Enfants de l'Intifada

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  • 8/6/2019 Enfants de l'Intifada

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    L guerre des pielresen Cisiordanie,

    vue par Mohamad,14 ans. Aucun

    dtail n'est nodin-

    es soldats tirent sur des enfants. Lespierres normes volentet s'crasent,impuissantes, sur le blindage de charsminuscules.Les hlicoptres et lesavions crachent bombes et roquettessur une foule en mouvement. Unecolombe s'envole vers al-Aqsa, lagrande mosque de Jrusalem. Unenfant meurt le regard tourn vers leciel. Les ambulanciersI'emmnent.Photographes et cameramen fixentla scne : ruines, fumes, cercueals,personnages en larmes...Plus de cent cinquante dessins

    comme celui-ci sonttals dans une petite salle d!centre de Cultureet Pense Libre, une ONG palesti-nienne cre en 1992 (1). Tous ont t raliss le mojsdernier. Leurs auteurs, des enfants de 8 15 ans, sebousculentsur le pas de la porte, nous dvisagent tra-vers lesfentres, curieux et impatients, bruyants et indisciplins. lls revendiquent lapertjnence de leur coupde crayon, veulent expliquer chaque dtail : des heuresd'un travailpatient, dlaiss et repris dix fois. La moitide la populationde Gaz a moins de 15 ans, et les colessont satures. Rsultat : les enfants n'ontque trois

    ou quatre heure de classe parjour, et de nombr0NGprennent le relais. lci, les petits viennent le met les grands I'aprs-midi.

    Le centre est plein de couleurs et dejeux, de ridecrisjoyeux. De l'autre ct de la porte toujours ouil y a Khan Younis, le plus grand camp de rfugla bande de Gaza. De grandes tendues mornescdent aux ruelles tortueuses, toujoursenvahiesfants. Les grands immeubles et les consuctions evtres au hasard des poques s'talentsur le ved'une colline.Le lieudes affrontements n'estquelques centaines de mtres du centre, l'inttionentre deux mondes. On yjette des pierres, ledats tirent, De I'aue ct de la butte occupe ppostes israliens, une colonie juive, tranquille,sjusqu' la mer.

    n ll y aura eu beaucoup d'images dans ce cdit une ducatrice. Ces dessrns en sont une trspaft, mais peuttrc la plus difficile comprendrc,qu'elle intgre toutes /es autres,

    Dans le camenfants sont obligs devivreavee l'lntifada.llsladent la tlvision,se la racontent, la rejouent et /sinent. , Depuis ledbut des affrontements, test partout. C'est pourquoiilest impossiblede dler dans leurs dessins ce que les enfants ont relle

    IN q

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    Documentlesenfants de l'lntifad

    Aucun personnage deidessins n,est anonyme. Aucundtait est nodin. Chacun mconte l,histoirede sa fa mi eou un vnement personnel marquanLPour pangercette intimit,les ducateurs dolvent s,intgrerpeu peu dans l'universdes enfants. La relationdeconfiancetablie au fildes annes est la clefde leurtmvail.parceque les enfants vivemdans une dtiance permanente.Rejeter est devenu un quasi-rflexede prservation.L'tranger est d'abord I'ennemi. On I'accueilletoujourspar un ( Shalom , qui fait figurede tesl Une rponseen hbreu expose quelquesjets de pierre . * La violencedes enfants exp|ime, comme paftout, leu mataise, ditNadjwa,la victoiredes ducateuls est assore quand/es enfants yiennent dircctementde t'cole au centre,sans passer par ,es affrontements. Cela montre qu,ilsnbnt p,us besoin de ce dfoutoirqu,est t,affrcntement. ,

    Prlr aux enfants, les couter, expliquer... maissans contraindre,sans chercher imposer;avecpourprincipalobjectifde les aider surmonter l'preuve,La positionest dlicate, toujours l limite.Le casde Yusf, 14 ans, en est I'illustrationextrme. lls'estluLmmedessinjetant une pieffesurles postes israliens. Quelques instnts plus tard, il tombait,grave-ment bless prdeux balles, exactement I'endroitoil s'tait mis en scne. Iout le centre a t en tat de +

    Ckontre,Ahmad,14 ans, a laborun montage avecles photos de deuxde ses amh tunon loindu cmpde Xhan Younis,Cldessous, le dessin

    de Nader, I ans, oapparait clailementla ligne de lrortqsi spare en deuxla vllled Rafah.

    vcu de ce qu'ilsontvu.Sur les chanes palestiniennes,des montages rapides et Mhms passent en boucle lestemps forts des combats, sur fond de musique patrio-tique. Et les mots cheba b, shoada et tntifada - ^ entant",( martyr ' et {rvolte tr - reviennent sans cesse.

    Lejeu des lsraliens et des palestiniens, version vio-lente des gendarmes et des voleurs, ajoute une confu-sion supplmentairedans la reprsentationdu confliLllest de loin le passetemps le plus populairedes

    enfantsde Gaza etde Cisjordanie.Dns les rues des camps, de{gentils Palestiniens - jettent de vraies pierres aux* mchnts lsraliens ,, qui ripostentavec leursmitraillettesen bois, imitationdes M16. Tous rejouent I'infinilespisodes les plus Vaumatisants des ffron-tements : la mort dupetit lvlohamadou le lynchage dessoldats Ramallah,

    A les voirainsi, oncroiraitpresque que tous les enfantsparticipentauxcombats. Mais les dessins ne sont pourla plupart que ' des images d'images,, corrige Nadjwa,la directricedu centre. D'aprs I'Unicef,seul 1% desenfants se rend effectivementsur les lieux desaffron-tements. Certains sont pourtant persuads d'avoirvulepetit lvlohamad se faire tuer Netzarim.Une ducatriceexplique : * l/ y a une grande paft de fantasme dans/es dessins. ,/s dessinent des frondes dmes ures, parcequ'on voit paftoutque ce sont des f/'ondes qui doiventdlwer les Palestiniens. , Les murs des villes sontcou-verts de graffitiset d'affiches de tous les martyrs tom-bs pou r la cause. Ces images fontpeur a ux enfa nts, quivouent en mmetemps ces martyrsun vritable culte.' l/ est donc ncessa:Je que ce soit galement par taeprsentatrbn gu',,rs s e librent un peu de leur angoisse,-n dessinant leur monde, ils se le rapproprient et ce$ent en partie de subit les images de l,extrieuL r

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    Docurntlesenfants de I'lntifada

    + choc. Les gamins chantaient I'lntifadaen montrant ledessin de leur camarade : *Les rnrtyrs sont rnorts,nous sommes des mllers pouvor nous lever. Allahwa akbar. ,

    " llfallaitque quelque chose soit fait rapidement,sous peine de perdre toute crdblt, expliquela direc.trice du centre. Canaliser lahaine, sans nier la baha-rie des affrontements., Les ducatrices pensent avoirrussi, parla discussion, apaiserles esprits, Yusef est

    devenu, aux yeux de ses camarades,la victimemalheureuse d'une guerreabsurde plutt qu'unsymbole guer-rier. LJn grand dbat a eu lieu sur toutce que Yusef aurait pu faire s'il n'avaitpas t se battre. Par leur travail,ellesont rintgr le martyr de I'lntifadadns le cours d'une vied'enfant.

    " lnstrumenlisation" st le mot que les &ucateurstent pardessus tout. Et pourtant. ll n'y a pas un eau monde o soit produit un plus grand nombre d'iFace auxjournalistes,chaque enfant affichesa vde devenirun m rtyr. Les photographes a pprenne ne pas s'attarder dns certains affrontementune photo, des chebabs provoquent les tirs etdent parfois, impassibles, la balle qui lesfaucher

    . D'un ct, nous devons jouet un rle deciationet de contrepoids ; de I'autre, 1 conftion de la fragilitinnocente des enfants fa ce talitdes rmes s'im pose chaque jour ', rsumducatrice. Et que proposer face l'videncetifd ? Pour toute l'quipe pdagogique, mplus anciens ou les plus solides, il est imposss'bstraire du contexte, de garder s neutralittirde janvier, les ducateurs seront, eux aussi,par des psychologues.

    D'autrt que les motifs dela rvolte soflt aussisurlout,mtriels. lls touchent tous les ascts d

    tidiendes ducteurs comme des enfants. ll ylongtempsque les camps de rfugis n'ont plusprovisoire.Plus de 200 00O personnes vivent Younis. Les maisons bien alignes et les rues fde la coloniejuive,qu'on aperoitdu camp, sontvcomme une provocation.Gaza est maintenanten trois par les routes qui mnent aux colonies,accentue I'impression.d'emprisonnementdanpropre pays. Ceux qui travaillenten lsral n'ont prevenu depuis le bouclagedes territoires.La ddance envers les lsraliens est totle. Eau, gaztricit,essence, communications...peuvent trps par simple dcisionisralienne. A Khan Y

    c sont les symboles de la dominationclnomiqulienne que les enfants attaquent : les usines de nie en bordure ducamp. Les pierres tombent abruitd'orage sur les toits en tle du garage dans les ouvrierstrvaillent.Parfois, un cocKailMolots'craser proximit.Les soldats tournenttoutene autourdes btimenG, dans des coursjonchdouilleset de cailloux. lls ont ordre de tirersur quicfmnchitle mur d'enceinte de la colonie.

    Aprs plus de deux mois, les affronlementssent une routinebien rgle. On n'a jamals cplusde quate ou cinq mortsen unejourne Khnis. On pourraitdire cyniquementqueles dbordesemblent contrls deparl et d'autre. Lorsquetombe, les insultes contre les soldats tout prochescris d'excittiondes enfants s'teignent. En guisrevoir, une voixpalestinienne ironise : " Ademalsnliens, domezangui,les,,a te est rlnie poud'hui. , Un peu plus tard, la limitedu camp, lquements secs des tirs de kalachnikov remplbruit des pierres et les cris. Les rafales de M1l'cho. Enfants et soldats ont des nuits agites, Younisa GuillaumeFo

    A llr, dans le dernletnumro de IVot e

    lrrstoe, rn dcslelde ,.6 pages :

    * lsralPaltine,l cls d'un

    c{nlllt". Vendu enklosquer/l{)F.

    {1)Cultureet Pense librea vLl leiour grce Enfants rfmonde (ERM),une oNG fGnise quivienten aide ux enfanuerrc. ERM :34, rue Gston,Luriu93512 N4ontreuitCedlnternet : www.csdecou,qc.c.E-mail : erm@club-intenet,fr.

    Ttrarna no 2457 - 13 dcembre 2000