances de façon générale) à coté des actifs

traditionnels que sont le capital humain, financier ou structurel par exemple.

Cette façon nouvelle d’envisager l’intégration des technologies de l’information et de la

communication à la gestion stratégique des organisations, au préalable domaine réservé des

seules technologies de l’information et de la communication, dessine par extension le

paradigme de la nouvelle économie. Il ressort de l’interaction de ces divers phénomènes que

les desseins stratégiques des entreprises sont intimement liés à la gestion de leurs processus

informationnels.

Ce mode « nouveau » de gestion, par opposition à ce qui avait cours jusqu’ici, marque le

règne des organisations basées sur le savoir. Celles-ci vont redonner un souffle nouveau aux

schémas classiques d’élaboration de stratégies, en mettant au cœur des activités des

entreprises l’emprise et l’impact de la ressource information dans le processus décisionnel.

Dans cet environnement là, la stratégie, pour les entreprises évoluant en milieu complexe,

consiste de moins en moins à se positionner dans l'espace d'un secteur d'activité donné, mais

de plus en plus à influencer cet environnement de manière à se créer un espace stratégique, et

à lui imposer ses règles.

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222

L’activité des entreprises s’en trouve donc profondément affectée, ce qui génère une

révolution en soi, puisque ces modifications renouvellent de façon inédite la conception de

stratégies. En effet, celles-ci ne se limitent plus seulement au choix d’un domaine d’activités

requérant une bonne adéquation entre environnement, stratégie et structure pour atteindre le

niveau de performances visé. Désormais, il s’agit d’asseoir la stratégie de l’entreprise sur ses

« compétences-métiers » et la gestion de son portefeuille de savoirs160

.

Section I : Le management stratégique de l’information : enjeux,

définitions et perspectives

Pour répondre aux enjeux nouveaux suscités par le management stratégique de l’information,

Éric Milliot161

a édicté des modes de fonctionnement de ce type d’organisations, dont la

stratégie repose davantage sur la gestion de la ressource information. Cette particularité fait

que le modèle idéal d’organisation de ce type de structures s’appuie sur la tripartition des

modes organique (ou transversal favorisant davantage les communications de type latéral),

réticulaire (par le jeu d’interactions et d’interconnections entre l’entreprise et ses partenaires)

et pluriculturel (car il accompagne le phénomène de globalisation des biens, des personnes et

des marchandises). L’articulation de ces trois axes permettant d’apprécier la dynamique à la

base de l’émergence et du développement de telles sociétés.

Ainsi, l’organisation basée sur l’information peut se définir comme « une entité dont la

structure, le fonctionnement et la stratégie se fondent sur la collecte, le traitement, la

diffusion et l’utilisation de données internes et externes pour en faire de la connaissance et

répondre aux conditions évolutives du marché » [Milliot 1999, p.5]. Cette entité repose sur

une dialectique gérée, structurée et se développant par et grâce à l’information.

160

Cf. le concept d’ « arbre de compétences » de Marc Giget dans La dynamique stratégique de l’entreprise. 161

Milliot (É.), « Les modes de fonctionnement de l’organisation informationnelle », Revue française de gestion,

1999, p.5-18.

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223

1.1. La société de l’information ou l’instauration d’une nouvelle économie

Par « société de l’information », on entend une forme spécifique d’organisation sociale dans

laquelle la production, le traitement et la diffusion d’informations sont les sources

fondamentales de productivité et de puissance (cf. FDA 1999, p.5.). C’est une société dans

laquelle la structure économique est dominée par la production de biens et de services

d’information qui jouent un rôle non négligeable dans la création de richesses et d’emplois.

Elle symbolisait en effet à l’origine le boom économique des États-Unis, au début des années

90 sur fond de capitalisation boursière et d’innovations technologiques concentrées dans le

domaine des technologies de l’information et de la communication, comme nouveau moteur

de croissance. Désormais, elle s’entrevoit comme une nouvelle manière d’envisager

l’économie en prenant en compte l’importance acquise dans les années 60-70, par l’ensemble

des secteurs qui produisent ou utilisent des TIC au niveau de la conception, de la production

ou de la commercialisation de leurs produits ou ressources.

C’est effectivement sa caractéristique fondamentale, puisqu’elle s’appuie et repose sur

l’utilisation des technologies de l’information et de la communication et d’une infrastructure

mondiale d’information et de communication, (cf. la tripartition d’Éric. Milliot) qualifiée de

nouvelle économie, par opposition à des formes plus classiques de production et d’échanges

économiques [cf. FDA 1999, p.6], comme indiqué dans le tableau ci-après :

Caractéristiques Economie industrielle Economie de l’information

Sources d’avantages

compétitifs

Terre, main-d’œuvre et

capital Savoir

Mode de production Autorités hiérarchiques

Innovation à travers les

services et les réseaux

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224

Champ d’intervention Local/régional Mondial

Classification industrielle Distincte ; multiple Diffuse ; Architectures

Tableau 5 : Les caractéristiques de l'économie industrielle et de l'économie de l'information",

FDA 1999, op. cit., p.7.

Bien que les termes d’« économie de l’information » et d’« économie du savoir »r soient

interchangeables pour Adeya et Cogburn, ils soulignent néanmoins que le premier se rapporte

davantage aux « contributions économiques d’un nombre limité d’industries », alors que le

second inclut « l’ensemble du tissu industriel de l’économie » [FDA, p.6].

Pour revenir à la typologie de ce tableau, la distinction fondamentale entre ces deux types

d’économie réside au niveau des sources d’avantages compétitifs qu’elles génèrent. Ces

avantages sont liés à l’importance prise par la gestion des ressources immatérielles, ainsi

qu’aux mutations de l’environnement économique, technologique et social qui se

caractérisent par une transition fondamentale marquant le passage d’une société industrielle à

une société de l’information [cf. Drucker, 1993,1996, 1999, 2000].

Dans la nouvelle économie, toujours par opposition à la traditionnelle, l’information et le

savoir constituent les facteurs de production essentiels. Ils se caractérisent notamment par ce

que Richard Kenney et Martin Florida162

appellent Innovation-Mediated Production (IMP) ou

production au moyen d’innovations (technologiques). Elle privilégie l'information dans

l'entreprise en mettant l'accent sur l'utilisation du savoir et de l'information susceptibles d'être

intégrés dans les biens et services matériels et non matériels. Ce passage a instauré un nouvel

ordre, qui a détruit au passage la règle des trois unités : de lieu (local vs mondial), de temps

(production en temps réel, en juste-à-temps) et d’action (élaboration de stratégies délibérées

vs stratégies émergentes).

162

Kenney (R.), Florida (M.), « La mondialisation et l’économie de l’information: enjeux et perspectives pour

l’Afrique », http://www.uneca.org/adf99/infoeconomyfr.htm

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225

Comme symbolisé dans le tableau précédent, l’une de ses caractéristiques essentielles est de

battre en retraite le modèle taylorien d’organisation, en tant que modèle d’organisation

inadapté à l’émergence d’une organisation basée sur l’information. Si la production de

richesses et la conception de stratégies restent dominées dans ce modèle par les ressources

immatérielles, elles n’ont tout de même pas définitivement relégué l’importance des sources

traditionnelles de compétitivité que sont les ressources humaines, les capitaux ou les biens

immobiliers. Il s’agit seulement d’insister plus que par le passé sur le pouvoir de la ressource

information comme élément de nature à procurer des avantages concurrentiels, par sa capacité

à intégrer les processus ; non seulement au niveau de l’élaboration de stratégies, mais aussi

dans la conception de produits.

En somme, il s’agit de mettre l’information au service du développement des entreprises en

l’intégrant dans les processus de gestion (S.I.A.D.) ou de production (C.A.O., P.A.O.). Dans

la nouvelle économie, l’information devient l’outil-maître au service du développement et de

la stratégie des entreprises, car elle leur permet de bénéficier a priori de gains de temps et

davantage d’opportunités pour conquérir des marchés nouveaux.

En un mot, l’articulation entre mondialisation et technologies de l’information et de la

communication a révolutionné l’univers stratégique des entreprises. Cela, tant au plan

organisationnel, technologique qu’humain, par l’amélioration des conditions et de l’outil de

travail. Dans les organisations qui intègrent cette ressource à des fins stratégiques,

l’information constitue un atout à part entière de la vie, et parfois même de la survie des

entreprises, lorsque celles-ci sont en environnement à forte incertitude.

Ainsi, Robert Valantin163

, y voit là un instrument au service du développement des

entreprises, grâce à la gestion stratégique de l'information. Grâce à cet engouement, il y voit

un scénario de nature à redonner une nouvelle chance aux P.E.D., leur permettant de réduire

le fossé les séparant des nations développées, si comme Taoufik Ben Abdallah164

l’a laissé

163

Valantin (R.), , « L’information : une ressource mondiale », www.idrc.ca/books/reports/f234-02.html 164

Abdallah (T.B.), « L’Afrique entre ajustement structurel, mondialisation et croissance durable »,

www.africapolicy.org/rtable/tao0001f.htm

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226

entendre, ce sont moins les infrastructures que l’usage parcimonieux des moyens existants qui

font défaut.

Dans cette perspective, l’accès à l’information utile aux acteurs économiques est à la source

de potentiels bénéfices à réaliser par les entreprises, en leur permettant non seulement de se

démarquer des concurrents, mais surtout de se constituer « un arsenal stratégique » dans la

nouvelle guerre économique qu’elles se livrent. Dans un article se rapportant aux

développements de la société de l’information, et à l’ensemble des combinaisons auxquelles

elle fait appel, Éric Milliot [1999] construit ce qu’il appelle « la dynamique stratégique de

l’information ». Celle-ci établit une jonction interactive entre les modes organique, réticulaire

et pluriculturel, qui sont interdépendants et forment la dialectique de ce que l’auteur appelle

« l’organisation informationnelle » comme indiqué dans la figure ci-après.

Figure 13 : La dynamique triangulaire de l'organisation informationnelle. Par Éric Milliot,

« Les modes de fonctionnement de l’organisation informationnelle », 1999, p.17.

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Au cœur de la dynamique stratégique de l’organisation informationnelle, le système

d’information permet de coordonner et d’établir des dispositifs de collecte, de capitalisation et

de restitution d’informations à caractère stratégique, dont l’enjeu théorique est d’apporter des

gains de productivité. Précisément, le management stratégique de l’information a pour

ambition d’aider les différents acteurs dans les organisations à atteindre cet objectif. Le

modèle d’action triangulaire de l’organisation informationnelle développé par Éric Milliot

[1999] appuie ce management, parce qu’il repose sur une logique organisationnelle favorisant

l’émergence de procédés réticulaires, transversaux et contingents.

Comme pour les démarches de veille ou d’intelligence économique, sur lesquelles nous nous

appesantirons ultérieurement, l’usage de l’information dans cette perspective sert à se

procurer des avantages concurrentiels, tout en participant à la prospérité des entreprises et à la

prise de décisions. Pour cela, un minimum de cohérence entre variables internes et externes

doit être établi, parmi lesquelles le degré de motivation et/ou d’adhésion au projet collectif,

par une culture soutenue de l’information au sens de Donald Marchand [1998], et

l’adéquation entre cette culture, la logistique et les objectifs stratégiques poursuivis.

Le management stratégique de l’information repose donc sur l’ensemble des combinaisons

que nous venons de voir. Il nécessite l’interaction des modes organique, réticulaire et

pluriculturel qui sont interdépendants et forment la dialectique de ce que Éric Milliot appelle

« l’organisation informationnelle », comme nous le rappelle la figure 13. C’est ce triangle qui

permet d’apprécier la dynamique des organisations informationnelles. Cela se traduit ici par

un fonctionnement de type organique et réticulaire visant à rendre la ligne hiérarchique la plus

courte possible, ainsi qu’à favoriser le travail en équipes.

Que ce soit en termes purement épistémologique : la rupture avec le modèle taylorien

d’organisation et d’élaboration de stratégies, ou méthodologique : l’usage de la ressource

information à des fins concurrentielles, l’information a acquis une dimension nouvelle au sein

des dispositifs stratégiques mis en place dans les entreprises. Plus que les autres, elle concerne

davantage les entreprises évoluant dans des secteurs d’activité à forte instabilité et hautement

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228

technologique. C’est d’ailleurs surtout pour ce type d’entreprises que l’intégration stratégique

de l’information par le biais de systèmes d’information stratégiques est la plus répandue, et la

plus recherchée.

1.2. Les systèmes d’information

Apparu avec les premiers ordinateurs qui permirent le traitement de l’information et la

mémorisation des données en fusionnant des tâches, le concept de système d’information est

une réalité multiforme pouvant s’appréhender comme : « un système intégré homme-machine

qui fournit des informations pour supporter les opérations, la gestion et la prise de décisions

dans une organisation » [Monnoyer-Longé 1997, p.108].

Ce qui apparaît de prime abord à la lecture de cette définition, c’est l’interface intégré

hommes/machines autour de laquelle sont coordonnées les activités et la gestion de

l’entreprise dans son ensemble. Cette définition générique, nous l’avons retrouvé formulée de

diverses manières dans les écrits de Humbert Lesca [1989, Information et adaptation de

l’entreprise], Robert Reix [2003, Systèmes d’information et management des organisations]

et de Bernard Lamizet et Ahmed Silem [1997, Dictionnaire encyclopédique des sciences de

l’information et de la communication] notamment.

Toutes ces approches circonscrivent de manière implicite le rôle majeur des TIC, non

seulement pour la constitution d’un tel système, mais aussi pour aider au pilotage stratégique

des organisations. Parce qu’il véhicule la trace des activités de l’entreprise, le système

d’information devient « l’outil du contrôle qu’exerce le système de pilotage sur le système

opérant, de manière à veiller et à gérer sur l’allocation de ressources, tout en respectant les

objectifs globaux définis » [Monnoyer-Longé 1997, p.109]. En un mot, il s’apparente au

système de pilotage de l’organisation, lorsqu’il est utilisé à des fins stratégiques dépassant la

simple finalité d’une informatique de gestion, de manière à mieux gérer l’allocation de

ressources et à respecter les objectifs globaux définis.

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229

C’est donc bien un moyen de jauger l’activité d’une entreprise, entre autres finalités, à partir

du lien qu’il établit entre les différentes composantes de l’organisation. Par les flux

d’information qu’il génère, il est le reflet de la structure organisationnelle et de l’intérêt porté

à l’usage stratégique de l’information dans la dynamique stratégique d’une entreprise, pour

parodier le titre de l’ouvrage de Marc Giget et al. [1998]. C’est la raison pour laquelle Jacques

Mélèse165

parle du lien indissociable entre systèmes d’information et organisation, car ce lien

engage les rapports qu’entretiennent les membres de ces organisations, à partir des flux

(circulation, répartition, traitement) d’informations qu’ils échangent.

Dans la conception élargie qu’elle en donne sur la base de la définition établie par Jacques

Mélèse [1990], Nathalie Schieb-Bienfait166

définit le système d’information comme

« l’ensemble interactif de toutes les situations informationnelles, autrement dit le jeu

complexe de tous les échanges d’information signifiantes » (p.70). Cela est notamment rendu

possible par l’intelligence qu’a le système de la capitalisation des informations collectées.

Avec la notion de système d’information organisationnel (S.I.O), c’est également à ce jeu de

relations interactif entre la structure d’une organisation, son système d’information et sa

stratégie par rapport au contexte d’action, que se référait Jean-Louis Le Moigne [1986] pour

évoquer ce lien. Lien marquant l’articulation du système de coordination permettant in fine de

faciliter la prise de décisions, à partir de ces deux dimensions :

leur capacité à traiter, stocker, et à diffuser les flux d’information au sein des organisations ;

165

Mélèse (J.), Approches systémiques des organisations, 1990. 166

Schieb-Bienfait (N.), « Plaidoyer en faveur du repositionnement des relations information/stratégie », Gestion

2000, 1999, p.69-89.

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230

leur capacité à soutenir les objectifs poursuivis en aidant à la prise de décisions et à

l’amélioration de la qualité du travail167

.

Dans la thèse de doctorat qu’elle a consacré au lien entre systèmes d’information et

performances d’entreprises, Véronique Zardet168

y montre comment ces deux capacités

permettent de gérer respectivement les informations opérationnelles (celles qui concourent à

l’amélioration et à la réalisation des tâches à accomplir au quotidien) et fonctionnelles (ce

sont des informations plus élaborées qui engagent les processus stratégiques. Elle matérialise

ces capacités en un processus dynamique allant du SIOF au SIOFIS, ce dernier étant

l’aboutissement de l’efficacité et de la performance d’un système d’information dynamique,

marquant la cohérence des actions menées par les membres de l’organisation au niveau du

pilotage stratégique des entreprises. Par l’intermédiaire du schéma qui suit, nous avons une

représentation de ce processus.

Figure 14 : Essai de typologie des systèmes d'informations opérationnelles et fonctionnelles.

D'après Véronique Zardet, « Contribution des systèmes d’information stimulants à l’efficacité

des entreprises. Cas d’expérimentations »,1986, p.56.

167

Le Moigne (J.-L.), « Vers un système d’information organisationnel », Revue française de gestion, 1990. 168

Zardet (V.), « Contribution des systèmes d’information stimulants à l’efficacité des entreprises. Cas

d’expérimentations », Thése de doctorat en Sciences de gestion, Université Lyon 2, 1986.

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231

Au vu des différentes étapes de ce schéma, on peut dire que le SIOF correspond au degré zéro

du processus de captage et de collecte des informations. En effet, c’est une étape où les

informations arrivent au sein des organisations. À l’étape suivante, il y a une intégration

stratégique des informations collectées, qui seront finalement mises en valeur par les actions

engagées. D’où l’adjonction de l’attribut « stimulantes » entre l’étape 2 et l’étape 3. L’intérêt

de ce système se situe au niveau de son évolutivité, qui constitue un moyen flexible

d’aménagement du système d’information en un système de valeur d’options stratégiques.

Le point commun à toutes ces analyses ressort de l’interprétation effectuée par Jean-Louis Le

Moigne [1986] qui assimile le système d’information des entreprises à une entité s’articulant

en trois systèmes : le système opérant (O), le système d’information en lui-même (I), et le

système de décision (D). Ce qui va tout à fait dans le sens progressif et transformationnel du

SIOF en SIOFIS, comme indiqué ci-après :

- Le système opérant (O). Il permet de traiter les flux d’informations qui vont se concrétiser

en actions.

- Le système d’information en lui-même (I). Son modèle varie en fonction de la taille, des

moyens et des objectifs poursuivis par les acteurs Dans une organisation.

- Le système de décision (D) ou de pilotage. Il réalise la synthèse entre le système opérant et

le système d’information pour aider à la prise de décisions et au pilotage stratégique de

l’entreprise.

Autrement dit, le système d’information en lui-même est quasiment sans intérêts. Pour qu’il

acquière cette dimension stratégique, il faut pouvoir lui insuffler une dynamique d’actions que

seule la volonté des individus, plus que la technologie peut permettre d’instaurer. Pour que

cela se fasse, la gestion stratégique de l’information, apparaît désormais comme

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232

incontournable en fonction de la finalité qu’on lui assigne. Né de la nécessité pour les

entreprises de répondre et de s’adapter à la complexité et aux aléas de leur environnement, le

pilotage stratégique, concept imagé renvoyant aux méthodes de management des

organisations permet de déboucher sur des actions nourries des interactions de ce système.

C’est cet usage qui somme toute déterminera ou non des gains de productivité. Effectivement,

la corrélation positive entre technologies de l’information au sens large, et systèmes

d’information à une moindre échelle n’apparaît pas toujours évidente, comme nous le verrons

concernant le paradoxe de la productivité de l’information, symbolisant la remise en questions

des technologies d’information et de communication a toujours suffire et permettre d’obtenir

des gains de productivité. L’analyse de Peter Weill et de Marianne Broadbent169

sur ce thème,

que nous aurons l’occasion d’aborder est significative de cet usage.

L’impact d’un système d’information, au vu des différents éléments dont nous venons de

rendre compte, est donc attaché d’une part, à la qualité du pilotage stratégique, étant donné

que c’est lui qui détermine à plus ou moins long terme d’éventuelles retombées positives pour

l’organisation concernée. D’autre part, au degré d’implication de ses utilisateurs, par l’usage

et les finalités qu’ils lui assignent.

La pertinence d’un système d’information se rapporte donc à son usage dans une perspective

stratégique. Analysant ce phénomène, Dorothy Leidner et Sven Carlsson170

ont établi le

modèle de base suivant permettant de comprendre la pertinence de ce lien à l’intérieur du

milieu d’implantation. À travers le concept de culture, ils montrent l’importance de cette

variable par rapport aux schémas de compréhension et d’interprétation des individus, car elle

influence sensiblement les différentes étapes de sa mise en oeuvre. Ainsi, cette modalité va se

répercuter à la fois sur le système d’information et sur les perspectives d’usage de ses

utilisateurs en termes de résultats attendus, comme indiqué sur la figure ci-après.

169

Weill (P.), Broadbent (M.), « Un système d’information pour être compétitif », www.lesechos.fr 170

Leidner (D.), Carlsson (S.), « Les bénéfices des systèmes d’information pour dirigeants dans trois pays »,

Revue Systèmes d’information et management, 1998, p.5-27.

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233

Figure 15 : Modèle conceptuel de recherche entre systèmes d'information et culture. D'après

Dorothy Leidner et Sven Carlsson , op. cit., p.8.

Dans le même ordre d’idées, Sabine Carton Bourgeois171

, fait état de difficultés similaires, en

raison de l’influence potentielle de la culture (nationale) sur le processus d’implantation dudit

système. Ce processus d’implantation désignant une étape du cycle de vie du système

d’information marquée par sa mise en œuvre, une fois la phase de recueil des besoins,

d’analyse de la situation et de conception du système d’information effectuée.

Ce modèle conceptuel prévaut pour des entreprises en situation de management interculturel,

afin de leur permettre d’établir une approche endogène du système d’information, basée sur

les besoins de ses utilisateurs. Elle définit ainsi un système d’information international (S.I.I.)

171

Carton Bourgeois, « Systèmes d’Information Internationaux et culture nationale; influence de la dimension

culturelle contrôle de l’incertitude sur le processus d’implantation », Revue Systèmes d’information et

management, 1999, p.5-25.

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234

comme système contribuant à la réussite d’une stratégie globale pour les entreprises engagées

sur le mode pluriculturel.

Ce système repose sur l’usage de plates-formes intégrées en technologies de l’information

pour collecter, stocker, transmettre et manipuler les données à travers les environnements

culturels et stratégiques, pour lesquels il se destine. Cette perspective met ainsi l’accent sur le

nécessaire alignement entre les stratégies édictées, les structures et le milieu d’implantation de

l’organisation, à partir d’éléments tels que le rôle des utilisateurs dans le processus

d’implantation ; l’expérience de l’équipe chargée de la mise en œuvre dudit système, et

l’adéquation de la technologie à implanter.

Cela sous-entend un minimum de flexibilité organisationnelle, ayant pour conséquences de

favoriser un accès partagé à l’information, du fait du fonctionnement en réseau. Mokhtar Ben

Henda a rendu compte de la nécessité d’adaptation des outils et des technologies à destination

des PVD, en s’insurgeant contre les paradoxes et les aberrations des politiques de

développement et des plans d’ajustement structurel, qui y sont greffés sans amendements

particuliers. Il y a là, nous dit-il, un chaînon manquant, un maillon perdu qu’il appartient aux

acteurs de ces organisations de ressouder. Le passage suivant témoigne de cette absence :

« Le problème ne réside aucunement dans le manque de ressources ou de moyens

informationnel dans les PVD. Il s’agit plutôt d’un problème de gestion, d’organisation et de

structuration d’un secteur qui souffre encore d’une marginalisation généralement due à des

implications d’ordre politique, culturelle et sociale. L’Afrique constitue dans ce sens là, un

exemple très parlant de l’inefficacité des projets, programmes et modèles qui lui sont souvent

« greffés » au nom de la mondialisation et de l’inopérabilité des mesures descendantales qui

omettent souvent les particularités propres aux structures socioculturelles des pays du

Sud ».172

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235

Robert Reix173

montrait lui aussi déjà, à partir des développements des technologies de

l’information et de la communication, leur impact au sein des entreprises. Impact relevé

notamment comme base potentielle de nouveaux choix stratégiques, au-delà de l’amélioration

de l’efficience interne d’un système lié à son usage. Ce potentiel se répercute sur la valeur de

l’information, la faisant passer du statut de « variable entraînée » conditionnée par les choix

stratégiques préalables, à celui de « variable motrice » conditionnant, au moins partiellement

lesdits choix. Ce qui n’est pas sans rappeler le concept de « valeur d’options ».

Il exhortait ainsi la mise en place de Système d’Information Organisationnel. (S.I.O),

« ensemble de matériels, logiciels, procédures et données à travers lequel deux ou plusieurs

organisations, gérées de façon indépendante communiquent automatiquement (de mémoire à

mémoire), sans le transfert d’un support physique pour atteindre des objectifs opérationnels

ou stratégiques grâce à des échanges électroniques de données, de la messagerie

électronique et/ou le partage de bases de données communes » (p.9).

Dans un autre article co-écrit avec Michel Chokron174

il s’était déjà penché sur les évolutions,

les progrès et les développements de ces technologies au bénéfice des entreprises. Il y

préconisait de superposer à la détermination des objectifs stratégiques des entreprises, la

planification implicite ou explicite des systèmes d’information, afin d’y maximiser les

bénéfices de ces technologies.

Se proposant de dépasser la polémique sur le concept de planification et les divergences

d’acception du concept de systèmes d’information en tant que système informatique stricto

sensu ; et à celui de systèmes d’information en tant que système de gestion englobant les

problèmes de finalisation, d’organisation, voire d’animation lato sensu (p.13), il propose

plutôt de se positionner sur l’usage et les objectifs qu’on leur assigne. Cela peut se traduire

172

Henda (M.B.), "Les réseaux électroniques d’information en Afrique : à la recherche du maillon perdu »,

www.chez.com/benhenda/publicat/afrique.htm 173

Reix (R.), « Technologies de l’information et stratégies de partenariat », Papier de recherche, 1984.. 174

Reix (R.) Chokron (M.), « Planification des systèmes d’information et stratégie de l’entreprise », Revue

française de gestion, 1987, p.12-21.

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236

par l’usage du système d’information en tant qu’instrument de support et de coordination des

processus de gestion pour produire des résultats tangibles.

Cela peut également se faire en l’utilisant comme instrument de communication. Comme

support de la connaissance détenue par les membres de l’organisation. Comme instrument de

liaison avec l’environnement. Dans ce contexte, la planification renvoie davantage à un

mécanisme d’allocation rationnelle de ressources pour le développement des systèmes

d’information en réponse à deux objectifs principaux :

- la cohérence et la juxtaposition entre le développement des systèmes d’information et la

stratégie de l’entreprise ;

- la cohérence entre les stratégies des micro-unités, des micro-projets à celle plus globale de

l’entreprise en intégrant les dimensions économique et humaine nécessaires à la réalisation de

ces projets.

Pour être pleinement efficace, une telle planification doit comporter un schéma directeur ou

liste de projets par ordre d’importance stratégique basée sur la pertinence des micro-projets de

l’organisation, ainsi qu’un plan de développement visant à échelonner les stratégies, les

structures et les investissements à développer. Pour mettre en œuvre cette planification, il

existe un panel de méthodes telles que l’approche par les processus, par les facteurs clés de

succès, par l’analyse concurrentielle, qu’il propose.

Elles peuvent être complémentaires ou se juxtaposer les unes aux autres. Bref, l’intérêt de la

mise en œuvre d’un système d’information à des fins stratégiques, ressortant des contributions

ci-avant exposées, nous allons à présent montrer comment les démarches de veille entrent en

compte dans l’accomplissement de telles performances.

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237

1.3. Les démarches de veille : de l’utilité de la veille stratégique

La veille stratégique concerne différents types de veilles que peuvent entretenir les entreprises

pour tirer profit d’informations captées dans leur environnement. On peut ainsi déceler en

pratique la veille technologique, la veille commerciale, la veille juridique, la veille

économique et sociale, la veille sectorielle, etc. comme autant de formes et de procédures

d’une réalité multiforme répondant aux contextes et aux besoins stratégiques des entreprises

qui la pratiquent. À titre d’exemple, la veille technologique est « l’observation et l’analyse de

l’environnement scientifique, technique et technologique et des impacts économiques présents

et futurs, pour en déduire les menaces et les opportunités de développement » [1992,

Jakobiak].

L’adjonction de l’attribut stratégique au concept de veille est notamment là pour rappeler que

les opérations de veille ne se confinent pas à des tâches quotidiennes et répétitives, mais

davantage à des opérations de captage et de traitement des informations récoltées, susceptibles

de modifier les comportements, les objectifs stratégiques et même l’avenir des entreprises [cf.

Lesca, 1997]. Le développement de la société de l’information et le contexte économique et

concurrentiel des entreprises marqués par de nombreuses incertitudes, ne peu laisser

indifférent quant à l’utilité de ces démarches d’un point de vue stratégique.

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238

Les démarches de veille rendent ainsi la ressource information plus indispensable

qu’auparavant dans la réussite des projets menés au sein des entreprises. Ce rôle stratégique

se retrouve à travers les différentes approches qui témoignent de la recherche de

l’information, grâce à une vigilance permanente de l’environnement à des fins stratégiques.

Là aussi, comme pour l’intelligence économique, on retrouve de multiples définitions, dont

on peut retenir que la veille stratégique s’apparente à « une méthode d'observation et

d'analyse de l'environnement suivie de la diffusion bien ciblée des informations sélectionnées

et traitées, utiles à la prise de décision stratégique ». Ces informations peuvent être de nature

scientifiques, techniques, réglementaires, concurrentielles ou commerciales.

1.3.1. Des acceptions consensuelles…

Pour Emmanuel-Arnaud Pateyron [1998], la veille stratégique désigne « la recherche de

l’information grâce à une vigilance constante et une surveillance permanente de

l’environnement pour des visées stratégiques. La dimension stratégique de la veille se situe

dans le triptyque « réception-interprétation-action » (p.13). Il précise d’ailleurs que ce type

de démarches correspond davantage à des organisations de grande taille, situées en

environnement complexe. Ce que souligne le triptyque « réception-interprétation-action de

ces démarches et que réitère la définition suivante d’Humbert Lesca :

« La veille stratégique est le processus informationnel volontariste par lequel l’entreprise

recherche des informations à caractère anticipatif concernant l’évolution de son

environnement socio-économique dans le but de se créer des opportunités et de réduire ses

risques liés à l’incertitude […]. C’est une expression générique qui englobe plusieurs types de

veilles spécifiques telles que la veille technologique, la veille concurrentielle, ou la veille

commerciale par exemple »175

.

175

Lesca (H.), Veille stratégique. Concepts et démarches de mise en place dans l’entreprise, 1997, p.3.

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239

Par ce biais, il s’agit de mettre au service de l’entreprise et de sa stratégie un capital

d’informations et de données pouvant acquérir de la valeur au cours de son exercice

d’activité. De plus, comme mentionné ci-avant, elle est particulièrement opportune pour des

entreprises de taille importante de type multinationale, dont les activités se situent au cœur de

marchés, de secteurs ou de concurrents multiples.

1.3.2. … à l’établissement de modèles conceptuels

L’utilité des démarches de veille, de façon générale, demeure au niveau de la sécurité et de la

préservation du patrimoine des entreprises d’une part, mais également de leur pérennité. Ces

démarches leur permettent de disposer d’un potentiel informationnel alliant recherche

d’informations, interprétation et utilisation de l’information pour créer et entériner une vision

stratégique : c’est-à-dire une source d’avantages concurrentiels permettant d’être à la fois actif

et proactif. Elles nécessitent par conséquent de faire appel à des sources et à des supports

d’information diffus en fonction des pratiques, des moyens, des catégories d’entreprises et des

rapports de partenariat/coopération qui peuvent naître de ces besoins.

Dans sa réflexion, Humbert Lesca assigne deux objectifs aux informations récoltées dans ce

but : tout d’abord, un rôle d’anticipation à travers les informations précoces, se traduisant par

la suite par la mise en valeur des capacités dégagées au niveau des informations de potentiel

comme indiqué ci-après :

Les signaux d’alerte précoce de faible intensité à caractère anticipatif. Ils sont généralement

qualitatifs car ils acquièrent du sens et de la valeur après coup. Ce sont des bruits, des indices

et des pistes qu’il faut savoir interpréter au moment opportun, d’où la nécessité de mettre en

place un dispositif d’écoute de ces signaux, afin de les consolider et de les capitaliser au sein

des actes de pilotage stratégique.

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240

Les informations de potentiel sont des informations qui comme l’indique leur nom

renseignent sur les capacités de mise en œuvre d’un projet à partir des informations détenues.

[Lesca, 1997, p.6].

Ces deux aspects distinguent les opérations de veille des opérations quotidiennes et répétitives

concernant le fonctionnement courant des entreprises. Ce caractère stratégique est porté par

l’auteur à travers le schéma conceptuel d’élaboration d’un dispositif de veille stratégique qui

symbolise l’articulation entre le captage de signaux et leur affectation future en informations

de potentiel. Il cumule ainsi les étapes de la recherche d’informations, jusqu’à leur

interprétation et à leur utilisation pour créer une vision de l’environnement dans lequel

l’entreprise doit se tailler une place de choix. La figure ci-après en donne une image.

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241

Figure 16 : Modèle conceptuel du processus de veille stratégique. D’après Humbert Lesca,

Veille stratégique. Concepts et démarches de mise en place dans l’entreprise, 1997, p. 8.

Ce schéma conceptuel s’appuie grosso modo sur les opérations suivantes :

L’opération de sélection/ciblage en adéquation avec la cohérence des dispositifs et des

objectifs stratégiques repose sur le ciblage de l’information recherchée. Il s’agit de rendre la

veille stratégique la plus efficace possible en délimitant à la fois la partie de l’environnement

à surveiller et les attentes du moment par une traque d’informations stratégiques.

L’opération de remontée ou de diffusion, consiste à faire revenir des informations récoltées

auprès des personnes susceptibles d’en user à des fins stratégiques dans l’intérêt de

l’entreprise. Elle peut se faire par un filtrage avant redistribution des informations utiles aux

acteurs concernés.

Le traitement de l’information récoltée permet d’effectuer des opérations de mises à jour par

rapport à la réalité de l’environnement et/ou des expériences pour des bénéfices immédiats ou

à venir.

La diffusion efficace auprès des acteurs clés au niveau micro ou macro structurel.

Les informations doivent donc être capitalisées par un tri sélectif ou ciblage, entre ce qui peut

être utile et ce qui l’est moins. Cette étape est l’une des plus importantes, car c’est elle qui

conditionne l’efficacité de la veille en fonction des signaux captés dans l’environnement tant

en interne qu’en externe. Elle est donc susceptible de modifications en fonction de la réalité

de l’environnement, en fonction des éléments qui épousent les intérêts de l’entreprise. Elle

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242

réclame tout particulièrement une bonne remontée des informations au niveau des acteurs

concernés.

Ce schéma est davantage une vue de l’esprit sur une manière d’appréhender l’environnement

stratégique d’une entreprise. Il montre ce que devrait comporter les principales opérations

d’une démarche de veille stratégique. Il ne s’agit là que d’une représentation. Au demeurant,

l’approche peut être plus ou moins formelle, plus ou moins complexe en fonction des moyens,

des objectifs et de la taille de l’entreprise concernée. De ce point de vue, l’approche de Jean-

Louis Levet et de Robert Paturel176

apporte une fraîcheur par rapport au modèle de Humbert

Lesca, qui peut être qualifié de modèle standard en comparaison.

Pour eux, la veille stratégique découle d’une prise de conscience, au sein des entreprises et

des « Unités d’Information » de la mise en place d’une nouvelle forme de gestion de

l’information tournée avant tout sur des notions de qualité et non plus de quantité. Elle

nécessite donc de conférer à l’information récoltée une plus-value en vue de l’élaboration de

produits stratégiques (dossiers, synthèses, rapports, etc.), dans une société croulant sous la

surenchère d’informations. Cette surabondance brouille la pertinence des informations dont

ont besoin les décideurs pour extraire l’information critique indispensable à l’action et à la

décision informées.

C’est un processus de surveillance actif de l’environnement, qui comme chez Lesca comporte

deux étapes cycliques : une surveillance de l’environnement et l’exploitation des informations

pour servir l’action. Cette surveillance est marquée en amont par la recherche d’informations

(localisation et choix des sources d’information, des outils et de l’allocation des ressources à

affecter à la cible) et la définition des axes stratégiques de surveillance qui donnent lieu à une

classification précise en fonction de l’axe à privilégier. L’information formelle ou information

blanche correspondant à des sources d’information privilégiant des bases de données comme

Internet. L’information grise engrangée lors de congrès ou de salons par exemple est orientée

176

Levet (J.-L.), Paturel (R.), « La veille stratégique. Les yeux et les oreilles de votre entreprise ? » ,

www.veille.guerreco.com/la veille_strategique.pdf

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243

sur la capture des signaux de l’environnement. Enfin, l’information informelle ou information

noire est collectée par le biais de sources périphériques, dont la provenance est rarement

dévoilée.

En aval, cela se traduit par la validation des informations récoltées nécessitant la prise en

compte de leur fraîcheur, de leur exhaustivité, de leur fiabilité au vu de la pertinence des

données récoltées. Cette analyse s’appuie sur la vision et l’appui d’experts capables de

répercuter ces informations aux acteurs stratégiques de l’organisation, pour entériner des

décisions ou des actions. Cela présuppose de parvenir à retrouver cette information validée à

tout moment, notamment par la mise en place d’un dispositif de stockage et d’archivage des

données ainsi validées.

L’intérêt de la démarche de Paturel et de Levet par rapport à celle de Lesca, repose sur la

spécificité de la phase d’exploitation qui influence l’axe stratégique de recherche (cible et

enjeux). Cela permet d’effectuer un compartimentage de la veille en catégories distinctes. La

veille ponctuelle correspondant à un besoin ou à une analyse à un moment donné, le plus

souvent matérialisé par des études de marché. La veille occasionnelle concerne quant à elle

une surveillance organisée sur des thèmes-cibles. Les entreprises qui la pratiquent ont

généralement déjà acquises l’intérêt des démarches de veille.

La veille périodique est plus routinière que les précédentes, parce qu’elle sert en général à

consigner le bilan d’activités d’une entreprise à travers les rapports annuels notamment. C’est

la forme de veille la plus usitée dans les firmes de notre étude, concernant plus

particulièrement l’activité des firmes du secteur bancaire. La dernière catégorie, la veille

permanente permet de capter et de trouver les signaux épars d’information de

l’environnement, par le biais d’un dispositif d’alerte, que l’on retrouve également chez Lesca.

En dépit de ces divergences formelles, ce que l’on doit retenir des démarches de veille, c’est

qu’elles apportent une alternative stratégique à la surabondance d'informations, permettant

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aux dirigeants d’entreprises de dégager les données dont ils ont besoin. Cette alternative

servant à extraire de l’information stratégique génératrice de décisions et d’actions sur

l’environnement socio-économique, pour ne pas être pris de court par ce que Igor Ansoff

appelle « le paradoxe de la surprise stratégique ».

Ce paradoxe intervient lorsque règnent l’improvisation et l’absence de coordination interne. Il

montre la vulnérabilité d’une entreprise face aux événements extérieurs, lorsque celle-ci

dispose paradoxalement des informations permettant d’agir son environnement stratégique,

mais n’en tire pas profit parce que ces informations sont disséminées, et surtout ne sont pas

partagées.

Mais quelque soit le modèle ou l’environnement stratégique retenu, une chose reste vitale :

ces opérations ne servent à rien sans un minimum de coordination et de coopération. Par

exemple d’un point de vue logistique, cela peut être évité par l’acquisition de logiciels, ou de

services chargés de la surveillance, de la collecte, ou du traitement et de la redistribution des

informations glanées. Mais cela passe également par l’apprentissage du travail en équipes et

du partage d’informations, éléments sur lesquels l’analyse de Paturel et de Levet se distingue

de celle de Lesca.

Somme toute, les démarches de veille, à travers le processus cyclique de surveillance actif et

d’exploitation stratégique des informations validées, s’apparentent à ce que Jean Michel177

appelle de la veille informative. C’est-à-dire :

« un dispositif organisé, intégré et finalisé de collecte, traitement, diffusion et exploitation de

l’information qui vise à rendre une entreprise, une organisation, quelle qu’elle soit, capable de

réagir, à différents termes, face à des évolutions de son environnement. Que l’on parle de

veille stratégique, de veille technologique ou de veille concurrentielle ou même encore

d’intelligence économique, le concept de base reste le même, c’est-à-dire la veille informative

177

Michel (J.), « Veille informative, veille stratégique, intelligence économique… Mais au fond, qu’est-ce que la

veille », ? Communication faite lors de la journée d’information « Outils de veille pour l’entreprise »,

www.paris.encpc.fr

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finalisée et décisionnelle. Il s’agit d’obtenir les informations pertinentes et utiles qui

permettent une bonne réactivité face à des menaces externes ou face à des évolutions

significatives de son environnement ».

Cette évolutivité peut nécessiter des pratiques coopératives telles que des alliances, ou des

partenariats etc. Elle préfigure de façon plus large des actions d’intelligence économique et

stratégique qui s’inscrivent dans une dynamique réticulaire et pluriculturelle que nous

abordons à présent.

1.4. L’intelligence économique

Elle désigne grosso modo les pratiques collectives de gestion de l'information stratégique utile

aux acteurs économiques que ce soit au plan micro ou macro organisationnel, parce qu’elles

interviennent indifféremment dans divers secteurs d’activité. C’est l’ancêtre de l’espionnage

et du renseignement militaire, que l’actualité de la guerre économique a remis au goût du jour.

Elle met en oeuvre une organisation en réseaux, un traitement de l'information par un

processus adapté, dans le but d'alimenter la réflexion et l’action stratégiques [cf. Levet et

Paturel, 1996 ; Lesca, 1997].

1.4.1. Définitions et perspectives stratégiques

Dérivée du terme américain « Competitive intelligence », l'expression française a perdu la

connotation de « renseignement » pour aller vers celle de l'utilisation intelligente de

l'information pour encadrer la stratégie. Du moins, c’est la perspective qui ressort dans les

prémisses de son impact et de sa reconnaissance à travers le rapport Martre. En cela, elle est

héritière en premier lieu de la veille technologique, où prévaut la recherche de la maîtrise de

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l'avantage technologique, mais aussi de l’analyse concurrentielle dont témoignent les écrits de

Michael Porter.

Ainsi, l'intelligence économique est un terme générique. Un concept qui désigne l'ensemble

des activités destinées à améliorer les performances d’une organisation, par une meilleure

connaissance de son domaine d’activités stratégiques, et des opportunités qui s'offrent à elle.

Contrairement aux activités de veille qui servent ses actions, elle apparaît plus englobante et

plus offensive dans son rapport à l'environnement. Elle se base en effet sur une application

spécifique à la stratégie globale de l'entreprise, tout en intégrant les aspects informationnels et

humains qu'elle recouvre et qui transparaissent notamment dans la définition suivante :

« L'intelligence économique est un outil de management au service de la stratégie qui permet,

par l'analyse de la problématique, de la définition des besoins, la recherche systématique, le

traitement et l'exploitation d'informations à très haute valeur ajoutée, d'alimenter la réflexion

des dirigeants, de faciliter et d'orienter la décision, de préconiser et d'accompagner la mise en

oeuvre des solutions tactiques retenues »178

.

Cette définition de l’intelligence économique témoigne du caractère protectionniste des

démarches qu’elle initie, car elles consistent à se protéger efficacement des agents extérieurs

en protégeant le patrimoine informationnel de l’entreprise, à l’aide d’une batterie de mesures

diverses. C’est « le principe de la minijupe » évoqué par Jean-Michel Yolin179

qui consiste à

en montrer assez pour attirer l’attention, mais pas trop, pour cacher ce qui doit l’être. Il faut

donc trouver le juste équilibre entre ces deux pendants, en instaurant les articulations

nécessaires entre les différentes étapes de ce dispositif.

Avec le même esprit que celui qui anime la rédaction du rapport Martre, Jean-Louis Levet et

Robert Paturel180

vont assigner quatre fonctions à l’intelligence économique : la maîtrise du

patrimoine scientifique et technologique et des savoir-faire, la détection des opportunités et

178

Henry (V.), « Élaboration d’une méthodologie et d’une plate-forme de gestion de l’information technique et

stratégique », Thèse de doctorat, Lyon 2, 2001. 179

Yolin (J.-M.), “Intelligence économique, Internet et stratégie globale de l’entreprise”,

http://www.yolin.net/inteleco.html

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des menaces, la coordination des activités et la pratique d’influence. Ces quatre fonctions se

situent au cœur des mutations des logiques productives des entreprises qui entérinent les

dynamiques organisationnelles de sociétés fonctionnant de plus en plus sur les modes

réticulaire et pluriculturel.

La première fonction témoigne donc d'un glissement progressif et d’une modification de la

nature des activités de la firme, d’une logique exclusive de rendement techniciste à une

logique de compétences et d'apprentissages. Une fois assurée la préservation de ce patrimoine,

la détection des menaces et des opportunités, à travers l’analyse concurrentielle des forces en

présence et d’éventuelles menaces, constitue la seconde étape pour pouvoir assurer la

coordination des stratégies. L’ultime étape, celle de la mise en oeuvre de pratiques d'influence

perçoit l'influence comme un instrument à part entière de la stratégie d'entreprises, dans la

mesure où elles peuvent s’en servir pour agir sur leur environnement.

Ce que l’on peut retenir de ces différentes fonctions, c’est que l'intelligence économique se

rapporte essentiellement au système d'information externe à l'entreprise, même si certaines

sources peuvent être internes à la firme. Elle correspond à une surveillance immédiate et

prospective de l'environnement global des entreprises, dont la prise de conscience officielle en

France remonte à celle du rapport Martre, réalisé à cet effet pour sensibiliser les acteurs

économiques à l’importation et à l’exercice de telles pratiques, comme l’indique la définition

suivante :

« ensemble des actions coordonnées de recherche, de traitement et de distribution en vue de

son exploitation, de l'information utile aux acteurs économiques [...]. La notion d'intelligence

économique implique le dépassement des actions partielles désignées par les vocables de

documentation, de veille (scientifique et technologique, concurrentielle, financière, juridique

et réglementaire) [...]. Les défis ne sont jamais présentés sous l'angle de la compétition mais

180

Levet (J.-L.), Paturel (R.), « L'intégration de la démarche d’intelligence économique dans le management

stratégique ». 1Vè Conférence Internationale de Management Stratégique, Lille, les 13-14-15 mai 1996,

www.veilledulendemain.com/fichiers/com

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traitent de la manière de passer d'une individualisation de la gestion de l'information à un

processus d'actions collectives ” [Henri Martre, CGP, 1994].

Cette acception méthodologique des finalités de l’intelligence économique est remise en

cause par le rapport Carayon181

qui reconnaissant sa valeur pionnière, lui reproche sa naïveté.

Parce que la mise en oeuvre de cette intelligence se focalise trop sur l’analyse concurrentielle

au détriment des besoins et des attentes des entreprises, Bernard Carayon préconise de réaliser

« trois mariages et un enterrement » : le mariage entre les administrations publiques, le

mariage entre le public et le privé et le mariage de l’information blanche avec celle qui l’est

un peu moins. L’enterrement étant celui des naïvetés, faisant de l'intelligence économique un

prolongement et non un substitut des méthodes de management de l'entreprise.

Bernard Carayon se propose d’aller plus loin dans la définition de ce concept, en mettant

l'accent d'une façon plus explicite sur l'action stratégique proprement dite, car elle constitue le

sens même d'une démarche d'intelligence économique. Il s'agit ainsi de passer d'une prise en

compte relativement passive à une organisation active, voire proactive de la surveillance de

l’environnement, considérant cet environnement et l'information comme des variables

stratégiques sur lesquelles l'entreprise peut agir.

L’intelligence économique peut ainsi être légitimement considérée comme une variante

particulière de la veille informative. C’est pour cette raison que Jean Michel182

considère à

juste titre, que c’est la rencontre de trois perspectives managériales : celle du management de

l’information, du management de l’organisation et du management de la compétitivité.

Bernard Carayon envisage ainsi l’intelligence économique comme « un patriotisme

économique » qui se défend d’être un vague concept ou une idéologie, mais davantage une

politique sociale cherchant à concilier objectifs opérationnels et objectifs stratégiques grâce à

des moyens organisationnels et techniques.

181

Carayon (B.), « Intelligence économique, compétitivité et cohésion sociale ». Rapport de mission disponible

sur le site http://www.bcarayon-ie.com/html/rapport/0000.pdf.

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249

Cette conciliation opérant le mariage des institutions publiques avec celui du secteur privé,

doit pour cela agir sur une mise en parallèle des notions d'intelligence tactique (orientation à

court terme) et d'intelligence stratégique (prospective à long terme) ; deux activités

complémentaires dont l’efficacité repose sur l’interconnectivité des réseaux de compétences

et d’information. Cela implique de savoir mobiliser l’intelligence organisationnelle pour

assimiler et interpréter cette information, afin de l’intégrer aux processus décisionnels, donc à

l’action.

Répondant à la critique du rapport Carayon sur l’absence des finalités de l’intelligence

économique pour ses utilisateurs, Philippe Baumard183

qui a activement participé à

l’élaboration du rapport Martre admet volontiers que si le rapport Carayon fait le bon

diagnostic, sa démarche trop centrée sur la sphère politico-administrative pêche au niveau des

solutions retenues. Il fait ainsi état du nombrilisme et du tropisme politico-administratif,

révélateurs de la culture française et de l’incompréhension mutuelle entre le public et le privé

qui se manifestent dans la structuration du rapport.

Son atout indéniable consiste à poser les bases d’une culture d’intelligence économique aussi

bien chez les cadres du secteur public que ceux du secteur privé. Par contre au niveau

offensif, Philippe Baumard pense que le bilan de compétences en la matière mériterait

davantage d’être axé sur un dispositif d’intelligence reposant sur un réseau de PME/PMI, non

seulement pour minimiser les coûts, mais surtout pour instaurer des fronts communs de

recherche et de partage de l’information stratégique. Parce que ce sont elles, et non les

cénacles institutionnels, qui sont les plus exposées et les plus immédiatement concernées, ce

rapport croule sous le poids de l’institutionnel au détriment de l’opérationnel, ce qui pour lui

est un diagnostic en soi.

182

Michel (J.), « Veille informative, veille stratégique, intelligence économique… Mais au fond, qu’est-ce que la

veille », ? Communication faite à la journée d’information « Outils de veille pour l’entreprise »,

www.paris.encpc.fr 183

Baumard (P.). Entretien paru dans la Lettre sentinel n°7/2003 et sur le site

www.infosentinel.com/info/article_07_baumard.php

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Au cours de nos investigations sur le terrain, nous avons constaté sans aucune exception chez

nos interlocuteurs que le concept d’intelligence économique, leur était totalement étranger. En

revanche, nous nous sommes très vite aperçu en discutant avec eux, et en leur apportant une

ébauche de définition, qu’ils pratiquaient des actions en ce sens principalement axées sur des

pratiques de veille commerciale et concurrentielle. La prise de conscience de l’impact de

l’intelligence économique est subordonnée à la logique productiviste et tactique sur le court

terme, en raison des problèmes de gestion de ces entreprises qui concernent plus

spécifiquement les firmes publiques.

La mise en relief des perspectives de l'intelligence économique au management stratégique

qui ressort des rapports Martre et Carayon, au-delà de leurs divergences, réside

essentiellement dans la prise en compte de la valeur d'usage d'informations participant à la

prise de décisions engageant l’action. Les entreprises établissent ainsi une relation nouvelle

avec leur environnement en tant que composante active de la stratégie. Leurs performances

résident moins dans la capacité à s'adapter aux transformations de leur environnement, mais

davantage à considérer ces changements comme variable dynamique de leur propre évolution.

Ce qui nous permet de nous pencher précisément sur des dispositifs d’intelligence.

1.4.2. L’intelligence économique : une démarche de renseignement active menant à

l’instauration de cellules d’intelligence

Pour Donald Marchand184

, il s’agit de considérer l’intelligence économique moins comme une

fonction, que comme un processus capable d’aider et de guider l’action, tout en lui permettant

de produire de la valeur au sein d’une entreprise. Cela peut se traduire par le développement

d’une culture de questionnements, d’apprentissages et d’anticipation des grands changements

qui se profilent au sein même de la structure organisationnelle. Dans ces cas-là, on assiste en

général à l’émergence d’organisations décentralisées de type aplanie pour mieux favoriser la

circulation de l’information.

184

Marchand (D.), « Quelle culture de l’information ? », L’Art du management de l’information, 1999, p.384-

390.

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Mais en fin de compte, « la démarche choisie par l’entreprise en matière d’intelligence

économique dépend fortement de sa vision de la gestion des processus, de ses processus

d’organisation, de son attitude envers l’apprentissage et de ses valeurs fondamentales »

[Marchand 1999, p. 383]. Elle est intimement liée à la façon dont l'entreprise s'organise par

rapport à son environnement (stable/instable), et au crédit qu'elle porte à de telles démarches

pour son pilotage stratégique.

Comme pour les composantes de l’intelligence économique, elles se décomposent en

différentes entités en fonction des besoins, des stratégies, du domaine d’activité stratégique ou

même encore des concurrents du secteur. C’est la raison pour laquelle nous allons voir

comment l’information peut se révéler être une ressource stratégique pour les entreprises,

dans la mesure où elle acquiert une valeur économique.

C’est dans cet esprit que Maryse Salles185

s’est consacrée dans sa recherche sur l'ingénierie de

systèmes d'information pour l'aide à la décision, à développer une méthode de conception de

systèmes d’information pour aider à la prise de décisions. Elle assimile à cet effet le système

d'information à un moyen de gestion de la connaissance de l'entreprise, principalement axé

sur la gestion de l'information environnementale (intelligence économique).

Sur cette base, toute l’originalité de la démarche de recherche consiste à développer un

système de gestion ayant pour point de départ le besoin des clients (implicite et explicite) à

deux niveaux différents : celui de l'entreprise dans sa globalité (niveau du système), puis celui

d'un décideur particulier (niveau du produit). À partir de là, l’auteur aboutit à la proposition

d’une méthode de conception de systèmes d'intelligence économique, reposant sur les deux

niveaux précédents : le premier correspondant à un niveau stratégique de schéma directeur du

système d'intelligence économique dans sa globalité. Et le second s’en tenant à la conduite

spécifique d'un projet en particulier (par exemple la réalisation d'un produit).

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Ainsi, la méthode du schéma directeur propose un cycle d'abstractions, construit autour de ces

deux niveaux, et bâti sur l’analyse de l’environnement. À partir de la cartographie des sources

existantes et potentielles d’informations, et d'autre part du diagnostic de l'adéquation des

connaissances actuelles de l'entreprise sur son environnement par rapport à sa position et à sa

stratégie, l’auteur va intégrer le système d'intelligence économique dans le système

d'information global de l'entreprise. À sa manière, Bruno Vanasse186

a lui aussi aidé à la

matérialité d’un système d’intelligence économique, en préconisant des conseils utiles à la

mise en oeuvre d’une telle cellule. Ces conseils sont les suivants :

1. L'Intelligence économique requiert le leadership des dirigeants.

L'implantation d'une cellule d'intelligence économique, pour avoir un impact réel sur la

compétitivité de l'entreprise, demande le soutien du dirigeant de l'organisation. Celui-ci, en

soulignant son importance et en allouant les ressources nécessaires, envoie un signal clair et

fort sur la valeur économique et concurrentielle de l’information, en tant qu’élément vital à la

survie et à la prospérité de l'entreprise.

2. Il faut choisir un spécialiste et former une équipe solide.

Cela implique de sélectionner un individu talentueux, crédible et enthousiaste pour être le

maître d'œuvre de ce système. Selon le secteur d'activité, ce dernier peut-être un généraliste

ou un spécialiste. Il est souvent préférable de choisir un employé en interne, mais s'il n'existe

aucun candidat adéquat, on peut faire appel à quelqu’un d’extérieur. La constitution idéale

d’une telle équipe inclurait la combinaison de spécialistes dans le secteur d'activité et de

professionnels de l'information pour exploiter les sources d'informations. Enfin, un

professionnel des technologies de l'information et de la communication ne serait pas de trop

pour gérer les applications réseaux.

3. Identifier les besoins en intelligence économique.

185

Salles (M.), "Méthode de conception de systèmes d'intelligence économique », Thèse de doctorat en

informatique-automatique, Lyon 3, 1999.

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Il faut avant tout définir ce que l’on attend de cette cellule, pour diriger tout le processus.

Identifier les usagers/décideurs, le type et l'étendue du renseignement requis. Le « QUI,

QUOI, QUAND, OÙ, POURQUOI et COMMENT » doivent être les maîtres-mots.

4. Effectuer un audit de renseignement.

Ceci permettra d'effectuer la cartographie des sources d'informations et de renseignements, à

l'intérieur et à l'extérieur de l’organisation. Les réseaux de contacts, le savoir-faire et

l'expertise doivent être enregistrés dans une banque de données afin de planifier la cueillette

de renseignements de façon idéale.

5. Impliquer et motiver les collaborateurs.

En fonction du contexte d’action dans lequel elles se situent, la création d’une cellule

d'intelligence économique est peu ou prou nécessaire à la stratégie d'entreprise. Mais elle ne

peut y parvenir qu’en réussissant à faire participer toute l’organisation. C'est une tâche à

laquelle le spécialiste désigné et son équipe doivent accorder beaucoup d'attention. Ceux-ci

doivent animer, coordonner et supporter la recherche, le partage d'informations et du savoir

pour capitaliser sur l’investissement informationnel consenti. Par exemple, en instaurant des

systèmes de récompenses, en organisant des séminaires de sensibilisation ou de formation

spécialisée en intelligence économique, etc.

6. « L'information est brute; le renseignement est raffiné ».

Le renseignement est l'information traitée. La mission n'est pas d'accumuler des archives ou

de bâtir une bibliothèque, mais de trouver les informations pertinentes, afin d’avoir du

renseignement utile qui peut guider le processus décisionnel.

7. Le renseignement est une ressource partagée

Une fois traitée, l’information doit être diffusée à la bonne personne, dans le bon format et au

bon moment. Plus que l'information encore, le renseignement, c'est le pouvoir. Il est donc

normal que les gens veuillent le conserver. Il est alors important d'instaurer une culture et des

systèmes qui permettront au personnel d'obtenir plus de pouvoir en partageant les

186

Vanasse (B.), “10 conseils pour établir une cellule d’intelligence économique », www.humansource.com

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informations qu’ils détiennent, plutôt que de les garder secrets. Par exemple, l’intranet est un

vecteur idéal.

8. L'approche comptable: un piège à éviter.

Il est important d'évaluer la performance de la cellule d'intelligence économique et son réseau,

pour pouvoir les améliorer et les rendre plus pertinents. Il est cependant impossible d'évaluer

le retour sur investissement de la fonction d'intelligence économique. C’est davantage une

démarche qualitative que quantifiable ou comptable qui devient fructueuse à long terme.

9. Avoir un esprit d’ouverture.

Laisser librement travailler la cellule d'intelligence économique. C’est une unité dont la

maturité se révèle à plus ou moins long terme.

10. Dernier mais non le moindre: sécurité et éthique.

Il faut être vigilant aux actions des concurrents, afin d’éviter des fuites. Une bonne politique

de sécurité peut aider à éviter cette situation par l’instauration d’un code d'éthique pour guider

les activités du personnel dans ce cadre précis.

Ce passage de l’information au premier-plan est tributaire du passage de l’économie

matérielle à l’économie du savoir. Elle se manifeste notamment dans la capacité à savoir

distiller, distribuer ou retenir des informations au regard du contexte d’action, mais également

de l’importance de l’organisation. Cette intelligence s’intègre donc tout naturellement par

l’interconnectivité des réseaux auxquels elle recourt au concept d’intelligence stratégique.

1.5. L’intelligence stratégique

De plus en plus aujourd'hui, la maîtrise de l'information conditionne et détermine la prise de

décisions stratégiques des entreprises engagées dans des secteurs d’activité hautement

concurrentiels. Pour être novateur, compétitif et adaptatif, il faut disposer de moyens

d'information efficaces et savoir faire tourner ses « stocks d'intelligence ». Irriguée et vivifiée

par l'écoute de son environnement, l'entreprise est alors capable d'anticiper, de réagir et de

saisir les opportunités de développement qui se présentent à elle. Qu'il s'agisse de développer

un produit nouveau, de moderniser l'outil de production ou d'accéder à un marché étranger,

l'information est devenue un passage obligé. Pour prendre les bonnes décisions stratégiques et

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saisir les opportunités qui se présentent, il faut connaître le plus tôt possible tous les

événements susceptibles d'influer l'activité de l'entreprise [cf. www.innovation128.com].

L’intelligence stratégique -variante de l’intelligence économique- est à l’intelligence

économique, ce qu’est la veille informative pour les démarches de veille. Elle permet aux

entreprises d’avoir une meilleure connaissance et une meilleure compréhension de leur

environnement. Dans un sens large, elle vise même à contrôler ce dernier pour qu’elles ne

soient pas vulnérables face à des changements imprévus. En plus des démarches de veille et

d’intelligence économique, l’intelligence stratégique associe des actions -de nature

précisément stratégique- davantage axées sur les aspects techniques de la mobilisation de

l’intelligence collective qui, par d’autres voies visent les mêmes buts187

.

Au-delà de toutes considérations idéologiques, « le besoin de pratiquer un minimum

d’intelligence stratégique est un pré-requis pour permettre à l’entreprise d’affiner ses

stratégies en connaissance de cause. En fait, en tant que partie intégrante de la démarche

stratégique, c’est une obligation permanente pour tout chef d’entreprise moderne. On

pourrait dire que c’est la nouvelle façon de nommer l’étude de l’environnement pour y

déceler les menaces et les opportunités » [cf. Éthique et intelligence stratégique].

Si l’intelligence stratégique est un mal nécessaire, le danger d’un recours excessif à ce type de

management peut entraîner des dérives dont il appartient au dirigeant d’entreprise d’assumer

les contre-coups. Ainsi, face à certaines situations nouvelles créées par des actions adverses

elles aussi d’un type nouveau, le chef d’entreprise peut être amené à s’interroger à la fois sur

les limites et les opportunités d’un tel management. À ce titre, les recommandations de

Véronique Henry188

nous éclairent sur les perspectives de l’usage de la ressource information

à des fins stratégiques.

1.5.1. Problèmes et défis à relever

Tout comme pour l’intelligence économique, des difficultés existent pour établir des actions

d’intelligence stratégique. On y trouve également des problèmes d’ordre organisationnel

relevant à la fois de la gestion de processus tant informationnels qu’humains, liés aussi bien à

la nature même de l'information, à la mobilisation des individus, qu’à l'organisation mise en

187

Éthique et intelligence stratégique, http://strategique.free.fr

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place. Ainsi, plus l'organisation de l'entreprise est traditionnelle (de type hiérarchique et

fortement centralisé), plus la vie d'un réseau d'intelligence technique et stratégique est

compromise. À l’inverse, une organisation de type organique, est plus apte à instaurer ce type

de management, même si, cela n’est pas systématique.

En fait, cela ressort davantage de l’interconnexion et de la coordination des processus

humains et organisationnels, que de l’adoption de tel ou tel type de management. Ces

problèmes peuvent être résolus si l’on procède aux ajustements nécessaires suivant la

structure de l'organisation, les motivations des individus et les moyens à disposition. Au cœur

de ces réajustements se trouvent l'équilibre de la vie du réseau d'intelligence stratégique, qui

tient en fait à une alchimie entre la personnalité de l'animateur-coordinateur, le degré

d'implication de la direction, et l'adoption de certains outils et méthodes de travail.

L'information diffusée doit ainsi cibler le plus précisément possible les centres d'intérêt des

personnes concernées (en l’occurrence les décideurs), en se demandant ce qu'ils vont faire de

l'information fournie, pour mieux évaluer leurs attentes. Ce qui n'est pas une chose facile au

demeurant, car mesurer l'efficacité de l'intelligence stratégique ne peut s’avérer « rentable »

qu’à long terme. Certes, il existe un certain nombre d'indicateurs quantitatifs (nombre de

clients, de produits diffusés, coût de l'information, etc.) qui peuvent servir de support

d'évaluation, mais l'analyse qualitative s'avère bien plus intéressante. Il peut s'agir par

exemple d’enquêtes de satisfaction après un délai choisi, afin de permettre non seulement

d'évaluer le travail réalisé. Mais aussi de continuer à motiver les personnes qui en ont la

charge.

1.5.2. Mettre en perspective information et connaissance

Pour que le système d’intelligence stratégique opère avec le moins de dysfonctionnements

possibles, Véronique Henry [2001] aboutit dans sa recherche à l’élaboration d’un prototype

permettant de mettre en perspective l'information externe et l'information et les connaissances

internes, dans une volonté affichée d’agir de façon concrète sur l’environnement. Pour cela, le

moyen le plus tangible reste pour l’auteur de parvenir à faire adhérer les membres de

188

Henry (V.), « Elaboration d'une méthodologie et d'une plate-forme de gestion de l'information technique et

stratégique », Thèse de doctorat, Septembre 2001. sous la direction du Professeur Richard Bouché et de Diane

Boucher, Septembre 2001.

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258

l’organisation à ce projet, en faisant converger réseaux humains et réseaux technico-

structurels ; réseaux informels et formels. Elle propose ainsi un prototype, une plate-forme

stratégique « idéale », configurée à partir des besoins réels de ses utilisateurs, dont le schéma

ci-après montre le mouvement d’ensemble.

Figure 17 : La plate-forme stratégique. D’après Véronique Henry, « Élaboration d'une

méthodologie et d'une plate-forme de gestion de l'information technique et stratégique »,

2001.

La plate-forme proposée a donc pour objectif d'établir une interface entre les différentes

phases du processus d’intelligence stratégique, grâce à des outils et à des fonctionnalités

accessibles ici par le biais d’un portail web. Pour en arriver là, l’auteur détaille sur la figure

suivante les étapes qui y mènent.

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259

Figure 18 : Les étapes de la mise en place d’une plate-forme d’intelligence stratégique.

D’après Véronique Henry, op.cit., 2001,

Au niveau de la structuration de ce schéma, on voit nettement se dégager au niveau des étapes

1 et 2, l’analyse de l’environnement et la détermination des objectifs à atteindre, à l’aide de

plans d’actions stratégiques. Puis, les étapes 3 à 6 symbolisent la mise en œuvre de cette

plate-forme, qu’il appartiendra par la suite aux acteurs de pérenniser l’existence dans les

organisation, en fonction de leur contexte d’action. Voici de façon succincte, comment

l’auteur dégage la substance de ces étapes :

La première étape concerne la définition des objectifs :

pourquoi et pour qui réaliser ce travail ?

quelle stratégie adopter : quelles méthodes et personnes impliquer ?

quelles évolutions du système faut-il prévoir ? En effet il doit pouvoir être modifié facilement

et s'enrichir de nouvelles fonctionnalités.

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260

La seconde étape, l’analyse de l'existant se réfère aux outils déjà disponibles ou en cours de

réalisation qui pourraient servir.

L’identification des besoins et des attentes, par le biais de l'enquête et de l'audit, se base

notamment sur de nombreuses discussions informelles avec les personnes impliquées.

Il s’agit ici de tester et de valider le choix des sources et des outils.

Tout au long de la conception, on procède à des ajustements et à des adaptations, pour

vérifier régulièrement que ce qui est fait correspond bien aux objectifs.

La phase d'implantation devra faire l'objet d'un suivi particulier, entre la détermination des

besoins, le plan d’actions stratégiques et l’édification de la plate-forme stratégique en elle-

même.

Pour l’auteur, cette plate-forme permet de fournir une méthodologie servant de support à un

processus permettant de faire converger objectifs, méthodes et système stratégique. Pour gérer

au mieux cette plate-forme, la méthode choisie et le système utilisé doivent nécessairement

être adaptés pour correspondre aux objectifs spécifiques de chaque organisation. Plus qu'un

système de gestion de l'information stratégique, il s'agit de s'intéresser à la gestion des réseaux

humains, techniques et structurels pour l'information stratégique des entreprises. Parce que ce

qui est important ce n'est pas de connaître l'information en soi, mais de maîtriser les moyens

de se la procurer, de la faire circuler et de la valider.

Dans ce contexte, il apparaît que la gestion linéaire de l'information, vue comme un ensemble

de données indépendantes, ne permet pas d'assister directement la prise de décisions

stratégiques. C’est tout l’intérêt de cette plate-forme que d’envisager une interface et un outil

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261

d’aide à la décision. Car, comme l’a dit Philippe Baumard, il faut : « savoir pour prévoir afin

de pouvoir ».

On peut dès lors considérer que les systèmes d'intelligence stratégique offrent une dimension

supplémentaire, en ce sens qu'ils intègrent des modèles d’analyse de l’environnement

permettant d'affecter le futur. Au delà de l'information et du diagnostic de situation, ils

incluent des fonctionnalités telles que l'explication de l'état de l'environnement, en permettant

d'anticiper sur les effets d'éventuels changements sur l'organisation. Par ce moyen, il s'agit en

fait d'assister « le prévoir ».

Section II : Management stratégique de l’information et performances

d’entreprise

À travers le management stratégique des systèmes d’information, c’est l’information comme

marché à part entière qui est mis au goût du jour [cf. l’article de Georges Henault, Renald

Lafond et Martha Mélesse189

, Ainsi, de façon implicite ou explicite, les systèmes

d’information, à l’image de la stratégie des entreprises doivent être articulés aux orientations

stratégiques pour manifester leur pertinence [cf. Chokron et Reix, 1987 ; Reix, 2003].

2.1. L’information, une ressource stratégique pour les entreprises

À une vitesse spectaculaire, un certain nombre d'évolutions commencent à modifier la

manière de considérer, de gérer et d'utiliser l'information comme un outil stratégique. Cette

tendance offre d'immenses possibilités pour modifier la façon dont l'information imprègne la

vie des entreprises au niveau de leurs activités, et de la détermination de stratégies, comme

189

Henault (G.), Lafond (R.), Mélesse (M.), « L’accès à l’information utile »; La création d’entreprise en

Afrique : l’accès à l’information utile, www.refer.mg/textinte/cre_entr/chap7.htm.

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262

nous en avons perçu les manifestations concernant les développements d’une société acquise

au management des savoirs.

Cette approche nouvelle, par la dynamique et les processus qu’elle met en œuvre, a au moins

le mérite de réconcilier concepteurs et utilisateurs de l'information [cf. Anthony Hopwood,

« S’informer pour s’ouvrir », www.lesechos.fr], par le fait que le projet d’entreprise tire sa

validité de la mise en commun et de la capitalisation de l’ensemble des actifs stratégiques. Si

l'information était autrefois l'apanage du comptable ou du spécialiste des technologies de

l'information et de la communication, la réalité des entreprises engagées dans un tel

processus, est au contraire de favoriser sa diffusion de façon beaucoup plus large, et

interactive.

Cette dynamique nouvelle introduit de profonds changements, permettant aux entreprises

d'aller de l'avant, en faisant apparaître l’information comme une ressource stratégique. Cette

intégration de la ressource information aux actes de pilotage stratégique implique une

triangulation entre l'information, les stratégies et les actions qu’elles engendrent. Au cœur de

cette dynamique, les nouvelles technologies jouent un rôle majeur, même si elles ne font que

fournir un potentiel, qui doit être reconnu et exploité, sans pour autant négliger l’importance

du capital humain.

2.1.1. Les tendances émergentes

L'information introduit ainsi une dynamique de changements considérables permettant entre

autres effets d’optimiser l’élaboration de stratégies. Pour marquer cette révolution, Jean-

Claude Tarondeau dans Le management des savoirs [1998] a établi le constat suivant : « La

conception dominante de la stratégie concerne l’acquisition et la maîtrise de ressources et

compétences permettant à la firme de se différencier de ses concurrents, de déployer ses

activités, d’innover ou de disposer d’une flexibilité suffisante pour s’adapter aux évolutions

de l’environnement ou aux stratégies des concurrents » (p.103).

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263

Désormais les entreprises ne s’attendent plus seulement à ce que leur environnement leur

dicte les règles du jeu : ce sont elles maintenant qui prennent des initiatives par des offensives

destinées à déstabiliser les concurrents. [cf. George Day et David Reibstein, « Anticiper sur la

concurrence », L’Art du management de l’information 1999, p.678-681]. En un mot, il s’agit

pour elles, dans un tel contexte concurrentiel de s’adapter ou de construire leur espace

stratégique et vital [cf. Frédéric Fréry et Hervé Laroche, « Stratégie : s’adapter ou

construire ! », L’Art du management de l’information 1999, p.682-685].

Ce nouvel environnement dominé par l’usage stratégique de la ressource information s'attache

davantage à transformer l'avenir sectoriel et concurrentiel en rendant les protagonistes/acteurs

responsables de la survie de leur entreprise. Dans ce contexte, l'information est nécessaire

pour agir sur le monde, donc sur ses environnements, par le biais de pratiques d’intelligence

notamment. C’est cette nouvelle dynamique axée sur l'action et vouée à la culture de

l'information qui fait qu’à présent, l'information, la stratégie et l'action vont de pairs (cf. le

concept de culture informationnelle de Donald Marchand).

La question de base sera de moins en moins « Comment positionner ma société et gagner un

avantage concurrentiel dans un type de jeu et d’environnement connus par avance (la

structure d'un secteur d'activités par exemple) », et deviendra de plus en plus « Comment

deviner le profil de la structure changeante d'un secteur d'activités et, de ce fait, les règles de

participation dans un nouveau jeu qui lui aussi évolue » ? [Tarondeau, 1998]. En effet, les

secteurs d'activité présentent un tel hétéromorphisme du fait de l’entrecroisement des savoirs

à la base du domaine d’activités stratégique, que désormais les règles ne s'écrivent qu'au

moment où les entreprises et leurs dirigeants testent et adaptent leurs approches de la

concurrence.

Ce qui fait la valeur de l’information dans un tel environnement, c’est d’être utilisée et

échangée au moment opportun. Par conséquent, la constitution de réseaux n’est pas du tout

superflue dans ce monde soumis à la loi de la domination des échanges économiques et

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264

culturels et du décloisonnement des marchés nationaux, rendue possible grâce aux progrès des

TIC. Ce que George Yip190

faisait remarquer en admettant que la société du savoir engendrait

un processus de transformations encourageant la standardisation des besoins et la

globalisation des marchés. Ce redéploiement repose pour lui sur les quatre clés suivantes :

- L’uniformisation du marché que traduit la formule : « Penser local, agir global » ;

- Les coûts dus aux économies d’échelle issues des innovations-produits ;

-Les politiques décidées au niveau des États en faveur du libre-échange et de

l’uniformisation de la réglementation en matière de commerce ;

- La mondialisation de la concurrence intensifiée par les TIC qui permettent d’aller chercher

la matière première et de conquérir les marchés au-delà des frontières nationales.

2.1.2. Un dispositif essentiel au pilotage des entreprises

La résonance prise par l’intégration stratégique de la ressource information aux actes de

pilotage stratégique est le fait d’une rupture paradigmatique. C’est celle d’une transition

fondamentale de notre société que l’ensemble des contributions sur la question analyse

comme le passage d’une société industrielle à une société de l’information. Au passage, elle a

détruit la règle des trois unités de temps, de lieu et d’action, pour adopter un registre plus

actuel et conforme aux réalités du terrain et aux conditions du marché [Drucker 1993-2000,

Tarondeau 1998, 1999].

190

Yip (G.), « Global Strategy In a World of Nations”, Sloan management review; 1989, p.29-41.

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266

Dans ce dispositif, la circulation aisée de l’information nécessite un traitement optimal, et par

conséquent un usage plus judicieux [cf. Lesca, 1989, Information et adaptation de

l’entreprise]. À travers le concept de design organisationnel, Frantz Rowe191

fait état d’une

réflexion en ce sens, touchant à la productivité des systèmes d’information des organisations

en termes de diffusion et de circulation de l’information. Il y mentionne d’ailleurs le concept

d’« idéologie démocratique du pouvoir » pour qualifier une situation où les systèmes

d’information permettent de capitaliser les processus d’apprentissage organisationnel, tout en

laissant aux individus le choix de développer des connaissances nouvelles, ou de les

approfondir dans la perspective d’actions stratégiques présentes ou à venir.

Cette théorie intègre l’homme utilisateur, interface et traducteur de l’information qu’il utilise.

Le « design organisationnel », vise ainsi « une économie de la circulation de l’information

dans l’organisation […] à partir des choix de traitement des unités de production

(standardisation par exemple), d’organisation, de contrôle et de répartition des tâches »

[Rowe 1997, p.25], tout cela en adéquation avec les environnements interne et externe des

entreprises. Il s’agit donc d’une approche contingente fondée sur le triptyque

information/stratégie/environnement qui s’organise à l’aide des capacités de traitement, de

coût et de circulation efficaces de l’information, dont les acteurs sont sensés tirer le meilleur

profit dans le cadre de leur activité.

Selon ce concept, issu du modèle de Galbraith [1977] et de la Théorie de l’agir

communicationnel de Jurgen Habermas [1987], l’accent est mis sur les choix organisationnels

qui s’alignent sur les coûts et la vitesse de réception/diffusion de l’information d’une part.

D’autre part, ces choix s’appuient sur des codes communs et, sur le sens accordé à une

information donnée par des individus pour qu’elle détermine une action (stratégique) par

ailleurs. Ce qui signifie que le caractère stratégique d’une information est corrélé pour Frantz

Rowe à la façon dont elle sera traitée. Mais par la suite, c’est finalement le sort qui lui sera

fait par les individus qui révèlera son importance.

191

Rowe (F.), « Productivité de l’information et design organisationnel, accessibilité aux données et agir

communicationnel », L’Entreprise et l’outil informationnel, 1997, p.23-39.

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267

Pour valoriser le design organisationnel, les processus et les flux d’information doivent donc

être capitalisés au niveau des systèmes d’information, car comme eux, ils s’appuient sur des

codes qui correspondent à ce que Jean-Louis Paucelle appelle « un langage de communication

de l’organisation construit consciemment pour représenter de manière fiable et objective,

rapidement et économiquement, certains aspects de son activité passée ou à venir […]. Les

mécanismes de représentation propres à ce type de langage prennent leur efficacité dans la

répétitivité des actes des organisations »192

.

Ce qui fait que la productivité de l’information est ici liée à son accessibilité, à sa diffusion et

à sa réutilisation au sein de l’organisation dans un premier temps. Puis, intervient l’autre

source de productivité qu’il ne faut pas manquer de prendre en compte : le jeu des acteurs.

Celui-ci, à la base du redéploiement ciblé de l’information est la garantie manifeste des

processus d’intercompréhension nécessaires à l’action collective pour résoudre non seulement

des problèmes internes, mais aussi pour faire face aux exigences d’un environnement de plus

en plus complexe. Dans cette perspective, l’accès à l’information utile aux acteurs

économique est à la source de potentiels bénéfices à réaliser par les entreprises.

Comme nous l’avons fait remarquer plus haut, les démarches de veille et d’intelligence

économique induites par cette mise en valeur et cette recherche de gains de productivité,

permettent grâce à ce mode de gestion de l’information de s’assurer une « valeur d’options

stratégiques » pour reprendre l’expression de Robert Reix. La mise en valeur de la ressource

information à travers les systèmes d’information stratégique (S.I.S.), constituant la seconde

étape de ce processus. Il s’agit donc à partir de l’acception et des contours dont on charge le

concept de systèmes d’information d’établir des dispositifs de collecte, de capitalisation et de

restitution d’informations à caractère stratégique, dont l’enjeu théorique est d’apporter des

gains de productivité.

192

Paucelle (J.-L.), Les systèmes d’information : la représentation, 1981, p.24-25.

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268

2.2. Le paradoxe de la productivité de l’information : paradigmes et perspectives

Si l’information peut être valorisée dans les entreprises par le biais des systèmes

d’information et de son management stratégique, il reste que cette valorisation, sans vouloir

porter une antithèse stérile, n’a de chance de s’effectuer que sous certaines conditions. Ainsi,

allons nous à présent voir sur la base des analyses traitant du paradoxe de la productivité de

l’information, montrer pourquoi et comment cet apport systématique de gains de productivité

peut être remis en cause.

2.2.1. La problématique du paradoxe

La surabondance d’informations ainsi que les progrès technologiques ont accru la capacité de

traitement des données transactionnelles dans les entreprises, sans pour autant que cette

surenchère ne s’accommode dans les mêmes proportions de la capacité d’attention nécessaire

au décryptage de ces informations. Ce constat effectué par Thomas Davenport193

, et dont

témoignent plus généralement les travaux sur l’économie de l’attention, a le mérite de resituer

le débat moins sur l’investissement technologique, que sur la pertinence des informations

récoltées.

Si la technologie est utile au stade intermédiaire du cycle de vie de l'information (captage,

stockage, et diffusion), elle ne l'est pas réellement à celui de l'exploitation. La puissance de la

technologie est telle que l'émergence de la nouvelle économie a favorisé le déterminisme

causal entre investissements massifs en TIC et l’apport de gains de productivité. Par analogie

avec la définition du concept de système d’information, de Christine Monnoyer-Longé

[1997], la technologie est une réalité multiforme. Une interface hommes/machines [cf.

Monnoyer-Longé 1997].

Autrement dit, la maîtrise de la gestion de l'information est avant tout une tâche humaine qui

est dans le contexte de l’économie de l’information, appuyée par des systèmes interactifs

193

Davenport (T.), “Privilégier l’information sur la technologie », www.lesechos.fr

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269

d’aide à la décision (S.I.A.D.). Il ne faut pas sombrer dans une euphorie réductrice faisant de

l’acquisition de technologies, un argument infaillible, permettant d’assurer de façon mécaniste

des gains de productivité dans une organisation. Cela ne doit pas pour autant masquer les

dérives dont nous sommes les spectateurs quotidiens : manipulation médiatique, lobbying des

professionnels du secteur, disparités entre « inforiches » et « infopauvres », etc. qui sont

autant de sources de disparités contribuant à la mauvaise valorisation de l’information, ou en

tout cas à un traitement inapproprié.

L’investigation du paradoxe de la productivité de l’information, telle qu’il ressort des

différentes contributions que nous exposerons, rend compte de la difficulté d’établir de façon

systématique une corrélation positive entre investissement technologique et gains de

productivité. La formulation de ce paradoxe tient à un constat effectué par Robert Solow, qui

s’interrogeant sur le rapport entre les innovations et la croissance économique (gains de

productivité), faisait remarquer que l’utilisation intensive d’ordinateurs ne se traduit pas dans

les faits par une hausse de la productivité.

2.2.2. Les perspectives paradigmatiques

Amené à rechercher les raisons de ce paradoxe, Solow va établir ce constat : « l’informatique

se voit partout sauf dans les statistiques ». Il en arrive à la conclusion que les effets de ce

paradoxe tiennent à ce qu’il appelle « l’endogénéité du progrès technique ». Cette formule

savante rend compte du décalage de temps nécessaire entre l’acquisition d’une technologie et

son usage optimal. De fait, la présence d’un ordinateur ne suffit pas à améliorer la

productivité d’une organisation. Il faut aussi des connaissances obtenues grâce à une

formation adéquate. Des logiciels adaptés aux besoins des utilisateurs, et si nécessaire

repenser l’organisation de l’entreprise, en associant l’usage des TIC à l’organisation de la

production.

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270

C’est la même position qu’adopte Sylvain Allemand194

quand il montre qu’à l’évidence les

analystes avaient tout bonnement négligé un fait : la présence d’un ordinateur dans un atelier

de production ne permet pas d’améliorer la productivité. Elle peut même produire l’effet

inverse en occasionnant des pannes et des dépenses supplémentaires de maintenance. Pour

qu’elle produise pleinement de l’effet, il faut que les employés se l’approprie et que les

entreprises repensent l’organisation en conséquence. Ce sont ces raisons qui ont motivées

Alain Rallet [1997] à s’interroger sur la dynamique réelle des TIC à susciter des gains de

productivité dans les entreprises, comme en témoigne le passage suivant :

« Quelle que soit l’explication retenue, le paradoxe de la productivité nous semble désigner

un réel problème : le recours aux technologies de l’information et de la communication

prennent une place prépondérante sans que leur impact sur les performances des firmes soit

facilement lisible » [Alain Rallet, 1997, p.95].

194

Allemand (S.), « La nouvelle économie », Sciences humaines n°112, 2001, p.42-43.

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271

L’approche d’Andrew Sharpe195

, tout comme celle de Wanda Orlikowski196

, mettent

également en évidence ce paradoxe de la productivité de l’information, par le fait que des

structures organisationnelles inadéquates empêchent d'utiliser efficacement les TIC. Cette

explication, même si elle n'est pas dénuée de fondements, n'est pas suffisante pour expliquer

entièrement le paradoxe de la productivité. C’est pourquoi ces deux auteurs vont examiner de

façon plus approfondie la relation entre les structures organisationnelles, les TIC et la

productivité, à partir des obstacles organisationnels qui nuisent à leur utilisation efficace, et en

préconisant des mesures pour abolir ces obstacles.

De ces deux contributions, nous avons préféré privilégier l’analyse de Wanda Orlikowski,

parce qu’elle est moins parcimonieuse que celle d’Andrew Sharpe. Celle-ci part du constat

que l’un des facteurs primordiaux d'efficacité pour éviter ce paradoxe, réside dans la

manière dont on se sert de ces technologies. Pour elle, une partie du problème tient peut-

être précisément à ce que l'on se repose exclusivement sur ces technologies pour amener de la

productivité, et très rapidement une certaine rentabilité. L’autre aspect du problème tient au

fait que l’on s’attarde moins aux retombées de l'utilisation des TIC. En d'autres termes, les

TIC ne peuvent pas, en elles-mêmes, accroître ou baisser la productivité : seule leur utilisation

le peut.

Sur la base d’une étude réalisée au sein de diverses entreprises en Europe et aux États-Unis,

l’auteur va étudier l'adoption, puis l'utilisation d'une technologie pionnière : Lotus Notes, un

logiciel de travail en groupe conçu pour faciliter la collaboration entre les individus. Ce

logiciel suscita un intérêt d’autant plus considérable, qu’il permettait de libérer les acteurs des

contraintes temporelles, d'espace et de domaine de compétences, par le partage des

connaissances. Dans les entreprises qui ont opté pour ce choix, c’était l’argument imparable

de la direction pour faciliter son implantation.

195

Sharpe (A.), “Organizational Structure, Information Technology and Productivity: Can Organizational

Change Resolve the Productivity Paradox?”, http://www.hrdc-drhc.gc.ca/sp-ps/arb-

dgra/publications/research/1999docs/abr-98-6f.shtml. 196

Orlikowski (W. J.), “L’utilisation donne sa valeur à la technologie »,

www.lesechos.fr/formations/manag_info/articles/article_8_5.htm.

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272

Lotus Notes devait à terme transformer le lieu, le mode et le temps de travail. Or sur le terrain,

à quelques exceptions près, ces entreprises ont rarement réussi à faire de ce projet une réalité,

malgré sa pertinence et le degré de maturité avéré de la technologie proposée. L’échec ne

tenait pas davantage à des erreurs de mise en œuvre, mais au fait que la direction avait négligé

un détail : la manière dont les bénéficiaires/utilisateurs allaient s'en servir au quotidien.

Omettre cette interface, c'est admettre les suppositions suivantes :

Si le personnel dispose de la technologie, il l'utilisera forcément.

Il l'utilisera dans le sens où elle a été conçue.

Cette utilisation produira automatiquement les résultats attendus.

il ne suffit pas toujours de dénicher les bons outils, d'implanter des interfaces plus conviviales

et d'améliorer la formation et le soutien du personnel, pour que l'utilisation (telle qu'elle est

prévue) débouche sur les résultats attendus. Par analogie avec les théories de Chris Argyris et

de Donald Schon, dans le domaine de l'apprentissage organisationnel, qui distinguent les «

théories d'adhésion », ce que nous disons sur notre manière d'agir ; et les « théories d'usage »,

ce que nos actes révèlent sur notre manière d'agir, Wanda Orlikowski va bâtir une approche

intéressante sur l’acquisition d’une technologie, et la structure de l’organisation où elle doit

être implantée.

Or, l’un des aspects fondamentaux de l'apprentissage consiste à reconnaître l'existence de

cette divergence et à agir en conséquence. Partant de là, Wanda Orlikowski établit le même

décalage entre les « technologies d'adhésion » (celles que nous achetons et que nous

installons dans nos bureaux, ou nos maisons) et les «technologies d'usage» (celles que nous

utilisons effectivement).

Les technologies d'adhésion, désignent ainsi « des modules intégrés de matériels et de

logiciels qui comportent un ensemble de caractéristiques prédéfinies ». Les technologies

d'usage correspondent quant à elles « aux caractéristiques spécifiques auxquelles nous faisons

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273

appel d'une manière particulière, en fonction de nos compétences, de nos activités, de notre

attention et de nos objectifs ».

Ainsi, l'une des entreprises sur lesquelles l’auteur a enquêté était une agence internationale de

conseil désireuse de faciliter le partage du savoir entre ses consultants. Les responsables qui

achetèrent le logiciel Lotus Notes qui devait permettre d’atteindre cet objectif s’étaient

uniquement focalisés sur la sophistication technique d’une «application révolutionnaire»

capable de modifier radicalement l'approche de l'ordinateur. Cependant, en dépit des efforts

consacrés pour intégrer Notes dans l'infrastructure de leur entreprise et sur le PC de chacun de

leurs consultants, ces responsables eurent tôt fait de constater des résultats inverses à ceux

attendus.

Ils ne d’étaient guère préoccupés de la réception et de l'usage qui allaient être réservés à cet

outil, à savoir ce que les consultants faisaient réellement de Notes dans leur travail quotidien.

Ils auraient pu découvrir s’ils n’avaient faits l’économie de cette démarche, qu’ils n'utilisaient

pas le logiciel pour partager des connaissances.

Pire encore, une partie d’entre eux ne s'en servaient pas du tout, et les autres n'y recouraient

que pour transférer des fichiers, envoyer des notes ou accéder à des bulletins d'information.

Ce qui a encore facilité l’échec de cette implantation, c’est que la pression de la rentabilité

exercée sur les consultants privilégiait la culture du « chacun-pour-soi » et la

rentabilité/promotion individuelle, qui allaient manifestement à l’encontre des perspectives de

la technologie importée.

À travers cet exemple, on peut retenir l’ampleur du déterminisme causal entre technologies

d'adhésion et technologies d'usage qui accentue la confusion entre les potentialités d’une

technologie et son usage effectif. En fin de compte, il ne suffit pas de se contenter de

consacrer de l'énergie à la seule gestion de la technologie, il faut aussi en dégager pour les

utilisateurs.

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274

Mais même en s’attachant à cette valeur d’usage, il faut encore pouvoir acquérir et mettre en

place des technologies appropriées, tout en prenant à bras le corps la question de l'utilisation.

Elle incombe aux dirigeants qui doivent veiller à affecter les ressources nécessaires pour aider

les utilisateurs à acquérir des habitudes d'usage efficaces, liées aux aspects informels

concernant le mode d'utilisation de ces technologies.

Il s’agit de parvenir à un équilibre entre de tels investissements, le capital humain et le retour

sur investissement attendu pour maintenir ou améliorer des gains de productivité, tout en

restant compétitif. L’enjeu reste dans cette société dominée par le savoir, d’aménager ses

structures pour être capable de s’adapter aux aléas de la situation.

Il convient surtout de posséder également en interne, le savoir adéquat pour évaluer les

nouveaux développements technologiques dans le secteur d’activités, afin de les adapter aux

exigeances de l’environnement, comme nous le verrons au niveau des solutions proposées. On

peut donc dire du paradoxe de la productivité qu’il exprime un doute relatif à la difficulté de

mesurer l’efficacité des TIC, et des gains de productivité qu’ils sont sensés générer. De façon

plus étendue, c’est une remise en cause de la course à la technologie motivée par le seul luxe

de se doter de la dernière sensation technologique du moment.

Dans son approche de la question, Alain Rallet197

va quant à lui se reposer sur l’évolution et le

développement des TIC, qui vont de pairs avec les investissements massifs qu’elles suscitent

et le cycle d’évolution rapide des produits dans ce secteur. À partir de la relation qu’il établit

entre l’évolution de ces technologies dans la société et leur périodisation, il montre comment

on peut arriver à des situations où cet investissement n’est pas toujours synonyme de gains de

productivité.

197

Rallet (A.), « L’efficacité des technologies de l’information et de la communication à l’étape des

réseaux », L’Entreprise et l’outil informationnel", 1997, p.85-105.

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275

Il dénombre ainsi trois types de phénomènes susceptibles de générer le paradoxe de la

productivité : les problèmes de mesure, les problèmes économiques et sociologiques liés à

l’évolution de ces technologies. En premier lieu, les problèmes de mesure de variables telles

que l’amélioration de la qualité de service, l’amélioration de la qualité des produits, ou la

satisfaction des clients sont des données difficilement mesurables. Elles se rapportent au plan

qualitatif à la difficulté d’évaluer des bénéfices en termes de qualité et de quantité de travail.

Un autre aspect et non des moindres, concerne la mesure du retour sur investissement en TIC

(achat de logiciels, formations, etc.). Au cours de cette période matérialisée par le règne de

l’informatique de gestion, va se substituer l’informatique de production concernant

l’amélioration de la qualité des tâches à effectuer au quotidien. Les gains de productivité

constatés au cours de cette période sont dus à l’automatisation des tâches, qui sont

contrebalancés par les investissements consentis à cet effet. En clair, l’impact sur les

performances des entreprises n’apparaît pas dans l’immédiat.

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276

Au cours de la seconde période, qu’il associe au boom des TIC, l’auteur montre que le

développement d’interfaces hommes/machines s’accélère et qu’il se généralise. Les gains de

productivité issus de l’automatisation se démultiplient, en même temps que naît un décalage

entre les investissements préalablement effectués à court terme, et la difficulté de conserver

cet avantage sur le long terme.

Ce décalage tient à des raisons d’ordre économique, et se solde par un bilan mitigé de

l’efficacité des technologies de l’information à apporter des gains de productivité. L’auteur va

ici s’appuyer sur les thèses de Donald Wilson notamment [1995], pour montrer que ce sont les

effets du décalage temporel qui justifient après-coup de l’impact d’une technologie. Par

analogie, les TIC sont souvent victimes du décalage temporel relevant de facteurs variés tels

que l’assimilation et la diffusion de technologies, la structure du marché, la mentalité des

acteurs/utilisateurs de ces technologies.

Pour Wilson, ce décalage temporel entre investissements et gains de productivité tient au

décalage entre le moment de l’apprentissage et celui de l’acquisition effective de la maîtrise

de la technologie. C’est au même constat que parvient Wanda Orlikowski, et que Erik

Brynjolfsson [1993] associait déjà à des erreurs de management relevant de l’incapacité de

mesurer l’impact économique de ces technologies, d’autant que ce qui devrait y être évalué,

c’est moins la performance que l’usage issu de leur appropriation.

Si les motifs de rentabilité économiques sont mis en avant au cours de cette période, la trace

des motivations individuelles transparaît également. Elle sera davantage évoquée au cours de

la troisième période. C’est celle des réseaux caractérisée par le partage de l’exploitation du

potentiel d’informations détenu. Cette période où l’auteur met davantage en avant les critères

sociologiques, tient pour l’essentiel aux motivations des acteurs. Pour Peter Attewell [1992],

ce décalage tient au souci de rentabilité qui peut s’avérer incompatible du fait des intérêts

divergents que peuvent avoir les acteurs de l’organisation.

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277

Au cours de la troisième période, il ne s’agit plus d’aménager des relations existantes ou de

modifier les circuits de circulation de l’information, mais d’instituer des relations nouvelles

basées sur le couplage de fonctions autrefois isolées. Cela se matérialise par la mise en

commun et le partage d’informations entre différents acteurs pour améliorer la productivité

globale de l’organisation, et l’aider dans les actes de pilotage stratégique.

Claudio Ciborra [1993] parle de « mediating technology » pour symboliser le passage d’une

informatique de gestion chargée d’améliorer la productivité des tâches à exécuter de façon

isolée, à une informatique réticulaire. Ici, les technologies de l’information et de la

communication s’imprègnent du mode de fonctionnement en réseaux entre différents

processus d’activités organisationnelles et humaines pour créer de la valeur.

À travers l’évolution des TIC, Alain Rallet parvient finalement aux mêmes conclusions que

Wanda Orlikowski : le paradoxe de la productivité se justifie à cause des problèmes de

décalages entre technologies d’adhésion et technologies d’usage. Autrement dit, le paradoxe

de la productivité n’a a priori pas lieu d’être dans des organisations basées sur l’information,

car les technologies de l’information et de la communication y améliorent davantage

l’efficacité des mécanismes de coordination. L’auteur défend cette thèse en se basant sur les

hypothèses suivantes :

Les TIC appliquées aux mécanismes de coordination améliorent davantage la performance

des organisations centralisées que décentralisées.

Les organisations décentralisées bénéficient d’un avantage compétitif dans la conjoncture

économique actuelle contemporaine de l’étape de la mise en réseau.

2.2.3. Les alternatives proposées

Dans l’élaboration de leurs stratégies de croissance, les entreprises sont souvent amenées à

développer des approches-types pour faire face aux contraintes de leur environnement

stratégique. L’approche de la « gestion par les principes », par opposition à « la gestion par

la transaction » pour décider des investissements dans les systèmes d'information en est une.

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278

Ces décisions vont de l'absence totale de services d'infrastructure informatique dans une

entreprise, à l'offre de services étendus disponibles, y compris dans les unités opérationnelles,

auprès des fournisseurs ou des clients.

Les principes commerciaux et informatiques évoqués par Peter Weill et Marianne

Broadbent198

incarnent les stratégies que peuvent mettre en œuvre les entreprises, entre les

acteurs techniques et les acteurs stratégiques comme les commerciaux. Autrement dit, il s’agit

de faire coïncider les besoins et les attentes des commerciaux avec les compétences des

spécialistes de l'informatique, afin qu’ensembles ils déterminent un modus vivendi permettant

aux agents du service informatique de bâtir un aperçu des futures orientations commerciales

de l'entreprise. Celles-ci sont évidemment sujettes à modifications en fonction de leur

environnement stratégique.

Les principes informatiques sont particulièrement importants dans la formulation du dispositif

stratégique des entreprises, dans la mesure où ils définissent l'approche qu’elles ont du rôle

des technologies de l'information et de la communication, en termes de parts

d'investissements consacrés à ces dépenses d’une part. Et d’autre part, parce qu’ils sont le

reflet des modes de traitement des transactions (standardisation, interfaces communes ou

adaptation locale) mis en œuvre. Ainsi, le jumelage des principes commerciaux et

informatiques, permet aux acteurs d’unités différentes d’identifier ensemble des «principes»,

qui décriront comment leur entreprise doit déployer son informatique pour relier, partager et

structurer l'information dont ils disposent. Ils décideront, par exemple de :

-« prendre les devants ou suivre le mouvement sur le déploiement de l'informatique dans leur

secteur d'activité (être le pionnier, emboîter le pas ou utiliser les applications standardisées ;

- traiter électroniquement les transactions ;

198

Weill (P.), Broadbent (M.), “Un système d’information pour être compétitif », www.lesechos.fr

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279

- relier et partager les sources de données entre les différentes unités ».

Outre les principes commerciaux et informatiques, l’infrastructure informatique peut

être bâtie au niveau de l’approche par l'infrastructure et les services informatiques. Ce

titre générique définit les moyens qu’ont les entreprises de choisir l'une des quatre approches

suivantes en matière d'infrastructure informatique. Selon qu’elles y prêtent plus ou moins

d’attention, on distingue : l’absence, l’utilité, la dépendance et le développement. Ces quatre

types symbolisant le degré d’investissement en la matière, selon que l’on se trouve confronté

à une « absence d'infrastructure informatique à l'échelle de l'entreprise », ou au contraire face

à « un programme de développement ». L'essentiel de ces décisions d’investissements

consistant à choisir des solutions qui soutiendront la gamme des applications/services requis à

l'avenir.

Aucune de ces quatre approches n'est la meilleure en soi. Par contre, chaque entreprise peut

trouver celle qui lui convient le mieux, en fonction de son environnement stratégique, de ses

moyens et de ses principes commerciaux et informatiques. Dans le contexte de l'approche de

l’« utilité » par exemple, les investissements dans l'infrastructure informatique sont considérés

avant tout comme une façon de réduire les coûts par les économies d'échelle dégagées. Dans

l'approche de la « dépendance », les investissements dans l'infrastructure répondent avant tout

à des stratégies spécifiques existantes. Ils sont basés sur des « business plans » qui spécifient

et induisent les besoins en information et en technologie. Les entreprises qui adoptent cette

approche essaient d'équilibrer coûts et flexibilité.

Enfin, l'approche du « développement » exige un surinvestissement dans l'infrastructure

informatique par rapport aux besoins présents. L'objectif est d'assurer une certaine flexibilité

pour la réalisation d'objectifs à long terme, au risque de se retrouver avec du matériel

obsolète. Ainsi, les changements de principes commerciaux en fonction des contextes

d’action obligent les entreprises à modifier leur approche, et donc à augmenter ou à réduire

leurs investissements en conséquence. D'où l'importance d’actions conjointes entre

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commerciaux et informaticiens. Ces différentes options s’appuient sur les possibilités

suivantes :

1– La mise en place de services d'infrastructure à l’échelle d’une entreprise. Par exemple,

une base de données clients partagée.

2– Un rayon (d’actions) capable de désigner les sites et les personnes que l'infrastructure est

capable d’interconnecter. Elle va des liaisons au sein d'une seule division opérationnelle,

jusqu'au stade ultime qui consiste à relier tout le monde, indépendamment de la situation

géographique.

Dans les entreprises qui tirent réellement de la valeur de leurs investissements informatiques,

l'étendue de la capacité de l’infrastructure est clairement liée aux principes commerciaux et

informatiques qu'elles ont définis, et à l'approche qu'elles ont choisies pour leur infrastructure.

Cette approche suppose que les commerciaux et les spécialistes de l'informatique travaillent

de concert au mieux des intérêts de l'entreprise, afin que l’infrastructure retenue serve de base

à des systèmes d’information stratégiques. À partir du moment où une entreprise opte pour la

voie des principes, les quatre approches relatives à l'infrastructure sont envisageables et

n'importe laquelle peut convenir en fonction du contexte d’action stratégique.

Cette palette déjà considérable d’options en matière d’infrastructures est complétée par la voie

de la transaction. Cette approche se focalise sur les besoins plus immédiats de chaque unité

opérationnelle. Dans les entreprises qui prennent ce parti, les directeurs de l'informatique

discutent avec tous les directeurs d'unité, souvent dans le cadre d'un cycle de planification,

afin de comprendre leurs besoins informatiques actuels et de pouvoir les confronter aux

stratégies commerciales. À l'issue de ces discussions, ils font des recommandations sur

l'infrastructure la plus opportune à l'échelle de l’entreprise, sur la base des exigences cumulées

dans toutes les unités.

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281

Après en avoir estimé les coûts, ils se rendent dans chaque unité avec leurs propositions,

entament des négociations, discutent des coûts et des services d'infrastructure et parviennent à

une transaction : voie médiane entre les besoins particuliers des unités opérationnelles et ceux

de l’organisation dans son ensemble. Le cheminement tout en suivant les mêmes processus

d’établissement de la structure, adopte la démarche inverse : c’est à partir des besoins des

unités que l’on va déterminer ce que sera la couverture de l’infrastructure technologique de

l’entreprise. Pour ce faire, on part du contexte d’action stratégique et des unités

opérationnelles de l'entreprise, pour aboutir à la formulation et à l'articulation des principes

informatiques et commerciaux.

Ces principes sont un point de départ pour décider d'une approche au plan de l'infrastructure

informatique qui correspondra aux besoins de l'entreprise qui en fait le choix. Pour que

l'infrastructure de l'entreprise soit guidée par les objectifs commerciaux, il faut que le

personnel des services informatiques et celui des services commerciaux assument ensemble la

responsabilité de sa conception et de son développement.

Cela est possible si le clivage entre les aspirations des uns et des autres, permet au final

d'obtenir les capacités voulues en temps utile. Comme le préconise Alain Rallet199

, il faut aller

au-delà de la simple évaluation statistique, car il y a de multiples déterminants comme les

compétences et performances individuelles et collectives qui influent sur l’efficacité réelle

apportée par les technologies de l’information et de la communication. And last but not least,

l’influence de la culture organisationnelle et informationnelle.

2.3. L’intelligence organisationnelle

Il s’agit ici de montrer les dysfonctionnements que peuvent occasionner le mode de

commandement-contrôle d’une organisation, notamment lors de l’instauration de cellules

d’intelligence économique et stratégique, dans ce que Philippe Baumard200

appelle « la

199

Rallet (A.), « L’efficacité des technologies de l’information et de la communication à l’étape des réseaux »,

L’entreprise et l’outil informationnel, 1997, p.85-105. 200

Baumard (P.), « L’information stratégique dans la grande organisation », www.iae-aix.com

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grande organisation ». À partir de faits concrets observés dans de grandes organisations, mais

aussi grâce à des apports théoriques, l’auteur va ainsi bâtir une théorie des

dysfonctionnements informationnels « pathologiques » [cf. Baumard 1996].

Si l’information est au cœur de la compétitivité des organisations, ses modalités d’application

et de performance apparaissent vite plus nuancées qu'une relation déterministe et positive

entre rente informationnelle et gain de parts de marché [Baumard 1991, p.74-78]. Ainsi, la

conviction que l’information mal maîtrisée, peu circulante et maladroitement utilisée est au

cœur des difficultés des entreprises, concernant la défense et l’accroissement de leurs parts de

marchés, est remise en cause par les apports empiriques que présente l’auteur. En somme,

c’est moins l'information dont dispose l’organisation, que sa capacité à donner du sens aux

stimulus qu’elle reçoit qui donne de « l’intelligence » à la fois à l’organisation et à

l’information [Weick 1995; Milliken et Starbuck 1988].

C’est notamment le cas au niveau des institutions bureaucratiques. Ce qui gangrène la gestion

optimale de l’information dans ce type d’organisations, tient au traitement hautement

centralisé des systèmes de commandement. Ils perpétuent en effet un modèle organisationnel

taylorien inadapté au contexte d’action d’une société fonctionnant en réseaux [cf. Baumard

1995]. À partir du paradoxe entre la structure de ces organisations et la fracture relevée au

niveau de la gestion optimale de l’information, l’auteur, s’appuyant sur diverses théories va

émettre des hypothèses explicatives pour rendre compte de l’ampleur de ces

dysfonctionnements.

Ainsi, à partir des travaux de Harold Wilensky [1967] consacrés à la relation entre

connaissance et politique générale des grandes organisations, il montre que cette relation est

en fait le reflet des relations entre les structures et la culture des grandes organisations, d'une

part. Et d'autre part, qu’elle dépend de la qualité de l'intelligence organisationnelle qui y

prévaut. Ce qui fonde la pertinence d’un tel système repose précisément sur « l’intelligence

organisationnelle », étant entendue qu’elle se rapporte comme l’intelligence économique à

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283

« une capacité à interpréter et gérer des situations nouvelles en apportant des réponses

adaptatives ».

De ce point de vue, on peut considérer que l’intelligence organisationnelle est « le processus

qui fournit l’information stratégique à l'organisation, c'est-à-dire une information modifiant

durablement sa conception du monde, ses interactions avec l'environnement et conduisant à

la réorientation de ses intentions stratégiques ». Cette définition se rapproche de celle de

Daniel Levinthal et James March [1993], qui voient dans l’intelligence organisationnelle une

« activité cognitive permettant d'améliorer les fondements analytiques et informationnels de

l'action organisationnelle ».

Ces différentes définitions de l’intelligence organisationnelle impliquent deux acceptions :

l’intelligence en tant qu’information interprétée et en tant que capacité de compréhension,

rappelant le schéma interprétatif de Nathalie Schieb-Bienfait [1999]. On y retrouve à la fois

l'information élaborée appuyant les décisions stratégiques et courantes (c’est-à-dire

l'information stratégique), et les processus de remontée, de filtrage, d'expérimentation utilisés

pour produire cette information (c’est-à-dire le processus cognitif que suit l'information

interprétée). En ce sens, elle englobe l'activité de « problem solving » définie par March et

Simon [1958].

Dans sa démarche, Wilensky [1967], contrairement à March et Simon (1958), ne défend pas

la rationalité même limitée de l’activité de résolution des problèmes dans l’organisation. Il ne

pense pas que les composantes structurelles et fonctionnelles d’une organisation sont dérivées

des caractéristiques des processus liés à la résolution de problèmes, ni à celui des choix

rationnels et humains. Il préfère mettre en avant les attributs de la structure (hiérarchisation,

centralisation, spécialisation, etc.) et de la culture (les idéologies) qui transcendent la

psychologie individuelle qui relèvent davantage des « pathologies de l’information » propres

aux grandes organisations.

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284

Ces pathologies sont enracinées dans les caractéristiques structurelles, idéologiques,

processuelles de ces organisations, faisant en sorte que l’information que reçoit un dirigeant

est biaisée par un ensemble de blocages liés à l’architecture du système décisionnel. Au total,

l'information que reçoit ce dirigeant pour faciliter sa compréhension des opérations internes et

l’analyse de l’environnement externe, est affectée par la forme des organisations qu’ils

dirigent, et par leur résistance aux pathologies de l’information ; elles-mêmes étant tributaires

de la structure organisationnelle.

On retrouve effectivement à travers ces pathologies, la description du syndrome de

l’« isomorphisme structurel » que nous décrirons dans les pages suivantes. En somme, pour

Wilensky [1967], c'est l'excès de centralisation qui engendre l'isolement de l'expertise, et le

développement de processus collatéraux, que l’on retrouve dans le premier cercle des proches

collaborateurs ; dans les cercles de détention du pouvoir. Cet isolement fait en sorte que les

managers de l’équipe dirigeante [le premier cercle] auront tendance à pratiquer une rétention

systématique d'informations pouvant les valoriser, et justifier ainsi leur maintien dans

l’organisation. Le tableau ci-après condense les effets induits par le poids de la structure sur

l’intelligence organisationnelle.

Attributs structurels

maximisant les distorsions et

blocages

Effets induits

sur l'intelligence organisationnelle

Trop d'échelons

hiérarchiques

Importance du rang

Longs délais de promotion

– Isolement de l'expertise

– Blocage des remontées

– Hommes de main endoctrinés et

complaisants

Excès de spécialisation

structurelle.

– La rivalité introduit une diversité de

perspectives

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Dispersion géographique – Parochialisme ("chapelles")

– Experts trop distants de la politique

générale

Excès de centralisation

de l'information

stratégique

– Dirigeants surchargés

– Experts sur le terrain éloignés de la

décision

– Le jugement consensuel d'un petit

groupe peut encourager les fantasmes,

et donner l'illusion de validité.

Tableau 6 : L'impact des structures. Adapté de Wilensky, « Organizational Intelligence.

Knowledge and Policy in Government and Industry », 1967, p. 176-177.

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Les méfaits des processus collatéraux, dommageables à la connaissance de l’environnement

stratégique du dirigeant soulève de façon implicite ceux de « la sociologie de la connaissance

des élites » abordée par Harold Wilensky dans son ouvrage [1967]. Elle se rapporte au degré

de connivence et de confiance qui s’instaure entre collaborateurs et qui biaise l’intégrité des

informations communiquées pour des raisons individuelles ou structurelles. Cela conduit à la

création de « chapelles » permettant de confier des missions à des individus faisant partie du

même cercle.

En échange de cette expertise, une certaine connivence s’installe et est entretenue. C’est cette

connivence qui introduit des biais importants dans la sollicitation et la diffusion de

l'information stratégique, si bien qu’elle va difficilement dans le sens contraire à celui désiré.

Ce qui fait que par ricochet, la culture (managériale) des dirigeants n'est pas étrangère aux

dysfonctionnements et à la fossilisation des canaux de communication leur fournissant leur

information stratégique dans ce type d’organisations. Ces défaillances relatives à l’usage

stratégique de l’information dans les grandes organisations vont amener l’auteur à émettre

quatre propositions explicatives.

« Proposition 1 : La mise en place de structures dédiées au traitement de l'information

stratégique dans la grande organisation institutionnalise des comportements organisationnels

déjà dysfonctionnels à l'égard de l'information.

Proposition 2 : Plus longue est l'expérience d'une grande organisation avec des structures

spécialisées et centralisées de traitement de l'information stratégique, plus l'organisation

marginale et adhocratique de l'information stratégique se renforce.

Proposition 3 : Dans des configurations de dépendance croissante à une information externe,

la centralisation des activités de détection et d'attribution de sens aux stimulus provenant de

l'environnement pousse le manager au cœur de ce dispositif à se réfugier dans des idéologies,

et menace l'intégrité de l'information ainsi produite.

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Proposition 4 : Parce qu'issue d'isomorphes de l'existant, les structures centralisées

d'intelligence organisationnelle tendent à conforter l'organisation dans ses schémas établis,

entraînant avec le temps une incapacité croissante à générer des signaux facteurs d'une

réorientation de sa stratégie, et conformant l'organisation dans des changements de premier

ordre ».

Ces quatre propositions, nous les avons regroupées derrière deux paradigmes empruntés à

Philippe Baumard : « l’isomorphisme structurel » et « une heuristique du disponible », qui

renvoient aux pathologies fréquentes dans les organisations centralisées et dans celles

recourant à un mode organique. Mais les grandes organisations ne sont pas les seules à

connaître les méfaits des pathologies liées à l'information. Dans son étude, Walsch [1988]

révèle également des pathologies que l’on trouve dans des organisation ayant un mode de

fonctionnement organique. Il y montre, à partir du vécu de managers en MBA, comment en

dépit de ce choix organisationnel, on retrouve toujours cependant les mêmes travers avec des

apparats différents.

Ici, les pathologies liées au mauvais usage de l’information à caractère stratégique,

proviennent bien souvent des défaillances relevant de leur absence de prise en compte, ou de

l’absence d’expériences associée à la détection de cette information. C’est donc moins la

disponibilité que la richesse de l’expérience qui explique ici les défaillances d’organisations

davantage prédisposées à un management décloisonné et décentralisé. Si l’on déplore le

parochialisme lié à la structure des grandes organisations au sein du premier cercle, ici l’on

pêche davantage par immaturité, parce qu’on ne dispose pas toujours de l’expérience ou du

recul nécessaire à l’analyse d’une situation.

2.3.1. Le syndrome de l’isomorphisme structurel

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L'ensemble des caractéristiques qui régissent la circulation de l'information stratégique au sein

de la grande organisation forment ainsi un "système" s'auto-regénérant parce qu’il reproduit

au niveau de la gestion stratégique de l’information, les défaillances observées au niveau de la

structure organisationnelle. La prévalence du « besoin de connaître » engendre des

cloisonnements qui assurent aux monopoles de la production d'information stratégique

concernée la pérennité de leur position, par le filtrage et la rétention d’informations qu’ils

opèrent. Cela limite nécessairement la portée de l'information stratégique dans l'organisation,

qui relèvent de préconceptions sur la supériorité des sources secrètes, et la nécessité du

cloisonnement décisionnel qu’elles engendrent.

La culture engendrée par cette circulation restreinte de l'information conforte les dirigeants

dans le recours à des sources et à des dispositifs ad hoc lorsque le besoin s'en fait sentir. Elle

ne provient pas, comme le montrent Wilensky, [1967], d’un désir de rationalité, mais d’une

volonté de protection du groupe dirigeant contre l’intrusion de tiers dans son processus

décisionnel. Dans ce cas, la culture dy secret est un moyen de distanciation qui renforce le

caractère élitiste et cloisonné du groupe en instituant la « valeur de rareté » au niveau de la

distillation des informations.

L’intérêt du décryptage de ces pathologies, est de différencier une connaissance réciproque

d’une connaissance unilatérale. En effet, si les cloisonnements sont facteurs d’unilatéralité de

la connaissance, de même les idéologies procèdent d’une dynamique de stabilité du système

décisionnel, qui s’effectue au détriment de l'intégrité et de la performance de la politique

informationnelle. L’isomorphisme structurel décrit ici procède par imitation-adaptation d’une

organisation concurrente à l’autre. En essayant de concevoir une structure optimale

d'intelligence organisationnelle similaire à celle adoptée par les concurrents du secteur comme

mode référentiel d'organisation, le risque est grand de copier et de reproduire les mêmes

avatars.

Philippe Baumard témoigne de ces exemples pathologiques d’imitation-adaptation avec les

cas de GENERAL ELECTRIC pour EDF, et celui de GENERAL MOTORS pour

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289

RENAULT. Dans un tel contexte, les structures dédiées à l'information stratégique dans la

grande organisation apparaissent comme le produit d'imitations réciproques entre plusieurs

organisations. La résultante de cette imitation est l'isomorphisme des structures d'intelligence

économique dans les grandes organisations.

Au lieu d'en améliorer la productivité, et parce que les conditions initiales dans lesquelles

viennent s'insérer ces dispositifs ont été négligées, la mise en place de cellules d'intelligence

économique dans les grandes organisations peut sérieusement accroître ses

dysfonctionnements informationnels, en offrant un espace de légitimation à des pratiques

dysfonctionnelles [cf. Baumard, 1991]. Par analogie avec les technologies d’adhésion et

d’usage dont fait état Wanda Orlikowski201

, on peut dire de ce syndrome isomorphiste qu’il

s’apparente à une inadéquation entre « structures d’adhésion » : celles liées au mode de

commandement contrôle d’une organisation ; et « structures d’usage » : celles qui confinent

au mode de répartition informelle des fonctions au niveau du sociogramme.

Finalement, l'institutionnalisation de l'isomorphisme structurel correspond à une évolution

incrémentale de l'idéologie organisationnelle à travers sa culture décrite par Wilensky [1967],

et qui repose sur les éléments suivants :

La croyance dans une relation linéaire entre performance et rente informationnelle ;

L’adhésion non-questionnable à un cloisonnement selon le principe du "besoin de connaître"

;

La croyance naïve dans la supériorité de l'expertise discrétionnaire sur le savoir collectif.

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290

2.3.2. Une heuristique du disponible

Dans les structures organiques, l'information stratégique pourrait se résumer à une alternative

entre ce que Amos Tversky et Daniel Kahneman [1973] auraient appelé une « heuristique du

disponible », parce qu’elle se fonde sur le recours à des processus ad hoc. Dans ces structures,

les pathologies observables sont le fait du manque de recul et d’appréciation par rapport à

l’analyse d’une situation donnée. Mais elles peuvent également provenir de leur non prise en

compte, ou de la pauvreté de l'expérience associée à la détection des signaux de

l’environnement, ou de l'information sensible.

L'importance de la richesse de l'expérience, en opposition avec l'idée d'une disponibilité

continuelle de l'information, permet d'expliquer les défaillances de mise en œuvre de systèmes

d'intelligence économique qu’on y rencontrent. « L'heuristique du disponible », c'est-à-dire la

construction d'interprétations à partir des éléments immédiatement disponibles, limite ainsi la

richesse de l'expérience. Ce qui reste d’autant plus préjudiciable que la diffusion et la collecte

discrétionnaire de l'information stratégique tend à accentuer ce phénomène.

Dans les organisations de grande taille, c’est également un facteur discriminant, dans la

mesure où il accentue davantage la manifestation de ces pathologies, en introduisant des

délais supplémentaires entre les initiatives des managers, et l’impact de leurs effets dans

l'environnement. De fait, les dirigeants manquent d’une certaine distance dans l’analyse et

l’interprétation de leur environnement stratégique, à partir des informations qu’ils détiennent,

pour pouvoir en évaluer la pertinence. Autre fait dommageable, la tendance de l'encadrement

à accorder plus d'importance aux stimulus provenant de leur supérieur hiérarchique directe,

plutôt qu'à ceux provenant d'environnements plus lointains. La notion de distance étant ici

relative, puisqu’il peut s’agir d’un département voisin ou d’un étage, qui peuvent se

transformer en « environnement lointain ».

201

Orlikowski (W. J.), “L’utilisation donne sa valeur à la technologie »,

www.lesechos.fr/formations/manag_info/articles/article_8_5.htm.,

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291

Cette situation déplorable liée à la surabondance d'informations tend à diminuer sa

personnalisation et l'identification des sources par les individus qui en ont la charge. Ce qui

peut encore être aggravé par l’« institutionnalisation » de la cellule d'intelligence

économique», en ce sens que les acteurs auront tendance à modifier leur coopération vis-à-vis

de l'organisation et de leurs collaborateurs, en réduisant également la nécessité de se mettre

« en quête » d'une information plus valide. En somme, l'excès de confiance dans l'information

disponible devient un encouragement à l'absence de curiosité.

2.4. Synthèse du chapitre

De tous ces apports théoriques, il ressort que l’information a bien une valeur économique qui

prévaut dans le contexte d’action de mutations et de progrès constants, à travers les

différentes démarches et processus de recherche et d’exploitation de l’information stratégique

que nous avons détaillés. Le point focal de tous ces changements reste marqué par l’intérêt

dévolu à la ressource information, à la fois cause et source des déboires ou des succès de son

intégration aux actes de pilotage stratégique [Milliot 1999, Rallet 1997].

Si les évolutions technologiques permettent indéniablement d’améliorer les conditions de

travail, l’apport systématique de gains de productivité qu’elle sont supposées engendrer, est

plus contestée [cf. Davenport, Goldhaber, Orlikowski, Sharpe]. Le paradoxe de la productivité

redevable des travaux de Robert Solow traduit ainsi le scepticisme découlant de la croissance

des investissements en TIC à réellement apporter des gains de productivité. Ce paradoxe, s’il

reflète de manière générale le passage d’une informatique de gestion à celui d’une

informatique réticulaire, est lié à la mise en valeur de ce que Wanda Orlikowski a appelé les

« technologies d’adhésion » et les « technologies d’usage » qui caractérisent l’endogénéité de

la manifestation du paradoxe.

Cette endogénéité renvoient à trois caractéristiques selon que l’on privilégie la thèse du

surinvestissement technologique, relatif à la pression exercée par les équipementiers

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292

notamment [Davenport, Goldhaber]. Celle du décalage temporel entre la

découverte/acquisition d’une technologie et sa maîtrise [Rallet, Orlikowski]. Et enfin, la thèse

du décalage structurel qui lie le paradoxe de la productivité à l’inadéquation entre le choix

d’une technologie et le mode de fonctionnement de la structure où elle est implantée

[Baumard, Orlikowski, Sharpe, Wilensky].

La manifestation de ce paradoxe est révélateur de la crise de l’attention consécutive à la

surabondance d’informations et à la surenchère technologique. Il existe néanmoins des

parades pour en atténuer les effets. Le jumelage des principes commerciaux et informatiques

en fonction de l’infrastructure informatique retenue, ou la voie de la transaction, constituent

des solutions alternatives, permettant d’instaurer une intelligence organisationnelle capable de

minimiser les effets de ce que Philippe Baumard appelle les pathologies de l’information.

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293

Chapitre V : Technologies de l’information et de la communication et

stratégies de développement en Afrique : enjeux et perspectives à l’ère

de la société de l’information

Si l'on se place à l'échelle mondiale marquée par les développements des Technologies de

l’Information et de la Communication (TIC), eux-mêmes sous-tendus par ceux de la société et

des industries de l’information regroupant « tous les grands systèmes informatisés de

télécommunications et de gestion de données et d'informations publics ou privés, qui

s'adressent aux entreprises ou aux individus » [Roechlin 1995], et par ceux de la libéralisation

des économies et du libre-échange prôné par l’Organisation Mondiale du Commerce

(O.M.C.), l'Afrique apparaît relativement peu équipée et défavorisée comparativement aux

pays les plus avancés.

Cette faiblesse est révélatrice des obstacles socio-culturels et technologiques, liée à des

situations de développement contrastées qui reflètent des choix politiques et économiques

pour le moins problématiques. Avec la révolution informationnelle qui est en train de

supplanter les modes de gestion et de production traditionnels, s’ouvrent des défis nouveaux

pour l’Afrique. Coincée entre la nécessité de suivre ces évolutions et ses sempiternels

problèmes de stratégies et de choix de développement désormais rythmés par des programmes

d’ajustement structurel, l’Afrique doit pourtant s’arrimer à ces mutations, si elle ne veut pas

courir le risque de se voir définitivement marginalisée.

C’est par le biais de ces différents aspects que s’organise la réflexion en faveur d’une

insertion des TIC aux stratégies de développement dans les pays africains, dont témoigne le

NEPAD (Nouveau Partenariat pour le Développement Économique de l’Afrique). Cette

réflexion, est en cela nourrie par deux courants à la fois contradictoires et complémentaires,

entre défenseurs et sceptiques des TIC à assurer un développement viable en Afrique. Pour les

partisans de ce modèle, c’est un moindre mal dans la mesure où cela devrait permettre de

bénéficier des potentialités de ces technologies pour faire le bond technologique salvateur, et

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294

se dispenser ainsi de la révolution industrielle, pour accéder immédiatement à celle de

l’économie et des industries de l’information.

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295

Ainsi de nombreuses initiatives et projets pour la constitution d’une société africaine de

l’information, ont-ils vu le jour, à l’initiative de celui de ARISE/RESIA202

(Recherche sur

l’Emergence d’une Société de l’Information en Afrique) qui permettent au point de vue

africain de s’affranchir des diktats imposés par l’Occident, et pour se prendre en charge

concernant l’édification de la société africaine de l’information. À travers ce projet, c’est la

constitution d’une base de données de professionnels africains, de chercheurs et d'activistes

impliqués dans la construction d'une société de l'information qui a vu le jour.

Les objectifs visés par ce réseau consistent grosso modo à promouvoir la création d'un

répertoire de tous les chercheurs, académiciens, consultants et autres acteurs menant des

recherches sur les aspects sociaux du développement de la société de l'information en Afrique,

d’une part. La constitution d'un réseau de professionnels africains qui sera un cadre de

discussion sur les aspects fondamentaux d'une société africaine de l'information, ainsi que la

production d'un agenda africain de recherche sur la société de l'information, par ailleurs.

L’idée, sans être sectaire, et sur la base de la réflexion qui organise le débat de l’opportunité

des TIC à instaurer des stratégies de développement viables en Afrique, est de se reposer

avant tout sur des compétences et expertises afro-africaines pour que l'Afrique développe ses

propres réponses vis-à-vis de la société de l'information dont elle veut se pourvoir. Il s’agit

d’apporter des réponses crédibles aux problèmes auxquels elle est confrontée, plutôt que de se

contenter d'importer les idées d'autres pays, comme en témoigne le passage suivant :

« Une utilisation appropriée des nouvelles technologies de l'information est le résultat d'un

apprentissage local d'une technologie adaptée à nos besoins locaux. Une énorme expertise

existe déjà en Afrique ; mais celle-ci est souvent non reconnue ou ignorée : Le partage de

cette expérience et de cette expertise constituera une donnée capitale pour la création d'une

société de l'information conforme à l'image du continent africain »203

.

202

ARISE, http://www.ariseafrica.org/fran%E7ais/index_fr.html 203

Idem.

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296

Ce souci est d’autant plus légitime qu’il n’y a pas si longtemps, la voix des Pays du Tiers-

monde avait été minorée lors de la revendication d’un Nouvel Ordre Mondial de

l’Information et de la Communication, entériné mais non abouti par le rapport Mac Bride. Il

est malheureusement à craindre que ce schéma se reproduise avec le développement de la

société et de l’économie de l’information, où l’Afrique en dépit de ses efforts, reproduit le

schéma d’une Afrique consommatrice de contenus et de technologies importés.

Forts de ces constats d’ordre général, nous allons à présent nous étendre sur les causes et les

remèdes à apporter à ce déséquilibre entre le Nord et les Suds, s’apparentant de plus en plus

en plus à un déséquilibre entre « inforiches » et « infopauvres » comme le suggère Xavier

Dumont (www.aedev.org/fichiers/travaux/xdumont/html) dans son étude consacrée aux

déséquilibres Nord-Sud de l'accès à l'information.

Section I : Aux sources du déséquilibre

Avec le développement de la société de l’information dans les systèmes de production, les

modes de vie, d’organisation sociale et les habitudes culturelles, c’est une nouvelle révolution

qui est en train de se jouer. Alors que les sociétés occidentales ont depuis longtemps réussi et

franchi les étapes d’un processus de développement endogène, prenant sa source depuis la

révolution agraire, jusqu’à celle de l’information, sans oublier celle de la révolution

industrielle, l’Afrique cherche toujours des modèles et des stratégies de développement

viables pour opérer les mutations nécessaires à son expansion socio-technico-économique.

1.1. La mondialisation et les nouvelles technologies d’information et de

communication : les causes du déséquilibre

Avec ce nouveau challenge, l’Afrique se trouve ainsi placée devant le défi d’avoir à négocier

et à réussir son insertion dans cette société mondiale de l’information. Son développement

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297

dans les années à venir, est en effet désormais conditionné par sa capacité à s’inscrire dans le

processus de mutations constantes de cette société et de son économie. Tirant argument de ce

phénomène, associé à celui de la mondialisation, Willy Jackson204

s’est notamment intéressé

aux problèmes relatifs à l’articulation de la société de l’information et de la mondialisation.

Pour lui, si l’on considère que le modèle économique dominant et valorisé se réfère à celui de

la part de marché et à l’intégration dans l’économie mondiale, on peut s’interroger sur les

dialectiques existantes entre le phénomène de la mondialisation et celui du développement de

la société de l’information, à partir des interrogations suivantes : « Est-ce la société de

l’information qui a pour effet d’arrimer l’Afrique à la mondialisation ? Où, est-ce la

mondialisation qui définit désormais l’horizon souhaitable et indépassable du développement

africain » ?

Pour notre part, il ne peut y avoir de point de vue tranché. C’est sans doute un peu de tout cela

à la fois, car la société de l’information et la mondialisation sont pour nous soumises au

principe d’interactivité. Nous allons à présent ressortir quelques raisons majeures des

déséquilibres observables entre le Nord et le Sud à travers la problématique du déséquilibre

Nord-Sud de l’accès à l’information, et celui des effets d’une modernisation paradoxale qui

met en branle le rôle de l’État.

1.1.1. La thèse de la structuration des rapports macro-économiques et politiques

Pour Xavier Dumont205

dont nous nous inspirons pour relater cette thèse, les causes du

décalage entre le Nord et le Sud tiennent à une conception tronquée des relations

internationales. Celle-ci met en effet l’accent sur l’interdépendance et la coopération viciées

204

Jackson (W.), « Vers une société africaine de l’

information : un défi pour les organisations africaines de régionalisation

économique », Université Paris 7/CNRS, Laboratoire SEDET, http://www.uneca.org/adf99/worddocs/FDA'99-

jackson.doc.

205 Dumont (X.), « Le déséquilibre Nord Sud de l’accès à l’information. Contribution à l’analyse du

développement des autoroutes de l’information dans la Francophonie »,

http://www.aedev.org/fichiers/travaux/xdumont/html/deupartie_cha5.htm

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298

des systèmes macro-économiques et politiques issus des deux grands blocs de la seconde

guerre mondiale. Pour contester cet ordre, les pays du Tiers-monde l’avaient vivement

dénoncé en récriminant l’analyse traditionnelle des causes du sous-développement, et en les

rattachant aux structures et aux modes de fonctionnement du système économique

international dominé par les pays industrialisés.

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299

Dès ce moment, les pays du Tiers-monde réclamèrent l’instauration d’un nouvel ordre

économique international. Cet ordre devant être fondé sur une véritable souveraineté des pays

du Tiers monde et de leurs ressources naturelles, par une amélioration des termes de

l’échange, une réglementation des activités des sociétés multinationales, et la création de

conditions favorables au transfert de ressources financières et technologiques vers les pays en

voie de développement.

Malheureusement pour eux, la montée en puissance de la mondialisation, et ses nombreux

visages vont renforcer ces déséquilibres. Ainsi, pour Emmanuel Glaser206

qui a décrit ce

phénomène, on est passé de la définition de la mondialisation, essentiellement économique à

partir de l’évolution des entreprises dans les années soixante-dix, à celle d’une mondialisation

en tant que modèle global couvrant tous les champs de l’activité internationale au milieu des

années quatre-vingt-dix, comme évoqué dans le passage ci-après :

« Le terme recouvre des réalités tellement multiformes et imprécises qu’il en devient difficile

à cerner et qu’on lui prête facilement des vertus explicatives qu’il n’a pas toujours […]. La

mondialisation est tantôt vécue comme la source de tous les maux des sociétés

contemporaines, notamment dans les pays développés, tantôt utilisée comme l’alibi parfait de

l’impuissance des gouvernements, tantôt au contraire idéalisée, quand elle ne devient pas une

véritable idéologie. Pour certains, elle est une donnée incontestable et inévitable, ou voulue et

souhaitable, mais à laquelle il faut de toute façon s’adapter pour ne pas disparaître ; pour

d’autres, elle est un danger qu’il faut combattre parce qu’elle accroît les inégalités entre les

pays riches et les pays pauvres comme au sein de ces pays ».

Procédant d’une volonté semblable à celle de Xavier Dumont, de repérage et de

compréhension des déséquilibres entre le Nord et le Sud, Annie Chéneau-Loquay207

, dans le

cadre des travaux du projet et du réseau « Africa’nti », use d’une approche géographique pour

mettre au jour les méfaits de la valorisation inégalitaire des territoires qui accroissent les

206

Glaser (E.), Le nouvel ordre international, Paris, Hachette Littératures, Forum, 1998. 207

Chéneau-Loquay (A.), « Quelle insertion de l’Afrique dans les réseaux mondiaux ? », www.africanti.org .

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300

inégalités de développement entre les zones urbaines et les zones rurales, au niveau de

l’Infrastructure Nationale d’Information et de Communication (I.N.I.C.) des États africains.

Ces disparités renforçant davantage la marginalisation de cette infrastructure par rapport à

celle de l’Infrastructure Mondiale d’Information et de Communication (I.M.I.C.).

L’objectif consiste à partir de cette inégalité d’infrastructures territoriale et extra-territoriale, à

observer les processus d'insertion des TIC et leurs impacts en Afrique, au cœur de territoires

structurellement déséquilibrés, où la prédominance du secteur informel est visiblement

incontestable. Ce projet est construit autour d'une problématique, celle d'une modernisation

paradoxale par les TIC, en relation avec les disparités territoriales de ces États, comme nous

allons le voir.

Ces disparités territoriales qui ne sont pas pour favoriser l’insertion de l’Afrique à l’I.M.I.C.

vont nous porter vers l’une des interrogations de notre étude, à savoir, comment tirer parti de

ce contexte pour permettre aux entreprises, et à la société africaine de manière générale de se

saisir des opportunités du développement de la société de l’information pour asseoir des

stratégies et des modèles de management viables, en phase avec leur contexte d’action. Plus

précisément, l’analyse-terrain nous apportera des réponses à ce sujet concernant les firmes

gabonaises retenues.

1.1.2. La thèse d’une modernisation paradoxale qui met en question le rôle de l'État208

Au regard des enjeux d’un contexte économique dominé par les effets de la mondialisation et

les développements de la société de l’information, il convient de se pencher sur la place de

l’Afrique face à cette bipolarisation inégalitaire des modèles de développement. En effet, elle

se trouve projetée dans les mailles interstitielles d'un système mondialisé et mondialisant,

particulièrement oppresseur pour les pays en recherche de développement. Ce système qui

s’appuie sur l'économie libérale et sur l'interconnexion de grands systèmes techno-

208

D’après un titre formulé par Annie Chéneau-Loquay, « Quelle insertion de l’Afrique dans les réseaux

mondiaux ? », www.africanti.org .

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301

économiques, repose sur la maîtrise et la gestion de contenus informationnels qui y jouent un

rôle essentiel pour la détermination des processus stratégiques.

Aux deux extrêmes de cet environnement se situent les Nords, USA, Europe et Japon

hypermédiatisés. Et au sud, des Suds où l’on retrouve pêle-mêle l'Afrique des villages et des

villes champignons, qui échappe en partie à la structuration de l'espace et de la société par les

réseaux techniques, mais où par contre les réseaux sociaux jouent un rôle déterminant [cf.

Chéneau-Loquay 1999, 2001 ; Mbargane 1995 ; Mutabazi 2001].

Le constat auquel parvient l’auteur à partir de cette situation, c’est que l’Afrique ne dispose

pas des armes de ses partenaires-concurrents pour réussir son intégration dans la société

mondiale de l’information. Elle s’appuie pour argumenter son propos sur la qualité de

l’infrastructure nationale d’information et de communication de ces États pour mieux

souligner la démission/impuissance de politiques et de stratégies de développement vouées à

l’échec à cause de ces disparités criardes. Le passage suivant rend compte de ces

déséquilibres.

« Le contexte global d'un développement lacunaire où coexistent des zones urbaines,

connectées à des réseaux matériels modernes et des zones rurales isolées et dépendantes des

énergies locales renouvelables, reflète en Afrique la prolifération du secteur informel dans des

territoires mal contrôlés par les États […]. Cette dualité, obstacle de fond pour le

développement, est très peu prise en compte dans les projets où on ne perçoit pas le rôle

fondamental d'infrastructures et d'équipements interconnectés, en tant que système nerveux

d'un territoire ».

Face à cette disparité territoriale des équipements et des structures, il lui est difficile

d’envisager les TIC comme leviers de développement de stratégies économiques et sociales

durables, en l’absence de réseaux (informationnels, communicationnels, routiers, etc.)

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302

interconnectés. Au cours d’un séminaire209

consacré à la relation entre les TIC et leur impact

dans les pays africains, elle a relancé le débat sur les opportunités de ces technologies, dans

un contexte où précisément elles suscitent des enjeux économiques considérables en relation

avec les innovations technologiques qui se succèdent à un rythme inédit, et l'introduction de la

concurrence dans des secteurs longtemps sous le contrôle de ces États.

Le désengagement progressif des États de ces pays dans des entreprises où ils détenaient

jusque là le monopole, laisse là aussi ouvert le débat sur les gages d’une déréglementation et

d’une libéralisation tous azimuts, imposées par les organismes et les bailleurs de fonds

internationaux. En effet, ces politiques d'ajustement structurel mettent en oeuvre le

désengagement de l'État et la privatisation de l'économie, pour faciliter le passage d'une

économie encadrée à une économie libéralisée. Cette transition pour le moins brutale

commande de s’interroger sur les bases d’un développement pérenne, si l’on ne détient pas les

cartes maîtresses du jeu d’une « mondialisation sous contraintes ».

Cette situation, peu prometteuse pour la promotion de politiques de développement viables,

n’est évidemment pas de nature à favoriser l'insertion des technologies d’information et de

communication sur la toile mondiale des échanges de données et d’informations, entre ces

pays et leurs partenaires-concurrents. Pour envisager cette insertion dans une perspective de

développement durable, il faudrait certainement d’abord rendre crédible l’infrastructure

nationale d’information et de communication (I.N.I.C.), souvent peu fiable. À partir de là, on

peut envisager que l’insertion dans le système mondial d'information et de communication

(I.M.I.C.) suscite l'immense espoir d'accomplir un saut technologique qui contribuerait à

résoudre les problèmes de développement jusqu’à lors accumulés.

Arc-boutée sur une « modernisation paradoxale », à cause des disparités territoriales qui

caractérisent son développement, et la faiblesse de sa représentativité dans les organismes

internationaux, l’Afrique manifeste pour Marie-Françoise Durand, Jacques Lévy et Denis

Retaille210

, qui en relèvent l’importance, les signes d’une « réinvention du capitalisme ». De

par son mode d’organisation sociale plus apte à rendre compte de la vie de relations, plutôt

209

Chéneau-Loquay (A.), « Développement africain par les TIC », http://ariane.rio.net/textes/enjeux, 210

Durand (M.-F.), Lévy (J.), Retaille (D.), Le monde espace et systèmes, 1993.

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303

que de la logique effrénée de production (cf. les logiques/grandeurs évoquées par Boltanski et

Thévenot dans leur théorie), c’est la voie la mieux adaptée à une politique de développement

endogène.

Réfléchir à la question de l’insertion de l’Afrique dans les réseaux mondiaux d’information et

de communication, revêt d’autant plus d’importance que le développement de la société et de

l’économie de l’information, à l’image des progrès technologiques, véhicule le mythe de la

technologie toute puissante, moteur du changement social et économique. Cela est d’autant

mieux ressenti aujourd'hui, que l’une des caractéristiques de ces réseaux techno-économiques

est de favoriser la transparence, du fait du partage d’informations et de l'ubiquité qu’ils

favorisent [cf. Jean-François Bayart 1994, La réinvention du capitalisme. Les trajectoires du

politique]. C’est par cet état de développement contrasté que nous allons voir les conditions

de mise en œuvre d’une société africaine de l’information.

1.2. Quelle situation pour l'Afrique dans les réseaux mondiaux ? : chronique

d’une mal-insertion

L’idée d’une société africaine de l’information permettant de maintenir ou d’atteindre des

objectifs de développement viables, est l’idée maîtresse des initiatives qui ont vu le jour à

travers des projets comme AISI, AFTIDEV, INFODEV, RIO, RASCOM, etc. Il s’agit à partir

de ces initiatives de revoir les stratégies de développement menées jusqu’à lors, en

promulguant un redéploiement de ces stratégies, sur la base d’une intégration à

l’infrastructure mondiale de l’information et de la communication (I.M.I.C).

Ces modèles de développement, ayant eu jusqu’à présent la particularité de s’illustrer

négativement, parce qu’ils brisent les dynamiques locales, le pari de cette société africaine de

l’information est d’envergure. Il repose en effet sur l’idée forte que l’Afrique opérera un bond

technologique lui permettant de faire l’économie de la révolution industrielle, pour s’arrimer à

la révolution de la société de l’information. Le passage suivant révèle l’ambition de cette

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304

initiative prônée dans l’intérêt conjoint du développement économique, technologique et

social des sociétés africaines :

« Le fondement de la société africaine de l’information est le développement et la

consolidation des plans et politiques de l’infrastructure nationale d’information et de

communication (INIC), qui sera la pierre angulaire de la réponse de l’Afrique aux défis de la

globalisation »211

.

Mokhtar Ben Henda212

l’avait déjà fait remarquer en liant cette avancée à celle de la volonté

politique des dirigeants africains. Étant donné le contexte environnemental mondial peu

favorable aux économies africaines qui ont une voix mineure, pour ne pas dire une absence de

poids décisionnel au niveau des organismes de régulation des échanges et du commerce

international, c’est vraisemblablement une occasion inédite de renverser la tendance. Ce

déséquilibre est aussi accentué par le fait que les économies africaines reposent davantage sur

des exportations de produits et de matières premières brutes, alors que leurs « partenaires » du

Nord se tournent de plus en plus vers des productions dématérialisées, comme le fait

justement remarquer Peter Drucker dans le passage suivant :

« Les activités qui occupent la place centrale ne sont plus celles qui visent à produire et à

distribuer des objets, mais celles qui produisent et distribuent du savoir et de l’information »

213.

Certes, les enjeux de la redistribution des cartes stratégiques des acteurs économiques ont été

considérablement modifiés depuis cette transition, mais sont-ils réellement opportuns pour la

société et l’économie africaines ? C’est ce qui ressort d’un rapport concernant l’opportunité

du réseau Internet dans les Pays En Développement (P.E.D.), effectué par Marie Piron214

(et

211

AISI, http://www.uneca.org/aisi/ 212

Henda (M.B.), « Les réseaux électroniques d’information en Afrique. À la recherche du maillon perdu »,

www.chez.com/benhenda/publicat/afrique.htm 213

Drucker (P.), Au-delà du capitalisme,1993. 214

Piron (M.), « Les opportunités du développement grâce aux N.T. : les enseignements du réseau Internet »,

www.ensea.refer.ci/sysinfo/sysinfo1.htm)

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305

qui est au cœur de la controverse entre les TIC et l’instauration d’un nouvel ordre économique

et social en Afrique.

L’auteur fait ainsi valoir dans cet article la difficulté d’imputer de tels bénéfices aux

entreprises africaines en raison du manque d’études et de données fiables les concernant,

celles-ci étant davantage disponibles pour les pays industrialisés. Dans ce cas, la nécessité

d’un tel redéploiement n’a lieu d’être que dans la mesure où les concurrents ne bénéficient pas

de ces avancées. Adoptant une position plus nuancée, Robert Valantin215

, un chercheur du

CRDI (Centre de Recherches pour le Développement International), dans un article sur les

enjeux de l’information comme ressource mondiale, en montre certes l’utilité comme arme

efficace de développement, mais sous certaines conditions, dont il révèle l’ampleur dans un

ouvrage co-écrit avec John Howkins.

En effet, selon le discours dominant et l’ampleur pris par le développement des TIC, ces

technologies seraient réductrices d’écarts entre le Nord et le Sud, pour peu que des initiatives

de réseautage voient le jour, grâce à l’implantation d’une infrastructure de l’information et de

la communication capable de promouvoir des partenariats en ce sens. Dans cet ouvrage, il

creuse cette problématique en montrant l’impact des TIC sur les questions et les voies de

développement possibles des Suds.

215

Valantin (R.), « L’information : une ressource mondiale », www.idrc.ca/books/reports/f234-02.html et Le

développement à l’âge de l’information. Quatre scénario pour l’avenir des TIC, 1997, 88 p.

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306

Il s’interroge notamment sur la manière dont ces technologies peuvent aider à répartir

équitablement le développement entre le monde « industrialisé » et le monde « en

développement », par la réduction ou l'élargissement des écarts entre ces deux mondes. Il se

reporte alors sur quatre scénarii développés sur cette question : la nef des fous, le cargo cult,

le réseau des blocs et le réseau mondial.

Les différents scénarii élaborés à ce sujet empruntent des chemins différents, tout comme ils

adoptent des mesures différentes dans les domaines de la coopération, du protectionnisme ou

de la planification de l’infrastructure mondiale d’information et de communication. Ils

relaient ainsi une vision contrastée et réaliste des rapports possibles entre les TIC, d'une part,

et les objectifs d'un développement mondial à la fois durable et équitable, d'autre part. De ces

points de vue, une constante demeure sur l’opportunité des TIC comme arme de

développement complexe opposable à l’accomplissement socio-culturel et techno-

économique des pays en développement.

Les TIC ne peuvent à elles seules accroître l'équité, la participation ou l'emploi de ces

technologies, sans une volonté politique et des partenariats entre les États, le secteur privé et

les organismes internationaux [Jackson, Dumont, Valantin]. Si la mise en œuvre d’un cadre

propice à l’exploitation de la société africaine de l’information reste problématique, l’intérêt

d’une telle société est d’amoindrir les écarts entre des populations, qui par leur statut social,

bénéficient d’un accès aisé à ces infrastructures d’information et de communication,

auxquelles les autres ont difficilement ou jamais accès.

Une chose est sure, c’est que la mondialisation et la société de l’information sont des réalités.

S’en soustraire ou s’en défaire, là n’est plus la question. Ce qu’il faut faire, précisément dans

le cas de l’Afrique, c’est développer des stratégies endogènes pour soutenir les infrastructures

nationales d’information et de communication, au risque pour ces pays d’être définitivement

largué. Le cadre d’élaboration de cette société africaine de l’information étant planté, nous

allons à présent nous étendre sur les principes et les débats qui agitent ce projet.

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307

1.2.1. Principes et recommandations nécessaires à l’édification d’une société africaine de

l’information

Nous nous sommes ici reposé sur des initiatives axées sur le développement et l’instauration

d’une société africaine de l’information, essentiellement issues des propositions du groupe

africain dans le cadre préparatoire de la déclaration et du plan d’actions du Sommet Mondial

de la Société de l’Information (SMSI)216

, et de celle de l’AISI217

(l’Initiative de la Société

Africaine de l’Information), car ces organes fixent un cadre d’ensemble consensuel à

l’émergence et à la réussite de cette société.

Ainsi, dans le cadre préparatoire des travaux de ce sommet, les auteurs de ce rapport

envisagent cette société de l’information comme celle qui verra en Afrique, la réduction de la

pauvreté, la satisfaction des besoins fondamentaux, le renforcement de la démocratie, des

droits de l’homme et de la bonne gouvernance. Grâce à l’utilisation des TIC dans tous les

segments de la société, aussi bien par les entreprises et par le public d'une façon générale, que

par des groupes défavorisés comme les femmes et les jeunes, en particulier, ils estiment que

l’instauration de ce projet favorisera l’ensemble des projets énumérés.

Il ressort de ces recommandations que l’édification de cette société africaine de l’information,

ne pourra se réaliser sans un soutien conséquent à apporter à l’émergence d’un secteur

industriel fort, et l’appui d’une orientation politique tournée vers la production de services

touchant tous les acteurs de la vie économique et sociale. Elle devrait ainsi, permettre

d’asseoir les bases d’un développement durable où les acteurs de la société civile et du secteur

privé ont un rôle important à jouer, à coté de celui de l’action des gouvernements [cf.

Christian Huitema, 1995].

216

Propositions de l’AISI, .www.uneca.org/aisi/Bamako2000/Contribution_africaine.doc 217

AISI, CEA (Commission Économique pour l’Afrique), « Rapport relatif à l’initiative société africaine à l’ère

de l’information. Cadre d’action pour l’édification d’une infrastructure africaine de l’information et de la

communication », 1996, http://www.anais.org/ARTICLES/DOC73.HTML#top

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308

Les principes généraux de cette société se fondent sur le concours du Nouveau Partenariat

pour le Développement de l’Afrique (NEPAD) qui vise une coopération africaine concertée et

soutenue avec le reste du monde. Plus spécifiquement, cette société de l’information devra se

faire en appui d’une infrastructure nationale d’information et de communication, arrimée à

celle de l’infrastructure internationale d’information et de communication, pour faciliter la

mise en place d’un mécanisme équitable de tarification et d’ouverture sur le monde.

Précédant ces recommandations, le rapport de l’AISI, portait déjà quant à lui, spécifiquement

sur le rôle de l'information, de la communication et des connaissances dans la création d'une

société africaine à l'ère de l'informatique, sur les défis et les nouvelles possibilités qu’elle

ouvre. Les auteurs de ce rapport préconisent ainsi que chaque pays africain détermine un plan

national relatif à une Infrastructure Nationale d'Information et de Communication (I.N.I.C.).

Ayant pour objectif le développement par une gestion de l'information, un tel plan doit être

conçu de manière globale et trans-sectoriel. avec pour finalité de favoriser la coopération

entre les États africains, notamment par des échanges d'expériences.

Les auteurs du rapport croient fermement que l'Afrique peut bénéficier de l'apport des TIC

dans tous les domaines. Certes, des investissements et des changements institutionnels, sinon

de mentalité, seront nécessaires pour s'adapter à l'ère de l'information, mais ils pensent que

ces investissements sont minimes, comparativement aux bénéfices qu’ils apporteront. Ils

envisagent ainsi ces bénéfices à travers la mise en valeur de quatre principaux éléments :

Le cadre institutionnel imparti à chaque gouvernement par la mise en place d’un environnement

propice aux TIC, et par la création d’un organisme chargé de la coordination du plan national entre

tous les acteurs concernés, à l’image de l’initiative des membres du réseau ARISE.

Une politique en ressources humaines insistant sur la valorisation des compétences par une politique

de formation appropriée.

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309

La valorisation des ressources en informations ou « infostructures », par la qualité des informations

auxquelles elles permettent d’avoir accès, aux fins de mesurer les avantages apportés par l'Initiative

"Société africaine à l'ère de l'informatique".

Une politique axée sur les ressources et l’infrastructure technologique, « sous la forme d’ordinateurs,

de logiciels et de tous les éléments d’une infrastructure de télécommunication permettant le traitement

des données et de l’information ».

C'est principalement dans ce domaine que les TIC peuvent permettre, selon les auteurs de ce

rapport, à l'Afrique de sauter plusieurs étapes intermédiaires de développement. Comme nous

l’avons fait remarquer précédemment, il existe néanmoins des voix discordantes par rapport

aux bénéfices réels des TIC. Selon ces voix, cette expansion ne serait en fait qu’un prétexte à

l’instauration d’un marché de dupes [cf Moudjibat Daouda], renforçant le « techno-apartheid

mondial » entre « inforiches » et « infopauvres », selon l’expression consacrée par Petrella

[1994].

1.2.2. Le défi idéologique de la société de l’information : entre craintes et espoirs

S’il est incontestable pour nous que les TIC apporteront des bénéfices à l’Afrique en termes

d’amélioration de la qualité de travail, d’opportunités de formation et d’ouverture sur le

monde, grâce à l’arrimage à l’infrastructure mondiale d’information et de communication, la

thèse du bond technologique salvateur est davantage un sujet de controverses. Si l’on se réfère

à l’acception et à l’évolution du terme de mondialisation d’Emmanuel Glaser [1998], on

comprend mieux pourquoi. Il y montre en effet comment on est passé de la définition de la

mondialisation, essentiellement économique à partir de l’évolution des entreprises dans les

années soixante-dix, à celle d’une mondialisation galopante en tant que modèle global

couvrant tous les champs de l’activité internationale au milieu des années quatre-vingt-dix.

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310

Dans l’ouvrage qu’il a coordonné et qui est consacré au développement de la société de

l’information, Robert Valantin et John Howkins218

partent du processus de développement de

la marche du monde en quatre périodes : le colonialisme, fondé sur le désir de contrôler les

autres ; la libéralisation, appuyée sur le désir de l'autorégulation ; le développement, suscité

par le désir de se mettre à niveau ; et la technologie, fondée sur la crainte de prendre du retard,

pour construire quatre scénarii marquant autant de trajectoires fictives relatives au

développement de la société de l’information.

Ce processus d’évolution, avec les disparités qu’il produit sur les blocs territoriaux, est à

l’image des scénarii mis en scène. Il manifeste en effet les rapport de coopération, les

tensions, les divisions, ainsi que les disparités qui caractérisent et accompagnent le

développement de la société de l’information. Cette ambivalence sur la manière dont les TIC

peuvent aider à répartir équitablement le développement entre le monde « industrialisé » et le

monde « en développement », par la réduction ou l'élargissement des écarts entre ces deux

blocs, fonde les perspectives de travail de cet ouvrage. Il manifeste autant de voies de

coopération que de divergences sur les moyens de parvenir à une société de l’information

équitable relaté à travers les scenarii ci-après.

Le premier scénario, « la nef des fous » repose sur le sectarisme de la communauté mondiale

qui pratique l'exclusion, et contribue à l’accroissement du fossé entre les pays riches et les

autres. Ce fait est avéré, car la plupart des pays en développement réagissent passivement face

à l'acquisition des TIC et à leur usage, parce qu’ils sont cantonnés dans un rôle de

consommateurs et de spectateurs passifs de la révolution qui se joue sous leurs yeux.

Les mesures forcément limitatives que la plupart de ces pays prennent pour contrer ces

« agressions », consistent à ériger des barrières protectionnistes comme des taxes à

l'importation. Mais ces protections sont peu efficaces, car ils ne mettent en œuvre aucune

politique pouvant engendrer une industrie nationale, capable de faire face à cette domination.

218

Valantin (R.), Howkins (J.), Le développement à l’âge de l’information. Quatre scénario pour l’avenir des

TIC, 1997, 88 p.

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311

Le deuxième scénario, « le cargo cult », considère la mission dévolue à la communauté

internationale. Celle-ci se caractérise par un esprit universaliste et coopératif, en référence à

une image historique empruntée au peuple mélanésien au XIXè siècle, attendant passivement

et inlassablement l'arrivée de cargos étrangers. Ces derniers symbolisant l'apparition d'un

nouvel âge messianique annonçant le paradis sur Terre, les habitants de cette contrée

délaissèrent alors leur travail et arrêtèrent de cultiver la terre, délibérément encouragés dans

leur désamour par les missionnaires chrétiens qui entretenaient cette croyance.

Aujourd’hui, par analogie à cette dérive messianique liée au cargo cult, les partisans de ce

scénario considèrent que les TIC sont un moyen de contrôler les pays technologiquement,

économiquement, socialement et politiquement défavorisés par leurs nombreux handicaps

structurels. Ils considèrent que les multinationales occidentales qui détiennent les droits de

propriété intellectuelle sur ces services, ne s'intéressent guère aux questions relatives à l'équité

et à l'accessibilité, mais davantage à la rentabilité de leurs investissements sur le court terme.

Effectivement, les caractéristiques et les normes techniques des produits qu’ils promeuvent

sont définies presque exclusivement par des gouvernements et des sociétés rattachées à

l'OCDE, et par les organisations intergouvernementales qu'ils financent et contrôlent.

Ce scénario commence donc de la même façon que le précédent, car il entérine la toute-

puissance de l’Occident. On y assiste en effet à la domination écrasante des pourvoyeurs de

technologies et des régulateurs du commerce mondial, qui peuvent se permettre d’offrir des

services à bon marché, développés prioritairement dans des contenus à destination de leurs

sociétés. Il en résulte une frustration généralisée, qui en l’absence de réelle stratégie de

développement fait que la plupart des pays en développement ont obtenu l'accessibilité aux

autoroutes de l’information, au détriment de la maîtrise de leur contenu. Ils peuvent acheter

l'information, mais ne peuvent générer, pour ne pas dire qu’ils ne génèrent quasiment pas, leur

propre contenu informationnel.

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312

Cette situation fait que ces pays qui restent encore attachés au modèle économique

traditionnel, n'ont pas réussi à établir de connexion entre information et développement : ils

reçoivent de l'information et s'attendent à recevoir avec le développement clé en main. Il ne

risque malheureusement pas d’arriver car ils ne travaillent guère beaucoup pour faire en sorte

que ce développement soit à leur image. Ce scénario peu glorieux pour les PED, nous mène

vers le troisième scénario relatif à la constitution de réseaux de blocs, ces derniers prolongeant

la constitution de réseaux territoriaux liés au partage de modes communs d’exploitation et de

gestion des TIC.

On voit ainsi distinctement se détacher les pays de l’OCDE et leurs partenaires-associés, les

« inforiches » et de l’autre, les « infopauvres » une communauté éparse, mais se retrouvant

dans un déficit structurel commun concernant leurs politiques d’information et de

communication. Cette première frontière entre ces deux grands blocs tend à s’estomper

manifestant des niches autant à l’intérieur de ces frontières qu’en dehors, par l’apparition de

groupes partageant une même culture et une même langue d'abord dans les villes, puis de plus

en plus à l'extérieur. Chaque groupe se démarquant des autres, par la coopération et les

partenariats qui les lient, renforçant ainsi l’exclusion de ceux qui n’ont pas de communautés

d’appartenance, parce qu’ils n’ont pas, ou ne disposent pas de ressources suffisantes.

Le dernier scénario, celui des « réseaux mondiaux », est plus consensuel. Il se caractérise par

une prise de conscience des pays de l’OCDE et de leurs partenaires-associés. Ces sociétés

commencent à prendre conscience de l'étendue de leur échec, face à la constitution de blocs et

de marchés nationaux saturés. La recherche de nouveaux débouchés les poussent à se

rapprocher de ces niches marginalisées, en nouant des relations avec des entreprises et des

institutions du monde en développement. Cet intérêt est motivé par le fait que la

marginalisation totale de ces pays peut leur être économiquement préjudiciable à terme, ce qui

les incitent à prendre l'initiative de faire pression sur leurs propres gouvernements pour qu'ils

détruisent ces barrières commerciales.

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De leur côté, les pays en développement voient là une chance de collaborer avec des

entreprises mondiales pour mettre en place une société et une économie de l'information

nationales, conscients du fait qu’ils ne détiennent pas les outils pour y parvenir tout seuls. Le

scénario des réseaux mondiaux et celui de la constitution des blocs, apparaissent comme un

moindre mal, comparativement aux scénarii de « la nef des fois » et du « cargo cult ».

Si la constitution de ces scénarii remonte à 1997, ils sont aujourd’hui encore d’une étonnante

et brûlante actualité, dont témoigne l’élargissement de l’Europe. En effet, nombre de ces

problèmes non seulement relèvent de politiques publiques mais exigent des dispositifs

réglementaires équitables entre les pays riches et les pays en développement, pour ne pas

exclure davantage des pans géographiques structurellement dépourvus.

Ainsi, peut-on voir dans « la nef des fous » de nombreux symptômes de la situation actuelle,

parce qu’il est vrai que géographiquement et technologiquement des phénomènes concordants

tracent une frontière entre le Nord et les Suds. « Le cargo cult » est malheureusement une

réalité dans laquelle sont installés les PED. « Le réseau des blocs » est la traduction des

rapports controversés entre le Nord et les Suds, à propos de la détérioration des termes de

l’échange notamment. « Le réseau mondial » est souhaitable, mais les facteurs et les

circonstances qui pourraient le faire apparaître restent floues, parce qu’il est le théâtre

d’enjeux économiques et financiers d’envergure.

Devant l’échec de l’économie administrée, et aujourd’hui, de l’économie ouverte dans le

cadre de la mondialisation en Afrique, Willy Jackson219

, marque la nécessité pour cette

dernière d’envisager un nouveau départ, un autre type de développement, qui corrobore les

prémisses du scénario du réseau mondial afin de constituer des blocs capables d’impulser

l’énergie et la coopération nécessaires à l’émergence d’une société africaine de l’information

endogène. En effet, le mythe d’une libéralisation de l’économie permettant un partage

équitable des richesses et de l’accès à l’information, est pour les détracteurs, ou du moins les

219

Jackson (W.), « Vers une société africaine de l’information : un défi pour les organisations africaines de

régionalisation économique », http://www.uneca.org/adf99/worddocs/FDA'99-jackson.doc

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314

sceptiques vis-à-vis de ce courant, contredit par les manifestations auxquelles se rapportent

les effets de la mondialisation sur le terrain.

Pour les partisans du développement tous azimuts de la société de l’information en Afrique,

c’est la libéralisation de l’économie en Afrique qui va permettre de faire l’économie des

révolutions antérieures, qu’elle a au passage rarement réussi, grâce aux investissements

massifs consentis pour se doter d’une I.N.I.C. capable de soutenir les projets de

développement locaux. Or, cette approche qui s’effectue à l’encontre des processus qui ont

assuré le développement de l’économie de l’information dans les pays occidentaux, est en

train d’être distillée dans le sens contraire en Afrique.

Dans les pays développés, l’expansion de l’économie de l’information a d’abord été associé

aux pouvoirs publics, qui ont peu à peu cédé le pas à des initiatives privées. En effet, comme

le soulignent Michel Elie220

, Pascal Renaud et Astrad Torres 221

, la conception et l’expansion

d’Internet aux États-Unis ont été prises en charge par des organismes publics et des

universités. Dans ces conditions, on peut comprendre les raisons qui poussent les détracteurs

de ce modèle de développement de la société de l’information à le contester, en tant

qu’argument de marketing.

Les partisans de cette approche voient en effet derrière les discours « missionnaires » de

développement économique et social, un moyen légal d’écouler les surplus de la société de

consommation des pays occidentaux, afin de leur assurer de nouveaux marchés (cf. scénario

4). Cela est d’autant mieux facilité par l’endettement de ces États, que cela les conduit à se

désengager des activités économiques le plus possible. Le risque de cette invasion de capitaux

privés, en plus de brader le patrimoine de ces États, est de

contribuerait à leur affaiblissement, ainsi qu’à celui de populations insolvables.

220

Elie (M)., « Internet et développement. Un accès à l’information plus équitable ? », Futuribles, n°214,

novembre 1996, p. 43-64. 221

Renaud (P.), Torres (A.), « Une chance pour le Sud.Internet l’extase et l’effroi », Le Monde diplomatique,

Manière de voir, numéro hors série, octobre 1996, p. 46-50.

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Quoique l’on dise et que l’on en pense, c’est l’État le premier pourvoyeur d’emplois et de

projets de développements d’envergure dans ces pays. Dans un tel contexte, privilégier le

secteur privé et l’ouverture totale des économies de ces pays, correspond davantage à

l’aboutissement d’un scénario libéral et non-interventionniste, privilégiant des intérêts

économiques partisans, plutôt que les réalités locales. Cela conduira nécessairement à un

renforcement des inégalités, à l’intérieur de ces états, car la logique de parachutage, qu’elle

soit technologique ou économique, imposée par ce modèle profite rarement au public qu’elle

tente majoritairement de toucher.

Ce qui est d’autant mieux vrai que la démonstration des différents scénarii s’appuie sur la

toute-puissance des pays riches, qui disposent de l’infrastructure et des moyens financiers,

technologiques et intellectuels au-delà du nécessaire, engageant davantage l’effet d’un

véritable « colonialisme électronique ». C’est notamment le point de vue soutenu par Pascal

Renaud et Astrad Torres222

, qui rapportent que dans plusieurs pays africains, des opérateurs

commerciaux, appuyés par des groupes internationaux, mettent en place des infrastructures

dont les premiers bénéficiaires sont les multinationales, comme l’indique le passage suivant :

Il est certain que l’offre de nouveaux services fiables et bon marché de télécommunication

internationale ne peut que favoriser les relations commerciales entre le Nord et le Sud sans

pour autant modifier les termes de l’échange. Mais il est à craindre qu’une telle démarche ne

limite les bénéfices des nouvelles technologies à une clientèle solvable. Or celle-ci, dans les

pays économiquement les moins avancés, est souvent étrangère ou « exogène ». Cette

politique, si elle n’est pas associée à une action plus volontariste vers les secteurs non

commerciaux, notamment en termes de formation, a une faible probabilité de combler le fossé

tant redouté entre ceux qui sont et ceux qui ne sont pas dans la société de l’information ».

222

Renaud (P.), Torres (A.), « Une chance pour le Sud, Internet l’extase et l’effroi », Le Monde diplomatique,

Manière de voir, numéro hors série, octobre 1996, p. 46-50.

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316

Le moins que l’on puisse dire, c’est que le développement de la société de l’information en

Afrique, est une entreprise complexe à laquelle font face les gouvernements des pays en

développement, au moment où chacun d'eux s'efforce d'élaborer des politiques en vue

d'accéder aux TIC et de les utiliser à des fins du développement. Si la participation de

l’Afrique à l’I.M.I.C. reste marginale, il faut néanmoins qu’elle prenne garde à adopter des

solutions endogènes à l’instauration de la société de l’information, au risque de reproduire les

erreurs du « copier-coller » de ses politiques de développement antérieures. De façon plus

radicale, Moudjibath Daouda223

y voit là une forme de colonialisme autorisée par les

institutions et les bailleurs de fonds internationaux, car elle permet aux anciennes

métropoles…

« jamais réellement parties et devenues entre-temps des pays développés systématiquement

opposés aux pays dits sous-développés, en voie de développement ou, pour faire plus

politiquement correct, pays du Sud ou pays émergents, de revenir proposer, à l’aube du

troisième millénaire, un nouveau type de collaboration aux États africains : le nouveau sentier

vers le développement pour l’entrée de l’Afrique dans le ‘’village global’’. Avec le

développement des nouvelles technologies de l’information et de la communication, la

technologie a fourni une arme qui offre l’Afrique comme un plateau ouvert à une occupation

d’un nouveau genre ».

Pour l’auteur, la violence de ces propos conteste la justification effrontée d’un marché de

dupes déguisé en politiques d’appui et d’aide au développement, qui masque en réalité les

raisons profondes de ces initiatives, en dehors des objectifs généreux clairement affichés. Ce

qui laisse la voie ouverte au déversement du surplus des productions occidentales, sur le

marché africain, pour le transformer par la même occasion en un terrain d’enjeux

économiques importants. Ainsi, tout en offrant à l’Afrique une sorte d’ouverture sur

l’extérieur, les projets de création de réseaux et d’insertion à l’économie-monde, tels qu’ils

sont conçus aujourd’hui, ouvrent en même temps le continent à toutes sortes d’influences

extérieures par le biais de ces réseaux de communication.

223

Daouda (M.), « Les nouvelles technologies de l’information et de la communication en Afrique : un nouveau

marché de dupes ? », : www.aftidev.net .

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Cette situation préjudiciable à l’Afrique car elle est davantage consommatrice vis-à-vis des

pays producteurs de technologie, plutôt que productrice de contenus accentue sa dépendance

culturelle. Étant donné ces dérives, la nécessité de définir de nouveaux paradigmes en matière

de développement en Afrique est primordiale. Dans la mesure où il apparaît que

contrairement aux promesses d’une ère de croissance, par les bénéfices d’une économie

libéralisée et acquise au développement de la société de l’information, la mondialisation se

caractérise surtout par une polarisation des richesses, et par l’accroissement des inégalités

Nord-Sud, aussi bien à l’intérieur de ces deux hémisphères, qu’au sein de chacun d’entre eux,

par la distinction que révèle les concepts d’« inforiches » et d’« infopauvres ».

Voir dans ce modèle un sésame pour le développement de l’Afrique semble excessif. Mythe

de la toute puissance technologique ou ultime recours de stratégies de développement viables,

les TIC, constituent en tous les cas une opportunité d’ouverture sur le monde, à défaut de se

substituer, ou de suppléer à la carence en matière de prospective stratégique des États

africains. Quelque soit la perspective retenue, la question des réseaux d’information et de

communication doit être resituée dans le contexte global d'une modernisation paradoxale qui

semble dédaigneuse de stratégies de développement endogènes [cf. l’approche développée par

Jérôme Erbin, lors du discours prononcé lors de la rencontre sur l'Afrique et les Nouvelles

Technologies de l'Information à Genève en 1996].

Parce qu’elle est au cœur d’enjeux économiques et de pouvoir considérables [Elkyn Chaparro,

Tidiane Sangare 1996], la société de l’information est susceptible de sortir l’Afrique de la

pente de la mondialisation dépendante dans laquelle elle est engagée, pour résolument la

tourner vers le cycle d’une mondialisation maîtrisée. C’est la position de Willy Jackson224

, en

dépit des paradoxes qui caractérisent le développement de cette société de l’information. Pour

cela, il préconise la consolidation de politiques de partenariats, et l’implication des États de

ces pays comme alternative et médiation plus équilibrée.

224

Jackson (W.), « Vers une société africaine de l’information : un défi pour les organisations africaines de

régionalisation économique », (http://www.uneca.org/adf99/worddocs/FDA'99-jackson.doc

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318

Si les TIC peuvent être un vecteur de développement et d’expansion pour l’Afrique. Si elles

peuvent être une chance dans les pays du Sud, et plus particulièrement en Afrique, de

remédier aux carences en infrastructures de base, il faut être vigilant quant à l’assimilation

tous azimuts de ces invasions économiques et politiques. À travers ces critiques, ce n’est pas

la portée de ces technologies qui est remise en cause, mais plutôt une forme de « colonialisme

techno-économique » qui laisse à désirer. Les conclusions tirées de l'ouvrage de Robert

Valantin et de John Howkins [1997] montrent à suffisance que l’instauration de ce modèle de

société est complexe, comme l’attestent les différents scénarii exposés.

Au final, le scripte de ces scénarii montre qu’il est dans l'intérêt de chacun d'opter pour un

système mondial plus universel, parce qu’il s’inscrit dans un processus mondialisant, tout en

aménageant des équilibres qui ne pénalisent pas davantage les États structurellement

déficitaires. On peut donc s’accorder avec les conclusions de ce rapport pour dire qu’il vaut

mieux privilégier le scénario du « cargo cult » à celui de « la nef des fous ». celui du « réseau

mondial » à celui du « réseau des blocs ». Ce n’est pas que ces scénarii soient les meilleurs ou

les mieux adaptés, c’est juste qu’on peut considérer qu’ils sont un moindre mal.

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Si l'avenir des TIC en Afrique paraît mitigé, cette incertitude cependant ne doit pas justifier

l'inaction, parce qu’elle fait plus de ravages que n’importe lequel des pires scénarii. La

priorité pour les PED, et plus singulièrement de l’Afrique, doit être de se construire une

société et une économie de l'information qui reflète sa culture et ses besoins, tout en étant

capable de choisir le meilleur rôle qui soit pour elle au sein de la communauté internationale.

La création de cette société de l'information doit dépasser la crainte d’une imposture techno-

économique, fut-elle justifiée.

1.2.3. Promouvoir les stratégies de réseautage : plaidoyer en faveur d’un nouveau

partenariat

Bien que les modalités de la mondialisation et du développement de la société de

l’information ne soient pas favorables à l’Afrique, celle-ci ne peut nier l’impact de ces

phénomènes, ni davantage en faire l’économie [Edem Kodjo, Tidiane Sangare, Elkyn

Chaparro, 1996]. La question n’est donc pas de savoir si l’Afrique doit s’engager dans ce

mouvement d’ensemble, mais plutôt comment elle doit tirer parti de ses potentialités pour

l’affronter de manière originale. Cette originalité présupposant le renforcement de partenariats

stratégiques, et d’une volonté politique affirmée par une vision claire des intérêts propres à

l’Afrique et à son développement [Guy-Olivier Segond 1996 ; Willy Jackson 1996, 1999].

Il s’agit notamment de privilégier des partenariats nouveaux, basés sur le renforcement des

capacités, et la transformation du lien entre bailleurs de fonds et bénéficiaires. Cette nouvelle

forme de partenariats insiste sur le fait que le bailleur de fonds doit réellement être un

partenaire stratégique, et non un bienfaiteur. C’est le vœu formulé par Peter Ballantyne,

Richard Labelle et Stephen Rudgard225

, et que l’on retrouve aussi dans la contribution de

225

Ballantyne (P.), Labelle (R.), Rudgard (S.), « Gestion de l’information : les défis lancés aux responsables du

renforcement des capacités », www.anais.org, 2000.

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320

Patrick Viveret226

. Pour ce dernier, la question du partenariat relève moins d’une affaire

technique que de rapports humains.

En matière de solidarité, estime-t-il, l’Occident est en situation de sous-développement, car il

place les logiques économiques au-dessus des valeurs humaines. À travers cette prise de

positions, c’est le visage d’une mondialisation plaçant les intérêts économiques et financiers

au-dessus des individus qui est remis en cause. Le point d’orgue de cette critique prend son

paroxysme dans des mouvements contestataires comme ceux des alter-mondialistes, en tant

que reflet d’une crise aiguë de solidarité, aussi bien au Nord qu’au Sud, comme en témoigne

le passage suivant :

« La mondialisation telle que nous la connaissons actuellement est une mondialisation

sauvage, en ce sens qu’elle se fait non pas avec les êtres humains, mais contre les êtres

humains. On sait gérer les capitaux, on sait gérer les rapports aux objets mais les hommes, la

plupart du temps sont de trop par rapport aux techniques, et cela engendre le chômage. Ils

sont de trop par rapport aux nations, et cela engendre l’immigration ».

C’est pour contourner les effets pervers de la mondialisation que Willy Jackson227

privilégie

des stratégies de partenariats inter-régional en tant qu’issue favorable aux problèmes de

développement de l’Afrique, dans le cadre de la promotion de la société africaine de

l’information. En effet, les TIC peuvent servir d’instrument à la réalisation des politiques

communautaires de ces organisations en privilégiant l’intégration économique grâce à des

échanges et au partage d’expériences.

C’est malheureusement une réalité, à l’heure actuelle, seul le cadre communautaire offre aux

États africains la possibilité de faire face aux défis de la société de l’information. En effet,

226

Viveret (P.), « Partenariat et solidarité : pour une mondialisation civilisée », www.anais.org/ARTICLES/DOC63.HTML 227

Jackson (W.), « Vers une société africaine de l’information : un défi pour les organisations africaines de

régionalisation économique », (http://www.uneca.org/adf99/worddocs/FDA'99-jackson.doc

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321

aucun de ces États ne pouvant faire face seul aux coûts induits par la mise en place d’une

société de l’information, il semble préférable, pour plus d’efficacité, que la mobilisation des

moyens (financiers, techniques, humains, etc.) se fasse à l’échelon régional. Comme le

suggère l’auteur, il existe divers procédés pour valoriser ces partenariats, avec notamment

comme mesures-phares :

L’institutionnalisation, au niveau de ces regroupements économiques d’une structure appelée

Infrastructure Régionale de l’Information et de la Communication (I.R.I.C.). Calquée sur le

modèle des I.N.I.C., elle aurait pour tâche de définir des programmes d’actions prioritaires et

de faire le bilan régulier de l’état d’avancement des actions décidées dans le cadre de l’entrée

de l’Afrique dans la société de l’information.

L’organisation de consultations régulières avec l’ensemble des acteurs sociaux et

économiques, dans le but de les associer à ces initiatives.

Dans une optique similaire, le Forum pour le Développement de l’Afrique (FDA) parvient

aux mêmes enseignements. Cela est répercuté dans le passage suivant :

« Les gouvernements doivent assurer un environnement porteur pour encourager le

développement de la technologie et des industries technologiques dans les économies

africaines. De toute évidence, il n’existe pas de solution toute faite aux problèmes qui se

posent aux pays africains. Toute formulation en matière de politique nationale doit être

conçue de manière à correspondre exactement aux objectifs nationaux clairement définis sur

la base des réalités des contraintes et des besoins locaux » [FDA, 1999, p.24].

Pour Willy Jackson, la solution réside dans le développement d’interfaces, c’est-à-dire des

« protocoles et des programmes de tout genre qui dans une multitude de systèmes et de

structures d’information actuels s’établissent comme garant d’une transparence de

communication et de flux de données entre systèmes hétérogènes ». Ces interfaces devraient

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322

s’effectuer dans le but d’effectuer des partenariats viables de développement, et non

pérenniser des impasses de développement qui se matérialisent par des goulots

d’étranglement.

À ce sujet, il nous a paru important de relever les propositions faites par les rédacteurs de la

revue « Vif(s) »228

sur l’analyse qu’ils font de la reconception des territoires, face aux

pressions de la mondialisation galopante qui a progressivement façonné le monde et imposé

sa vision du monde et des rapports économiques et sociaux entre les individus. Pour satisfaire

et garantir ce modèle de développement des entreprises et des marchés, les particularismes

des sociétés et des territoires, constituant des barrières et des cloisons de toutes sortes, ont peu

à peu été remplacés par des espaces homogènes, largement ouverts au « progrès », avec des

spécialisations géographiques de production.

À partir de ce constat, les auteurs du rapport montre comment cette dynamique de

globalisation a désarticulé l'espace et la société, en faisant éclater la fonction intégratrice des

territoires et en affaiblissant les liens de cohésion sociales. Pour y faire face, ils proposent de

repenser. la gestion des territoires par une nouvelle manière de penser les rapports entre le

local et le global, en inventant localement des formes alternatives de développement.

Les auteurs préconisent à cet effet la revalorisation et l’enracinement territoriaux en tant que

système de relations entre les êtres humains, entre les organisations, entre la société et son

environnement. À la différence de la mondialisation, un territoire a une réalité historique,

culturelle, écologique, économique et relationnelle, avant d'avoir une réalité physique et

politique.

C'est la superposition de cette historicité et de ces relations qui engendre la conscience des

interdépendances et le sentiment d'appartenance que l’aspect matérialiste de la mondialisation

ne pourra jamais remplacer. Cette conscience doit permettre de réinventer les liens entre le

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323

local et le global à partir de l'établissement de relations horizontales facilitant davantage les

communications et les échanges d'information, garanties par des règles communes et des

modes de gestion qui sont propres au territoire.

Les partenariats et les réseaux nés de ces alliances sont donc susceptibles de donner du sens

aux effets controversés de la globalisation, en y opposant des modèles et des initiatives locaux

mieux ciblés par rapport aux besoins des territoires. Le redéploiement endogène des

politiques de développement à partir des TIC, au delà des controverses, va dans ce sens, et

justifie l’optimisme des partisans inconditionnels des TIC en tant que vecteurs de

développement comme Tidiane Sangare229

.

Que ce soit au niveau des flux de transaction de capitaux, ou à celui des enjeux

technologiques organisés autour des choix en matière d’infrastructure et d’adéquation aux

priorités de développement, la bataille est engagée que l’Afrique s’y arrime ou qu’elle reste en

retrait. Quoiqu’il en soit, l’impact du développement de la société de l’information est une

réalité avec laquelle il faut compter, même si l’on peut être amené à en contester les

manifestations perverses. Nous allons à présent au vu des éléments de cette controverse, en

examiner les manifestations au sein du paysage économique et social gabonais.

Section II : Le Gabon à l’ère de la société de l’information

À l’initiative du gouvernement gabonais, le projet « Info-Com » qui a vu le jour en 1994 est le

fruit d’une étude intitulée « Gabon 2025 » avec le concours du Programme des Nations Unies

pour le Développement (PNUD) et la Commission Economique pour l’Afrique (CEA). Ce

programme initié pour permettre au Gabon de réussir son passage dans la société de

l’information, s’inscrit dans le cadre du nouveau partenariat de développement durable que

228

Vif(s), « Repenser les territoires », http://mypage.bluewin.ch/vifs/Archi/DF107.htm 229

Sangare (T.), « Mettre en valeur la richesse culturelle. État des lieux d’un pays qui dit oui sans naïveté »,

www.anais.org

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324

veut désormais instaurer le NEPAD. Dans ce cadre, il répond à trois préoccupations

majeures : renforcer les institutions démocratiques, relancer l'activité économique et favoriser

l'entrée du Gabon dans la société de l'information.

S’intégrant dans le cadre du projet « Information et Communication pour le

Développement », le projet « Info-Com »230

, dont témoigne la contribution d’Annie Chéneau-

Loquay231

, s’est constitué autour de groupes de travail (média/culture ; éducation et

population ; enseignement supérieur/recherche scientifique ; commerce et industrie ;

informatique et télécommunications ; société civile ; bonne gouvernance et cadre

institutionnel) afin de poser les jalons d’une perspective socio-économique et politique.

À partir d’un recensement et d’un état des lieux de chacun des domaines préalablement

sélectionnés, les acteurs de ces différentes commissions de travail vont élaborer un plan

d’actions à mettre en œuvre pour favoriser et accompagner l’émergence du Gabon dans cette

société. Étant donné la perspective de notre travail de recherche, nous nous appuierons

essentiellement sur les travaux de la commission commerce et industrie pour témoigner de cet

engagement. En effet l’objectif de cette cellule est de parvenir à l’élaboration d’une stratégie

sectorielle pour le développement du commerce et de l’industrie à travers le développement

des TIC au Gabon, par la recherche de partenariats à part entière.

2.1. Définition des objectifs et perspectives

Ce projet, indissociable du contexte économique et environnemental gabonais, marqué par la

privatisation des entreprises publiques (transport, télécommunication, énergie) et la

rationalisation de la gestion de l'administration (réforme administrative), s’inscrit dans le

cadre des réformes imposées par les bailleurs de fonds internationaux pour redresser

230

« Information et communication pour le Gabon ». projet coordonné par M. Moussavou-Mabicka, www.f-i-

a.org/infocom, 2000.

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325

l’économie gabonaise. Impulsé pour redynamiser la société gabonaise dans son ensemble, il

sert à établir un plan d’actions permettant de réussir le passage d'une économie reposant

principalement sur l'exploitation et l’exportation des ressources naturelles, à une économie

reposant sur la production de biens et services immatériels.

À partir de ces recommandations, le projet fournit aux décideurs de l'action publique un état

des lieux synthétique mais fidèle, des besoins en information et communication. Il permet

également de déceler les problèmes ainsi que les réponses apportées à ces besoins, à partir

d’un tableau de bord, précisant l’identification des groupes ayant un besoin prioritaire de

formation. Au final, ce tableau de bord conduira à l’élaboration d’un plan stratégique par

secteur et domaine d’activités retenus. Ainsi, les décideurs bénéficieront-ils grâce à ce tableau

de bord, d’un plan stratégique de développement proposant des priorités à court, moyen et

long terme propres à chacun des secteurs considérés, en matière de politique d’information et

de communication.

Étant donné les difficultés de fonctionnement des entreprises publiques gabonaises dans leur

mode actuel de gestion, l’idée de l’opportunité des TIC est de contribuer à l’amélioration de

leurs performances. Ces performances devant se refléter au niveau de la qualité de la

production, des services rendus, et des conditions de travail pour être compétitif à travers la

mise en œuvre des éléments suivants :

La mise en place d’une structure permanente de concertation, chargée non seulement

d’étudier les aspects relatifs au commerce électronique (juridique, commercial, fiscal -

douanier, etc. Mais également d’identifier les secteurs économiques prometteurs.

231

Chéneau-Loquay (A.), « Les usages et les besoins en communication au Gabon »,

http://ariane.rio.net/gabon/aloquay/

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326

La création d’un « Trade Point » au Gabon pour permettre aux opérateurs économiques de

bénéficier des atouts des NTIC et, par la même occasion de doter le pays d’outils modernes

pour maintenir et développer sa compétitivité.

L’implantation de cybercafés dans tout le pays afin de favoriser le développement du

commerce électronique, et l’appropriation des NTIC par les nationaux à long terme.

La mise en place du " E-TOUCH " qui permet de vulgariser l’Internet également dans les

centres commerciaux. auprès des entreprises et des acteurs du développement par des

séminaires, des colloques, des publications diverses et la médiatisation sur toute l’étendue du

territoire.

Sur la base d’une enquête menée dans les principaux centres économiques du pays (Haut-

Ogooué, Ogooué-Maritime et Woleu-Ntem), exception faite de l’Estuaire qui abrite

Libreville, la capitale du Gabon. En tant que centre économique polarisant et centralisant

l’ensemble des activités économiques, elle a été abordée différemment, compte tenu du fait

que les principaux leviers économiques y sont concentrés et aux mains des investisseurs

étrangers pour la plupart. Ce qui constituait visiblement un frein par rapport à l’objet de

l’enquête, ciblée sur l’implication réelle des nationaux, et l’impact des technologies de

l’information et de la communication dans les entreprises nationales. Une trentaine

d’entreprises a ainsi été visitée, et a permis d’aboutir aux constats suivants :

90% des entreprises visitées ne disposent pas d’outil informatique. Cette situation est

tributaire de divers phénomènes, dont la plus manifeste reste liée au coût élevé de ce

matériel. Il y a aussi la modicité des ressources financières des opérateurs économiques

sélectionnés et la réticence face au changement, des personnes préférant conserver leurs

anciennes manières de travailler considérées comme plus sûres. De plus, le manque de

culture informatique, depuis la maternelle jusqu’à l’université, en passant par les centres de

formation professionnelle est flagrante, même au niveau de l’élite nationale.

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327

75% d’entre elles ne disposent pas d’un téléphone. Les raisons sont multiples et concernent :

la non couverture nationale, la lenteur administrative pour obtenir une ligne, le coût très

élevé de la tarification. D’où la tendance effrénée à l’utilisation de la téléphonie mobile.

Moyen de communication le plus répandu actuellement au Gabon, la téléphonie mobile ne

peut cependant résoudre le problème du déséquilibre de la couverture de l’infrastructure

nationale d’information et de communication.

Une méconnaissance des TIC et une ignorance de leur impact stratégique. Elle tient au fait

que la plupart des entrepreneurs ignorent les technologies de l’information et de la

communication (TIC). Ils ne peuvent par conséquent, apprécier les multiples avantages qu’ils

peuvent tirer de leur usage.

Une absence de voies de communication fiables. Même si l’on privilégie le développement du

commerce électronique, cela présuppose tout de même qu’un minimum d’infrastructures

routière, ferroviaire, fluviale et aérienne adéquates existent. L’état actuel des voies de

communication ne répond pas aux besoins des populations, et encore moins à celui de

l’expansion des activités commerciales. À l’heure de la mondialisation, ce n’est pas de nature

à favoriser la compétitivité, si des efforts ne sont pas faits au niveau de l’amélioration des

voies de communication existantes.

Une volonté manifeste d’acquérir et d’intégrer l’outil informatique pour obtenir des

avantages compétitifs de ces entrepreneurs autodidactes pour l’essentiel.

Face à ce constat peu florissant, compromettant visiblement le pari fait d’intégrer le paysage

d’ensemble de la société et de l’économie gabonaise dans le système mondialisé des réseaux,

il convient de s’interroger sur les chances de réussite d’un tel projet, dans un pays où la

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328

disparité des stratégies et des politiques de développement sont un fait problématique

récurrent.

C’est une véritable gageure à l’heure de la mondialisation et de l’instauration des programmes

d’ajustement structurel. Dans un rapport relatif aux « usages et aux besoins en communication

au Gabon », Annie Chéneau-Loquay (http://ariane.rio.net/gabon/aloquay/) tire des

conclusions similaires, qui ne sont pas sans rappeler les conclusions d’une autre étude menée

pour étudier « les verrous et goulots d'étranglement » naissant de la disparité de stratégies de

mise en valeur territoriale des États africains. Elle précise donc bien qu’il ne s'agit nullement

d'une étude exhaustive, mais plutôt d'une contribution s’inscrivant dans le cadre d’ensemble

de l'élaboration d'un état de la réflexion et de la problématique sur les bénéfices des TIC au

Gabon.

Il s’agit de permettre sur la base de cette réflexion, de favoriser des actions qui peuvent être

autre chose qu'un catalogue de bonnes intentions. Car pour l’auteur, si les intentions sont

louables, elle fait remarquer qu’il sera pour le moins difficile de mettre en œuvre la volonté

politique, et de combler le fossé qui existe entre le discours et les réalités concrètes du

quotidien. En effet, comme nous l’avons constaté tout au long de notre étude, c’est le déficit

de communication qui est un problème général prenant racine dans tous les secteurs

d'activités, avec des formes spécifiques dans chaque cas, comme en témoigne le passage

suivant :

« Ce qui caractérise surtout le Gabon est la disparité ; disparités spatiales, inégalités sociales

profondes entre villes et campagnes, et dans le tissu urbain. Le développement de la

communication dans le pays et avec l’extérieur peut-il inverser cette tendance ou faut-il en

prendre acte et choisir de privilégier les vecteurs les plus porteurs au risque d’accentuer ces

disparités »232

?

232

Chéneau-Loquay (A.), « Les usages et aux besoins en communication au Gabon », -

http://ariane.rio.net/gabon/aloquay/

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329

2.2. L’état des lieux d’une modernisation paradoxale

Pour Annie Chéneau-Loquay, si le Gabon s'est longtemps distingué sur la scène africaine par

la faiblesse de sa taille, 267 670 km2,

, et de sa population, 1 200 000 000 habitants, c’est

surtout sa richesse qui le place au 38ème rang mondial dans la catégorie des pays à revenus

intermédiaires, qui a contribué à son « essor » économique dans les années 70-80. Pourtant, le

Gabon qui se caractérise par la prédominance d’une économie de rentes, n’a pas

véritablement tiré avantage de cette richesse pour asseoir une stratégie de développement

viable.

Cela se ressent davantage aujourd’hui que le pays est confronté à une crise économique et

financière qui remet considérablement en question les projets de développement du

Gouvernement, acculé par les pressions des organismes internationaux et par l’application de

leurs programmes d’ajustement structurels. Le paradoxe pour l’auteur, c’est que dans la

première phase de son développement, le cas du Gabon est exemplaire d'une intégration

territoriale réussie, grâce aux ressources nées de l'exploitation forestière et pétrolière, où la

construction de l'État nation est allée de pair avec l'organisation de l'espace.

Cependant, au niveau des plans de développement, on peut considérer que les premières

failles qui s’avèrent aujourd’hui compromettantes pour assurer une intégration équilibrée et

réussie du Gabon dans la société de l’information remontent à cette période. En effet, lors de

cette période faste, les priorités de développement sont allés vers l’aménagement des

équipements urbains et des industries extractives, tandis que le milieu rural est resté le parent

pauvre de cette croissance, sans parler des cultures locales qui ont été ignorées, ainsi que

l’insuffisance d’établissements de formation professionnelle. De cette situation va naître un

décalage croissant entre les villes concentrant les activités économiques et le reste du pays.

Dans le cas du Gabon, la priorité accordée au développement économique s’est révélée

contradictoire avec une politique d’aménagement du territoire. L’option privilégiée s’est axée

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330

sur le développement de la ville capitale et des cités minières (Moanda et Mounana) et

portuaires (Port Gentil) qui font figure de véritables enclaves par rapport à un réseau urbain

très déséquilibré. L'espace gabonais a été organisé de ce fait autour de trois grands pôles, avec

une population à prédominance urbaine, où se concentrent les activités et où convergent les

flux de relations entre Libreville, Port-Gentil et le triangle Franceville-Mounana-Moanda,

comme matérialisé dans les figures ci-après :

Figure 19: Les trois grands pôles régionaux. D’après Edouard MVOME-NZE " Routes et

développement régional au Gabon ", thèse de Géographie, Université de Bordeaux III, juin

1999, 429 p.

Dans ces conditions, Annie Chéneau-Loquay s’interroge sur les chances des TIC de parvenir

à réaliser le bond technologique salvateur qui permettrait de " brûler les étapes ", selon le

discours promotionnel porté par les organismes internationaux. Ce scénario est difficilement

envisageable en l’état actuel de la situation exsangue de l’infrastructure des réseaux et ders

voies de communication du Gabon.

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331

Pour l’auteur il est permis d’en douter, étant donné la situation indélicate du Gabon

actuellement, en impasses de stratégies de développement viables. Ce sera d’autant plus

difficile que la volonté politique dépasse difficilement le cap des bonnes intentions, qui

transparaissent dans l’idéologie politique dominante. Dans ce cas précis, le développement

des réseaux et des outils de communication à distance ne peut suffire à lui seul à inverser cette

tendance, car l’interconnection stratégique du territoire est imparfaite, comme l’illustrent les

deux cartes ci-après.

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332

Figure 20 : Carte du réseau de télécommunicaions et de télévision. Source : Roland Pourtier,

" Le Gabon : Tome 2, État et développement, Paris, l’Harmattan 1989, 344p.

Figure 21 : Le réseau routier au Gabon en 1998. Source : Édouard Mvome-Nzé "Routes et

développement régional au Gabon", thèse de géographie, Université de Bordeaux III, juin

1999, 429 p.

Légende : 1-Ttronçons bitumés. 2- Routes modernes larges en latérite. 3- Routes modernes étroites

en latérite ; 4- Routes ordinaires en latérite. 5- Pistes aménagées. 6- Pistes et pistes ensablées.

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333

Ce scepticisme se manifeste à travers les interrogations suivantes d’Annie Chéneau-Loquay :

« Quels sont les modes d'insertion [possibles] des technologies d'information et de

communication? Quel est le rôle de l'État et de ses partenaires ? Quel est l'impact social de ces

outils ? Comment l'accès au " cyberespace " s'articule-t-il avec l'espace physique et ses

contraintes ? Quelles formes de recompositions socio-spatiales peuvent induire les TIC ? Ne

risquent-elles pas d'accentuer les inégalités internes et la dépendance externe plutôt que de les

réduire » ?

Poursuivant son recensement, l’auteur insiste sur le fait qu’une stratégie de développement, en

particulier celle de la communication d’un pays, doit d’abord s’interroger sur la nature de ce

développement. Ce qui sous-entend pour nous d’effectuer au préalable un audit par secteur

d’activités, pour mieux cerner les problèmes et y remédier, comme préconisé dans le rapport

« Info-Com ». Ce déficit de voies et de réseaux de communication ne favorise guère le

Gabon, puisqu’il se trouve sous tutelle de la Banque Mondiale, avec les contraintes et les

marges de manœuvre réduites que cela implique pour l’État : une libéralisation de l’économie

capable de faire émerger, du secteur informel des gisements de solvabilité et de mobiliser des

capitaux privés dans tous les domaines.

En outre, depuis février 1997, date de l’accord conclu avec l’Organisation Mondiale du

Commerce (OMC) sur la libéralisation des échanges dans le domaine des télécommunications

de base, l’agrément en vigueur depuis février 1998, oblige les gouvernements à ouvrir l’accès

de leur marché aux compagnies étrangères. Chaque pays signataire, du fait de cet accord est

obligé d’ouvrir son marché à la concurrence, en traitant les sociétés étrangères de la même

façon que les opérateurs locaux. L'accord reste cependant ambigu sur le service universel

qu’entraîne cette ouverture à la concurrence, parce qu’il est loin de favoriser les entreprises du

Sud, dépourvues des moyens financiers et technologiques des pays du Nord comme indiqué

dans le passage suivant :

« Tout membre a le droit de définir le genre d'obligations en matière de service universel qu'il

entend maintenir. De telles obligations ne seront pas considérées comme anti-compétitives en

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334

elles mêmes à condition qu'elles soient transparentes, non discriminatoires et neutres du point

de vue de la concurrence, et ne soient pas plus onéreuses que ce qui est nécessaire pour le type

de service universel défini par le membre ".

Dans les conclusions de leur rapport, le groupe de travail sur le projet relatif à l’état des lieux

de l’infrastructure national d’information et de communication, parvient au même scepticisme

concernant la situation précaire du pays en la matière de même qu’Annie Chéneau-Loquay,

comme l’indique le passage suivant : « Les moyens de communication actuels favorisent-ils

les échanges ? La création des cybercafés peut-elle être une solution pour développer les

activités industrielles et les services dans notre pays ? La privatisation du seul opérateur

public l’Office des Postes et Télécommunications ne va t-elle pas accentuer le déficit en

équipement téléphonique ?

2.3. Une stratégie de développement extravertie qui pénalise l’intégration

territoriale et régionale

Si l'Afrique se distingue par un niveau moyen du trafic international sortant, parmi les plus

élevés du monde, bien que présentant de profondes disparités, le Gabon est particulièrement

représentatif de cette Situation. On y observe en effet une faible proportion du trafic inter-

africain, ce qui est le signe d'une économie très liée à l'extérieur du continent, et un indice de

sa faible intégration inter-régionale. Comme nous l’avons vu au niveau de la stratégie de

développement en enclaves qui est organisée autour de trois pôles économiques, l’insertion

des TIC dans cette société, en plus de la disparité territoriale des voies de communication, est

en étroite corrélation avec celle des systèmes de pouvoir qui organisent la vie du pays [cf.

Chéneau-Loquay].

Pour appuyer ses dires, Annie Chéneau-Loquay tire argument du fait que depuis le milieu des

années quatre vingt, période de la crise pétrolière, c’est l’austérité économique et

l’immobilisme qui dominent au Gabon. En dépit des reconversions économiques annoncées et

nécessaires pour entériner des mesures adaptées à ce que l’on a appelé « l'après pétrole », les

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335

manifestations concrètes sont peu visibles. Pourquoi ? La réponse qu’elle apporte tient à des

blocages essentiellement en rapport avec les mentalités, comme cela ressort dans le passage

suivant :

« Les retards tiennent à des réticences liées à un système de pouvoir autoritaire qui a

l’habitude de contrôler la société et qui engendre méfiance et immobilisme; "il y a peu de

communication, on s’observe." La communication apparaît encore comme un secteur

sensible, qui détient l’information détient un pouvoir, la partager c’est perdre une parcelle de

ce pouvoir. Le rapport à l’information est inséré dans " un soubassement psychologique qui

fait qu’ici divulguer l’information c’est perdre le pouvoir. "C’est ainsi que le métier de la

communication est mal perçu, il n’y a pas de réelle volonté politique pour donner aux

professionnels les moyens nécessaires car il subsiste une grande ignorance sur l’utilité de la

communication. La politisation extrême de la société pose des problèmes de rétention et donc

d’accès à l’information".

Tout se passe comme si le fonctionnement de la société et de l’économie gabonaise

attendaient un nouvel âge d’or de la manne pétrolière. Dans cette attente, c’est comme si les

institutions s’étaient réfugiées dans une nostalgie immobiliste, que les blocages sociétaux (la

culture du secret et la forte politisation de la société) entretiennent. En effet, à l’heure de la

société de l’information, et du partage de savoirs, la culture dominante dans ce pays est une

culture de rétention de l’information. Nous aurons l’occasion de faire état de cet aspect auquel

nous avons été confronté dans certaines entreprises, pour ne pas dire toutes, lors de notre

approche-terrain, ce qui explique en partie la faiblesse de l’échantillon retenu.

À cela, il faut rappeler l’importance du secteur privé dans l’économie gabonaise. En effet, ce

secteur qui est aux mains des firmes multinationales est puissant, et n’éprouve pas plus que

cela le besoin de communiquer. L’auteur fait également remarquer comme entrave à la

dynamique stratégique de ce pays, le poids des mentalités qui contribue à installer et même à

cultiver cette absence de communication, qui n’est pas vraiment perçu comme une nécessité.

De fait, les entreprises ne communiquent pas assez ou très peu, généralement à l’occasion de

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mécénats. De surcroît, ces entreprises installées en situation de monopole sur le marché local,

même s’il existe dans certains domaines une faible concurrence, qui n’altère en rien leur

position dominante, ne voient pas la nécessité de communiquer.

2.4. Conclusion du chapitre

L’information, dans la société et l’économie qui la caractérisent est au centre du paradigme du

management stratégique de l’information et des connaissances, et de ses bénéfices

controversés. Cette controverse dont témoigne le paradoxe de la productivité de Solow,

émane du décalage entre l’accroissement des investissements en TIC et l’apport systématique

de gains de productivité. Par comparaison avec les manifestations de ce paradoxe, nous nous

sommes penché sur l’opportunité du management stratégique de l’information, permettant

d’aider les initiatives dédiées à l’émergence d’une société africaine de l’information.

L’enjeu est d’autant plus d’actualité que les modalités de cette société, s’avèrent une fois de

plus viciées par les enjeux économiques et technologiques qui entérinent la domination des

pays occidentaux. Si l’on se réfère à la situation du Gabon, l’état des lieux est encore aggravé

par le manque de prospective des secteurs plus traditionnels de l’économie dont il dépend

[Daouda, 1999 ; Elie, 1996 ; Erbin, 1996]. Dans ces conditions, le développement des TIC ne

peut faire l’impasse de ces manquements, car la mise en place d’une infrastructure nationale

d’information et de communication, fut-elle avant-gardiste, doit prendre appui sur des

infrastructures routières, maritimes, ferroviaires existantes (cf. le Rapport « Info-Com »).

Dans la situation de crise que traverse le Gabon, faire l’impasse de stratégies de

développement des secteurs économiques plus classiques, par opposition à celui du

développement de l’économie immatérielle serait, à notre sens, le choix de développement le

moins approprié. Le Gabon dispose de suffisamment d’atouts techniques pour pouvoir

pleinement participer à ce processus, sans pour autant qu’il soit nécessaire de faire l’impasse

des étapes de développement agro-industriel, pour piloter le développement économique et

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social du pays vers l’instauration d’une société et d’une économie de l’information

endogènes.

C’est pourquoi, la suite de notre propos, après avoir longuement fait état de l’impact et des

opportunités des TIC, va à présent s’atteler à en déceler les effets au niveau des firmes qui ont

accepté de nous aider à explorer les contraintes de l’action organisée au niveau de leur

management et de leur pilotage stratégique.

Partie III : Méthodologie de l’enquête et

analyse-terrain

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Chapitre VI : Cadre conceptuel et contextuel de l’étude

Réaliser une enquête, c’est prendre conscience d’un problème, vouloir y apporter des

solutions en récoltant des informations pour concrétiser une future prise de décisions ou

d’initiatives. Comme l’affirment Yannis Harvatopoulos, Yves-Frédéric Livian et Philippe

Sarnin233

dans leur ouvrage, identifier ce problème, ce n’est pas seulement le percevoir, mais

c’est aussi le définir par « l’analyse et l’identification de son champ dans un environnement

donné en précisant les causes et les limites qui le caractérise »t (p.3). C’est là notre objectif.

Nous allons à présent en rendre compte dans cette ultime partie.

Section I : Cadre conceptuel et méthodologique

1.1. Objectifs de l’étude

L’analyse et l’identification des problèmes relevés dans le cadre d’une enquête influencent

directement le cadre conceptuel de la problématique du sujet à traiter : le recueil de données et

l’analyse qui s’en suit sont intimement liés aux tenants et aux aboutissants de l’étude. En

l’occurrence, il s’agit pour nous de vérifier, c’est-à-dire de tester la validité des hypothèses

préalablement émises, à partir des sources d’informations secondaires apportées par notre

approche théorique. Celles-ci seront confrontées à celles des informations primaires issues de

l’approche-terrain, pour montrer si les éléments de théorie préalablement dégagés sont en

phase avec le contexte d’action des différents milieux investis.

233

Harvatopoulos (Y.), Livian –Y.-F.), Sarnin (P.), L’Art de l’enquête, 1989.

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339

L’objet de notre étude étant de rechercher en regard du contexte environnemental actuel,

dominé par la mondialisation et le développement de la société de l’information, une

perspective de management viable dans les firmes ciblées. Il s’agit donc, sur la base d’un

management et d’un pilotage stratégique, intégrant l’information comme ressource à part

entière, de déterminer les effets induits par la qualité du management de ces entreprises, en

termes de performances, quand on sait l’emprise de ce que Luc Boltanski et Laurent Thévenot

[1991] ont appelé « la cité domestique ».

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La méthode définit ainsi la manière dont on va répondre au problème posé, en précisant la

nature de l’enquête et le choix des sources d’informations, à savoir : « Comment tirer

avantage de la réalité et de l’impact des réseaux sociaux, pour instaurer un modèle de

management stratégique conciliant rationalité économique et rationalité sociale à l’ère de

l’avènement de la société de l’information » ? C’est cette conciliation apparemment difficile à

établir, qui fonde notre perspective de recherche et nos hypothèses de base sur la nécessité

d’une approche contingente indispensable à l’instauration d’un modèle de management qui

tienne compte de cette cohabitation.

Cette préoccupation, se réfère à l’actualité du modèle économique néo-libéral dominant à

prétention universaliste, qui s’érige en une espèce de « système unique vertueux » que

« vendent » les organismes de régulation de l’économie et du commerce mondial. Si ce

modèle a des vertus, il a également des vices au niveau des modalités de son application, qui

s’avèrent plus problématiques que vertueuses de l’aveu de certaines voix discordantes [Elie

1996, Daouda 1999].

L’ambition de notre travail ayant une double visée exploratoire et explicative, les questions

ouvertes y sont statistiquement supérieures à celles des questions fermées. Ce choix est

ostensible car nous avons pu constater à l’instar d’Hervé Fenneteau [2002, Enquête : entretien

et questionnaire] que les questions ouvertes fournissent des indications sur les schémas de

pensée des personnes interrogées. Elles sont particulièrement recommandée lorsque l’on

souhaite obtenir des réponses spontanées et des indications qualitatives complémentaires afin

d’expliciter les réponses obtenues à une question fermée, dont le strict usage ne permet pas de

connaître tous les aspects soulevés.

Mais surtout, ce recours est moins rigide que le cadre strict des questions fermées. Même si

cette flexibilité se traduit par un traitement plus incommode, au niveau du surcoût de

traitement qu’impose l’analyse des données, il ne nous a guère dissuadé. En effet, cela

implique de prendre en compte, une part plus importante de subjectivité au niveau de

l’interprétation des résultats obtenus, étant donné qu’il n’y a pas de règles en soi à appliquer.

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341

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Nous nous sommes donc appuyé sur le logiciel de traitement d’enquêtes Sphinx Plus pour

avoir une représentation des données statistiques de l’étude, mais davantage pour formaliser

nos tableaux de données. En sachant bien que l’analyse de ces données reste indissociable

d’une analyse complémentaire issue de l’extrapolation et de l’interprétation des résultats ainsi

obtenus.

Dans le cadre d’une démarche exploratoire, les questions de ce type apportent des

informations riches permettant de dévoiler des aspects nouveaux, originaux ou marginaux, car

elles s’attardent sur les représentations des individus, leurs attentes ou la signification qu’ils

ont et/ou donnent de certaines pratiques. De plus, cela est utile lorsqu’il n’existe pas de

données préalables permettant de cerner le problème avec précision. On peut à juste titre se

référer au schéma conceptuel suivant pour fixer le cadre d’élaboration de notre étude, si l’on

considère que c’est le cheminement/aboutissement partant d’une abstraction à la

conceptualisation d’un phénomène, au vu de l’interprétation et de la validité des résultats

obtenus qui guide notre action.

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343

Figure 22 : Cadre conceptuel d’élaboration des études qualitatives. Source Jean-Pierre

Crauser, Yannis Harvatopoulos, ¨Philippe Sarnin, Guide pratique d’analyse des données,

1989, 140p.

À travers ce schéma se trouvent synthétisées les différentes étapes conduisant de la

délimitation du sujet d’investigation, à partir de la réalité, jusqu’à la phase de

conceptualisation qui permet in fine de révéler des informations ou des connaissances

permettant de valider les hypothèses de départ. Lors de traitements statistiques notamment, la

phase d’abstraction correspond au passage de la perception directe de la réalité observée à sa

consignation dans le tableau de données. C’est-à-dire à la classification des réponses obtenues

en fonction de leur similitude ou de leur différence.

De ce traitement dépendra la qualité des interprétations et des résultats obtenus pour valider

ultérieurement l’étude, et mettre sur pied un instrument d’analyses, en ayant présent à l’esprit

les étapes suivantes : les objectifs de l’étude, le choix des variables, le choix des individus et

le mode de recueil des données. En effet, pour être mieux définis, les objectifs de l’étude

doivent être clairement orientés et cadrés pour faciliter le choix des variables. C’est à partir de

ces données qu’il sera possible de confirmer certaines hypothèses, et pourquoi pas d’émettre

des recommandations et la construction d’un modèle.

Les résultats des études qualitatives soulèvent le problème de la difficulté de travailler avec

un échantillon comportant un nombre limité de cas (une dizaine au maximum). Cette faiblesse

pointe sur la pertinence à accorder à ce type d’études. Peut-on par exemple raisonnablement

considérer que les cas examinés sont bien représentatifs d’un univers plus vaste ? Ou encore,

on peut valablement se demander quel est le degré de « généralisabilité », c’est-à-dire de

crédit que l’on se doit d’accorder aux résultats d’analyses qualitatives. Ce à quoi Michael

Huberman et Matthew Miles rétorquent :

« La difficulté la plus sérieuse et la plus centrale de l’utilisation de données qualitatives vient

du fait que les méthodes d’analyse ne sont pas clairement formulées. Pour les données

quantitatives, il existe des conventions précises que le chercheur peut utiliser. Mais l’analyste

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confronté à une banque de données qualitatives dispose de très peu de garde-fous pour éviter

les interprétations hasardeuses, sans parler de la présentation de conclusions douteuses ou

fausses à des publics de scientifiques ou de décideurs. Comment pouvons-nous être sûrs

qu’une découverte « heureuse », « indéniable », « solide », n’est pas en fait erronée ? » 234

En somme, il existe peu de canons reconnus dans l’analyse des données qualitatives, dans le

sens de règles de base acceptées par tous, pour établir des conclusions et en vérifier la solidité.

Pour contourner cette difficulté, l’analyste devra mettre à profit la richesse du phénomène

étudié. Il importe d’y considérer les formes des organisations, pour en déceler la pertinence.

L’analyse qualitative peut donc se concevoir comme l’analyse de données reposant sur des

mots et non des chiffres au sens strict, si l’on se réfère aux études quantitatives.

Ces données peuvent être recueillies de diverses manières : observations, entretiens, extraits

de documents, enregistrements. Bref, c’est un condensé de mots visant à la production d’un

discours sur une question donnée, et donnant lieu après coup à une analyse. Celle-ci passant

par la condensation des données, c’est-à-dire l’ensemble des processus de sélection,

abstraction, transformations, etc. de données brutes en « matière signifiantes ».

1.2. Méthodologie et déroulement de l’enquête

1.2.1. Méthodologie de l’enquête

Notre angle d’approches, par rapport au sujet, mais également du fait des difficultés d’accès

au terrain, nous a pour ainsi dire, naturellement porté vers la tenue d’entretiens en face-à-face

dans un nombre limité d’entreprises, en raison du temps et des moyens limités dont nous

234

Huberman (A.M.),. Miles (M.B.), Analyse des données qualitatives. Recueil de nouvelles méthodes, 1991,

p.23.

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345

disposions. Pour ces principales raisons, mais aussi parce que notre étude a une double visée

exploratoire et explicative, nous avons opté pour le choix d’une étude qualitative.

Cela, en dépit des difficultés que cela peut comporter en termes de lisibilité d’analyse et

d’interprétation des résultats obtenus, du fait de la quasi-absence de méthodes en la matière.

Comme le font justement remarquer Michael Huberman et Matthew Miles, de telles carences

impliquent de s’interroger sur les points suivants : « Comment peut-on obtenir des

conclusions fiables à partir de données qualitatives ? Quelles méthodes d’analyse peut-on

utiliser qui soient à la fois pratiques, communicables et objectives ? » 235

.

235

. Huberman (A.M.), Miles (B.), op.cit.,p.21.

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À ces interrogations qui sont du reste justifiées, nous disons que ce choix n’est guère

hasardeux. Il répond d’une part au cadre d’analyse fixé par la délimitation du sujet et de sa

problématique. Et d’autre part, nous ne visons pas la production d’un savoir quantitatif, mais

surtout la confrontation d’hypothèses émises a priori avec les réalités du terrain. Dans un tel

contexte, nous assumons parfaitement la fragilité de l’exercice, en établissant que la quête de

sens dépasse la seule restriction quantitative, mais ressort de l’interaction et de l’imbrication

des divers champs d’investigation.

En l’occurrence, la faiblesse de l’échantillon est en corrélation étroite avec la population

retenue, et liée à l’étroitesse et à la faible densité du tissu économique gabonais. Mais les

motifs majeurs de ce choix reposent sur notre option de départ : déterminer la « qualité » du

management dans les firmes représentatives de l’économie gabonaise dans les principaux

secteurs d’activités, à partir d’une zone d’action géographique circonscrite à Libreville. Ce

choix n’est évidemment pas anodin, puisque Libreville concentre la majeure partie des

intérêts économiques et financiers du Gabon d’une part. Et d’autre part, en raison du délai

(deux mois) dont nous disposions pour mener nos investigations, et des problèmes de

logistique.

Si nous avons privilégié une étude de type exploratoire, c’est bien évidemment en termes de

perspectives de recherche par rapport à la problématique de notre sujet. Si les procédés de

type descriptif ne sont pas mis en avant, ce n’est pas que nous les excluons de fait, mais plutôt

que nous avons privilégié un éclairage du phénomène étudié, à la lumière d’une approche

dont le terme se veut plus qualitatif que quantitatif. En effet, la nature de l’enquête induit trois

types d’approche : exploratoires, descriptives et explicatives. Sans être fatalement

antinomiques, elles peuvent être complémentaires pour l’étude du phénomène.

Prenons les enquêtes exploratoires par exemple. Leur objectif principal est d’identifier et de

formuler le problème de manière plus précise. Il s’agit en quelque sorte d’une pré-enquête

permettant de recenser les variables utiles à la clarification des hypothèses. Elles se basent

généralement sur la constitution d’un échantillon restreint et d’un guide d’entretiens

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comportant des questions ouvertes. Ses limites concernent le manque d’analyse statistique et

la faiblesse d’extrapolation des résultats obtenus.

S’agissant des enquêtes descriptives, comme l’indique leur nom, il s’agit de décrire les

caractéristiques d’une situation donnée à partir de l’analyse des variables aux fins d’avoir des

estimations sur le résultat escompté par les différentes associations issues de ces variables.

Cela exige une connaissance préalable du sujet à traiter. Somme toute, la méthode

exploratoire recourt à l’analyse descriptive pour donner du sens à l’association de variables

isolées pour former des catégories. Ce qui aide à la validation des résultats obtenus à partir de

l’analyse statistique que l’on peut faire à l’issue de ces regroupements.

Enfin, les enquêtes explicatives, viennent en complément des enquêtes exploratoires

stigmatiser la nature des relations dégagées par la proximité ou l’éloignement de certaines

variables. Le but est ici de préciser et de contrôler les effets d’une cause donnée, dont

l’inconvénient, réside bien souvent dans l’incapacité à ne pouvoir démontrer l’existence d’une

relation stricte de causalité entre la cause et l’effet.

On le voit à travers cet aperçu, l’analyse de données est une activité complexe qui correspond

à « un ensemble de méthodes dont la fonction essentielle est de mettre en relief les structures

pertinentes de grands ensembles de données. L’analyse conduira fréquemment à situer des

objets les uns par rapport aux autres et à mesurer l’influence d’un certain nombre de

paramètres sur cette répartition » [Crauser et al. 1989, p 9], sans pour autant qu’il existe de

mode exclusif de traitement des données recueillies, ni de méthodologie strictes. Ce qu’il faut

surtout avoir à l’esprit, c’est que ce traitement est en étroite corrélation avec la problématique

de l’étude, ses hypothèses et les objectifs poursuivis. Mais surtout, il faut tenir compte de la

spécificité de l’enquête et du choix de la population visée.

Ainsi, en fonction du degré de directivité auquel recourt le chercheur dans sa quête de sens,

les différents types d’entretiens se classent comme suit :

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L’entretien non directif ou libre. C’est un entretien au cours duquel l’interviewé développe

librement ce qu’il a à dire, l’enquêteur se bornant à le relancer.

L’entretien directif où l’on pose une série de questions pré-élaborées en soumettant les

réponses-types élaborées.

L’entretien semi-directif, à cheval entre ces deux types peut se composer d’éléments très

directifs et de passages libres ou ouverts auxquels l’interviewé peut répondre à partir de

réponses pré élaborées (d’après une typologie établie par Jean-Pierre Crauser et al., op. cit.,

p.41-42).

Nous avons retenu la dernière option, en raison de sa souplesse d’une part. et par ailleurs,

parce que nous avons fait le choix d’effectuer une étude qualitative, en dépit des

imperfections qu’elle peut comporter au niveau de l’interprétation des résultats. Le tableau ci-

après recense l’utilité de ces différents entretiens, en fonction des objectifs visés.

Buts

END ESD ED

Contrôler des informations

précises

Vérifier des hypothèses

Explorer un sujet nouveau

+

+

+

+

+

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349

Tableau 7 : Les différents types d'entretien. Source J.-P. Crauser, Y. Harvatopoulos, P. Sarnin,

Guide pratique d’analyse des données, 1989, p.42.

1.2.2. Le déroulement de l’enquête

Comme nous le disions au préalable, nous avons opté pour la tenue d’entretiens semi-

directifs, car il nous importait de recueillir l’avis de la population de notre échantillon : les

managers des firmes, avec lesquels nous nous sommes entretenu. C’était au-delà de leur

implication, une façon de « légitimer » les conclusions de notre discours a posteriori, par leur

prise de parole. En effet, comme le dit Hervé Fenneteau236

dans son ouvrage,

« l’administration d’une recherche en face-à-face comme l’indique son nom, a le mérite

d’avoir son interlocuteur en vis-à-vis. La personne sollicitée se sent impliquée dans le travail

demandé, et facilite la libre expression lors de questions ouvertes et le dialogue, en limitant

d’éventuels quiproquos ».

Ce choix porté sur l’entretien comme modalité de recueil d’informations, est également

important pour nous, étant donné les nombreuses barrières à l’entrée et la prédominance de la

236

Fenneteau (H.), Enquête :entretien et questionnaire, 2002.

Enquêtes exploratoires

Enquêtes descriptives

Enquêtes explicatives

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350

culture du secret auxquelles nous avons été confronté. Annie Chéneau-Loquay (2000),

soulignait cette difficulté de mener des études dans une société où, visiblement on

communique peu, et où prédomine la culture du secret. Ces contraintes, avec lesquelles nous

avons dû composer caractérisent l’ensemble des firmes où nous nous sommes rendu, même si

nous n’avons pas rencontré le même succès à chaque fois. Avoir l’avis, donc l’assentiment

d’un de ces responsables, était pour nous un signe manifeste d’intérêts, ou du moins de

curiosité, par rapport à la démarche préalable de demande d’entretien, à laquelle nous avons

été systématiquement soumis.

Pour confronter nos hypothèses et les théories engrangées à la réalité du terrain, notre choix

s’est porté sur un total de quatorze (14) entreprises, étant entendu qu’elles sont considérées

comme représentatives de l’activité économique du Gabon, et qu’elles ont des infrastructures,

et très souvent leur centre décisionnel à Libreville. Ce choix a été fixé à dessein, car les autres

entreprises de la place, qui disposent de ressources financières et humaines moindres, en

comparaison des entreprises sélectionnées, s’excluaient de fait de notre corpus.

Mais même avec cette pré-sélection, au fil de l’avancée du terrain, nous avons été obligé de

renoncer à certaines autres pour divers motifs. Les deux firmes représentatives de la

principale source de revenus de l’économie gabonaise par exemple : les sociétés pétrolières,

en raison de la délocalisation de leur centre décisionnel en dehors de Libreville. Nous nous

sommes donc heurté à l’impossibilité de poursuivre nos investigations, malgré les contacts

pris qui se sont avérés infructueux.

Puis, nous avons dû faire face à un autre type de filtres : celui du refus courtois, où nous

avons bien été reçu par le responsable vers lequel nous avons été orienté, mais au demeurant,

sans suites, en dépit de nos relances. On compte parmi ces marginaux l’entreprise de gestion

du réseau hydroélectrique, de transport ferroviaire, ainsi que deux opérateurs de téléphonie

mobile. Ce qui fait un total de six (6) entreprises. Exception faite de l’une des entreprises de

téléphonie mobile, nous avons bien été en contact avec la personne vers laquelle nous avons

été orienté.

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En définitive, notre dossier a vraisemblablement été classé sans suites, car malgré nos

relances, nous nous sommes vu opposé un poli mais tranchant « respect de la ligne

hiérarchique qui interdit la communication de toute information, sans l’aval de l’autorité de

tutelle », en guise de fin de non recevoir. Fort heureusement pour nous, cela n’a pas été le cas

partout ! Nous avons ainsi, après moult acharnements, pu mener nos investigations avec les

responsables des firmes qui constituent le cœur de l’analyse que nous allons présenter dans les

pages à venir.

Nous nous sommes donc appuyé sur l’élaboration d’un questionnaire comme guide

d’entretien regroupant les grands thèmes de notre problématique, pour donner un fil

conducteur à la trame de l’entretien. Ce questionnaire, outre des renseignements sur l’activité

de l’entreprise et la fonction de notre interlocuteur, comportait un nombre élevé de questions

ouvertes pour aller dans le sens de la liberté de parole et de la spontanéité des réponses

privilégiées par notre type d’enquête à visée exploratoire et explicative.

Concernant le cadre de l’interview proprement dite, elle se déroulait au siège de l’entreprise

concernée dans le bureau de notre interlocuteur. Cet entretien avait une durée minimale d’une

heure. Il est arrivé qu’il se déroule en deux séances, en fonction des impératifs de notre

interlocuteur. Il disposait ainsi, avec notre lettre d’introduction, d’un exemplaire du guide

d’entretien confectionné, en l’occurrence le questionnaire, pour s’imprégner des thèmes y

figurant, et se préparer en conséquence.

Ce qui est enrichissant dans les études qualitatives, et c’est la raison pour laquelle nous avons

fait ce choix, c’est que notre interlocuteur, en fonction de la « passion » qui l’animait

débordait du cadre prévu pour enrichir le débat par des anecdotes ou des documents. Nous

avons ainsi condensé des informations symboliques de cet intérêt. Ces « débordements »

consignés sur une fiche de synthèse d’entretien, nous ont permis de ne pas disperser des

informations supplémentaires susceptibles d’enrichir l’analyse et l’interprétation à venir.

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352

1.3. Le traitement en aval : recommandations liées à l’analyse et à

l’interprétation des résultats

Le problème de la recherche qualitative, comme le soulignent Huberman et Miles [1991],

c’est qu’elle travaille avec des mots, et non pas des chiffres. Ce corpus spécifique implique

d’effectuer un codage des données ou des notes de terrain renvoyant à des « catégories » qui

donnent matière à « classification » au niveau des phrases ou des paragraphes transcrits. Ces

mots, ou segments transcrits constituent ainsi le cœur de l’analyse, qui pourra donner lieu

après-coup à un traitement statistique. Ce dernier permettant de justifier de l’interprétation

issu de la ramification/dissociation des résultats obtenus. On peut le relever dans le passage

suivant :

« Le code est un élément astringent en ce sens qu’il nous signale un thème qui rend compte

d’un vaste éventail d’autres données, qui les rend intelligibles, suggèrent des liens de

causalité, et fonctionne comme un facteur statistique en regroupant des éléments disparates en

un tout plus significatif et plus inclusif […]. Les codes sont des catégories. Ils découlent

généralement des questions de recherche, hypothèses, concepts-clés ou thèmes importants. Ce

sont des outils de recouvrement et d’organisation permettant à l’analyste d’identifier

rapidement, d’extraire puis de regrouper tous les segments liés à une question, une hypothèse,

un concept ou un thème donnés » [Huberman et al. 1991, p98-99]..

Mais on peut aussi pré-codifier les données, et attendre l’analyse après-coup pour étudier la

façon dont elles fonctionnent, ou s’intègrent dans le contexte. C’est l’approche enracinée

issue du modèle de Glaser [1978, Theoretical sensitivity, Mill Valley, CA, Sociology press].

On est ici plus proche d’un « code en pratique » que du « code générique tous usages » issu

d’une liste de départ préfabriquée. L’inconvénient c’est que les premiers segments risquent

d’avoir des codes différents des suivants. Mais cela peut se rectifier dès l’émergence de

données empiriques par une lecture globale préalable.

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353

À mi-chemin entre ces deux possibilités, il existe la possibilité de créer un cadre général de

codage qui ne soit pas lié au contenu, mais indique les grands domaines dans lesquels les

codes devront être inductivement conçus. Il existe ainsi un panel de méthodes sur lesquelles

on peut se pencher pour aboutir à la recherche de sens. Parmi ces méthodes, l’analyse du

contenu du discours. Elle permet en insistant d’abord sur ce qui a été dit, puis sur la manière

dont cela a été formulé de s’intéresser à l’analyse du contenu manifeste et du contenu latent

issu d’un ensemble de significations et d’associations faites au cours du discours manifeste

[cf. Harvatopoulos, Livian, Sarnin 1989, p88].

C’est la phase d’élaboration/vérification des données qui condense les éléments analysés, puis

résumés pour tirer des conclusions finales. La présentation des données consiste ainsi en un

« assemblage organisé d’informations qui permet de tirer des conclusions et de passer à

l’action […]. Leur lecture nous permet de comprendre une situation et de faire quelque chose

(nouvelle analyse ou action) basé sur cette compréhension » [Huberman et Miles 1991, p

35]. Ce qui est sûr, c’est qu’il s’agit tout au long de l’étude d’un entrelacement de

phénomènes qui permet de donner du sens.

L’analyse du discours part ainsi de l’hypothèse que le discours tenu par quelqu’un se fait en

fonction d’un certain processus et que l’analyse de ce processus peut aussi renseigner sur le

discours produit. Un autre procédé consiste à avoir à l’esprit que l’analyse de discours a pour

but de mieux connaître l’interviewé, alors que l’analyse de contenu n’a pour but que de

comprendre ce sur quoi il est amené à se prononcer. Pour notre part, nous nous en tiendrons à

l’analyse du contenu manifeste du discours produit.

En effet, notre but n’est pas de nous attacher à la personnalité des interviewés, mais plutôt de

comprendre à partir du discours produit, la façon dont ils appréhendent, conduisent et gèrent

le management stratégique de leur entreprise. Même s’il est vrai que la personnalité peut

influencer la réponse faite à une question, nous allons nous limiter à cet aspect, tout en tenant

compte aussi bien des ressources humaines, matérielles, qu’immatérielles. Il existe ainsi

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354

diverses méthodes d’analyse de contenu ici résumées [Harvatopoulos, Livian, Sarnin, 1989,

p.88].

Le post-codage des réponses libres pour pouvoir procéder au traitement statistique, comme

s’il s’agissait de questions fermées. Pour ce faire, il faut au préalable lire un échantillon de

réponses, puis les codifier. Par la suite, on se reporte à l’ensemble des réponses faites à une

question ouverte. On y repère les réponses proches, et l’on définit ainsi des catégories ou

variables permettant de les regrouper.

L’inconvénient de ce procédé est d’appauvrir la substance des réponses formulées. Cela

rime à une séance de rattrapage qui remet en cause au final le choix de l’élaboration du

questionnaire avec des questions ouvertes. Ce résultat nécessaire pour avoir une image

parlante du phénomène décrit en mettant en relation les réponses recueillies, n’impose pas

pour autant une grille d’analyse aux personnes interrogées.

L’analyse thématique. Elle consiste à dégager les thèmes principaux des discours recueillis.

Le thème désignant alors une « unité de signification pertinente par rapport au sujet et qui

structure les propos tenus. C’est une sorte de « noyau de sens » qui n’est pas d’ordre

linguistique » (p90).

Concrètement, on peut procéder de la manière suivante : d’abord lire les entretiens les plus

représentatifs pour pouvoir élaborer une grille thématique provisoire. On analyse ensuite

systématiquement tous les autres entretiens à partir de cette grille en comptant les fréquences.

Une bonne grille d’analyse doit être suffisamment exhaustive et fidèle au texte. Pour effectuer

des comparaisons, il faut ajouter au comptage global (fréquence des thèmes), l’analyse des

réponses en fonction des occurrences chez la personne interviewée.

À cette fin, on devra affecter à chaque entretien un numéro ou un code qui figurera sur

l’analyse thématique. Ca sera par exemple : « on retrouve la spécification n°8 du thème X

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355

pour illustrer la restitution des résultats ». Cette analyse n’a de valeur que si elle est aussi

rigoureuse que possible et que la codification et le dénombrement ne sont pas le résultat de

l’imagination mais bien la prise en compte des énoncés recueillis.

Cette analyse permet ainsi de repérer les thèmes et leur fréquence, en indiquant la catégorie de

la population qui exprime ce message. La limite, c’est que « rien ne garantit qu’un thème

fréquent est nécessairement un thème important ou à l’inverse qu’un thème peu souvent

évoqué n’est pas en relation avec une représentation essentielle mais réprimée ou

difficilement verbalisable » [d’après Rodolphe Ghiglione et Alain Blanchet, L’Analyse de

contenu, 1991].

La recherche de typologie et l’étude de cas issus de l’analyse thématique ont le mérite

d’étudier les différences de discours entre les catégories de répondants. On peut ainsi essayer

de construire une typologie des différentes attitudes ou opinions récurrentes. Il s’agira d’une

typologie qui n’est qu’empirique, comparée à celles que permettent d’obtenir des techniques

statistiques. Elle permet également de saisir les différents ensembles cohérents qui se

dégagent de l’ensemble des données recueillies. Cela donne lieu à des ramifications du genre :

« ceux qui tiennent le propos A sont aussi ceux qui tiennent le propos B et la caractéristique

commune X ».

L’étude approfondie d’un cas, révèlera ainsi, à travers des entretiens choisis comme

représentatifs, l’analyse que l’on aura faite en reliant ou en différenciant les propos tenus

[Harvatopoulos, Livian, Sarnin, 1989, p.96]. C’est la méthode que nous avons retenu, et dont

nous rendrons compte.

Cette phase, dite de condensation s’opère généralement à différents niveaux de l’avancement

d’une étude qualitative, même si le traitement intégral a lieu lors de la phase globale de

traitement des résultats consignés. La condensation est donc une phase de

condensation/transformation allant du recueil des données à l’achèvement du rapport final, en

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356

passant par le travail sur le terrain. Bien évidemment, elle est indissociable de l’analyse ; c’est

une forme d’analyse qui consiste à trier, rejeter et à organiser les données de telle sorte qu’on

puisse en tirer les conclusions finales et les vérifier. D’où l’importance du codage thématique

pour l’analyse qualitative, car il :

« réduit de grandes quantités de données en un petit nombre d’unités analytiques ;

amène le chercheur à l’analyse produite par le recueil de données, de sorte que les recueils

ultérieurs peuvent être plus centrés ;

il aide le chercheur à construire une carte cognitive, un schéma évolutif lui permettant de

comprendre ce qui se passe sur le site » [Huberman et al. 1991, p.118].

Cette codification s’est faite pour nous au cours de la phase d’élaboration du questionnaire,

qui condense les thèmes significatifs de l’étude au niveau de sa structuration. Le fait de nous

servir d’un logiciel de traitement de données, en l’occurrence, Le Sphinx Plus, est certes utile

mais ne peut se substituer au travail de l’analyste, par rapport à la subtilité des analyses à

mener, qui dépasse loin s’en faut, le déballage d’une analyse purement statistique. C’est

pourquoi, les éléments que nous avons extraits des données du logiciel, vont être appuyés par

les propos de nos interlocuteurs, et par voie de conséquence, par les classifications qui en

ressortiront.

En somme, il existe peu de canons reconnus dans l’analyse des données qualitatives, dans le

sens de règles de base acceptées par tous pour établir des conclusions et en vérifier la solidité.

C’est d’ailleurs pour cette raison que notre analyse ne repose sur aucun mode exclusif de

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357

traitement des données. Dans leur ouvrage, Jean-Pierre Crauser, Yannis Harvatopoulos et

Philippe Sarnin, [1989] tirent des conclusions similaires en tenant le propos suivant :

« Il est souhaitable pour le bon déroulement de l’étude de tenir compte des diverses

possibilités de l’analyse de données dès l’initialisation de la démarche, comme indiqué au

cours de l’étalage des différentes possibilités de traitement offertes à l’analyste. Il faut donc

que l’analyse ait une certaine cohérence avec les tenants et les aboutissants de l’étude.

Autrement dit, il faut qu’il paraisse une certaine homogénéité entre la définition des objectifs

de l’étude, le recueil de l’information, l’analyse proprement dite et l’interprétation des

résultats » (p.110).

Le traitement et l’analyse des données recueillies au cours d’une enquête, quelque soit

l’option retenue ne doit pas s’attacher à un cadre rigide d’analyse. C’est la raison pour

laquelle, nous ne nous sommes pas enfermé dans l’utilisation du logiciel de traitement des

données de l’enquête, compte tenu de la faiblesse de notre échantillon et des limites du

traitement qualitatif par un logiciel. Ce logiciel nous aura plutôt aidé à obtenir une

représentation objectivée des valeurs et du management stratégique de ces entreprises, à partir

de la vision que nous en ont donné les managers de ces organisations.

Section II : Cadre contextuel de l’étude

Avant d’enchaîner avec l’analyse proprement dite des éléments du terrain, nous allons au

préalable fixer quelques données relatives à l’économie gabonaise dans son ensemble. Ces

éléments serviront en effet de support à l’extrapolation et à l’interprétation des résultats que

nous effectuerons par ailleurs.

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358

2.1. Quelques aspects majeurs de l’économie gabonaise

Ce qui caractérise le mieux la situation du Gabon, c’est certainement la culture du paradoxe.

Tous les éléments que nous avons lu à ce sujet s’accordent tous sur ce point [cf. Marc

Perelman 1999, Chéneau-Loquay 2000]. Cette culture du paradoxe se réfère respectivement

chez Marc Perelman à un développement économique contrasté soulignant les limites du

«modèle économique gabonais» ; et chez Annie Chéneau-Loquay, à l’importance des

disparités territoriales qui se répercute sur divers aspects de la vie économique et sociale.

Ainsi, si l'économie gabonaise apparaît relativement florissante au regard des autres pays de

l’Afrique sub-saharienne, un regard plus approfondi au niveau de sa situation économique et

financière manifeste des disparités. Ce qui fait que le Gabon apparaît comme un pays riche,

sans que pour autant son économie soit celle d'un pays développé. Le passage suivant est

révélateur des carences du modèle de croissance de l’économie gabonaise, très dépendante

des ressources naturelles, qui assurent la quasi-totalité de la richesse nationale.

« Même avec un baril de brut au plus bas, un pays de 1 million d’habitants qui produit 18

millions de tonnes de pétrole par an, dont le revenu par habitant est comparable à celui du

Brésil et dont le PIB est équivalent à celui du Sénégal, devrait disposer de ressources

largement suffisantes pour faire fonctionner son économie. La crise de liquidités est donc

autant la conséquence d’une conjoncture mondiale défavorable que la preuve de l’échec d’une

économie de rente qui a empêché une gestion rigoureuse de l’argent public et permis

l’enrichissement facile des proches du pouvoir. Mais comme pour le pétrole, les aléas de la

conjoncture ne sauraient dissimuler un certain nombre de carences structurelles »237

.

237

Perelman (M.), « La chute de la maison Gabon ? », Jeune Afrique du 06 au 12 avril 1999, p.30.

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359

Ce qui ressort de cette analyse, c’est visiblement la carence de diversifications de l’économie

gabonaise, ainsi que sa gestion calamiteuse. Cette situation désastreuse se répercute

aujourd’hui avec autant plus d’acuité que la crise actuelle que traverse le pays, se traduit sur

fond de privatisations et de restructurations imposées par les bailleurs de fonds

internationaux.

L’objet de ce portrait, est de présenter sommairement la densité de l’économie du Gabon. En

effet, l’évocation des contours macro-économiques, permet de mieux comprendre la faiblesse

de l’échantillon retenu, après délimitation de la problématique et de la zone géographique

circonscrite, qui est de fait proportionnelle à la densité du tissu économique gabonais. Le

Gabon est un petit pays d’une superficie de 267 000 km², totalisant à peine le million

d’habitants, mais qui a « la chance » de posséder un sous-sol riche en ressources minières

diverses, ainsi qu’une faune et une flore diversifiées. La carte ci-après nous permet d’en avoir

une représentation.

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360

Figure 23 : Carte du Gabon. Source, Atlas Jeune Afrique du continent africain

Le premier paradoxe que nous ressortons de la confrontation de la situation démographique et

économique du Gabon est inversement disproportionnel à l’endettement encouru, par rapport à sa

population et au PNB, comme l’indiquent les données figurant dans le tableau suivant :

Superficie. 267,7 milliers de km2

Population 1 181 millions

PNB 4 664 millions de dollars

PNB/habitant 4230 $ (38ème rang)

IDH 124è rang mondial

Déficit du budget 120 millions de dollars

Tableau 8 : Quelques chiffres-clés sur le Gabon. Source ONU, 1998.

Ces chiffres vont à présent être complétés par ceux fournis par la Direction Générale de la

Statistique et des Études Économiques (DGSEE, l’équivalent de l’INSEE), dont les missions

consistent notamment à concevoir et à coordonner un ensemble national de statistiques. De

collecter et de traiter les informations statistiques retenues, de les centraliser aux fins

d’élaborer une documentation mise à la disposition des pouvoirs publics d’une part, mais

aussi de tout autre public.

En un mot, les objectifs poursuivis par cet organisme sont d’informer sur la vie du Gabon à

partir d’indices tels que le développement humain, les agrégats, la production, pour ne citer

que ces données. Le tableau que nous allons voir confirme bien la dépendance de l’économie

gabonaise vis-à-vis de ses ressources naturelles (bois, pétrole, manganèse, etc.), dont

l’exploitation est pour l’essentiel destinée à l’exportation. Ce qui fait que le secteur industriel

reste peu développé : il concerne surtout le raffinage du pétrole, la transformation du bois et

l'agroalimentaire (sucreries, boissons, tabac, ciment, chimie). Les secteurs de l’agriculture et

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361

de la pêche, s’ils occupent 48% de la population active, ne contribuent qu’à hauteur de 9% du

PIB.

D’ailleurs, cette agriculture est essentiellement une agriculture de subsistance, ne couvrant pas les

besoins locaux. Le secteur des services est lui aussi peu développé, puisqu’il occupe 31% de la

population active, et participe à hauteur de 36% du PNB. On note cependant, à l’instar de nombreux

pays sous-développés l’importance du secteur informel, même si par définition, il est difficilement

quantifiable. Le tableau ci-dessous montre les agrégats de la production nationale, sur la base des

secteurs d’activité que nous venons de présenter.

Production 1996 1997 1998 1999 2000

La production du primaire

Matières premières d’exportation

Pétrole brut (Moi t)

Bois (1000m »)

Manganèse (1000 t)

Uranium (t)

Caoutchouc sec (1000 t)

Cacao (t)

Café (t)

Principaux produits agricoles

Taro

Manioc

18,3

2589,6

1983,1

504,0

8,3

1780,0

117,0

55,0

214,0

258,0

18,5

2896,8

1903,7

472,0

10,7

1852,0

136,0

55,2

215,8

263,3

17,5

2416,8

2092,2

732,0

10,6

1953,0

145,0

89,0

227,0

274,0

15,3

2402,0

1908,,3

294,0

4,4

1745,0

125,0

57,0

224,0

265,0

13,5

2792,0

1743,1

2,1

471,2

197,8

60,0

228,0

170,0

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362

Bananes plantain

Arachide

Pêche (1000 t)

Pêche industrielle

Pêche artisanale

16,2

10,4

25,3

16,6

10,4

24,8

19,0

14,0

9,4

18,7

10,1

10,0

19,6

18,8

24,9

Tableau 9 : Évolution de l'environnement économique. Source DGSEE, mars 2000.

Nous avons tenu à faire ce compte rendu succinct de la situation démographique,

géographique, économique et sociale du Gabon, pour mieux situer les contours du pays dans

lequel s’est déroulé notre approche-terrain. Ce compte-rendu n’est nullement exhaustif. Il vise

avant toute chose à rendre compte de l’étroitesse du tissu économique sur lequel nous avons

porté nos investigations. Étant donné la problématique de notre sujet, nous l’avons

volontairement restreint aux grands groupes d’intérêts économiques de la place qui ont

accepté de nous aider en ce sens.

À présent, nous allons procéder à l’étude et à l’analyse intra-site proprement dite. Mais

auparavant, nous avons jugé utile de présenter sommairement ces entreprises du secteur

bancaire, des télécommunications, du bois, du transport aérien et maritime.

2.2. Présentation des composantes de l’échantillon

2.2.1. Le groupe BGFI

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363

L’ambition du groupe BGFIBANK marquée par une volonté d’expansion au cœur des pôles

stratégiques de la sous-région CEMAC238

, est de se positionner en tant que portail financier

de référence contribuant au développement des entreprises, et d’une clientèle de particuliers

triée sur le volet. De fait, les performances réalisées par le groupe restent tributaires de la

conjoncture économique nationale et internationale, à l’instar de l’ensemble des autres acteurs

économiques du pays. Les activités du groupe sont ainsi organisées en métiers distincts, avec

des objectifs et des missions spécifiques à atteindre par chacune d’entre elles.

Ainsi au plan national, les activités du groupe restent dommageables de la situation des

secteurs forestier, pétrolier et travaux publics, ainsi que liées à la baisse des investissements

réalisés par l’État gabonais. S’ajoute à cela au plan international, la fluctuation des cours du

dollar américain qui influence fortement l’économie gabonaise, en raison du poids de la

branche pétrole sur le Produit Intérieur Brut.

Créée en avril 1971 par un partenariat entre des Privés Gabonais et la Banque de Paris et des

Pays-Bas sous la dénomination de Banque de Paris et des Pays-Bas Gabon, elle prit en 1984

la dénomination de Banque Paribas Gabon. Bien plus tard en 1996, celle de Banque

Gabonaise et Française Internationale (BGFI), sigle désormais associé à son appellation

actuelle. Ainsi, en mars 2000, précisément le 17, elle opéra à nouveau un changement de

sigle, cette fois-ci sous le label BGFIBANK pour entériner ses nouvelles perspectives de

développement et de croissance. L’organigramme du groupe reflète la stratégie d’expansion et

d’ouverture du groupe à travers les différentes entités que l’on peut voir sur cet

organigramme.

238

Communauté Économique et Monétaire d’Afrique Centrale

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364

INVESTISSEURSPRIVES30,45 %

COMPAGNIEDU KOMO23,01 %

BGD13,00 %

DELTASYNERGIE13,36 %

PERSONNELBGFIBANK

8,18 %

ETATGABONAIS

8 %

BGFIBANK

BGFIBANKCONGO100 %

BGFIBANKG.E.33 %

BGFIBAIL77,76 %

BGFIPARTICIPATIONS

99,91 %

FINATRA50,00 %

Figure 24 : Organigramme du groupe BGFI. Source Rapport annuel 2001, p.7.

BGFIBANK mêle à la gestion des comptes, le financement spécialisé d’un panel d’actions :

c’est la banque d’affaires des particuliers et des grandes entreprises. En dehors du Gabon, elle

est présente dans la sous-région au Congo notamment, depuis le 03 avril 2000, avec

l’ouverture de deux succursales à Brazzaville et à Pointe-Noire, sous le label BGFIBANK

CONGO. Plus tard, le 18 juin 2001, la Commission Bancaire d’Afrique Centrale (COBAC)

lui a donné son accord pour l’ouverture d’une filiale à Malabo en Guinée Equatoriale,

dénommée BGFIBANK G.E., au travers de sa participation dans l’UBAC (Union Bancaire

d’Afrique Centrale) et au réseau CB-CA.

En novembre 1998, suite au retrait du capital de la banque de son actionnaire principal,

Paribas International, le groupe a opéré un tournant stratégique majeur avec la modification

de son actionnariat et de l’organisation, qui comprend désormais des comités de gestion

indépendants. De plus, on voit la concrétisation de la poursuite du programme

d’investissements initié par la banque avec l’implantation d’un système de réseau et

l’introduction d’Internet. La fin du projet monétique dans sa première phase, avec la mise en

circulation des cartes de retrait BGFI au niveau du siège librevillois, devant aboutir à terme à

la couverture nationale.

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365

En outre, l’instauration de la TVA sur le secteur bancaire, ainsi que la mise en conformité des

statuts de la banque avec ceux de l’acte uniforme OHADA, portant organisation des activités

économiques et du droit des sociétés, s’inscrivent dans cette optique. Signe évident du

dynamisme du groupe, l’évolution du capital social qui était à ses débuts de 400 000 000 000

F CFA et qui s’élève aujourd’hui à 25 065 376 000 F CFA239

, dont plus des trois quart

proviennent des richesses générées par la banque. Le groupe BGFI, constitué en tant que tel

dès 1999, bénéficie d’un actionnariat stabilisé et d’une bonne santé financière et sociale, qui

transparaît à travers sa stratégie de développement et d’expansion, dépassant le cadre local

d’intervention.

Dans cet établissement, nous avons d’abord été mis en contact avec le Directeur Général

Adjoint, qui nous a orienté vers le Directeur des Ressources Humaines, des Affaires

Générales et de la Communication, en tant que responsable du projet et de l’harmonisation

des procédures dans l’entreprise. Au cours de l’entretien que nous avons eu avec ce dernier, il

nous a annoncé l’ouverture prochaine d’une agence à Paris. Résultat de l’excellence et de la

persévérance du groupe à se bâtir un pôle financier de premier plan, la gestion du groupe s’est

affinée avec la définition de valeurs fortes des équipes de BGFI autour du projet d’entreprise.

Ces résultats classent le groupe parmi les meilleurs en termes de gains de productivité et de

retour sur investissements dans son domaine d’activités. Ce qui en fait, sur la base des

activités de la seule banque commerciale, un groupement performant d’intérêts financiers

privés, détenu entièrement par des capitaux nationaux. La banque, qui épaule tous les autres

métiers du groupe est d’ailleurs gérée selon le modèle dit de « la nouvelle gouvernance »,

pour reprendre les termes de l’Administrateur Directeur Général lors du message émis dans le

rapport annuel de l’exercice 2000. Elle s’est ainsi dotée des organes de commandement-

contrôle suivants :

239

À titre indicatif, 1 euro équivaut à 656 FCFA.

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366

Un Conseil d’Administration qui définit les grandes orientations stratégiques et qui assure la

surveillance de l’évolution financière des risques et de la rentabilité d’une part. D’autre part, il

procède à l’examen des conditions d’exercice du contrôle interne et externe.

Un Comité d’Audit ou des Comptes présidé par un administrateur indépendant. Il a pour

mission de surveiller le contrôle des activités et des procédures en interne comme en externe,

ainsi que l’appréciation de la pertinence et de la permanence des principes et méthodes

comptables. En outre, il veille à l’examen des travaux et des conclusions des Commissaires

aux comptes et de l’Inspection Générale de la banque. En somme, il aide le Comité de

Direction au niveau de l’appréciation des risques de toute nature pesant sur le groupe.

Un Comité de rémunération et de Nominations. Il est chargé de proposer au Conseil

d’Administration la rémunération des mandataires sociaux, la nomination d’administrateurs,

ainsi que des solutions de succession en cas de vacance imprévue de la présidence ou des

mandataires sociaux. Par ailleurs, il propose des plans de souscription et d’achat d’actions

Edicte des recommandations sur la politique de communication externe, la rémunération des

administrateurs et de tout autre avantage attribué aux dirigeants.

Un Comité Exécutif présidé par l’Administrateur Directeur Général. C’est l’organe de gestion

de la banque. Il veille à l’exécution des axes stratégiques de la banque.

Un Comité de direction, également présidé par l’Administrateur Directeur Général, il assure

l’exécution de la politique et des axes stratégiques définis par le Comité Exécutif, par le biais

de l’examen des résultats mensuels et le suivi de l’exécution des projets.

Un Comité de crédit, organe au sein duquel toutes les décisions en matière de crédit sont

prises. Les membres de ce comité effectuent cette tâche avec l’appui des Directeur du

Développement Commercial, et du Crédit sur le risque encouru. Celui des affaires Juridiques

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367

pour émettre son avis sur la fiabilité des garanties et sur la régularité de la documentation

juridique. Même si la signature de chacun des membres du comité est nécessaire pour valider

le dossier de demande de crédit, c’est à son président que revient le dernier mot.

L’ambition et l’objectif affichés du groupe résident dans une stratégie résolument tournée vers

la réalisation de cet objectif de croissance et de leadership, à travers ses différents métiers : la

banque commerciale, les services financiers spécialisés et l’ingénierie financière. Au cœur de

ce potentiel d’activités, le groupe consent des efforts en matière de formation et de politique

sociale, en veillant notamment à la cohésion et à la motivation des équipes en place. L’action

du groupe BGFI à travers cette stratégie d’expansion, est ainsi de se doter d’un réseau de

distribution fiable et indépendant facilitant le développement national et international.

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368

Figure 25 : Le projet d'entreprise du groupe BGFI. Source Rapport annuel 2001, p.56.

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369

Ce schéma représente une démarche marketing tournée vers la qualité totale : il s’agit

d’assurer la pleine satisfaction du client par une amélioration constante des services rendus.

En pariant sur les hommes, la volonté de la Direction Générale est de favoriser un lieu

d’échanges et de partages d’expériences convivial, permettant aux employés de participer au

développement de l’entreprise, tout en s’épanouissant professionnellement et socialement.

Dans cette perspective, la Direction Générale s’est engagée dans une démarche globale

d’évolution dynamique et de progrès permanents, incluant une démarche de progrès social à

la base du projet d’entreprise. Au cœur de l’idéal de progrès technologique et humain, cette

démarche collective s’insère dans le projet d’entreprise du groupe par une recherche

permanente de l’excellence, symbolisée par les trois axes stratégiques du projet d’entreprise

comme indiqué ci-dessous :

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370

Figure 26 : Les trois axes de développement du projet d'entreprise. Source Rapport annuel,

2001, p.54.

Le credo du groupe se situe ainsi sur trois axes complémentaires, à l’image des activités du

groupe, ce qui lui permet de faire cohabiter les exigences de rationalité économique et de

progrès social. Cette ambition se traduit par le leadership au niveau des différents métiers de

la banque. Au plan commercial, les actions menées tendent à faire du groupe le premier

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371

groupe financier de la sous-région, que symbolise la politique volontariste menée par la

Direction Générale qui mise sur les compétences et la formation continue du personnel, acteur

du développement économique et social des stratégies édictées au plus haut niveau de la

hiérarchie de la banque commerciale. Cette synergie se matérialise par le partage de valeurs

fortes dominées par la quête permanente de l’excellence, associée à l’identité visuelle de

l’entreprise ; une étoile scintillante, comme configuré à travers la figure ci-après :

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372

Figure 27. Les valeurs partagées du groupe BGFI. Source Rapport annuel 2001, p.88.

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373

Dans cette optique, le groupe BGFI dispose d’un label de certification de la norme ISO 9001,

version 2000 lui permettant de garantir une qualité de service conforme aux exigences du

métier. Le maître-mot de la stratégie du groupe apparaît dans ce propos de l’Administrateur

Directeur Général : « Un groupe en mouvement, la passion du client ». Comme en témoignent

les différents états de bilan annuel qui nous ont été communiqués durant les exercices 1998 à

2001, en trente ans d’existence, le groupe BGFI est devenu leader dans ses métiers grâce au

professionnalisme de ses équipes, son sens de l’innovation, sa dynamique marquée par

l’expansion du groupe depuis sa création en 1971. Cette stratégie, bâtie sur la constitution du

groupe se scinde en quatre entités où l’on distingue nettement le pôle commercial d’une part ;

et d’autre part, le pôle financier avec :

BGFIBANK, la banque commerciale haut de gamme, au cœur de ses métiers. Axée sur une

clientèle sélective de particuliers et d’entreprises. Elle contribue pour beaucoup à la prise des

intérêts du groupe et à sa stratégie d’ouverture et d’expansion vers des marchés nouveaux.

Elle mêle à la gestion des comptes le financement spécialisé d’un panel d’actions : c’est la

banque d’affaires des particuliers et des grandes entreprises.

Les organismes spécialisés de crédit : BGFIBAIL, BGFI PARTICIPATIONS et FINATRA.

Cette stratégie fait du groupe BGFI une banque qui se distingue des activités de ses

concurrents, particulièrement la BICIG, parce qu’elle a un cœur de métiers autour desquels

s’articule sa stratégie et l’extension de ses activités en dehors de la sphère nationale. Les

activités d’ingénierie financière de sa filiale BGFI PARTICIPATIONS, sont exclusivement

centrées sur le conseil, la restructuration, l’audit, la gestion de participations et l’ingénierie

financière. L’organisation en métiers distincts, constitue pour les acteurs de cette entreprise,

un signe d’excellence et la maîtrise des besoins de la clientèle dans sa globalité.

D’ailleurs, l’ambition du groupe BGFI, réalisée grâce à l’appui de la banque commerciale en

soutien aux autres activités du groupe, notamment à travers le développement de la ligne de

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374

produits crédits à la consommation depuis septembre 1998 avec la FINATRA, se manifeste

notamment avec l’ouverture de nouvelles agences, tant au Gabon qu’au niveau de la sous-

région. Reflet de la bonne marche et de la santé financière des activités du groupe, cette

évolution transparaît à travers les états suivants :

(en millions de francs) 1996 1997 1998 1999 2000 2001

TOTAL DU BILAN 106 120 114 220 114 252 119 669 292 749 239

391

CAPITAUX PROPRES

(dont capital)

11 962

(9 845)

12 571

(9 845)

14 077

(9 845)

18 020

(9 845)

18 167

(10 024)

30 693

(25

065)

CAPITAUX PERMANENTS 26 641 25 495 27 446 27 127 25 927 35 416

DEPOTS DE LA CLIENTELE 62 068 71 315 64 457 68 350 231 729 144 060

CREDITS À LA CLIENTELE 67 492 84 278 79 573 73 972 93 185 129 696

PRODUIT NET BANCAIRE 9 704 11 505 10 643 12 015 17 452 24 684

FRAIS GENERAUX 5 199 5 533 5 981 6 225 7 379 10 025

RESULTATS BRUTS

D’EXPLOITATION

4 504 5 972 4 662 5 790 10 073 14 659

DOTATION NETTE AUX

PROVISIONS

1 270 634 2 885 2 412 - 10 2 181

RESULTATS NETS 2 824 4 186 4 055 4 147 6 342 8 290

Tableau 10 : BGFIBANK en quelques chiffres. Source rapport annuel 2001, p.8.

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375

Avec ces résultats, le groupe BGFI s’affirme comme le partenaire financier de référence dont

les objectifs et les stratégies de développement s’articulent sur une croissance marquée par le

dynamisme du groupe. Révélateur de cet esprit, l’activité et la stratégie du groupe axées sur le

client ; il s’agit de lui proposer une offre de produits et de services financiers diversifiée,

positionnant le groupe en tant que portail financier contribuant aux projets de développement

des entreprises, mais également des particuliers, grâce à un réseau de distribution indépendant

facilitant le développement national et international, ayant son centre de décisions à Libreville

au Gabon. Pour être en adéquation perpétuelle avec ces principes, une règle d’or du groupe

repose sur la recherche perpétuelle de l’excellence, avec l’ambition marquée de devenir le

premier groupe financier de la sous-région.

2.2.2. La BICIG

Anciennement dénommée Banque Nationale pour le Commerce et l’Industrie (B.N.C.I.), elle

devient le 02 juillet 1966 la BNP (Banque Nationale de Paris), née de la fusion de deux

grandes banques françaises : la Banque Nationale pour le Commerce et l’Industrie, et le

Comptoir National d’Escompte de Paris. La BICIG (Banque Internationale pour le Commerce

et l’Industrie du Gabon) voit officiellement le jour le 30 mars 1973, en tant qu’établissement

de droit gabonais sous la forme d’une société anonyme. C’est une banque de dépôts au capital

de XAF 12 000 000 000, détenue en majorité par des intérêts gabonais, comme l’atteste la

répartition du capital ci-après :

État gabonais ………………………. 26,35 %

Particuliers gabonais ………………. 26,98 %

BNP Paribas ……………………….. 23,80 %

SFOM (BNPP) …………………….. 22,87 %

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376

Tout comme son concurrent direct, la BGFI, en termes de parts de marché, la BICIG est

affiliée à un partenaire qui lui assure un soutien logistique par le biais de son réseau

international. Il s’agit du réseau international du groupe BNP, qui comme le montre la

répartition ci-dessus détient également une part non négligeable du capital de la banque.

L’organisation du groupe repose sur deux entités complémentaires : les fonctions

d’administration qui recouvrent la gestion des problèmes d’organisation, de prévision, et de

contrôle. Et les fonctions d’exploitation qui concentrent le cœur des activités de la banque, à

savoir : la Direction des Réseaux Clientèle, et de l’Informatique. L’organigramme de la

société, d’après ces deux pôles est matérialisée de la façon suivante :

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377

Figure 28 : Organigramme général de la BICIG

Au niveau des activités proprement dites de la banque, l’année 2001 s’est caractérisée par une

progression significative des remplois au niveau de la clientèle des entreprises (6 %). Cela a

ainsi contribué à l’amélioration du produit net bancaire. Par ailleurs, cette année a été

marquée par la percée des produits RTC (BICITEL, T.P.E., etc.). Au niveau de la clientèle de

particuliers, la collecte des ressources a été favorisée par l’accroissement du montant des

dépôts, qui s’est répercuté sur l’accroissement des écritures. Incontestablement, la BICIG est

leader dans son secteur d’activités, si l’on s’en tient à ces données :

Les dépôts globaux, hors banques du système bancaire, s’élèvent à 475 milliards de FCFA,

dont 210 milliards détenus par la banque, soit 44,1 % de parts de marché.

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Sur les 184 milliards de dépôts de particuliers, elle détient 99 milliards, soit 53,9 % de parts

de marché.

Sur les 195 milliards de dépôts des entreprises, la BICIG en contrôle 91, soit 54 % de parts de

marché.

Malgré cette position de leader, la BICIG, pour s’adapter à la demande et aux besoins de sa

clientèle a elle aussi, à l’instar de ses concurrents développé une vaste gamme de produits

telle que le crédit à la consommation ou d’investissements mobiliers et immobiliers destinée :

aux grandes entreprises ;

aux entrepreneurs individuels ;

aux investisseurs institutionnels ;

aux ambassades et aux associations ;

à la clientèle privée haut de gamme ;

aux banques et établissements de crédit.

Son offre clientèle repose sur les activités suivantes :

clientèle privée ;

clientèle entreprises ;

financement de projets ;

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trésorerie de change ;

trésorerie de change clientèle ;

opérations courantes de banque ;

opérations d'import/export à court terme (Trade Finance) ;

opérations de financement d'exportations à moyen et long terme ;

opérations de crédit bail et d'affacturage (Leasing/Factoring). BICIBAIL a ainsi été créée en

1998, pour répondre aux besoins de l’environnement concurrentiel du groupe BICIG, son

actionnaire à 99%. Elle propose le financement sous forme de leasing domestique de biens

mobiliers et de location de véhicules, avec option d'achat pour les particuliers.

service de monétique, avec la mise en circulation de cartes bancaires et l'installation de

distributeurs de billets. La mise à disposition de nombreux Terminaux de Paiement

Electronique (TPE) chez les commerçants.

2.2.3. L’U.G.B.

L'Union Gabonaise de Banque est la plus ancienne banque commerciale du Gabon. Connue

sous l’emblème du Crédit Lyonnais avant 1962, elle devient l’actuelle U.G.B. lors de

l'indépendance du Gabon. Elle est maintenant contrôlée à hauteur de 56,25% par le Groupe

Crédit Lyonnais, comme l’atteste la répartition suivante du capital de l’entreprise :

Crédit Lyonnais ……………………………………….. 56,25 %

République gabonaise …………………………………. 25,00 %

Groupe OGAR ………………………………………… 11,70 %

Banque Gabonaise de Développement ……………….. 3,75 %

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380

SONADIG ……………………………………………. 1,50 %

Privés gabonais ……………………………………….. 1,80 %

Cette participation de la banque lyonnaise lui permet de disposer d'un outil de production et

de communications d’un haut niveau technologique. D’un outil de gestion et de contrôle

interne entièrement automatisé qui lui a permis, en novembre 2001, de lancer la première

banque en ligne d'Afrique Centrale depuis novembre 2001. Outre ces prestations, la banque

met à la disposition de sa clientèle une gamme de produits nouveaux et interactifs à travers le

label « UGB INTERACTIF ». Il offre ainsi à ses usagers la possibilité d’effectuer toutes

transactions, moyennant un abonnement par le truchement d’un serveur vocal ou d’Internet.

La banque s’est également dotée d’un réseau de distributeurs de billets compatibles VISA,

depuis le premier trimestre 2003 pour soutenir et compléter la gamme de produits et services

financiers existants.

Pour s’adapter aux changements de la réglementation en vigueur et renforcer son outil de

production, de gestion et de contrôle, la banque a mis en place un niveau d’automatisation

suffisant pour être en phase avec la nouvelle réglementation. Elle concerne notamment la

nouvelle réglementation régionale des changes, le nouveau plan comptable des banques et

l’harmonisation régionale des systèmes de paiement, l’interbancarité ; ainsi que le devenir de

la Bourse des Valeurs d’Afrique Centrale. Elle a ainsi constitué un réseau de banques dans la

sous-région, aux côtés du Crédit Lyonnais Cameroun, mais aussi, grâce au rachat de la

Banque Internationale du Congo. Grâce à cette coopération et à cette acquisition, l’ambition

affichée est de conquérir de nouveaux clients, pour positionner la banque en tant que première

banque d’Afrique Centrale.

Société anonyme au capital de F CFA 5 000 000 000 avec un effectif de 210 personnes,

l’U.G.B. est une banque commerciale, la troisième au classement général, après la BICIG et la

BGFI. Sur les ressources toutes banques confondues en octobre 2001, sa part était de 478

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381

milliards de F CFA, soit une part de marché de 21,01%240

. Sa clientèle se compose de

particuliers, de professionnels, et de grandes entreprises le plus souvent filiales de grands

groupes internationaux, pour lesquelles l'U.G.B. a développé avec succès au cours des deux

dernières années un marché obligataire local. Les activités de la banque sont axées sur deux

créneaux : la clientèle de particuliers et la clientèle des entreprises organisées autour d’un

réseau domestique de quatre agences dans les principales villes du pays. Les services aux

particuliers concernent :

- les comptes de dépôts ;

- les comptes épargne ;

- le plan d'épargne logement ;

- les comptes à terme ;

- les bons de caisses ;

- les distributeurs de billets ;

- la banque en ligne sur Internet ;

- la consultation des comptes par téléphone ;

- la délivrance de chéquiers à formules garanties pour les bénéficiaires ;

- les prêts à la consommation et les prêts immobiliers ;

- les cartes de crédit (depuis 2002).

Ceux des entreprises concernent :

- une gamme complète de produits équivalente à celle proposée dans les pays développés ;

240

Source Rapport annuel 2001, p.6.

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382

- un service de banque en ligne (consultation des compte, déchargement des écritures,

transferts de compte à compte et sur les banques de la place, virements, avis de prélèvement,

commandes de chéquiers, etc.).

- des émissions obligataires pour le compte de la clientèle entreprise, en effectuant des

paiements de dividendes pour certaines grandes sociétés de la place.

À côté des activités développées en local, il y a également un pôle de la banque qui assure des

activités internationales avec la possibilité d’effectuer des transferts de fonds, le contrôle de la

réglementation des changes, ainsi que des opérations de change. En dépit de la morosité du

contexte économique environnemental marqué par la baisse de productivité de la branche

pétrole, principale ressource du Gabon, la banque affiche un bilan d’activitéS positif comme

l’atteste les chiffres suivants :

DONNEES 2001

TOTAL DU BILAN 129 522 Millions

FONDS PROPRES 10 993 Millions

RESULTAT NET 2 852 Millions

PRODUIT NET BANCAIRE 11,6 Milliards

Tableau 11 : L'U.G.B. en chiffres. Source Rapport annuel 2001, p.2.

2.2.4. CELTEL GABON

Filiale du groupe MSI CELLULAR, CELTEL GABON a officiellement vu le jour le 6 juin

2002. À l’échelle de la taille et des réalités de l’économie gabonaise, ce jeune fleuron du tissu

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383

économique gabonais fait figure de PME, puisqu’elle totalise un total de 120 employés. Dans

un secteur en pleine expansion, et fortement concurrentiel puisqu’il existe deux autres

opérateurs de téléphonie mobile, elle a réussi à se hisser à la seconde place, avec une ambition

clairement affichée de détrôner le numéro un actuel en termes d’abonnés. Bien qu’elle soit la

dernière arrivée sur le marché gabonais, la société CELTEL GABON apparaît comme la plus

innovante et le plus menaçante pour ses deux autres concurrents, particulièrement pour

l’opérateur de téléphonie mobile affilié au réseau public depuis peu privatisé.

Ainsi, CELTEL GABON a importé la technologie « Backbone ». Le "Backbone" construit au

Gabon par CELTEL s'affirme comme la colonne vertébrale du développement des

télécommunications, puisque même ses concurrents recourent à cette technologie. Le

principal avantage du "Backbone" pour CELTEL GABON est de lui permettre de devenir le

premier opérateur national, et de fournir une bonne couverture sur l'ensemble du territoire. Ce

"Backbone" construit entre novembre 2001 et mars 2002, pour un investissement de 8,5

millions de dollars, couvre 1300 km de route, correspondant à 850 km à vol d'oiseau à travers

le Gabon.

Même si la responsable du marketing et de la communication a fait preuve d’un intérêt

manifeste pour notre étude en se prêtant à l’examen de nos doléances, il nous a par ailleurs été

opposé une fin de non recevoir concernant des éléments pour ainsi dire banaux tels que

l’organigramme et le chiffre d’affaires de l’entreprise qui restent confidentiels. Cependant,

nous avons pu en dresser la structure lors des visites effectuées au siège. Grosso modo,

l’organigramme de cette entreprise se décline comme suit :

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384

Figure 29 : Organigramme de CELTEL GABON

CELTEL GABON fait partie des entreprises qui communiquent peu, comme du reste toutes

les entreprises vers lesquelles nous nous sommes tournées. En dépit de nos efforts pour entrer

en contact avec les managers de cette société, nous n’avons pu avoir les quelques éléments

que nous présentons ici, que grâce à l’entremise des informations récoltées sur Internet241

,

ainsi qu’aux bribes d’information données par la Responsable du Marketing et des Relations

Publiques, lors des entretiens que nous avons eus.

2.2.5. GABON TELECOM

Le moins que l’on puisse dire, c’est que GABON TELECOM, ancien monopole d’État, est à

l’image de la démesure de son siège social : une entreprise colossale, parmi les plus

emblématiques que compte le pays. Engagée elle aussi dans un programme de

restructuration/privatisation, cette opération est effective depuis mars 2003. Depuis la

libéralisation du secteur des télécommunications, elle est confrontée à une concurrence à

laquelle elle n’avait pas été habituée, du fait de sa position dominante. Désormais consciente

des challenges que l’arrivée de nouveaux concurrents lui imposent, elle s’est engagée depuis

trois ans maintenant à rénover et à moderniser ses infrastructures pour mieux répondre aux

enjeux de la situation.

Pour concrétiser cette volonté d’adaptation aux nouvelles règles du marché, une filiale a été

créée dans le secteur de la téléphonie mobile, pour ne pas laisser le terrain totalement libre

aux deux autres opérateurs qui la concurrencent. Ce réseau est lui par contre entièrement

numérisé. GABON TELECOM qui dispose de structures et de moyens importants grâce aux

progrès des TIC, se donne pour mission d’assurer le passage de l’usage de l’informatique de

gestion à une informatique d’information et de communication.

241

Sur le site http://fr.allafrica.com/stories/200309170389.html#top, « Backbone de CELTEL Pilier des

Télécommunications Gabonaises », le 17 septembre 2003.

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385

La capacité de la bande passante internationale a ainsi été multipliée par huit au cours de la

première année d’activité, et devrait encore considérablement évoluer. Plusieurs accords avec

des opérateurs étrangers ont dès lors été signés pour raccorder l’infrastructure du pays à celle

de l’Amérique du Nord et de l’Europe. L’entreprise a ainsi investi plus de 24 millions d’euros

pour augmenter la capacité du réseau, et améliorer la qualité des prestations fournies au

consommateur final. L’ambition est de relier non seulement l’ensemble du territoire, mais

également les autres pays de la sous-région, afin de positionner l’infrastructure nationale en

une plate-forme de taille pouvant desservir l’ensemble de la CEMAC.

Certainement tributaire de sa situation monopolistique dans le passé, GABON TELECOM,

bien que réalisant des bénéfices substantiels, était une entreprise en difficulté avant que

n’intervienne sa privatisation. Avant de pousser l’analyse et de comprendre ce paradoxe, nous

allons d’abord ressortir l’organigramme de l’entreprise, qui symbolise à lui tout seul les

lourdeurs qui minent la qualité des rendements de cette institution.

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Figure 30 : Organigramme de GABON TELECOM

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2.2.6. AIR GABON

Compagnie nationale de navigation du Gabon, cette entreprise a officiellement vu le jour en

juin 1977. Depuis quelques années, grâce à la libéralisation intervenue dans la politique des

transports, elle fait face à l’émergence de concurrents, qui lui disputent l’exploitants de la

desserte des lignes intérieures, où elle régnait autrefois sans partage. Bien entendu, si l’on

excepte les compagnies destinées à la satisfaction des besoins d’affaires ponctuels des

entreprises ou des particuliers.

Tout comme l’O.P.R.A.G., la création de la compagnie nationale de navigation aérienne du

Gabon dans les années 70, remonte à la période faste durant laquelle le gouvernais gabonais a

mis en œuvre de nombreux chantiers pour développer et désenclaver le pays. Désormais

confrontée à des difficultés financières chroniques, la compagnie est elle aussi depuis juin

2000, soumise à une campagne de restructuration/privatisation. C’est dans ce cadre, et pour

redresser les finances de la société, que l’État envisage désormais de faire du Gabon une

plate-forme régionale au niveau du transport aérien, étant donné l’étroitesse du marché local.

Cela devrait permettre à terme de rentabiliser des infrastructures surdimensionnées, que ce

soit pour le transport aérien ou pour celui des télécommunications, pour une population d’à

peine 1 million d’habitants.

Les nombreuses difficultés financières et structurelles liées à l’exploitation efficiente des

lignes du réseau aérien, ont conduit la direction de l’entreprise à fermer les lignes

structurellement déficitaires comme Libreville-Nairobi ainsi que les dessertes peu rentables

du marché local. En effet, soixante pour cent des revenus de la compagnie aérienne

proviennent de l’exploitation des lignes européennes, notamment Paris, Londres, Marseille,

Bruxelles et Rome. Il a ainsi fallu recapitaliser la compagnie. Cette opération a pris du retard,

et explique pourquoi la compagnie n’est toujours pas privatisée à ce jour.

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388

Étant donné la prédominasse de l’exploitation des lignes internationales, le projet de

redressement de la compagnie envisage de la redimensionner en tant que plate-forme de

correspondance régionale, selon le propos du Directeur Général242

. Cela, depuis Abidjan,

Bamako ou Lagos, vers l’Afrique du Sud, les Emirats Arabes Unis et l’Europe. Il s’agit

désormais de s’adresser à une clientèle dépassant largement le marché gabonais, concernant

l’exploitation des vols long courrier. Pour atteindre cet objectif, la flotte a été rajeunie avec la

location de deux Boeing 737.

L’organisation d’AIR GABON est semblable à celle des autres entreprises étatiques et para-

étatiques. C’est-à-dire que dans leur ensemble à la tête de ces entreprises se trouve un Conseil

d’administration, une Direction Générale et des directions centrales chargées d’épauler et de

suivre les grandes orientations de la politique générale d’entreprise. Voici schématisé à travers

l’organigramme ci-après, la configuration de la structure décisionnelle et fonctionnelle de

cette entreprise.

Figure 31 : Organigramme de la C.N. AIR GABON

2.2.7. L’O.P.R.A.G.

242

Extrait paru sur le site www.interfrancemedia.com/gabon/infrastructures/htm

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389

L’Office des Ports et Rades du Gabon (O.P.R.A.G.), est né aux fins de s'adapter aux

nécessités d'expansion et de développement de l'économie gabonaise. Créé le 09 mars 1964,

sous la dénomination : « Port Autonome de Libreville », cette structure de base devient le 30

Mars 1974, l’actuel Office des Ports et Rades du Gabon, Établissement Public à caractère

Industriel et Commercial (EPIC), doté d’une personnalité civile, et d’une autonomie

financière.

Comme d’autres entreprises gabonaises, il est le fruit d’un plan d’investissements réalisé par

le gouvernement gabonais, au moment du boom pétrolier des années 70. Cependant, il est lui

aussi confronté à des difficultés structurelles et financières qui ont conduit à sa privatisation

par la mise en concession actuelle d’une partie de ses activités. Dans sa première phase, cette

concession vise à décharger l’O.P.R.A.G. des activités de manutention et d’entretien des quais

à des partenaires relevant du domaine privé.

L’O.P.R.A.G. est une société parapublique disposant d’une organisation structurelle et

fonctionnelle ayant à sa tête un Conseil d’Administration, autour duquel sont rattachées des

directions centrales, exerçant leurs activités sous la tutelle de la Direction Générale. Voilà

grosso modo comment se définissent les missions de ces directions centrales, comme indiqué

dans l’organigramme présenté ci-après :

La Direction Financière et Comptable (DFC). Elle effectue avec la Direction Générale les

prévisions budgétaires, l’analyse financière et comptable des recettes et dépenses, des achats

et des ventes. Elle est secondée dans l’accomplissement de ces tâches par un département

comptabilité et financier. Le département comptabilité assure la comptabilité analytique, la

gestion des immobilisations ainsi que le fonds de solidarité et d’aide de l’entreprise, tandis

que le département financier assure quant à lui essentiellement la gestion budgétaire et

prévisionnelle.

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Le Contrôle Général de Gestion (CGG) surveille l’ensemble des écritures comptables et

financières, ainsi que divers autres documents devant être soumis à l’appréciation de la

Direction Générale. Il analyse et prépare également les prévisions budgétaires avec l’appui de

la Direction Financière.

La Direction de la Communication et des Relations Publiques (DCRP), veille à la qualité de

l’image de marque de l’entreprises par diverses actions, notamment par des activités de

mécénat.

La Direction Commerciale et de l’Exploitation (DCE) constitue la clé de voûte de toutes les

activités portuaires. Elle est ainsi chargée de l’étude des trafics maritimes (prospection,

développement, exploitation de l’activité commerciale, portuaire et maritime), et du

recouvrement et de la liquidation des recettes. Elle assure également la réalisation de

statistiques sur l’exploitation commerciale par le biais du suivi des dossiers clientèle.

La Direction des Affaires Administratives et du Personnel (DAAP) assure la politique de

gestion de l’entreprise en matière d’effectifs et d’administration. Elle est aidée dans ces tâches

par les départements administration du personnel, des relations sociales, et celui de la gestion

prévisionnelle. Ce dernier est chargé de la gestion prévisionnelle du personnel (stages,

formation continue) par le suivi des carrières.

La Direction des Études et Travaux (DET) est chargée de réaliser des études consistant à

améliorer l’aménagement, les travaux d’entretien et d’extension de l’espace portuaire. Elle

veille également à la qualité des prestations qu’elle assure pour le compte des sociétés

recourant à ses services.

La Direction de l’Informatique, également appelée « Centre des Télécommunications et des

Calculs Automatisés », assure l’automatisation des procédures manuelles, permettant aux

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391

utilisateurs de réaliser leurs tâches quotidiennes dans de meilleures conditions. Elle assure

également la formation du personnel en interne, ainsi que la configuration et l’installation de

matériels.

La Capitainerie est un département qui exerce ses activités avec la DCE. C’est en quelque

sorte la tour de contrôle maritime, chargée de réglementer les entrées et sorties de navires.

Elle travaille depuis peu avec la Direction des Relations Internationales qui supervise ses

activités.

Voici d’ailleurs résumé à travers cet organigramme, l’organisation que nous avons décrite.

Figure 32 : Organigramme de l'O.P.R.A.G

Inscrite sur la liste des entreprises privatisables, l’O.P.R.A.G. a du céder depuis septembre

2003, une partie de ses activités à un repreneur privé. Cette concession, établie sur une durée

de 25 ans stipule que la société concessionnaire assurera de manière exclusive l'exploitation,

la remise en état, la maintenance, le renouvellement et l'extension des ouvrages situés sur le

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392

périmètre concédé. L’objectif visé ici, comme pour toutes les autres entreprises soumises à

des plans de restructuration, est de décharger et de désengager l'État de la gestion directe des

activités économiques. De concentrer le rôle de l'État sur la définition des politiques

sectorielles, en définissant leur cadre légal et réglementaire d’intervention.

Ainsi, depuis le 20 septembre 2003, date de signature de la convention de mise en concession

partielle de l'Office des Ports et Rades du Gabon (O.P.R.A.G.), (notamment les deux

principaux ports d’Owendo et de Port-Gentil), au profit d’un groupement espagnol, à travers

sa filiale SIGEPRAG (Société d'Investissement de Gestion et d'Exploitation des Ports et

RAdes du Gabon), la concession stipule l’obligation faite au repreneur d'achever les travaux

de réhabilitation de l'appontement du port d'Owendo.

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393

De contribuer à la résorption du sureffectif de l'O.P.R.A.G., en recrutant parmi son personnel

un effectif de 120 agents. De réaliser des investissements d'un montant de 56 milliards de F

CFA sur les quinze premières années d'exploitation de la concession. De plus, le

concessionnaire réalisera les investissements de maintien et d'extension d'ouvrages portuaires.

Outre le droit d'entrée, il s'acquittera annuellement d'une redevance fixe de 130 millions de F

CFA, et d'une redevance variable équivalant à 15% du résultat brut d'exploitation.

Dans les attributions dévolues à l’O.P.R.A.G. entrait en ligne de compte la gestion de

l'ensemble des ports et rades publics. Il y avait également la mise en œuvre des programmes

de développement des infrastructures et équipements portuaires, en procédant à l'entretien, à

l'exploitation et à l'aménagement des zones industrielles. Cette mise en concession partielle a

eu pour conséquence la scission des attributions opérationnelles suivantes :

les activités de réception aux quais sur les espaces concédés, des navires et des marchandises.

La coordination à l'intérieur du périmètre de la concession des opérations portuaires utilisant

ces installations ;

les fonctions de capitainerie liées aux mouvements des navires, en coordination avec le

commandant des deux ports ;

les services aux navires : pilotage, remorquage et lamanage.

L'O.P.R.A.G. continuera à exister aux côtés de cette structure, en conservant les missions

régaliennes de police portuaire; de sécurité des navires, des marchandises, des biens et des

personnes qu'elle assure pour le compte de l'État. L’entreprise devra également veiller à

l'exploitation, au maintien, au renouvellement et à l'extension des ouvrages et installations

hors concession. La gestion du patrimoine et l'exploitation du port à bois, ainsi que la

définition de la politique portuaire et des études globales sont toujours de son ressort.

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394

Avec l'essor du réseau de communication engagé par le gouvernement et la création d'une

zone franche au port de Port-Gentil, l'État compte étendre l'hinterland des ports gabonais au

niveau de la sous-région, tout comme il envisage de le faire concernant la compagnie de

navigation aérienne et l’ancien monopole d’État qu’est GABON TELECOM.

2.2.7. La S.N.B.G.

L’empreinte de la SNBG dans l’économie gabonaise est marquée. Société d’économie mixte,

(État, divers exploitants forestiers) à forte tradition sociale et citoyenne, pour reprendre l’un

de ses slogans, la SNBG est une société anonyme au capital de 4 Milliards de F CFA,

administrée par un Conseil d’administration et gérée par un Comité de direction. La

répartition du capital de la société est détenu à 51% par l’État gabonais et à 49% par des

exploitants forestiers majoritairement expatriés.

La Société Nationale des Bois du Gabon (SNBG) a été créée en 1944 sous l’appellation

d’Office des Bois de l’Afrique Équatoriale Française (OBAEF), remplacée en 1959 par la

Coopérative des Bois d’Afrique Centrale (CBAE). Celle-ci devint en 1961 l’Office des Bois

de l’Afrique Equatoriale, puis dès 1971, l’ONBG (l’Office National des Bois du Gabon).

C’est en 1976 qu’elle apparaît sous sa dénomination actuelle, avec un monopole exclusif de

l’État sur la commercialisation de l’okoumé et de l’ozigo, ses essences vedettes. Plus tard, en

1988, l’entreprise sera privatisée, en gardant à son actif le monopole de l’exploitation et de la

régulation de la filière bois.

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395

1994, est l’année de la transformation du statut juridique de la société. Elle passe ainsi du

statut d’Établissement Public à caractère Industriel et Commercial (EPIC) à celui de Société

Anonyme à participation financière de l’État qui détient 51% du capital social, mais avec une

gestion désormais strictement privée. En 1998, la mévente du bois gabonais sur le marché

international, consécutive à la crise monétaire et financière asiatique, a conduit à la semi-

libéralisation des exportations de l’okoumé et de l’ozigo vers les marchés du sud-est asiatique.

En 1999, la SNBG recouvre le monopole de la commercialisation de l’okoumé et de l’ozigo,

tout en laissant aux forestiers disposant d’unités locales, la possibilité de transformer et de

vendre directement des essences sur le marché local, suivant un quota dégressif. En 2001, une

dérogation exceptionnelle est faite à la détention de ce monopole.

Pour conforter le caractère désormais privé de sa gestion, la SNBG a lancé un programme de

réorganisation de l’infrastructure informatique et organisationnelle pour être en phase avec les

impératifs de son contexte environnemental et concurrentiel. Elle s’est ainsi spécialisée dans

l’activité de négoce de bois divers, et dans la commercialisation de grumes. Sa position

monopolistique lui donne un rôle de régulateur de la production forestière, par l’attribution et

le contrôle de quotas annuels. Ses missions peuvent être résumées ainsi :

le monopole de la commercialisation à l’export des grumes ;

veiller à l’application des lois et règlements de protection de la forêt, en contrôlant en amont

(au moment des achats) la production des exploitants forestiers ;

être le partenaire et l’interlocuteur privilégié des ONG et des organisations internationales

ayant vocation à s’occuper de la conservation des forêts, de l’exploitation durable des

ressources forestières et du commerce mondial du bois (ATIBT, CITES, OAB, OIB, PNUE,

etc.), dans le cadre du programme de certification et d’éco-labellisation. Un département

« Qualité et certification » a ainsi été créé, garantissant la qualité et la traçabilité des bois

vendus depuis la forêt jusqu’à leur lieu de vente final ;

jouer un rôle de leader « actif » dans le processus de restructuration de la filière bois, et dans

la collecte d’impôts et de taxes pour le compte de l’État.

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396

Si la SNBG se définit comme une entreprise citoyenne et sociale, ce volet reste critiquable.

En effet, une étude portée sur les conditions d’exploitation et de réglementation de

l’exploitation de la forêt laisse apparaître des zones troubles en la matière243

. Par contre, cette

entreprise se définissant comme avant-gardiste, s’est dotée d’outils technologiques

sophistiqués pour renforcer sa force de vente. Le lancement du site web (www.snbg-

gabon.com) de l’entreprise que nous avons d’ailleurs consulté pour des informations

complémentaires, s’inscrit dans cette démarche d’appui à la prospection de marchés, grâce à

la promotion d’informations sur les essences commercialisées.

Pour faire face à la concurrence qui sévit de plus en plus dans son secteur d’activités, la

SNBG a instauré une politique stricte de déstockage, associée à une gestion rigoureuse des

moyens disponibles. Le management de l’entreprise, coordonné par la Direction Générale est

organisé comme suit. La Direction Générale élabore la stratégie et les politiques générales de

l’entreprise avec le concours du collège des directeurs, comme nous le verrons sur

l’organigramme. Cette dernière coordonne et contrôle la mise en œuvre de ses orientations

stratégiques au niveau des différentes directions, dans le cadre des méthodes de management

qu’elle définit.

243

Pour plus d’informations à ce sujet, on peut se reporter à l’article « La forêt prise en otage », paru sur le site :

www.forestsmonitor.org

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397

Elle veille également sur l’orientation des actions de développement, d’adaptation et de

progrès de l’entreprise. Dans cette optique, l’entreprise qui se veut avant-gardiste a, avec

l’initialisation dès septembre 2000 d’un programme de modernisation et d’homogénéisation

de l’ensemble de son système d’information, concrétisé la réalisation du nouveau schéma

directeur stratégique du système d’information. Ce désir d’être à l’avant-garde marque la

volonté de la Direction Générale « de favoriser l’emploi des nouvelles technologies, en offrant

une infrastructure réseau informatique donnant un accès intégré aux logiciels, aux contenus

et à toute autre ressource informationnelle »244

.

Cela s’est traduit par un audit des processus et des solutions à apporter aux besoins de chaque

direction, afin de doter chaque site de l’entreprise d’un réseau Internet performant, permettant

un meilleur partage de l’ensemble des ressources informationnelles, et une meilleure

communication au sein de l’entreprise. Le rôle de la Direction Générale dans cette perspective

est de définir et d’animer la politique de communication, par le truchement de cette direction,

qui n’existe d’ailleurs plus depuis l’exercice 2001.

Figure 33: Organigramme de la SNBG. Source Rapport annuel, 2001

Après la crise de mévente qu’elle a traversée, la SNBG est en train de renouer avec une phase

de rééquilibrage budgétaire et structurel, pour faire face à la concurrence. Voici à titre

indicatif, quelques données chiffrées sur l’activité de l’entreprise.

244

Propos du Directeur des Systèmes d’Information, recueillis dans L’Okoumé tropical, magazine d’information

de la SNBG, septembre 2002, p.12.

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Libellé 1998 1999 2000 2001

Volumes vendus en m3 1009437 1150785 1672185 1394068

Chiffre d’affaires (en millions de F CFA) 68072 105256 156565 122004

Capacité d’autofinancement (en millions de FCFA) -14072 14638 14874 -4296

Fonds de roulement (en millions de FCFA) 10521 10095 20091 12331

EFFECTIFS 258 255 318 328

Tableau 12 : La SNBG en quelsues chiffres. Source rapport annuel 2001, p. 17.

Les ambitions de l’entreprise se dessinent face aux mutations constantes observées dans le

secteur, auxquelles il faut ajouter la concurrence des pays asiatiques notamment. La SNBG,

pour intégrer les impératifs de pérennité de la ressource, encourage désormais la

diversification des activités de la filière bois, à la faveur du développement de

l’industrialisation locale. À terme, il s’agit d’anticiper sur les conséquences d’une politique de

gestion durable de la forêt et d’envisager une stabilisation de la récolte forestière, toutes

essences confondues.

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399

Chapitre VII : Analyse de l’échantillon

Ce chapitre se consacre à l’analyse des données que nous avons recueillies concernant la

pratique du management stratégique dans le contexte d’action des firmes gabonaises

sollicitées. Mais avant d’aborder l’analyse proprement dite, nous allons d’abord effectuer un

rappel par rapport aux objectifs et aux hypothèses de départ. La construction de l’enquête

obéissant à une logique thématique, l’analyse des données suivra la même logique dans sa

démonstration.

Cette étude ayant une visée exploratoire ; elle ne vise pas l’exhaustivité, mais davantage à

défricher des pistes permettant de mettre au jour les dysfonctionnements managériaux que

nous avons décelé au terme de l’analyse. En effet, le moins que l’on puisse dire, c’est que

mener une enquête de cette nature dans le microcosme des entreprises gabonaises n’a pas été

une chose facile à mener. Cela tient à divers motifs, dont « la culture » de la culture du secret,

et la défiance vis-à-vis de la communication d’informations dont on ne maîtrise pas les

rouages d’une part.

Mais cette attitude découle également de la structure du marché gabonais qui est très peu

diversifié et très peu concurrentiel, dans la mesure où finalement chaque entreprise occupe un

secteur bien délimité d’activités et un positionnement confinant chacun de ses opérateurs

économiques à une parcelle d’exploitation sectaire, d’autre part. Notre étude a donc été menée

en tenant compte de ces contraintes, qui sont à l’étude du microcosme des entreprises

gabonaises, ce qu’est la cultuiralité pour l’étude des sociétés africaines.

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400

Section I : Dépouillement et analyse des variables relatives à la

pratique du management stratégique

1.1. Rappel des objectifs de l’étude

Nous avons été porté à effectuer cette étude sur les aspects contingents et structurels du

management des entreprises gabonaises, parce qu’il nous est apparu à la lumière de nos

lectures que les entreprises africaines obéissent particulièrement bien à la logique de ce que

Boltanski et Thévenot appellent « la cité domestique » [1991]. Elle légitime en effet les

rapports qui s’instaurent entre les individus, et qui leur permettent de retrouver les repères qui

vont guider leurs relations dans une situation donnée.

Dans le monde domestique qui est la figure qui correspond le mieux à la structuration des

rapports dans les entreprises et les sociétés africaines de manière générale, ce sont les figures

de la famille, de la tradition et des anciens qui prédominent. L’état de grandeur s’y mesure par

rapport au respect de l’échelle hiérarchique et des traditions, par opposition aux valeurs des

mondes marchand et industriel régis par la rationalité économique et managériale. Par

association/dissociation aux valeurs auxquelles ces deux univers sont régis, l’on distingue

dans le premier cas des organisations économiquement peu efficaces, et dans le second cas

des organisations compétitives et performantes, reposant davantage sur l’esprit individualiste

plutôt que communautariste.

À partir de ces associations/dissociations, l’enjeu de notre étude est de vérifier l’illustration de

ces phénomènes dans l’architecture des firmes retenues, en reliant la manifestation de ces

phénomènes aux performances qu'elles réalisent. Le système d’information, en tant

qu’interface hommes/machine, et parce que les progrès des TIC sont tels que l’on peut

difficilement faire l’impasse sur le poids de la décision informée dans une entreprise, nous

permettra par la suite de déterminer son impact sur le pilotage stratégique.

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401

Nous verrons ainsi de quelle manière l’intégration stratégique du système d’information aux

actes de pilotage stratégique peut aider à l’amélioration des performances globales de ces

entreprises, en permettant de déterminer le type de culture informationnelle que l’on pourra

leur attribuer. En tous les cas, il s’agit de mettre en relief la difficulté d’instaurer un

management stratégique dans un contexte où manifestement vie sociale et vie professionnelle

s’entrechoquent. C’est cette conciliation difficile à établir qui fonde notre perspective de

recherche et nos hypothèses de base sur la nécessité d’une approche contingente indispensable

à l’instauration d’un modèle de management qui tienne compte de cette cohabitation.

Pour mettre en évidence ces logiques, nous nous appuyons sur « l’hypothèse élargie de

configuration » qui lie l’efficacité d’une structure à la cohérence des variables internes, ainsi

qu’aux facteurs de contingence [cf. Mintzberg 1996], elle-même résultant de deux postulats

renvoyant à deux hypothèses centrales développées par Mintzberg sur l’analyse des

configurations organisationnelles : « l’hypothèse de congruence » qui implique que

l’efficacité d’une structure soit en adéquation avec sa situation (ses environnements) ; et

« l’hypothèse de configuration » qui implique un minimum de cohérence interne entre les

différents paramètres de conception des tâches.

Cette hypothèse élargie de configuration se complète bien avec les principes de

« contingence » et du « fit » d’Éric Delavallée [1996] qui lient l’efficacité d’un système à une

adéquation entre ses variables (d’efficacité) et une situation donnée ; et « le principe du fit »

qui lie l’efficacité du système à une cohérence entre ses différentes variables. « L’hypothèse

élargie de configuration » et les principes de « contingence » et du « fit », nous fournissent

ainsi des variables adaptées à l’élaboration d’hypothèses, nous permettant a posteriori de les

valider ou de les invalider.

En effet, une façon tangible de mesurer l’efficacité de ces organisations, est non seulement de

se référer à leur productivité, en termes de résultats économiques notamment. C’est pour cela

que nous avons présenté les activités de ces entreprises, pour mieux rendre compte des

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402

interactions conjuguées entre leur management, leur environnement stratégique et le degré

d’implication de leurs membres. Ces trois facteurs constituent en quelque sorte les ingrédients

moteurs/catalyseurs du pilotage stratégique d’entreprise, car ils sont au cœur de la mise en

œuvre des processus qui conditionnent leurs succès, ou leurs échecs.

Organiser (avec efficacité) suppose en effet de créer des relations efficaces de telle sorte que

des individus puissent travailler ensemble avec efficience, et tirer une satisfaction personnelle

des diverses tâches qu’ils accomplissent dans un environnement donné. Ceci, dans le but

d’atteindre une certaine fin ou un certain objectif personnel ou collectif. Nous verrons si c’est

le cas ici, et comment cela peut s’expliquer.

Ces pré requis établis, nous avons formulé une hypothèse centrale gouvernant l’ensemble de

notre problématique à savoir que dans le contexte des entreprises ici étudiées, il existe un lien

de consubstantialité entre management et structures organisationnelles, elles-mêmes étant

influencées par l’imbrication de contenus sociétaux extérieurs à l’entreprise. C’est cette

hypothèse centrale qui nous a permis de formuler les deux hypothèses suivantes :

- Hypothèse 1 : la performance d’une entreprise est en corrélation avec le degré de

cohérence entre rationalité managériale et rationalité culturelle.

- Hypothèse 2 : le ratio performance économique et sociale/logiques individuelles est un

élément essentiel à la compréhension et au fonctionnement de ces organisations.

Sur la base de ces hypothèses, notre étude vise ainsi à mettre en relief, à partir de

l’investigation de ces entreprises, les facteurs de réussite ou d’échec imputables à la politique

générale de ces entreprises, et par conséquent à leur mode de pilotage stratégique. Autrement

dit, nous voulons à partir de la réalité de nos observations sur le terrain, expérimenter les

facteurs clés de succès ou d’échec de la politique générale d’entreprise, en soulignant la place

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403

accordée aux pratiques et politiques informationnelles du système d’information dans les

actes de pilotage stratégique, dans le second volet de notre thématique.

Grosso modo, il est nécessaire pour nous de s’accorder dans ce cas précis sur la ou les

méthodes les mieux appropriées à la cohabitation de la rationalité managériale/économique et

de la rationalité sociale/identitaire, en nous demandant comme Kanyi O’Cloo [1991], s’il

s’agit « de ramener ces deux réalités l’une à l’autre, ou d’adapter la culture et les pratiques

d’entreprise en Afrique » ? De substituer à la logique occidentale des théories managériales

des logiques plus en phase avec celles du communautarisme des cultures africaines ? Plus

simplement, vaut-il mieux adapter ou s’adapter ? » (p.15).

Quelle que soit l’approche retenue, ces interrogation pointent directement sur la redéfinition

des modèles d’action et des conditions d’existence de ces entreprises. Pour notre part, il

s’agira d’éclaircir la manière de concilier ces deux univers, et la manière dont ils se donnent à

lire au vu de l’approche terrain. Notre étude procèdera d’une approche clinique hypothético-

déductive à visée illustrative comme champ expérimental, où l’enquêteur cherche la

validation ou la non-validation des hypothèses préalablement constituées.

À partir de l’idée de performance, nous allons sur la base de facteurs relevant

indépendamment ou conjointement des problèmes de coopération, de coordination et

d’adhésion, risquer des interprétations sur le style de management et le type de structure

organisationnelle. Mais en tous les cas, cela nous permettra de désigner ce qui justifiera

l’attribution du qualificatif de « performante » dans une entreprise plutôt que dans une autre.

Par analogie à la terminologie d’Annick Bourguignon [1996], nous privilégions d’abord

l’acception de la performance en tant que variable chiffrée manifestant le produit d’une

somme d’actions. C’est en effet elle qui opère par ricochet sur le résultat produit (ratio), en

tant que ressources capitalisées d’expériences et de savoir-faire. Nous relevons que cette

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404

polysémie remplit une fonction politique, idéologique et sociale identique à celle du

management.

Ce contenu est indispensable à la compréhension et à l’interprétation des problèmes qui ont

cours au sein de ces organisations, car il est chargé des valeurs que lui donnent les individus.

Il répond à notre souci d’aider à la compréhension du management des entreprises africaines,

mais plus singulièrement à celui des entreprises gabonaises de notre corpus. En tout état de

causes, la résolution, ou du moins la compréhension -pour ne pas être péremptoire- des

phénomènes qui rythment la vie des organisations ne se comprend que partiellement, si l’on

oublie de prendre en compte ces interactions, comme les différents travaux que nous avons

présenté l’attestent.

La portée du concept de « performance » n’est donc pas dénuée d’intérêts, puisqu’il s’agira au

regard de résultats économiques tangibles de vérifier la performance d’une organisation

comparativement à une autre. De dégager concomitamment les compétences-clés qui ont

permis de réaliser une telle performance, aux fins de rapprocher ce résultat de la politique

générale de l’organisation en analyse.

En somme, de risquer telle ou telle interprétation par rapport au management stratégique de

ces entreprises, en y évaluant la place et/ou au rôle des systèmes d’information dans les actes

de pilotage stratégique. En un mot, l’on pourrait dire que toutes les entreprises disposent

potentiellement de la ressource performance. Seulement, toutes n’arrivent pas pour diverses

raisons, qu’il nous appartient ici de déchiffrer, à en tirer des avantages concurrentiels ou des

gains de productivité.

1.2. Dépouillement et analyse des données relatives à la coexistences des

rationalités économique et sociale

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Le but des questions ici traitées était de déterminer à partir des propos de nos interlocuteurs la

dynamique managériale, au plan individuel et collectif, dans la stratégie d’entreprise. C’est de

l’ensemble de ses réponses, faites à partir de questions fermées multiples (3) et ouvertes (7),

que nous tirons la substance des conclusions auxquelles nous sommes parvenues suite à cette

confrontation.

Le parcours de traitement et d’analyse retenu consiste à établir une typologie des entreprises

de notre corpus, adaptée de la classification de la théorie de Boltanski et Thévenot [1991], qui

distinguera les entreprises performantes des autres, par rapport aux valeurs/logiques

dominantes repérées à l’intérieur de ces entreprises. Par association/dissociation avec les

théories de la firme que nous avons retenu comme pertinentes à l’analyse de ces

organisations, nous en tirerons des interprétations.

De prime abord, cette classification nous porte à dresser une frontière entre entreprises privées

et entreprises publiques. Parce que dans les faits, et à travers les propos de nos interlocuteurs,

la rationalité économique prend le dessus sur les considérations liées à la rationalité culturelle

et sociale, en faveur d’un camp plutôt que dans l’autre. En outre, la variable « positionnement

stratégique », qui se réfère au champ d’action stratégique de ces entreprises, nous a également

permis de voir que dans l’ensemble la stratégie de ces entreprises était localement orientée, et

que ce positionnement influençait considérablement leurs résultats.

Nous verrons au terme de nos analyses l’importance de cette variable dans la conduite et

l’efficacité des stratégies déployées par ces entreprises au plan de la rationalité économique.

C’est la prise en compte de cette donnée qui nous permet de dresser une première

classification d’entreprises qui apparaît selon le champ d’intervention stratégique, à travers le

tableau suivant :

Positionnement stratégique

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406

Secteur

d’activités

Local National Régional International

Banque BGFI

BGFI, BICIG, UGB BGFI, UGB BGFI, UGB

Bois SNBG SNBG

Télécommunications CELTEL,

G.TELECOM

CELTEL

Transport aérien AIR GABON AIR GABON AIR GABON

Activités portuaires

O.P.R.A.G.

TOTAL 1 8 4 4

Tableau 13 : Positionnement stratégique et activité de l'entreprise.

À partir de ce tableau, on voit clairement que le champ d’intervention stratégique de ces

entreprises se situe majoritairement sur le marché national. Ce positionnement tient au fait

que ce sont des entreprises nationales, qui éventuellement par la nature de leurs activités

peuvent être amenées à élargir leur sphère d’activités vers d’autres marchés. C’est notamment

le cas d’AIR GABON et de la SNBG, dont les activités commerciales les obligent pour ainsi

dire à s’ouvrir sur l’extérieur. Au-delà de cet aspect, pour les autres entreprises, c’est une

question de stratégies qui relève à la BGFI de la volonté d’expansion et de développement de

parts de marché d’un groupe local, à la différence des autres entreprises qui sont des filiales

de groupes étrangers.

Se démarquant de toutes les entreprises locales en la matière, la BGFI est la seule entreprise à

avoir recherché l’expatriation de ses actifs stratégiques en s’implantant en dehors des

frontières nationales, au niveau régional et bientôt international, avec l’ouverture d’une

agence à Paris. Le cas de l’U.G.B. et de CELTEL GABON sont différents car il ne s’agit ni

plus ni moins que de filiales de groupes occidentaux qui ont délocalisé une partie de leurs

activités.

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407

Si l’on s’accorde sur le fait qu’organiser, c’est créer des relations efficaces, l’hypothèse

élargie de configuration comme grille de lecture des différentes variables ici analysées permet

de mettre au jour les relations qui se dessinent entre la stratégie d’une entreprise, sa

réalisation, et les aspirations et l’implication de ses membres, par rapport à la détermination

de résultats économiques tangibles. Autrement dit, cette hypothèse permet de jauger le style

de management à l’œuvre dans ces firmes. Lorsqu’on détaille sous divers angles leurs facteurs

de productivité, l’esprit d’équipe arrive distinctement en tête suivi de près par l’adhésion au

projet collectif et par les investissements, toutes entreprises confondues, comme indiqué dans

le tableau et le graphique ci-après.

Tableau 14 : Évaluation statistique des facteurs de productivité dans la stratégie d'entreprise.

Les valeurs du tableau sont les nombres de citations de chaque couple de modalités.

Figure 34 : Représentation graphique des facteurs de productivité dominants selon l’activité

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Le fait que les facteurs de cohésion arrivent en tête (esprit d’équipe et adhésion au projet

collectif) sont pour nous un indice de la volonté d’instituer un socle viable pour piloter

l’entreprise, qui transcende le regroupement dans une catégorie plutôt que dans l’autre. Dans

le cas de la BGFI, de l’U.G.B. et de CELTEL GABON, on note que ces valeurs sont en

adéquation avec le projet d’entreprise, avec les principes de contingence et du fit d’Éric

Delavallée [1996], comme cela ressort des propos du Directeur des Ressources Humaines des

Affaires Générales et de la Communication de la BGFI, qui nous a d’ailleurs déclaré qu’il

n’hésitait pas à prendre des sanctions lorsque cela s’avérait nécessaire. Les propos suivants

traduisent cet état d’esprit :

« Fer de lance et partie prenante du projet d’entreprise et de la qualité du personnel recruté, la

DRHAGC s’occupe de la gestion du patrimoine immobilier, matériel et immatériel de

l’entreprise. Elle veille également au respect de l’organisation des procédures, dans le cadre

de la gestion des projets de l’entreprise. Partie prenante dans la gestion des hommes, de la

communication et des carrières, ce sont autant de projets facilitateurs qui permettent de

mobiliser les membres de l’organisation, car on ne peut diriger les hommes, sans impliquer

les gens ».

Pour la Directrice du Marketing de CELTEL, « … c’est un état d’esprit à destination de la

connaissance du produit ». Ainsi, la variable positionnement stratégique, nous amène à

constater que selon qu’elles relèvent d’économies mixtes, d’intérêts ou d’une gestion privés,

les performances et la productivité de ces firmes se ressentent sur leurs résultats. Ce point de

vue peut être corroboré par différentes assertions de nos interlocuteurs, concernant

l’imbrication des réseaux sociaux dans la vie de l’entreprise, mais aussi vis-à-vis de leur

expérience face à ce phénomène.

Nous allons donc examiner le lien entre la performance/productivité de ces entreprises et

l’impact des réseaux sociaux, par rapport à la classification que nous avons préalablement

faite quant à leur champ d’intervention stratégique (national, régional ou international), en

tant que moteur de l’action stratégique. Cela est d’autant mieux vérifié que la stratégie des

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entreprises privées s’avère bien être en adéquation avec le projet d’entreprise, tandis que dans

les entreprises publiques et parapubliques, les aspirations individuelles des cadres sont brisées

par la politique générale d’entreprise, qui s’effectue sans réelle prospective. Pour cela, nous

nous appuyons également sur les réponses apportées à la variable « définition de la

performance ».

S’adaptant à la réalisation des objectifs du projet d’entreprise, la définition la plus

revendiquée est celle de la performance en tant que ratio, car ce ratio permet de mesurer

l’efficacité d’un projet, comme l’atteste la réponse apportée par le Directeur des Ressources

Humaines de la BICIG : « En principe oui, car la politique actuelle de l’entreprise repose sur

une culture de résultats, où l’excellence a une place de choix ». Et celle du Directeur Central

de l’Exploitation de l’U.G.B. qui reconnaît que « c’est en adéquation avec le plan d’actions

commerciales de l’entreprise. Le Groupe Crédit Lyonnais a un pilotage stratégique à

l’échelle internationale. Ici, c’est le Comité de direction qui joue ce rôle ».

Tableau 15 : Récapitulatif de la valeur dominante associée à l'acception de la performance

chez les managers.

Les valeurs du tableau sont les nombres de citations de chaque couple de modalités.

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Figure 35 : Représentation graphique des valeurs associées à la définition de la performance

La constante qui se dégage, c’est que dans les entreprises publiques, où qui ont partie liée

avec l’État, on note la prépondérance des réseaux sociaux dans le management de l’entreprise.

À GABON TELECOM, comme à AIR GABON, l’une des raisons de la non productivité de

ces entreprise tient au fait que les compétences et l’avis des agents concernant la gestion

quotidienne de l’entreprise ne sont pas considérés à leur juste valeur. Cela se traduit par un

sentiment de frustration et de démotivation qui renforce l’immobilisme des agents de ces

entreprises.

Plusieurs réponses aux questions relatives au degré d’interférence des réseaux sociaux dans

l’organisation de ces entreprises vont dans ce sens. Il en va de même avec la considération des

facteurs de productivité plébiscités dans l’entreprise, qui manifestent autant un désir de

changement organisationnel qu’un vif désappointement. Le tableau et le graphique suivants

manifestent la réalité de ces réseaux dans l’organisation de ces entreprises, puisque interrogés

à ce sujet, les différents managers se sont majoritairement reportés sur la proposition

« effectuer un savant dosage de ces deux réalités », car le management de leur entreprise est

ponctué par la coexistence de ces deux rationalités.

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Tableau 16 : L’impact des réseaux sociaux dans l'organisation des firmes.

Les valeurs du tableau sont les nombres de citations de chaque couple de modalités.

Directeur des Ressources Humaines

2 2

1

Directeur Commercial et Mar

keting

3

1

Directeur de la Co

mmunication et des

1

2

1

Directeur des systèmes d'information

1

2

Directeur Informatiq

ue

1 1 1

Autres,précisez.

1

2

Faire coexister la rationalité managériale et rationalité des réseaux sociaux Adapter la gestion aux valeurs des sociétés africaines

Effectuer un savant dosage de ces deux réalités Tenir compte des zones de pouvoir formelles et informelles

Autres, précisez

0

3

Figure 36 : L'impact des réseaux sociaux chez les managers

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412

Si l’un de nos interlocuteurs à AIR GABON a clairement émis un avis défavorable quant à

l’imbrication des réseaux sociaux dans l’organisation de l’entreprise, parce qu’il a vécu une

expérience douloureuse, les autres avis restent plus mesurés. Pour donner un ordre de

grandeur voilà la traduction de ces positions, à travers divers morceaux choisis. À titre

d’exemple, la Directrice des Relations Publiques d’AIR GABON nous a donné un avis

d’autant plus franc qu’il était le fruit d’une expérience personnelle. Pour elle, la question n’est

pas de savoir s’il faut faire coexister ou effectuer un savant dosage entre rationalité

économique et sociale, c’est précisément là qu’est le problème. Ce qu’il faut, c’est « valoriser

les compétences au détriment de toutes autres considérations. La productivité n’en est que

meilleure, et le climat social reste sain ».

Son collègue, amené à se prononcer sur le même phénomène, s’il adopte une position plus

souple reste convaincu que ce n’est pas tant un mal en soi. Mais il pense plutôt que c’est

l’usage de ces réseaux qui est dénaturé, et qui s’avère finalement problématique. Voilà ici

traduite sa pensée : « Quelque soit l’entreprise, le social joue toujours. C’est plutôt un

problème de choix effectué par des hommes. L’essentiel est de ne pas saborder les projets de

l’entreprise. En fait, c’est l’usage, ce n’est pas mauvais en soi". Ce sentiment est également

partagé par le Directeur des Ressources Humaines de la BICIG, qui nous a confié qu’il avait

plutôt un avis mitigé sur la question. Pour lui, « c’est plutôt l’une des causes du phénomène.

La première des causes, c’est la gestion en tant qu’activité indépendante de toute autre

considération. Le but d’une entreprise, c’est avant tout le profit ».

Même si GABON TELECOM s’est doté d’un nouveau statut juridique, cela n’enlève rien à ce

qu’elle a toujours été : un monopole d’État dans le domaine des télécommunications, qui

demeure en partie dans la conservation du réseau de téléphonie fixe. Ce qui fait que les

performances et les objectifs stratégiques de l’entreprise ne sont pas toujours en adéquation

avec sa réalité économique. Ici, les interlocuteurs avec lesquels nous nous sommes entretenu,

contestent moins la réalité des réseaux sociaux que la dynamique qu’ils manquent d’insuffler

dans la vie et l’organisation de l’entreprise, tant par l’épanouissement des membres que par la

santé financière de l’entreprise.

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414

Si pour le Directeur de l’Informatique, ce n’est pas une mauvaise chose, le moins que l’on

puisse dire c’est qu’il reconnaît que ces derniers sont susceptibles de troubler le

fonctionnement optimal de l’entreprise, quand il dit : « L’imbrication des réseaux sociaux

dans la vie des entreprises est une bonne chose. Les dysfonctionnements proviennent souvent

des incompréhensions entre les instances dirigeantes et les employés. Les employeurs ont

toujours tendance à tirer le maximum de profits sans réactualiser la situation du salarié. La

rationalité managériale n’exclut pas l’influence des réseaux sociaux. Elle doit au contraire la

prendre en compte en instaurant un dialogue permanent avec les partenaires sociaux ».

Pour son collègue du Secrétariat Général c’est plus ou moins le même son de cloches. Pour

lui, l’efficacité de l’imbrication des réseaux sociaux se vaut en tant que « force de

propositions ». Voilà exactement ce qu’il en pense : « Ils [les réseaux sociaux] devraient être

d’un précieux apport pour les managers si et seulement si on les considère dans leur rôle de

force de propositions. Le problème se pose à partir du moment où ces réseaux font fi des

réalités économiques des entreprises et revendiquent des avantages ou des réajustements

disproportionnés au niveau de l’outil de production, au niveau de l’amélioration des

conditions de travail ».

De ces différents points de vue, il se dégage une tendance à la prise en compte de ces réseaux,

en tant que réalité omniprésente de la vie de ces entreprises, indépendamment de

l’appartenance au secteur public ou privé, comme statistiquement indiqué sur le tableau et le

graphique précédents. Les Directeurs des Ressources Humaines et des Relations

Internationales de l’O.P.R.A.G. nous l’ont fait remarquer. Le premier dit ceci : « Tout à fait

de cet avis, d’autant plus que l’africain établit difficilement la frontière entre relation

amicale, parentale, politique et professionnelle ».

C’est fort de cette réalité, que de son point de vue, il convient pour le bon fonctionnement des

entreprises africaines d’effectuer un savant dosage entre rationalité managériale et rationalité

sociale. En effet, nous dit-il : « Même si cela n’est pas facile, il vaut mieux faire ce dosage.

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L’entreprise a sa réalité, une orthodoxie de gestion. Mais en Afrique, il faut malheureusement

tenir compte des autres pesanteurs « extra-entreprises » ».

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416

Là où nous trouvons caricatural le discours produit par notre interlocuteur, c’est quand nous

lui demandons si effectivement la définition qu’il a retenu de la performance cadre bien avec

les objectifs stratégiques de son entreprise. La réponse fournie nous semble précisément

refléter la réalité de la vie de cette entreprise, et celle des entreprises publiques de manière

générale. En effet, l’argumentation fournie sur la coexistence rationnelle des réseaux sociaux

et des impératifs économiques de cette entreprise, est démentie par l’actualité, à cause du

démantèlement d’une partie des activités consécutif aux problèmes de gestion.

Si l’O.P.R.A.G. était une entreprise bien gérée, elle n’aurait pas été conduite à brader une

partie de son patrimoine. Dire que les objectifs stratégiques cadrent avec la définition de la

performance car les maîtres-mots de la stratégie de l’entreprise sont « efficacité » et

« efficience » ne reflète aucunement la réalité de la dynamique de l’entreprise. Mais l’avis le

plus édifiant pour nous, dans la mesure où il s’avère être en parfaite et évidente contradiction

avec les objectifs stratégiques de l’entreprise, reste celui de la Directrice des Relations

Internationales. Elle dit ceci :

« Oui, la jeunesse de nos économies et de nos structures socio-industrielles et commerciales

sont assujetties à nos économies, à nos habitudes qui restent profondément traditionnelles. La

famille reste encore une source puissante dans l’organisation sociale. Nous disposons encore

d’économies humanisées. A contrario, les vieilles nations industrielles sont déshumanisées et

devenues insensibles au nom de la compétitivité ».

Si les autres responsables d’entreprises consultés ne dénient pas la présence et l’impact des

réseaux sociaux dans la vie de leur entreprise, ils ne perdent pas non plus de vue que la

finalité d’une entreprise reste avant tout le profit. Dès lors, c’est l’efficacité dans la

dynamique de gestion et dans la stratégie de l’entreprise qui ne doit pas être perdue de vue. À

la question : « L’acception retenue s’accorde-t-elle avec les objectifs stratégiques de votre

entreprise ? », la réponse de notre interlocutrice est sans appel, mais énergiquement assumée,

c’est : « Non ».

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417

S’il est louable de constater qu’il subsiste encore des économies à visage humain, ne

participant pas à la course effrénée vers la compétitivité comme elle le dit, on a à travers ce

point de vue l’illustration médiocre des conséquences d’une gestion faisant passer la

rationalité culturelle et sociale au-dessus de la rationalité économique, par rapport à la

longévité d’une entreprise. D’ailleurs, la cession d’une partie des actifs de cette entreprise à

un promoteur privé justifie pour nous les limites de cette approche, quand elle s’effectue au

détriment des intérêts de l’entreprise, comme c’est visiblement le cas ici.

Déjà, ces quelques exemples nous montrent l’arbitraire de ces organisations au niveau de

l’application et du suivi de règles de management et de gestion saines. Cela se répercute au

niveau de la cohérence entre les paramètres de conception des tâches, par la récurrence de

structures fonctionnalisées et fortement centralisées, ainsi que par le manque d’engouement

des membres de ces firmes, dont dénote la faiblesse de leur implication. À ce propos, le point

de vue de la Responsable des Relations Publiques et de la Communication d’AIR GABON est

remarquablement intransigeant. Elle dénonce en effet les ravages des réseaux sociaux, à partir

de sa propre expérience. Voilà intégralement retranscrit les propos qu’elle a tenu :

« C’est une réalité patente et un mal pour le développement des entreprises et leur efficacité.

Les compétences ne sont pas reconnues, seuls les critères et les relations sociales sont

privilégiés. Quand les interventions sociales sont trop contraignantes au point de vous

assujettir professionnellement, vous ne pouvez que vous soumettre pour ne pas risquer de

perdre votre emploi. J’ai été victime de ce fait. J’ai été placardisée et rétrogradée. Chassée du

poste qui correspondait à mon profil, marginalisée, pour des motifs non professionnels.

Victime de harcèlements au profit de quelqu’un qui socialement pesait plus lourd ».

C’est précisément ce type d’expériences qui constitue la majeure partie des phénomènes

d’immobilisme et de non productivité observables dans ces firmes. Un autre exemple se

trouve ici matérialisé dans les propos de l’un de nos interlocuteurs à GABON TELECOM :

« L’équipe dirigeante dont je faisais partie a eu à entamer des négociations avec des

partenaires sociaux en leur opposant une fin de non recevoir compte tenu de la santé

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financière de l’entreprise. Mais ce furent les Hautes Autorités Politiques qui intimèrent

l’ordre de lâcher du lest, et dès lors quelques avantages furent accordés de manière tout à

fait non planifiés ».

La synthèse de toutes ces propositions, nous porte vers un premier bilan : la participation

majoritaire de l’État à la gestion de ces entreprises, n’est pas de nature à favoriser la pratique

de politiques managériales viables. Si l’on s’accorde sur le fait qu’organiser, c’est créer des

relations efficaces, ni l’hypothèse élargie de configuration, ni les principes de contingence et

du fit ne se vérifient ici. L’analyse des différentes variables précédemment évoquée

(positionnement stratégique, définition de la performance, facteurs et sources de productivité,

réseaux sociaux), accrédite le fait que les relations entre la stratégie d’entreprise, sa

réalisation, et les aspirations et l’implication de ses membres, sont intimement liées aux

performances de ces firmes.

Ces relations sont au cœur de l’armature du système stratégique d’une entreprise, car elles

permettent de jauger le style de management qui y est à l’œuvre. Pour l’heure, nous

n’insisterons pas davantage sur ce premier constat. Ce qui est sûr, c’est que ces interventions

réduisent la compétitivité de ces firmes, encore plus outrageusement quand leur champ

d’intervention stratégique se limite au marché local. Comme le traduit cet extrait, des

pressions existent, en tant que frein à la pratique et à l’observation de règles de management

efficientes, dont témoignent les propos suivants tenus par un cadre de la SNBG : « Il y a

incontestablement des problèmes de rationalisation du personnel en raison des pressions de

la République. Les plans de compression du personnel sont difficilement appliqués. Il faut

composer avec ces réalités ».

Parallèlement, l’empreinte des réseaux sociaux dans les firmes issues de filiales de groupes

étrangers, privées ou tenues par des expatriés ne pénalisent pas autant leur activité. En

général, la prise de sanctions et le mode de gestion est fait pour écarter la prépondérance de

tels phénomènes. À la BGFI, le fait que la gestion soit privée d’une part, et que de nombreux

cadres dirigeants de l’entreprise soient des expatriés en altèrent la portée.

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419

Ainsi, la perception et les expériences de deux expatriés au sein de deux banques de la place,

nous aiguillonnent vers cette direction. À la BGFI, si l’existence des réseaux sociaux sont

subsumés, c’est grâce au recadrage systématique des individus sur le projet d’entreprise, et à

la réalisation de ses objectifs stratégiques, comme indiqué dans le passage suivant :

« Lorsque cela se produit, j’effectue un rappel par rapport au projet d’entreprise. Il faut lutter

avec ces systèmes très ancrés, car les dysfonctionnements sont grands, et d’autant moins bien

perçus lorsqu’il y a des sanctions. Car le cartésianisme est une valeur occidentale.

Malheureusement, et je le comprends d’autant moins que la sphère privée ne devrait pas

empiéter sur le bon fonctionnement de l’entreprise. Il y a eu un incident avec une employée de

caisse qui a détourné des fonds de la banque, au prétexte qu’elle était victime d’un sortilège.

Ma réaction a été immédiate : je l’ai faite emprisonnée, car elle refusait de restituer les fonds

soustraits. Il faut prendre en compte les bons ou les mauvais effets de ces phénomènes, tout en

sachant qu’il faut répondre aux exigences de la mondialisation ».

À l’U.G.B. nous retrouvons le même discours à travers l’expérience du Directeur Central de

l’Exploitation. Pour lui, « Il est vrai que les notions d’ethnies perturbent le bon

fonctionnement de l’entreprise. Par expérience, je les occulte pour cause de rendements avant

tout. L’objectif est avant tout de travailler, de faire de bons résultats. ». Par opposition à

l’esprit des entreprises publiques où la culture du résultat fait cruellement défaut, certainement

du fait des missions de service public auxquelles elles sont soumises, et à l’abus de position

dominante dont certaines bénéficient encore. On a là une approche managériale plus

rationnelle et équilibrée, en ce sens qu’elle se focalise d’abord sur la santé financière de

l’entreprise, seule garante efficiente de l’organisation, et de l’épanouissement de ses

membres.

Mais même avec leur présence/absence et vice-versa, les performances des entreprises privées

sont au-dessus de celles des entreprises publiques et parapubliques, car elles privilégient

flexibilité et rationalité économique avant tout. C’est cette distinction qui explique en majeure

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partie les différences de résultats et de styles de management entre entreprises privées et

publiques, parce que ces dernières mettent trop souvent l’accent sur des considérations qui

empiètent visiblement sur leur productivité.

Ces considérations, parce qu’elles ne sont pas mises au service de l’efficacité et de

l’efficience de ces entreprises, non seulement renforcent le sentiment d’extériorité vis-à-vis de

l’entreprise, dont témoignent les écrits de Hernandez (1997-2000) et d’Ollomo [1987], mais

compromettent à terme leur existence, parce que la réalité des entreprises publiques et

parapubliques est liée à celle des programmes de restructuration et de privatisation.

Il n’y a pas d’identification au projet et aux objectifs stratégiques à atteindre, précisément

parce que les individus ne bénéficient pas toujours de la reconnaissance et de la valorisation

de leurs compétences et de leur statut dans l’organisation de l’entreprise. Cette absence de

reconnaissance fait que l’identification à l’entreprise se résume à la source de revenus qu'elle

procure, indépendamment de la valeur ajoutée que l’on doit y apporter. Pour illustrer cette

carence, le Directeur Central de l’Exploitation de l’U.G.G.B. nous a conté l’anecdote

suivante : « Un directeur expatrié dans une agence arrive à l’heure de la prière du coté des

guichetiers et de des clients. Imaginez la suite… »

Du côté de CELTEL et de la BICIG, qui faut-il le rappeler sont des entreprises privées, on

retrouve le même déterminisme par rapport à l’outil de travail : « Nous sommes une

entreprise privée avec un style anglo-saxon. C’est une approche complètement différente […].

Je m’efforce de limiter les relations au plan strictement professionnel pour éviter tous

débordements. […] il s’agit ici de la réussite et du succès d’une entreprise via le travail

d’équipe », comme cela ressort des propos de notre interlocutrice à CELTEL.

Le Directeur du Marketing de la BICIG, n’en pense pas moins, puisque il nous a dit : « Oui,

en partie dans les entreprises publiques ou parapubliques dans lesquelles la présence de l’État

est encore forte. Pour préserver la croissance de l’activité, il faut également tenir compte des

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421

mentalités et des aspects humains dans l’environnement local. En un mot, il faut prendre en

compte les données de l’environnement ».

Si la structure des entreprises privées est-elle aussi centralisée et fonctionnalisée, la différence

provient du style de management, au niveau de la gestion des hommes et du pilotage

stratégique. C’est cette distinction faite à partir de l’analyse des données des variables

« positionnement stratégique », « définition de la performance » et « réseaux sociaux », qui

nous a permis de dégager une nouvelle répartition, établie sur la base de la prédominance de

l’une ou l’autre des figures décrites par Boltanski et Thévenot [1991] que nous avons

consigné dans le tableau ci-dessous.

Classification des firmes en fonction de la rationalité

prédominante

Rationalité sociale Rationalité économique

Entreprises publiques ou

parapubliques

Entreprises privées

Positionnement

stratégique

Local BGFI

National AIR GABON-

GABON TELECOM- O.P.R.A.G.-

SNBG

BGFI- BICIG- UGB-

CELTEL

Régional BGFI- UGB- CELTEL

International BGFI- UGB

Tableau 17 : Positionnement stratégique et rationalité managériale

Cette répartition des entreprises est certes réelle, mais en même temps trop manichéenne. En

recoupant les réponses faites par nos différents interlocuteurs, nous nous sommes rendu

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compte de cette lacune. Si l’on prend l’exemple de la SNBG, d’AIR GABON et de

l’O.P.R.A.G., ce sont toutes des entreprises parapubliques, si l’on se réfère à la répartition du

capital, et à la gestion privée qui les caractérisent. En se référant strictement à cette

classification, on perd de vue la richesse et la diversité de la réalité managériale de ces

entreprises, dont les cadres s’accordent pratiquement tous sur la nécessité de ne pas perdre de

vue les objectifs de gestion stratégique.

Ce qui reste néanmoins une constante immuable dans la répartition des entreprises de ce

tableau, c’est que les performances des entreprises privées sont au-dessus de celles des

entreprises publiques ou parapubliques, qui connaissent toutes, ou ont connu des plans de

restructuration/privatisation. Un autre fait majeur de cette disparité tient à la quasi-absence de

culture du résultat des entreprises publiques. À travers le concept d’isomorphisme structurel

évoqué par Philippe Baumard [1996], nous trouvons dans la constitution de ces firmes, une

explication non seulement à leur manque de compétitivité, mais aussi à leur champ

d’intervention stratégique.

Toutes ces entreprises ont été créées par l’État gabonais au lendemain de l’âge d’or de la

découverte des gisements pétrolifères. Toutes, sans exception, sont des déversoirs de main-

d’œuvre qui contribuent à handicaper leurs performances d’une certaine manière,

comparativement à la richesse qu’elles produisent. L’isomorphisme structurel dont parle

Philippe Baumard à propos des pathologies liées à la gestion de l’information dans les

grandes organisations, se manifestent ici par l’isomorphisme des réseaux socio-politiques qui

se prolongent au sein de ces firmes, et en influencent manifestement les règles.

Pour ces firmes, tant que l’État injectait de l’argent pour effectuer des redressements et sauver

des emplois, ces dysfonctionnements pouvaient être maquillés. Malheureusement, depuis la

crise qui perdure et les difficultés de l’État protecteur, les limites de leur compétitivité se font

aujourd’hui cruellement ressentir, surtout qu’elles ne sont plus en situation de pur monopole.

Situation dont elles se sont d’ailleurs accommodées, sans pour autant diversifier leurs

activités. La SNBG a notamment réchappé de la faillite financière en 2002 grâce à une

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recapitalisation de l’État, qui lui permet aujourd’hui de retrouver l’équilibre financier. Elle a

ainsi opéré un « lifting » au niveau de son comité de direction, qui s’est depuis traduit par une

politique managériale orientée vers la satisfaction et la réalisation des objectifs stratégiques de

l’entreprise.

Ce sursaut est dû à l’âpreté de la concurrence dans le secteur, et au symbole que représente

cette entreprise dans le paysage socio-économique de l’économie gabonaise. Mais malgré ces

efforts consentis à la SNBG, le point faible des entreprises publiques et parapubliques tient au

fait qu’elles doivent très souvent se soumettre aux pressions de la République, qui ne

s’avèrent pas toujours compatibles avec la détermination de leurs objectifs.

GABON TELECOM par exemple est depuis peu privatisée, mais conserve dans la

structuration de son organigramme les lourdeurs et la rigidité d’une entreprise bureaucratique.

Elle a cependant pris conscience de la compétitivité régnante dans son secteur d’activités,

puisque désormais elle va étendre son champ d’action stratégique au sein d’autres pays de la

sous-région, tout comme AIR GABON.

Le poids de la puissance publique est l’un des éléments caractéristique du manque de

compétitivité de ces entreprises, mais pas seulement. Il y a également des problèmes de

reconnaissance/valorisation que nous avons déjà soulevé, et qui font cruellement défaut à la

motivation et à l’implication du personnel dans le projet d’entreprise. Ils se ressentent

visiblement sur la performance de ces firmes, parce qu’elles semblent s’être dégagées de toute

obligation de résultats. À titre d’anecdote, nous avons été accueilli à l’entrée d’un service de

la C.N. AIR GABON par ce message : « Ici, nous sommes atteints par le S.I.D.A. ».

Entendez, « Salaire Inchangé Depuis des Années ».

Le fait que statistiquement les variables récurrentes dans la liste des facteurs de productivité

soient « l’esprit d’équipe et de cohésion » et « l’adhésion au projet collectif » traduisent ce

désir de changement organisationnel. Ce qui nous laisse à penser que les managers de ces

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firmes manquent de latitudes pour viabiliser le projet d’entreprise, et cela se ressent sur leur

productivité. À AIR GABON comme à GABON TELECOM, nous l’avons pointé à travers

les propos de nos interlocuteurs. Voici d’ailleurs ce qu’en pense la Responsable des Relations

Publiques à AIR GABON : « Nous ne pratiquons pas vraiment ces concepts actuellement.

Peut-être par manque d’esprit d’entreprise et de compétences managériales. Justement, du

fait de la non application de ces concepts, il y a immobilisme, démotivation et non

productivité ».

Il s’exerce de façon objective un conflit entre la pratique souhaitée du management de

l’entreprise et l’exercice concret de cette activité. Ce conflit pointe directement sur

l’autonomie réelle de décisions et de gestion dont bénéficient réellement les dirigeants de ces

entreprises. C’est dans ce but que nous avons demandé si dans la définition de la performance

que ces managers devaient choisir, celle(s)-ci s’accordai(en)t aux objectifs stratégiques de

l’entreprise.

À cette question, les propos de notre interlocutrice d’AIR GABON, traduit un sentiment

d’inaction et d’immobilisme dont témoigne le passage suivant : « Dans le cas de notre

entreprise ce n’est pas appliqué pour des raisons de non productivité et de manque d’outils

d’évaluation de la productivité ». S’accordant sur la même définition de la performance en

tant que ratio productif, son collègue nous fait remarquer que « ça permet de mesurer

l’efficacité d’un projet ».

Nous avons retrouvé le même conflit d’intérêts à GABON TELECOM, lorsque le Directeur

de l’Informatique reconnaissait que pour lui, la performance était associée à la rentabilité

économique. Mais en même temps, il a bien conscience que ce choix ne s’accorde pas

toujours avec les intérêts de l’entreprise quand il dit : « Elle ne s’accorde pas avec les

objectifs stratégiques de l’entreprise, car les investissements sont initiés par les pouvoirs

publics, et ne sont pas toujours amortis ».

Dans le cas de CELTEL, comme dans celui de toutes les autres entreprises privées, cela se

justifie par la prédominance du travail en équipe, grâce à « la motivation du personnel, par

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425

l’insertion de programmes et d’actions nécessairement orientés vers le personnel ».

D’ailleurs, quand on se reporte à l’acception de l’idée de performance faite par les managers

de ces entreprises, on obtient là aussi des explications, ou du moins des éclaircissements sur la

qualité de management de ces entreprises. À la BGFI, notre interlocuteur suite aux trois

propositions effectuées a considéré que toutes s’accordaient, mais que c’était bien

évidemment la première qui permettait de réguler les deux autres.

À la BICIG, nos deux interlocuteurs ont choisi les deux premières options, tandis qu’à

l’U.G.B., c’est la seconde acception qui a été retenue. À CELTEL, si à notre surprise c’est la

dernière option qui a été retenue, la justification apportée à ce choix s’inscrit paradoxalement

dans la dynamique d’entreprise, en ce sens qu’il s’agit d’« un état d’esprit à disponibilité de

la connaissance du produit ». Ce qui est d’autant plus manifeste que lorsque nous nous

sommes enquis de l’impact des réseaux sociaux dans l’entreprise, la réponse a été sans

équivoques : « Nous sommes une entreprise privée avec un style anglo-saxon. C’est une

approche complètement différente ».

Pour le même choix retenu quand à la définition de l’idée de performance, on constate des

motivations différentes à l’O.P.R.A.G. de l’aveu même de l’une des personnes interrogées.

Pour cette personne, ce choix établit la priorité à la rationalité des réseaux sociaux au

détriment des intérêts de l’entreprise. Il manifeste de façon explicite l’absence d’obligation de

résultats aussi bien individuelle que collective émanant des entreprises publiques de façon

générale. En outre, sur la question relative à l’impact des facteurs de mobilisation dans la

stratégies d’entreprise, la réponse est nette et a le mérite d’être franche, puisque notre

interlocuteur a déclaré : « Il n’y en a pas vraiment ».

1.3. Analyse et extrapolation des résultats obtenus

Le dépouillement des variables relatives à la pratique du management stratégique de ces

firmes, à partir de la coexistence des rationalités économique et sociale, nous montre bien que

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le management est une activité contingente et dialogique [cf. Patrick Joffre et Gérard Koenig

1996]. Il est contingent dans la mesure où ses manifestations sont spécifiques au contexte

d’action et à la vie de ces organisations, en même temps qu’il manifeste l’interaction des

phénomènes qui traversent et secouent leur existence. Ce principe dialogique qui reflète la

dynamique organisationnelle de ces firmes, s’avère déterminant pour rendre compte des

relations existant entre le management et le pilotage stratégique d’une organisation.

Ces interactions constituent l’armature du système stratégique de ces entreprises, parce

qu’elles sont au cœur des processus auxquels elles recourent pour mettre en œuvre le pilotage

stratégique, et le rôle indéniable des acteurs dans la réussite et la conduite de tels projets. Le

bilan de ces investigations montre clairement une différence de management entre entreprises

publiques et privées par rapport aux aspects suivants : la participation majoritaire de l’État au

capital social de ces entreprises, qui se répercute sur l’autonomie de gestion dont les managers

disposent pour le pilotage stratégique.

L’absence de culture du résultats imputable à une position dominante sur le marché. Et enfin,

un déficit de cohérence et de cohésion entre les paramètres de conception des tâches, et

l’adhésion/implication des individus dans l’objectivation de ces processus, qui nous amène à

opérer une distinction entre « management structure d’adhésion » et « management structure

d’usage », par analogie avec la terminologie de Wanda Orlikowski [1995].

En tant que dynamique de relations complexes entre l’entreprise, ses différentes composantes

et leurs environnements respectifs, ce schéma d’interactions apporte des éléments de

compréhension et de signification suffisamment intelligibles pour jauger ce système, à partir

de l’articulation nécessaire à effectuer entre l’élaboration de stratégies et les spécificités de

leur contexte d’action. Ce système s’apparente grosso modo, au système [d’action]

stratégique d’une entreprise. Nous avons reconfiguré ce schéma pour l’adapter aux analyses et

aux interprétations de notre corpus comme on peut le voir à travers la figure ci-après.

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427

Figure 37 : Le système stratégique de l'entreprise. Adapté de Allaire et Firsirotu, L’Entreprise

stratégique, 1993

Ce que l’on peut retenir de ce système que nous avons réadapté pour le contextualiser par

rapport au management des firmes étudiées, c’est que les performances d’une entreprise

s’articulent autour de deux aspects fondamentaux : la gestion des risques et de l’incertitude

liée aux contraintes de l’activité économique. Cela se rapporte ici au champ stratégique à

travers le triptyque produits/services, compétences et marché d’une part. Et d’autre part, à la

gestion de l’organisation au plan structurel et socio-psychologique, dont les interactions

agissent sur les performances globales.

Cette dimension socio-psychologique touche à un domaine à la fois complexe et sensible,

fruit des interactions qui agitent la vie des organisations au sein de la structure, tant par la

culture de ses membres, que par celle de l’organisation qui baigne dans un environnement

sociétal qui l’influence fatalement. Ce sont ces deux pôles qui peuvent générer de l’incertitude

dans le parcours d’une entreprise, parce que définir leurs attitudes avec exactitude, n’est pas

toujours possible, et qu’il y a des interactions qui se produisent de l’un à l’autre.

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Nous avons vu à travers l’analyse des variables « facteurs/sources de productivité » et

« réseaux sociaux » notamment, comment la gestion des ressources humaines entre les

entreprises publiques et les entreprises privées agissaient sur les performances de ces

entreprises. Par le biais du système stratégique, on peut ainsi décrypter les éléments qui font

la performance d’une entreprise à partir de la synergie qui se dégage du système de valeurs et

de références des individus, par l’instauration d’un cadre d’actions propice à la gestion

stratégique de leurs activités.

Par association/dissociation, avec la combinaison stratégique de ces deux pôles, nous allons

montrer pourquoi et comment la conciliation entre rationalité économique/managériale et

rationalité culturelle/sociale peut s’avérer positive ou négative, à la lumière de quelques

modèles théoriques et conceptuels.

Ces deux pôles se rapportent dans le premier cas, à la trace des contraintes externes issues de

l’environnement qui viennent peser sur la structure des organisations, à travers la gestion des

risques et de l’incertitude. Elles « obligent » pour ainsi dire les dirigeants d’entreprise à

rechercher des voies et moyens susceptibles de canaliser les efforts des uns et des autres, afin

de porter leurs actions vers la réalisation d’objectifs communs, sous la forme d’idéologies et

de valeurs partagées.

Dans le second cas, ces contraintes sont le fait des réseaux sociaux qui « infestent » la vie des

entreprises, s’y superposent par le biais des individus en une infra-structure qui peut conduire

à des résultats inverses à ceux attendus, en termes d’efficacité et de performance économique,

au plan du management stratégique de ces firmes. Ces réseaux qui sont rattachés à la

rationalité culturelle, ou dimension socio-psychologique de l’organisation, peuvent se

manifester sous diverses formes, autant par la complexité des cadres référentiels auxquels

recourent les individus, que par la singularité de leurs manifestations.

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429

C’est là que la contribution d’Alain Degenne et de Michel Forse245

apporte un éclairage

supplémentaire, car leur analyse, tout en considérant que les structures sociales préstructurent

les cadres référentiels des individus, enrichit ce déterminisme par la pluralité des phénomènes

qui peuvent le justifier. La structure s’apparente alors à un ensemble d’attributs individuels,

dans lesquels se retrouvent les individus proches « structuralement ». Autrement dit, ceci

revient à considérer que si le comportement social est normativement orienté, les normes

traduisent alors les effets de la situation structurale des individus ou des groupes, car elles

permettent de déterminer les opportunités et les contraintes qui pèsent sur l’allocation des

ressources, à l’intérieur d’une organisation.

Pour faire simple, les structures sont les catégories dans lesquelles on peut rattacher un

individu ou un groupe d’individus, parce qu’ils appartiennent et sont régis tout autant par des

catégories que par des relations ou des réseaux. Ces catégories sont le reflet de relations

structurales qui les lient à partir de l’étude de l’ensemble des relations qu’ils entretiennent

entre eux. Une structure comporte donc un ensemble d’éléments liés les uns aux autres par

des relations diverses. En l’occurrence, dans une entreprise c’est officiellement

l’organigramme qui définit de façon formelle l’attribution des tâches, que peut renforcer ou

contrecarrer le sociogramme.

Dans notre étude, cette proximité structurale est analysée sur la base de la proximité des

réponses faites à une question. D’autant que comme le montre Michel Agier [1995], il existe

au sein des entreprises africaines de manière générale, une « codification ethnique des

relations sociale et économique » qui se superpose à l’organigramme, qui peut contribuer au

renforcement du phénomène d’« extériorité » décrit par Émile-Michel Hernandez. Ce dernier

renvoyant à la distance affichée par les individus vis-à-vis de leur entreprise, quand ils ne s’y

identifient pas. C’est ce dont témoigne la fracture que nous avons établi entre « management-

structure d’adhésion » et « management-structure d’usage ».

245

Degenne (A.), Forse (M.), Les réseaux sociaux. Une analyse structurale en sociologie, 1994.

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Ces deux catégories renvoient pour nous à la manière dont les managers légitiment le

management et le pilotage stratégique de leur entreprise, indépendamment de l’appartenance à

une entreprise publique ou privée. Autrement dit, ces catégories manifestent l’adhésion ou

l’extériorité, vis-à-vis d’un modèle de gestion. Par la combinaison des relations et des

régularités de comportements dégagés dans une structure organisationnelle, ainsi que par les

groupes, individus ou statuts qui présentent ces régularités de façon inductive, on a dégagé

des groupes pertinents renvoyant à la prédominance d’un type de rationalité, et par

conséquent de management, dont témoigne le tableau 15.

Ainsi, derrière la répartition stricte entre entreprises publiques et privées, renvoyant à la

prédominance d’une rationalité, on trouve à l’intérieur de ces catégories des managers proches

« structuralement » par le fait qu’ils aspirent à une reconnaissance de leur statut et de leurs

compétences, au niveau des actes de management stratégique. Nous n’allons pas re-citer leurs

propos, mais dans l’ensemble cette volonté se traduit par la prise en compte d’un équilibre à

instaurer entre rationalité économique et culturelle, en ne perdant pas de vue le rôle de la

gestion en tant qu’activité indépendante de toutes autres considérations.

C’est d’ailleurs en cela que cette approche est originale, parce qu’elle permet a posteriori, de

comprendre comment la structure contraint les comportements, tout en faisant émerger des

interactions individuelles ou collectives, que manifeste la distinction entre « management

structure d’adhésion » et « management structure d’usage ». Nous le voyons à travers la

structure des entreprises publiques qui est propice à l’instauration d’un cadre dirigiste et

rigide, dans lequel des individus se distinguent, par rapport à la politique managériale de

l’entreprise, selon qu’ils la partagent ou qu’ils la réprouvent.

La différence fondamentale, c’est que dans le privé, la rationalité économique est au-dessus

de la rationalité culturelle, parce qu’ici l’obligation de résultats de l’entreprise est primordiale.

Par contre, dans les entreprises publiques, les dysfonctionnements sont semblables à ceux que

l’on retrouve dans le modèle de développement de l’économie et de la société gabonaises.

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Parce que ces firmes opèrent par isomorphisme structurel calqué sur le fonctionnement et la

gestion éco-politique du pays, elles y reproduisent les mêmes dysfonctionnements.

Ces derniers qui restent pour nous liés aux contingences culturelles et historiques, sont à

rechercher aussi bien dans la création de ces entreprises, que dans l’histoire du pays. Elles

sont toutes le fruit d’investissements et d’une volonté politique affirmée pendant le boom

pétrolier des années 70. De fait, les dirigeants des entreprises publiques y sont installés par les

pouvoirs publics. Ils ont beau avoir le background nécessaire pour diriger ces entreprises, ils

se heurtent fréquemment aux injonctions et aux interventions de la classe politique, qui

limitent leurs marges de manœuvres.

Ce qui fait que le management de ces firmes est le fruit d’interactions avec la culture

nationale, telle que Annie Chéneau-Loquay l’a décrite : une culture du secret où l’on

communique peu, et où le pouvoir politique est très influent, non seulement parce qu’il est

l’actionnaire majoritaire, mais aussi parce qu’il peut défaire des carrières. Les témoignages

des agents d’AIR GABON et de GABON TELECOM montrent particulièrement bien la

proximité qu’il y a entre les pressions de la République, et l’exercice régulier du management

de ces firmes.

D’autre part, le point de vue historique nous apporte également des éléments susceptibles de

comprendre l’absence de culture du résultat de ces firmes. En effet, le Gabon n’a pas eu à

lutter pour obtenir son indépendance au lendemain de la colonisation, contrairement aux

autres pays, notamment de ses proches voisins. Ce fait qui peut paraître anodin, marque

aujourd’hui encore les mentalités et la culture ambiante. Nous y voyons là le signe de

l’absence de réactivité et de prospective que l’on peut constater à tous les niveaux de l’activité

et de l’organisation de ce pays.

C’est cette relation entre les traits culturels d’une nation et la pratique du management à

l’intérieur de cette nation que montrait déjà l’étude de Philippe D’Iribarne, notamment dans

La logique de l’honneur dont l’objectif consistait à décrire les principales dimensions

culturelles qui différenciaient les groupes humains, et qui se projetaient sur les styles de

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gestion et de management des hommes. C’est à des conclusions similaires que l’étude de

Daniel Bollinger et de Geert Hofstede246

parviennent, quand ils ont analysé la manière dont la

culture d’un pays caractérisait les traits saillants qui déterminent de façon implicite, des

modèles de management influençant les pratiques managériales et organisationnelles.

Au vu de ces interactions, on peut dire que le management dans les firmes gabonaises est bien

en situation interculturelle. Si l’on s’accorde sur la définition qu’en donne Pierre Dupriez

[1999], à savoir que tout management est en situation interculturelle, dès lors qu’il est

confronté à une forme de management qui reconnaissant l’existence de cultures locales, tente

d’intégrer les valeurs qui les fondent dans l’exercice des différentes fonctions d’entreprise, et

de les coordonner au niveau du pilotage stratégique, à côté des impératifs stratégiques

auxquels ces entreprises doivent répondre.

Effectivement, la plupart de nos interlocuteurs, qu’ils soient dans le privé ou dans le public

ont reconnu la nécessité de « tenir compte des zones de pouvoir formelles et informelles » et

d’« effectuer un savant dosage de ces deux réalités ». Ces deux réalités renvoyant à la

rationalité économique/managériale et à la rationalité culturelle/sociale. On a vu par

l’organigramme de ces entreprises qu’elles étaient toutes très fonctionnalisées, avec une

tendance à la centralisation des tâches répartie au niveau des directions fonctionnelles et

opérationnelles.

Mais malgré cet « isomorphisme structurel », les résultats sont aux antipodes des

performances réalisées d’une catégorie d’entreprises à l’autre, et montrent s’il en est encore

besoin que le management en plus d’être interculturel, est profondément dialogique et

contingent. La théorie des droits de propriété et de l’agence qui établissent le noyau

contractuel et composite des intérêts divers des agents de la firme, est de nature à légitimer

cette distinction qui influence le comportement des agents et les performances de ces firmes.

246

Bollinger (D.), Hofstede (G.), Les différences culturelles dans le management. Comment chaque pays gère-t-

il ses hommes?, 1987, 270 p.

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Par ailleurs, « la théorie de l’efficacité X » de Liebenstein, permet de justifier les écarts de

productivité observés au sein de ces firmes, du fait des comportements de leurs membres. Ce

qui est également conforté à travers la théorie des entreprises publiques et de la

réglementation, ainsi que dans la théorie des firmes « A » et « J » d’Aoki à travers les

missions respectives de ces deux catégories d’entreprise, et leur mode d’organisation.

Nous avons ainsi, à partir de l’organisation de ces firmes et par l’opinion de ses managers,

dégagé des relations entre leur fonctionnement interne, et les contraintes de l’environnement

socio-politique et/ou stratégique qui influencent leurs modèles de gestion et de gouvernement

des hommes. Au bout du compte, on a recensé deux styles de management et de gestion

relevant d’un même dispositif organisationnel à tendance centralisante. Cela montre bien

comme l’avaient dit Boltanski et Thévenot [1991], que l’on retrouve généralement les

organisations peu performantes là où la grandeur est sous l’emprise de la cité domestique.

Plus généralement, le management des entreprises publiques traduit la prédominance d’un

management de type technico-économique et politique au sein des entreprises publiques, où

l’on retrouve les catégories-structures relatives à la structuration par l’adhésion ou par l’usage,

liées à la sensibilité des managers. À l’inverse, dans les entreprises privées, le management se

traduit par une rationalité stratégique mixte, dans le sens où l’entreprise est simultanément un

agent de production, une organisation sociale et un système politique oeuvrant au mieux des

intérêts de l’entreprise.

Dans la théorie d’Amitaî Etzioni, l’attachement des individus à une catégorie-structure est

conditionné par l’acceptation et la soumission à des règles de vie commune au sein de trois

types d’organisations : coercitive, utilitaire et normative. Ce sont ces trois types

d’organisations qui subordonnent l’acceptation de règles ou « compliance », tenant pour

l’auteur à la mixité des substrats idéologiques suivants : la contrainte, l’intérêt, et les valeurs.

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Appliquée au cas des organisations étudiées, la théorie d’Etzioni peut donner le schéma

d’interprétation suivant : l’État, représenté ici par les entreprises publiques et parapubliques

d’une part, et le secteur privé avec les entreprises privées d’autre part. À l’intérieur de

chacune de ces deux communautés d’entreprises, la communauté des membres, en tant que

composante idéologique des valeurs, des aspirations et de la structuration des rapports

(formels et informels) dans ces deux types d’organisations. Les membres de ces communautés

d’entreprise s’investissent a priori dans les valeurs de l’organisation à laquelle ils

appartiennent.

Mais sur le terrain, cette « compliance » passe également par la structuration des rapports

formels et informels, ainsi que par des relations de travail ou d’affinité. Ce qui fait qu’à

l’intérieur de ces catégories, on peut retrouver des sous-catégories en marge des catégories

apparentes de l’État et du secteur privé, dont la proximité structurale des membres de ces

deux catégories témoigne. Nous trouvons dans cette approche des similitudes avec le modèle

de DPO contingent élaboré par Émile-Michel Hernandez.

Synthèse de management tenant compte de la rationalité économique/managériale et de la

rationalité culturelle/sociale, il se rapproche de ce que nous avons pu relever dans la plupart

des entreprises privées. Il s’inspire d’ailleurs du modèle paternaliste basé sur la

reconnaissance/légitimité des rôles des membres de l’organisation, qui les amènent à

converger vers la satisfaction des objectifs stratégiques de l’entreprise qu’ils servent.

C’est dans la structuration de ces rapports (hiérarchiques, amicaux, professionnels, etc.) que

les individus puisent l’acceptation de règles, en tant que facteur de mobilisation des

collectivités, et une source majeure de leur transformation et de la transformation de leur

relation au sein de la communauté-structure d’adhésion à laquelle ils sont rattachés. C’est cet

aspect transformatif qui est intéressant dans la théorie d’Etzioni, et qui nous l’espérons,

pourra insuffler le changement organisationnel nécessaire à l’instauration de règles de gestion

saines et à un style de management plus participatif, comme en témoignent les propos de

certains de nos interlocuteurs.

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Seul l’un de nos interlocuteurs à l’O.P.R.A.G., en l’occurrence la Directrice des Relations

Internationales, s’écartait de cet aspect transformatif. En effet, elle a au contraire légitimé la

prégnance des réseaux sociaux, par l’institutionnalisation des fondements de la société

gabonaise dans la cellule familiale : ethnie, famille, clan, dans l’entreprise. Or, dans tous les

autres cas de figure, il apparaît que les aspirations des managers sont portées vers l’efficacité

des stratégies et des politiques déployées au niveau de la politique générale d’entreprise,

même si elle n’est pas toujours appliquée pour diverses raisons que nous lions à l’absence

réelle d’autonomie de gestion, et aux pressions des pouvoirs publics.

Ce cas isolé, fait en réalité force de loi, dans le paysage des entreprises publiques : il est pour

ainsi dire l’exception qui confirme la règle, car il en dit assez pour montrer que c’est l’une des

causes des dysfonctionnements et du manque de compétitivité de ces firmes, dont témoignent

les contributions d’Annie Chéneau-Loquay [2000] et de Marc Perelman [1999]. Il en dit

suffisamment pour considérer avec Éric Delavallée que cette rationalité, loin d’handicaper le

fonctionnement de ces entreprises devrait au contraire donner lieu à l’émergence de

procédures de gestion efficientes [cf. Kamdem 2002].

1.4. Les perspectives issues de l’analyse des rationalités économique et sociale

À partir de l’organisation de ces firmes et de l’opinion de ses managers, nous avons au bout

du compte, recensé deux styles de management et de gestion relevant d’un même dispositif

organisationnel centralisateur. D’un côté, se distinguent nettement les entreprises publiques et

parapubliques avec des résultats mitigés, et de l’autre les entreprises privées avec des résultats

et des performances au-dessus des précédentes. Cela scelle définitivement les thèses avancées

par Boltanski et Thévenot [1991], concernant la relation qu’ils établissent entre l’efficacité

d’une organisation et la prédominance des logiques/grandeurs que l’on y observe.

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436

Plus généralement, elle traduit au sein des entreprises publiques, un management directif et

fortement centralisé, où l’on retrouve les catégories-structures relatives à la structuration par

l’adhésion ou par l’usage, liées à la sensibilité des managers (cf. théorie de la firme « A »). À

l’inverse, dans les entreprises privées, le management se traduit par une rationalité stratégique

mixte, dans le sens où l’entreprise est simultanément un agent de production, une organisation

sociale et un système politique oeuvrant au mieux des intérêts de l’entreprise(cf. théorie de la

firme « J »). D’ailleurs, à l’inverse les managers des entreprises privées se retrouvent tous

dans le management d’adhésion et dans le management d’usage.

En confrontant l’organisation structurelle de ces entreprises aux propos des managers

interrogés, on s’est aperçu du décalage qu’il y avait dans la plupart des cas entre les

aspirations de ces derniers et la politique générale d’entreprise, singulièrement dans les

entreprises publiques. Ce qui nous à amené à établir une distinction calquée sur le modèle de

Wanda Orlikowski, et qui se rapporte ici à la distinction entre « management-structure

d’adhésion » et « management-structure d’usage ».

Le management-structure d’adhésion renvoyant au modèle de commandement-contrôle

observable dans ces entreprises, et le management-structure d’usage répondant davantage aux

aspirations individuelles des managers quant au modèle de management qu’ils seraient

désireux de voir s’appliquer pour le pilotage stratégique de leur entreprise. La différence

fondamentale entre toutes ces entreprises, c’est que dans le privé, la rationalité économique

est au-dessus de la rationalité sociale, parce qu’ici l’obligation de résultats de l’entreprise est

primordiale pour pouvoir assurer l’épanouissement et la mobilisation des individus-

ressources.

Par contre, dans les entreprises publiques, force est de constater que les dysfonctionnements

sont semblables à ceux que l’on retrouve dans le modèle de développement de l’économie et

de la société gabonaises. C’est cet isomorphisme structural qui entérine la distinction entre

« management-structure d’adhésion » et « management-structure d’usage », dont les

manifestations ont des incidences sur les relations de travail à l’intérieur de ces entreprises.

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437

Pour mettre en évidence ces logiques, nous nous sommes appuyé sur « l’hypothèse élargie de

configuration » qui lie l’efficacité d’une structure à la cohérence des variables internes, ainsi

qu’aux facteurs de contingence [cf. Mintzberg 1996] qui impliquent un minimum de

cohérence interne entre les différents paramètres de conception des tâches. Cette hypothèse

élargie de configuration se complète d’ailleurs aisément avec les principes de « contingence »

et du « fit » d’Éric Delavallée [1996] qui lient l’efficacité d’un système à une adéquation entre

ses variables (d’efficacité) et une situation donnée.

En effet, une façon tangible de mesurer l’efficacité de ces organisations, est non seulement de

se baser sur leur productivité en termes de résultats économiques notamment. Mais le

baromètre de l’adhésion des individus à la réalisation de la politique générale d’entreprise ne

l’est pas moins. C’est pour cela que nous avons présenté les activités de ces entreprises, pour

mieux rendre compte des interactions conjuguées entre leur management, leur environnement

stratégique et le degré d’implication de leurs membres.

Ces trois facteurs constituent en quelque sorte les ingrédients moteurs/catalyseurs du pilotage

stratégique d’entreprise, car ils sont au cœur de la mise en œuvre des processus qui

conditionnent leurs succès, ou leurs échecs. Organiser consiste bien à créer des relations

efficaces de telle sorte que des individus puissent travailler ensemble avec efficience, et tirer

une satisfaction personnelle des diverses tâches qu’ils accomplissent dans un environnement

donné. Ceci, dans le but d’atteindre une certaine fin ou un certain objectif personnel ou

collectif.

Sur la base de nos hypothèses de départ, et des interprétations auxquelles nous nous sommes

livré, nous pouvons dire qu’elles se vérifient bien dans le cas des entreprises publiques,

comme dans celui des entreprises privées. Les distinctions auxquelles nous avons abouti entre

entreprises publiques et privées, montrent bien que la performance d’une entreprise est en

étroite corrélation avec le degré de cohérence entre rationalité managériale et rationalité

culturelle. En effet, nous avons noté la prédominance de la rationalité sociale dans les

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438

entreprises publiques et parapubliques, et effectivement toutes ces entreprises connaissent ou

ont connu des plans de restructuration.

Par ailleurs, la seconde hypothèse est également vérifiée, puisque le ratio performance

économique et sociale/logiques individuelles est un élément essentiel à la compréhension et

au fonctionnement de ces organisations. Par les mesures incitatives et coercitives qu’elles

prennent, en termes de qualité de travail et de formation professionnelle, on a vu comment les

propos tenus par les uns et les autres dénotent de l’adhésion au projet d’entreprise, ou à sa

critique, du moins à sa remise en question.

De simple composante du patrimoine de l’entreprise, le facteur humain s’apparente désormais

à un outil et à un ingrédient essentiel à la productivité d’une entreprise, aussi stratégique que

les ressources financières. Dans les entreprises privées, les équipes dirigeantes l’ont mieux

intégré à leur pilotage stratégique, tandis que dans les entreprises publiques et parapubliques,

c’est l’un des nœuds du problème du manque de productivité et de motivation des acteurs de

ces firmes.

Cela en fait sans conteste un élément de démarcation, constituant un facteur discriminant

important entre ces deux catégories d’entreprises, que la théorie de Liebenstein entérine. C’est

un pré-requis devenu une condition incontournable de la mise en oeuvre de processus

stratégiques, qu’il appartient aux dirigeants de préserver, car il reflète la dynamique

organisationnelle au niveau de la gestion du personnel, et à plus ou moins long terme la

richesse qu’elle peut générer dans l’entreprise. C’est d’ailleurs ce que nous a fait remarquer

l’un de nos interlocuteurs en reconnaissant qu’on ne peut gérer sans les hommes.

À travers le décryptage du système stratégique de ces firmes, nous sommes parvenu à

déterminer des catégories-structures permettant de dissocier des styles de management relatifs

à la prédominance d’une grandeur, au détriment d’une autre. Pour les révéler, nous nous

sommes appuyé sur l’analyse des éléments de ce système, en nous attachant plus

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439

particulièrement sur la dimension socio-psychologique. La dimension stratégique liée à la

gestion des risques ressortant à l’incertitude du triptyque produits/services, marché et

compétences, a été évaluée ici à travers le positionnement stratégique de ces entreprises.

L’analyse des variables relatives à la pratique du management stratégique de l’information,

nous permettra de compléter ces investigations. Parce que ces firmes se situent sur un marché

étroit et faiblement diversifié, leurs stratégies se limitent à l’adoption de stratégies de

positionnement, dans lesquelles chacune détient un segment bien défini de marché. Par

exemple, la BGFI se concentre sur une clientèle de particuliers et d’entreprises haut de

gamme. La BICIG a une dimension plus populaire, même si elle a des segments d’activités

plus élitistes, et une gamme de produits et de services adaptés à cette clientèle.

Au vu de la confrontation des différents éléments de réponse apportés par les managers de ces

différentes firmes, nous en arrivons à la conclusion que dans le cas présent, ce n’est pas la

construction d’un modèle de management où les relations sociales tiennent une place de

choix, sans pour autant obérer les exigences d’efficacité économique, qui fait défaut. C’est

davantage un manque de rigueur et de professionnalisme, au sens d’une conscience supérieure

des intérêts de l’entreprise et de ses salariés, comme cela apparaît dans la gestion des

entreprises privées.

Ce n’est pas tant la qualité du niveau de formation des managers qui fait défaut, mais plutôt la

valorisation et la reconnaissance des individus dans le cadre professionnel. Les managers des

entreprises publiques, sont pour nous potentiellement aussi compétents que leurs collègues du

privé. Tout se joue pour nous dans l’intelligibilité de la représentation stratégique de

l’organisation. C’est comme dans une représentation de marionnettes : on ne voit pas les fils

qui agissent la représentation des figurines/acteurs, mais ce sont pourtant eux qui contribuent

à la qualité de la représentation.

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440

Dans le monde de l’entreprise, c’est encore plus complexe, car les individus/acteurs

appartiennent à des coalitions (de pouvoir) et à des univers socio-culturels qui peuvent

influencer leur rendement, selon qu’ils se reconnaissent ou non dans le projet et les valeurs de

leur entreprise. La preuve que la présence/absence des réseaux sociaux peut se faire sans

obérer le fonctionnement « normal » d’une entreprise, nous est apportée par la manière dont

les managers des entreprises privées les régulent : à la fois avec tolérance et fermeté.

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441

Il ressort de cette étude que l’imbrication des réseaux sociaux dans l’entreprise est une réalité patente

pour reprendre une expression de l’un de nos interlocuteurs. Toutes ces entreprises, qu’elles soient

publiques, privées ou parapubliques possèdent une ossature leur permettant de piloter leur entreprise

de la manière la plus optimale possible.

Autrement dit, elles disposent toutes potentiellement de la ressource performance, mais tout se joue

pour les unes et les autres dans la détermination des moyens d’action et des objectifs qu’elles

cherchent à atteindre. Dans l’efficacité et la cohérence déployées pour satisfaire à la réalisation et au

maintien des objectifs stratégiques.

Pour juguler cette incertitude au niveau des dimensions psycho-sociologiques, le moyen le plus

immédiat dont disposent les entreprises repose sur la logique institutionnelle dénoncée par Eugène

Enriquez [1998], et dont le modèle paternaliste de Émile-Michel Hernandez [1997] est représentatif.

C’est d’ailleurs ce modèle qui se trouve développé dans le mode de fonctionnement des entreprises

parapubliques et privées, à travers la figure du « père protecteur » offrant à ses employés une

protection sociale et une valorisation des compétences par une politique de formation soutenue et

attractive.

Le problème, pour en venir à une remarque de notre interlocuteur des Ressources Humaines à la

BICIG, c’est « qu’il n’y a pas d’existant en Afrique. Nous n’avons pas créé ces instruments, ils nous

sont imposés. Nous ne les manipulons pas toujours comme il conviendrait. À partir de ce moment, il y

a encore plus d’incohérences et de « bricolages » qu’ailleurs ». C’est bien ce que pointait Youssouph

Mbargane, quand il parlait de l’inappropriation du concept d’identités au travail du fait de la

prédominance des logiques de sociabilités et d’appartenances ethniques.

En somme, le pilotage stratégique de ces entreprises requiert une certaine adéquation entre les

contraintes de l’action organisée relatives au champ stratégique (produit/services, marché,

compétences), et les interactions entre la culture organisationnelle et les valeurs et les

motivations des membres, auxquels il convient de s’adapter en fonction des états de

l’environnement. Il touche au degré de réactivité et d’adaptativité de ces entreprises, par

l’instauration d’un cadre d’actions permettant de concilier rationalité

économique/managériale et rationalité culturelle/sociale.

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442

C’est en ce sens que le management stratégique des systèmes d’information permet

d’appréhender un champ stratégique couvrant des potentialités liées à l’exploitation et à

l’instauration d’une culture informationnelle. Cela permet en effet de renforcer ou d’instaurer

cet équilibre, comme nous allons le voir.

Section II : Dépouillement et analyse des variables relevant du

management stratégique de l’information

Dans le système stratégique d’une entreprise, nous avons vu que les dimensions socio-

psychologiques et celles liées à la gestion des risques et de l’incertitude, influençaient

considérablement les performances dans une organisation. Dans cette part de risques, l’usage

de la ressource information en tant qu’actif stratégique, a ceci de particulier qu’elle régule

aussi bien les échanges entre individus au plan formel et informel, que la coordination des

tâches à effectuer.

Produit et fruit de l’interaction entre l’entreprise et son organisation, le management de

l’information, au regard de l’évolution et des progrès des TIC, a acquis un rôle stratégique

plus affirmé que par le passé. C’est ce caractère stratégique qui transparaît dans le concept

générique de management stratégique de l’information, ressortant à l’usage stratégique de

l’information à des fins compétitives pour en tirer des avantages concurrentiels.

Cette conception fait que l’information s’inscrit dans une interface intégrée hommes/machines

au cœur de laquelle se situe la dynamique du système d’information. Une organisation

intégrant l’information dans la gestion de son patrimoine en tant qu’actif stratégique utile au

déploiement et à la formation de stratégies, fait par conséquent de la gestion du savoir et de

l’information un portefeuilles de ressources stratégiques. Ce dernier, au fondement des

capacités et des compétences détenu par une organisation, selon l’usage auquel elle le destine,

peut aider à maintenir, à préserver ou à accroître ces capacités.

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443

Cette gestion-intégration stratégique de l’information, a donc pour objet d’assurer la

compétitivité et la sécurité d’une entreprise, en lui offrant une marge de manœuvres réversible

en fonction du contexte d’actions. Celle-ci s’inscrit sur un ensemble de démarches et de

processus plaçant la stratégie, ou plutôt les processus stratégiques au cœur de la dynamique

du système d’information. Pour cela, il faut que les entreprises qui l’exploite saisissent

l’intérêt de la culture informationnelle en fonction de la nature de leur activité, de leur

environnement stratégique, de leurs compétences-ressources et de leurs objectifs stratégiques.

Donald Marchand247

associe cette culture informationnelle de l’entreprise aux valeurs, aux

attitudes et aux comportements qui influencent la manière de percevoir, de collecter, de

structurer, de traiter, de communiquer et d’utiliser l’information. Par voie de conséquences,

cette culture est révélatrice de l’importance accordée au traitement de l’information d’une

part, mais elle traduit aussi la structure d’une organisation par le mode de gestion/circulation

de l’information qui y est privilégié.

C’est l’enjeu de l’analyse des variables ici étudiées. Il s’agira ici de savoir, au regard de la

nature et des objectifs stratégiques de ces entreprises, l’impact du management stratégique de

l’information, à travers leurs pratiques et leurs politiques informationnelles. Cette culture est

associée par Donald Marchand à quatre types de fonctionnement organisationnel. Ceux qui

correspondent le mieux à la culture informationnelle des firmes que nous étudions sont la

culture fonctionnelle et la culture du partage. La culture fonctionnelle est la plus répandue

parce qu’elle correspond le mieux à la structuration des rapports dans ces entreprises.

Elle conçoit l’information comme un moyen de pression et d’influence exercé par un individu

ou un groupe d’individus sur les autres. En un mot, c’est un instrument d’influence et de

pouvoir. La culture du partage désigne quant à elle un mode de gestion de l’information plus

247

Marchand (D.), « Quelle culture de l’information ? », L’Art du management de l’information, 1999, p.384-

390.

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444

souple, instaurant un niveau de confiance suffisant pour que l’information soit utilisée à des

fins compétitives pour améliorer les processus et les performances dans une entreprise.

Sur le terrain, il n’y a pas de frontières établies entre ces cultures. Leur association ou leur

dissociation dépend autant de la culture informationnelle qui prévaut dans ces organisations,

que de la coopération entre individus. Une entreprise, en fonction du contexte peut évoluer de

l’une à l’autre, ou en privilégier une en fonction de ses choix stratégiques. Par exemple, on

peut aisément associer la culture fonctionnelle à la culture des organisations de type

bureaucratique. Les cultures du partage, du questionnement et de la découverte, reflètent

davantage le type de culture que l’on peut trouver dans des organisations de type aplanie ou

organique, parce qu’elles mettent davantage l’accent sur des processus flexibles pour asseoir

leurs stratégies.

Tout comme nous avons pu déterminer des styles de management propres aux modes

d’actions stratégiques et organisationnels de ces entreprises, la prise en compte de la culture

informationnelle dans les actes de management stratégique, va nous permettre d’établir un

profil entre ces firmes.

2.1. Rappel épistémologique

L’intérêt de ce second axe thématique est d’apprécier le degré de culture informationnelle des

entreprises à l’étude, à la lumière des pratiques inhérentes au management stratégique de

l’information. Bien entendu, ces éléments seront confrontés aux conclusions auxquelles nous

sommes parvenues précédemment, pour déterminer l’impact de cette culture par rapport à la

conduite du pilotage stratégique. Dans notre approche théorique, nous avons en effet présenté

avec force détails les bénéfices que sont susceptibles d’apporter les TIC dans l’amélioration

des performances d’une organisation en termes de productivité, ou du moins d’amélioration

de la qualité de travail. C’est ici l’occasion de le vérifier concrètement.

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445

À l’aide des points de vue des managers de ces entreprises, nous déterminerons le degré

d’implication du système d’information dans les actes de pilotage stratégique. À partir de

diverses variables révélatrices de l’intérêt manifeste de l’utilisation et de l’intégration des

éléments de ce système à la prise de décisions, nous allons voir si des actions d’intelligence

stratégique existent, et sous quelles conditions elles s’effectuent.

Nous procéderons de même que pour l’analyse des variables relatives au style de management

de ces entreprises, en comparant la manifestation de ces phénomènes au sein des entreprises

publiques et des entreprises privées. Cela nous permettra d’établir des corrélations entre la

structuration de ces organisations, leur culture organisationnelle, et les performances globales

qu’elles réalisent.

Si toutes ces entreprises sont dotées d’outils informatiques, leur usage est principalement

affecté à l’amélioration des tâches quotidiennes grâce aux bénéfices de l’informatique de

gestion. La recherche d’informations stratégiques, étant donné la structure et l’orientation du

champ d’actions stratégiques de ces firmes semble a priori compromise, mais nous allons ici

observer si cette structuration fausse la configuration d’un management stratégique des

systèmes d’information. Ou au contraire, si elle révèle une infinité de réalités autrement plus

complexes liées à la spécificité du projet et des stratégies de ces entreprises.

Par cette démarche, notre intention est de donner une image de la culture informationnelle de

ces entreprises, dans une société où le discours dominant consiste à mener et à réussir le

passage du Gabon dans la société de l’information. Nous voulons montrer que si l’information

s’apparente de plus en plus à une donnée stratégique, elle reste sans attraits si elle ne s’arrime

pas à une structure organisationnelle établissant une jonction interactive entre les tâches

fonctionnelles et opérationnelles.

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446

Parce qu’il véhicule la trace des activités de l’entreprise, le système d’information est une

réalité multiforme pouvant s’appréhender comme : « un système intégré homme-machine qui

fournit des informations pour supporter les opérations, la gestion et la prise de décisions

dans une organisation » [Monnoyer-Longé 1997, p.108]. C’est comme s’il devenait « l’outil

du contrôle qu’exerce le système de pilotage sur le système opérant, de manière à veiller et à

gérer sur l’allocation de ressources, tout en respectant les objectifs globaux définis » (p.109).

C’est un moyen de se démarquer des concurrents au niveau de la qualité des produits fournis,

mais surtout de se constituer « un arsenal stratégique ». En un mot, il s’apparente au système

de pilotage de l’organisation, lorsqu’il est utilisé à des fins stratégiques dépassant la simple

finalité d’une informatique de gestion, de manière à mieux gérer l’allocation de ressources et

à respecter les objectifs globaux définis.

C’est donc bien un moyen de jauger l’activité d’une entreprise, à partir du lien qu’il établit

entre les différentes composantes d’une organisation. Par les flux d’information (circulation,

répartition, traitement) qu’il génère, il est le reflet de la structure organisationnelle et de

l’intérêt porté à l’usage stratégique de l’information dans la dynamique d’entreprise. car ce

lien engage les rapports qu’entretiennent les membres de ces organisations.

C’est pour cela que nous allons préalablement nous intéresser à la nature et aux objectifs

stratégiques de ces entreprises, pour connaître l’impact du management stratégique de

l’information, à travers les pratiques et les politiques informationnelles. Cela nous permettra

d’établir des corrélations entre leur culture organisationnelle, et les performances globales

qu’elles réalisent, en fonction de leurs objectifs stratégiques.

2.2. Dépouillement des données relatives au management du système

d’information

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447

Comme pour l’analyse des pratiques managériales à l’œuvre dans les firmes étudiées, nous

allons ici nous atteler à travers différentes variables, à relever l’impact du management

stratégique des systèmes d’information de ces entreprises. À partir de l’usage des TIC, de leur

intérêt et de leur intégration aux actes de pilotage stratégique, nous allons pouvoir déterminer

si réellement ce type de management présente quelque intérêt dans le pilotage et la stratégie

de ces firmes.

Pour apprécier l’impact du management stratégique des systèmes d’information, comme

facteur d’amélioration des performances de ces firmes, grâce aux effets induits sur la qualité

des processus de travail et de la productivité, nous nous sommes d’abord attaché à déceler

leur culture informationnelle. C’est ainsi que le questionnaire s’est d’abord intéressé à repérer

leurs pratiques informationnelles. Pour cela, nous avons établi un panel de questions sur les

pratiques, les moyens et les sources d’information auxquels recouraient ces organisations pour

leur recherche d’informations.

Ce premier aspect, nous permettra de vérifier si l’on peut établir une corrélation entre le

positionnement stratégique de ces firmes, et leur mode d’organisation. Nous pourrons ainsi

par la suite déterminer si cette culture, se confondant à la spécificité du management

stratégique, rejaillit implicitement ou explicitement sur les pratiques d’intelligence

économique et stratégique.

Ce qui apparaît clairement à travers l’opinion des managers de ces firmes, c’est la nécessité

d’intégrer les TIC dans l’outil de production, quelque soit le domaine d’activités. Ainsi de

manière générale, quand on leur demande ce que l’ingénierie informatique, et les TIC de

manière générale ont contribué à améliorer au sein de leur entreprise, leurs choix se reportent

majoritairement vers l’amélioration de leur informatique de gestion et la connaissance de

nouvelles technologies, comme cela apparaît dans le tableau ci-dessous.

Tableau 18 : Impact des TIC chez les managers.

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448

Les valeurs du tableau sont les nombres de citations de chaque couple de modalités.

Ces choix traduisent la réalité de l’environnement stratégique et concurrentiel de ces firmes.

Elles ne sont pas immédiatement portées à rechercher des informations stratégiques, car

chacune d’entre elles, même si elles exercent dans le même secteur d’activités, a un terrain de

prédilection. La BGFI par exemple est davantage spécialisée dans l’ingénierie financière, à

destination d’une clientèle sélective de particuliers et d’institutions. La BICIG et l’U.G.B.

sont d’abord des banques de dépôts, ayant chacune développé des produits financiers pour

accroître leur outil de production, ainsi que la gamme de produits destinée à leur clientèle.

Cette répartition de leurs activités fait que ces entreprises ne sont pas vraiment en situation

concurrentielle. C’est encore moins le cas pour GABON TELECOM, parce qu’en dépit de

l’ouverture du marché à d’autres opérateurs, cette entreprise conserve des prérogatives qui

n’inquiète que faiblement sa position dominante. Il en est de même pour AIR GABON qui

bénéficie de la quasi-totalité de l’exploitation du réseau international au départ et à destination

de Libreville, avec une tarification défiant toute concurrence. C’est la même chose à

l’O.P.R.A.G. et à la SNBG, où ces entreprises détiennent le monopole de l’exploitation dans

leur domaine d’activités respectifs.

Invités à se prononcer sur l’impact de ces technologies dans la stratégie d’entreprise, le choix

de nos interlocuteurs s’est majoritairement reporté sur l’amélioration de l’informatique de

gestion et la connaissance et l’importation de nouvelles technologies. C’est dire que ces

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449

informations sont avant tout destinées à la gestion et à l’amélioration de l’outil de production.

Accessoirement, elles peuvent servir aux actions d’intelligence économique et stratégique,

mais elles ne s’y portent pas naturellement. La preuve, c’est que ce terme était étranger à nos

interlocuteurs, dans la mesure où ils leur arrivaient d’en pratiquer, sans savoir que cela

renvoyait à des pratiques d’intelligence économique.

Le positionnement stratégique de ces firmes, localement orienté, en dehors des entreprises

dont les activités commerciales les portent hors de ce champ ; et la structure du marché est

faite de telle sorte que la recherche d’informations stratégiques, dans le but d’instaurer des

pratiques d’intelligence économique et concurrentielle semble compromise. Ce qui fait que

c’est la nature de l’activité de ces entreprises qui conditionne cet intérêt.

C’est pour cela que les banques sont au premier chef concernées par cette intelligence. Par

ailleurs, à l’intérieur de ces firmes, la recherche d’informations stratégiques est autant liée à

l’activité qu’à la nature des responsabilités exercées par nos interlocuteurs. De fait, à la

BICIG c’est le Directeur du Marketing, et à l’U.G.B. celui de l’Exploitation, qui sont chargés

de l’exploitation de ces informations, tandis qu’à la SNBG ce rôle est principalement dévolu

aux Directeurs des Systèmes d’Information et du Marketing. d’informations qui recueille le

plus de suffrages auprès des managers, à partir des choix qu’ils ont faits. de la politique

générale de son entreprise, le Chargé d’études du Secrétariat Général de GABON TELECOM

a également fait ce choix. Le graphique ci-dessous témoigne du type

Tous destinent la recherche de ces informations stratégiques à l’amélioration des process de

travail, pour qu’ils renforcent et intègrent le plan d’actions commerciales. Cette recherche

d’informations s’effectue généralement au sein des grandes directions fonctionnelles, à charge

pour elles de les répercuter dans leur unité, ainsi qu’à l’échelle de l’entreprise dans les actes

de pilotage stratégique. Fait singulier, mais révélateur pour nous d’une volonté de changement

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Figure 38 : Affectation prioritaire des informations chez les managers

L’activité, de même que la fonction sont par conséquent des éléments qui laissent

transparaître l’impact des TIC dans le pilotage stratégique et dans la politique générale

d’entreprise. Effectivement, comme cela ressort de façon statistique dans les tableaux 16 et

17, la priorité accordée à ces informations se porte majoritairement sur l’aide à la prise de

décisions, au recyclage des compétences et à la connaissance du marché, car ce sont ces trois

informations qui régulent l’activité de ces firmes. L’exemple de la SNBG, entreprise publique

dont la gestion est privée en est l’illustration.

Pour moderniser le parc informatique de cette entreprise, aux fins de mieux l’adapter aux

exigences des besoins et de la stratégie d’entreprise, le Directeur des Systèmes d’Information

a doté l’ensemble des sites de production de postes informatiques équipés de la technologie

IP. Cette technologie permet non seulement de réaliser des économies d’échelle, mais aussi de

communiquer et de transmettre des informations stratégiques en temps réel. Ce choix, tout en

permettant de réaliser de substantielles économies sur la facture de télécommunications,

permet d’ajuster les quotas de production en temps réel par rapport aux conditions du marché.

Au total dans ces entreprises, celles qui se démarquent des autres sont celles dont l’activité les

incitent à la recherche d’informations stratégiques, car elles évoluent dans un secteur très

concurrentiel, comme c’est le cas de la SNBG. Ou bien encore celles dont l’appartenance les

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rattachent à des grands groupes internationaux (CELTEL, U.G.B.), en leur assurant un soutien

logistique et technique. Il y a aussi celles liées à des grands groupes internationaux grâce à

des accords de partenariat, comme c’est le cas de la BGFI et de la BICIG. Le tableau et le

graphique ci-après recensent des données sur l’intérêt accordé à l’affectation prioritaire des

informations dans ces entreprises.

Tableau 19 : Affectation prioritaire des informations dans la stratégie d'entreprise

Les valeurs du tableau sont les nombres de citations de chaque couple de modalités.

Si les informations recueillies sont prioritairement affectées à la prise de décision, ainsi qu’à

l’amélioration des compétences, on voit que l’intérêt accordé à la compréhension des

pratiques et des activités sectorielles, n’arrive statistiquement qu’en quatrième position Ce

tableau traduit la réalité de l’environnement économique et concurrentiel des firmes étudiées,

qui évoluent dans un marché étroit et fortement segmenté. Ce qui fait, comme nous le disions

qu’elles n’entrent pas frontalement en compétition, même quand elles sont sur le même

segment de marchés.

D’après la répartition de ce tableau, ce sont les entreprises du secteur bancaire et des

télécommunications qui accordent le plus d’intérêts à la gestion des informations stratégiques,

parce que la nature de leur activité fait qu’elles sont plus que les autres soumises à des aléas

conjoncturels. Pour les entreprises du secteur des télécommunications par exemple, tous nos

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interlocuteurs s’accordent sur le fait que ces informations sont en priorité dévolues au

recyclage, à la connaissance et à l’importation de nouvelles technologies, car ils sont dans un

secteur d’activités où il faut sans cesse se renouvelle pour s’adapter à l’évolution des

techniques et des technologies.

Figure 39 : Représentation de l'affectation prioritaire des informations selon le secteur

d'activités

Cette première lecture de la nature des informations collectées dans ces firmes, nous montre

qu’elles sont conditionnées par le secteur d’activité et par les responsabilités des managers,

plus que par l’appartenance à une structure publique ou privée. Par contre, lorsque l’on se

porte sur l’analyse des variables « liaison et site Internet », cette distinction resurgit. Cela

donne lieu à des paradoxes saisissants entre l’activité de l’entreprise et la poursuite de ses

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objectifs stratégiques. Ainsi, GABON TELECOM fournisseur d’accès à Internet et opérateur

national de télécommunications ne dispose pas de site internet.

Par contre, à ce jour toutes les banques dans lesquelles nous nous sommes rendu disposent

toutes d’un site et d’une connexion à Internet. Les tableaux suivants indiquent au vu des

réponses de nos interlocuteurs, les entreprises qui sont reliées à Internet et/ou possèdent

également un site Internet.

Tableau 20 : Recensement des firmes disposant d'une liaison à Internet

Les valeurs du tableau sont les nombres de citations de chaque couple de modalités.

Tableau 21 : Recensement des firmes dotées d'un site Internet

Les valeurs du tableau sont les nombres de citations de chaque couple de modalités.

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De toutes ces firmes, il n’y en a que quatre qui disposent d’un site Internet, si l’on compte la

BGFI qui a depuis peu concrétisé ce projet. Globalement, quand on leur demande de se

prononcer sur l’utilité d’Internet et des TIC, les managers de ces firmes l’entrevoient comme

des instruments d’aide à la recherche d’informations. Et singulièrement Internet, est considéré

comme une vitrine commerciale, permettant à la fois d’engranger des informations et d’en

exporter, notamment lorsqu’on dispose d’un site internet. À la BGFI, voilà comment le traduit

le Directeur des Ressources Humaines, des Affaires Générales et de la Communication : « En

tant que vitrine, c’est un lieu d’échanges pour le recrutement, ainsi qu’une banque de

données en ligne. Pour servir le projet d’entreprise, c’est un atout indéniable ».

À la BICIG, ce sont les mêmes préoccupations qui ressortent, et qui s’expriment en fonction

des responsabilités de nos interlocuteurs. Ainsi, pour le Directeur des Ressources Humaines,

c’est davantage un outil dédié à la recherche d’informations stratégiques, « pour la recherche

d’informations en ligne, mais aussi pour assurer une vitrine sur le monde à l’entreprise par

rapport à ses activités commerciales », dans le but de mieux piloter l’entreprise, comme le

souligne le Directeur du Marketing à travers ses propos : « Pour piloter l’entreprise et aider à

la prise de décisions ».

Grosso modo, dans toutes ces entreprises, on a bien intégré l’utilité d’Internet d’un point de

vue stratégique. Ainsi à l’U.G.B., cet outil s’intègre parfaitement au plan d’actions

commerciales, car il permet de bénéficier d’un gain de temps productif, dans la mesure où

tout se passe en temps réel, comme le confirment ces propos : « L’accès à l’information et la

rapidité d’accès et de diffusion sont des enjeux compétitifs pour se démarquer. De plus cela

permet d’effectuer une recherche d’informations en temps réel ». À CELTEL, c’est également

le cas, avec une orientation marketing caractérisée, pour conforter le positionnement

stratégique et le ciblage de la clientèle, même si l’entreprise ne dispose pas encore de site

Internet, car elle est en train d’ancrer son positionnement.

Si l’intérêt d’Internet est pressenti à des fins stratégiques dans la plupart de ces firmes, c’est

loin d’être le cas au sein des entreprises publiques. Hormis, la SNBG qui se démarque du lot,

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455

et dans laquelle le pilotage de l’entreprises s’accorde tant bien que mal aux recommandations

des managers, toutes les autres entreprises publiques et parapubliques sont à la remorque.

Ainsi à GABON TELECOM, si nos interlocuteurs reconnaissent les bénéfices qu’ils tireraient

plus particulièrement d’un site Internet, c’est loin d’être concrétisé au niveau de la politique

générale d’entreprise. Pour le Directeur de l’Informatique, cela ressort à travers les propos

suivants : « Pour offrir une vitrine sur le monde à l’entreprise, étant donné que dans le

secteur des télécommunications, la concurrence est de plus en plus rude. Pour garantir une

compétitivité, nous devons être en permanence à la recherche de l’information ».

Cette situation est d’autant plus paradoxale pour GABON TELECOM que cette entreprise est

fournisseur d’accès à Internet et le premier opérateur de téléphonie de la place, en termes

d’abonnés. Le fait est que malgré sa récente privatisation, cette entreprise conserve tous les

avatars d’une structure bureaucratique hyper centralisée, paralysée par un « isomorphisme

structurel », propre à ce type d’organisations.

On assiste ici au cas typique de pathologies liées à la maîtrise de la gestion de l’information

dans les grandes organisations que décrivait Philippe Baumard [1991], où l’information

circule difficilement à cause du circuit hiérarchique qu’elle emprunte. C’est d’ailleurs ce qui

transparaît à travers les propos du Chargé d’études au Secrétariat Général quand il dit que ce

serait indéniablement un atout « pour obtenir beaucoup plus d’informations en interne, sur

différents opérateurs étrangers. Pouvoir également proposer ses propres informations

économiques, dans le but de vendre son image et de se faire connaître du plus grand

nombre ».

À AIR GABON, c’est le même constat, parce que là aussi les bénéfices attendus de ces

technologies ne sont pas à la mesure des dispositions prises au niveau du Comité de direction.

La Directrice des Relations Publiques d’AIR GABON à travers ces propos manifeste elle

aussi ce paradoxe dans les stratégies édictées, quand elle dit : « pour offrir une vitrine à

l’entreprise et faciliter l’accès et la recherche d’informations. Certainement pour adapter les

services à ceux des concurrents ». Pour son collègue, l’utilité d’Internet et de ses applications

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456

est indéniable « dans la mesure où ils permettent de développer les processus de travail, de

communication, des réseaux et l’éventail des fournisseurs […] par la connaissance de

nouvelles technologies, de nouvelles normes ».

Si ces firmes ont particulièrement bien intégré les bénéfices qu’elles peuvent tirer de ces

technologies, pour les entreprises publiques comme on vient de le voir c’est encore loin d’être

le cas, en dépit des efforts faits pour disposer d’une connexion à Internet. Il n’y a que la

SNBG qui se détache, parce qu’elle est gérée comme une entreprise privée. Comme le dit si

bien le Directeur des Systèmes d’Information de cette entreprise, c’est un impératif dans la

stratégie de son entreprise, étant donné son ouverture commerciale et son contexte

concurrentiel. Voilà ce qu’il dit à ce sujet :

« Parce que la SNBG est une société commerciale. L’essentiel de notre clientèle est à

l’extérieur du Gabon […]. Avoir une vitrine dans le monde du e-commerce est effectivement

indispensable. L’information est une donnée très importante dans le monde du commerce. Il

faut qu’une entreprise maîtrise toute l’information de son secteur et du marché par la

connaissance de ses concurrents, de ses fournisseurs et de sa clientèle ».

L’analyse des variables « liaison et site Internet », a confirmé la classification à laquelle nous

sommes parvenue précédemment entre entreprises publiques et privées, concernant leur

management stratégique. Ces disparités se matérialisent également au niveau du management

de leur système d’information, car les entreprises privées sont mieux pourvues que les autres.

Par contre, elles sont logées à la même enseigne concernant la difficulté d’évaluer la part des

dépenses affectée à l’acquisition, à la gestion et au traitement des informations, car nous

avons difficilement obtenu des informations à ce sujet, si l’on n’en juge par le nombre élevé

de non réponses. Le tableau ci-dessous établit ce constat.

Tableau 22 : Évaluation des dépenses d'information dans le budget des firmes

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457

Les valeurs du tableau sont les nombres de citations de chaque couple de modalités.

Si certains de nos interlocuteurs ont tenté de nous donner une évaluation plus ou moins

représentative, la majorité d’entre eux ne se prononcent carrément pas, car ils ont du mal à

donner une valeur à ce ratio. Cependant, en dépit de l’impact plus ou moins manifeste des

TIC dans la stratégie de ces entreprises, ces managers s’accordent tous à reconnaître

qu’Internet constitue l’une des sources d’information les plus prisées, au même titre que le

recours à des informations tirées de la presse. Mais cet intérêt ne dément tout de même pas

l’attrait pour des sources d’information plus formelles comme les rapports officiels ou la

documentation interne, et celles plus informelles comme la consultation des collègues qui

reste toujours d’actualité.

Tableau 23 : Recensement des sources et moyens d'information les plus utilisés

Les valeurs du tableau sont les nombres de citations de chaque couple de modalités.

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458

Figure 40 : Représentation des sources et moyens d'information prisés chez les managers

La nature de la culture informationnelle de ces firmes ayant une fois de plus entériné une

meilleure adaptation et des conditions plus favorables au sein des entreprises privées, nous

allons à présent voir si la pratique d’actions d’intelligence économique et concurrentielle

révèle une configuration identique. Pour que ces actions soient efficaces, il faut qu’elles se

construisent et s’articulent sur la base de l’intelligence produite par l’ensemble des

composantes de ces organisations. Ainsi, la question : « L’activité de votre entreprise vous

amène-t-elle à mettre en place des stratégies d’intelligence économique ? » nous montre-t-

elle que ce n’est pas vraiment le cas, au regard de la prépondérance des réponses négatives et

de leurs justifications. Le tableau ci-dessous synthétise ces faits.

Tableau 24 : Impact des actions d'intelligence économique et concurrentielle

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459

Les valeurs du tableau sont les nombres de citations de chaque couple de modalités.

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460

En discutant avec ces managers, il nous est arrivé de constater qu’ils effectuaient des

stratégies d’intelligence se limitant à des activités de veille commerciale ou technologique

dans la plupart des cas. D’ailleurs, nous nous sommes bien vite rendu compte que c’était

l’appellation et moins la pratique qui faisait défaut. Toujours est il, que ce sont les banques

qui occupent le haut de l’affiche, suivies de près par la SNBG, entreprise de la filière bois,

comme l’attestent les données du tableau ci-après.

Tableau 25 : Impact des contraintes liées à la poursuite des actions d'intelligence économique

et stratégique

Les valeurs du tableau sont les nombres de citations de chaque couple de modalités.

Si dans les faits le pilotage stratégique des entreprises publiques ne semble pas toujours

s’accorder avec les aspirations de leurs membres, nous retrouvons encore ce décalage avec le

point de vue du Chargé d’études du Secrétariat Général de GABON TELECOM, qui a

répondu par l’affirmative concernant la pratique d’activités d’intelligence économique. Étant

donné que GABON TELECOM se situe dans un secteur d’activités en évolutions constantes,

cette entreprise ne peut faire l’économie d’un minimum de veille technologique.

Qu’ils les pratiquent ou non, la justification la plus récurrente à ce sujet, concerne le coût et le

recours à des prestataires que cela implique forcément pour eux. Même des entreprises qui y

sont plus familiarisées, comme c’est le cas à la BGFI, où les activités d’intelligence

économique et stratégique ont été confiées à des prestataires externes, c’est un argument mis

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461

en avant. À l’O.P.R.A.G., la Directrice des Relations Internationales nous a fait remarquer

que l’activité et le statut particulier de cette entreprise n’exigeait pas le recours à de telles

actions. Voilà ce qu’elle dit à ce sujet :

« L’exploitation et la gestion de l’office ne correspondent pas à des stratégies d’exploitation et

d’investissements cherchant la compétitivité. L’office est un patrimoine de l’État, mais peut

seulement entrer en compétitivité avec d’autres ports ».

Si l’on intègre bien le fait que les missions de l’O.P.R.A.G. ne s’accordent pas avec la

poursuite d’actions d’intelligence économique, le fait de ne pas avoir d’exigences de résultats

reste préoccupant. Une entreprise, qu’elle appartienne à l’État ou à des intérêts particuliers,

doit intégrer cette obligation de résultats, même si idéalement ces deux types d’organisations

ne visent pas toujours la rentabilité à taux exponentiel, il en faut un minimum. Une autre

explication du manque d’engouement pour les activités d’intelligence économique et

concurrentielle, provient sans doute de l’étroitesse du marché gabonais, qui ne permet pas de

favoriser des plans d’investissement à long terme, comme nous l’a confié le Directeur de

l’Exploitation de l’U.G.B.

Mais même avec ces arguments qui sont du reste plausibles, le contexte concurrentiel et

environnemental mondial est ainsi fait que même si elles n’existent que localement, les

entreprises subissent les contre-coups de la mondialisation. Par conséquent, il vaut mieux se

doter des armes capables d’y faire face, plutôt que d’être un spectateur résigné. Les stratégies

d’intelligence économique, par le biais des démarches de veilles sont un moyen de réactivité

et d’adaptativité, dans la mesure où elles tiennent un rôle déterminant dans le processus

décisionnel,.

C’est dans cette optique que nous avons cherché à savoir si l’effectif de ces firmes était une

donnée susceptible de contrarier la mise en place de telles stratégies, dans le sens où cela

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462

pourrait les handicaper au plan de la flexibilité et de la réactivité. À ce sujet, tous nos

interlocuteurs nous ont assuré que non, et que bien au contraire, pour eux, c’était un atout et

un gage de l’épanouissement et de l’image reconnue de leur institution, en tant que valeur

sûre du paysage économique local.

Mais la réponse la plus plausible, et qui nous porte à croire que c’est moins un problème

d’effectif que de gestion, reste celle de la Directrice des Relations Publiques d’AIR GABON,

ainsi que celle du Directeur de l’Informatique. Ce dernier pense que « c’est plutôt

l’environnement qui appesantit le fonctionnement « normal » de l’entreprise », tandis qu’elle

pense que c’est parce que : « les compétences et les ressources humaines sont mal réparties ».

Finalement, cette dernière interrogation nous permet de recouper le sens de la classification à

laquelle nous sommes parvenue, par l’exploration du positionnement stratégique de ces

entreprises jusqu’à la configuration de leurs stratégies au vu de la pratique de management

exercé. Les entreprises qui s’en sortent le mieux, sont une fois de plus les entreprises privées.

C’est surtout parce qu’elles se donnent les moyens d’atteindre leurs objectifs stratégiques, et

qu’elles organisent leur système stratégique dans cette perspective.

Les propos que nous avons relevé précédemment, et qui ont été tenus par des agents d’AIR

GABON, nous confortent dans l’idée que ce n’est pas un modèle de management spécifique

qu’il faut à ces firmes. Mais ce sont surtout des principes de saine gestion qui manquent d’être

appliqués, parce qu’en plus, d’être mal gérées, ces entreprises manquent totalement de culture

du résultat.

Ce qui est d’autant plus dommageable que la segmentation du marché local favorise très peu

la recherche d’informations stratégiques. Le management de l’information y est massivement

orienté vers l’informatique de gestion, et ne repose que très peu sur une dynamique

réticulaire. Bref, on peut considérer que l’on n’exagère pas si l’on extrapole en disant que ce

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463

management est encore dans une phase primaire, comparativement aux étapes mises au jour

par Alain Rallet248

à ce sujet.

2.3. Analyse et interprétation des résultats obtenus

Au vu des résultats qui précèdent, on peut dire que le managements stratégique de

l’information dans ces firmes a encore un caractère unidimensionnel. C’est-à-dire que ce

management n’a pas encore véritablement intégré la dynamique réticulaire allant du stade

primaire de l’informatique de gestion, à celui plus abouti de l’informatique en réseaux, à

travers l’interface hommes/machines. Le motif essentiel de ce choix tient à la structuration du

marché gabonais qui reste très peu diversifié et segmenté, dans la mesure où chacun dispose

de son pré carré.

248

Rallet (A.), « L’efficacité des technologies de l’information et de la communication à l’étape des réseaux »,

L’Entreprise et l’outil informationnel, 1997, p.85-105.

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464

Ce qui fait qu’indistinctement la culture informationnelle de ces entreprises est une culture

fonctionnalisée. L’information y est davantage exploitée comme un instrument de pouvoir

servant davantage les intérêts de coalitions d’acteurs. En fait, le management de l’information

subit un cheminement identique à celui de la structure dans laquelle il s’insère. Ainsi dans les

entreprises publiques et parapubliques (AIR GABON et O.P.R.A.G. par exemple), au chapitre

des difficultés rencontrées pour établir des actions d’intelligence économique, on trouve des

problèmes d’ordre organisationnel relevant aussi bien de la gestion de processus

informationnels qu’humains, concernant la circulation des flux d’informations.

GABON TELECOM qui est pourtant statutairement une entreprise privée, fonctionne encore

au niveau de son organisation comme une entreprise publique. Le management stratégique du

système d’information de cette entreprise reproduit les dysfonctionnements que nous y avons

repéré entre l’élaboration de stratégies et la détermination des objectifs stratégiques à

atteindre. Reconnaissant l’attrait d’Internet en tant que vitrine sur le monde, cette entreprise

qui a pourtant plus de moyens financiers que les autres firmes ici étudiées, ne dispose toujours

pas d’un site Internet. Mais les managers semblent en avoir tout de même pris conscience,

puisque le Directeur de l’informatique reconnaissait :

« Notre entreprise se lance aujourd’hui dans l’informatisation de la quasi-totalité de son

activité, compte tenu de son évolution dans le temps. Les télécommunications évoluent d’une

manière vertigineuse, la gestion du système d’information doit s’adapter à cette dynamique ».

Cela suppose d’effectuer une auto-restructuration organisationnelle permettant d’améliorer le

travail en équipes. De décloisonner les unités fonctionnelles, tout en leur laissant un minimum

d’autonomie pour que les individus se sentent davantage impliqués et valorisés. Le fait est

que c’est la démobilisation des ressources et des compétences humaines qui, lorsqu’elles ne

sont pas suffisamment ou pas du tout intégré aux différents processus, contribuent au manque

de compétitivité de la plupart des firmes en analyse, comme nous avons eu l’occasion de le

démontrer. Et de ce côté, GABON TELECOM doit encore persévérer.

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465

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466

Ces pathologies ont été fort bien décrites par Philippe Baumard, à travers les problèmes de

gestion de l’information, qui engendrent les mêmes inconvénients que l’organisation dans

laquelle surviennent ces dysfonctionnements. Ainsi, lorsque l'organisation d'une entreprise est

de type hiérarchique et fortement centralisée, comme c’est le cas ici, les problèmes de gestion

de l’information surviennent généralement du fait des circuits qu’elle emprunte.

Ce qui fait que le changement de statut juridique n’est pas un gage de réussite, s’il ne

s’accompagne pas des restructurations nécessaires à la fois sur l’état d’esprit et les

comportements des acteurs, ainsi que sur la structure organisationnelle. De fait, les dispositifs

centralisés de recueil et de traitement de l'information repérables dans les grandes

organisations ont l'effet contraire à celui souhaité. Parce qu'ils sont centralisés, ces dispositifs

d'intelligence organisationnelle vont structurellement être confrontés à une variété de

problèmes inhérents aux mécanismes de coordination et de commandement.

Étant donné que GABON TELECOM évolue dans un secteur fortement concurrentiel et

soumis à des évolutions constantes, faire l’économie de pratiques d’intelligence économique

et stratégique, n’est pas compatible avec son domaine d’activités stratégiques. Par contre, à

l’O.P.R.A.G., cela s’entend tout à fait, puisque la poursuite d’actions d’intelligence

économique et stratégique ne s’accordent pas avec les missions de l’entreprise, comme nous

l’a laissé entendre la Directrice des Relations Internationales à travers le propos suivant :

« L’exploitation et la gestion de l’office ne correspondent pas à des stratégies d’exploitation et

d’investissement cherchant la compétitivité ».

Ces problèmes peuvent être résolus si l’on procède aux ajustements nécessaires suivant la

structure de l'organisation, les motivations des individus et les moyens à disposition. Au cœur

de ces réajustements se trouvent l'équilibre de la vie du réseau d'intelligence, qui tient en fait à

une alchimie entre l’instauration et la coordination d’actions d’intelligence économique, leur

intégration au processus décisionnel et la mobilisation des individus pour agir ces actions.

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467

Bien sûr, le degré d'implication de l’équipe dirigeante par rapport à l'établissement de ce

réseau d’intelligence, peut être facilité par l’adoption de certains outils et méthodes de travail.

Finalement, l'isomorphisme structurel qui se reproduit à travers le management des systèmes

d’information de ces entreprises, institutionnalise en quelque sorte le recours à des pratiques

d’intelligence économique, à travers la culture informationnelle qui s’en inspire. Cette

imitation-reproduction pathologique, étant sous-tendue par un double processus

d'institutionnalisation exogène (par l’adoption-imitation de modèles stratégiques

concurrentiels) et endogène (très souvent par la confiscation de l’information permettant de

légitimer l’influence et le pouvoir d’un acteur ou de coalitions d’acteurs en interne).

Ce « copier-coller » se traduit généralement par l’importation de modèles techniques ou

organisationnels, comme pour la pratique du management stratégique, qui ne s’accordent pas

toujours avec les réalités du contexte d’action où ils sont implantés. Par exemple, GABON

TELECOM s’est lancé dans un programme d’informatisation tous azimuts de ses activités.

Cela est louable, mais en même temps, on peut légitimement se demander si elle s’est

entourée des conditions optimales à la réalisation de cette opération. Étant donné son mode

d’organisation peu propice à une circulation aisée des informations, et la faible mobilisation et

l’implication de ses membres de façon générale, on peut émettre des réserves.

Il faudrait donc pour limiter l’impact de ces dysfonctionnements, procéder à un travail de

« désinstitutionnalisation » de l'apprentissage, en introduisant un ensemble de routines, dans

le sens où elles rompraient avec ce modèle. Par exemple, ces routines peuvent être associées à

des processus discursifs et dialectiques encadrant les processus d'intelligence

organisationnelle et stratégique lors de réunions. Cela se rapporte par exemple à la théorie du

« design organisationnel » de Frantz Rowe249

, qui agit sur trois dimensions : l'organisation,

les individus et le système d’information.

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468

Grâce à ces processus dialectiques et discursifs, une entreprise peut effectivement bousculer

des schémas établis, en permettant aux stratégies édictées de trouver un cadre d’actions et de

démarches favorisant la décision stratégiquement informée, comme cela se passe dans les

entreprises privées. Pour cela, l'information diffusée doit cibler le plus précisément possible

les centres d'intérêt des personnes concernées (en l’occurrence l’équipe dirigeante), en se

demandant ce qu'ils vont en faire, et pour mieux évaluer leurs attentes par la suite [cf. Levet et

Paturel].

Avec une structure organisationnelle similaire à celle des entreprises publiques, parce qu’elles

conservent une structure fonctionnelle hiérarchisée, les entreprises privées se défendent mieux

que ce soient en termes de culture informationnelle ou organisationnelle. Le fait qu’elles aient

une structure fonctionnelle également hiérarchisée ne nuit nullement à l’adoption de

mécanismes de coordination des tâches plus bénéfiques que celle que l’on peut voir dans les

entreprises publiques, parce qu’elles conservent une flexibilité et une réactivité dans les

processus qu’elles entreprennent, que n’ont pas les entreprises publiques.

Par exemple, en matière d’ingénierie informatique, les moyens et les objectifs que se donnent

les entreprises publiques, sont sans communes mesures avec ceux que déploient les

entreprises privées. Effectivement, la culture informationnelle de ces entreprises est mieux

structurée, et entre en application dans le plan d’actions commerciales.

Comme nous avons pu le constater à l’issue de l’analyse des variables portant sur leurs

pratiques informationnelles, les entreprises privées sont toutes mieux pourvues en matière

d’ingénierie informatique. Ainsi, à l’exception de CELTEL pour les raisons que nous avons

évoqué précédemment, elles sont toutes dotées d’un site Internet, et cela sert véritablement

leur stratégie.

C’est ainsi qu’à la BGFI, le Responsable des Ressources Humaines s’en sert pour avoir des

informations en ligne, mais aussi pour des besoins de recrutement. À l’U.G.B., c’est

249

Rowe (F.), « Productivité de l’information et design organisationnel, accessibilité aux données et agir

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469

également le cas pour obtenir des informations en temps réel avec les différentes entités du

groupe, comme cela a également été initié à la SNBG. Ces entreprises ont intégré à leurs

processus stratégiques, l’intelligence économique moins comme une fonction que comme un

processus capable d’aider et de guider l’action, tout en lui permettant de produire de la valeur.

Autrement dit, le système d’information en lui-même est quasiment sans intérêts. Pour qu’il

acquière cette dimension stratégique, il faut pouvoir lui insuffler une dynamique d’actions que

seule la volonté des individus, plus que la technologie peut permettre d’instaurer. Pour que

cela se fasse, la gestion stratégique de l’information, apparaît désormais comme

incontournable en fonction de la finalité qu’on lui assigne. En fin de compte, « la démarche

choisie par l’entreprise en matière d’intelligence économique dépend fortement de sa vision

de la gestion des processus, de ses processus d’organisation, de son attitude envers

l’apprentissage et de ses valeurs fondamentales » [Marchand 1999, p.383].

Dans les entreprises privées, la gestion du système d’information, et son intégration aux actes

de pilotage stratégique s’effectuent sur la base du système décrit et développé par Maryse

Salles250

, à partir du plan d’actions commerciales. Ce sont bien ces éléments qui conduisent à

un management des systèmes d’information à deux vitesses, entre entreprises privées et

publiques, tout comme nous sommes parvenu à la détermination de deux styles de

management. Tous deux restent tributaires du système stratégique mis en place dans ces

firmes, parce qu’ils sont intimement liés à la façon dont elles s'organisent par rapport à leurs

environnements (interne et externe).

L’implication de l’équipe dirigeante, ainsi que les efforts qu’elle déploie pour impliquer son

personnel à la réalisation de ses objectifs stratégiques, dans le cadre des actes de pilotage

stratégique, creusent l’écart entre ces firmes. Tout comme la prédominance de la rationalité

socio-culturelle dans les entreprises publiques montre qu’elles sont peu performantes,

comparativement aux entreprises privées, les pratiques informationnelles de ces firmes, à

travers le management de leur système d’information va dans le même sens.

communicationnel », L’Entreprise et l’outil informationnel, 1997, p.23-39. 250

Salles (M.), "Méthode de conception de systèmes d'intelligence économique », Thèse de doctorat, Lyon 3, 1999.

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470

2.4. Perspectives tirées des résultats et des analyses effectuées

L’analyse des variables relatives au management stratégique de ces entreprises, laisse

apparaître des disparités entre les résultas obtenus dans les entreprises publiques et dans les

entreprises privées. Celles-ci tiennent principalement à la prégnance de la rationalité socio-

culturelle dans les entreprises publiques et de la rationalité économique dans les entreprises

privées. Nous inspirant des travaux de Boltanski et de Thévenot [1991], nous avons montré

comment ces logiques/grandeurs organisaient le fonctionnement de ces firmes, en stimulant

ou en contrecarrant les stratégies mises en œuvre.

C’est l’objectivation de ces résultats en termes de performances, au niveau de leur

productivité sur le marché local, qui nous a permis de valider les hypothèses préalablement

émises, et de dresser une typologie à partir des résultats obtenus. L’« hypothèse élargie de

configuration » qui lie l’efficacité d’une structure à la cohérence des variables internes et

externes, couplée aux principes de « contingence » et du « fit » d’Éric Delavallée [1996], qui

impliquent un minimum de cohérence interne entre les différents paramètres de conception

des tâches, par le jeu d’interactions entre le management, l’environnement stratégique et le

degré d’implication des acteurs, nous permettent de valider les corrélations ainsi établies.

Ces trois facteurs constituent donc bien les ingrédients moteurs/catalyseurs du pilotage

stratégique d’entreprise, car ils sont au cœur de la mise en œuvre des processus qui

conditionnent leurs succès, ou leurs échecs par le biais du système stratégique. Ce dernier

nous a en effet permis de dégager les liens ressortant du management de ces entreprises, à

partir de leur structure organisationnelle, celle-ci étant influencée par l’imbrication de

contenus sociétaux extérieurs liés à l’environnement stratégique et socio-historique.

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471

À partir des associations/dissociations faites des composantes de ce système, nous avons

établi que les performances d’une entreprise s’articulaient autour de deux aspects

fondamentaux : la gestion des risques et de l’incertitude liée aux contraintes de l’activité

socio-économique, et la gestion de l’organisation se concentrant plus spécifiquement sur les

aspects socio-psychologiques. Domaine complexe, fruit des interactions qui agitent la vie des

organisations, ces aspects socio-psychologiques motivent de façon indéniable les

performances réalisées par une entreprise, quand ils s’accordent à la mise en œuvres de

processus stratégiques.

La typologie d’ensemble que nous avons établi entre entreprises publiques et entreprises

privées l’atteste, puisqu’elle manifeste la prédilection de la rationalité socio-culturelle sur la

rationalité économique. Cependant, à l’intérieur de ces catégories majeures, nous avons

décelé au sein des entreprises publiques, des valeurs différentes soutenues par certains de nos

interlocuteurs. Ces valeurs sont le fruit de catégories-structures qui leur sont propres, et

indépendantes de l’appartenance à une entreprise publique ou privée.

Ces catégories sont le résultat de la proximité d’appartenance que nous avons déduite entre

management-structure d’adhésion et management-structure d’usage. Cette sous-catégorie, à

l’intérieur de la typologie d’ensemble que nous avons établi entre entreprises privées et

publiques, traduit la complexité des relations structurales qui lient les membres de ces firmes,

autant par la complexité des cadres référentiels auxquels ils recourent, que par leur singularité.

Ces deux catégories qui renvoient pour nous à la manière dont les managers légitiment le

management et le pilotage stratégique de leur entreprise, manifestent l’adhésion ou

l’extériorité, vis-à-vis d’un modèle de gestion, que nous avons associé à la prédominance de

l’une ou l’autre de ces rationalités.

Par la combinaison des relations et des régularités de comportements dégagés dans une

structure organisationnelle, ainsi que par les groupes, individus ou statuts qui présentent ces

régularités de façon inductive, nous avons dégagé des groupes pertinents dont témoigne le

tableau 15. Cela peut aller de l’« extérioirité », décrite par Émile-Michel Hernandez [1997],

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472

qui renvoie à la distance affichée par les individus, vis-à-vis de leur entreprise quand ils ne s’y

identifient pas, à la « compliance » ou au partage de valeurs ressortant de la théorie d’Amitaï

Etzioni, quand ils y adhèrent.

Elles traduisent également la complexité du management, ainsi que son caractère contingent

et dialogique. C’est ainsi que derrière la répartition stricte entre entreprises publiques et

privées, renvoyant à la prédominance d’une rationalité, nous avons dégagé des proximités

structurales entre managers. Cette proximité tenant au fait qu’ils aspirent à une reconnaissance

de leur statut et de leurs compétences, au niveau des actes de management stratégique. Tout

en ne perdant pas de vue le rôle de la gestion en tant qu’activité indépendante de toutes autres

considérations, cette aspiration prend généralement en compte les contours de

l’environnement socio-culturel.

Grâce à l’opinion reflétée par les managers de ces firmes, nous avons fait état des relations

entre leur fonctionnement interne, et les contraintes de l’environnement socio-politique et

stratégique qui influençaient la détermination de ces modèles de gestion et de gouvernement

des hommes. Au bout du compte, on a recensé deux styles de management et de gestion

relevant d’un même dispositif organisationnel fortement centralisé. D’où la seconde

explication à laquelle nous sommes parvenue, et qui découle de la proximité structurale

d’adhésion ou de rejet.

La première catégorie renvoie au modèle de commandement-contrôle observable dans ces

entreprises, tandis que la seconde fait référence aux aspirations individuelles des managers

quant au modèle de management qu’ils seraient désireux de voir s’appliquer, pour le pilotage

de leur entreprise. Plus généralement, ces deux catégories renvoient pour nous à la manière

dont les managers légitiment le management et le pilotage stratégique de leur entreprise, par

analogie aux catégories révélées par Wanda Orlikowski.

Ces deux styles de management, sont tout de même confrontés à la présence/absence des

réseaux sociaux, puisque nous avons pu voir que le management prisé dans les entreprises

publiques, projetait en fait un style de management lié de près à la dimension socio-politique

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qui organise et régit la gestion du pays. Sur la base de nos hypothèses de départ, et des

interprétations auxquelles nous nous sommes livrées, nous pouvons dire que ces hypothèses

se vérifient autant dans les entreprises publiques, que dans les entreprises privées.

Les performances de ces entreprises montrent bien qu’il existe une corrélation entre la

rationalité prédominante et les droits de propriété qui lient les membres de ces firmes. En

effet, nous avons noté la prédominance de la rationalité sociale dans les entreprises publiques

et parapubliques, et effectivement toutes ces entreprises connaissent ou ont connu des plans

de restructuration. Par ailleurs, la seconde hypothèse est également vérifiée, puisque le ratio

performances économiques et sociales/logiques individuelles est un élément essentiel à la

compréhension et au fonctionnement de ces firmes.

Il ressort de cette étude que l’imbrication des réseaux sociaux dans la vie de ces entreprises

est une réalité patente. En effet, toutes ces entreprises, qu’elles soient publiques, privées ou

parapubliques possèdent une ossature leur permettant de piloter leur entreprise de la manière

la plus optimale possible. La défection provient du fait que la cohérence entre les différents

paramètres de conception des tâches, les objectifs stratégiques, et l’adhésion des membres à la

réalisation et à la poursuite de ces objectifs est biaisé.

L’histoire de ce pays et la constitution de la plupart de ces entreprises, sont également pour

nous des éléments explicatifs du manque de compétitivité et de culture du résultat que nous

avons décelé dans les entreprises publiques, car elles renforcent la distance de ces managers

vis-à-vis de l’institution à laquelle ils appartiennent. Nous avons d’ailleurs retrouvé les

mêmes dysfonctionnements au niveau du management des systèmes d’information de ces

entreprises.

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474

Parce qu’il véhicule la trace des activités entre le système de pilotage et le système opérant

dans une entreprise, le système d’information nous a permis de voir comment le recours de la

décision informée pouvait renforcer les dispositifs stratégiques, en permettant de se

démarquer de la concurrence. En cela, il constitue donc bien un moyen de jauger l’activité et

la structure d’une entreprise, au niveau des flux d’information qu’il génère, mais également sa

culture organisationnelle, par l’importance accordée au management stratégique de

l’information.

Ainsi, à l’aide des points de vue des managers de ces entreprises, et de l’analyse de diverses

variables révélatrices à l’intérêt manifeste de l’utilisation et de l’intégration des éléments de

ce système à la prise de décisions, nous avons défini la culture informationnelle de l’ensemble

de ces entreprises, grâce au décryptage de leurs pratiques et politiques informationnelles.

Celle-ci nous a montré que ce management était encore principalement dédié à l’informatique

de gestion. Sauf quelques exceptions dans des entreprises privées, la culture du partage n’est

pas la chose la mieux partagée dans ces entreprises.

Au final, dans cette étude ce qui nous semble représentatif, c’est moins son exhaustivité que

la nature des relations qu’elle contribue à mettre en lumière pour davantage sensibiliser les

entreprises du secteur public à intégrer des canons de gestion rigoureux valorisant davantage

les compétences des individus, ainsi que les intérêts vitaux de l’entreprise.

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CONCLUSION GÉNÉRALE

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Conclusion générale

Au terme des investigations menées dans le cadre de la gestion et du pilotage stratégiques des

firmes gabonaises en analyse, nous pouvons sans aucun doute attester du caractère contingent

et structurel des problèmes posés. La démarche retenue consistait ainsi à prendre appui sur

l’évolution et les développements des courants majeurs de la pensée stratégique, pour

examiner le management de ces entreprises, au regard des enjeux et du développement pris

par la société et l’économie de l’information.

L’analyse et l’interprétation des résultats obtenus qui s’inscrivent dans la perspective des

éléments de théorie sur la firme, notamment les approches de Harvey Liebenstein [1987] et de

Masahiko Aoki, nous ont conduit à dresser une typologie de ces firmes. Grâce à ces théories

qui s’inscrivent dans le champ du courant des écoles processuelles, dont l’éclairage simonien

sur la théorie de la rationalité limitée a révélé les imperfections, nous avons pu vérifier les

hypothèses préalablement constituées.

L’analyse de la firme, du fait de ce changement de perspective étant désormais appréhendée

comme une organisation complexe nécessitant une organisation et des modes de production

spécifiques [Berle et Means 1932, Jensen et Meckling 1976]. Les théories des droits de

propriété et de l’agence qui établissent le noyau contractuel et composite des intérêts divers

des agents de la firme, nous ont permis de justifier cette répartition. Au vu de leurs

performances, et par le comportement de leurs agents nous avons caractérisé les causes des

dysfonctionnements observés.

Au cœur de ces dysfonctionnements se trouve le noyau contractuel, par la distinction que

nous avons établie entre entreprises publiques et privées. Elle justifie la logique de

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478

fonctionnement adoptée par ces firmes, en fonction de leurs objectifs stratégiques et de leur

évolutivité. La théorie de Liebenstein, ou « théorie de l’efficacité X » est de ce fait centrale

pour arborer l’impact des autres théories sur la classification à laquelle nous sommes

parvenue au cours de l’interprétation et de l’extrapolation des résultats de l’enquête.

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479

Parce que la théorie de Liebenstein met en évidence les écarts de productivité entre firmes aux

caractéristiques techniques identiques, il va privilégier l’analyse des composantes de la firme,

précisément ses membres, pour expliquer cette contradiction d’intérêts. Les firmes

s’identifiant au résultat des actions des différents agents qui la composent, et compte tenu du

caractère structurant des facteurs socio-culturels dans la vie de ces organisations, cette théorie

est un moyen de comprendre et de justifier cette typologie.

Elle se confond à ce niveau à la théorie des grandeurs de Boltanski et Thévenot [1991], à

travers le partage de valeurs et de repères communs érigé en systèmes d’équivalence, et de

cadres référentiels qui agissent et motivent les actions des individus. Cette opposition de

valeurs qui régit ces mondes, va marquer la prédominance de la rationalité socio-culturelle

dans les entreprises publiques, et de la rationalité économique dans les entreprises privées.

Grâce à différentes variables relatives au système stratégique de ces firmes (champ

stratégique et dimension socio-psychologique), nous avons dégagé des interactions qui nous

ont permis de mettre en parallèle deux styles de management. Ces deux styles de

management, au vu des différents éléments de théorie et des modèles conceptuels présentés,

sont intimement liés et indissociables du contexte d’action socio-culturel dans lequel baignent

ces firmes.

C’est ce que démontrait notamment Nabil Rifai [1996] dans son ouvrage, lorsqu’il faisait

remarquer que les organisations se construisent à partir des liens sociaux et des affects qui

déterminent leurs performances. C’est ainsi que suite aux corrélations que nous avons faites

entre l’implication et l’adhésion des managers de ces firmes à la politique générale

d’entreprise, et leurs performances globales, nous avons mis au jour les facteurs contingents

justifiant un pilotage stratégique efficient dans les entreprises privées, et inadapté dans les

entreprises publiques.

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D’où la typologie à laquelle nous sommes parvenue, et qui découle de la proximité structurale

d’adhésion ou de rejet, entre « management-structure d’adhésion » et « management-

structure d’usage », par association aux catégories établies par Wanda Orlikowski. Elle se

justifie par le fait que les individus, même s’ils sont normativement associés à un cadre, ici

l’appartenance à une entreprise publique ou à une entreprise privée, conservent la capacité de

s’y soumettre, ou au contraire de s’en soustraire en fonction de désidératas qui leur sont

propres, et sur lesquels l’entreprise ne peut pas toujours agir.

Cette opposition de valeurs et de résultats entre entreprises publiques et privées trouve une

explication plausible dans la théorie des entreprises publiques et de la réglementation. Cette

théorie montre en effet les carences des entreprises publiques en raison de la difficulté de

concilier les objectifs de service public à la réalisation de profits. Cela se traduit généralement

par leur manque d'efficacité. La stratégie localement orientée de la plupart de ces firmes, ainsi

que l’étroitesse du marché, segmenté entre les différents opérateurs économiques renforce

cette absence de culture du résultat dont les ramifications nous ont porté vers la constitution et

l’évolutivité de ces firmes.

Au total, cette finalité des missions et des contrats qui justifie notre typologie se retrouve dans

la théorie des firmes « A » et « J » d’Aoki, à travers la structure de ces entreprises et le

management de leur système d’information. Parce que cette structuration va montrer que les

entreprises privées, avec un mode de commandement-contrôle identique, parviennent à de

meilleurs résultats à cause de la flexibilité organisationnelle qu’elles adoptent, et qui leur

permet d’être plus réactive et de s’adapter aux conditions du marché.

La conclusion que nous inspire cet entrecroisement de phénomènes, c’est qu’il s’agit moins

d’envisager la conception d’un modèle de management spécifique à appliquer à ces firmes,

singulièrement dans les entreprises publiques. Il s’agit surtout de veiller à l’application et au

respect de règles et de principes de saine gestion existants. En effet, c’est ni la qualité du

niveau de formation de ces managers et leurs compétences qui font défaut, mais c’est

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davantage une question de coexistence équilibrée entre les exigences du management et les

contingences des facteurs socio-culturels.

Les causes profondes de ces dysfonctionnements, nous les associons comme Annie Chéneau-

Loquay à l’omniprésence et à l’omnipotence du pouvoir politique dans la gestion et le

développement économique de ces firmes d’État. La mise en place d’une infrastructure

nationale d’information et de communication, fut-elle avant-gardiste, doit prendre appui sur

des infrastructures routières, maritimes, ferroviaires existantes (cf. Rapport « Info-Com »).

Or, le Gabon est en situation de déficit avéré à ce niveau. À l’heure de la mondialisation, cette

situation n’est pas de nature à poser les termes d’une ère de croissance facilitée par ces

technologies. À moins que le développement du Gabon ne se limite à celui de sa capitale

politique, où là effectivement, l’émergence de cette société de l’information a plus de chances

d’être crédible.

De ce point de vue, l’originalité de notre démarche de recherche consiste à avoir associé à la

spécificité d’analyse du management des firmes étudiées, l’intérêt des TIC. Par le biais du

système d’information, et par extension son management, nous avons voulu montrer, à l’ère

des discours porteurs sur le développement de la société et de l’économie de l’information,

comment ce management pouvait devenir un atout dans la gestion de ces entreprises.

La force du management stratégique de l’information reposant sur sa valeur économique pour

les entreprises (démarches de veille et d’intelligence économique et stratégique) et

organisationnelle (par la réduction des lignes hiérarchiques favorisant les communications

latérales et le travail d’équipes), il participe à ce que Donald Marchand appelle la décision

informée. Mais cette valeur économique dépend de la pertinence de son exploitation, comme

nous l’avons montré à travers le paradoxe de la productivité de l’information.

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Les points de vue des managers de ces entreprises, et l’analyse de diverses variables

révélatrices de l’intérêt manifeste de l’utilisation et de l’intégration des éléments du système

d’information à la prise de décisions, nous ont permis de définir la culture informationnelle de

l’ensemble de ces entreprises. Celle-ci nous a montré que ce management était encore

principalement dédié à une informatique de gestion. Sauf quelques exceptions dans des

entreprises privées, où ce management est en étroite corrélation avec l’orientation de leur

champ d’actions stratégiques, la culture du partage n’est pas encore installée dans ces

entreprises.

Ce qui fait que la culture informationnelle de ces firmes est davantage associée à la culture

fonctionnelle qui reste le modèle dominant, et la culture du partage, l’exception. Dans

l’ensemble, ces entreprises sont confrontées à des problèmes structurels faisant que le

potentiel dont elles disposent en la matière, se réduit essentiellement à une informatique de

gestion. Cette exploitation n’est pas étrangère au fait que le champ d’action de ses entreprises

se limite au marché local.

Dans cette perspective, la décision informée en tant que pendant du management des

connaissances, nécessite un minimum de flexibilité organisationnelle, qui n’est pas assuré

dans les entreprises publiques, parce qu’il s’y développe ce que Philippe Baumard a appelé le

« parochialisme ». Ce « parochialisme » est assimilable au phénomène analysé par Annie

Chéneau-Loquay, dans son rapport sur les usages et les besoins en communication au Gabon,

à propos de l’absence de communication qui caractérise les institutions gabonaises, et que

nous avons pu éprouver sur le terrain.

Au final, dans cette étude ce qui nous semble représentatif, c’est moins son exhaustivité que

la nature des relations qu’elle a contribué à mettre en lumière pour davantage sensibiliser les

entreprises du secteur public à intégrer des canons de gestion rigoureux, pour tout simplement

garantir leur existence. Les technologies de l’information et de la communication offrent

certes de nouvelles opportunités pour mettre en place des stratégies propres à accélérer le

développement de manière générale, mais elles ne peuvent suppléer l’absence d’un minimum

requis d’infrastructures.

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Dans une société où le discours dominant consiste à promouvoir l’intégration du pays dans la

société et l’économie de l’information, la réalité est en porte à faux avec la démesure des

moyens mis en oeuvre. Quoiqu’il en soit le Gabon ne peut vivre en dehors de ce mouvement

sans hypothéquer son avenir, dont les différents projets initiés par les organismes

internationaux n’ont malheureusement pas été relayés à suffisance par les pouvoirs publics.

Sans prospective et en ne prenant pas la mesure des conclusions des nombreux projets qui ont

été portés en ce sens, c’est vraisemblablement une cause dont les succès semblent par avance

compromis.

S’il est une chose qui nous apparaît évidente, c’est que le redéploiement stratégique des

entreprises publiques plus singulièrement, passe par une dynamique de changement

organisationnel. Celle-ci doit autant prendre racine chez les acteurs de ces organisations, que

dans le contexte socio-culturel et politique de ce pays. Auquel cas, l’avenir de ces entreprises

sera d’être assujetti à une libéralisation et à une déréglementation sauvages, ne favorisant pas

le développement local, mais davantage l’installation de firmes étrangères concurrentes, et la

braderie du patrimoine économique national.

Dans le cas présent, la mise en exergue d’une culture organisationnelle, au-delà de son

caractère manipulateur, a au moins le mérite de fixer un cap à partir d’objectifs et de missions

sensés être partagés par les membres de ces organisations, d’une part. D’autre part, d’arriver à

faire cohabiter cette culture commune avec celles plus spécifiques des individus, pour en faire

quelque chose de productif : en quelque sorte « une arme culturellement stratégique » au

service de l’entreprise.

C’est la thèse défendue par Éric Delavallée251

, et qui va à l’encontre du concept de

« totalitarisme démocratique » défendu par Eugène Enriquez [1998]. Dans le cas des

entreprises africaines, et de celui plus particulier des firmes gabonaises ici étudiées, nous

251

Delavallée (É.), « Pour ne plus gérer sans la culture », Revue française de gestioi, sept.-oct. 1996, p.5-16.

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rejoignons les avis d’Éric Delavallée [1996] et d’Emmanuel Kamdem [2002], parce qu’ils

considèrent que plutôt que de combattre ces expressions, les équipes dirigeantes gagneraient

davantage à les transformer en procédures de gestion et de management.

Éric Delavallée a ainsi procédé à une redéfinition du concept aux yeux des objectifs de

gestion, en s’intéressant aux relations entre la culture d’entreprise et certaines variables clés

qui interviennent ou influencent souvent les données en matière d’évaluation des

performances : la rationalité, l’efficacité et le changement. Ainsi, l’auteur révèle-il derrière

l’apparente antinomie qui lie les notions de culture, de rationalité et d’efficacité, la proximité

de relations qui s’exerce, si l’on admet que la culture est assimilable à la « rationalité » qui

gouverne l’entreprise, et qui peut l’influencer dans un sens ou dans l’autre.

Partant de là, cette antinomie apparente se rapporte aux objectifs se trouvant derrière chacun

des termes employés. La rationalité supposant un comportement calculé sur la base d’intérêts

de type économique ou politique, tandis que la culture recouvre au sens large un réservoir de

réponses toutes faites dans lequel les individus peuvent puiser en fonction de leurs valeurs, de

leurs convictions et de leur appartenance.

L’ambition de ces approches est de construire un modèle de management reposant sur

l’existant des membres de ces firmes, parce qu’elles se réfèrent aux repères cognitifs auxquels

ils s’identifient. Mais surtout, elles ont plus de chances d’être adoptées et appliquées parce

qu’elles s’inscrivent dans une codification sociale qui leur parle davantage. Par conséquent,

au lieu de condamner la juxtaposition des réseaux sociaux et leurs effets pervers dans les

entreprises africaines, il vaudrait mieux à l’instar des développements de Émile-Michel

Hernandez [1998] sur les règles et les modes de fonctionnement de l’entreprise informelle

africaine s’en servir comme méthode et modèle opératoire de gestion à part entière. Le

passage suivant, extrait des propos de Delavallée en témoigne fort à propos :

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« Il ne s’agit plus dès lors de s’interroger sur les liens entre les techniques de gestion et la

culture, donc de considérer les évidences qui la composent comme des contraintes à prendre

en compte dans la mise en place des conditions de l’efficacité de l’entreprise, mais de

considérer la mise en évidence de la culture comme une véritable technique de gestion ».

Delavallée, op. cit., p.16.

À travers ces deux approches, nous avons une fois de plus la preuve de la complexité de

l’activité managériale. Ce que nous retenons ici par rapport à notre étude, c’est la force et

l’empreinte de la culture d’un pays, parce qu’elle détermine de manière implicite les modèles

de management qui y sont observables. Ceci étant, les conclusions auxquelles nous sommes

parvenues doivent être considérées comme des prémisses à une exploitation plus étendue de

l’impact du management stratégique du systèmes d’information des firmes gabonaises dans

les actes de pilotage stratégique.

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BIBLIOGRAPHIE

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ANNEXES

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Annexe

Annexe 1 - Conclusion du rapport sur les usages et les besoins

en communication au Gabon. Par Annie Chéneau-Loquay,

CNRS, 2000, http://ariane.rio.net/gabon/aloquay/

« Il ressort de cette analyse que le Gabon aujourd'hui est mal intégré dans un système mondialisé qui

repose sur l'interconnexion de grands systèmes techniques basée sur la maîtrise de l'information et

des télécommunications .

Les liaisons routières, aériennes, réseaux électriques, électroniques, financiers, les satellites, les

câbles sous-marins insèrent la planète dans un maillage de plus en plus serré et forment un immense

système qui ne fonctionne qu'en inter-connexion, en synergie. Internet exprime à l'extrême ce rôle de

la connectivité qui est au cœur des processus actuels de développement mais Internet à lui seul ne peut

pas induire ce processus de développement s'il n'est pas imbriqué dans le système des autres réseaux

matériels et immatériels.

Comment développer le commerce électronique s'il n'y a pas de moyens de transports ou de dispositifs

postaux efficaces pour acheminer les produits de l'entreprise jusqu'au destinataire final? Comment

payer ses achats sans cartes bancaires, à quoi sert de diagnostiquer avec l'aide d'un ordinateur la

maladie du patient isolé s'il n'y a pas d'hôpital où transporter le malade? Comment développer l'usage

d'Internet dans les écoles et les universités s'il n'y a pas un réseau de téléphonie efficace et du

personnel compétent?

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Croire et faire croire que les pays africains pourront "faire un saut" et "brûler les étapes" grâce aux

nouvelles technologies de la communication associées à la libéralisation de leurs économies est un

leurre s'il n’existe pas en même temps les conditions du développement que sont des infrastructures

matérielles correctes, des instances de gestion et de régulation efficaces, une ouverture d’esprit

générale.

L’insertion des NTIC au Gabon risque de favoriser Libreville davantage que les autres régions et

ainsi d’accentuer les disparités nationales d’un territoire dont la capitale est mieux reliée à l’extérieur

qu’à son propre interland.

L’objectif de cette étude était de tenter de mettre en évidence les problèmes à résoudre au Gabon dans

différents secteurs pour appuyer le travail des groupes de réflexion constitués .

Le projet est il indiqué dans le texte d’intention, doit permettre de préciser les objectifs d'ensemble et

des objectifs spécifiques à chaque secteur d'activité concerné. Il s'inspirera de la démarche Gabon

2025 et évaluera des scénarios pour les atteindre. Mais ce travail ne prendra véritablement son sens

que dans la mesure où il émanera réellement de la société gabonaise et mobilisera les cadres afin que

la stratégie trouve ensuite les soutiens nécessaires à sa mise en oeuvre. L'élaboration de la stratégie

sera le résultat d'un travail de réflexion collective impliquant au premier chef des responsables

nationaux choisis parmi les personnalités les plus dynamiques et les plus impliquées dans l'action

professionnelle qu'il s'agisse du secteur public ou du secteur privé.

Il place au premier rang de ses préoccupations le renforcement des capacités du pays afin de réduire

les dépendances et de renforcer le professionnalisme et la qualité. Le renforcement et l'adaptation du

dispositif de formation continue et initiale pour tous les métiers intervenant dans la communication est

donc considéré comme une question hautement stratégique. Un effort de formation très important

sera engagé afin que les cadres gabonais impliqués dans le projet maîtrisent l'évolution du contexte

mondial de la communication sur les plans économique, juridique et technique.

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Ces objectifs extrêmement ambitieux impliquent un engagement fort des membres des groupes de

travail dans une action de réflexion et d’élaboration devant aboutir à des scénarios.

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Annexe 2 – Questionnaire

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Annexe 3 – Indexation des réponses

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Annexe 4 – Le projet d’entreprise de la BGFIBANK

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