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Enfants et Animaux - litterature-jeunesse-libre.fr et... · Il le saisit avec ses dents pointues et allait le croquer, lorsque la bonne petite Madeleine prend le chat par le cou et

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EnfantsetAnimaux

MadameWilliamdeConinck

LibrairiePicard-BernheimetCie,Paris,1885

ExportédeWikisourcele20/10/2019

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Lepinsonestunjolipetitoiseauchanteur.

TABLEDESMATIÈRES

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ENFANTSETANIMAUX

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LENIDDEPINSONS.

LesenfantsdoiventobéissanceàleursparentsCocodanslacageCocoalaliberté

L’ÉLÉPHANT.

UnevisiteauJardindesPlantesOnnedoitpasfairedemalauxanimaux

LESTROISSOURIS.

ConséquencedesmauvaisconseilsIlfautsavoirsecontenterdecequel’ona

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LEPETITPORCINET.

ÀlafermeLouisonetEdwigeLaséparationPorcinetdécouvredestruffesLouisonetPorcinetvontdemeurerauchâteau

LABONNELOUVE.

LAVOLEUSEDÉCOUVERTE.

NeditesjamaisdemensongeL’histoiredelapetiteAnnetteMariaaccuséedevolLapievoleuse

LAPARTIEDECACHE-CACHEOULECHEMIN

DESÉCOLIERS.

SurlesquaisOùconduitlemauvaisexemple

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LE NID DE PINSONS

LESENFANTSDOIVENTOBÉISSANCE

ÀLEURSPARENTS

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— Pousse-toi, petit frère, disait un jeune pinson, quicommençait à avoir des plumes, mais qui n’avait pas encorequitté le nid. Je n’ai pas assez de place, nous sommes trop àl’étroit.C’estbienennuyeuxd’êtreainsiserréslesunscontrelesautres.Ah ! voilàmaman !Qui aura cette bonne becquée ?Unjoliver,jecrois.—Moi !moi !moi ! crièrent-ils tous à la fois, et six petits

becss’ouvrirenttoutgrands.—Patience,mesminets,dit lamère,c’estmaintenant le tour

deNini ; gourmanddeFriquet, tu as attrapé la bébête qui étaitdestinéeàtapetitesœur!Commec’estvilaindefairetortàcettepauvremignonnequiestlamoinsavancéedevoustous!Ahçà!soyezsagesetnebougezpas,jevaisvousenchercheruneautre,et votre papa travaille aussi pour vous. Comment, MonsieurCoco,vousmonteztoutdeboutsurleborddunidetvoussecouezvosailes!Imprudent,voudriez-vousdéjàessayerdevoler?Nesavez-vous pas que si vous tombez vous êtes perdu ? Noussommes entourés d’ennemis de tous les côtés, mes pauvresenfants, et si la Providence ne nous protégeait toutparticulièrement, il y a longtemps qu’il n’y aurait plus un seuloiseau pour chanter dans les prés et les bois. Ainsi, défenseabsoluedequitterlenid;lorsquelemomentenseravenu,nousvousavertirons.

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Quiauracettebonnebecquée?Unjoliver,jecrois.Celadit,ellepartauloin.—Mèresetrompe,ditlepetitCoco,l’aînédelabande,celui

quisetrouvaittropàl’étroit.Jesensquejepourraisparfaitementvoler ; tout aussibienqu’elle jevais essayerd’aller seulementjusqu’àcettebranchequiestlàtoutprès.—Ohnon!monfrère,jet’enprie,ditlepetitZizi,nelefais

pas,nedésobéispasàmaman;ceseraittrèsmal.—Bah ! bah !mèren’en saura rien, je rentrerai dans le nid

avantqu’ellenerevienne.Etlevoilàquis’élance.Hélas!lesailessontencoretropcourtesettropfaibles;puis

il ne sait pas se diriger, il manque la petite branche et va en

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voletant tomber sur le gazon.Aussitôt un jeune chat, qui jouaitprèsdelàavecunepetitefille,seprécipitesurlepauvreoiselet.Illesaisitavecsesdentspointuesetallaitlecroquer,lorsquelabonne petiteMadeleine prend le chat par le cou et le force àlâcher prise. Elle ramasse le pauvre oiselet, le pose avecprécautionsurlecreuxdesamain,ettoutheureusedeneluivoiraucuneblessure,ellecourtàlamaisonlemontreràsamaman.— C’est un pinson, lui dit sa mère. C’est l’oiseau dont tu

entendssisouventdanslejardinlagaieetvivechanson.— Est-ce que ce petit-là sait déjà chanter ? demanda

Madeleine.—Oh non !Ce sont les papas qui chantent pour amuser les

mamanspendantqu’ellessontentraindecouver.Maintenantonnelesentendplusautantparcequ’ilssontoccupésàchercherdelanourriturepourleurspetits.—Maman,jevaismettremonpinsondanslacageoùétaitmon

serin,etquandilseragrand,ilmechanteradejolieschansons.— Je veux bien que tu essayes de l’élever, car nous ne

pouvonspasleremettredanssonnid,etilnesaitpasassezbienvoler pour se tirer d’affaire tout seul ; il serait donc cruel del’abandonner.Seulementjecrainsquetun’aiesbiendelapeine,carilesttropgrandpourteprendrepoursamèreett’ouvrirsonbec,etcependantilnesaitpasmangerseul.

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COCODANSLACAGE

Madeleine,enchantéed’avoirlapermissiondegardersoncherpetitoiseau,courutcherchersacage,ymitunpeudefoinetposaCocodessus;maiscelui-ci,touteffrayé,commençaàvoleterçàet làetàmeurtrirsesailesetsonbeccontrelesbarreauxdelacage. Madeleine, sous la direction de sa bonne, prépara unepetitepâtéeavecdel’œufdur,delamiedepainetduchènevispilé.Lorsqu’ellevoulut en fairemanger àCoco, impossibledelui persuader d’y goûter. Il s’entêtait à tenir son bec fermé, et,même de force, on ne pouvait rien lui faire avaler, il crachaitaussitôtcequ’onavaitréussiàluifourrerdanslebec.La petite fille toute désolée vint en pleurant dire à sa mère

qu’elle pensait bien que son pauvre oiseau allait mourir,puisqu’ilnevoulaitrienmanger.— Mets sa cage sur la fenêtre, dit la maman, et laisse-le

tranquille;peut-êtreplustardsera-t-ilmoinsentêté.Coco, ne voyant plus personne autour de lui, et sentant l’air

purdujardin,secalmaetrestaimmobile.Ilétaitbienfatigué,lesdentsdeMinetl’avaientmeurtri,ilavaitfaim.Aprèsavoirpousséquelquescuic,cuic,lamentables,ilferma

lesyeuxetallaits’endormir,peut-êtrepourneplusseréveiller,lorsqu’un battement d’ailes et un petit cri bien connus le firenttressaillir. Il regarde.Ohbonheur !c’estsamère!Samère, là,

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surleborddelafenêtre,avecunbonpetitinsectedanslebec.Ilveutseprécipiterverselle,maisilseheurteauxbarreauxdelacage.Cependantelleréussitàfairepasser lanourrituredesonbec

dansceluidesoncherenfant;puiselleluidit:—Petitingrat,petitdésobéissant,commentas-tupuquitterce

nidsimolletquetonpèreetmoinousavionspristantdepeineàpréparer,etdanslequelnousvoussoignionssibien?Commentas-tupunousfairecechagrin?Jetecroyaisperdulorsquetoutàl’heurej’aientendutesfaiblescris.—Oh!maman,maman,emmène-moi,remets-moidanscebon

nid ; je suis si fâchéde l’avoirquitté ! je suis simal ici ! j’aifroid,jesuisfaible.— Mon pauvre chéri, cela m’est impossible ; vois ces

barreaux, je ne puis ni les briser ni te faire passer au travers ;mais tranquillise-toi, je t’apporterai à manger autant qu’à tesfrères. Hélas ! comment ferai-je, avec tant d’occupations ?Dépêche-toid’apprendreàmangerseul,cartonpèreetmoinousavonsbeauchercher,voleterdumatinausoir,nousnepouvonsplusy suffire.Vousavezde tropgrosappétitsetvousêtes tropnombreux. Cependant, sois tranquille, nous ne t’abandonneronspas.En effet, depuis ce moment, tantôt elle, tantôt le papa

apportèrentd’heureenheureunebecquéeaupauvreprisonnier.Madeleine s’étonnait que son petit oiseau, qui ne voulait

toujours pas manger, ne mourût pas et même de voir qu’ilparaissait se porter de mieux en mieux. Enfin, un jour qu’elleétaitaujardin,elleaperçutlesparentsquivolaientsurlafenêtre

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etluidonnaientlabecquée.Elleenfutbiencontenteet,depuiscejour,ellene le tourmentapluspour lui faireouvrir lebecet secontenta demettre le pot à la pâtée sur la fenêtre, afin que lamèrepûtnonseulementluiendonner,maisenemporterpoursesautresenfants.BientôtCococonnutsapetitemaîtresse.Quandellelelâchait

dans sa chambre, il volait sur ses genoux, sur son épaule, etpicotaitlesbouclesdesescheveux.Ilavaitapprisàmangerseulet venait picorer dans sa main le mouron ou les miettes degâteauxqu’elleluidonnait.Ilavaitaussiapprisàvolertoutàfaitbien, et lorsqu’il était en liberté dans la chambre, il s’amusaitbeaucoup,maisquandonlerenfermaitdanssacage,ilétaittouttriste.Sesfrèresetsessœursavaientmaintenantquittélenid,ilsvenaient,commepourluifaireenvie,voleretchanterdevantsafenêtre.UnjourquesasœurNiniluiavaitracontécommec’estamusant de voler d’arbre en arbre et de poursuivre les petitesmouches,ilétaitencoreplustristequedecoutume.Ilsetenaitsurunepatteaveclatêterenfoncéedanssesplumesébouriffées.

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Tantôtlamaman,tantôtlepapaapportaientàmangeraupauvreprisonnier.

Madeleineleregardait.—Maman,dit-elle,pourquoiest-ilsitriste,monpinson?Que

lui manque-t-il ? Il a à boire et à manger et n’a pas besoin,comme les autres oiseaux, de se fatiguer pour trouver sanourriture.—Mafille,illuimanquelaliberté.—Mais,maman,jelelâchetouslesjoursdansmachambre,et

làilpeutvoler.C’estgrandpourlui.— Dis-moi, si tu devais rester toujours enfermée dans la

maison, serais-tucontente?C’estgrandpour toi ; tuasbien laplacepourcourirdanslescorridors.—Oh !mère,moi qui aime tantmepromener, jouer dans le

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jardin, jemourraisd’ennui, bien sûr.Pensedoncqu’il y adéjàhuit jours que jeme réjouis de la promenade que nous devonsfairedimanche.—Ehbien!sitoi,néedansunemaisonetyayantpassélaplus

grande partie de ta vie, tu as aussi grand besoin de liberté etd’espace,qu’est-cequeceladoitêtrepourcepauvrepetitenfantdel’air,quiétaitdestinéàvivredanslesgrandsarbresetàvolersanscesse?—C’estvrai,pauvrepetit!jevaislelâcher.Ellelepritdanssamainetl’embrassatendrement.

COCOALALIBERTÉ

—MoncherCoco,est-celadernièrefoisquejetevois?Mongentil compagnon, toique j’aime tant !Et c’est justementparcequejet’aimetant,quejevaistedonnerlaliberté.Tiens,vole,vaverstesparentsetsoisheureux.Elleouvre lamain.Coco,étonné,hésiteun instant,puisvole

vers l’arbrevoisin. Il entonnepour lapremière fois sa joyeusechansonnette.Est-ceunremerciement?est-ceunadieu?Le lendemain, Madeleine était seule dans sa chambre. Elle

regardaitlacageviderestéesurlatable.Cocoluimanquait.Elle

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étaittriste.Toutàcoupelleentendunbruitd’ailes:c’estCoco!il est entré, il est là sur son épaule, il picote ses boucles decheveux.Elleveutleprendre,maisnon,lacageestlà,ilapeut-êtrepeurqu’ellenese repentedesagénérosité. Il s’envole,vadenouveauchantersachansonsurl’arbreetdisparaît.Chaque jour ilvintainsi lui faireunecourtevisiteetmanger

les friandises qu’elle mettait pour lui sur la table. Cela durajusqu’àl’automne,puisildisparut.Madeleinecrutqu’illuiétaitarrivéunaccidentetlepleura.Leprintempssuivant,parunebellematinée,elleétaitdebout

près de sa fenêtre ouverte, lorsqu’elle vit un beau pinson, à lagorgerougeetaubecgrisclair,seposersurl’arbrequiétaitenfaced’elle.Ilentonnagaiementsachansonetunegentillefemellevintsemettreprèsdelui.Tousdeuxeurentl’airdechercherunebonneplace,etilscommencèrentàconstruireunnid,siprèsdelafenêtrequeMadeleinepouvaitvoirtoutcequis’ypassait.EllecroyaitbienquecebeaupinsonétaitCoco,maisellen’en

étaitpas sûre,d’abordparcequesonplumageétaitdevenu toutdifférent, et ensuiteparceque, tantqu’ilbâtit sonnidetque safemmecouva,ilnevintnisurlafenêtrenidanslachambre.

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Lepinson.UnbeaujourMadeleineeutleplaisirdevoirdanslenidcinq

petits corps roses et cinq petits becs qu’on ouvrait tant qu’on

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pouvait.Alors le papa prit courage, lorsqu’il vit ses enfants sipiaillardsetsigourmands.Nonseulementilrevintsurlafenêtreet dans la chambre pour y chercher de la nourriture,mais il yamena sa petite compagne, et plus tard ses jeunes enfants l’ysuivirentaussi.LabonnepetiteMadeleine futbien récompenséedu sacrifice

qu’elle avait fait, par le plaisir qu’elle eut à voir élever cesgentilsoiseaux, etpar la satisfactiondepouvoir aider soncherCocoànourrirsanombreuseetintéressantefamille.

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AuJardindesPlantesonarassemblédesbiches,desdaims

etdesanimauxdetoutessortes.

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L’ÉLÉPHANT

UNEVISITEAUJARDINDESPLANTES

—Maman, disait un jour la petite Marie, veux-tu que nousallionsauJardindesPlantes?Ilfaitsibeautempsaujourd’hui!—Oh ! oui, je t’en prie, chère petitemère, ajouta son frère

Charles;c’estsiennuyeuxdesepromenertoujoursdanslesruesdeParis!Ilyatantdemondeetilfauttoujoursdonnerlamainà

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sabonne.— Tu n’as pas été trop sage cette semaine, lui répondit sa

maman,ettuneméritesguèrequ’ontefasseceplaisir.—Oh !maman, je t’en supplie, je serai si sage, si sage, la

semaineprochaine!etpuis,tuvois,Marieenaaussibienenvie,etelleaétésage,elle.—C’estvrai,ditsasœur,ilyatrèslongtempsquejen’aivu

monbonamilegroséléphant,etj’aimeraisàluifaireunevisite.

L’éléphant.CHARLES.—Quelmauvaisgoûttuas!Commentpeux-tuaimer

cette grosse vilaine bête avec sa vieille peau ridée et sonaffreusecouleurgrissale?Moi,j’aimebeaucoupmieuxlesoursetlestigres.

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MARIE.—Parcequ’ilssontméchantscommetoi.CHARLES.—Pasdutout,c’esttoiquiaimestonéléphantparce

qu’ilestbêtecommetoi.—N’est-cepas,maman,que leséléphantsnesontpasbêtes,

ditMarietoutémuedel’injurequ’onfaisaitàsonbonami.—Non,machérie, lui réponditsamaman, leséléphantssont

fort intelligents ; mais vous êtes de vilains enfants de vousdisputer ainsi. Allez dire à votre bonne de vous arranger poursortir,jevouspermetsd’allerauJardindesPlantesavecelle.—Quelbonheur!quelbonheur!s’écrièrentlesenfants,eten

dix minutes ils furent prêts et partirent gaiement, emportantchacun quatre sous que leur maman leur avait donnés pouracheterleurgoûter.Le Jardin des Plantes est un des endroits de Paris où l’on a

rassemblé de belles collections de plantes et d’animaux. À laporteduJardin,ilyatoujoursdepetitesboutiquesoùl’onvenddes jouets,desgâteauxetdespetitspains.Charleschoisitdeuxdes plus gros et des meilleurs gâteaux et les mangea tout desuite;quantàMarie,elleachetadeuxpetitspainsetmangeaunseulgâteau.Elle avait tant d’amis dans le jardin, auxquels ellevoulaitfaireplaisirenleurdonnantdupain:degrosmoutonsderaces étrangères, qui accouraient à sa rencontre suivis de leursagneaux ; de petites chèvres si caressantes, des biches, desgazelles, des daims, qui la regardaient avec de beaux yeux sisuppliants, puis des paons, des pintades et toutes sortes desuperbesoiseaux.

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Unebrebisderaceétrangèreetsonagneau.Charlesnes’intéressaitpasàcesanimaux-là.Ilmarchaitd’un

airgrognon,ouvrantetfermantsanscesseunpetitcouteaupointuqu’on lui avait donné le jour précédent. Il n’eut point de reposqu’il n’eût entraîné sa sœur et sa bonne devant les fosses auxours.Ses bons amis étaient paresseusement couchés à terre, et

comme il n’avait rien à leur donner, il ne put jamais leurpersuader de se remuer et demonter à leurs arbres, ce qui estpourtanttrèsamusantàvoir.Les singes furent plus complaisants, et les enfants restèrent

longtemps arrêtés devant leur palais. On appelle ainsi uneimmensecage rondedans laquelle ils sontenfermés.Là, ilsont

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descordes,desbarres,destrapèzespourfairelagymnastique,etils sont bien plus habiles que les petits garçons, bien qu’ilsn’aientjamaisprisdeleçons.Leurssauts, leursgambades, l’airgravedequelques-uns,qui

étaienttrèsoccupésàfairelatoiletteàleurscompagnons,firentbeaucoup rire Marie, mais elle poussa un cri d’horreurlorsqu’elle s’aperçut qu’un de ces graves personnages, siobligeants,paraissaittrouverunemassedepetitesbêtesdanslepoildesoncamaradeetqu’illesmangeaitavecdélices.Delà,ilsallèrentvoirlagirafe,lechameauetl’éléphant.

ONNEDOITPASFAIREDEMALAUXANIMAUX

Marieavaitgardéunpetitpaintoutentierpoursongrosami:aussi,dèsqu’illavitapprocher,ilpassasatrompeautraversdesbarreauxdesonenclos,etlaluitenditenclignantdel’œild’unemanière tout à fait amicale. Il prenait très délicatement chaquepetitmorceaudepain, leportaitàsabouche,puisprésentaitdenouveau sa trompe.Lorsqu’ilvitque lapetite fillen’avaitplusrienàluidonner,illatenditàCharles;maiscelui-ci,quiavait

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justement son couteau ouvert, lui piqua fortement le bout de latrompe.L’animalpoussauncrirauqueetseretiramécontent.La bonne, qui s’était aperçue de la chose, grondaCharles et

ramenalesdeuxenfantsàlamaison.Il se passa plus d’un mois avant que Charles et Marie

revinssentauJardindesPlantes.C’étaitparunbel après-mididedimanche, et lepetit garçon

quiétait trèscoquetavaitinsistépourqu’onluimîtunjolipetitcostumetoutneufetsonplusbeauchapeau.Cettefoisencore,ilarriva devant l’enclos de l’éléphant, ayant mangé sa dernièremiettedegâteau,tandisquesasœuravaitsespochespleinesdecroûtesdepain.L’éléphantenmangeadeuxou troismorceaux ;puis, au grand étonnement deMarie, au lieu de continuer à luitendresa trompe, ilalla laplongerdans sonbassinpleind’eausale. Marie avait beau l’appeler, il ne bougeait pas ; enfin lapetite, impatientée, fit quelques pas pour s’en aller, tandis quesonfrèrerestaitlà,bouchebéante.L’animal,quilesexaminaitducoindel’œil,revienttrèsvite,dirigeleboutdesatrompeverslejeune garçon, et lui souffle à la figure une masse d’eaubourbeuse,qu’ilavaitaspiréedanslebassin.Aveuglé,suffoqué,le pauvre Charles fut un instant sans pouvoir crier ; puis,lorsqu’ilvitdansquelétatilétait,iléclataensanglots.Sonbelhabillementneufétait toutdégouttantd’uneeauverteetgluante,sonchapeauaplatiavaitprislaformed’unecuvetteetsachemisemouilléesecollaitcontresapeau.C’est dans ce bel équipage qu’il lui fallut traverser tout le

jardinetunepartiedeParispourretournerchezlui.Lesgaminslepoursuivaient,lemontraientaudoigtetsemoquaientdelui;etsabonneetsasœursetenaientenarrière,ayanthontedeparaître

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l’accompagner.Enfin, lorsqu’ils furentarrivésà lamaison, il fallutbiendire

auxparentscequiétaitarrivé,etpourquoil’éléphantl’avaitainsitraité.Le papa fut si fâché de voir que son petit garçon avait été

gourmandetcruel,qu’illefitdéshabilleretcouchersanssouper.

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DansunfromagedeHollandedemeuraienttroispetitessouris.

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LESTROISSOURIS

CONSÉQUENCEDESMAUVAISCONSEILS

DansunbeaufromagedeHollande,toutrond,avecunecroûterouge, demeuraient trois petites souris qui s’appelaientMimi,Titi et Topsy. C’était leur maman qui leur avait creusé cettedemeure ; elle y avait fait une grande chambre au milieu, detoutespetitesportes,etfortpeudefenêtres.Dèsqu’unedessourisapercevaitlesmoustachesouleboutde

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la queue de Minet, elle poussait un petit cri, et vite les troissœurs se réfugiaient dans la maison. Minet avait beau tournerautour du fromage, le pousser avec ses pattes et appliquer sonnez rose contre les petits trous, il ne pouvait rien attraper.Quelquefois, il se cachait tout prèsde là et attendait ;mais lessourisétaientplusmalignesqueluietsegardaientbiendesortir.C’étaittrèscommodepourelles;quandellesavaientfaim,ellesgrignotaientunpeulesmuraillesdeleurchambre,et,lorsqu’ellesavaientsoif,ellestrouvaientuneexcellenteliqueurdanslestrousrondsqu’onappellelesyeuxdufromage.Quant àMinet, il fallait bienqu’il finît par aller chercher sa

pâtée.Un jour, Topsy fit un grand voyage dans le salon et dans la

chambre à coucher de Madame. En revenant, elle dit à sessœurs:—Sivoussaviezcommec’estbeauparlà,onmarchesurun

magnifique tapis de toutes les couleurs ; tout est si brillant, sidoux,simoelleux,etpartoutdebonnespetitesmiettesdesucre,degâteauxoud’autresfriandises.—Etlechat!ditlaprudenteTiti,tunel’aspasrencontré?—Oh!réponditTopsy,onnepermetpasàceméchantMinet

d’allerausalon,ilsetientàlacuisineouaugrenier.Envérité,jevousdisquenoussommesbiensottesderesterdanscettecaveoùilvientsisouvent,etd’habitercettepetiteetsombremaisonqui sent si mauvais, quand nous pourrions être bien mieuxailleurs.—Mais,ditMimi timidement,ya-t-ildanscesbeauxsalons

debonspetitscoinssombresoùl’onpuissesemettreensûreté,

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car enfin Minet n’est pas notre seul ennemi, les hommes nouspoursuiventetnoustuentaussi?Parexemple, jen’ai jamaispucomprendrepourquoi,puisqu’ilsnenousmangentpas.—Oh!repritTopsy,ilyadescachettes,j’enaiexaminéune

qui paraît faite exprès pour un nid de souris ; elle est sombre,douce,ilyadesplumesdedans,uneportedechaquecôtéetjusteassezdeplacepouryêtrebienàsonaise.Adieu, jecoursm’yinstaller.—Moi,jetesuis,ditTiti,cefromagemesembleaffreux.— Prenez garde ! mes sœurs, leur cria Mimi, maman nous

avaitbienrecommandédenepasquitternotredemeureetelleensavaitpluslongquenous.Elleparlaitenvain,lespetitesétourdiesétaientdéjàloin.—Jene les suivraipas,dit-elle,mais riennem’empêchera,

maintenantquejesuisseule,d’embellirunpeumamaison.Etlavoilà qui se met à l’œuvre, grignotant, grignotant, faisant uneautrechambre,agrandissantlesportesetperçantdesfenêtresdetouslescôtés.Pendant qu’elle travaille ainsi, nous allons suivre Topsy et

Titi.Cettedernièreétait trèsgourmande.Enpassant,ellemetlenezdansl’officeetestarrêtéetoutnetparlesexcellentesodeursqu’elle y respire. Elle trotte, examine, grimpe et finit par setrouversurlaplanched’unearmoire,devantunmagnifiquepâtédegibier.—Oh !oh ! dit-elle, quelmerveilleux château ! je suis sûre

qu’une bonne fée l’a fait exprès pour moi : mais comment yentrer?jenevoispasdeporte.Décidémentiln’yenapas!Ehbien! jevaisenfaireune.Commecesmuraillessontmolleset

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délicieusesàmanger,etl’intérieur,qu’ilestexquis!JesuisbienaisequeMimietTopsynesoientpaslàpourmeledisputer;etlà-dessus,toutegorgéedenourriture,elles’endormit.

ILFAUTSAVOIRSECONTENTERDECEQUEL’ONA

Topsy,l’orgueilleuse,avaitcontinuésoncheminetétaitalléeàlarecherchedunidqu’elleavaittrouvésicharmant.Illuifallaitdusatin,delaouate,duduvet,desfourruresàcettedemoiselle!car c’était le manchon de Madame qu’elle avait choisi pourdemeure.Déjàelleavaitfaitplusieursgrandstrousdansladoublureet

tiré lesplumespourmieux faireson lit, lorsqueMadamesonnasafemmedechambreetluiditdeluidonnersonmanchon,parcequ’elleallaitsortir.Lemanchonétaitdansuncartondontlabonneavaitoubliéde

mettre lecouvercle ;elle leprend, lesecoueetvoilà lapauvreTopsy qui tombe au fond du carton. Madame pousse un criperçant,labonneenpoussetroisouquatre;mais,sansperdrelatête, elle saisit le carton, le ferme de son couvercle et porte

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l’infortunée souris dans la cour, où elle la lâche juste entre lespattes deMinet. Vous jugez si celui-ci fut prompt à la saisir ;cependantilnes’enrégalaquelorsqu’ilsefutlongtempsamuséavec elle, la transportant de place en place dans sa bouche, lafaisantcourir,larattrapant,luidonnantuncoupdegriffepar-ci,uncoupdedentpar-là.

MinetneserégaladeTopsyquelorsqu’ilsefutlonguementamuséavecelle.

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Aumilieududîner,Monsieuraiguisesongrandcouteauetdit:—Enfin,nousallonsgoûterdecetexcellentpâtédelièvre,c’estun cadeauquem’a fait undemes amis. Il enfonce le couteau ;aussitôt on entend cuic, cuic, cuic ! et lamalheureuseTiti, toutensanglantée et la queue coupée, saute sur la table, de là parterre,etdétaleauplusvite.Toutlemondeselève,onlapoursuitencriant.Ledomestique

veut l’écrasersoussonpied ;mais ilglissesur leparquetbienciréettombesurlenezentraversdelaporte;Titiprofitedelaconfusionpoursesauver,descendrel’escalieretseréfugierdanssachèrecavequ’elleregrettetantd’avoirquittée.—OùestMimi?Oùestnotremaison?dit-elle,nevoyantpas

la précieuse boule rouge à sa place accoutumée. Hélas ! lesmorceaux étaient là, éparpillés, brisés. Mimi avait si bientravailléque lacroûteétaitdevenueextrêmementmince.Minet,sesentantencoreen appétit, aprèsqu’il eut croquéTopsy, étaitvenudanslacavevoirs’ilnetrouveraitpasuneautresouris.IlaperçutMimiautraversdesgrandesfenêtresqu’elleavaitfaitesàsonfromage.Ilyenfoncesagriffe,saisit lapauvretteet,dansles efforts qu’il fait pour la tirer dehors, brise toute lamaisonnette.—Oh!dit-il,jevaismevengerdetouslesmauvaistoursque

tum’asjoués,petitecoquine,etjenetecroqueraiquelorsquejet’auraibien tourmentée.Ah! tucroisque tupourras tesauver !pasdutout;onnem’échappepasainsi.Tevoilàreprise.Unpetitcoupdepattepourtepunir.Quoi!tunebougesdéjàplus.Eneffet,lamalheureusepetitebête,àmoitiémortedefrayeur

ettoutemeurtrie,avaitrenoncéàs’échapperetrestaitimmobile.Àcemoment,onentenditdubruitàlaportedelacave.Lechat

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se retourna et Mimi, ne sentant plus sa griffe, d’un bond seréfugiadansunevieillebottedepailleoùsonennemineput laretrouver.C’estlàqu’aprèsdelonguesrecherchesTitiladécouvrit,mais

dansunbientristeétat.Elle-mêmeétaitblesséeetsansqueue,ettoutes deux se dirent :—Comme nous avons été sottes de nenousêtrepascontentéesdenotrevieillemaisonoùnousétionssibien!Qu’avons-nousgagnéàvouloirêtreplusheureuses!Nousvoilàréduitesàdemeurerdansunesalebottedepailleàmoitiépourrieet,pourcombledemalheur,nousavonsperdunotresœuretnoussommesmaladesetestropiées.

Petits garçons et petites filles, ne faites pas comme nous, etlorsque vous avez le nécessaire, sachez vous en contenter, ousans cela, vous serez punis comme nous l’avons été, en vousrendantmoinsheureuxquevousnel’étiezauparavant.

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Edwigeetsagouvernante.

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LEPETITPORCINET

ÀLAFERME

— Bonne nouvelle, dame Catherine, disait un jour Jean, levaletdecharrue,àunefermièreàl’airassezrevêche.Lagrossetruieestunefameusebête,elleaeutreizepetits,cettenuit.—Vraiment!luirépondit-elled’unairbourru.Etvoustrouvez

quec’estheureux!Nesavez-vouspasquelenombretreizeportemalheuretquejamaiscouvéeouportéedetreizen’aréussi?— Bah ! dit Jean : pour les couvées ce sont des bêtises.

Comme les truies n’ont que douze bouteilles à donner à leurs

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nourrissons et que ceux-ci gardent chacun la leur et ne veulentpaslaprêteràleursfrères,ilarrivequelquefoisqueletreizièmemeurt faute de nourriture ; mais cela n’empêche pas les douzeautresdeprospérer.

Latruieaeutreizepetits.—Au jour d’aujourd’hui, on ne veut plus rien croire, reprit

dameCatherineaigrement.Moi,jenedonnepaslàdedans.Jenepensepastoujoursensavoirpluslongquenospères.Ainsi,pourdétruirelemauvaissort,vousalleztuerleplusfaibledesgorets.Peut-êtrenesavez-vouspas,mesenfants,quec’estainsiqu’on

appelle les petits d’un porc ou cochon, et que la femelles’appelleunetruie.Lorsque la fermière fut partie, Jean semit à examiner l’une

aprèsl’autrechacunedecespauvresbêtes.

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La petite vachère Louison avait assisté à cette scène. —Vraiment!Jean,dit-elle,est-cequevousaurezlecouragedetuerundecespauvresmignons?Commeilssontgentils!Onnediraitjamais que cela doit devenir de gros vilains porcs. Ils sont siroses,sidouxàtoucher,etquelledrôledepetitequeuetortillée!Oh ! je vous en prie, donnez-moi celui-ci, au lieu de le tuer.J’essayeraidel’élever.JEAN.—Ahbienoui!dameCatherineferaitunbeautrain,sije

nefaisaispascommeelleme l’aordonné.Jen’aipasenviedeperdremaplace,paramourpouruncochon.LOUISON.—Mais,Jean,ellen’ensaurarien.Jelecacheraisi

bien,etellenevient jamaisauxchampsoù jepasse toutesmesjournées.JEAN.—Tunepourrasjamaisl’élever,celademandeplusde

soinsqu’unenfant.Etpuiscommentlenourriras-tu?LOUISON.—Jelesoigneraitoutcommes’ilétaitmonenfantet

jeluidonneraidulaitdelavachebrune,lameilleuredetoutes.Jelatrairaipourluichaquefoisqu’ilaurasoif.Oh!Jean,monbon Jean, je vous en prie. Je suis simalheureuse, jem’ennuietant, touteseuledans leschamps,sansavoirautrechoseà fairequ’àgarderlesvaches!Le valet de ferme considéra un instant la pauvre petite fille

noire,maigre,àpeinevêtue,quileregardaitavecdegrandsyeuxsisuppliants.Ilsavaitqu’elleétaitorpheline,élevéeauxfraisdel’hospice,etquechezdameCatherineelle recevaitsouventdescoups, jamais de caresses, et pour tout salaire une assezmauvaisenourriture.Ileutpitiéd’elle,etnonseulement il finitparconsentirà lui

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abandonnerlepetitcochon,maisil luidonnaunevieillefioleàsirop,luimontracommeelledevaitymettredulaitetadapterunchiffon au goulot, pour que l’animal pût le téter. Jamais avaren’estima son trésor autant que la pauvre Louison son singulierpetitnourrisson.Ellel’enveloppadansunvieuxchâledéchiré,leseulvêtement chaudqu’ellepossédât, etpartit pour les champsenletenantdanssesbras.Detempsentemps,elleentr’ouvraitlechâle,embrassaittendrementlepetitmuseauroseetreprenaitsarouteàlasuitedesesvaches.Après avoir beaucoup réfléchi à cette grave question, elle

baptisalepetitanimaldunomdePorcinet.Toutelajournée,elleletintsursesgenouxetluioffritàboire

beaucoup plus souvent qu’il n’était nécessaire. Le soir, elle lecouchaauprèsd’elledanssonlit.Cen’étaitpastrèspropre,maisla pauvre enfant n’avait pas été élevée de façon à être trèsdélicatesurcessujets-là.Ellecontinuaainsià lesoigner,aussivint-ilàmerveille,etbientôtilconnutsapetitemaîtresseetputjoueretfolâtrerautourd’elle.Dèsqu’ilfutassezsolidesursesjambes, il se mit à la suivre partout où elle allait. Il l’aimaitbeaucoupetparaissaittoutaussiintelligentqu’unchien.

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LafermeappartenaitàdameCatherine.Pendantquelquetempsonréussitàlecacherauxyeuxperçants

de dame Catherine ; mais, un beau jour qu’il rentrait avec lesvaches,ilvintjustementsejeterdanslesjambesdelafermière.Comme lesdouzepetits frèresvenaientàmerveille, celle-cinesefâchapastrop,etsecontentadedire:—Celaenferaundeplusàvendreaumarché.Louison prit ces paroles pour une vaine menace. Vendre

Porcinet ! sonenfant chéri, le seul êtrequi l’aimât, celan’étaitpaspossible!Autantauraitvaluluiarracherlecœur.

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LOUISONETEDWIGE

LafillettemenaitsouventpaîtresesvachessurunecollinequidominaitleparcducomtedeChéhon,lepropriétairedelaferme.Ilyavaitlàquelquesbeauxchênes,souslesquelselles’étendait.Un jour elle vit dans ce parc, ordinairement désert, une petitedemoiselle vêtue d’une manière très élégante, qui paraissait àpeuprèsdesonâge,etquiétait trèspâleet trèsmince.Unjolipetit chien la suivait et elle portait dans ses bras une superbepoupéepresqueaussigrossequ’unenfant.—Commeelledoitêtreheureuse!seditLouison:elleatout

cequ’illuifaut,elle!Sarobeestbienbelle!etlamiennequiestsicourte,sisale,sidéchirée!Elleadesijoliespetitesbottines,tandisquemoi,jevaispiedsnussurlescailloux;etsurtoutelleadesgensqui lasoignentetqui l’aiment,elleaunpapaetunemaman ! Comme cela doit être bon d’avoir un papa et unemaman, car enfin, ils sont forcés de vous aimer, ils ne peuventpas faire autrement. Moi je ne suis pas la vraie maman dePorcinet, et pourtant, parce que j’ai eu la peine de l’élever, jel’aime,jel’aimedetoutmoncœur.Ilestvraiquec’estunamourdepetitcochonnet,ajouta-t-elleenpassantlamainsurlespoilsencoredouxetsoyeuxdel’animal,quisefrottaitcontreelleavectendresse.Puis, regardantdenouveaudans leparc,elle reprit :MlleEdwigen’apourtantpasl’airdes’amuser;carjepensebien

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quecettepetitefilledoitêtreMlleEdwigedeChéhon,lafilledeM. le comte, qui est arrivée hier soir. La voilà qui donne sapoupéeàteniràcettedemoisellesiroidequilasuitpartout.Elles’asseoitsurunbancd’unairennuyé,etellerepoussesonchienquiveutlacaresser.—MissMay,disaiteneffetEdwigeàsagouvernanteanglaise,

jem’ennuieici,onnevoitpersonne.—Ilestvrai,monenfant,luirépondit-elle,quecen’estpasici

commeàParis;maisvoussavezqueledocteurvousaordonnél’airdelacampagne.—Ledocteur, reprit l’enfantenbâillant,m’aordonnédeme

distraire, etmoi, jem’ennuie toujours.Oh !miss, s’écria-t-elleen changeant de ton, voyez donc cette petite paysanne là-bas !Quelsingulieranimalelleaavecelle!Est-ceunchien?Jen’enaijamaisvudepareil.MissMaypritlentementsonpince-nezdanssapoche,l’ajusta

sursonnez longetpointu,et,aprèsavoirbienregardé,déclaraqu’elle ne pouvait imaginer de quelle espèce était cet étrangeanimal.— Je croyais que vous saviez l’histoire naturelle, lui dit

Edwiged’unairunpeumoqueur.Ehbien !pournous instruire,allonsl’examinerdeplusprès.Jecroisqu’ilyauneportedececôté-là.—Mais,machèreEdwige,vousallezvous fatiguer,et jene

saispassic’estconvenablequevoussortiezduparcpourallercauseravecunepaysanne.— Très convenable, très convenable, je vous assure.

D’ailleurs,jeneveuxpascauseraveclapaysanne,jeveuxvoir

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deprèsladrôledebête.Pour voir la drôle de bête, il fallut bien causer avec la

paysanne, car Porcinet, effrayé par l’approche du petit chien,s’était caché dans les jupes de sa chère maîtresse. Edwige,essoufflée d’avoir monté, bien que la pente ne fût ni haute niraide,selaissatombersurl’herbeetditàLouison:—Comments’appellelepetitanimalquijoueavectoicomme

unchien?Jen’enaijamaisvudepareil.La petite vachère semit à la regarder, la bouche ouverte, et

l’air fort étonné.Puis, sans riendire, elle tiraPorcinetde soussonjuponetlemontraàEdwigedetouslescôtés.MissMay,arrêtéeàquelquespas,pritlaparoled’unairdigne

et dit : — Eh bien ! petite, n’entendez-vous pas quemademoisellevousdemandelenomdecetétrangeanimal.N’est-cepasuneloutre?Pourlecoup,Louisonn’ytientplus,elleéclatederire.Nepas

reconnaîtreuncochon!prendrePorcinetpouruneloutre!Certes,elle,pauvrefille!nesaitpasgrand’chose,maisellesaitpourtantreconnaîtreuncochonetunevache,etunechèvre;et leséclatsderirecontinuent.La gouvernante prend un air très offensé tandis qu’Edwige,

gagnéeparlacontagion,semetàrireaussi.L’idéequelasavantemissMayn’apasreconnuuncochonluisembleaussifortdrôle.Lorsqu’elles se furent unpeu calmées, elle semit à fairemillequestionsàLouison,etcelle-ciluiracontal’histoiredePorcinet,et lui montra ses talents. Déjà il savait donner la patte etrapporter dans sa bouche une petite baguette. Tout cela amusabeaucoup la petite Parisienne. Elle força son chien à faire

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connaissanceaveclegoretetbientôttousdeuxsemirentàjouerensemble.LorsquemissMaydéclaraqu’ilétaittempsderentrer,lesdeux

petites filles se séparèrent avec regret et se promirent de seretrouverlàtouslesjours.Ce fut une heureuse rencontre pour chacune d’elles, car,

lorsqueEdwigeappritquelapauvreLouisonnesavaitnilireniécrire, elle lui proposa de lui donner des leçons, etmissMay,toutengardantsonairroide,lalaissafaireparcequ’ellevitquec’était une excellente distraction pour son élève. Elle daignamême l’aider à choisir et à faire confectionner des vêtementspour sa protégée. Comme elle fut heureuse, la petite vachère,lorsque, pour la première fois, elle se trouva tout de neufhabillée ! Jusque-là, elle n’avait jamais eu d’autres robes quecellesqu’onlui taillaitdansdevieilles jupesrapiécéesàdameCatherine.On fit aussi la toilette à Porcinet. Les deux petites le

baignèrentet le savonnèrentdansun ruisseau.Puis,quand il futbien sec et bien propre, Edwige lui attacha un joli ruban bleuautourducou.

LASÉPARATION

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C’étaientlàdebeauxjourspourlapauvreorpheline,maisilsnedevaientpasdurer longtemps.Unmatin,Edwige luiannonçaqueledocteurluiordonnaitd’allerprendredesbainsdemeretque, la semaine suivante, elle partirait avec sa mère et sagouvernante. Son père seul resterait au château. Louison futconsternée. Elle commençait justement à pouvoir épeler, et sesleçons de lecture l’intéressaient beaucoup. Puis, elle s’amusaittantavecEdwige;celle-ciétaitsibonnepourelle,pauvrefille,quijusque-làn’avaitétéaiméequedesoncochon.Illuisemblaitquetoutsonbonheurs’enallait.Ellenerepritunpeudecourageque quand son amie lui eut assuré que, dans deux mois, ellereviendrait au château et qu’elle lui eut fait plusieurs petitscadeaux, entre autres un livre facile dans lequel elle luirecommandadebiens’exerceràlire.Sixsemainessepassèrentasseztristement.CependantPorcinet

étaitunegrandedistractionpoursamaîtresse.Ilavaitbeaucoupgrossi et était devenu presque un grand cochon. Malgré lamauvaise réputation qu’ont ses pareils, il était très propre, trèsintelligent,ettrèscaressantpourLouison.Quelnefutdoncpasledésespoir de la pauvre enfant lorsque dame Catherine luiannonçaque,levendredisuivant,Jeandevaitleprendreetallerlevendreaumarchédelaville.Cefutpourellecommeuncoupdefoudre;ellenepouvaitycroire.—Vendremoncochon!monPorcinet,quej’aiélevéavectantdesoins!répétait-elled’unairdésolé.Celan’estpaspossible.—Toncochon!repritaigrementlaméchantefermière,n’est-ilpasl’enfantdenotretruie?Est-cequetunel’aspasélevéaveclelaitdenosvaches?C’étaitvrai,etLouisonfonditenlarmessansrienajouter.

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Jean, qui avait toujours été assez bon pour elle, lui dit :—Console-toi,fillette.Celavautmieuxainsi;sionavaitgardétabête, tu l’aurais vu tuer sous tes yeux, tandis que c’est pourl’engraisserqu’onlavend.Louisonnel’écoutaitpas;ellesanglotaitàfendrel’âme.Elle

se représentait les cris de son pauvre ami, lorsqu’on luiattacheraitlesjambespourlemettresurlacharrette,lesmauvaistraitements qu’il recevrait, l’affreux endroit où on l’enfermeraitet,àlafin,lecouteauducharcutier.Etelle!quedeviendrait-ellesanssonPorcinet!touteseuleau

monde.Oh ! si aumoinsEdwigeavait été là ! elle l’aiderait àsauvercepauvreanimalqui l’amusait tant ;maisellenedevaitpasencorerevenir.Onétaitaumercredi,ellen’avaitdoncplusquelajournéedu

lendemain à passer avec son fidèle compagnon. De toute cettenuitellenedormitpasuninstant,ellenefitquechercherdanssatête un moyen de le sauver. Le matin, elle se leva à peu prèsdécidéeànepasreveniràlaferme,àabandonnersesvachesetàs’enfuirbien loin, avecPorcinet.Enattendant, elle le conduisitsouslesvieuxchênes,àl’endroitoùelleavaitvuEdwigepourlapremièrefois,etlà,pendantquesesvachessemettaientàpaîtreautourd’elle,elle s’assitet recommençaà réfléchir tristement ;carellesentaitbienquec’étaitfoliequedesesauverainsisansun sou dans sa poche ; puis, si elle le faisait, elle ne reverraitplus Edwige. Que dirait celle-ci lorsque, en revenant, elle neretrouveraitplussapetiteLouison?

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PORCINETDÉCOUVREDESTRUFFES

Elleenétait làdesesréflexionslorsqu’elleentenditPorcinetfairedepetitsgrognementsdesatisfaction.Elleseretourna,etlevitoccupéàfouilleravecsongroinouboutoir(c’estainsiqu’onnomme le nez d’un porc), dans un trou qu’il avait fait près duchêne. Il tiraitdece troudesboulesnoires,assezsemblablesàdespommesdeterre,etlesmangeaitavecdélice.Curieuse de voir ce que cela pouvait bien être, elle lui prit

celle qu’il venait de déterrer et lui donna un petit morceau depainàlaplace.—Tiens ! cela sent bon, dit-elle. Je suis sûre que cuit, cela

serait tout aussi bonquedes pommesde terre. Je vais en faireunepetiteprovision.Elle continua donc à en faire déterrer par Porcinet, qui les

échangeait volontiers contre du pain et paraissait mêmecomprendre ce qu’on désirait de lui. Lorsqu’elle en eut unecertainequantité,ellelesmitdanssontablieretcourutversJeanquilabouraitunchamp,àpeudedistancedelà.Ilétaitjustementalorsentraindecauseravecunmonsieurdelaville.Lapetiteluidemanda s’il savait ce que c’était que ce drôle de légume quipoussaitsanstigesnifeuilles,etsionpouvaitlemanger.

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Lemonsieur, qui était un aubergiste, ne laissa pas à Jean letemps de répondre et s’écria d’un air fort étonné :—Mais cesontdestruffesquetuaslà!desuperbestruffes!Oùas-tudonctrouvécela?— Sous les chênes deM. le comte, répondit l’enfant, c’est

Porcinet,moncochon,quilesadécouvertes.—Etquevas-tuenfaire?reprit l’aubergiste,veux-tumeles

vendre!—Vous les vendre ! s’écria Louison rougissant de plaisir à

uneidéequivenaitdeluipasserparlatête.Medonneriez-vousassezd’argentpouracheterunjeunecochon?—Oh,oh!ditl’hommeunpeusurpris,lapetiteestintéressée.

Ehbien ! je teprometsde tedonnerplusd’argentqu’ilne t’enfautpourcela,situveuxt’engagerànedireàpersonneoùtuastrouvé les truffes, et si tu veuxm’apporter toutes celles que tudécouvriras.—Quelbonheur!s’écriaLouison;alorsjegarderaiPorcinet,

ilseraàmoi,bienàmoi,lorsquejel’auraiacheté!En disant cesmots, son visage s’assombrit, elle réfléchit un

moment, puis elle dit :—Mais ces truffes, elles ne sont pas àmoi,ellessontàM.lecomte,puisquejelesaitrouvéessoussesarbres. Si je déterrais des pommes de terre dans un de seschamps et que j’allasse les vendre, ce serait voler, et il mesemblequec’estlamêmechose.Jeneveuxpasêtreunevoleuse,moi!—Petitenigaude,ditl’aubergiste,cen’estpasdutoutlamême

chose.Puisqu’ilnesaitpasqu’ilacestruffes,cen’estpasvolerquedelesvendre.D’ailleurs,puisquetudisqu’ellessontàlui,

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situlesluiportes,ilnetedonnerapasunsou,tandisquemoijet’offreunbonprix.—C’estvrai,ditl’enfantenhésitant,ilnesaitpasqu’illesa,

et puis, Porcinet, mon cher Porcinet ! Cependant, ajouta-t-elle,dansunchampdepommesdeterreilnesaitpascombienilyena, et c’est pourtant voler que d’en prendre quelques-unes. Lesvoleurssonttoujourspunis,jelesaisbien.Non,non,décidément,jenedoispas,jeneveuxpasvouslesvendre,jecourslesporteràM.lecomte.

JecoursporterlestruffesàM.lecomte.—Petite niaise, dit l’hôtelier en lui tournant le dos d’un air

désappointé.— Jean, criaLouison, je vous en prie, veillez un instant sur

mes vaches ; je reviens de suite. Et elle partit à toutes jambescommesi,enrestant,ellecraignaitdesuccomberà la tentation.

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Porcinetsemitàgaloperaprèselleetc’était fortdrôledevoirsespetitesjambessedémenerainsi.—Holà!queveux-tu,petite?demandaunvieuxdomestique

envoyantl’enfantetl’animalentrerainsidanslacourduchâteau.—ParleràM.lecomte,ditLouisonavecunerévérence.—Crois-tuqu’onparleainsiàmonsieur?Disvitecequetu

veux,etprendsgardequetavilainebêten’entredanslamaison.— Voyez, dit l’enfant timidement en ouvrant son tablier, je

veuxdonnercelaàM.lecomte.Onditquecelavautdel’argent.Ledomestiqueexaminalecontenudutablier.—Destruffes!dit-il,etdesbelles,encore!jecroisbienque

celavaut de l’argent, tu en as là pourplusdedix francs.Maisc’estaucuisinierqu’ilfautt’adresser,situveuxlesvendre.—Jeneveuxpaslesvendre,repritLouison,jeveuxparlerà

M.lecomte.Oh!jevousenprie,laissez-moiluiparler.Levaletentradanslechâteauetrevintbientôtsuividucomte

lui-même.— Ah ! dit-il en voyant Porcinet, la petite au cochon, dont

Edwigem’aparlésisouvent.Queveux-tu,monenfant?Louisondevinttouterouge,hésita,puisdit:— Voyez, monsieur, ces belles truffes. Mon cochon et moi,

nouslesavonstrouvéesdansvotrebosquetdechênes,et,commeellessontàvous,nousvouslesapportons.LE COMTE. — Comment ! tu as trouvé des truffes dans mon

bosquetdechênes;maisc’estuneprécieusedécouvertequetuasfaite là.Et tume lesapportesau lieude lesvendre! tunesaispeut-êtrepasqu’ellesvalentbeaucoupd’argent.

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LOUISON.—Oh!si,monsieur,jelesaisbien.L’aubergisteduLiond’Or voulaitme les acheter ;mais, commeelles étaient àvous,jenepouvaispaslesvendre.LECOMTE.—Tun’assansdoutepasbesoind’argent?LOUISON.—J’enaibiengrandbesoin,aucontraire,pourmon

pauvrePorcinet.Et,endisantcesmots,ellefonditenlarmes.

LOUISONETPORCINETVONTDEMEURERAUCHÂTEAU

Le comte, étonné de trouver tant de délicatesse chez uneignorante petite paysanne, lui parla avec bonté, l’encouragea etluifitracontertoutesonhistoire.Lorsqu’elleeutfini,illuidit:—Porcinet et toi vous avez fait une découverte quime sera

très avantageuse, il est donc juste que vous en soyezrécompensés.J’achètePorcinetàdameCatherine.Jelelogedansles dépendances du château, et tant qu’il vivra, il sera soignécommeunprinceetn’aurariend’autreàfairequ’àchercherdestruffes.Quantàtoi,mafillette,commejeneveuxpasteséparer

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detoncheramietquejesaisquemafillet’aimebeaucoup,jeteprendsaussiauchâteauetjet’engage,toutensoignantPorcinet,àapprendretoutcequi teseranécessairepourdevenirunjour lafemmedechambred’Edwige.Celateconvient-il?—Oh!monsieur,ditLouisontoutémue,jeneméritaispasun

tel bonheur, car j’ai été un moment bien tentée de vendre lestruffes.— Et c’est justement, reprit le comte, parce que tu as su

résister à une grande tentation, que tu le mérites. Du reste,rappelle-toi, mon enfant, que presque toujours le chemin de laprobitéestenmêmetempsceluidubonheur.

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LABONNELOUVE

Ilyavaitunefoisunprincequiétaittrèsméchantettrèscruel.Sasœurs’étantmariéesanssapermission,ilenfutsiencolèrequ’ilordonnaqu’onluienlevâtsesdeuxpetitsgarçonspourlesfairemourir.Ces enfants étaient des frères jumeaux, c’est-à-dire qu’ils

étaientnés lemême jour.On lesnommaRémusetRomulus. Ledomestique du méchant prince les mit tous les deux dans unecorbeille et les porta dans une sombre forêt toute remplie debêtesféroces.Illesdéposaaupiedd’unarbre,surdelamousse;puis,après

lesavoirregardésd’unairdepitié,ils’éloigna,cariln’osaitpasdésobéiràsonmaître.RémusetRomuluss’étaientendormispendantletrajet,maisle

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froidetlafaimnetardèrentpasàlesréveilleretilssemirentàpleurerdelamanièrelapluslamentable.

RomulusetRémusfurentélevésparunelouve.Ilyavaitparlàunegrosselouvequierraitdetouscôtésàla

recherchedesespetits louveteaux,et lapauvrebêtenepouvaitpas les trouver, car un chien de berger les avait égorgés. Elleentenditlescrisdesenfantsets’approchad’eux;ellelesflairaetparutsedemanders’ilfallaitlescroquer.Ilsétaientrosesetblancsetauraientsansdouteétéunmanger

trèsdélicat etpourtantelle eut pitié d’eux : peut-êtrey avait-ildansleurscrisdéchirantsquelquechosequiluirappelaceuxdeses chers petits enfants loups.Elle se coucha auprès d’eux, lespressacontreelle,etlespauvresinnocents,sentantsesmamellespleinestoutprèsdeleursbouches,semirentàlatéter.Depuiscemoment,lalouvelesadoptapoursesenfants,ellelesléchait,lessoignait,etsilesautresanimauxvoulaientenapprocher,ellesejetaitsureux.Les petits garçons grandirent vite et devinrent très forts. Ils

aimaient beaucoup leur grosse maman loup. Ils grimpaient sur

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sondosetluitiraientlaqueueetlesoreillessansquejamaisellesefâchât.Lorsqu’ilssurentmarcherilslasuivirentpartout,etsemirentà

mangerlachairdesanimauxqu’elletuaitetqu’elleleurdéchiraitenmorceaux.Unjour,leprinceleuronclevintchasserdanscetteforêtetfut

fort étonné de voir deux petits garçons tout nus qui couraientaprès une louve. Il les fit attraper par ses gens. Rémus etRomulusnesavaientpasparler, ilsgrognaient,hurlaientcommedesloupsetvoulaientmordreceuxquilesavaientpris.Leprince lesemmenadanssonpalais, les fitvêtiret leur fit

donner une bonne éducation, car le domestique qui les avaitperdusluiavaitapprisqu’ilsétaientsesneveuxetilserepentaitd’avoirétésiméchantpoureux.Malheureusement, ces petits garçons se ressentirent toujours

d’avoirétéélevésaumilieudesbêtesféroces;ilsdevinrenttrèsfortsettrèsbraves,maisenmêmetempstrèscruels.Unjourilssequerellèrentsi fortqueRomulusdanssacolère tuasonfrèreRémus.Cette querelle était venue à propos d’une ville qu’ils

comptaientbâtiretàlaquelleilsvoulaienttousdeuxdonnerleurnom.Romulus,restéseul,lanommaRome.

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LAVOLEUSEDÉCOUVERTE

NEDITESJAMAISDEMENSONGE

Jevousassure,maman,disaitlapetiteSylvie,quecen’estpasmoiquiaicassécecarreau.PauletJeansebattaientàcoupsdepierresetuned’ellesestjustementvenuefrapperdanslafenêtre.—Méchante enfant, lui dit samère en la secouant rudement

parlebras,tevoilàencoreàmefairedescontesetàaccuserles

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autresdessottisesquetufais.—Mais,maman,jevousassurequecen’estpasmoi.Jen’ai

pasbougédececoin.—Tun’asdoncpashontedementirainsi?—Maman,jevousjure…—Nejurepas.Àquoicelasert-il?nousnetecroyonsplus.—Qu’ya-t-ildonc?demanda lepèrequi rentraità l’instant

dutravail,etqu’afaitSylvie?

LamèredeSylvieétaitchezl’épicier.—Jel’ailaisséeseule,réponditlamère,pendantquej’allais

chezl’épicier.Iln’yavaitpersonneprèsdelamaison,etquandjesuisrevenue,j’aitrouvécecarreaudevitrecassé.Maintenantelleoseprétendrequecen’estpasellequiafaitcela.—Papa, dit l’enfant en pleurant, je t’assure que ce sont les

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garçonsquiontjetéunepierreparlà,ensebattant.— Je voudrais pouvoir te croire, reprit le père tristement ;

mais,sisouventdéjàtunousasmentiquenousnepouvonsplusajouter foi à ce que tu nous dis. Comment ne sens-tu pas toi-mêmecombiencedéfautesthorrible?etpourquoinecherches-tupasàt’encorriger?—Jet’assurequej’essaye,cherpapa,maisonneveutplusme

croire et, à chaque instant, je suis grondée ou punie pour deschosesquejen’aipasfaites.—Ehbien!cesoirtuseraspuniepourquelquechosequetu

as fait, reprit brusquement lamère, car tu vas aller te couchersanssouper.Sylvie monta dans sa chambre et se mit au lit en pleurant.

Bientôtelleentenditlesriresetlesbavardagesdesautresenfantsquirentraientetsoupaientgaiement.Oh!commeellemaudissaitcevilaindéfautquiluioccasionnaittantdechagrin,carcettefoiselleétaitinnocenteet,lelendemain,ontrouvalecaillousousunmeuble,etsonfrèrePaulavouaqu’ill’avaitlancé.Sylvie avait beaucoup de bonnes qualités ; elle était propre,

active, laborieuse et pleine d’intelligence et d’esprit.Malheureusement, lorsqu’elleétaitpetite,on riaitdesdrôlesdechoses qu’elle disait et elle s’était habituée à inventer toutessortesdecontes.Iln’yauraitpaseudemalàcela,siellenelesavait pas donnés comme vrais : mais peu à peu elle pritl’habitude de répéter autrement ce qu’elle entendait dire et dementirpours’excuser,quandelleavaitcommisquelquesfautes.Ses camarades d’école l’appelaient la petite menteuse, etcependantcelanelesempêchaitpasdeluidemandersouventdeleur raconter des histoires, parce qu’elle savait le faire d’une

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manièreamusante.Un matin, en partant pour l’école, elles l’entourèrent et lui

dirent:—Oh!Sylvie, raconte-nousunebellehistoire,aujourd’hui ;

maisunehistoirevraie,toutàfaitvraie.—Quelle bonne idée ! dit une autre.Tout enmarchant, cela

ferapasserletemps,carlarouteestsilongued’iciàl’école!En effet, elles étaient toutes des filles de fermiers, et

demeuraientassezloindelaville.—Jeleveuxbien,ditSylvie;marchezàcôtédemoi,maisne

me touchez pas, car vos mains sont si noires qu’elles mesaliraient.Vousneleslavezdoncpasavantdepartir?—À quoi bon ? dit Nancy, la plus malpropre de la bande,

ellessesalissenttoutdesuite.

L’HISTOIREDELAPETITEANNETTE

—Ehbien!repritSylvie,jevaisteraconterl’histoired’unepetite fille qui te ressemblait et qui s’appelaitAnnette. Elle ne

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pouvaitsouffrirdese laveret jetaitdescrisperçants toutes lesfoisquesamèrevoulaitladébarbouilleroulapeigner.Elle mangeait avec ses doigts, répandait sa soupe sur ses

vêtements, et sonplus grand plaisir était de tripoter les choseslesplussales.Voilàque,toutàcoup,ons’aperçutquesonnezetsabouches’allongeaientenformedemuseau,quesesbrasetsesjambes devenaient des pattes et qu’il lui poussait une petitequeue qui se tortillait comme un tire-bouchon. Enfin, un beaujour, son père ne trouva plus en rentrant chez lui qu’un vilaincochonàlaplacedesapetitefille.— Oh ! Sylvie, s’écria Nancy, nous t’avions demandé une

histoirevraie ;celle-làn’estbiensûrpasvraie,et jene l’aimepasdutout.—Laisse-ladoncfinir,direntlesautresenfants.Sylviecontinua :—Lepapapritunbâtonetchassa l’animal

jusquedanslacour,oùilseréfugiasuruntasdefumier.Aprèsavoirgrogné,fouillé,mangédesordurespendanttoutelajournée,la petite Annette, quand le soir fut venu, voulut rentrer à lamaison.Aussitôttoutlemondesemitàlachasseretàlabattreenluidisant:—Veux-tutesauver,vilainanimal!tusensmauvaisettuesdégoûtant!Illuifallutdoncretournersursonfumieroùellefitd’asseztristesréflexionssursaposition.Le lendemain elle essaya de nouveau d’aller trouver ses

parents ; même traitement, elle fut chassée plus cruellementencore.Alorselleseditquesiellenepouvaitpasredevenirunepetite fille, aumoinsellepouvaitcesserd’êtreunsaleetpuantanimal.Ellealladoncàl’abreuvoir,entradansl’eau,seroula,sefrottaetsortitdelàfraîcheetrose.Alors,elleseregardadanslemiroir de l’eau et trouva qu’elle ressemblait déjà beaucoup

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moinsàunporc.Au lieu de retourner se vautrer dans son fumier, elle semit

dans l’endroit leplusproprede lacouretmangeadélicatementdesépluchuresde légumes.Lesoirnouveaubain.Lelendemaindemême,etaumomentoùelle se séchaitausoleil, samèreseprécipitaverselleendisant:Ah!voilàmachèrepetiteAnnetteque j’avais crue perdue ! et, la prenant dans ses bras, elle laportaàsonpapaquipleuradejoieenl’embrassant.—Ehbien ! dit Sylvie en finissant, n’est-elle pas joliemon

histoire?— Oui, répondirent ses compagnes, seulement tu ne peux

vouloir la faire passer pour vraie et nous faire croire qu’unepetitefillepeutêtrechangéeencochon.

Tenez,cevieilâneaétéunpaysan.

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—Certainementqu’elleestvraie!J’aivulapetiteAnnetteencochonetenpetite fille.Nesavez-vouspasque lorsqu’onauntrès grand défaut cela vous fait changer en un animal qui a cedéfaut-là?Tenez,cevieilâne!Ehbien!ilaétéunpaysantrèsentêté que mon père connaissait. Et moi, j’ai eu autrefois uneamiequiétaittrèsbavardeetunpeuvoleuse;elleaétéchangéeen pie et très souvent elle vient me faire des visites dans machambre.—Tonamievienttefairedesvisites?ditNancy.—Ehnon!lapie.Unmatin,j’étaisencoreàmoitiéendormie,

lorsquej’entendstoc,toc,àmafenêtre.Jemelèveassezeffrayéeetjevoisunebellepieavecsongrosbec,salonguequeueetsonhabitnoiretblanc.Elle semblaitvouloirentrer. Je luiouvre lafenêtre, ellevole sur la table et jevoisqu’elle a auxpattesdebellespetitesbottesendraprouge.—Unepieavecdesbottes!quelcontetunousfaislà!— Rien n’est plus vrai pourtant. Elle s’est mise à sauter, à

voleter,à toutexaminerdansmachambrede lamanière laplusdrôle dumonde ; seulement, lorsque j’ai voulu la toucher, ellem’adonnédeuxoutroisgrandscoupsdebecets’estenvolée.Depuis,elleest revenuebiensouvent,etcommema chambre

est très chaude, et que je laisse la fenêtre ouverte, la nuitquelquefois,enm’éveillant,jelatrouvedéjàlà,touchantàtout,furetantpartoutetme jouant toutessortesdeniches.Mais,nousvoiciarrivéesdevant lafermeoùdemeuremasœurMaria.J’aiune commission à lui faire. Allez toujours devant, je vousrattraperai.

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Lapievoleuse.Maria était la sœur aînée de Sylvie. Voyant qu’il y avait

beaucoupd’enfantsàlamaisonetquesesparentsavaientbiendela peine à se tirer d’affaire, elle avait demandé à se placercommepetite bonne chezune riche fermière.Elle travaillait detoutessesforcesetonétait trèscontentd’elle.Sylvievenait luidemander,delapartdesesparents,siellepourraitvenirdînerledimanchesuivantaveceux.—Oui,ditMaria, toute joyeuse,etmesmaîtressesontmême

eu la bonté demepermettre de rester jusqu’à lundimatin, à laconditionquejeseraideretouricidetrèsbonneheure.—Oh!tantmieux!s’écriaSylvie,commejeseraicontentede

t’avoirencoreàcoucherdansmachambre!Sais-tuquejenesuispas très rassurée, comme cela toute seule dans le haut de cettetourelle?Lapremièrefoisquelapieestvenuej’aieubienpeur.—Lapie!quellepie?demandaMarie.—Comment,repritSylvie,jenet’enavaispasencoreparlé?

unebellepieavecdesbasrouges.—Sylvie,Sylvie,ditMariatristement,voilàencorequetume

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fais des contes. Allons ! cours vite à l’école, ou tu seras enretard,etàdimanche.

MARIAACCUSÉEDEVOL

Cettejournéedudimanchesepassatrèsagréablement.Toutelafamille était heureuse d’avoir la bonne Maria, si douce et siprévenante. Elle coucha dans le même lit que Sylvie et toutesdeux ne s’endormirent qu’après avoir bien bavardé. Sylvie neparlaplusde la pie, puisqu’elle voyait qu’onnevoulait pas lacroire ; mais elle espérait bien qu’elle viendrait le lendemainmatinetqu’ellepourraitlamontreràsasœur;carsil’histoireducochonn’étaitqu’unefablequ’elleavaitinventée,celledelapieétaitparfaitementvraie.Justement, le lundimatin, l’oiseau ne vint pas, tandis que le

mardi,lapetitefilleens’éveillantletrouvadéjàsautant,jasantetfarfouillantautourdesonlit.Ce jour-là, aumilieude laclassede l’après-midi,Sylvie fut

effrayéedevoirarriversonfrèreJean,qui,l’appelantàlaporte,luiditd’unairtoutbouleversé,qu’ilfallaitqu’ellerevîntdesuiteà la maison ; qu’il y avait des gens qui cherchaient dans sachambre,quesamèrepleurait,qu’ilétaitarrivéquelquechoseà

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Maria,ilnecomprenaitpasquoi.—Oh!mapauvresœur!quepeut-illuiêtrearrivé?s’écria

l’enfant.Couronsvite.Etilspartirentàtoutesjambes.IlétaitarrivéàlapauvreMariaquesamaîtressel’accusaitde

l’avoirvolée.Unebrocheenor,desboutonsdemanchettes,unechaîneetdesmédaillesavaientdisparu.Cesobjetsétaientserrésdans un petit meuble dont la fermière avait la clef, mais danslequel Maria cherchait quelque chose le samedi précédent,justementaumomentoùSylvieétaitvenue luiparler.Leplaisirdevoirsasœur luiavait faitoublierderefermer lemeublequiétait dans une chambre inhabitée, et depuis, elle n’y avait pluspensé.Onsavaitquelelendemainelleavaitétécoucherchezsesparents, et on pensait qu’elle pouvait y avoir caché ces objets,carchezelleonn’avaitrientrouvé.AumomentoùSylviearriva,onavaitdéjàcherchédanstoute

lamaisonetdanssonproprelit;cachésentreleboisdelitetlapaillasse,onavaittrouvélachaîne,lesmédaillesetlesboutons.La broche seule manquait ; on ne pouvait guère douter de laculpabilitédeMaria,etonallaitlaconduireenprison.Lapauvrefillesanglotait.—Cen’estpaselle!s’écriaSylviedèsqu’elleeutcomprisde

quoiils’agissait.Jenel’aipasquittéed’uninstant.Ellen’ariencaché.J’ensuissûre.D’ailleurscesobjetsn’étaientpaslàhier,jelesauraisbienvus!Puis,s’arrêtanttoutàcoup:—Lapie!s’écria-t-elle,c’estlapiequilesaapportéslà,j’ensuiscertaine.Jemerappellemaintenantqu’elleavaitquelquechosedebrillantdanssonbec,cematin,quandellefuretaitparici.—Ah!ditundesagentsdepolice,sivousavezunepie,c’est

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différent.Cesoiseauxsonttrèsvoleursetaimentbeaucoupcequibrille.Commeilyavaitunefenêtreouverteenfacedumeubleoùse trouvaient les bijoux, elle a très bien pu les prendre et lesapporterici.Oùest-ellevotrepie?—Nousn’avonspasdepie,dit lepèred’unairembarrassé.

Jenesaiscequel’enfantveutdire.—Ce sont des contes qu’elle vous fait là, dit uneméchante

voisine.C’estunementeusequineditjamaisunmotdevérité.—Lefaitest,dituneautre,quenousneconnaissonspasune

seulepieapprivoiséedanstoutlevoisinage.—Ilyenaunepourtant, repritSylvie,puisqu’ellevient très

souventdanscettechambre;seulement,commeelleentreparlafenêtre,lesautrespersonnesdelamaisonnelavoientpas.—Commentexpliques-tu,demandal’agent,que,recevantdesi

singulièresvisites,tun’enaiesparléàpersonne?—J’enaiparléquelquefois,réponditl’enfant,maisonnem’a

pascrueetjen’aiplusriendit.—Etonnepeutpastecroirenonplusmaintenant,puisquetu

aslaréputationd’êtrementeuse.Endisantcesmots,l’agentsetournaversMaria,et,luiprenant

lebras,luidit:Allons,mapauvrefille,ilfautvenirenprison ;situesinnocente,onterelâchera.Quelle position pour la malheureuse Sylvie ! voir sa sœur

accusée, traitée comme une voleuse, la savoir innocente et nepouvoirconvaincrepersonne!sesparentsmêmesnelacroyaientpas.Oh!commeellemaudissaitsonfunestedéfaut!—Monsieur!Monsieur!cria-t-elleàl’agent,sijeretrouvela

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pie,relâchera-t-onMaria?—Sansdoute,situpeuxprouverqu’elleaprislesobjets,lui

fut-ilrépondu.

LAPIEVOLEUSE

L’idée qu’elle pouvait faire quelque chose pour prouverl’innocence de sa sœur rendit un peu de calme à Sylvie. Oh !commeelledésiraitrevoirlapie!etjustement,ilsepassadeuxlongs jours sans qu’elle reparût. Le troisième, en s’éveillant,Sylvieeutlebonheurdevoirl’oiseausurlatabledesachambre.Elle se lève et sort bien doucement, pour aller chercher destémoinsquipuissentdirel’avoirvue.Il étaitdegrandmatin,et tout lemondedormaitencore.Elle

faitleversonpèreetunedesfillesdefermeetremonteaveceuxdans sa chambre. Hélas ! elle n’avait pas pensé à fermer safenêtre et la pie était repartie sans laisser aucunes traces. Sonpèreetlaservante,croyantqu’ellelesavaitréveilléspourrien,se fâchèrent fort et dirent qu’une autre fois ils ne bougeraientplus.LesparentsdeMariaétaientbientourmentés,bienmalheureux.

Ilsnecroyaientcertainementpasqueleurfillefûtcoupable,mais

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ilsnecroyaientpasnonplusl’histoiredelapie,parcequ’ilsnel’avaientjamaisvue.La chambre de Sylvie était, comme nous l’avons dit, tout en

haut d’une tourelle et la seule de la maison dont les fenêtresdonnassentd’uncôtéoùilyavaitdegrandsarbres,desortequel’oiseauvolaitdesarbresdanslachambreetdelachambredanslesarbressansêtreremarquédepersonne.Pendant ce temps, la pauvre Maria était toujours en prison,

maladedechagrin,etSylvies’endésolait.Àforcederéfléchiràcequ’ellepourraitbienfaire,ellefinitparsedirequ’unepiequiadudraprougecousuautourdesespattesdoitavoirétéélevéeetapprivoiséeparquelqu’unetqu’ilfallaittâcherdetrouveroùelleallait,puisqu’ellenerestaitpasdanscevoisinage.Elle avaitvuqu’elle s’envolait toujoursdumêmecôté, etun

jour,ellemitungrosmorceaudepaindanssapoche,etaulieud’alleràl’écoleellesemitàmarcherdececôté-là.Quand elle fut à une certaine distance, elle commença à

s’informersionneconnaissaitpasunepieapprivoiséequiavaitdesbasrougesauxpattes.Pendantlongtempsonluiréponditnon,toujoursnon.Ellecommençaitàsedécourager,lorsquequelquespetits garçons lui dirent avoir souvent vu un semblable oiseaupasserenvolant,ouperchésurlehautd’unarbre.Elleseremitdoncenmarcheavecplusd’ardeurquejamais.Verslafindelajournée,ledécouragementlapritdenouveau.

Elleétaitbienfatiguée,elleavaitfaim,carsonpainétaitmangédepuis longtemps. Ce qui l’inquiétait surtout, c’est que la nuitapprochaitetqu’ellen’étaitpasdutoutsûredepouvoirretrouversoncheminpourreveniràlamaison.Ellecommençaitàneplussavoirquefaire,quandellearrivaauprèsd’unebellepropriétéet

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vit de loin un jeune garçon qui se promenait en tenant sur sondoigtquelquechosedenoiretblanc.Elles’avance:ohbonheur!c’estunoiseau,c’estlapie!Iln’yapasàendouter;voilàlesbottes rouges.Lagrille est ouverte, elle entre et s’approchedujeune garçon. Arrivée près de lui, le courage lui manque pours’expliquer,etellefondenlarmes.Étonné,effrayédutristeétatoùilvoitlapauvreenfant,lejeunehommeappellesamère.OnentoureSylvie,onlaquestionnedoucement,etelleracontetoutel’histoire.— Comment, dit le jeune garçon, qui se nommait Georges,

cettecoquinedeMargotprofitedecequejenesuispaslevélematin pour aller si loin, et faire de si mauvais coups ? Maismaintenant,commentprouverauxjugesquec’estbienellequiestla voleuse ? Pour mon compte, je n’en doute pas, car je saisqu’ellealapassiondetoutcequiestenor.—Touslesobjetsont-ilsétéretrouvés?demandaladame.—Non,réponditSylvie,ilmanquaitencoreunebrocheenor

etunepiècedemonnaiepercéed’untrou.— Georges, dit la mère, si tu cherchais dans toutes les

cachettesdetavilainebête,peut-êtrelesytrouverais-tu.—C’est une bonne idée, s’écria le jeune garçon, je sais où

elleacommencéà fairesonnid ;peut-êtreya-t-ellecachécesobjets.Il partit en courant et, peu de temps après, revint d’un air

triomphant.Iln’avaitrientrouvédanslenid,maistoutprèsdelà,ayantdéplacéunvieuxsacdetoilequ’onavaitlaisséàterre,ilavaittrouvédessoustouteunecollectiond’objets,qu’ilversasurlesgenouxdesamère.

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—Oh!ditSylvie,voicilabroche,lapièced’argentetundéqui est à moi ! la coquine l’a pris dans ma chambre, et je lecroyaisperdu.—Et des pelotons ! et des sous ! et des ciseaux ! ajouta la

dame.Décidément,Georges,situveuxgardercetoiseau,ilfautquetulemettesencage.Tuvoisl’inconvénientdelelaisserenliberté.Allons,mapauvrepetite,viensauchâteauterestaurerunpeu. Pendant ce temps, on attellera la voiture et nous tereconduironscheztoi.NousemporteronsMargot,etj’espèreque,dès ce soir, ta sœur pourra être remise en liberté et que, àl’avenir,tunedéguiserasplusjamaislavérité.—Oh!Madame,s’écriaSylvie,j’aiététropsévèrementpunie

pourn’êtreplusjamaistentéederecommencer.En effet, l’innocence deMaria fut complètement reconnue et

sesmaîtres,désolésdel’avoirfaussementaccuséeetdeluiavoircausé tantde chagrin, lui firentunbeaucadeauet augmentèrentsesgages.QuantàSylvie,depuiscejour-làellefutlapetitefillelaplus

véridique du monde ; aussi, alors même que ce qu’elle disaitparaissaitextraordinaire,onlacroyaittoujourssanshésiter.

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LaconduitedeJacquesmettaitsafemmeetsesenfantsdans

laplusgrandemisère.

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LAPARTIEDECACHE-CACHEOULECHEMINDESÉCOLIERS

C’étaitparunebellematinéedumoisd’avril,dansunportdemer,disonsauHavre.Deuxpetitsgarçonssortaientdechezeuxpouralleràl’école.L’aînésenommaitPhilippeetleplusjeuneMarcel. La route était assez longue depuis l’endroit où ilsdemeuraient jusqu’à l’école, et cependant, ce jour-là, ils latrouvaienttropcourte;carilsn’avaientaucuneenvied’arriver.—Commec’estennuyeux,disaitPhilippe,d’allers’enfermer

danscettetristesalled’écolequandilfaitsibeaudehors!— Ah ! oui, reprit Marcel avec un soupir, j’aimerais bien

mieuxallermepromenerdanslacampagne;jesuissûrquetoutestdéjàcouvertdefleurs.PHILIPPE.—Lesanémonesetlesprimevèressontfleuries.J’ai

vuhierungarçonquienavaitungrosbouquet.Disdonc, siaulieu d’aller à l’école, nous allions dans le bois cueillir desfleurs?

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MARCEL. — Ce serait très amusant ; mais maman nous adéfendu bien des fois d’aller ailleurs qu’à l’école, et si ellel’apprend,ellenouspunira.PHILIPPE.—Comment le saura-t-elle, àmoins que tu ne sois

asseznigaudpour le luidire?D’ailleursnousseronsderetourpour lesclassesde l’après-midi ;ainsinouspourronsbiendirequenousavonsétéàl’école.MARCEL. — C’est égal, cela serait toujours une espèce de

mensonge.Etpuis,vois-tu!j’aipeurquenousnenousperdionsdanslebois,etqu’iln’yaitparlàdeméchantesbêtes.PHILIPPE.—C’estcela!c’estparpoltronneriequemonsieurne

veutpasvenir,etilfaitsemblantd’êtreplusobéissantquemoi.Eh bien ! puisque tu n’oses ni aller dans le bois, ni manquerl’école,commeilestencoredebonneheure,nousallonsfaireletourparlesquais.MARCEL.—Oh!Philippe,tusaisbienquec’estunedeschoses

quenosparentsnousdéfendentleplus!Ilsonttoujourspeurquenousnetombionsdanslesbassins.PHILIPPE.—Meprends-tupouruntoutpetitenfantquin’estpas

solidesursesjambes?N’aiepaspeur,jesauraibient’empêcherd’approchertropprèsdubord.MARCEL.—Ilyatantdemonde,decharrettes,deballots,de

tonneaux, je suis sûrquenousnous feronsécraser. Je t’enprie,Philippe,n’yallonspas.PHILIPPE.—Restesituveux;maismoi,j’yvais.Jem’exerceà

dessiner des navires et il faut que j’examine comment ils sontfaits.

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SURLESQUAIS

Surlequai,onchargeaitetondéchargeaitdegrandsnavires.

Marcel hésita un instant, se demandant s’il continuerait sarouteous’il suivraitsonfrère.Commenous l’avonsvuparsesdiscours, il n’était pas très brave et n’aimait pas beaucoup setrouvertoutseuldanslarue.Philippe,dedeuxansplusvieuxquelui, lui paraissait déjà uneprotection ; aussi se décida-t-il à lesuivre,toutensentantqu’ilagissaitmal.Unefoissurlequai, ilfut distrait par la vue des grands navires qu’on chargeait ou

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déchargeait, des matelots qui grimpaient sur les mâts et desgrandes machines nommées grues qui enlevaient et déposaientlespluslourdsfardeauxavecautantdefacilitéques’ilseussentétédesplumes.Cequiamusabeaucouplesenfants,cefutdevoirembarquer des vaches et des cochons. On leur passait dessangles sous le ventre, et on les attachait à la grue qui lessoulevait,tournaitetlesdéposaitsurleursjambesdanslebateau.Lespauvresvachesleurfaisaientbienunpeupitié,carellesselaissaient faire d’un air triste et résigné ; mais les cochonsbraillaientetsedémenaientd’unemanièresigrotesquequecelafaisaitrirePhilippeetMarcelauxéclats.Tandis qu’ils étaient là, bouche béante, un homme se jeta

contreeuxetlesbouscula,toutengrommelantetleurreprochantdes’êtremisdanssesjambes.Marceleffrayéseserracontresonfrèreendisant:—Qu’a-t-ildonccethomme?est-il fou?Nousnebougions

pas,ilvienttombersurnousetc’estluiquiseplaint.—Ilatropbud’eau-de-vie,luiréponditPhilippe,ilestivreet

nesaitpluscequ’ilfait,nicequ’ildit.—Pourquoidonc,repritMarcel,s’est-ilmisdanscetétat-là?

est-cequec’estamusant?Iln’apasdutoutl’airdes’amuser,ilressembleàunanimal,tiens!toutàfaitàcegroscochonquiestlà-bas.Eh!voisdonccommeilmarchedetravers.Notrepetitesœurquin’aqu’unanmarcheaussibienquelui.Toutenparlant,lesdeuxgarçonssemirentàsuivrel’ivrogneà

quelquespasenarrière.Ilsarrivèrentalorsàunendroitduquaioùilyavaitmoinsdemonde;maisbeaucoupdeballesdecafé,desucreetdecoton,etdegrandestentespourlesabriter.

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L’hommeivreeutlamauvaisepenséedepasserentrelestentesetlebordduquai.Ilchantaitd’unairabrutiuneaffreusechanson,quand tout à coup ses pieds s’embarrassent dans une corde, iltrébuche,faitquelquespasenavant,et,commeilnepeutpassediriger, ilva toutdroitpiquerune têtedans l’eaubourbeusedubassin.Iln’yavaitauprèsdeluiquePhilippeetMarcel,quisemirent à pousser des cris perçants et à appeler au secours.Debraves marins accoururent, les uns prirent une grande percheterminée par un crochet, qui sert exprès pour cela, les autresfirent approcher une barque, et bientôt l’homme fut repêché etamené sur le quai. Mais dans quel triste état ! Il était sansconnaissance;sabouche,sonnez,sescheveuxétaientremplisdevase, et ses vêtements étaient tellement déchirés par la perchequ’ilétaitpresquenu.—C’estJacques,ditundeshommesquilesecouraient,c’est

la troisième fois que cela lui arrive, et cela ne l’a pas encorecorrigé.Ilestconstammentivre,etpendantcetemps,safemmeetsesenfantsmeurentdefaim.—Àsonâge,onnesecorrigeplus,ditunautre.C’estquand

onest jeunequ’il fautbiensegarderdeprendredesemblablesdéfauts.—Est-ilmort?demandaPhilippetimidement.— Non, non, il en réchappera encore cette fois-ci, grâce à

vous qui l’avez vu tomber ; car s’il était resté plus longtempssous l’eau, avec l’estomac plein comme il l’avait, il seraitcertainementmort.Ilnesepasseguèredejoursqu’ilnes’ennoiedecesivrognes,etsouventleurfamillenelesaitquelongtempsaprès.— Comme c’est affreux, dit un monsieur âgé qui s’était

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approché du groupe ; s’adonner à la boisson, quand sans cevilaindéfautonpeut,entravaillanthonnêtement,gagnersavieetcelledesesenfants!—Bah!ditunmarin,l’ivressen’estpasuncrime.— Vous vous trompez, mon ami, lui répondit le monsieur ;

l’ivresse est la plus grande des fautes, car, bien souvent, c’estellequifaitcommettretouteslesautres.À ce moment, Philippe se sentit frappé sur l’épaule et, se

retournant, vit une troupe de gamins qui avaient tous assezmauvaise façon.Parmieuxse trouvaitungarçonnommé Pascalqu’ilconnaissait,parcequ’ilvenaitquelquefoisàl’école;celui-ciluidit:— Veux-tu faire une partie de cache-cache avec nous ? Tu

verras comme c’est amusant de se cacher derrière cesmarchandises.—Oh!non,sehâtadedireMarcel,encoretoutémudecequi

venaitdesepasser,nousallonsnousrendreà l’école;n’est-cepas,Philippe?—Àl’école!luiréponditPhilipped’untonbourru,ypenses-

tu ? Il est bien trop tard, il fautmaintenant quenous attendionsqu’il soit midi pour retourner chez nous. On croira que nousvenonsdel’école,etonnenousgronderapas.—Envoilàunmalin ! s’écriaPascal, c’est luiquin’estpas

bête !Alors tupeuxbien jouer avecnous ; carque feriez-vousjusqu’àmidi?ilenestencorebienloin.

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OÙCONDUITLEMAUVAISEXEMPLE

Philippe,trèsflattéd’êtrelouéparungrandgarçon,selaissapersuader,etlapartiecommença.Marcelsuivaitsonfrère,maisilne jouaitpasdeboncœur.Bientôt il remarquaque lesautresgarçons restaient beaucoup plus longtemps qu’il n’étaitnécessaire, cachés derrière les balles de sucre ou de café. Ils’avançatoutdoucementprèsdel’und’euxetvitqu’ilavaitfaituntrouavecsoncouteauàuneballedecassonadeetqu’ilétaitentraind’enremplirunpetitsac.Ungarçonplusâgéauraittoutdesuitevuqu’ilavaitaffaireà

unebandedepetitsvoleurs,etquelapartiedecache-cacheétaitdestinée à tromper les passants et les agents de la police et àdonner un prétexte aux mauvais garnements pour se cacherderrière les balles et faire leur coup ; mais Marcel était tropjeune et trop innocent pour deviner cela ; il s’approcha toutsimplementdePascal,carc’étaitluiquiétaitainsioccupé,etluidemandacequ’ilfaisaitlà.Legarçonsautaenl’aircommesionluiavaittiréuncoupdepistoletàl’oreille;puis,s’avançantsurMarceld’unairmenaçant,illuiditavecungrosjuron:—Dequoitemêles-tu,petitmouchard?cesucren’estpasà

toi, qu’est-ce que cela te fait si j’en veux goûter un peu ? Net’avisepasdedireàpersonnecequetuasvu,ouje teferaiun

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mauvaisparti.—Maistunelemangespas,ditlepetit,tulemetsdanscesac.—Nigaud!c’estpourenporterauxcamarades.AumomentoùPascaldisaitcesmots,uncoupdesiffletsefit

entendre;c’étaitsansdouteunsignal,caraussitôtiljetalesacàMarcelenluicriant:—Tiens,prends-leetsauve-toi;voilàlapolice.En effet, presque immédiatement plusieurs hommes parurent

traînantaprèseuxquelquesgaminsqu’ilsavaientarrêtés.L’undeceshommesposalourdementsamainsurl’épauledeMarcel,quirestaitlà,immobile,interdit,ets’écria:—Envoilàencoreun,etcelui-lànepeutpasnier.Tenez!ila

encoreunsacdecassonadeàlamain,etvoilàuneballeéventréeavecsoncouteauauprès.—Moi,moi!balbutialepauvreenfantenfondantenlarmes.

Jevousassurequejen’airienpris!Philippe s’était tenu un peu à l’écart, caché aumilieu de la

foule qui s’était amassée autour d’eux.En entendant la voix desonfrère,ilseprécipitaverslui,encriant:—Nel’emmenezpas!cen’estpasunvoleur,c’estmonfrère,

monpauvrepetitfrèrequej’aientraînéici.—Ah!ah!ditundesagents,tufaisaisdoncaussipartiedela

bande.Etils’avançapourlesaisir;Philippe,effrayé,secachavitedanslafoule,etaidéparquelquesfemmesquieurentpitiédelui, il parvint à se sauver et semit à courir à toutes jambesducôtéde lamaison. Ilentenditencorependantquelque temps lescrisdésespérésdesonfrèrequi l’appelaitàsonaide,maisquepouvait-ilfairepourlui?Ilfallaitallerauplusviteprévenirson

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pèredecequiétaitarrivé,et,s’ilselaissaitemmenerenprison,ilnepourraityaller.Ilcourutsanshésiterjusqu’àlaporte,puisil s’arrêta, et devint tout pâle. C’était terrible de dire : J’aientraînémonjeunefrère,jel’aiempêchéd’alleràl’école,jel’aimené dans une mauvaise société, et maintenant il est arrêté etconduitenprisoncommeunvoleur.Commesonpèreallaitêtreencolère!S’ilallaitlefrapper,letuerpeut-être!Etilhésitaitàouvrirlaporteettremblaitdetoussesmembres.Puis,l’idéedeladétresseetdescrisdéchirantsdesonfrèreluirevenant,ilseprécipitadanslachambre.Samèreyétaitseule,laconfessionfutunpeuplusfacile.Dès que la pauvre femme eut compris ses paroles

entrecoupées,ellelepritparlamainetdit:— Allons, allons ! vite, je veux parler à ces gens. Ils ne

peuvent refuser deme rendremonmalheureux enfant.Ton pèreestdansl’atelier,appelle-leetpartonsvite.Ilspartirenttoustrois.Sesparentsneluidirentpasunmotde

reproche, peut-être voyaient-ils à sa figure bouleversée qu’ilétaitassezpuni.Malgré toutes leurs démarches, ils ne purent réussir à voir

Marcelniàlefairerelâcherlejourmême.Ildutpassertouteunenuitenprison.NuitterriblepourtoutelafamilleetsurtoutpourlecoupablePhilippe.Lelendemain,onremitlepauvrepetitgarçonenlibertéeton

lerenditàsesparents.OnavaitdécouvertquelecouteauétaitàPascal,etcelui-ciavaitavouéavoirdonnélesacàl’enfantpours’endébarrasser.Ainsisoninnocenceétaitpleinementreconnue.Seulement il avait été si effrayé et avait tant souffert qu’il fut

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gravementmalade.Vous pouvez facilement vous figurer les angoisses du

malheureux Philippe tant que son frère fut en danger, et sonbonheurlorsqu’illevitenfinguéri.Jepuisbienvousassurerque,depuiscejour-là,ilnefutplusjamaistentédeprendrelechemindesécoliersaulieud’allertoutdroitoùsondevoirl’appelait.

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*j*jacKaviraf

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