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Engager les peuples autochtones et les communautés locales dans la gouvernance des aires protégées en environnement marin et côtier: options et opportunités en Afrique de lOuest Dr. Grazia Borrini-Feyerabend Rapport pour le projet SIRENES 21 Juin 2009

Engager les peuples autochtones et les communautés locales

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Page 1: Engager les peuples autochtones et les communautés locales

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Contenu

REMERCIEMENTS ....................................................................................................................................... 2 ACRONYMES .............................................................................................................................................. 2 SOMMAIRE ................................................................................................................................................. 3 HISTOIRE, COMMUNAUTES ET RESSOURCES NATURELLES....................................................................... 3 POLITIQUES INTERNATIONALES ET GOUVERNANCE DES AIRES PROTEGEES ........................................... 8 LES AIRES DU PATRIMOINE AUTOCHTONES ET COMMUNAUTAIRES (APACS) .........................................11 QUEL ROLE POUR LE PRCM? ..................................................................................................................14 REFERENCES ............................................................................................................................................17 ANNEXE 1 : CONCEPTS ET LEXIQUE ........................................................................................................18 ANNEXE 2 : ELEMENTS DES POLITIQUES INTERNATIONALE DE CONSERVATION SE REFERANT AUX AIRES DU PATRIMOINE COMMUNAUTAIRE (APACS) ..........................................................................................20 ANNEXE 3 : FEUILLE DE ROUTE POUR LA MISE EN MARCHE D’UNE AIRE DE PATRIMOINE COMMUNAUTAIRE EN ENVIRONNEMENT MARIN-COTIER EN AFRIQUE DE L’OUEST .................................22

RReemmeerrcciieemmeennttss Avec amitié et reconnaissance je voudrais sincèrement remercier Mathieu Ducroq qui m’a confié une petite et très intense mission de deux jours à Bissau dans laquelle j’ai eu le temps de donner une conférence et un atelier, faire un palud et apprécier énormément, une fois de plus, l’accueil des Bissau Guinéens et leur grandiose sagesse de vie. Je suis sincèrement désolée du retard de remise de ce rapport, qui a grandi au cours du temps que je lui ai dédié… Ma vivace gratitude va droit aussi à Nelson Dias Gomes (UICN Bissau), Augusta Henriquez (Tiniguena) et Charlotte Karibuhoye (PRCM) et à tous les autres magnifiques collègues de la région pour leur engagement dans les sujets des rencontres abordés lors du Forum PRCM de Bissau (Fév. 2009) et de son atelier sur les APACs à Tiniguena. Finalement, un merci géant à Christian Chatelain, mon co-missionnaire d’infatigable patience, sagesse et bon humeur.

AAccrroonnyymmeess AMP Aire Marine Protégée AMPC Aire Marine Protégée Communautaire AP Aire Protégée APAC Aires du Patrimoine Autochtone et Communautaire CBD Convention sur la Diversité Biologique CEESP Commission des Politiques Environnementales, Economiques et Sociales [de

l’UICN] WCPA Commission Mondiale des Aires Protégées [de l’UICN] GP Gouvernance Partagée GP SIRENES Gestion Participative des SItes et des REssources NaturellES en Afrique de

l’Ouest IMPAC1 Premier Congrès mondial sur les aires protégées marines ONG Organisation non gouvernementale PRCM Programme Régional de Conservation de la zone Côtière et Marine en Afrique de

l’Ouest SGP Small Grants Programme du PNUD/FEM UICN Union Internationale pour la Conservation de la Nature

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SSoommmmaaiirree La conservation des ressources marines et côtières de l’Afrique de l’Ouest ne peut se passer d’un regard historique conscient sur sa mission, c’est à dire de connaître et comprendre l’histoire de ce qu’on veut conserver. Quels changements de portée historique sont liés à la dégradation des écosystèmes et à la perte de biodiversité? Pourquoi des valeurs de biodiversité se trouvent-elles encore « dans certains sites » aujourd’hui, mais pas dans d’autres ? Quelles capacités et quelles forces les ont protégées? Grâce à ce type de réflexion, on se situe dans une perspective consciente des événements et des phénomènes en jeu et on identifie mieux les « points de force » sur lesquels la conservation et les modes de vie durables peuvent s’appuyer. Cette note, développée pour le projet SIRENES, cherche à s’enraciner dans l’histoire pour explorer des options et des opportunités afin d’engager les peuples autochtones et les communautés locales1 dans la gouvernance des aires protégées (APs) en environnement marin côtier en Afrique de l’Ouest. Elle identifie ainsi, à coté de la gouvernance partagée, les Aires du Patrimoine Communautaire (APACs) en tant que phénomène ayant un potentiel majeur de mise en marche d’une conservation plus «capillaire», participative, équitable et efficace en environnement marin côtier en Afrique de l’Ouest. En peu de mots, une APAC est l’équivalent en gouvernance locale d’une aire protégée déclarée par l’état.2 Il s’agit d’un ensemble de ressources naturelles fortement lié à une communauté donnée (pour des raisons historiques, culturelles, de subsistance, etc.) pour lequel la communauté même a pris des décisions et établi des règles de gestion qui résultent dans la conservation de ses valeurs écologiques, biologiques et culturelles. Avec comme but général d’éliminer l’accès libre, on estime que la gouvernance par les peuples autochtones et les communautés locales est aujourd’hui en mesure de contribuer à la restauration de bénéfices pour tous les utilisateurs des écosystèmes marins et côtiers en Afrique de l’Ouest, y inclus donc les non locaux. Cette affirmation, qui est probablement valable pour tous les espaces, est particulièrement vraie pour les espaces sous régime particulière de conservation. Le monde évoluant, plusieurs conditions alentours des conditions de vie des communautés locales ont changé, mais les communautés restent la partie prenante le plus directement et intimement lié à son propre environnement. Si reconnues et appuyées de façon appropriée, ces communautés sont bien capables d’en garantir l’utilisation intelligente, équitable et durable.

HHiissttooiirree,, ccoommmmuunnaauuttééss eett rreessssoouurrcceess nnaattuurreelllleess A travers les siècles, les principaux décideurs et gestionnaires des ressources naturelles ont été des communautés humaines assez restreintes et bien définies– cueilleurs et chasseurs, pêcheurs et agriculteurs, éleveurs transhumants et nomades, utilisateurs de ressources des forêts, des oasis et des sources d’eau, constructeurs de terrasses et de canaux d’irrigation…. Une grande partie des communautés humaines se créèrent en tant qu’unités sociales autour de certaines «unités de ressources naturelles» telles que l’eau d’un bassin versant, les coquillages d’une baie marine ou

1 Par simplicité, nous utiliserons souvent dans le reste de cette note le terme « communautés » pour indiquer « les peuples autochtones et les communautés locales ». 2 Des analyse plus détaillée du concept et de la terminologie se retrouvent en suite dans le texte et en Annexe 3.

Gouverner et gérer Une façon simple de se rappeler la distinction entre « gestion » et « gouvernance » d’un ensemble de ressources naturelles ou d’une aire protégée : la gestion s’occupe de la question « Que faire ?» et la gouvernance s’occupe des questions « Qui décide ce qu’il faut faire ? » et « Comment prend-on ces décisions ? ».

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un troupeau d’herbivores sur un territoire de migration. La biodiversité et la diversité culturelle ont ainsi évolué ensemble dans des milliers de contextes différents et la « gouvernance communautaire », de façon trop souvent peu documentée et mal connue, a développé une grande variété de règles concernant l’accès et l’utilisation des ressources naturelles. D’ailleurs si on cherche, on trouve encore partout dans le monde des vestiges des institutions et des règles développées à travers les siècles. Il s’agit des espaces sacrés et réservés, des interdictions et des limitations temporaires ou pérennes d’usage de certaines espèces, des obligations sociales par rapport à l’extraction des ressources gérées par des règles communautaires, et de bien d’autres cas encore. Dans bon nombre de situations, ces règles ont rendu explicites les liens entre les ressources et l’organisation de la vie des communautés, souvent en relation avec l’expérience directe (ou la connaissance indirecte) des moments de pénurie des ressources mêmes. Il est aussi probable que ces règles aient eu plusieurs types d’origine, des superstitions magico religieuses au désir de sécuriser des privilèges sociaux, par exemple au bénéfice des autorités traditionnelles. Ce que nous pouvons voir en examinant les systèmes traditionnels existants aujourd’hui est que la gouvernance communautaire s’appuie

souvent sur des formes d’utilisation durable des ressources naturelles et d’aversion des risques potentiellement catastrophiques pour la vie des communautés. Nous voyons aussi que ces systèmes dépendent d’obligations mutuelles à l’intérieur des communautés et parmi les communautés— obligations pour la plupart volontaires (culturelles, intériorisées, souvent même identitaires), même si des sanctions locales en cas d’infraction sont possibles et parfois même plus sévères que celles de l’état à des infractions équivalentes. Pendant des milliers d’années les communautés humaines ont donc pris des décisions et géré leurs ressources naturelles guidées par de nombreuses et diverses motivations (p.ex., subsistance, sécurité, valeurs culturelles et religieuses, bénéfices économiques…). S’il est clair que leur histoire et leur culture se sont construites de

façon intimement mêlée avec ces processus, il est peut-être moins clair qu’elles ont aussi contribué à conserver et même à enrichir la biodiversité locale, comme en témoignent les richesses de l’agro biodiversité, le maintien d’habitats et la création de nouveaux habitats par les

Pourquoi gouverner et gérer “en communauté”? Une « communauté » peut bâtir sur la force et l’intelligence collective, mais aussi sur la solidarité et la réciprocité en interne. On peut ainsi pêcher ou chasser en groupe, bâtir des terrasses, modifier des cours d’eau, labourer en groupe, mais aussi se partager la compréhension des phénomènes naturels et les résultats de l’expérimentation quotidienne (essais et erreurs) dans la gestion. En outre, la communauté permet aux individus de se spécialiser et d’accumuler et intégrer pour le bénéfice de tout le monde des connaissances et du savoir faire acquis à travers le temps. Il y a une taille relativement optimale pour une « communauté » et pour l’ « unité de gestion des ressources naturelles » au quelle elle se rapporte. Pour favoriser sa cohésion interne, la communauté devrait ainsi être constituée de membres qui se connaissent tous personnellement… ou au moins qui partagent plusieurs caractéristiques et se sentent en confiance les uns avec les autres. Pour favoriser le contrôle de la situation de gestion, il est aussi utile que la communauté ait des relations directes avec les ressources à conserver, par exemple qu’elle soit résidente de la zone où se trouvent ces ressources, qu’elle connaisse les chemins pédestres et les habitudes des animaux, les processus saisonniers, etc. Finalement, l’unité des ressources même devrait avoir une taille adaptée à la capacité de gestion de la communauté (pas trop grande au point d’aller au delà de sa capacité, mais pas trop petite non plus au risque de n’être pas intéressante pour plusieurs membres de la communauté…

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êtres humains partout dans le monde. Par exemple, l’habitat européen probablement le plus riche par densité d’espèces – la prairie des îles de la Méditerranée – est entièrement dépendant de l’action des communautés humaines qui l’ont créé pour y faire paître leur bétail. Même dans l’environnement marin, considéré parfois comme une “situation minière” dans laquelle les humains n’ont fait que piller les ressources, on trouve des croyances et des pratiques de conservation d’énorme importance des îles du Pacifique aux cotes de l’Afrique aux eaux glacées de l’Arctique.3 Mais pourquoi, si les communautés locales4 ont joué un rôle si important pour la gouvernance de la biodiversité dans le passé, ce n’est plus généralement le cas aujourd'hui ? Pourquoi voit-on aujourd’hui tant de communautés rurales « pauvres » et destituées ? Pourquoi ont-elles besoin de l’aide internationale pour survivre ? Pourquoi tant d’experts cherchent à leur donner des leçons « scientifiques » sur les changements nécessaires pour « mieux gérer » leur environnement? Un changement global d’énorme envergure s’est en effet produit au cours des siècles derniers. Il s’agit d’un changement à plusieurs dimensions, mais sa nature par rapport aux ressources naturelles est proprement « politique », c'est-à-dire a à voir avec l’autorité et le pouvoir de prendre des décisions. En peu de mots, les propriétaires privés, les états et les entreprises nationales et transnationales ont émergés en tant que nouveaux acteurs dans la gouvernance des ressources naturelles et ont souvent remplacé les peuples autochtones et les communautés locales— parfois par la persuasion, souvent par la force. Ce phénomène historique a été alimenté par la « clôture des terrains communaux » rapidement répandue en Europe à partir du XIIIème siècle, par les révolutions agricoles qui s’y sont mêlées, par le développement latifondiaire, par l’émergence des pouvoirs financiers et de la bourse, par la création des états nationaux qui ont pris le pouvoir sur leurs « domaines nationaux» des ressources naturelles, par la révolution industrielle, l’urbanisation, le colonialisme et par la position dominante du complexe politico-militaro-industriel d’aujourd’hui5… A travers ces phénomènes et d’autres, très lentement d’abord mais avec une accélération évidente au cours des deux derniers siècles, les communautés ont été déresponsabilisées6 de leurs rôles de décideurs (gouvernance) et de gestionnaires (gestion) vis à vis des ressources naturelles. Leurs ressources maintenues en propriété collective selon des lois coutumières souvent autant anciennes que complexes ont été appropriées par des propriétaires privés et les états, et mises généralement sous le contrôle de « personnes expertes » qui agissent selon des méthodes « objectives » identifiées et évaluées hors contexte local. En parallèle, plusieurs autres phénomènes ont aussi émergés. En particulier, les systèmes des valeurs liés à la gouvernance et à la gestion des ressources ont changé de façon plus que substantielle. Les valeurs d’utilisation directe, matérielle ou spirituelle,7 ont carrément laissé le 3 Cela a été mis en évidence par le Premier Congrès Mondial des Aires Marines Protégées (Geelong, 2005). Voir Day et al., 2007. 4 Ce terme inclut ici les peuples autochtones, car la définition de « peuple autochtone » a à voir avec des phénomènes historiques relativement récents. 5 Voir, à ce propos, chapitre I en Borrini-Feyerabend et al,. 2004a, et les références qui y sont citées. 6 Banuri and Amalrik, 1992. 7 Par exemple, dans la société Diola, en Casamance (Sénégal), la production agricole et même la pêche sont des formes de « relation » avec la nature par lesquelles les hommes travaillent proprement, ou célèbrent proprement certains rites, et la pluie, la terre, et la mer donnent leurs fruits en échange. Même la relation de possession des terres– qui est bien présente chez les Diola— est liée à l’obligation de les cultiver (relation appelée shil). Parmi les produits de cette relation, le riz, qui possède une importance fondamentale, est apprécié beaucoup plus pour sa valeur alimentaire, rituelle et symbolique que pour sa valeur monétaire. Le riz est l’orgueil de la famille capable de le produire, et « on doit avoir beaucoup de riz » pour la sécurité alimentaire, pour l’échanger avec d’autres produits, tels que des animaux domestiques, et pour en offrir en abondance à des occasions qui le demandent (funérailles, offrandes aux fétiches, mariages, etc.). La valeur monétaire du riz produit localement n’est pas– et de loin— la valeur la plus importante. (Palmeri, 1990).

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pas aux valeurs du marché et de la finance— des estimations de plus en plus détachées de l’utilisation des ressources et même de leur production effective, sans parler de la durabilité de cette exploitation.8 En parallèle, les communautés ont perdu une grande partie de leurs capacités à gouverner et à gérer leurs ressources. Leurs systèmes traditionnels de gestion des ressources naturelles– spécifiques à chaque contexte, profondément mêlées aux particularités culturelles et au sens de l’identité locale– sont en retrait, partout dans le monde, face au système global agro-industriel de marché. Le tableau suivant lance quelques pistes de réflexion pour la compréhension d’un phénomène de changement qui englobe un très grand nombre de dimensions et ne peut en aucun cas être interprété dans un sens univoque ou déterministe. Ce changement est avant tout et surtout un changement affectant la gouvernance de la biodiversité et des ressources naturelles dans leur ensemble. Selon la définition acceptée par les organisations des Nations Unies,9 des peuples sont même prêts à s’auto définir « autochtones » à partir de ce changement de gouvernance, qui représente une imposition des valeurs et des pratiques externes à leur vision du monde et à leur culture. Pour les communautés locales, le changement est parfois moins traumatique… mais pas moins conséquent. Systèmes traditionnels de gestion des

ressources naturelles Système global, agro-industriel de

marché Gouvernance et gestion par les peuples autochtones et les communautés locales, selon leurs règles et institutions traditionnelles

Gouvernance et gestion par les états et les propriétaires privés— individus, entreprises nationales et transnationales

Accès et usage basés sur la propriété commune, réglés par les lois coutumières

Accès et usage basés sur la propriété privée ou étatique, réglés par des lois écrites

Appuyés par l’organisation sociale des communautés et par des formes de réciprocité avec d’autres communautés

Promu par l’état et les entreprises et appuyé par le pouvoir militaire

Locaux, relativement à petite échelle, avec plusieurs caractéristiques liées au contexte

Supranational/ international/ global, à grande échelle, similaire partout dans le monde

Focalisés sur la satisfaction des besoins des communautés

Focalisé sur la génération de richesse privée ou étatique

Orientés, pour leur plus grande partie, vers la subsistance

Toujours orienté vers le marché, et parfois même vers le marché purement financier, détaché de la production et de l’utilisation de biens concrets

Utilisent des technologies traditionnelles, testées au niveau local, dans le contexte d’application & dans la longue période

Utilise des technologies novatrices, souvent testées récemment, hors du contexte d’utilisation et dans des conditions socioculturelles différentes

Basés sur le contrôle de la terre, des ressources biologiques et de l’eau.

Basé sur le contrôle des sources d’énergie (pétrole, gaz), des ressources minières et de l’eau.

8 Un exemple assez scandaleux est celui de plusieurs investissements hôteliers et résidentiels sur les côtes de la Méditerranée. Ces bâtiments— souvent mal construits, vides et inutilisés— peuvent en peu de temps doubler leur valeur sur le marché financier si on aménage, à proximité, des terrains de golf. Ceci peut seulement se faire par l’utilisation—encore une fois gaspilleuse et inutile—des eaux fossiles souterraines. Personne ne vivra dans ces bâtiments, personne ne jouera au golf sur ces greens. Pour nourrir le « rêve financier » des spéculateurs on appauvrira l’écologie locale jusqu’à l’inévitable désastre écologique et financier. 9 Voir la Convention concernant les Peuples Autochtones et Tribales, Organisation Mondial du Travail, no. 169, 1989.

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Demandent des intrants “soft” et des investissements de capital limités, y compris pour le transport

Demande des intrants sophistiqués et des investissements de capital importants, y compris pour le transport

Les décideurs sont des organisations sociales complexes, qui agissent dans la sphère locale, en interaction continue avec la société

Les décideurs sont des individus liés économiquement, staff des entreprises ou décideurs étatiques; ils sont dispersés et agissent dans la sphère globale en relation continue entre eux-mêmes

Politiquement et économiquement faibles à grande échelle

Politiquement et économiquement fort à grande échelle

Plutôt implicites, ils agissent sur la base du feedback d’autres éléments culturels

Plutôt explicite, basé sur des stratégies intentionnelles

Basés sur les connaissances et les savoir faire locaux, la reconnaissance du manque de certitude par rapport à plusieurs questions, l’aversion aux risques balancée par l’expérimentation et l’adaptation en continu

Basé sur les connaissances et les savoir faire des « experts » et la science “objective”, tendant à réduire toute décision locale / subjective et tout incertitude à propos des résultats

Visent des modes de vie durables sur le long terme, définis dans un sens général

Vise des résultats à court terme, préférables si de nature économique et financière, et que l’on peut mesurer de façon précise

Valeurs religieuses et symboliques importantes attachées à la nature

Peu de valeurs religieuses et symboliques attachées à la nature

Intégration entre exploitation et conservation (“conservation-by-use”)

Séparation nette entre exploitation et conservation (aires protégées et zones d’exploitation poussée)

Conservation identifiée à la production et l’utilisation durable pour soutenir les modes de vie des communautés

Conservation identifiée à la préservation de la biodiversité et au maintien des écosystèmes à des fins esthétiques, récréatifs, scientifiques et économiques

Le changement politique à propos de la gouvernance des ressources naturelles va bien évidemment de pair avec d’autres changements majeurs, du développement économique (augmentation de la production et de la consommation qui a touché tous les peuples et toutes les cultures et a modifié les aspirations et les modes de vie) à la dynamique démographique (croissance, décroissance et mouvements de populations), des grandes innovations culturelles (transports, information, communication, droits humains) à l’accroissement de la disparité entre riches et pauvres et à la concentration des pouvoirs économiques, politiques et militaires… Dans ce mélange complexe de dynamiques socioculturelles, des acteurs s’en sortent très bien mais beaucoup d’autres sont en train de se perdre. Une chose est certaine : les changements sont presque partout accompagnés par des problèmes environnementaux. La perte de diversité biologique, l’érosion des ressources hydriques, la déforestation, la perte de productivité des sols et de la pêche et les désastres dus aux glissements de terrain s’additionnent au changement climatique – le résultat induit le plus inquiétant de la puissance humaine sur la planète Moins souvent remarqué mais peut être aussi important est le fait qu’on est aussi en train de perdre les savoirs locaux, la sagesse des communautés par rapport à leur environnement, les différences culturelles associées aux relations avec les ressources naturelles et la capacité des communautés de décider et d’agir ensemble suivant ces décisions... Pas de surprise donc, si on trouve tant de communautés aujourd’hui dans des situations misérables et même des comportements presque suicidaires par rapport aux ressources naturelles de leur propre environnement. Ceci ne veut pas dire que, avec de meilleures conditions sociopolitiques aux alentous, ces mêmes communautés ne seraient pas en mesure de prendre soin de leurs ressources. C’est en effet l’ensemble des

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ressources naturelles, de la communauté, de sa culture locale et des conditions aux alentours qui peut démontrer (ou nier) la capacité de soutenir la vie de façon durable. La gouvernance de la biodiversité et des ressources naturelles par les peuples autochtones et les communautés locales est-elle donc l’affaire du passé ? Beaucoup de communautés du monde n’ont pas encore jeté l’éponge. Si l’on cherche un peu, on trouve encore presque partout une riche interface entre les systèmes de gouvernance et de gestion traditionnels et locaux – fondés sur les communautés qui vivent avec les ressources naturelles, sur leurs modes de vie, leurs valeurs et leurs connaissances développées à travers les siècles – et le système de gestion dit « moderne », sans lien avec les localités particulières, basé sur des connaissances scientifiques, la propriété des ressources et la possibilité d’en extraire des bénéfices économiques. C’est à partir de cette interface, de cette « cohabitation » de facto qui se transforme parfois en surprenants syncrétismes, qu’on peut raisonnablement comprendre les options et les opportunités qui restent valables et bâtir sur les capacités existantes pour la gestion de proximité et contre « l’accès libre ».

PPoolliittiiqquueess iinntteerrnnaattiioonnaalleess eett ggoouuvveerrnnaannccee ddeess AAiirreess PPrroottééggééeess Au commencement de ce nouveau millénaire, la politique internationale de conservation de la biodiversité a progressivement pris conscience du rôle que les peuples autochtones et les communautés locales peuvent jouer pour la conservation. Des événements internationaux tels que le Congrès Mondial des Parcs (Sept 2003, Durban, Afrique du Sud), la 7ème Conférence des Parties (Fév. 2004, Kuala Lumpur) de la Convention sur la Diversité Biologique (CBD), le premier Congrès Mondial des Aires Protégées Marines (Oct. 2005, Geelong, Australie) et les deux derniers Congrès Mondiaux de la Conservation (Nov. 2004, Bangkok et Oct. 2008, Barcelona, Espagne) ont tous reconnu que : • La conservation a besoin des capacités, de l’appui et de l’engagement de la société entière,

pas seulement des experts ;

• La conservation doit prêter plus d’attention aux liens entre diversité biologique et diversité culturelle, et aux conditions qui permettent aux communautés de s’engager dans la conservation;

• La conservation a besoin d’équité: un partage correct des coûts et des bénéfices engendrés;

• La conservation se doit de respecter les droits de l’homme: au moins « ne pas endommager » et au mieux porter un impact positif chaque fois que possible.

Tous ces messages se retrouvent de façon spécifique dans le Plan d’Action de Durban, dans le Programme de Travail sur les Aires Protégées de la CBD, dans les Résolutions de l’UICN de Bangkok et de Barcelone. Et tous ces messages clés se rapportent à la « gouvernance des Aires Protégées ».10 Qu’est ce donc que la « gouvernance » ? Il faut commercer par une distinction claire entre « gestion » et « gouvernance »11 et une façon simple de le faire est de considérer que la gestion s’occupe de la question « Que faire ?» alors que la gouvernance traite des questions « Qui décide ce qu’il veut faire ? » et « Comment prend-on ces décisions ? ». De façon moins concise, on peut dire que la gestion a à faire avec la compréhension des phénomènes en jeu, les buts qu’ont

10 Voir Annexes 1 et 2. 11 En anglais, entre « management » et « governance ».

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veut atteindre, les moyens disponibles (ressources humaines, techniques et financières), les stratégies pour atteindre ces buts, les actions que l’on mène et le fait d’obtenir ou non les résultats escomptés (efficacité de la gestion). Par contre, la gouvernance a à faire avec le pouvoir, l’autorité et la responsabilité, la prise de décisions, l’implication des citoyens, les relations humaines, les conflits formels et informels… et avec la « façon de faire » tout cela (qualité de la gouvernance, bonne gouvernance). Si donc, par rapport à la gouvernance des aires protégées, on se pose la question de « Qui possède l’autorité et la responsabilité de la gestion et doit rendre compte des résultats achevés? », quatre grands réponses sont possibles : A. le gouvernement (à plusieurs niveaux) ;

B. plusieurs parties prenantes, ensemble ;

C. des privés (individus ou entreprises propriétaires des terres et des ressources naturelles concernées) ;

D. les peuples autochtones et les communautés locales concernées.

Depuis le Congrès Mondial des Aires Protégées de Durban, on reconnaît en effet quatre grands types de gouvernance des APs et on a arrêté que tous ces types de gouvernance sont légitimes et importants pour la conservation! Il est donc possible d’esquisser un espace bidimensionnel (la matrice du Tableau 1) pour caractériser toute aire protégée à partir de deux propriétés fondamentales : sa catégorie de gestion (c'est-à-dire l’objectif primaire de gestion qui définit sa « catégorie UICN ») et son type de gouvernance, c'est-à-dire la réponse à la question « Qui possède l’autorité et la responsabilité de la gestion et doit rendre compte des résultats achevés? ». En effet, ni la définition des aires protégées de l’UICN ni les catégories de gestion associées ne prescrivent une situation spécifique par rapport au régime foncier ou à l’autorité officielle— elles sont «neutres » à ce sujet, pour ainsi dire. Ceci signifie que les aires protégées, dans n’importe laquelle des six catégories de l’UICN, peuvent être gouvernées par des communautés, des acteurs privés, des autorités gouvernementales, des ONG ou par diverses combinaisons entre ces acteurs.

A souligner que soit la propriété privée (individuelle et collective) soit les droits coutumiers des communautés peuvent coexister avec le statut d’aire protégée, bien que la législation nationale puisse imposer certaines restrictions et obligations. Concernant la présence humaine dans les aires protégées, que ce soit en tant que résidants ou utilisateurs de ressources, les catégories V et VI sont conçues pour être relativement inclusives, alors que de plus importantes restrictions aux activités humaines sont habituellement appliquées dans les catégories I à IV.

Le bien commun La gouvernance par les peuples autochtones et les communautés rurales dépend parfois de la reconnaissance et du support des gouvernements concernés. Pour cela, il est bien de démontrer que cette gouvernance a une valeur intrinsèque pour la totalité de la société et amènes des bénéfices écologiques, sociales et économiques qui font partie du « bien commun ». Le bien commun n’est rien de plus ni de moins que la gestion équitable et durable des ressources naturelles— source de vie et de fierté pour les individus les plus directement concernés, mais aussi pour la société dans son ensemble. Comprendre et appuyer ce qui fait partie du « bien commun » amène aussi à dépasser la tension entre autonomie locale et rigidité des normes nationales. Il met à la place de cette tension le dialogue, y compris au sujet des différents valeurs et des diverses épistémologies…

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Tableau 1. La matrice UICN caractérisant les aires protégées par leur catégorie de

gestion ainsi que par leur type de gouvernance12 Type de

gouvernance Catégorie de gestion

Aires protégées gouvernementales

Aires protégées en gouvernance partagée

Aires protégées privées

Aires et territoires du patrimoine autochtone et communautaire

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I - Réserve naturelle intégrale/Zone de nature sauvage

II – Parc National (conservation d’un écosystème)

III – Monument Naturel

IV – Aire de gestion des habitats ou des espèces

V – Paysage terrestre ou marin protégé

VI – Aire protégée de ressources naturelles gérée

La matrice UICN pour les Aires Protégées est un outil précieux pour aider au développement d'un système viable d’aires protégées. Elle a une valeur théorique, mais aussi une valeur pratique. A Madagascar, par exemple, la Commission Nationale en charge de développer le système d’Aires Protégées du pays l’a utilisée pour identifier de façon systématique les possibilités à

12 Dudley, 2008.

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disposition des nouvelles aires protégées au moment de l’expansion très importante de ces espaces après le Congrès de Durban du 2003.13 Pourrions-nous donc imaginer que la matrice UICN– et la réflexion sous-jacente— auront des utilisations concrètes et apporteront des bénéfices au système d’aires protégées en environnement marin et côtier en Afrique de l’Ouest ? Les analyses et les discussions entretenues au Forum PRCM de Bissau et pendant l’atelier APAC au siège de Tiniguena en février 2009, semblent proposer que oui. Et elles ouvrent la réflexion et encouragent l’action sur au moins deux directions fondamentales. La première direction est celle de la gouvernance partagée ou collaborative, par laquelle les aires protégées de l’état bénéficient des capacités et de l’appui de diverses parties prenantes, dont les peuples autochtones et les communautés locales. Ce sujet, complexe et fort engageant, est traité de façon exhaustive ailleurs.14 La seconde direction, qu’on souligne ici de façon particulière, est celle des APACs— c'est-à-dire de la gouvernance par les peuples autochtones et les communautés locales. Dans ce cas ce sont les forces locales qui prennent l’initiative, établissent et gèrent les ressources naturelles à travers leurs propres règles et institutions et obtiennent des résultats probants pour la conservation de la biodiversité locale.

LLeess aaiirreess dduu ppaattrriimmooiinnee aauuttoocchhttoonneess eett ccoommmmuunnaauuttaaiirreess ((AAPPAACCss)) La reconnaissance du bienfait de la gouvernance locale de la biodiversité et des aires protégées est un phénomène inexplicablement tardif et apparemment pénible pour plusieurs états, ONGs et experts de la conservation. D’une certaine façon, ni les états ni les experts ne semblent facilement « faire confiance » aux peuples autochtones et aux communautés locales en tant que décideurs et gestionnaires des ressources naturelles.15 Les raisons de cela sont multiples : du manque de vision historique au manque de compréhension de la différence profonde entre un « peuple autochtone » ou « communauté locale » et une simple agglomération d’individus, de l’envie de conserver le pouvoir sur les ressources naturelles aux génuines préoccupations subjacentes tout type de changement… Mais soit la CBD soit l’UICN ont maintenant ouvert la route à une variété d’options de gouvernance des aires protégées (voir Annexe 2) et les temps semblent donc murs pour des applications concrètes à niveau national et régional, dont on s’attend plusieurs bénéfices. En premier lieu, les APACs peuvent tout simplement étendre les espaces de conservation de la biodiversité dans des sites où la mise en marche d’APs sous un autre type de gouvernance serait difficile si non tout à fait impossible. Le tout premier bénéfice attendu est donc le fait de combler d’éventuels « gaps » de biodiversité ou d’habitats d’espèces menacées à niveau de l’écosystème. Il y aurait aussi plus de corridors, des refuges et des zones de reproduction d’espèces entre les aires protégées des états, opérant une synergie à niveau de l’écosystème pour les espèces qui migrent hors les sites protégés ou ils vivent la bas seulement une partie de leur vie. En seconde lieu, on s’attend à des relations plus efficaces d’appui mutuel entre les différents éléments du système d’APs d’un pays, par exemple par l’échange d’information et des économies d’échelle entre acteurs gouvernementaux et non gouvernementaux qui font face à des problèmes similaires. Selon le Programme de Travail de la CBD sur les APs, il faut bâtir des systèmes d’Aires Protégées, où les APs déclarées et gouvernées par l’état sont bien connectées entre elles et s’appuient sur un milieu favorable. Dans ce sens, les APACs peuvent évidement jouer un rôle

13 Borrini-Feyerabend et Dudley, 2005a et 2005b.

14 Borrini-Feyerabend et al., 2004, prochainement disponible aussi en version en français. 15 Cela est particulièrement vrai dans l’environnement marin et côtier, dont les états ont la juridiction presque exclusive…

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cruciale pas seulement en termes écologiques mais surtout en termes sociales. En tant que forme emblématique des nouveaux modes de « faire conservation », elles peuvent engager une diversité d’institutions locales, contribuer aux modes de vie et participer à la restitution des droits, y inclus des droits qui avaient été piétinés au nom même de la conservation. C’est quoi une « Aire du patrimoine autochtone et communautaire » (APAC)?

Les APACs sont des écosystèmes naturels ou modifies qui contiennent des valeurs significatives de biodiversité, de services écologiques et des valeurs culturelles, volontairement conservées par des peuples autochtones ou des communautés locales— sédentaires ou mobiles— à travers leurs lois coutumières ou tout autre moyen efficace.

Les APACs incluent des écosystèmes avec un minimum d'influence anthropique et d’autres entièrement façonnés par les hommes ; des cas de maintient ou adaptation des pratiques traditionnelles et des initiatives toutes nouvelles, y compris des initiatives de restauration écologique prises par les communautés en face de nouvelles menaces ou opportunités. Plusieurs APACs sont des zones inviolées sans aucune utilisation des ressources naturelles ou avec utilisation minimale. D’autres— en grande ou petite taille— ont des utilisations diverses mais toujours réglées de façon importante. Les APACs (voir aussi l’Annexe 3) possèdent 3 caractéristiques essentielles: • Une ou plusieurs communautés autochtones/ locales bien définies ont un attachement

particulier (culturel et/ou pour la subsistance) à un site ou à des ressources naturelles aussi bien définies.

• Ces communautés sont les principaux décideurs et exécuteurs pour ce qui concerne la gestion de ce site ou ressoruces, impliquant que les institutions des communautés ont la capacité de facto et/ou de jure d'imposer des règles d’accès et d’utilisation. Souvent il y a d'autres parties prenantes qui collaborent à la gestion et dans plusieurs cas l’état possède les droits fonciers sur la terre et les ressources… mais en tout cas les décisions et les efforts de gestion des communautés sont essentiels.

• Les décisions de gestion et les efforts de la communauté mènent à la conservation des habitats, des espèces, des services écologiques et des valeurs culturelles associées, bien que l'objectif conscient de la gestion puisse ne pas être la conservation de la biodiversité mais, par exemple, la subsistance, la sécurité locale, la conservation des sites importants pour des raisons culturelles et spirituelles, etc.

A travers le monde, les APACs comprennent une énorme gamme d’écosystèmes, d’habitats d’espèces et de paysages agricoles et pastoraux ; elles sont gouvernées par une grande variété d’institutions et de règles par des communautés traditionnelles et modernes ; et elles comprennent une variété de motivations et d'objectifs. Au cours des dernières années quelques publications ont commencé à fournir un aperçu de cette diversité (voir le site www.iccaforum.org ). Mais il est important de noter que les APACs ne sont pas nécessairement des « aires protégés » dans la connotation officielle assignée par les gouvernements nationaux. Elles peuvent être des aires protégées si elles répondent aux conditions prescrites par les gouvernements et la société civile et si les communautés sont d’accord avec cette reconnaissance officielle. Mais ceci n'est ni automatique ni nécessaire pour que les APACs existent et jouent leur rôle pour la conservation et l’appui aux modes de vie des gens.

Pour ce qui regarde les bénéfices socioculturels et économiques pour les communautés concernées, les APACs offrent des expériences riches, car la majorité entre elles ne sont ni gérée à des fins purement utilitaires (dans le sens économique) ni à des fins purement spirituels ou

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esthétiques. Le plus souvent on trouve une combinaison de motivations, dont les suivants sont remarquablement fréquents:

• Conserver des ressources pour les utiliser de façon durable et parfois pour s’en servir seulement dans les moments les plus difficiles pour la survie de la communauté (crises écologiques, sociales, politiques…); dans ce sens les APACs sont souvent la seule police d’assurance disponible à plusieurs peuples autochtones et communautés locales.

• Préserver une partie importante de l’identité culturelle d’un people autochtone ou d’une communauté locale; cela peut passer par une association historique ou spirituelle entre un espace donné et un ou plusieurs phénomènes du passé, mais aussi bien par la fierté toute présente et toute récente d’avoir restauré en communauté une forêt de mangroves ou maintenu localement une espèce qui a disparu ailleurs. Souvent, un élément de cette association est la langue locale, utilisée pour décrire les sites, les espèces, leurs caractéristiques, leurs utilisations, etc.

• Symboliser et rendre concrète une certaine forme d’autonomie politique, la capacité de réaffirmer un droit collectif sur les décisions qui affectent l’environnent et la vie de la communauté, la capacité de protéger la communauté des risques qui viennent d’ailleurs. Liée à cela est souvent la présence d’institutions traditionnelles et locales avec uniques connaissance et capacités, ainsi que des structures et des règles internes, taillées sur le contexte.16

Par leur nature, les APACs sont un phénomène complexe et souvent unique. Elles ne sont ni une panacée ni des situations « parfaites » et sans problèmes et— en étant parfois trop liées à un contexte local— elles peuvent avoir besoin d’un contrepoids national et international fort, par exemple par rapport aux mécanismes de promotion des droits humains et à l’appui en cas de crise. Malheureusement, en effet, il y en a plusieurs de ces crises et menaces, qui sont en train de miner les APACs de façon profonde et souvent irréparable. Les phénomènes suivants nous offrent des exemples:

• Changements des valeurs et acculturation des jeunes générations, avec aliénation rapide de leurs racines culturelles et sociales ;

• Pression croissante sur les ressources par les forces du marché qui se substituent violemment aux économies locales modestes, solidaires et averses aux risques;

• Manque d’équité à niveau local– avec racines nouvelles ou anciennes—entre le genre et les classes sociales.

C’est à cause de ces multiples phénomènes que les APACs peuvent avoir besoin de certaines formes d’appui pour se maintenir efficaces. Cet appui, d’autre part, devrait être surtout intelligent et non invasif (voir Annexe 3).

16 Il y a, en effet, une différence fondamentale entre les APACs et les Aires Protégées de l’Etat—différence qui se réfère essentiellement aux questions de gouvernance. Par exemple, au Sénégal ils existent des Aires Marine Protégées Communautaires (AMPCs) sous l’autorité et la responsabilité d’un Conservateur de l’Etat, mais avec un souci particulier de collaboration avec les communautés locales. Selon la classification de l’UICN, ces AMPCs sont à considérer comme des Aires Protégées en gouvernance partagée (type B). Si l’ambition des AMPCs est peut être de devenir un jour des APACs, elles ont été créées sous l’initiative de l’Etat et/ou d’ONGs de conservation, et restent quand même dépendantes de leur impulsion et de leur aide pour se maintenir en fonction. Les APACs– au contraire— naissent de la volonté et de l’organisation locale de communautés associées de façon forte (pour des raisons historiques, culturelles, de subsistance, etc.) avec les ressources naturelles à conserver, et se maintiennent par les efforts de ces communautés elles mêmes. L’Etat et les ONGs de conservation sont bien entendu appelés à soutenir les APACs et ont des rôles importants à jouer… mais la différence par rapport aux AMPCs reste claire : avec l’accord et l’appui technique de l’Etat, les communautés locales prennent sur elles l’autorité, la responsabilité et le devoir de compte rendu de la gestion.

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QQuueell rrôôllee ppoouurr llee PPRRCCMM?? Sur la base des résultats du Forum PRCM de Bissau et de l’atelier de Tiniguena en particulier, on peut proposer que le PRCM s’organise de façon substantielle pour jouer un rôle de promotion, référence et appui technique sur les options et les opportunités d’engager les peuples autochtones et les communautés locales pour la conservation marine et côtière dans la région. Pour cela, il faudrait partir d’une vision large et eco-systémique de la région même, avec ses complexités historiques et socioculturelles. De cette perspective, plusieurs options de gouvernance d’APs pourraient être mieux perçues et harmonisées. Comme mentionné auparavant, des buts de conservation à eux seuls sollicitent à prendre en considération toutes les options de gouvernance des APs qui engager les peuples autochtones et les communautés locales dans la préservation et l’utilisation durable des ressources naturelles. Cela renforcerait le système de conservation dans son complexe, et sa résilience. S’il est vrai qu’une étude en profondeur des complexités historiques et socioculturelles qui jouent un rôle dans la gouvernance de la biodiversité et des ressources naturelles des écosystèmes marins et côtiers de la région n’est pas encore disponible, en peut d’or et déjà prendre en considération la gouvernance partagée et les APACs. A propos de la première option, le réseau RAMAO du PRCM – avec quelques ambitions importantes mais des moyens humains et financier fort limités— a joué un rôle pionnier dans les premières années du millenium. Ses ambitions ont été réduites de façon importante le long du chemin, mais des grains ont été jetés et des idées mises en marche. Pour ce qui regarde les APACs, d’autre part, et surtout les APACs en environnement marin côtier, nous sommes encore au grand début. Comment se déclinerait-il un appui efficace à ce qu’on pourrait nommer la « conservation capillaire » en Afrique de l’Ouest ? Il va en soit que la reconnaissance et la promotion officielle de ce phénomène seraient un travail délicat, qui demande sagesse, humilité et respect et qu’on peut apparenter à un art, une sorte de « doctorat » pour les professionnels de la conservation. On voudrait bien recommander au PRCM– qui jusqu’à maintenant n’a pas encore vraiment relevé tous les défis de l’engagement local— de bien vouloir jouer un rôle, entre autres, dans les trois directions qui suivent : • Reprendre le travail sur la composante 4. du projet RAMAO, qui prévoyait de favoriser

l’engagement de la société civile dans la définition des politiques de gestion de la zone côtière et de ses ressources à l’échelle nationale et sous régionale ; dans ce sens les acteurs de la sous région pourraient être aidés à prendre partie active aux processus de génération des politiques de gestion, à articuler leurs contributions à ces politiques et à s’engager dans la prise de décisions. Cela pourrait en effet se faire en relation directe avec les quelques sites de l’ex projet RAMAO et du projet SIRENES qui continuent à travailler vers la gouvernance réellement partagée pour des aires protégées en contextes socio-écologiques différents Ces sites et leurs expériences serviraient en tant qu’exemples/ cas d’école.

• Mobiliser plusieurs acteurs de la région pour comprendre les APACs en profondeur dans

leurs contextes particuliers de référence ; cela implique de trouver des réponses historiquement, anthropologiquement et écologiquement cohérentes à des questions telles que celles listées dans la boite « Eléments pour l’analyse du phénomène APAC » qui suit ; cela implique aussi un partage élargi de la connaissance sur les réponses qu’on aura identifiées.

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• Une fois la société civile réveillée et la compréhension du sujet acquise, promouvoir les conditions et les capacités favorables au maintient, à la restauration et au renforcement des APACs existantes et à la création d’APACs nouvelles (voir Annexe 3) en particulier pour ce qui regarde l’appui légal et technique.17

Une façon simple de le faire serait celle identifier une dizaine de chercheurs locaux avec les compétences et l’intérêt de mener des études relativement rapides mais bien outillés sur les questions qui suivent par rapport aux sous-ecosystèmes clés dans la région. Les résultats de ces études seraient ensuite synthétisés et utilisés pour suivre la dernière des recommandations ci dessus. Eléments pour l’analyse du phénomène APAC en l’environnement marin côtier en Afrique de l’Ouest Etat des lieux � Quelle est l’extension du phénomène des APACs dans la région? � Quels types d’APAC on trouve (par exemple, espaces sacrés, zones réservées, habitats

d’espèces interdites à la pêche, limitations de cueillette selon le calendrier saisonnier, pratique liées aux estuaires, aux mangroves, à la faune…)? Quels sont les plus commun ?

� Y-a-t-il des exemples d’APACS très anciens? Des exemples très modernes ? � Pour chaque type, quel est la dimension typique et quel est la valeur en termes de

conservation de la biodiversité ? Quelle est la force du système de gouvernance communautaire (capacités locales, moyens, ancienneté et expérience de fonctionnement du système)?

� Où sont ces APACs? Quels valeurs ont elles (p.ex., de subsistance, culturels, spirituels…) et pour qui en particulier ? Quel est leur statut officiel ?

� En général, dans quel état on les trouve (p.ex.., à peine vivantes, attaquées, épanouies, dans un processus de changement qui maintiendra inaltéré une grande partie de leur rôle?) Ont-elles des « alliés » ? Reçoivent-elles des formes d'appui de l'extérieur ? Ont-elles des « ennemis » ? Sont-elles menacées par des changements spécifiques de certains conditions à leurs alentour ?

� Est-ce qu’on trouve des exemples d’APAC qui n’existent plus en tant que telles ? Est-ce que dans certains cas les APs de l’état se sont imposées de façon violente18 sur des APACs préexistantes ? Est-ce que dans d’autre cas, le manque de reconnaissance de l’APAC originelle a permis aux forces du marché de pénétrer/ transformer l’APAC même ?

� Est-ce qu’il y a des APACs à l’intérieur des APs gouvernementales, ou bien, au contraire, des AP gouvernementales à l’intérieur des APACs?

Législation et politique � De façon générale, les cadres légaux et politiques qui règlent les aires protégés de la région

sont-ils adaptés à l'identification et à l'appui aux APACs ? � Peuvent les APACs être légalement reconnues ? Peuvent-elles être reconnues pour leur valeur

de conservation? Est-ce que quelques pays dans la région inclut les APACs dans son système national d’APs ?

� Après l'approbation du programme de travail sur des aires protégées de la CBD (fév. 2004), y a-t-il eu des développements en termes de législation et politiques sur les APs dans la région? Si oui, quels développements ? Si non, pourquoi pas ? Y a-t-il quelques exemples

17 Voir Annexe 3. 18 Pendant l’atelier sur les APACs tenu chez l’ONG Tiniguena en Fevrier 2009 on a bien entendu sur ces cas, par exemple dans le delta du Saloum.

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récents de reconnaissance d’APAC de la part d’un gouvernement parmi les pays de la région ? Si oui, comment s'est-il produit ? Quelles conséquences a-t-il eu?

Analyse � Quel types d’APAC semblent les plus efficaces pour la conservation de la biodiversité dans la

région ? Quel types semblent les plus efficaces pour la conservation des valeurs culturelles et/ou spirituelles liées à la biodiversité ? Quels types pour la génération et la distribution équitable des bénéfices socio-économiques ?

� Jusqu'à quel point sont les APACs soutenues par les communautés concernées ? Est-ce que leurs institutions de gouvernance sont largement vues en tant que « légitimes » au niveau local? Est-ce qu’elles sont considérés légitimes par le gouvernement ?

� Quels facteurs ou conditions (p.ex., sécurité du foncier, infrastructures, cohésion de la communauté, qualité du rapport avec les agences compétentes de l'état) semblent déterminants pour l'efficacité et la réussite des APACs dans la région?

� Quelles menaces semblent miner l'efficacité et la durabilité de ces APACs? Quels sont les défis les plus importants auxquels les APACs sont confrontés aujourd’hui (p.ex., conflits internes, changements des coutumes, aspirations différentes au sein des mêmes communautés) ?

� Y a-t-il des problèmes spécifiques qui semblent opposer les peuples autochtones et les communautés locales concernées à d'autres acteurs sociaux (par exemple, agences gouvernementales à plusieurs niveaux, agents privés) en ce qui concerne les APACs ?

� Y a-t-il une quelque forme d’érosion des capacités locales pour la conservation et l’utilisation durable de ressources naturelles ?

� Y a-t-il des conflits liés au manque de reconnaissance officielle des APACs? Évaluation � Quelles leçons principales avons-nous appris au sujet des APACs dans la région? Sur la base

de ces expériences et de ces leçons, quels sont les opportunités et les besoins principaux à fin de sauvegarder les APACs existantes et renforcer celles qui se trouvent en danger? Qui pourrait spécifiquement faire quoi pour empêcher la dissolution de ces phénomènes ou pour les restaurer et renforcer ? Y a-t-il des besoins spécifiques en termes d’appui politique, technique, financier, de recherche pour que les APACs prospèrent dans la région ?

� Quels sont les problèmes les plus importants auxquels les APACs peuvent, aujourd’hui, donner des réponses ? Par exemple, est-ce qu’elles pourraient attraire les jeunes et leur donner des responsabilités locales appréciables et appréciées? Est qu’elles pourraient renforcer les valeurs socioculturelles locales, telles que la solidarité à l’intérieur de la communauté ?19 Est-ce qu’elles pourraient renforcer les connaissances, pratiques et institutions traditionnelles locales? Est-ce qu’elles pourraient faciliter la reconnaissance des droits sur les ressources naturelles ?

� Y a-t il la possibilité que les communautés développent de nouveaux types de APACs dans la région ? Si oui, quelles conditions et phénomènes rendraient cela possible ? Que semblent être les besoins principaux des communautés désireuses d’établir leurs APACs ? Y a-t-il des opportunités spécifiques à saisir—peut être même des opportunités uniques à la région Ouest Africaine— pour favoriser l’engagement des peuples autochtones et des communautés locales dans la conservation ?

19 Un participant à l’atelier sur les APACs à Tiniguena: “‘Je ne veux pas d’argent, je veux mon espace, mon air, ma liberté ! C’est ça ma richesse ! »

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RRééfféérreenncceess Articles et ouvrages

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Borrini-Feyerabend, G., A. Kothari et G. Oviedo, 2004b, Indigenous and Local Communities and Protected Areas. Towards equity and enhanced conservation, IUCN/WCPA Best Practice Series, 11, Gland (Suisse) et Cambridge (Royaume Uni).

Borrini-Feyerabend, G., and Dudley, N. 2005a Elan Durban. Nouvelles perspectives pour les Aires Protégées de Madagascar. http://www.equilibriumresearch.com/upload/document/elandurban.pdf

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UICN, 2008, Résolution 4.049, 4me Congres Mondial de la Conservation, Barcelona (Spain). Sites web utiles www.iccaforum.org

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AAnnnneexxee 11 :: CCoonncceeppttss eett lleexxiiqquuee On peut extraire des dernières Lignes Directrices de l’UICN sur les Aires Protégées20 une note de clarification des concepts et du lexique: « L’UICN reconnaît quatre grands types de gouvernance pour les aires protégées, chacun d’eux pouvant être associé à n’importe quel objectif de gestion :

A. Gouvernance par le gouvernement B. Gouvernance partagée C. Gouvernance privée D. Gouvernance par les populations autochtones et par les communautés locales

[…] Type D : Gouvernance par des populations autochtones et des communautés locales. L’UICN définit ce type de gouvernance comme des aires protégées où l’autorité et la responsabilité de la gestion sont confiées aux peuples autochtones et aux communautés locales sous diverses formes d’institutions ou de réglementations coutumières ou juridiques, formelles ou informelles. […] Les aires protégées par des peuples autochtones, les territoires préservés par les peuples autochtones et les aires de conservation communautaire (que nous résumons sous le sigle APAC– Aires du patrimoine autochtone et communautaire) ont trois caractéristiques essentielles :

• Les populations autochtones et/ou communautés locales sont extrêmement concernées par les écosystèmes en question – elles y sont d’habitude liées pour des raisons culturelles (p. ex. en raison de leur valeur comme sites sacrés) et/ou parce qu’ils sont à la base de leurs moyens de subsistance, et/ou parce que ce sont leurs territoires traditionnels de par le droit coutumier.

• Ces populations autochtones et/ou communautés locales sont les acteurs principaux (elles « gardent la main ») dans la prise de décisions et la mise en œuvre des décisions concernant la gestion de l’écosystème concerné, ce qui implique qu’elles possèdent une institution qui exerce l’autorité et la responsabilité et qu’elles sont capables d’appliquer des réglementations.

• Les décisions et les efforts de gestion des populations autochtones et/ou des communautés locales mènent et contribuent à la conservation des habitats, des espèces, des fonctions écologiques et des valeurs culturelles associées, même si l’intention originelle portait peut-être sur une variété d’objectifs qui n’étaient pas directement liés à la protection de la biodiversité.

[…] Il est de plus en plus évident que les APAC qui correspondent à la définition et aux normes des aires protégées peuvent assurer une réelle conservation de la biodiversité qui répond à n’importe quel objectif de gestion des catégories de l’UICN, particulièrement à des endroits où il est politiquement ou socialement impossible d’instaurer des aires protégées gérées par le gouvernement, ou là où elles risqueraient d’être mal gérées. Les APAC commencent à être reconnues comme des parties de stratégies de planification de la conservation, qui peuvent compléter les aires protégées gérées par les gouvernements, les aires protégées privées et diverses formes de gouvernance partagée (voir www.ICCAforum.org ). Mais elles sont encore davantage l’exception que la règle. La plupart des APAC font face à de formidables forces de changement qu’elles seraient peut-être mieux capables d’affronter avec l’aide que peut représenter une reconnaissance ou une approbation officielles, spécialement lorsque l’alternative la plus probable

20 Dudley, 2008.

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risque d’être l’exploitation, p.ex. pour le bois ou le tourisme. Dans ces cas-là, si les APACs répondent à la définition et aux normes des aires protégées, la reconnaissance au sein d’un système national d’aires protégées, ou d’autres modes de reconnaissance officielle, peuvent offrir aux populations autochtones et aux communautés locales des garanties supplémentaires pour leur terre. Ceci doit cependant être assorti de la reconnaissance par l’Etat du fait que les APAC sont, par nature, différentes des aires protégées gérées par l’Etat – particulièrement en ce qui concerne les institutions de gestion. » Comme clarifié par l’UICN, il y a donc une différence fondamentale entre les Aires du Patrimoine Communautaires (APACs) et les Aires Protégées de l’Etat—différence qui se réfère essentiellement aux questions de gouvernance. Au Sénégal, par exemple, il existe des Aires Marine Protégées dites Communautaires (AMPCs) sous l’autorité et la responsabilité d’un Conservateur de l’Etat, mais avec un souci particulier de collaboration avec les communautés locales. Selon la classification de l’UICN les AMPCs sont à considérer comme des Aires Protégées en gouvernance partagée (type B). Si l’ambition des AMPCs est peut être de devenir un jour des APACs à part entière, elles ont été crées sous l’initiative de l’Etat et/ou d’ONGs de conservation, et restent quand même dépendantes de leur impulsion et de leur aide pour se maintenir en fonction. Les APACs– au contraire— naissent à partir de la volonté et de l’organisation locale de communautés associées de façon fortes (pour des raisons historiques, culturelles, de subsistance, etc.) avec les ressources naturelles à conserver, et elles se maintiennent par les efforts de ces communautés elles mêmes. L’Etat et les ONGs de conservation sont bien entendu appelés à soutenir les APACs et ont des rôles importants à jouer… mais la différence par rapport aux AMPCs reste claire : avec l’accord et l’appui technique de l’Etat, les communautés et collectivités locales prennent sur elles l’autorité, la responsabilité et le devoir de compte rendu de la gestion.

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AAnnnneexxee 22 :: EElléémmeennttss ddeess ppoolliittiiqquueess iinntteerrnnaattiioonnaallee ddee ccoonnsseerrvvaattiioonn ssee rreeffeerraanntt aauuxx AAiirreess dduu PPaattrriimmooiinnee CCoommmmuunnaauuttaaiirree ((AAPPAACCss))

Convention sur la Diversité Biologique Le Sénégal a signalé sa volonté de poursuivre le travail en appui aux APACs dans plusieurs accords internationaux. En premier lieu, il a signé en 1992 puis ratifié en 1994 la Convention sur la Diversité Biologique, qui a donc valeur d’obligation légale au Sénégal. On reporte ci-dessous quelques éléments des décisions de la CBD se référant aux APACs : CBD Décision VII.28 (2004) : Programme de Travail sur les Aires Protégées http://www.cbd.int/decision/cop/?id=7765 1.1.4 Effectuer d'ici 2006, avec la participation pleine et entière des communautés autochtones et locales ainsi que des parties prenantes, des examens nationaux des modes de conservation possibles et existants, et de leur pertinence pour la conservation de la diversité biologique, y compris des modèles novateurs de gouvernance des aires protégées qui doivent être reconnus et promus grâce à des mécanismes juridiques, politiques, financiers, institutionnels et communautaires, par exemple les aires protégées dirigées par des organismes publics à plusieurs échelons, les aires protégées en cogestion, les aires protégées privées et les aires conservées par les communautés autochtones et locales. 1.1.7 Encourager la création d'aires protégées qui bénéficient aux communautés autochtones et locales et qui respectent, préservent et conservent leurs connaissances traditionnelles, conformément à l'article 8 j) et aux dispositions connexes. 2.1.2 Reconnaître et promouvoir un large éventail d'options de gouvernance des aires protégées, en fonction des possibilités qu'elles offrent d'atteindre les objectifs de conservation de la diversité biologique de la Convention, ce qui peut comprendre les aires préservées par les communautés autochtones et locales ou les réserves naturelles privées. La promotion de ces aires devrait se faire par le biais de mécanismes juridiques, politiques, financiers, et communautaires. 2.1.3 Mettre en place, en associant pleinement les communautés autochtones et locales, des politiques et des mécanismes institutionnels propres à faciliter la reconnaissance juridique et la gestion efficace des aires préservées par les communautés autochtones et locales, d'une manière qui soit conforme aux objectifs de conservation de la diversité biologique et des connaissances, des innovations et des pratiques des communautés autochtones et locales. But 2.2 Accroître et assurer la participation des communautés autochtones et locales et des parties prenantes. Objectif : Assurer, d'ici 2008, la participation pleine et entière des communautés autochtones et locales, dans le plein respect de leurs droits et la reconnaissance de leurs responsabilités, en conformité avec les lois nationales et les obligations internationales, ainsi que la participation des parties prenantes à la gestion des aires protégées existantes et à la création et la gestion des nouvelles aires protégées. 2.2.2 Mettre en œuvre des plans et des initiatives précis visant à favoriser la participation des communautés autochtones et locales, dans le respect de leurs droits et en conformité avec les lois nationales et les obligations internationales, et des parties prenantes à tous les niveaux de

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planification, de création, de gouvernance et de gestion des aires protégée, en mettant l'accent sur la détermination et l'élimination des obstacles à une participation adéquate. 2.2.4 Promouvoir un contexte propice (législation, politiques, capacités et ressources) à la participation des communautés autochtones et locales et des parties prenantes à la prise de décision, et au développement de leurs capacités et possibilités de créer et de gérer les aires protégées, y compris les aires protégées privées et préservées par les communautés. 2.2.7 Promouvoir, par le biais du Centre d'échange, de publications techniques et d'autres moyens, l'échange d'expériences à l'échelon international sur les mécanismes efficaces pour assurer la participation des parties prenantes et sur les types de gouvernance en matière de conservation, en particulier pour les aires protégées cogérées, les aires préservées par les communautés autochtones et locales et les aires protégées privées. CBD Décision VII/5: Diversité biologique marine et côtière http://www.cbd.int/decision/cop/?id=7742 Le programme de travail tirera le meilleur parti des savoirs scientifiques, techniques et technologiques des communautés locales et autochtones, conformément à l'article 8 j) de la Convention, et s'appuiera sur les approches développées par les communautés et les usagers.

7. La mise en œuvre du programme de travail devrait être se faire avec la participation pleine et entière des communautés autochtones et locales, comme il convient, et dans le respect de leurs droits en vertu des lois nationales et internationales en vigueur. A cet égard, il est utile de noter l'article 6.18 du Code de conduite pour une pêche responsable, de la FAO, qui met en exergue la nécessité de protéger les droits d'accès privilégié des poissonniers et des pêcheurs, notamment ceux dont la subsistance dépend de cette ressource, les pêches artisanales et de petite échelle, aux champs et ressources de pêche traditionnels.

Faciliter la participation des communautés autochtones et locales ainsi que des parties prenantes compétentes [est] un élément essentiel de l'application de l'objectif opérationnel 3.2.

Ce cadre devrait respecter les lois nationales ainsi que les intérêts des communautés autochtones et locales, notamment leurs pratiques spirituelles et culturelles et leurs intérêts socio-économiques, ainsi que les possibilités de participation de ces communautés à la création et à la gestion des aires marines et côtières protégées, et devrait respecter, préserver et maintenir les connaissances, innovations et pratiques traditionnelles, conformément à l'article 8 j) et aux dispositions connexes.

Parmi les projets pilotes, les Parties à la Convention sont encouragés à :

a) Elaborer des approches adaptées à la réalité culturelle pour la création/gestion des aires marines et côtières protégées, afin de faciliter la participation effective, s'il y a lieu, des communautés autochtones et locales et des acteurs concernés.

a) Elaborer des lignes directrices pour l'intégration des connaissances et des pratiques traditionnelles ainsi que des projets novateurs avec la participation des communautés autochtones et locales et avec leur consentement préalable en connaissance de cause conformément aux lois nationales, dans le processus d'établissement et de gestion des aires marines et côtières protégées et les étayer en compilant et en publiant des études de cas sur une large gamme d'exemples de régions ayant déjà une expérience à cet égard (ex. : Nouvelle-Zélande, Chili et Grandes Antilles).

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c) Reconnaître les droits et coutumes traditionnels et les autres intérêts des communautés autochtones et locales et d'autres parties prenantes, conformément aux lois nationales;

Le Groupe spécial d'experts techniques a identifié la participation de l'ensemble des acteurs comme un facteur indispensable à la réalisation de l'objectif mondial, ainsi qu'à l'établissement et la préservation d'aires marines et côtières protégées individuelles et de réseaux régionaux. La participation des acteurs est particulièrement importante pour établir un partage juste et équitable des avantages découlant de la création d'aires marines et côtières protégées. En outre, la participation des parties concernées :

a) Permettrait une prise de décision globale et transparente; b) Faciliterait la participation d'une variété d'acteurs à la prise de décision et à la gestion, accroissant ainsi les chances de réussite; c) Reconnaîtrait les droits et coutumes traditionnels et les autres intérêts des communautés autochtones et locales et d'autres parties prenantes, conformément aux lois nationales; d) Permettrait aux décisions et à la gestion de se faire au niveau approprié (par ex., par la décentralisation).

11. Il a été reconnu que la nature et le niveau de la participation dépendent du contexte local, y compris de facteurs tels que droits traditionnels, coutumes et traditions des communautés autochtones et locales conformément aux lois nationales, mécanismes disponibles, méthodes de gouvernance et motivation des parties prenantes.

CBD Décision IX.20 IX/20, 2008 : Diversité biologique marine et côtière http://www.cbd.int/decision/cop/?id=11663 La Conférence des Parties […] Invite les Parties à favoriser la participation pleine et effective des communautés autochtones et locales, conformément aux dispositions de la législation nationale et aux obligations posées par le droit international, lorsque de nouvelles aires marines protégées sont créées, en tenant compte, selon qu’il convient, de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones;

27. Appelle les Parties à intégrer les connaissances scientifiques, techniques et technologiques traditionnelles des communautés autochtones et locales, conformément à l’article 8 j) de la Convention, et à assurer l’intégration des critères sociaux et culturels et autres aspects pour l’identification des aires marines devant bénéficier d’une protection ainsi que la création et la gestion de zones marines protégées.

Convention de Ramsar La Convention de Ramsar, aussi ratifiée par le Sénégal en 1977, reconnaît comme essentielle en matière de gestion de zones humides la participation des communautés aux prises de décisions et la Recommandation 6.3 de la COP6 de Ramsar (1996) a demandé aux Parties contractantes «de déployer des efforts particuliers afin d’encourager une participation active et informée des populations locales et autochtones à la gestion, par l’intermédiaire de mécanismes appropriés, des sites inscrits sur la Liste de Ramsar, des autres zones humides et de leurs bassins versants » AAnnnneexxee 33 :: FFeeuuiillllee ddee RRoouuttee ppoouurr llaa mmiissee eenn mmaarrcchhee dd’’uunnee AAiirree ddee PPaattrriimmooiinnee CCoommmmuunnaauuttaaiirree eenn eennvviirroonnnneemmeenntt mmaarriinn--ccoottiieerr eenn AAffrriiqquuee ddee ll’’OOuueesstt

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Aires du Patrimoine Communautaire (APACs) en environnement marin -côtier

Proposition de « Feuille de Route » pour leur mise en place et/ou leur reconnaissance formelle

Grazia Borrini-Feyerabend et Christian Chatelain

Version révisée -- Juin 2009

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Contenu

Remerciements ..........................................................................................................................25 Définitions.................................................................................................................................26

AIRE DU PATRIMOINE AUTOCHTONE ET COMMUNAUTAIRE EN ENVIRONNEMENT MARIN-CÔTIER ..................... 26 COMMUNAUTÉ .................................................................................................................................................. 27 BIODIVERSITÉ .................................................................................................................................................... 27 RESSOURCES NATURELLES ................................................................................................................................ 27 CONSERVATION ................................................................................................................................................. 27 GESTION D’UNE APAC ..................................................................................................................................... 28 GOUVERNANCE D’UNE APAC ........................................................................................................................... 28

Proposition de Feuille de Route pour la mise en place ou la reconnaissance formelle d’une Aire de Patrimoine Communautaire en environnement marin-côtier .............................31

1. REFLECHIR ET S’ORGANISER ................................................................................................................. 31 1.1 Pourquoi, qui, comment? ........................................................................................31 1.2 Faisabilité et appui ..................................................................................................32

2. DEVELOPPER LE PLAN DE GESTION ET LE CADRE DE GOUVERNANCE DE L’APAC ..................... 33 2.1 Qui doit s’activer ? .................................................................................................33 2.2 Où situer l’APAC?..................................................................................................34 2.3 Etats des lieux .........................................................................................................34 2.5 Objectifs de l’APAC ...............................................................................................35 2.6 Zonage et règles d’accès et d’utilisation des ressources .........................................35 2.7 Agréer le plan de gestion ........................................................................................36 2.8 Etablir le cadre de gouvernance ..............................................................................37

3. METTRE EN MARCHE L’APAC ET APPRENDRE PAR L’ACTION ....................................................... 37 3.1 Renforcement des capacités ....................................................................................37 3.2 Entrée en opération de l’APAC ..............................................................................38 3.3 Communication sociale et promotion .....................................................................38 3.4 Surveillance et initiatives complémentaires à la gestion ........................................39 3.5 Suivi, évaluation et apprentissage par l’action .......................................................39

Appui externe aux Aires du Patrimoine Communautaire en environnement marin-côtier ......42 OBJECTIFS PROPOSÉS POUR L’APPUI AUX APACS EN ENVIRONNEMENT MARIN CÔTIER .................................... 42 QUELQUES INITIATIVES POSSIBLES .................................................................................................................... 43

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RReemmeerrcciieemmeennttss

Nous remercions très chaleureusement les communautés de Mangangoulak, Tendouck, Boutégol, Elana, Bodé, Affiniam, Boutem et Diatok (Casamance, Sénégal) qui, à travers les membres de leur association de pêcheurs, et en particulier son Président, Monsieur Salatou Sambou, sa femme, Rahma et leur ami Malick Djiba nous ont donné l’inspiration et l’occasion de développer ce petit document lors de notre collaboration autour de la mise en marche de leur APAC dans la Communauté Rurale de Mangagoulack (Casamance, Sénégal). Nous remercions de façon très particulière le Président sortant de la Communauté Rurale de Mangagoulack, Monsieur Bassirou Sambou, son Sous Préfet, Monsieur Sébastien Senghor, l’Inspecteur Régional des Pêches à Ziguinchor, Monsieur Ahmet Diop, le Secrétaire de la Communauté Rurale, Monsieur Tahirou Diatta, et le Coordonnateur de l’équipe Kaninguloor, Monsieur Mamina Goudiaby et son équipe— qui ont tous bien voulu nous accueillir et enrichir énormément notre visite avec leur soutien et leurs conseils. Nos visites et notre travail n’aurairnt simplement pas été possibles sans l’appui généreux de Nelson Dias Gomes (IUCN Guinée Bissau), Charlotte Karibuhoye (PRCM et FIBA), Terence Hay Edie (GEF SGP), Sacha Logie (UNOPS) et Taghi Farvar (CENESTA), qui nous remercions très chaleureusement. A tous, kasumaye (paix)!

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DDééffiinniittiioonnss

Le terme Aire du Patrimoine Autochtone et Communautaire (APAC) est de plus en plus utilisé dans la littérature de conservation pour désigner des écosystèmes incluant d’importantes valeurs bioécologiques et culturelles conservées volontairement par des peuples autochtones ou des communautés locales21 selon leurs lois coutumières ou tout autre moyen efficace. Selon les toutes dernières Lignes Directrices pour les Aires Protégées de l’UICN, une APAC est identifiée sur la base de trois caractéristiques essentielles :

1. Les liens qui unissent la communauté et l’écosystème concerné sont profonds, incluant des relations historiques (p.ex. territoire traditionnel de droit coutumier), culturelles (p. ex. en raison de sa valeur en tant que site sacré) et/ou de subsistance.

2. La communauté est l’acteur principal de la gouvernance de l’écosystème : elle possède une institution—traditionnelle, « moderne » ou mixte— qui exerce l’autorité et la responsabilité de la gestion et qui est capable d’assurer le respect de règles.

3. La gouvernance et la gestion de la communauté contribuent à la conservation des habitats, des espèces, des fonctions écologiques et des valeurs culturelles associées, même si l’intention originelle portait sur une variété d’objectifs non directement liés à la protection de la biodiversité.

En milieu marin-côtier, nous pouvons donc utiliser la définition suivante : Aire du Patrimoine Autochtone et Communautaire en e nvironnement marin-côtier Espace marin côtier en relation étroite avec un peuple autochtone ou une communauté locale grâce à des liens historiques, culturels et/ou de subsistance. Dans cet espace, le peuple autochtone ou la communauté concernée établit et fait respecter de façon volontaire des règles d’accès et d’utilisation des ressources favorables à leur conservation (préservation et utilisation durable). Cela met en jeu ses connaissances traditionnelles et locales et se fait en accord avec ses lois et institutions coutumières et locales. Des connaissances scientifiques et des formes institutionnelles modernes peuvent aussi être adoptées, parfois pour faciliter les relations avec l’état et d’autres partenaires, ainsi que pour bénéficier de leur collaboration et de leur appui. L’accent de cette définition doit être mis sur « le peuple autochtone ou la communauté concernée établit et fait respecter de façon volontaire… en accord avec ses lois et institutions coutumières et locales» qui crée une distinction claire par rapport aux Aires Marines Protégées identifiées et promulguées par l’Etat—y inclus celles dites « communautaires » pour lesquelles l’état identifie un Conservateur mandaté et impose un plan de gestion. En ce sens, les APACs représentent le type de conservation le plus direct, fondamental, simple et pratique. Elles sont cohérentes avec les impératifs de

21

Pour la suite nous utiliserons pour simplicité le mot « communauté » à la place de « peuples autochtones ou communautés locales ».

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développement humain à l’échelle locale et – souvent – elles sont capables de délivrer les résultats de conservation les plus efficaces et durables.22 Communauté Nous utiliserons ici le terme « communauté» pour comprendre plusieurs types d’unité sociale, telles qu’un village, plusieurs villages, ou un groupe d’utilisateurs au sein d’un seul village. Nous l’utiliserons aussi– par simplicité— pour comprendre la notion de « peuple autochtone », tout en maintenant que cette notion se refère de façon directe à des droits particuliers selon la Déclaration des Nations Unies sur les Droits des Peuples Autochtones.23 En ce qui concerne les APACs que nous concernent ici, une « communauté » est une unité sociale consciente de sa propre identité et de sa relation directe et forte avec l’aire marine côtière concernée ; elle possède aussi une institution – coutumière, moderne ou mixte– capable de gouverner et gérer les ressources naturelles concernées. On parle d’ « institution » quand on peut identifier un cadre de gouvernance (i.e., un ou plusieurs organes, formels ou informels, capables de prendre des décisions, faire respecter des règles, gérer des conflits, donner des compte rendus, etc.) et un plan de gestion (également formel ou informel, écrit ou oral, mais avec des objectifs, des règles d’accès et d’utilisation des ressources, éventuellement un zonage interne, des interventions spécifiques, un système d’attribution des bénéfices et des responsabilités, etc.).

Biodiversité La biodiversité comprend les espèces (animales et végétales), leurs habitats, et la diversité génétique des espèces mêmes. Ces trois éléments de biodiversité sont étroitement liés.

Ressources naturelles Les ressources naturelles comprennent les éléments de la nature directement utilisés par l’homme, qu’ils soient de nature biologique ou non, par exemple le bois de mangrove, la pêche, les coquillages, l’eau douce, le sable, etc.

Conservation Pour décrire en un seul mot la préservation de la biodiversité et l’utilisation durable des ressources naturelles on utilise le terme « conservation ». Loin de demander la 22 Pour une étude récente sur des douzaines sinon des centaines de cas, voir Govan, 2009 disponible sur www.iccaforum.org . 23

Voir http://www.un.org/esa/socdev/unpfii/fr/drip.html

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séparation des hommes de leur environnement, la conservation demande l’engagement des hommes pour le maintient, la restauration et l’enrichissement de leur milieu naturel.

Gestion d’une APAC La gestion est « ce qu’on fait pour maintenir l’APAC en bon état et capable de produire les bénéfices escomptés ». Les APACs ont des buts spécifiques, parfois sous forme générique (p.ex., « respecter les esprits qui empêchent l’entrée dans un bolon ») et parfois sous forme spécifique, précise et approuvée formellement (p.ex., « faire remonter la diversité d’espèces et l’abondance des poissons que nous pêchons dans notre zone de pêche traditionnelle au delà des certains valeurs d’indicateurs choisis à l’avance»). Les buts incluent généralement le maintient des bénéfices culturels (p.ex., lieux sacrés et mémoires historiques des communautés concernées) et/ou le maintient des bénéfices socio-économiques (p.ex., produits vivriers, produits de rente) à travers la préservation et l’utilisation durable de la biodiversité et des ressources naturelles de l’APAC elle même.

Les règles de gestion d’une APAC concernent ses limites, sa subdivision en zones (unités de gestion) et les procédures d’accès et d’usage à la biodiversité et aux ressources naturelles (permissions et interdictions) établies dans ces zones. La compilation de ces règles et des accords sur les interventions à effectuer (p.ex., bornage et délimitation des périmètres, maintient des infrastructures, restauration de certains habitats, éradication des espèces envahissantes, surveillance régulière, suivi et évaluation des résultats etc.) constituent un plan de gestion. Les plans de gestion n’ont pas besoin d’être très détaillés et complexes. Il est beaucoup mieux qu’ils soient simples mais bien connus et respectés. Il est aussi important qu’ils soient bien suivis et, si nécessaire, modifiés régulièrement pour être les plus efficaces et équitables possibles.

Gouvernance d’une APAC Une APAC est– par définition– gouvernée par le peuple autochtone ou la communauté locale concernée. Cela signifie qu’une communauté liée à l’APAC par une relation forte, souvent identitaire, possède un ou plusieurs organes internes qui détiennent de facto et/ou de jure l’autorité et la responsabilité de la gestion et sont capables de l’assumer en pratique (surveillance, respect des règles, etc.). En général l’organe de gouvernance proprement dit est l’organe de prise de décisions par rapport à l’APAC, mais il est fréquent que d’autres organes, de conseil (p.ex., un comité scientifique), de gestion de conflits (p.ex., un comité de sages, comprenant des personnes respectées par tout le monde appelées à jouer un rôle de médiation entre des usagers en désaccord) et d’exécution (p.ex., un groupe d’éco-gardes locaux) soient aussi associés. Les organes peuvent être coutumiers, « modernes » ou mixte, simples ou complexes et multiples. Un bon nombre d’organes traditionnels qui fonctionnent bien dans le contexte local n’ont pas d’identité juridique dans la législation nationale et reste presque invisibles

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aux yeux des observateurs externes. Néanmoins, ces organes peuvent fonctionner avec ou sans reconnaissance légale, car ils s’appuient sur des lois coutumières, sur un corps de connaissances traditionnelles et locales et, en général, sur leur propre légitimité dans le contexte local. La reconnaissance légale de ces organes peut en faciliter les relations avec l’état et d’autres partenaires, mais cette reconnaissance ne doit pas engendrer des perturbations au sein des communautés. Des connaissances scientifiques et des formes institutionnelles modernes peuvent aussi être intégrées/ adoptées, mais cela devrait se faire avec beaucoup d’attention et d’intelligence. La gouvernance s’enracine souvent sur un accord social à la base qui peut faire simplement partie des mœurs et de la culture locale, mais peut aussi bien être décrit dans un document de type « Vision du Futur Désiré », « Plan de Vie de la Communauté » ou charte locale des principes de développement durable. Si possible, elle s’appuie en plus sur une convention spécifique ou des décisions des collectivités locales conformes à la politique nationale de décentralisation .

--- -- ---

S’il est vrai que chaque APAC est unique, il est aussi vrai que l’expérience accumulée par plusieurs aires protégées partout dans le monde permet d’identifier des éléments utiles auxquels elles peuvent faire référence. La feuille de route qui suit— développée pour être la plus simple et pratique possible— offre quelques uns de ces éléments pour la réflexion des communautés concernées. Elle propose une démarche pour la mise en place d’une APAC et/ou l’obtention de sa reconnaissance plus ou moins formelle, selon le contexte. Toutes les activités mentionnées doivent être revues, validées et enrichies par les idées et les expériences des communautés concernées. La feuille de route constitue, en effet, plus une liste récapitulative de points de contrôle qu’une recette à suivre.

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PPrrooppoossiittiioonn ddee FFeeuuiillllee ddee RRoouuttee ppoouurr llaa mmiissee

eenn ppllaaccee oouu llaa rreeccoonnnnaaiissssaannccee ffoorrmmeellllee

dd’’ uunnee AAiirree ddee PPaattrriimmooiinnee CCoommmmuunnaauuttaaiirree

eenn eennvviirroonnnneemmeenntt mmaarriinn--ccôôttiieerr

La liste récapitulative qui suit inclut des idées et des conseils pour établir une nouvelle APAC ou

pour renforcer et obtenir une certaine reconnaissance formelle d’une APAC qui existe ou existait

auparavant et on aimerait remettre en opération. Il s’agit d’une liste générique et certaines

considérations particulières devront toujours s’ajouter ou se soustraire à cette liste, selon le

contexte dans lequel la communauté se trouve et selon les ressources à sa disposition.

1. REFLECHIR et S’ORGANISER

11..11 PPoouurrqquuooii,, qquuii,, ccoommmmeenntt?? - La communauté identifie et discute des problèmes et des opportunités auxquels elle fait

face, et les solutions traditionnelles et « modernes » à sa disposition. Avec l’appui des sages

locaux, elle passe en revue son expérience en matière de lois coutumières et d’institutions

locales de gouvernance et de gestion des ressources naturelles.

- Sur la base de cette discussion, elle prend en considération l’idée d’établir ou, si elle existe

déjà ou existait dans le passé, de promouvoir la revitalisation et la reconnaissance formelle

d’une Aire de Patrimoine Communautaire (APAC) en environnement marin-côtier.

- La communauté clarifie en interne—avec réalisme et sans exagérer ses attentes— les

bénéfices attendus de l’établissement de l’APAC, soit :

o des possibles bénéfices économiques (p.ex., régénérer les ressources halieutiques,

préserver la quantité et qualité de l’eau des nappes phréatiques, augmenter les

recettes des foyers…)

o des possibles bénéfices sociaux (p.ex., préserver la cohésion sociale, prévenir

l’exode rurale, redonner confiance aux jeunes, améliorer les relations entre

membres de la communauté…)

o des possibles bénéfices culturels (p.ex., maintenir et renforcer les capacités et les

valeurs traditionnelles et locales…)

o des possibles bénéfices biologiques (p.ex., maintenir dans l’APAC des espèces qui

sont ailleurs en voie de disparition, maintenir l’habitat d’une espèce sacrée…)

- La communauté réfléchie aussi à des éventuels résultats de l’initiative qui sont possible mais

pas du tout souhaités, par exemple :

o des incompréhensions, voir des conflits, avec les « autres » (ceux qui

n’appartiennent pas à la communauté et même quelques membres de la

communauté meme) qui pourraient s’opposer à l’APAC de façon ouverte ou cachée

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o des tentatives de corruption (p.ex., envers les gardiens-surveillants, les

responsables de l’APAC, etc.)

o un certain appauvrissement des acteurs qui dépendent directement des ressources

naturelles assujetties à des règles de gestion plus restrictive qu’auparavant

(campement de pêcheurs migrants, cueilleurs…)

o des accidents qui pourraient se vérifier au cours de la gestion (pertes économique,

matérielle, humaine)

o l’immigration massive d’opportunistes quand la ressource se reconstituera

- La communauté identifie ses ressources propres et les atouts internes qu’elle peut

mobiliser ainsi que les problèmes et obstacles auxquels elle doit s’attendre dans la mise en

marche de l’APAC.

- La communauté identifie les « autres parties prenantes », c'est-à-dire les acteurs sociaux

(p.ex., autorités étatiques, usagers externes, ONGs, autres communautés, privés) qui ont

des intérêts et des préoccupations directs et significatifs à propos de l’espace marin côtier

en considération et des ressources naturelles concernées par l’éventuelle APAC.

- La communauté identifie ses représentants et leur demande de se mettre en contact avec

les parties prenantes identifiées et d’explorer de façon préliminaire et générique la

possibilité de mettre en marche une APAC. Quels bénéfices y voient-elles ? Quels

obstacles ? Sont-elles prêtes à en parler plus en profondeur ? Sont-elles disposées à y

apporter un appui ? Si oui, de quel type ? Des rencontres et des entretiens sont organisés

pour recueillir ces avis.

11..22 FFaaiissaabbiilliittéé eett aappppuuii - Les représentants restituent les informations acquises dans les rencontres avec les autres

parties prenantes et la communauté clarifie la faisabilité de la mise en opération (et/ou de

la reconnaissance plus ou moins formelle) de l’APAC, en particulier par rapport au respect

des règles de gestion de la part de la communauté elle même, mais surtout de la part

d’éventuels usagers externes. Elle identifie les obstacles à la mise en opération de ces règles

de gestion et prend en considération les alternatives à l’APAC. Elle prend aussi en

considération l’appui politique nécessaire à l’approbation par l’état et au respect des règles

par les usagers externes, ainsi que les ressources techniques et financières nécessaires à la

surveillance et au suivi des résultats souhaités.

- Le premier type d’appui nécessaire pour éviter ou minimiser les conflits entre la

communauté et les usagers externes des ressources naturelles est l’appui politique. Ce

terme n’est pas à prendre dans le sens de « parti politique » mais par rapport à la

reconnaissance par les autorités locales (coutumières et modernes) que l’idée de créer

l’APAC est un fait positif, censé porter des bénéfices à tout le monde. Un élément important

à ce sujet est le fait que ces autorités, à travers leur approbation, acceptent l’idée

d’apporter, en temps utile, leur support à l’application des règles de gestion de l’APAC et à

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leurs sanctions éventuelles. En effet, les politiques étatiques de décentralisation rendent

l’appui des autorités administratives de plus en plus possible. La communauté s’assure donc

de l’appui des autorités coutumières et modernes, tout en cherchant à maintenir l’APAC en

dehors des « programmes de parti politique » (tout au contraire, il faudra chercher des

sympathisants et des enthousiastes dans plusieurs « partis »).

- D’autres éléments importants d’appui sont les conseils techniques et l’aide financière.

Excepté le cas où l’APAC existe depuis longtemps et fonctionne bien, les conseils techniques

prodigués par des acteurs en provenance d’autres communautés locales ou par des

professionnels expérimentés sont fort utiles. Entre autres, les conseils peuvent aider la

communauté à définir sa situation de base (état des lieux de l’APAC et de la communauté,

indicateurs de progrès désiré) et à optimiser son plan de gestion pour l’APAC. Des

ressources financières peuvent être nécessaires pour appuyer les réunions de réflexion

interne et de négociation avec les partenaires, pour obtenir la reconnaissance légale de

l’organe de gouvernance, etc., mais il faut être attentif au fait que ces ressources en

provenance de l’extérieur ne parviennent pas sur le terrain au prix de l’autonomie de

décision et de gestion locale.

- La communauté discute donc l’idée de l’APAC avec les autres parties prenantes, recueille

leurs observations et commentaires et s’assure de l’appui qu’elles pourraient apporter. Sur

la base de ces informations, la communauté décide si l’APAC est utile (ou même nécessaire),

et si les conditions de sa faisabilité sont réunies. Si oui, la communauté met en route un

processus d’analyse de la situation du site (états des lieux initiaux biologique et socio

économique), et de préparation de son plan de gestion (limites, zonage, règles, surveillance,

sanctions, suivi, financements) et de son cadre de gouvernance (organes, accords, chartes

ou conventions).

2. DEVELOPPER le PLAN DE GESTION et le CADRE DE GOU VERNANCE de l’APAC

22..11 QQuuii ddooiitt ss’’aaccttiivveerr ?? - Les représentants de la communauté qui décide d’établir l’APAC ou de poursuivre sa

revitalisation et sa reconnaissance formelle (si elle existe déjà ou existait dans le passé) sont

les premiers acteurs du processus vers un plan de gestion et un cadre de gouvernance

efficaces et équitables. Ils peuvent travailler avec des conseillers et des parrains ou

marraines externes mais il est important que le travail soit conduit et que les décisions

soient effectivement prises par les représentants de la communauté concernée. Il faut

surtout que la communauté ait clarifié de quels appuis elle a vraiment besoin, et dans quelle

proportion elle est disposée à sacrifier de son autonomie pour obtenir les contributions de

partenaires. Dans ce sens, un comportement même un peu « protectionniste » affiché par

les représentants de la communauté envers ces partenaires est à considérer comme un

indicateur de détermination et de cohésion interne.

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22..22 OOùù ssiittuueerr ll’’ AAPPAACC?? - La communauté identifie un espace intéressant dans sa globalité, en le délimitant par

référence aux relations et aux pratiques historiques/ coutumières et/ou d’utilisation des

ressources naturelles pour la subsistance.

- Dans cet espace, la communauté identifie de façon préliminaire des « unités de gestion » ,

c'est-à-dire des zones (p.ex., un bolon, une partie de côte, une zone où les ressources sont

encore bien conservées ou, au contraire, très mal conservées) dans lesquelles des règles de

gestion spécifiques pourraient être agréées et appliquées (p.ex., réserve totale pour la

reproduction du poisson, interdiction de certains engins de pêche, permis de pêche

seulement pour les résidents locaux, respect du repos biologique, etc.). Ces zones doivent

être bien définies et les plus cohérentes possible du point de vue écologique mais aussi

culturel/historique et socio-économique.

22..33 EEttaattss ddeess lliieeuuxx La compréhension de la situation de départ est indispensable comme base de travail pour le suivi des activités et l’évaluation régulière des résultats obtenus. Cet « instantané de la situation » peut demander une année entière de relevés adaptés aux types de données recherchés, aux saisons, à la biologie des espèces, aux périodes de pêche, au calendrier cultural, etc. Au moins deux types d’état des lieux sont à envisager : celui portant sur la biologie et l’écologie (espèces et leurs habitats), et celui portant sur la société, l’économie et la culture locale (la vie de la communauté)

EEttaatt ddeess lliieeuuxx bbiiooééccoollooggiiqquuee - Avec ou sans appui technique externe, la communauté développe une description

géographique de base de l’espace marin côtier en considération. Elle prépare une carte

générale de cet espace, dans laquelle sont aussi identifiées et nommées des zones ayant des

caractéristiques écologiques particulières (« unités de gestion »). Pour cela, des cartes

satellitaires du type de celles que l’on trouve facilement et gratuitement sur Internet (par

ex. Google Earth) peuvent être utilisées comme support de base.

- La communauté développe aussi une description claire des valeurs bioécologiques de

l’APAC, selon des indicateurs de quantité et de qualité de la biodiversité, ainsi que des

valeurs écologiques (p.ex., salinité de l’eau) importantes pour l’APAC. Les indicateurs sont

mesurés à des endroits précis en relation avec les unités de gestion de l’APAC et à une date

précise (p.ex., baisse marée, saison sèche) avant de mettre en opération les règles de

gestion.

- La carte de l’espace concerné, avec ses unités de gestion et l’ensemble des valeurs à

conserver, constituent la référence de base pour le suivi et l’évaluation des résultats de

gestion de l’APAC.

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EEttaatt ddeess lliieeuuxx ssoocciioo--ééccoonnoommiiqquuee - Avec ou sans appui technique externe, la communauté développe la description de base de

l’unité sociale concernée par l’APAC– en d’autres mots, une description d’elle même. Elle

identifie en particulier les « ayant droits » aux ressources naturelles de l’APAC, aussi bien

selon les lois coutumières locales que selon les lois étatiques en vigueur.

- La communauté identifie un ensemble cohérent de phénomènes et de facteurs liés– pour

elle– à la qualité de vie souhaitée (on peut, par exemple, se poser la grande question :

« quels sont, pour nous, les composantes de la « bonne vie » ?). Elle identifie aussi des

indicateurs quantitatifs et qualitatifs, directs et indirects pour pouvoir mesurer des

changements par rapport à ces composantes. Ces indicateurs (p.ex., état nutritionnel des

enfants <-5 ans, qualité de l’habitation, proportion des familles qui possèdent une

radio/télévision ou un moyen de transport propre, retour des migrants « pour de bon »)

sont donc mesurés par rapport à un échantillon représentatif de la population de la

communauté concernée.

- De même que pour la situation biologique, ce n’est souvent pas possible d’élaborer un

diagnostic précis de la situation de la communauté si on n’a pas à disposition assez de

ressources et une période de temps suffisamment long (à cause des changements

saisonniers, un diagnostic social de base peut aussi prendre toute une année…). On peut,

d’autre part, prendre un instantané de ce diagnostic sur la base des problèmes et des

opportunités exprimés par les membres de la communauté lors d’un atelier.

- La communauté recueille aussi une description de base des valeurs locales (p.ex., valeurs

esthétiques, spirituelles ou traditions d’hospitalité locale) qui entrent en jeu par rapport à

l’APAC et ses règles de gestion. Elle dresse une liste de facteurs censés affecter la

permanence et/ou le changement de ces valeurs dans la communauté concernée, et discute

en interne comment faire face aux changements non désirés.

22..55 OObbjjeeccttiiffss ddee ll’’ AAPPAACC - Sur la base des premiers résultats des états des lieux bioécologique et socioéconomique, la

communauté identifie une liste d’objectifs écologiques et socio-économiques qui– à son

avis– peuvent raisonnablement être obtenus par la gestion locale correcte de la biodiversité

et des ressources naturelles de l’APAC. Elle se donne un horizon temporel pour atteindre

ces objectifs.

22..66 ZZoonnaaggee eett rrèègglleess dd’’aaccccèèss eett dd’’ uuttiilliissaattiioonn ddeess rreessssoouurrcceess - La communauté analyse l’histoire locale soit par rapport aux ressources naturelles soit par

rapport à leur gouvernance/ gestion et elle met en relation les changements survenus et

leurs causes possibles. Elle passe en revue les connaissances et les pratiques de gestion

traditionnelles et locales (p.ex., par la constitution d’un recueil de mémoires et de conseils

des usagers expérimentés et des sages locaux, par des visites d’échanges avec d’autres

Page 36: Engager les peuples autochtones et les communautés locales

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communautés, par des témoignages spécifiques) ainsi que toute connaissance scientifique

disponible (si nécessaire avec l’appui d’experts externes).

- Sur la base de la carte de l’espace concerné et des résultats des états des lieux, la

communauté élabore une proposition de zonage interne, chaque zone (unité de gestion)

étant associée à des règles d’accès et d’utilisation des ressources espérées efficaces et

susceptibles d’être validées et adoptées par tout le monde. Elle discute pourquoi et

comment les bénéfices désirés pourraient être atteints, voir maximisés, suite à la mise en

opération de ces règles dans les unités de gestion identifiées dans le zonage interne. Elle

rédige un document simple et clair contenant les éléments fondamentaux qu’elle souhaite

inclure dans le plan de gestion.

22..77 AAggrrééeerr llee ppllaann ddee ggeessttiioonn - Les représentants de la communauté entrent en relation avec les autres parties prenantes–

en particulier les représentants de l’état, les usagers non-locaux et d’éventuels partenaires

d’appui. Ils discutent de leur proposition de zonage et des règles de gestion associées,

recueillent leurs avis et, si nécessaire, fixent une série de réunions internes à la

communauté et/ ou avec les autres parties prenantes pour discuter/négocier/agréer un

ensemble de règles qui engagent tout le monde vers les résultats de gestion souhaités.

- Au fur et à mesure des avancées de la discussion sur le zonage et les règles de gestion, la

communauté planifie aussi un système de surveillance et de sanction des infractions et

estime les coûts de fonctionnement de l’APAC (p.ex., coûts de communication, de

surveillance, ressources pour répondre aux situations d’urgence, etc.). Pour la durabilité de

l’APAC, les sources de financement devraient être les plus possible internes à l’institution de

l’APAC même et les moins dépendantes possible de l’aide externe (de faibles charges

internes valent mieux que de grands financements externes pour la cohésion et l’efficacité

de n’importe quelle institution locale). Dans cette optique, la communauté identifie un

système de recouvrement des coûts de la gestion (p.ex., permis de pêche, taxation des

usagés reconnus, pénalisation des infractions) qui devrait être le plus simple et transparent

et le moins bureaucratique possible.

- Arrivée à un accord de principe avec les autorités locales et les autres parties prenantes, la

communauté produit une carte finale du zonage et une description détaillée des règles

d’accès et d’utilisation des ressources naturelles selon les zones et selon les usagers (p.ex.,

est-ce que les règles s’appliquent à tous les usagers ? seulement aux membres de la

communauté ?). Ce document reprend les objectifs de la gestion et les éléments

fondamentaux définis auparavant par la communauté, enrichis et si nécessaire modifiés par

les apports des autres parties prenantes. Le même document décrit d’autres éléments

cruciaux pour la gestion, tels que le système de surveillance et de sanction des infractions,

et un protocole de suivi et d’évaluation des résultats (voir plus loin). Tous ces éléments

réunis constituent le « plan de gestion de base » de l’APAC.

Page 37: Engager les peuples autochtones et les communautés locales

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22..88 EEttaabblliirr llee ccaaddrree ddee ggoouuvveerrnnaannccee - En parallèle avec le développement du plan de gestion de base, la communauté précise la

composition et le fonctionnement d’un cadre de gouvernance pour l’APAC., comprenant un

ou plusieurs organes en charge de la prise de décisions, du conseil, de l’exécution du plan de

gestion, de la surveillance, de la recherche, de la gestion des conflits, et du suivi/évaluation

des résultats de l’APAC. Ces organes peuvent comprendre des institutions traditionnelles ou

modernes déjà existantes dans la communauté, ou des organes nouveaux, développés ad

hoc. L’important est que ces organes soient légitimes– c'est-à-dire capables de représenter

les « ayant droits » reconnus par la communauté, et efficaces— c'est-à-dire capable de

jouer leur rôle assigné. Si possible, mais pas nécessairement, ces organes auront une

personnalité légale et un règlement intérieur écrit.

- Le règlement intérieur de l’organe en charge de la prise de décisions pour l’APAC spécifie le

processus à suivre pour la prise de décisions importantes telles que des modifications du

plan de gestion de l’APAC (p.ex., diffusion de l’information et discussions à la base, demande

de conseil aux sages locaux, prise de décisions des membres de l’organe par consensus,

etc.). Il spécifie aussi un système de réception des plaintes et de médiation/ arbitrage des

conflits (p.ex., par un ensemble de personnalités locales fort respectées, certaines dans le

domaine traditionnel et d’autres dans le domaine moderne).

- Les propositions de la communauté relatives au cadre de gouvernance sont relayées,

discutées et validées avec les différentes parties prenantes de l’APAC. Dans ces occasions,

les domaines de compétence de tous les acteurs sont clarifiés, ainsi que leurs engagements

vis-à-vis de l’APAC.

- La communauté décide s’il est utile d’attribuer un lieu spécifique ( « maison de l’APAC » )

dans lequel tenir les réunions et les échanges divers, réunir les données relatives aux états

des lieux et les autres informations disponibles, accueillir et faciliter le travail des personnes

en appui, stocker du matériel, etc. Si la communauté concernée par l’APAC réunit plusieurs

villages, la « maison de l’APAC » pourrait « circuler » parmi ces villages, moyennant la mise à

disposition d’endroits appropriés. La communauté identifie aussi un nom et un symbole/

logo pour l’APAC à diffuser et utiliser le plus largement possible.

- La compilation écrite du plan de gestion préparée par la communauté, incluant la

description du cadre de gouvernance est envoyée à nouveau aux autres parties prenantes

pour leur validation finale. Il faut s’assurer d’inclure ici les autorités administratives locales,

les représentants des ministères concernés et tous ceux qui pourraient causer de problèmes

s’ils se sentaient ignorés ou mal informés. A la suite de cette dernière circulation de

l’information, la date est fixée pour une cérémonie de célébration de l’entrée en opération

de l’APAC incluant les autorités coutumières et modernes qui en assurent l’appui politique.

33.. MMEETTTTRREE EENN MMAARRCCHHEE LL’’ AAPPAACC eett AAPPPPRREENNDDRREE PPAARR

LL’’ AACCTTIIOONN 33..11 RReennffoorrcceemmeenntt ddeess ccaappaacciittééss

Page 38: Engager les peuples autochtones et les communautés locales

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- Parmi les taches du cadre de gouvernance se trouve la définition des besoins de l’APAC en

termes de renforcement de capacités, par exemple pour ce qui a trait à la surveillance, aux

techniques d’utilisation durable des ressources naturelles prévues par le plan de gestion, au

suivi des activités, etc. Avec l’appui des partenaires, d’éventuelles lacunes par rapport aux

connaissances, aux savoir-faire et aux matériels nécessaires et disponibles localement,

seront le plus possible comblées avant l’entrée en opération de l’APAC. Cela pourra

concerner des ateliers de formation, l’ouverture d’un compte bancaire, ou l’acquisition des

moyens de communication, des bateaux de surveillance, des panneaux de signalisation de

l’APAC, etc.

33..22 EEnnttrrééee eenn ooppéérraattiioonn ddee ll’’ AAPPAACC - La communauté et ses partenaires organisent une célébration/ ritualisation de la mise en

opération/reconnaissance formelle de l’APAC et de l’entrée en vigueur de ses règles de

gestion. Cette cérémonie représente le moment de « reconnaissance formelle » sur la base

d’un précieux accord local qui réunit légalité et légitimité en une forme unique, taillée sur le

contexte. Elle peut demander des moyens d’organisation non indifférents mais constitue un

élément fédérateur importante pour la communauté concernée.

- La cérémonie comprend les diverses modalités rituelles reconnues localement (p.ex.,

signature d’un accord de gestion ou d’une charte sur la vision du futur désiré,

positionnement de fétiches, danses coutumières) et engage les représentants de toutes les

parties prenantes qui ont des intérêts et des préoccupations importantes relatives à l’APAC.

Parfois, la cérémonie inclut des actions concrètes de valeur symbolique fort, telles qu’un

brasier fait d’engins de pêche déclarés interdits dans tout l’espace de l’APAC.

- Le cadre de gouvernance locale établi et reconnu par la communauté concernée est l’acteur

principal de l’APAC. Il se doit, d’autre part, de tisser et de maintenir des liens de confiance

et d’appui mutuel avec tout acteur intéressé à l’APAC, et en particulier les autorités

administratives locales et nationales et les usagers externes. Le cadre de gouvernance

assure donc sa disponibilité au dialogue et maintien actifs des canaux de communication

avec toute autre partie prenante. Il cherche ainsi à prévenir et à résoudre de façon positive

les conflits éventuels et à suivre le plus possible des critères agrées de bonne gouvernance–

en particulier l’équité dans le partage des coûts et des bénéfices de l’APAC.

33..33 CCoommmmuunniiccaattiioonn ssoocciiaallee eett pprroommoottiioonn - Le zonage, les règles de gestion, le règlement intérieur de l’organe de gouvernance, le

système agréé de gestion des conflits— en bref, tous les éléments qui caractérisent l’APAC

et la distinguent de l’environnement qui l’entoure— doivent être bien connus et

transparents pour toutes les parties prenantes concernées. Dans ce but, l’organe de

gouvernance de l’APAC est responsable de la mise en marche d’un système d’appui à la

visibilité (p.ex., panneaux-balise…) et à la communication sociale (p.ex., messages radio,

affichages) à propos de la gouvernance et la gestion de l’APAC. Idéalement, des

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programmes de radio et télévision sont diffusés et des posters illustrant les éléments clés

de l’APAC (nom, règles, zonage, buts) sont affichés dans les endroits fréquentés par les

parties prenantes concernées par l’APAC.

- Le système d’information de l’APAC doit bénéficier le plus possible des connaissances et des

capacités traditionnelles et locales ainsi que des ressources disponibles sur place. Il est aussi

important, d’autre part, que la visibilité de l’APAC soit confirmée par des éléments

relativement nouveaux, par exemple des « cartes d’usagers locaux » et des badges pour les

personnes en charge de la surveillance portant le nom et le symbole/ logo de l’APAC. Ce

nom et ce symbole/ logo sont fort utiles, spécialement quand ils ont été agréés par la

communauté elle même et reconnues par les autorités coutumières et modernes.

33..44 SSuurrvveeiillllaannccee eett iinniittiiaattiivveess ccoommpplléémmeennttaaiirreess àà llaa ggeessttiioonn - Aussitôt installé, l’organe de gouvernance de l’APAC met en opération le plan de gestion, et

en particulier le système de surveillance du respect des règles. Ce système est le plus

adapté possible au contexte local et taillé à la mesure des règles agréées (p.ex., « moyens

de conviction » traditionnels, modernes ou mixtes ? Surveillance par équipes spécifiques ou

surveillance capillaire par tous les usagers avec incitations économiques ?

Communication des infractions par téléphone portable ? Qui paye pour cela?). Les

sanctions pour le non respect des règles, l’arrestation et le jugement des contrevenants

récidivistes— convenues en détail avec les autorités locales coutumières et modernes–

entrent aussi en vigueur et sont mises en opération après l’entrée en opération officielle de

l’APAC.

- L’investissement de départ en matériel de surveillance doit être l’objet d’une réflexion

particulière. Si des moyens modernes sont attirants car ils sous entendent un certain

« confort » de surveillance, ils représentent des budgets conséquents pour les

communautés et peuvent devenir des pièges lorsqu’il s’agit de les entretenir (exemple des

bateaux et des moteurs souvent surdimensionnés, « offerts » par des partenaires sincères

mais finalement imprudents).

- Selon le plan de gestion et les ressources disponibles, l’organe pourra aussi mettre en

opération de nouvelles initiatives (p.ex., barrages, diversions d’eau, lutte contre des

espèces envahissantes, pisciculture, commercialisation des huitres) complémentaires à la

gestion de l’APAC. Ces initiatives pouvant coûter cher, des appuis extérieurs devront

probablement être recherchés et obtenus. Dans ces cas, l’organe principal de gouvernance

veille à ce que qu’ils ne se transforment pas en ingérence dans l’APAC, tel que mentionné au

point 1.2. Il peut, par exemple, attribuer à des comités particuliers l’exécution et le suivi de

ces initiatives. Cela diminue sa propre charge de travail et évite que des intérêts particuliers

s’entremêlent avec les décisions de gestion de l’APAC.

33..55 SSuuiivvii,, éévvaalluuaattiioonn eett aapppprreennttiissssaaggee ppaarr ll’’aaccttiioonn

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- Un protocole de suivi et d’évaluation des résultats de l’APAC doit être agréé en tant

qu’élément clé de son plan de gestion. Au delà de son nom prétentieux, il s’agit d’un simple

calendrier pour suivre et mettre à jour les valeurs des indicateurs déjà choisis et mesurés

pendant l’état des lieux écologique et socio-économique de l’espace de l’APAC et de sa

communauté de référence. Le premier travail de terrain pour le suivi peut devoir être

accompagné par une expertise externe, mais il est bien possible que cette expertise ne soit

pas nécessaire si l’état des lieux initial a été accompagné d’une formation des moniteurs

locaux. La mesure des indicateurs de suivi devra s’effectuer régulièrement, aux mêmes

endroits, aux mêmes moments de l’année et selon les mêmes procédures. La sobriété et la

simplicité de ce protocole sont les meilleures garanties de son utilité tout au long de la vie

de l’APAC.

- Des réunions des organes qui composent le cadre de gouvernance de l’APAC sont aussi

prévues et tenues à des dates spécifiées pour l’évaluation interne des donnés de suivi. Si

nécessaire, et avec l’information et le consentement de la communauté et l’avis de ses

partenaires, l’organe de gouvernance décide des modifications dans le plan de gestion

(p.ex., zonage, règles, initiatives spécifiques, système de surveillance) sur la base des

résultats identifiés. Toute modification est rapidement et efficacement communiquée à tous

les concernés.

- Si possible, l’organe de gouvernance facilite aussi des sessions d’évaluation externe, parfois

avec l’appui technique ou financier de ses partenaires. Dans ce cas des professionnels et/ou

des membres d’autres communautés sont invités à examiner et discuter les donnés de suivi

écologiques et socio-économique ainsi que les événements importants et les éventuels

problèmes rencontrées par l’APAC. L’organe de gouvernance de l’APAC reçoit les conseils et

les recommandations de l’évaluation externe et, les combinant avec ceux de l’évaluation

interne, prend les décisions nécessaires au progrès de l’APAC.

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AAppppuuii eexxtteerrnnee aauuxx AAiirreess dduu PPaattrriimmooiinnee

CCoommmmuunnaauuttaaiirree eenn eennvviirroonnnneemmeenntt mmaarriinn--

ccôôttiieerr

Bien que toutes les APACs ne puissent être classifiées comme « aires protégées », elles apportent cependant toutes– par définition— une contribution significative à la conservation de la biodiversité marine et côtière. C’est même seulement pour cette raison qu’elles méritent la reconnaissance et le soutien de la part des gouvernements nationaux et des organisations de conservation, en particulier dans les cas où les APACs sont menacées par des forces externes et lorsque leurs communautés se trouvent dans des situations de vulnérabilité particulière. La reconnaissance et l’appui à la conservation capillaire des APACs permettent aussi d’interconnecter les Aires Marines Protégées de l’Etat à travers des corridors, des refuges et des lieux protégés de reproduction d’espèces, multipliant ainsi leur cohérence et leur efficacité pour la conservation de la biodiversité marine et côtière. Beaucoup d’APACs sont entièrement basées sur des lois et des règles coutumières, sans intervention aucune des agences gouvernementales, et sans relation avec les politiques de conservation du pays. Dans certains cas, la communauté garde même en secret l’endroit exact, les limites et les ressources des sites conservés; dans d’autres cas, les APACs sont des arrangements informels, non reconnus officiellement. Cela n’empêche pas que de nombreuses APACs qui répondent à la définition mentionnée dans ce document soient reconnues par les gouvernements nationaux concernés en tant que Parcs Régionaux ou Parcs Nationaux, et même qu’elles soient reconnues par la communauté internationale en tant que Patrimoines Mondiaux de l’Humanité. Les gouvernements nationaux et les organisations de conservation qui désirent sincèrement apporter leur appui aux APACs doivent prendre en considération le fait que cet appui sera bénéfique s’il est discret et ponctuel… mais qu’il pourrait se révéler contreproductif dans d’autres cas. Par exemple, une APAC serait fragilisée si des ingérences de la part d’acteurs externes venaient à affaiblir l’organisation communautaire dans sa solidarité interne et dans ses liens identitaires avec l’espace conservé. Une APAC serait aussi fragilisée par un appui technique trop insistant, un appui financier trop important ou un appui de communication qui finit par englober et effacer l’initiative locale. Le secret de l’appui efficace à une APAC est le respect de la communauté concernée.

OObbjjeeccttiiffss pprrooppoossééss ppoouurr ll’’ aappppuuii aauuxx AAPPAACCss eenn eennvviirroonnnneemmeenntt

mmaarriinn ccôôttiieerr

1. Aider les communautés concernées à maintenir et renforcer leur identité culturelle et sociale (sens de soi, solidarité interne, cohésion, confiance mutuelle à l’intérieur de la communauté, orgueil des jeunes, etc.) par rapport à la gestion de leurs ressources naturelles.

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2. Aider les communautés à sécuriser leurs droits et responsabilités vis-à-vis des ressources naturelles en jeu, et à obtenir le soutien législatif et politique nécessaire aux APACs.

3. Renforcer les capacités des communautés en terme de gouvernance et de gestion des APACs (p.ex., par rapport à l’état des lieux initial, la communication sociale, le plan de gestion, la gestion financière, la surveillance, le suivi et l’évaluation des résultats), si nécessaire avec des appuis ponctuels externes.

Tous ces objectifs devraient être poursuivis (non pas un seul d’entre eux) et dans l’ordre , car l’identité culturelle et sociale donne tout son sens aux droits et aux responsabilités, et ce n’est que quand ceux-ci sont assurés que les capacités peuvent être employées de façon complète et efficace.

QQuueellqquueess iinniittiiaattiivveess ppoossssiibblleess -- PPrroommoouuvvooiirr ll’’aannaallyyssee ppaarr lleess ccoommmmuunnaauuttééss ddee lleeuurr pprroopprree hhiissttooiirree eett llaa mmiissee eenn

lluummiièèrree ddeess ddiimmeennssiioonnss ccuullttuurreelllleess ddee llaa ggoouuvveerrnnaannccee // ggeessttiioonn llooccaallee ddeess rreessssoouurrcceess

nnaattuurreelllleess

Les organisations de conservation peuvent appuyer les communautés susceptibles de mettre en marche ou revitaliser leurs APACs. Elles peuvent, par exemple, promouvoir l’analyse participative des connaissances locales, des pratiques de gestion efficaces, des

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institutions coutumières de gouvernance des ressources naturelles et des racines historiques et culturelles de ces institutions. Il est parfois possible d’aider une communauté à préparer un inventaire (ponctuel ou étendu sur une année) de la biodiversité et des ressources naturelles locales et de leurs types d’utilisation (par les hommes et par les femmes, par les sages et par les jeunes). Il est possible de passer en revue les lois coutumières locales qui ont évolué au cours du temps, et les règles, les pratiques et les valeurs qui ont contribué à l’utilisation durable des ressources. La discussion peut être entretenue sur les types de processus décisionnels, les mécanismes de gestion des conflits et des disputes, les institutions et les individus qui ont su apporter leur conseil ou jouer d’autres rôles spécifiques. On peut aussi évoquer les mémoires d’événements particuliers, les réponses communautaires à ces événements, ainsi que toute connaissance socio-anthropologique qui renforce la communauté, son sens d’elle même, sa solidarité interne et ses liens avec les espaces et les ressources naturelles. Ces exercices sont très importants quand ils sont menés avec les jeunes de la communauté, qui peuvent trouver dans la bonne gouvernance et la gestion des ressources naturelles des éléments d’orgueil et de découverte d’identité personnelle et sociale. -- EEnnggaaggeerr lleess aaîînnééss,, lleess ssaaggeess,, lleess iinnssttiittuuttiioonnss ccoouuttuummiièèrreess eett lleess ppaarrttiieess pprreennaanntteess eenn

ggéénnéérraall ddaannss lleess aannaallyysseess ddeess tteennddaanncceess ddeess rreessssoouurrcceess nnaattuurreelllleess

La gestion des ressources naturelles est une activité dynamique, qui doit tenir compte de plusieurs facteurs changeant avec le temps. En général, les tendances des ressources naturelles sont liées aux interactions entre les écosystèmes, le climat et les impacts des activités humaines. Les causes de proximité et les causes lointaines de ces tendances peuvent être examinées avec la communauté et les autres parties prenantes locales pour développer des réponses appropriées. Les gouvernements et les organisations de conservation peuvent inciter et faciliter ces processus à travers l’utilisation de méthodologies adéquates (p.ex., cartes participatives historiques, analyses des causes et des conséquences de phénomènes, analyses de tendances) qui mettent en jeu les aînés, les sages, et les institutions coutumières, femmes et hommes, trop souvent négligées par la modernité galopante. Le but évident de l’exercice est d’apprendre du passé pour ne pas devoir en revivre les problèmes. Aussi et surtout, il est de tirer des leçons pour une gouvernance plus efficace et équitable, et pour une gestion plus durable des ressources naturelles. L’exploration du changement climatique en cours et de toute expérience et capacité locale susceptible d’y porter des réponses adéquates peut se révéler particulièrement importante. Encore une fois, l’inclusion dans ces exercices des jeunes de la communauté est primordiale pour réveiller leurs idées, leurs capacités, leur orgueil de faire partie d’une communauté intelligente et engagée à déterminer son futur, plutôt qu’à en être spectatrice ou victime. -- AAiiddeerr lleess ccoommmmuunnaauuttééss àà vvéérriiffiieerr eett ssééccuurriisseerr lleeuurrss ddrrooiittss eett rreessppoonnssaabbiilliittééss vviiss--àà--vviiss

ddeess rreessssoouurrcceess nnaattuurreelllleess eett àà oobbtteenniirr llaa rreeccoonnnnaaiissssaannccee ffoorrmmeellllee ddee lleeuurrss AAPPAACCss..

L’analyse participative des pratiques de gestion et des cadres de gouvernance des ressources naturelles au sein des communautés locales implique l’analyse des droits coutumiers et légaux desquels elles découlent. Si des conflits sont présents entre ces différents droits, les partenaires en appui peuvent promouvoir la discussion, la compréhension et parfois la résolution de ces conflits de façon ponctuelle ou générale.

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Souvent, il s’agit avant tout d’appuyer la reconnaissance formelle des institutions locales et/ou des règles de gestion qu’elles ont développées. Dans certains cas les associations d’individus, telle que les coopératives locales, ne sont pas en mesure de représenter la communauté et il peut être nécessaire d’appuyer l’obtention d’une personnalité juridique par la communauté dans son entièreté pour qu’elle puisse assumer ses droits et ses responsabilités collectives. Dans d’autres cas il s’agit de reconnaître (légalement et pourquoi pas financièrement) les contributions d’une APAC aux systèmes nationaux d’aires protégées. Dans d’autres cas encore, il s’agit de consolider des APACs existantes en préservant le plus possible leur indépendance et leur identité. La reconnaissance d’une APAC, en effet, implique plusieurs niveaux : - reconnaissance de son existence ; - reconnaissance de son histoire ; - reconnaissance de ses liens avec la communauté concernée ; - reconnaissance de cette communauté en tant qu’entité juridique et morale ; - reconnaissance des droits et des responsabilités de cette communauté à

gouverner/gérer l’APAC selon ses propres institutions ; - reconnaissance des contributions de l’APAC à la conservation de la biodiversité et

des ressources naturelles du pays ; - reconnaissance des contributions de l’APAC au développement humain de la

communauté concernée (bénéfices socio-économiques, maintien de diverses valeurs et de la paix sociale, etc.).

-- RReennffoorrcceerr lleess ccaappaacciittééss tteecchhnniiqquueess ddeess ccoommmmuunnaauuttééss eennvveerrss ttoouutt ccee qquuii ccoonncceerrnnee llaa

ggeessttiioonn dduurraabbllee ddeess AAPPAACCss eett ll’’iinntteerraaccttiioonn aavveecc llaa ssoocciiééttéé eexxtteerrnnee eett lleess nnoouuvveelllleess

tteecchhnnoollooggiieess..

Le besoin de renforcement des capacités des membres des communautés locales vis-à-vis de leurs APACs se retrouve surtout dans les questions tournées vers l’interaction avec la société externe, telles que les relations avec des experts— auxquels il faut « prouver » que la gestion communautaire est efficace, l’interaction avec le marché d’exportation (pour le maintenir en équilibre avec l’utilisation durable des ressources), l’utilisation des nouvelles technologies, la compréhension des impacts des nouvelles initiatives, etc. Ce qui est crucial, en tout cas, est que ces contributions soient fournies sur demande de la communauté et sur la base d’une bonne compréhension de la situation locale et de la confiance mutuelle. Parmi les capacités spécifiques que des agences externes peuvent vouloir appuyer dans la communauté concernée, se trouvent : - la capacité d’évaluer les valeurs bioécologiques de l’APAC (p.ex., inventaires de

faune et flore), en particulier pour l’état des lieux de départ et le protocole de suivi évaluation (à ce propos il est bien d’approfondir les relations entre les espèces au sein des écosystèmes. Par exemple, les pêcheurs comprennent assez bien les relations trophiques entre poissons, et le fait que la disparition d’une espèce peut engendrer la disparition ou la multiplication d’une autre… on peut donc dépasser les inventaires purs et durs, et se confronter à la complexité des systèmes) ;

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- la capacité de cartographier l’AMP et analyser les tendances d’évolution des ressources naturelles de façon saisonnière et à travers les années (p.ex., présence et abondance relative des poissons, salinité de l’eau) ;

- la capacité d’évaluer l’état socio-économique de la communauté, en particulier pour l’état des lieux de départ et le protocole de suivi évaluation ;

- la capacité d’articuler des objectifs de conservation et de développement humain ; - la capacité de développer un plan incluant les éléments nécessaires à la gestion

durable de la biodiversité et des ressources naturelles, aussi en considération des forces externes en jeu (climat, altérations écologiques, influences du marché…) ;

- la capacité de développer des pratiques actives de gestion (p.ex., restauration des habitats, lutte contre les espèces invasives, surveillance, communication sociale efficace) ;

- la capacité de comprendre et prévenir les impacts écologiques et sociaux des nouvelles initiatives de développement (p.ex., exploration et exploitation d’hydrocarbures off-shore) ;

- la capacité de gérer les finances relatives à l’APAC ; - la capacité d’utiliser de nouvelles technologies (p.ex., ordinateurs, appareil photo

électroniques, GPSs) ; - la capacité d’analyser et évaluer les données du suivi ; - la capacité de communiquer sur son action, ses objectifs et ses résultats. -- PPrroommoouuvvooiirr llaa bboonnnnee ggoouuvveerrnnaannccee ddeess AAPPAACCss

Les APACs sont généralement mieux équipées que les aires protégées situées sous d’autres types de gouvernance à satisfaire certains des critères de bonne gouvernance tels que « voix et légitimité », « subsidiarité », « transparence », « imputabilité » et « vision ». Le concept de bonne gouvernance, d’autre part, est fort complexe et il implique la responsabilité dans la prise de décision, l’équité dans le partage des coûts et des bénéfices de la gestion, l’efficacité des performances… jusqu’au respect des droits humains dans toute leur complexité. Les gouvernements et les organisations de conservation en appui aux APACs peuvent promouvoir des exercices d’évaluation participative des organes, des pratiques et des mécanismes de gouvernance des APACs, dans lesquels la communauté même identifie les éléments positifs à appuyer et les problèmes à résoudre. Ils peuvent promouvoir des campagnes d’information sur les droits humains et l’équité sociale (par exemple par rapport aux droits des minorités et des femmes) et des initiatives adaptées, respectueuses de l’identité socioculturelle locale. Ils peuvent, dans tout les cas, engager leur autorité et leurs ressources pour aider la communauté à faire respecter les règles de l’APAC par tout le monde, et en particulier par les acteurs locaux ayant de forts intérêts opposés aux pratiques de conservation. -- IImmpplliiqquueerr lleess ccoommmmuunnaauuttééss ddaannss llee ddéévveellooppppeemmeenntt ddeess ppoolliittiiqquueess ddee ccoonnsseerrvvaattiioonn àà

ll’’éécchheellllee llooccaallee,, nnaattiioonnaallee eett iinntteerrnnaattiioonnaallee

Les organisations de conservation peuvent appuyer et promouvoir l’implication des communautés locales dans l’élaboration et la mise en œuvre des politiques de

Page 47: Engager les peuples autochtones et les communautés locales

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développement et de conservation à différents niveaux administratifs et à différentes échelles géographiques. Une façon de réaliser cela est l’appui à la participation des représentants des communautés aux forums nationaux, régionaux et internationaux dédiés à la gestion des ressources naturelles et à la conservation de la biodiversité. Grâce à leur représentation directe, les communautés peuvent plaidoyer et négocier pour la décentralisation administrative, la reconnaissance des APACs, et pour de meilleurs politiques de développement et de conservation en milieu terrestre et marin (accords nationaux de pêche, accords d’exploration et d’exploitation de ressources naturelles telles que l’eau, le bois, les mangroves, les hydrocarbures, etc.).