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Enjeux de la sécurité en Europe E NJEUX DE LA SECURITE EUROPEENNE Dernière sauvegarde : vendredi 29 janvier 2010 Notes du cours de M. BONELLI

Enjeux de la sécurité en Europe - Cours 2009/2010

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Enjeux de la sécurité en Europe

E N J E U X D E L A S E C U R I T E E U R O P E E N N E Dernière sauvegarde : vendredi 29 janvier 2010

Notes du cours de M. BONELLI

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Enjeux de la sécurité européenne 2009 - 2010  

Chapitre I · La Genèse d’un Espace commun de sécurité en Europe 2  

Informations pratiques

� Fond

Ø Ce ne sont que des notes de cours, se voulant retranscrire le cours de la manière plus fidèle possible. A l’impossible nul n’est tenu. Des fautes, coquilles, inexactitudes peuvent exister. Elles ne sauraient engager ni le professeur ni même moi, à la rigueur toi, honorable lecteur, qui aura pris le risque de te reporter sur le travail d’autrui pour combler tes lacunes, peu importe leur origine.

Ø Ce ne sont que des notes de cours, gratuites. Elles ne doivent en aucun cas être vendues, revendues, bref monnayées d’une quelconque façon.

Ø Ce ne sont que des notes de cours, perfectibles. La critique est donc toujours la bienvenue, si tant est qu’elle soit constructive.

� Forme

Ø C’est pour des raisons de compatibilité, et d’affichage uniforme, que le fichier est en PDF.

Ø Par conséquent, et c’est ballo, d’une part, les niveaux de texte (partie, sous-partie, titre et compagnie) ne sont pas utilisables dans la version PDF. Il faudra donc le faire soi-même comme un grand si le besoin s’en ressent. D’autre part, les liens hypertextes ne sont pas disponibles dans la version PDF, et il en est de même pour les notes de bas de page.

� Annotations

Ø Un (x) signifie qu’un morceau manque à l’appel. Un –x–, --x– ou –x-- signifie que le morceau qui manque à l’appel est plus gros, probablement un cours en moins.

Ø Un (≈⋲) signifie que le morceau est à prendre avec des pincettes car éventuellement avarié. C’est pareil lorsque le texte est écrit en rouge.

Ø Un (!) signifie quant à lui une information d’une importance toute particulière, genre actualité, allusion suspecte au partiel…

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2009 - 2010 Enjeux de la sécurité européenne  

3 Chapitre I · La Genèse d’un Espace commun de sécurité en Europe  

Introduction

La sécurité en Europe occupe une part croissante. Elle fait partie de l’actualité, excite les médias et politiques. Immigration, terrorisme, criminalité organisée sont ainsi débattus au niveau européen. L’Europe de la défense est rejetée dans le fossé pour les bienfaits de l’exposé. L’élaboration progressive dans le temps d’un espace – JLS (Justices libertés et sécurité), ex-JAI – est ici traitée, au travers des traités, tels ceux d’Amsterdam, Maastricht, ou encore de la convention de Schengen, au travers des institutions, genre EUROPOL, EUROJUST, etc. On va s’intéresser au processus de formation. Bref comment cet espace s’est construit en Europe. La suppression des frontières est ainsi une étape importante. La Chute du Mur de Berlin également. Ces étapes n’ont été le fruit que de luttes incessantes entre personnes, bureaux, délégations, pouvoirs, idéologies, qu’entend traiter ce cours. Mais pas seulement, leurs conséquences au niveau des États, et de leurs institutions également.

ê Genèse d’un Espace

Ø Des réseaux policiers

Ø Les entraves à la coopération judiciaire

Ø Les accords de Schengen et l’instauration de la libre circulation

ê Institutionnalisation du JAI, futur JLS

Ø Le Traité de Maastricht et la création du JAI

Ø Le Traité d’Amsterdam

Ø L’impact du 11 septembre 2001

à Sécurisation des transports

à Lutte contre les trafics financiers, de ses sources aux applications

ê Les trajectoires de l’anti-terrorisme

Ø Au niveau de la France (1986, 1995, 2007…)

Ø Au niveau de la Grande-Bretagne (supprimé par manque de temps)

Ø Au niveau de l’Espagne

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Chapitre I · La Genèse d’un Espace commun de sécurité en Europe 4  

Chapitre I La Genèse d’un Espace commun de sécurité en Europe

Section 1 Des réseaux policiers

Dès la fin du XIXème s’instaure un embryon de coopération policière pour lutter contre les… anarchistes.

Paragraphe 1er Mais que fait la Police ?

Peu d’institutions sont autant chargées d’une représentation faussée. Cinéma, télévision, littérature en sont autant d’exemples. Oui parce que la Police n’est pas qu’un… divertissement. Elle est chargée en sens politique, à la fois par ceux qui voient en elle un rempart contre la criminalité, la violence politique et autres comportements déviants. Mais elle reste un appareil d’État, un appareil au service de ceux qui possèdent un pouvoir.

Lutte contre la criminalité et question de l’usage de la force par la Police ont été au centre des préoccupations.

On se rappellera de WEBER, qui définit l’État comme un groupement de nominations qui, sur un espace déterminé, prétend au monopole de la violence physique légitime. Monopole de la violence symbolique et monopole fiscal entrent également en jeu. Mais prétendre à… n’est pas avoir. Oui, l’État prélève l’impôt, mais l’impôt ne va pas sans la fraude, fraude qui est une forme de résistance à l’impôt. Oui certains États inspirent au monopole de la violence légitime, mais certains États voient des milices privées +/- clandestines le contester. On se souviendra par exemple de la Colombie, du Liban, de la Palestine. La Violence, graduée, proportionnée, immédiate, etc. (6 critères), peut s’appliquer par la légitime défense, forme parallèle d’usage de la violence légitime, non utilisée par l’État, mais encadrée par lui.

Police, Armée, sont des vecteurs d’application de ce monopole de la violence légitime. Mais aussi médecins, gardiens de prison sont des… contestations de ce monopole.

La police est en tout cas réputée lutter contre le crime. L’essentiel du travail de la police n’est pas la traque du criminel, c’est de l’intervention… sociale. 90% du travail du « 17 » vise des problèmes sociaux et non pénaux.

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5 Chapitre I · La Genèse d’un Espace commun de sécurité en Europe  

A · L’émergence historique de la Police

Elle est historiquement liée à la ville, ce dès le Moyen-Âge. A ce moment, l'activité policière est résumée par Paulo NAPOLI1 : « C’est dans les villes qu’on été façonnées les techniques par lesquelles les autorités publiques cherchent à maîtriser un territoire, à contrôler ses habitants et à organiser les rapports qu’ils entretiennent entre eux ». En Effet, à cette période augmente fortement l'activité économique, source de nouveaux problèmes, en approvisionnement par exemple, mais aussi en circulation, des personnes comme des marchandises. Le domaine sanitaire également. Ah… HAUSSMAN, POUBELLE, tout ça. La ville rend à cette époque libre. Un cerf qui s’échappe de son village, devient libre quand il atteint la ville – s’il y parvient. Le contrôle social s’efface dans la ville, mais persiste fortement en campagne, dans les villages où tout le monde se connaît. Il en résulte donc des problèmes nouveaux, ce à quoi la police va être une réponse. Mendiants et compagnie n’ont qu’a bien se tenir.

Sous l’Ancien Régime, sous l’influence des mercantilistes, la croissance et le bon état de la population sont la principale richesse du Royaume. Le terme de Police devient l’ensemble des moyens permettant d’assurer la croissance des moyens de l’État, tout en assurant un ordre. Une bureaucratie policière naît. Différemment selon les pays. Elle y est ainsi plus ou moins centralisée. En France, la Police est nationale. Dans d’autres pays, Police fédérale, locales, etc. existent. Mais finalement, on dégage deux modèles de Police à la base des structures actuelles européennes. On a une haute, et une basse police.

B · Les métiers de la police

Il y a deux modèles importants qui vont structurer la question de la formation de la police, l’un inventé en Grande-Bretagne par Sir Robert PEEL, qui réorganise en 1829 les forces de police de Londres et qui crée une figure policière nouvelle : le bobby anglais. Une police qui est urbaine, à pieds.

Le deuxième modèle est celui qui est fait par D’ARGENSON et De SARTINE, lieutenants généraux de police du Royaume de Louis XIV. Leur modèle instaure en 1667 une lieutenance de police. Celui qui va être la figure de cette police est FOUCHÉ. C’est le modèle de haute police c’est à dire la surveillance policière des activités politiques. Par défaut, l’autre (bobby), c’est la basse police, une police ordinaire luttant contre le crime de droit commun et le désordre. Ces deux modèles vont circuler un peu partout : sur le continent, la plupart des débats porteront sur la question du bobby. Cette dichotomie a le mérite de faire éclater l’illusion de l’unité policière. Ce contraste entre une haute police et une basse police permet encore d’illustrer les tensions qui existent entre d’une part la police comme instrument de gouvernement capable de connaître et de prévoir, et la police comme organisation à même de répondre immédiatement aux événements imprévisibles de la vie en société. Ce qui est intéressant, c’est que ces tensions vont complètement structurer les forces de police contemporaines. La construction de bureaucraties spécialisées en matière de police va être très largement marquée par cet antagonisme.

Quand on regarde les missions de la police nationale française, on peut schématiquement considérer que les missions policières se déclinent en 3 axes.

Ø Protéger l’ordre politique contre les manifestations violentes, contre les actions des groupes séparatistes, clandestins, subversifs. Ce en s’assurant bien que les acteurs qui y participent, le fassent bien. Ce qui implique une certaine importance des services de renseignement.

1 Auteur de La naissance de la Police moderne

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Chapitre I · La Genèse d’un Espace commun de sécurité en Europe 6  

Ø La lutte contre la criminalité, en ciblant les individus, les groupes, ou les réseaux délinquants. La lutte contre le grand banditisme, la lutte contre le proxénétisme, contre le trafic de drogue, d’êtres humains, et compagnie.

Ø Assurer la sécurité et la tranquillité publique, bref mener la vie dure à la petite délinquance, de proximité, ou encore la lutte contre le menu fretin des délits, mais encore assurer la circulation dans les espaces publics, etc.

A ces 3 grands types de mission auxquels correspondent des formes d’autorité différentes. Ce ne sont pas forcément les mêmes autorités qui s’intéressent à chacune de ces missions. ➀ Gouvernement, préfet et autres représentations de l’autorité du pouvoir en place sont plus susceptibles de s’intéresser à la première. ➁ L’autorité judiciaire apparaît l’interlocuteur principal dans la lutte contre la grande criminalité. ➂ La sécurité publique voit les élus locaux s’y intéresser tout particulièrement. Il faut remonter à 1941 et au Gouvernement de Vichy pour voir les polices, locales, municipales être nationalisées. C’est d’ailleurs cette année que la Police Nationale apparaît. Jusqu’ici, et particulièrement sous la IIIème, les policiers étaient recrutés par les municipalités, le commissaire étant tout de même nommé par l’État. Pour Paris, il faut même attendre 1966. Outre les élus locaux, les services populaires, les services municipaux n’y sont pas étrangers.

Concernant l’ordre politique, la haute police a pour champ d’action la Nation. Concernant la lutte contre la grande criminalité, on intervient là sur des réseaux, transnationaux, transfrontaliers, translocaux, sans lien nécessaire avec le territoire. Enfin, concernant la sécurité publique, bah là, on tombe dans le local, voire le micro local. La territorialité dispose à nouveau d’une importance conséquente.

En France, dès 1855, une police politique nationale, la police des chemins de fer, l’ancêtre des RG apparaît. Aux Usa, le FBI est aussi une police politique nationale. Quant à la Police judiciaire, les Us marshals sont un exemple de compétence sur l’ensemble du territoire, qui remonte à 1907. Petit détail, au départ, leur fonction était de chopper les esclaves.

Le contrôle des désordres collectifs, bref le maintien de l’ordre, diffère plus selon les pays. La question de la violence collective a et préoccupe encore les gouvernements. Le boxon, c’est le mal. Mais comment les réduire alors même qu’ils peuvent engendrer des mouvements incontrôlés ou presque, genre la Révolution. Les réponses apportées ont été premièrement et avant tout l’armée. Dans un grand nombre de pays, l’armée s’en occupe même toujours. C’est plus simple. Historiquement, le monopole de la violence par l’État revenait à l’armée. Bon mais à un moment a lieu une différenciation entre citoyen de l’État et ceux qui n’en sont pas. Il devient ainsi trop couteux d’employer l’armée pour réprimer des troubles collectifs. Envoyer des chars mâter des étudiants, ça fait un peu cher, politiquement du moins. Sauf peut-être en Chine. Oups. On va préférer des formes plus pacifiées. Les Gouvernements républicains vont faire voter d’un côté des textes assez libertaires, genre liberté d’association, liberté politique, impliquant de l’autre côté qu’ils ne puissent que difficilement taper sur ceux qui ont voté leurs textes. Bon lors de l’épisode la Commune, ça ne les a pas empêchés d’envoyer la troupe casser du communard. Le Charivari est une forme ancienne de manifestation. La manifestation au sens actuel ne remonte qu’à 1907, date à laquelle elle est légalisée. Dans un genre un peu plus massif, le seul exemple, jusque 1907, il n’y avait que les enterrements, qui s’achèvent de temps en temps en jetés de pierres tombales, car c’est l’occasion de faire des discours politiques, entrainant logiquement l’intervention de la Police. Charles TILLY, historien américain qui a travaillé sur la genèse de l’État en Europe, définit le répertoire d’action collective. C’est la manière que vont prendre des acteurs pour se manifester collectivement. Ces répertoires varient selon les groupes sociaux. Ces répertoires d’action sont encore construits historiquement. On passe ainsi de l’enterrement à la manifestation… banalisée avec service d’ordre, déclaration préalable et surveillée de près ou de loin par la Police. Pour TILLY, les répertoires d’action doivent être à la fois familiers et légitimes pour les acteurs.

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2009 - 2010 Enjeux de la sécurité européenne  

7 Chapitre I · La Genèse d’un Espace commun de sécurité en Europe  

En France, le corps des gendarmes mobiles, dès 1921 naît, avec pour but de maintenir l’ordre sans liquider l’opposant, avec un savoir-faire propre. Le gourdin, c’est tout un Art. Ces unités spécialisées n’existent pas partout si bien que l’armée ou équivalent peut intervenir plus facilement ailleurs. Ainsi aux Usa ou en Royaume-Uni, la garde nationale et l’armée sont rapidement employés. Au Kosovo, cela a poussé militaires et policiers à se marcher sur les pieds à couteaux tirés.

Missions

Protection de l’ordre politique

Lutte contre la criminalité

Tranquillité publique

Autorités de références

Gouvernement

Autorité judiciaire

Autorité locale, Public

Terrain d’action

Nation

Réseaux

Local, Micro local…

Forces

Services de Renseignement, CRS, EGM et Cie. Police criminelle, genre PJ, BKA…

Police locale

C · Autonomies, luttes et hiérarchies policières

Il existe en effet de multiples recoupements, empiètements de territoires, généralement connus publiquement sous le terme de… guerres des polices.

Il faut s’intéresser aux propres conceptions qu’ont les policiers eux-mêmes de leur métier, et de la matière de l’assurer.

Pendant longtemps, l’action publique, la politique publique, était l’application de décisions gouvernementales. On l’appelait action top / down. On décide en haut, et ça descend, pour être appliqué sans broncher. Cette approche a fait l’objet de critiques et dès le milieu des années 1990, en France par exemple, un renouveau des études sur l’action publique opère. Oui car en réalité, ça ne se passe pas trop comme ça. L’action publique est traversée par toute une série de médiations avant son application effective. Il importe de s’intéresser aux acteurs de premier plan, les bureaucrates, les agents publics en charge de l’action publique, les streets level bureaucrats, dixit LIPSKY. Vincent DUBOIS l’a introduit en France avec par exemple l’État au guichet.

➊ Un policier sur la voie publique est en effet confronté par définition à des situations relevant de l’imprévisible.

➋ Le policier est là pour faire appliquer la Loi. Mais la multiplicité des règles et règlements l’obligerait à verbaliser ad vitam æternam. D’un point de vue pratique, il évalue plutôt en permanence de la gravité d’une infraction au regard du Code pénal et de sa propre hiérarchie des normes et valeurs. Bon alors en principe, un crime de sang, il ne le laissera pas passer. Le port du casque obligatoire, bah ça dépend. D. MONJARDET, sociologue français, s’y est intéressé. Il évoquait une inversion hiérarchique. « évoquait », car il (en ?) est mort. L’autonomie de l’agent augmente au fur et à mesure que l’on descend dans la hiérarchie. Plus on descend, plus l’agent est autonome. De la même manière, les agents d’un service de renseignement ont une immense latitude dans la collecte

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Chapitre I · La Genèse d’un Espace commun de sécurité en Europe 8  

d’informations, quel type, sur qui, pour qui, etc. On se souviendra de l’épisode de Poitiers (X/2009) avec le mouvement anticarcéral et surtout anarcho-autonome.

Cette puissante autonomie judiciaire – la police est l’un des corps de métier les plus syndiqués en France – invalide l’idée d’une Police instrument docile au service des gouvernants. De là à dire qu’il s’agit d’un État dans l’État, ce serait lui prêter une cohérence, une cohésion, qu’elle est un tout petit peu loin de posséder. On s’aperçoit, qu’au regard des carrières, par exemple celles des commissaires de police, que ceux qui viennent des RG pour aller dans l’ordre judiciaire représentent une proportion de 3%. La probabilité de passer de la PJ vers la sécurité publique est plus importante. Moralité, tout dépend de la socialisation professionnelle. C’est en phase avec une grande partie des travaux sur la Police. Ce n’est pas à l’école de Police qu’un policier apprend son métier, mais dans des services actifs, où une socialisation est effectuée, différemment car aux côtés de leurs camarades de jeu, selon des objectifs distincts mais pas forcément imperméables. Un membre des RG s’intéressera plus aux atteintes aux symboles de la République quant un membre de l’OJ ciblera plus les atteintes graves aux êtres humains, genre les homicides. La Police criminelle a pour lignes directrices le Code pénal, les logiques d’administration de la preuve, bref in fine le procès pénal. La logique est juridique, judiciaire. La logique des RG, c’est plus souvent une logique politique. Il en résulte une opposition de logiques.

Ces formes d’autorité sont en compétition, de manière permanente, pour définir un certain modèle d’excellence, histoire d’obtenir une certaine reconnaissance, donc des moyens certains. Il y a une tension assez instable entre les différentes entités qui forment l’espace policier, évoluant au gré de l’actualité.

Paragraphe 2e Grandeur & décadence d’INTERPOL

A · Genèse de la coopération policière

Les débuts de la coopération policière remontent à la deuxième moitié du XIXème siècle. Les raisons en sont simples. La collaboration entre les institutions policières va de concert avec la naissance de ces mêmes institutions dans leur sens moderne. Dans l’ouvrage Police en réseaux – l’expérience européenne, son auteur, Didier BIGO, étudie la genèse de cette collaboration. Les policiers ont très tôt collaboré, ont tout au moins eu des contacts pour échanger des informations contre les… ennemis communs du moment, les vagabonds, les criminels, les migrants, les manants etc. Surtout qu’au milieu du XIXème, les flux de population étaient encore contrôlables. Fréquemment, on situe le début de la coopération policière à une conférence, secrète à l’époque, et tenue à Rome en 1898. Les ministres de l’intérieur de l’époque de différents pays européens se réunissent pour prendre des mesures communes contre les anarchistes. En réalité, la coopération existe depuis plus longtemps, et c’est précisément parce que les policiers partagent, au-delà de leurs nationalités différentes, une même représentation de leur métier. A la différence des militaires. Entre policiers, la question de la coopération policière, la poursuite d’un objectif commun transcende les barrières de la souveraineté, toutes limites tenues. Le crime, les délits et compagnie sont cet objectif commun. Très souvent, cette coopération se fait en raison des faiblesses gouvernementales. La coopération informelle policière prévient ce qui est ensuite institutionnalisé. C’est particulièrement le cas pendant les années 70 et 80.

Commence ensuite à prendre forme la volonté d’institutionnaliser cette coopération. Ça commence au début du XXème siècle, et en 1914, juste avant la Première Guerre Mondiale, se retrouvent à Monaco des policiers de 17 pays, droit 12 européens, qui proposent de créer une institution internationale de Police, ayant un registre commun des

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criminels… importants recherchés, une standardisation des procédures d’extradition, mais encore une langue commune, l’esperanto2. Le seul problème, c’est qu’une collaboration informelle fonctionne souvent bien et généralement mieux qu’une collaboration institutionnalisée teintée d’enjeux politiques. Si bien que les policiers sont presque naturellement amenés à développer autre chose pour se défaire d’une centralisation gouvernementale.

B · La création d’INTERPOL et de ses catégories

SCHOBER, autrichien, prend la tête d’un mouvement souhaité et crée de manière informelle en 1923 l’ancêtre d’INTERPOL, la CIPC (commission internationale de police criminelle). Elle établit son siège à Vienne, adopte une langue plus mieux, le français, exit l’esperanto, et centralise un certain nombre de renseignements sur les criminels, et sur les groupes révolutionnaires. Vienne a hérité de toutes les archives des restes de l’Empire austro-hongrois. On y fait figurer notamment la religion, et l’origine ethnique. Alors forcément, en 1938, avec l’Anschluss, un joyeux luron prend la tête du CIPC, HEYDRICH, camarade de jeu d’HIMMLER. Heydrich dirige la SS en Europe centrale. On l’appelle même le… boucher de Prague3. Le fichier du CIPC sert alors exclusivement à chopper tout ce qui n’avait pas pu être raflé. La CIPC aurait pu prendre l’eau après la Deuxième Guerre Mondiale. Que nenni, la CIPC devient OIPC (Organisation internationale de police criminelle), en 1956. OIPC aka aujourd'hui INTERPOL. On va nommer à sa tête un Français, commissaire de Police et résistant, ce qui permet d’absoudre le passé peu glorieux de la CIPC. Histoire de s’en assurer, les statuts de la CIPC vont être transformés pour que soit interdit à l’organisation d’intervenir sur toute affaire présentant un caractère politique, religieux, ou racial. On cherche à éviter les… légères déviances sous la direction d’HEYDRICH.

Enfin sans arriver à se débarrasser de ses vieux démons puisque, au cours des années 1960, un ancien SS arrivera quand même à la tête de l’INTERPOL… Bizarrement, la Guerre froide a peu d’effets. Justement parce qu’elle nie le politique. C’est probablement ce qui la sauve. Reste à lui trouver un statut légal. S’en suivent une brochette de traités, et elle obtient finalement le statut d’organisation internationale reconnue par l’ONU, sans être financée par de l’intergouvernemental, dépendant donc de subventions versées par des États. La France y accueille son siège à Lyon. Argent, nerf de la guerre, mais mère de tous les vices, c’est le risque de subir des pressions. EUROPOL cherchera à éviter cette précarité institutionnelle. Malgré ces difficultés, l’organisation croît dans les années 1960. Tant est si bien que, durant les années 1990, 300 polices se retrouvent dans INTERPOL, pour près de 176 pays membres. 290 personnes dont 95 policiers officiers de liaison avec leur pays. INTERPOL institutionnalise l’importance de collaborer. L’image qui est donnée de l’organisation est très professionnelle, très technique, mais volontairement dépolitisée. Bon ça n’empêche pas les conflits internes.

C · Faiblesses et marginalisations d’INTERPOL

La coopération des polices est avant tout politique, et c’est là que ça se corse. Les acteurs majeurs d’INTERPOL deviennent à partir des années 1970 et 1980, les USA, mais aussi des pays issus de la décolonisation, ou encore le Chili sauce Pinochet, les Philippines à

2 L’esperanto, c’est le doux rêve d’avoir un langage commun, mixé entre l’italien, le portugais, espagnol, et le français. 3 C’est notamment lui qui préside la Conférence de Wannsee, qui a un rôle déterminant et déterminé dans la Shoah, l’organisation des Einsatzgruppen, mais encore lors de la nuit des longs couteaux et plus généralement dans l’organisation de l’appareil répressif nazi.

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Chapitre I · La Genèse d’un Espace commun de sécurité en Europe 10  

la manière Marcos, ou même la Lybie à la mode Kadhafi. Finalement, ce qui marchait relativement bien avec peu de monde, tourne beaucoup moins bien avec tout ça.

Les USA vont notamment prendre un rôle leader sur la question de la drogue. On va commencer à leur reprocher de mener une politique deux poids deux mesures dans la lutte contre les stupéfiants. La pseudo guerre totale à la drogue à l’Amérique latine dans les années 1980 ne trouve certainement pas le même écho en Afghanistan ou au Pakistan. Les alliances géo-politico-boito-maso-stratégiques plus ou moins éphémères n’y sont pas étrangères. Il en résulte des oppositions à l’intérieur même d’INTERPOL. Beaucoup de policiers refusent de collaborer avec des polices considérées comme complices des trafics. Une idée originale apparaît, faire plusieurs étages dans INTERPOL. En gros les bons qui ont un coupe-file et les pas bons, les autres quoi.

Outre la drogue, la lutte contre le terrorisme prend une certaine ampleur. Et le terrorisme, c’est plus politique, c’est de la violence politique. Dans les années 1970, des mouvements de violence radicale, en Allemagne (genre RAF), en Italie (les années de plomb, genre brigades rouges), en France (Action Directe, version édulcorée de la RAF), L’Espagne (ETA, et compagnie), en Royaume-Uni (IRA, INLA, etc…). Ahhhh… L’Europe a le couteau entre les dents. Problème, INTERPOL ne touche pas au politique. Certains envisagent alors de changer les statuts. Tout un tas de pays issus de la décolonisation n’oublient pas qu’ils étaient concernés comme des terroristes quelques années plutôt. Ils résistent à cette conversion des statuts. Alors là, on sort la baguette magique, et le terrorisme relève maintenant du criminel. Il faut attendre 1984, pour voir INTERPOL prendre en compte les actions criminelles faites sur une base politique. Finalement, la coopération policière retombe dans l’informel. INTERPOL perd beaucoup de valeur. Les coopérations policières informelles n’incluent donc ni les Usa, ni les anciens colonisés, et pondent par exemple un groupe T.R.E.VI. (Terrorisme, radicalisation, extrémisme et violence intérieure, acronyme apparu postérieurement car le groupe avait été fait en face de la fontaine de Trêve).

Ces groupes sont le terreau des enjeux de la sécurité en Europe.

Paragraphe 3e Les clubs policiers des années 70 et 80

A · Fonctionnement

A partir des années 70, des structures plus restreintes apparaissent, sous la forme de « clubs », de groupes informels qui rassemblent essentiellement des policiers appartenant aux pays européens, exclusion faite donc des américains, de tous les anciens pays colonisés voire des pays producteurs de drogue. Ces clubs sont absents de l’historiographie de la police. Ces clubs sont le socle dur et durable de l’Europe de la sécurité. Tout le processus d’institutionnalisation viendra directement de ces structures informelles. C’est une réaction à la mondialisation inefficace d’INTERPOL d’une part et volonté de clôture du jeu de la part des européens.

La toile de fond du développement de ces structures est dépeinte par une série de transformations sociales qui ont lieu en Europe alors aux mains avec la question de la violence politique. La quasi-totalité des pays européens sont confrontés aux mêmes problèmes : la montée de l’extrême gauche liée à l’après 68. D. DELLA PORTA fait ainsi du passage à l’action violente la continuité de l’action collective à d’autres moyens. Alors que refluent les mouvements éphémères de type étudiant, une minorité se radicalise. Italie, Allemagne, France dans une moindre mesure. La source de ces radicalisations, c’est la théorie du fil rouge, bref back to the URSS. Toutes les questions de violence sont alimentées

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par le rouge, assoiffé de sang, le couteau entre les dents, bref le communiste. Bon enfin, c’est ce que l’on pense grosso modo à l’époque. La mode est à la tension… à la guerre indirecte. Si bien que les hommes politiques vont être de plus en plus enclins à une coopération policière, un espace judiciaire européen, pour moins choquer. Une nouvelle strate s’intercale entre les hommes politiques et les policiers de terrain. Ce niveau intermédiaire va développer des structures informelles en structures… institutionnalisées. Des accords bilatéraux sont passés entre les États en ce qui concerne la coopération policière. Transfert de données, contrôle de frontières, intervention au-delà des frontières… des policiers se déplacent maintenant à l’étranger, invités à suivre des stages, à se former aux techniques des autres polices. Plus tard, cette coopération va passer par des officiers de liaison, et des magistrats de liaison. Commencent à se nouer des relations de confiance, d’amitié, qui vont transformer ces policiers comme des points d’entrée dans les bureaucraties policières jusqu’alors hermétiques à la collaboration.

Ces groupes internationaux travaillent leurs affinités professionnelles. Policiers entre policiers, militaires entre militaires, douaniers entre douaniers… etc. Ce n’est qu’à partir d’une institutionnalisation certaine que les interconnexions apparaissent. Merci Schengen. Ces groupes, clubs, sont d’obédience anglo-saxonne. Royaume-Uni, Allemagne et France en sont les principaux instigateurs. Ils vont collaborer d’abord sur des cas précis. Ces groupes sont des lieux de convergence, d’échange d’idées consensuelles. Ce sont des lieux communs – dans leur premier sens – où s’élaborent des lieux communs – là dans leur secon sens, à prendre en tant que manières partagées de comprendre le Monde (© BOURDIEU et BOLTANSKY)4. Certains groupes étant très éphémères, les traces qui démontrent leur existence sont parfois minces. Le réseau GLADIO (en italien, glaive) est un exemple de réseau stay behind pour avoir des gens prêts à résister en cas de chute face à l’URSS.

Le club de Berne. Créé en 1971, il rassemble essentiellement les responsables de services de renseignement allemand, français, italien, anglais, luxembourgeois, belges, néerlandais, et même ceux des pays nordiques. C’est notamment là que se conçoit toute la théorie du fil à couper le beurre fil rouge, donc l’intervention indirecte de Moscou. Contrairement à INTERPOL qui dissocie violence politique et terrorisme, le Club de Berne n’hésite pas à politiser la violence politique, établissant qu’il ne s’agit que de la diplomatie secrète. Il va ainsi chercher à savoir qui finance l’armée rouge, etc. Certains journalistes vont donner un écho à cette théorie. Ce qui est secret devient vrai, alors même que ce n’est pas forcément le cas. Mais cette théorie fonctionne tellement bien qu’elle permet l’élaboration d’un fil vert, qui s’arrête à Téhéran, surtout depuis 1979, date à laquelle elle tourne en République islamique. La recherche du commanditaire est permanente, sans pour autant qu’il y ait à chaque fois une hiérarchie mécanique et logique. Les analyses produites par ce Club de Berne vont avoir un impact important dans le domaine de la sécurité. Il va ainsi développer l’idée qu’il faille y avoir systématiquement des visas pour les pays non européens. Si bien que les enjeux de Schengen de 1995 vont être bien plus stricts qu’à l’origine (cf. la notion de déficit sécuritaire)

Un autre groupe, c’est le groupe TREVI. Lui remonte à 1975. La réunion regroupe des hauts fonctionnaires, mais aussi des ministres de l’intérieur. Lors de ces réunions, les ministres de l’intérieur sont avertis des dernières tendances en matière de terrorisme dans chaque pays. Le problème de ces réunions, c’est qu’il y a toujours des politiques. Le groupe TREVI va s’endormir, et se réveiller dans les années 1986. C’est la première fois où est institutionnalisée une structure informelle.

4 Pierre et Luc. Deux stars de la sociologie en France, le premier probablement plus, surtout depuis qu’il a passé l’arme à gauche en 2002.

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Enjeux de la sécurité européenne 2009 - 2010  

Chapitre I · La Genèse d’un Espace commun de sécurité en Europe 12  

B · Sur des rails ? Mais des rails de quoi ?

Bon et toute une brochette apparaît dans les année 1970. Terrorisme, trafics, etc. sont autant de domaines visés. Le groupe Pompidou, qui remonte à 1971, vise ainsi la drogue. Mais les domaines ne sont pas assimilés de la même manière. Dans le groupe Pompidou, la Hollande arrive à faire en sorte qu’il n’y ait pas seulement des policiers, mais aussi des fonctionnaires de la santé, des affaires sociales. Mais jamais d’harmonisation, de stratégie européenne guerrière contre la drogue comme on aura pu le voir aux Usa. C’est probablement dû au fait que des personnels autres que policiers et militaires en fassent partie. On va plus tenter de comprendre que l’éradiquer purement et simplement. Le raisonnement est probablement un peu moins basique, impérialiste ?

C · Moralité

Bon mais de toute façon, il n’existe pas d’histoire naturelle de l’Europe. Paul VEYNE5, un historien, professeur au Collège de France, s’est intéressé aux manières d’écrire l’histoire. Il pose un certain nombre de jalons qui remettent en question les formes traditionnelles de narration historique, notamment les grands récits un poil trop enjolivés. Ce que l’on observe aujourd'hui serait le résultat inévitable d’un processus inscrit pratiquement dans les gènes de ce que l’on observe. L’Europe se construit, s’élargit, prend du poids, entre en surpoids, selon une logique toute tracée. Paul VEYNE invite au contraire à s’intéresser au hasard, aux échecs. Comprendre ce qui se passe, c’est tenter de « raconter l’Histoire en train de se faire ». Beh c’est difficile, car tout le monde brode l’Histoire au fil de sa vie, de son vécu. On n’a tendance à ne garder que la crème, oblitérant le reste.

Section 2 La coopération judiciaire entravée

Paragraphe 1er Le projet français d’espace judiciaire européen

Le projet d’un espace judiciaire européen lancé par ce cher VGE. Qui a dit VGE, toujours dans les plans foireux ?! Dans le contexte de la deuxième moitié des années 1970, un projet de coopération pénale voit le jour : l’Espace judiciaire pénal européen. Ce projet fait l’objet de deux versions successives. La première, proposée en 1976-1977-1978, comprenait 5 étapes. ➀ tout d’abord, une convention d’extradition simplifiée, ➁ l’assouplissement de la procédure d’entraide pénale internationale entre États, ➂ La mise en œuvre d’une transmission des poursuites pénales d’un État à l’autre, ➃ la reconnaissance de la valeur internationale des jugements répressifs, et ➄ enfin la procédure de transfèrement des détenus entre États. Hélas, hélas tout ça n’entrera pas en vigueur, les Pays-Bas refusant de signer ce texte. Pas grave. La France, dorénavant socialiste, poursuite son effort dans une deuxième version. C’est pareil, sauf que ça rajoute une CP€, une cour pénale européenne. La France use de son influence diplomatique pour y arriver.

5 Auteur notamment de Comment on écrit l'histoire : essai d'épistémologie.

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2009 - 2010 Enjeux de la sécurité européenne  

13 Chapitre I · La Genèse d’un Espace commun de sécurité en Europe  

Cette fois-ci, pan, Belgique, Pays-Bas et Royaume-Uni s’y opposent. Il faut attendre 1999 pour que de bien légères améliorations apparaissent.

Paragraphe 2e Souveraineté & Droit pénal

Bon ok, la France se prend un râteau, deux fois de suite, mais pourquoi ? C’est vraisemblablement parce que la justice pénale est considérée comme la chasse gardée des États, un des piliers majeurs de leur souveraineté. La circulation économique entre les différents États membres fait qu’on a préféré se focaliser sur le droit commercial. On touchait moins à la souveraineté. Perdre une partie de sa souveraineté en matière pénale, s’engager dans des procédures pénales systématiques, c’est plus tendu.

Dans la deuxième moitié des années 1970, en ITALIE, la justice a entendu donné une place privilégiée aux repentis, qui témoignaient, dénonçaient leurs anciens camarades de jeu, en échange d’une immunité. Certains, en France, pendant ces années, ont émis quelques doutes, sur la véracité de ces témoignages finalement intéressés. Gouvernement et Justice françaises n’ont donc jamais accepté les jugements italiens liés aux repentis, considérés comme tendancieux, refoulant les droits de la défense. Le Gouvernement français refuse alors l’extradition des italiens, en échange de leur abandon de la lutte armée. On retrouve ainsi des italiens non réfugiés politiques, tolérés en France quant ils sont considérés en Italie comme criminels, militants politiques un peu trop violents.

L’affaire BATTISTI a ainsi bien fait jaser.

A cette époque, souverainistes et fédéralistes s’opposent sur le devenir de la construction européenne. La sécurité intérieure va être particulièrement tiraillée entre ces deux conceptions. Il en résulte la création d’institutions propres à l’Union Européenne, Commission européenne, Parlement européen, Conseil de l’Europe. L’existence d’un espace pénal européen patine, pendant au moins une quinzaine d’années.

Section 3 Les acquis de Schengen

Paragraphe 1er La libre circulation, un enjeu pour l’Europe

Un enjeu pour l’Europe, enfin aussi pour les étudiants de M1.

Ces accords conclus en 1985 entre BENELUX, RFA, FRANCE, pour abolir – progressivement bien sûr – les contrôles aux frontières entre ces États. Il faut faciliter les échanges commerciaux. On calque l’exemple du BENELUX. C’est la convergence de volontés à faciliter le commerce, mais aussi à ce qu’il résulte en 1984 de la grève des camionneurs. Hin hin. Au départ, des douaniers italiens sont mécontents et font grève du zèle. Ils arrêtent systématiquement tous les camions, histoire de bien ralentir le trafic en Italie. Les camionneurs utilisent le feu contre le feu et se mettent à leur tour en grève. Ils bloquent, mais pas seulement les frontières italiennes, bref un peu partout, en France et Benelux notamment. Le Gouvernement français panique, au point d’envoyer chars et soldats ferrailler contre tout ça. Le coup d’État de Pinochet contre Allende a en effet commencé une dizaine d’années plus tôt par une grève des camionneurs. Résultat des

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Chapitre I · La Genèse d’un Espace commun de sécurité en Europe 14  

courses, on leur permet de passer les frontières librement. Le secrétariat du Benelux propose alors d’élargir à l’Allemagne et la France le libre commerce et le libre échange.

Cette ouverture repose donc sur des raisons politico-économiques. Les divers représentants des ministères de l’intérieur voient cette ouverture d’un mauvais œil. Dès l’entrée en vigueur des accords de Schengen – en 1986 – des policiers en charge de ces sujets vont introduire l’idée que cette ouverture doit intégrer des mesures compensatoires. Dès lors, aucun débat sur la libre circulation n’aura lieu sans parler de mesure compensatoire. A l’époque, le discours sur l’insécurité urbaine est très présent, notamment en France et en Allemagne. La Révolution iranienne de 1979, qui a coûté cher au Shah, fait parallèlement peur.

Les conventions d’application de Schengen sont signées en… 1990. Ces cinq années vont faire l’objet d’intenses activités de lobbying de policiers, généralement en clubs, contre un « déficit de sécurité ». Tout un discours sur l’immigration, le crime, la drogue, le terrorisme et compagnie prend une envergure certaine.

Ainsi, au franchissement de l’Espace commun vont s’adjoindre des mesures compensatoires. On entend contrôler les frontières sur l’Espace extérieur. Il y a une confiance commune entre les signataires de ces accords dans le contrôle des frontières extérieures. Schengen pose la question des visas entre signataires. Les règles en matière de visa, de réfugiés, doivent être harmonisées. Tourisme, travail, sont visés. En France, à compter de 1974, l’immigration de travail entend être stoppée, au profit du regroupement familial et du statut de réfugié politique. Aujourd'hui, 10000 demandes visent le travail, 10000 aussi pour le statut de réfugié politique et 90000 pour le regroupement familial. Ce rapport pousse le Gouvernement à transformer ce droit au regroupement familial en immigration… subie. Les pays du Maghreb vont particulièrement souffrir de ce renouvellement des règles en matière de visa, de même pour les pays latino-américains. Des accords de réadmission (renvoyer), refoulement (empêcher) vont apparaître dans les conventions de Schengen. Aujourd'hui, le retour sur la scène politique internationale de la Lybie n’est pas sans lien avec sa position au nord Sahara, car elle est passée maître dans le refoulement. Outre l’harmonisation des visas, le SIS (Système d’information Schengen), installé à Strasbourg, est un système informatique regroupant à la fois tous les criminels importants et les étrangers devant faire l’objet d’un refus d’admission pour des raisons de sécurité. Des codes de couleur visent des pays à risque, de même que sont listés des profiles risqués afin d’empêcher la délivrance de visas. On démultiplie les formes de contrôle. La fin des frontières à l’intérieur de l’Espace européen ont vu le nombre de douaniers doubler… libéralisation… sécurisation… même combat ?

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2009 - 2010 Enjeux de la sécurité européenne  

15 Chapitre I · La Genèse d’un Espace commun de sécurité en Europe  

Chronologie ultra light de la construction européenne.

1951 : Entrée en vigueur de la CECA (Communauté Européenne du Charbon et de l’Acier), signée par France, Allemagne, Benelux et Italie.

1954 : Echec de la CED (Communauté Européenne de Défense)

1957 : Traité de Rome instaurant la CEE (Communauté économique européenne) et EURATOM

1973 : Premier élargissement avec arrivée du Danemark, Irlande, et Royaume-Uni. La Norvège refuse…

1981 : La Grèce entre à son tour

1985 : Signature des accords de Schengen

1986 : AUE (Acte Unique Européen) et entrée de l’Espagne et du Portugal.

1989 : Chute du mur

1990 : Réunification allemande, et Convention d’appli des accords de Schengen.

1992 : Traité de Maastricht

1995 : Entrée de la Suède, Finlande et Autriche. Et nouvelle tarte de la Norvège.

1997 : Traité d’Amsterdam

1999 : 11 monnaies fondues en un euro. Sommet TAMPERE, Conseil européen spécial visant liberté sécurité et Justice.

2001 : Traité de Nice

2002 : Conseil européen de Copenhague rajoutant une bonne couche d’états membres : République Tchèque, Estonie, chypre, Lettonie, Lituanie, Hongrie, Malte, Pologne, Slovénie, Slovaquie. Effectif le 1er mai 2004.

2007 : Bulgarie et Roumanie

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Enjeux de la sécurité européenne 2009 - 2010  

Chapitre II · L’institutionnalisation de l’Espace 16  

Schengen n’a pas été le seul endroit de débauche où s’est discutée la question de la libre circulation. Ce débat entre ouverture et libre circulation recoupe un autre débat important, celui tiraillé entre fédéralisme et souverainisme. Très tôt, parmi les partisans de l’ouverture des frontières, on retrouve les fédéralistes, avec des positions prononcées, comme celles de Jacques, Jacques DELORS voyons, ou Felipe GONZALES. Très tôt, ils établissent un lien entre espace libre de circulation et citoyenneté et sentiment d’appartenance européen. Bon alors le contexte est aussi celui de l’enlisement alors de la CEE. La CEE pédale dans la semoule de la PAC (Politique agricole commune). Margaret sortira ainsi une petite phrase choc comme à son habitude : I want my money back. Tellement révélateur. Maintenant qu’elle est sous Alzheimer, ça sera peut-être un peu plus compliqué. Cette digression faite, Il faut relancer l’Europe, pas seulement économique, mais politique et sociale. On parle de suppression, abolition, éradication, élimination des frontières barrières physiques, tarifaires, fiscales. Faut ouvrir les robinets.

L’une des stratégies, à la mode lors des années 1990, repose sur l’urgence. Vite fait bien fait ? Si l’Europe ne s’élargit pas, c’est la fin. Certains voient l’ouverture des frontières comme un instrument de construction de l’Europe, quand d’autres voient ces frontières comme un rempart au déficit de sécurité, et vont donc s’appuyer sur des mesures compensatoires. La psychose sur l’urgence va permettre de débloquer des situations. Avec cette accélération, les clubs policiers reviennent à la mode. TREVI, Berne (…) sont les grands pourvoyeurs de réflexions sur les thématiques liées à l’ouverture. On va créer des continuums pour les fondre dans des menaces globales.

Chapitre II L’institutionnalisation de l’Espace

Section 1 Le Traité de Maastricht et Europol

La principale caractéristique du Traité de Maastricht, c’est de pondre une Union Européenne, basée sur par 3 piliers. Le premier a pour doux nom « CEE, CECA et EURATOM ». Le second, c’est la PESC citron. Politique étrangère et sécurité communes. Le troisième, c’est le JAI (Justice et affaires intérieures). Dans le premier pilier, la commission joue un rôle primordial dans les compétences qu’ont transféré les États membres. Dans les deux autres piliers, c’est bien plus intergouvernemental, mais à l’unanimité. L’Europe devait être un pôle de stabilité dans un océan d’incertitude6. En 1989, il faut dire que le Mur de Berlin tombe en ruines, emportant avec elle le Pacte de Varsovie, la réunification des deux Allemagnes, en parallèle de quoi l’URSS et le bloc soviétique voient leurs pieds d’argile s’effriter. Ah oui, c’est sans oublier les premières épurations dans les Balkans. Toutes les structures mentales d’hommes politiques, de policiers (…) reposaient jusqu’ici sur cette division. Alors on reprend les mêmes mais on change tout. Toute la réflexion stratégique de la guerre froide apparaît périmée, la question militaire restant toujours d’actualité. Les conflits du futur entre les troupes du pacte de Varsovie et celles de l’OTAN ne se passeront ni en Allemagne, ni en Ukraine, du moins pas sous cette forme. Oyez oyez, en veux-tu de mon char LECLERC, belle bête de 56 tonnes à 8,6 millions de dollars l’unité, optimisée pour de la

6 Merci Helmut KOHL pour cette profonde pensée venue du large.

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2009 - 2010 Enjeux de la sécurité européenne  

17 Chapitre II · L’institutionnalisation de l’Espace  

baston en plaine, comme en Allemagne, ou en Ukraine. Les formats des armées étaient donc prédestinés à une confrontation majeure probablement en Europe, ils semblent maintenant obsolètes. C’est encore par l’éventualité d’un conflit futur que s’établit un équilibre de la terreur, une course sans fin militaire, atomique. Mais bon, cette structure mentale bipolaire passe à la trappe. Les êtres passent, les schémas restent. Pendant 50 ans, à gauche, on avait peur du rouge surgissant le couteau entre les dents, quand à droite, on avait peur du cryptocapitaliste occidental de marché assoiffé de deniers. Et maintenant ? Ceux qui pensaient de manière bipolaire vont broder une nouvelle bipolarité. Où qu’il est l’ennemi ? Oui car il en faut un d’aussi puissant que l’Ex-Urss. Les menaces civilisationnelles 7 en sont un exemple. Les menaces globales viseraient des aires de civilisation. L’aire occidentale (Usa, Europe, Japon), l’aire confucianiste, et l’aire musulmane. Religion, crime, terrorisme, immigration, drogue sont les mots-clés d’un nouveau Léviathan. Quoi qu’il en soit, c’est un choc, qui marque lourdement l’Europe. Le conflit des Balkans est une première illustration.

Les deux premiers piliers ont alors une grande importance quand le dernier est alors de moindre importance. Le JAI qui, au départ, devait s’appeler justice et sécurité intérieure, va être l’occasion d’un conflit entre militaires et policiers. La sécurité européenne, c’est le domaine de prédilection des militaires. Le flou sémantique n’est sans comparaison avec la précision du rayon d’action de ce pilier. Les États membres considèrent comme des questions d’intérêt commun les politiques d’asile, les règles de franchissement des frontières extérieures, les politiques d’immigration vis-à-vis des pays tiers (conditions d’entrée, de circulation, de séjour des non-citoyens européens), mais encore la lutte contre la toxicomanie, et les coopérations en matière judiciaire, douanière, policière (terrorisme, drogue, criminalité internationale). Il convient de noter que, peu à peu, la question de l’immigration va se déporter vers le premier pilier. Le Traité de Maastricht prévoit aussi un office européen de Police. Il réintroduit parallèlement à Schengen la possibilité à fermer les frontières en cas de tensions un peu prononcées (sommets du G8, manifestations nationalistes, allez ratissons large, les menaces à l’Ordre public). Les clubs de police redeviennent alors des acteurs importants sur les nouvelles politiques de collaboration policière au niveau européen.

L’un des éléments parmi les plus concrets envisagé par le Traité de Maastricht, c’est une police européenne, EUROPOL.

Oulà alors EUROPOL n’est pas la manifestation d’une pensée commune. On en trouve des traces dans les années 1970. Un pays va jouer un rôle toutefois primordial dans l’instauration d’une police européenne, et ce pays, c’est l’Allemagne. Elle va opérer de plusieurs manières, essentiellement policièrement et politiquement. Policièrement, l’Allemagne milite pour que soit créé un groupe spécifiquement européen au sein d’INTERPOL. Cette idée n’avait pas forcément plu aux policiers autres qu’européens. Le BKA, la Bundeskriminalamt, la police fédérale quoi, se dissocie des polices locales. C’est un peu le cousin du FBI. Quoi ? EUROPOL… un FBI à l’européenne ? C’est en tout cas ce que souhaite le BKA. Son point de vue va être d’autant plus important qu’il gagne en importance. Il va essayer de faire intégrer son mode de fonctionnement, ses modes actions. Le BKA est ainsi l’une des premières polices à utiliser de la technologie. Très tôt, elle recourt au profiling, elle va recruter des analystes en matière de renseignement (…). Alors évidemment ça tranche, comparé à d’autres polices, genre en France, où on refuse pendant longtemps de recourir à ces méthodes. Le BKA subit les foudres d’une bonne partie des pays européens. Mais c’est sans compter sur Helmut. Helmut va mettre tout son poids – politique – dans la balance pour faire aboutir l’idée d’une police européenne calquée sur le modèle du BKA. L’activisme d’Helmut va porter ses fruits dans le contexte des années 1990, certes pas comme il l’avait totalement imaginé. Il parvient en tout cas à imposer l’idée d’une police européenne. Helmut va parvenir à ses fins en surfant sur la réunification. Cette phase soulève de véritables doutes. A ces inquiétudes, Helmut répond

7 On se rappellera au bon souvenir d’HUNGTINTON.

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Chapitre II · L’institutionnalisation de l’Espace 18  

prophétiquement en insistant l’urgence d’établir une Police en raison de menaces. Genre les hordes de polonais en bus. Il répond également en invoquant que l’Europe est bloquée, et que lui peut de la débloquer dans ce domaine. Il reprend politiquement à bras le corps la construction européenne. L’Allemagne reste bien un moteur de la construction européenne.

Finalement, on opte pour un office centralisant l’information policière, essentiellement en matière de drogue, terrorisme, et criminalité organisée. On s’éloigne ce faisant de l’idée d’une véritable police européenne. On en déduit toutefois l’idée d’une académie européenne de Police, qui naîtra sous le doux nom de CEPOL, collège européen de police. On espère aussi une unité opérationnelle d’enquête criminelle.

Avec le Traité de Maastricht, EUROPOL est institutionnalisé juridiquement. Ce sera le lieu d’échange des informations en matière de terrorisme, drogue et criminalité organisée. Mais la police européenne est rattachée au 3ème pilier, elle n’est donc pas communautarisée. On… oublie un détail non pas des moindres, le budget. EUROPOL commence fort, pas communautarisée, pas financée. Des luttes naissent entre les partisans de l’Allemagne, ceux Royaume-Uni, farouchement opposés à toute forme de communautarisation, et la France qui attend de voir ce sur quoi cela débouche. EUROPOL s’installe à Strasbourg, dirigée par Jürgen STORBECK, un peu le Derrick version européenne. Le premier caillou d’EUROPOL est donc posé en 1992. Son lancement se fait dans des préfabriqués. Eh oui, n’oublions pas qu’il n’y a pas de budget communautaire8. A l’époque, 6 Allemands, 2 Anglais et 3 Français forment les rangs d’EUROPOL. Le G5, France, Allemagne, Royaume-Uni, Italie, Espagne sont le cœur d’EUROPOL qui intègre tous les membres de l’Union Européenne.

Aujourd'hui, EUROPOL préfère le climat de La Haye. EUROPOL s’intéresse à plusieurs types de missions. La première concerne le terrorisme, malgré l’opposition des grands bretons emmêlée avec l’IRA, mais avec le soutien de l’Espagne qui chasse du Basque. Outre le terrorisme, les formes graves de criminalité internationale sont un autre cheval de bataille d’EUROPOL. Ça inclut les trafics de matière nucléaire, d’armes, de prostitution, d’œuvres d’art… Enfin, EUROPOL touche aussi du doigt l’immigration illégale. La gestion de la question migratoire, est renvoyée à plus tard, malgré les velléités de l’Allemagne avec les inquiétudes sur les bus polonais. C’est pourquoi EUROPOL touche d’un doigt fébrile l’immigration illégale, mais elle y touche quand même de par les liens avec la criminalité organisée.

Harmonisation (ratée ?) oblige, on va permettre à chaque pays d’envoyer « une ou plusieurs entités nationales ». C’est pourquoi d’ailleurs l’Allemagne enverra du BKA et des membres des polices des Länder. Toutes les polices à statut militaire vont refuser d’y participer, préférant créer de leur côté une FIEP (France Italie Espagne Portugal). Au niveau purement policier, ce sont surtout les polices criminelles qui vont squatter EUROPOL. EUROPOL, c’est une bourse à l’information, à l’information analysée. EUROPOL recrute au passage des analystes. EUROPOL est un office européen de Police. C’est donc un organisme indépendant ayant une personnalité juridique propre. EUROPOL est ainsi représenté par un directeur, disposant d’un conseil d’administration. Son lien avec les institutions européennes va rester abscons. La Commission européenne assiste au conseil d’administration. On touche au 1er pilier, mais comme EUROPOL relève du 3ème pilier, l’emprise de la Commission est réduite.

Les personnels d’EUROPOL ont aussi fait l’objet de palabres entre fédéralistes et souverainistes, si bien qu’ils restent des fonctionnaires de polices nationaux. On les appelle les officiers de liaison. Tous parlent Français, Allemand, Anglais, enfin aujourd'hui surtout Anglais. Reste à savoir ce qu’ils y font. Leur rôle va être d’assurer un relai entre des demandes

8 Cela changera au 1er janvier 2010, date à laquelle EUROPOL devient agence communautaire, avec un budget donc communautaire. Une décision du Conseil JAI du 6 avril 2009 le prédit.

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19 Chapitre II · L’institutionnalisation de l’Espace  

nationales. Alors chaque pays dispose de son petit bureau, donc d’un fichier, dans lequel ne peuvent pas piocher librement les autres pays. Souveraineté oblige. Ils doivent donc demander l’accès au fichier. L’interconnexion des fichiers est finalement… basée sur une confiance réciproque. L’échec d’INTERPOL est en partie dû aux carences en confiance. Les analystes, spécialistes, compilent des informations pour en pondre des rapports. Ces analystes sont directement recrutés par EUROPOL, pour leurs compétences, dans le respect d’un certain équilibre des pays membres. Le gros du débat porta sur le fait d’avoir ou pas des non-policiers. Les Français ont totalement rejeté qu’un non-policier puisse y faire de l’analyse, exception faite de la DGSE et autres services militaires, contrairement par exemple aux Allemands qui recrutent à tour de bras dans le privé. Les logiques bancaires permettent de profiler les potentiels en financement occulte. Les logiciels de profilage tirés sur secteur privé y sont en grande partie à la base. Ceux-ci patinent toutefois bien plus pour le terrorisme, devant ratisser large, avec des conséquences plus ou moins désirables. EUROPOL n’est en aucun cas une entité d’investigation. On reçoit, on compile, on laisse mijoter et on sert de l’information, mais c’est tout.

EUROPOL devient bien plus important qu’INTERPOL. C’est une structure aujourd'hui majeure de coordination, par laquelle transite une grande partie des savoirs, des énoncés sur les menaces. INTERPOL s’est lui modernisé, se dotant d’un service informatique performant. INTERPOL goûte aux charmes slaves en s’intéressant au grand Est, prenant acte des divisions européennes dans ce domaine. C’est ce qui lui permet de prendre un nouveau souffle. EUROPOL va davantage s’intéresser sur la criminalité organisée.

Une transnationalisation des cadres de production de savoir et d’analyse prend racine avec EUROPOL, ce qui est phase avec ce qui est décrit9. EUROPOL reçoit, compile, analyse et diffuse ce savoir sur les menaces identifiées.

Section 2 Le Traité d’Amsterdam, TAMPERE et EUROJUST

Paragraphe 1er D’Amsterdam à TAMPERE10

Signé en 1997, entré en vigueur en 1999, le Traité d’Amsterdam prévoit l’instauration d’un espace dédié au JAI, chose qui n’a été possible qu’en raison du fait que les opposants à la libre circulation à l’intérieur des frontières européennes aient fait campagne sur le déficit sécuritaire. Amsterdam, puis Tampere sont des jalons majeurs dans l’institutionnalisation d’un espace de sécurité en Europe. Depuis cette époque, aucun sommet n’a eu cette importance.

Quand on se rappelle de Maastricht, les champs de compétence du 3ème pilier regroupaient Police, justice, immigration. L’intergouvernemental dominait. Avec Amsterdam, la question de l’immigration change de main. Elle est reprise par le 1er pilier. Exit les compétences étatiques en matière de visas, migrants, asile etc. les institutions communautaires s’en chargent dorénavant. Ensuite, un espace de liberté, sécurité et justice est institué. Cette création entend ne pas être qu’un slogan. Le Traité

9 ERICKSON et HAGGERTY ont écrit un ouvrage dans lequel ils expliquent que la police est de plus en plus une institutionnalisation qui produit du savoir sur le risque. 10 Cf. L’Europe et la sécurité intérieure, ouvrage qui retrace les principales évolutions et traités, les pas en avant deux pas en arrière et compagnie.

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Chapitre II · L’institutionnalisation de l’Espace 20  

d’Amsterdam va assimiler les acquis de Schengen. Ce même si Royaume-Uni et Irlande refusent clairement l’application de Schengen. Pour le Royaume-Uni, c’est une habitude. Pourquoi ? L’inexistence de papiers au Royaume-Uni est notamment invoquée par les policiers britanniques. On va malgré tout intégrer dans Amsterdam les acquis de Schengen, tout en rappelant maintenant que les nouveaux arrivants n’auront d’autre choix que de se plier au Traité, sans négocier. Amsterdam va ainsi harmoniser les politiques relatives aux étrangers. Donc d’abord les visas11, les réfugiés12,13 et toutes les demandes sont unifiées. On ne fait qu’une demande prise en compte dans toute l’Union Européenne. Entrée, séjour et regroupement familial sont ainsi réglementés. Le traité d’Amsterdam introduit en outre des règles communes sur l’immigration irrégulière, y compris les questions sur leur rapatriement. Les accords de réadmission ne sont donc pas de gré à gré. C’est pourquoi on communautarise la question de l’immigration. Le 3ème pilier va lui être plus spécialisé sur la Police et la Justice. Cette idée de spécialisation renforce EUROPOL. La coopération policière est également améliorée. On insiste sur le crime transfrontière, la criminalité organisée… la coopération se fait tant au niveau opérationnel qu’au niveau du renseignement. Amsterdam tente également de relancer la question de la coopération judiciaire pénale. Pour ce faire, vont être proposées des mesures visant à faciliter la coopération procédurale. L’extradition va être aussi facilitée. Germe peu à peu l’idée d’adopter des règles minimales communes en matière pénale, tant au niveau des éléments constitutifs de l’infraction que des sanctions. Des magistrats européens vont alors s’exciter pour faire naître un corpus juris européen. Sans succès. Avec Amsterdam, en 1997, et surtout avec TAMPERE, en 1999, est fait le souhait de créer une unité européenne, constituée de procureurs, magistrats, officiers de police, pour assurer la coordination entre autorités nationales en matière de lutte contre la criminalité organisée. Il faudra attendre 2001, et le Traité de Nice, pour que prenne ainsi forme EUROJUST.

EUROJUST, c’est le pendant judiciaire d’EUROPOL14. Le Traité D’Amsterdam, en voulant renforcer la coopération judiciaire, établit un réseau judiciaire européen. Son but, c’est l’échange d’informations judiciaires entre États membres. C’est en 1999, avec le sommet TAMPERE, qu’on passe d’un réseau a minima à EUROJUST, première unité de justice pénale multilatérale et institutionnalisée. EUROJUST est un projet créé en concurrence d’autres, tels le projet d’un Code pénal européen ou celui d’un procureur européen. EUROJUST est formé au détriment du procureur européen, sauf peut-être au regard du mandat européen.

MANGENOT a travaillé sur la constitution pratique d’EUROJUST. Nombre de hauts fonctionnaires européens se sont mobilisés en sa faveur, des universitaires de haut rang, de même que des juristes et plus particulièrement les juristes pénaux, notamment ceux de la sous-division JAI du Secrétariat général du Conseil. Gilles De KERCHOVE en est l’exemple. C’est ainsi lui qui sera le premier coordinateur antiterroriste européen. Leur rôle aura été de techniciser le politique, la décision politique, tout en politisant le technique, en attirant son regard sur la chose technique. L’initiative relève finalement d’eux.

EUROJUST rentre ensuite dans le jeu des présidences. Tous les pays n’y sont pas fondamentalement favorables. C’est en 2000 qu’EUROJUST sort au JO, sous la présidence française. C’est une unité de coordination judiciaire, composée d’un membre national par État membre, ayant qualité de procureur, magistrat ou officier de police, pour des formes

11 Carte soi-disant confidentielle de hiérarchisation des visas sauce Schengen, En plus d’un État civil régulier, des conditions de ressource, certificats d’hébergement, billet d’avion aller-retour au cas où, etc. sont demandés. Avec SIS2, on récolte en prime les empruntes digitales. 12 En 1996, les espagnols, au travers du protocole AZNAR, se battent pour que le statut de réfugié politique ne soit pas harmonisé, avec succès. Le but, c’est d’isoler le problème du nationalisme basque espagnol. 13 En France et en Europe, 10000 demandes par an, un peu moins de 400000 pour toute l’Europe. 14 Cultures & Conflits (2006), n°62, « Arrêter et juger en Europe. Genèse, luttes et enjeux de la coopération pénale ».

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21 Chapitre II · L’institutionnalisation de l’Espace  

de criminalité affectant deux ou plusieurs États membres. La compétence matérielle d’EUROJUST est précisée. Les domaines sont les mêmes qu’EUROPOL. EUROJUST peut demander l’ouverture d’une information judiciaire sans toutefois que les autorités nationales soient obligées d’y répondre.

EUROJUST, structure légère, est financée sur le budget communautaire, à la différence d’EUROPOL, qui n’avait toujours pas de budget communautaire, ce qui change le 1er janvier 2010.

On ne peut comprendre EUROJUST sans concevoir son contexte, sans s’intéresser à des projets d’ampleur concomitants. Le corpus juris et le procureur européen en sont des exemples. Ces deux projets sont eux aussi à resituer dans le cadre de mobilisations judiciaires importantes qui vont avoir lieu en Europe, durant les années 1990. L’une d’entre elles va se traduire par l’appel de Genève du 1er octobre 1996. Natasha PARIS-FICARELLI15 s’y intéresse tout particulièrement. Cet appel voit 7 magistrats de pays européens se réunir à Genève pour lancer un cri d’alarme contre la criminalité organisée en Europe. Le cloisonnement des systèmes judiciaires nationaux est une entrave à la lutte contre toutes les formes de criminalité transfrontalière, qui profiterait de toutes les techniques possibles et imaginables pour blanchir de l’argent sale. Ils en appellent à la création d’un véritable espace judiciaire européen. Ces magistrats16 sont de tout premier rang, s’étant souvent rendus célèbre pour leur lutte contre le blanchiment ou la corruption politique. Ils ont professionnellement une compétence notoirement reconnue en la matière. Tous ont approché des affaires ayant des relents internationaux. Dans le cadre du travail mené, ils ont servi de cobayes quant aux difficultés que les relations internationales supposent. Et ils sont pas contents, d’une part contre les cloisonnements, d’autre part quant aux formes d’ingérence politique sur ce type de dossiers.

Dans les années 1990, la question des affaires politico-financières est à la mode. L’Italie, forcément, avec l’opération « mains propres »17 de 1992, l’imputation de 450 hommes politiques italiens par la justice italienne compromis des affaires de corruption, de détournement de biens publics et compagnie. La figure judiciaire, c’est le Juge Di PIETRO. La France, avec dès 1986 l’affaire URBA, l’affaire du carrefour du développement, etc. Van RUYMBEKE, JOLY, HALFEN… Ces juges d'instruction vont plus ou moins recevoir une brochette d’affaires, une centaine environ. Les partis politiques s’échangent les gentillesses. Merci la Loi du financement des partis politiques qui referme une grande partie de ces affaires, au grand dam des juges d’instruction. Quoi qu’il en soit, les acteurs judiciaires obtiennent une certaine importance.

L’ENM, créée en 1970, instaure un recrutement par concours. Cela a pour effet de démocratiser assez largement le recrutement de la magistrature. Jusque-là, le corps de la magistrature était bien… homogène. Toute une génération de juges provenant de milieux sociaux plus différents, et très politisée, arrive. Il va en résulter une hypersyndicalisation. En outre, les pratiques judiciaires vont être… rafraîchies. Les causes qui jusque-là étaient très peu traitées par la justice vont connaître un nouvel essor. Cette brochette de nouveaux juges va ainsi s’attaquer au Droit du travail, toutes les largesses prises dans le cadre du travail. Systématiquement. Ils ne vont pas hésiter à faire des cours correctionnelles des tribunes politiques. Résultat des courses, on les surnomme les juges rouges18.

15 Magistrats en réseau contre la « criminalité organisée », Strasbourg, Presses universitaires de Strasbourg (2008) 16 Balthazar GARZON a ainsi mis en examen Augusto PINOCHET, a tâté l’antiterrorisme basque, s’est intéressé au blanchiment de la drogue. Renaud Van RUYMBEKE est un autre exemple. Un Suisse, un autre Espagnol, un Belge, deux Italiens sont encore sur la liste. 17 Mani pulite (en italien, Mains propres) est le nom d'une opération judiciaire lancée en 1992 contre la corruption du monde politique italien et qui a abouti à la disparition de partis comme la Démocratie chrétienne (DC) et le Parti socialiste italien (PSI). Le système de corruption et de pots-de-vin ainsi découvert fut baptisé Tangentopoli (de tangente, pot-de-vin, et de poli, ville en grec). 18 Violaine ROUSSEL a écrit à ce titre un ouvrage intitulé affaires de juges.

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Nos 7 mercenaires, eux, ne sont pas du tout des juges rouges, très peu politisés, très peu syndicalisés. Mais la phase des juges rouges voit la magistrature s’émanciper de la tutelle politique. Les 7 magistrats précités embrayent sur ce phénomène, ont suffisamment gagné en autonomie pour aller guerroyer contre les politiques.

Les logiques judiciaires évoluent au détriment des logiques politiques et inversement. Une tension entre ces deux logiques existe. Les années 1990 sont à la faveur des logiques politiques. La Loi d’amnistie de 1991 sur le financement des partis politiques est un exemple navrant. Si bien que nombre de magistrats ont décidé de se lancer en politique. Di PIETRO19, JOLY, HALFEN, Van RUYMBEKE, etc. se politisent avec plus ou moins de succès. C’est en sentant que la logique politique connaît une nouvelle ampleur, tant nationalement qu’internationalement, qu’est fait, le 1er octobre 1996, l’appel de Genève. Les magistrats qui en sont à l’origine sont de véritables entrepreneurs de cause, en tout cas de morale. Un entrepreneur de cause fait exister une cause20. C’est pourquoi ils veulent un espace judiciaire européen qui soit supérieur aux États, donc indépendant, enfin moins dépendant des rapports politiques nationaux. C’est encore pourquoi ils entendent engager une stratégie de mobilisation, avec mots d’ordre et compagnie. Les magistrats vont avoir recours aux médias. L’appel de Genève va être sponsorisée par deux acteurs, un journaliste – Denis ROBERT – et un éditeur. Il va en résulter un livre d’entretiens avec les magistrats de la Pègre21. Le mort d’ordre, bah c’est la criminalité organisée. La stratégie discursive qui se base sur la généralité pour défendre une cause universelle afin de ratisser large. Finalement, c’est la justice ou l’apocalypse. Cela va recevoir un certain écho auprès des institutions européennes, suffisamment excédées par les détournements des aides communautaires. C’est en restant assez flou sur les délimitations de la thématique que cet écho fût possible.

L’appel de Genève voit des membres des institutions européennes rejoindre donc la cause. Cet appel est parfois relayé sur un plan national. Les signataires de l’appel sont reçus au Parlement européen, car une clique de fonctionnaires est acquise à leur cause. Certains sont du Parlement Européen, d’autres à la direction budget de ce même Parlement, d’autres encore à la direction du contrôle financier de la Commission, voire des membres de l’UCLAF (Unité pour la coordination de la lutte anti-fraude). On entend réagir aux critiques sur une certaine gabegie des institutions européennes, d’où une lutte effective contre la fraude communautaire. C’est pourquoi ils vont tenter d’harmoniser la législation européenne en instaurant un corpus juris restreint au domaine pénal visant la protection pénale des intérêts financiers de l’Union Européenne, mais encore en instituant un Ministère public européen, un super procureur européen, chapeautant des procureurs nationaux, aux pouvoirs d’investigation sur l’ensemble du territoire européen. Mireille DELMAS-MARTY, en novembre 1995, se voit confier ce projet. Mireille, c’est une pénaliste. Elle a consacré depuis les années 1970 une grande partie de son travail à la criminalité financière. Mimi a très souvent été sollicitée pour des commissions de réforme de la justice. Son rayonnement juridique politique est indéniable. Les institutions européennes y font donc naturellement appel. On entend donner un maximum de légitimité au projet. L’appel de Genève, en 1996, est très bien vu par les défenseurs du corpus juris, en 1997. C’est pourquoi ils vont se mobiliser administrativement, politiquement, quitte au passage à reformuler une problématique de la fraude communautaire en l’intégrant dans la fraude communautaire dénoncée par les auteurs de l’appel de Genève. Hélas, ce projet va se révéler mort-né. L’idée du corpus juris, reflet d’une communautarisation de la justice, entre en compétition avec EUROJUST, structure bien plus légère ne recherchant qu’une coopération

19 L’Italia dei Valori (en italien, l’Italie des Valeurs) est un parti politique italien fondé à Rome en 1998 par Antonio Di Pietro. 20 Howard BECKER a largement traité le sujet 21 La justice ou le chaos (1996), livre d'entretien avec 6 magistrats européens impliqués dans la lutte contre la corruption et la délinquance financière : Renaud Van RUYMBEKE (France), Bernard BERTOSSA (Suisse), Gherardo COLOMBO (Italie), Carlos JIMENEZ VILLAREJO (Espagne), Balthazar GARZON REAL (Espagne), Edmondo BRUTI LIBERATI (Italie), et Benoît DEJEMEPPE (Belgique). C’est suite à ce livre qu’est lancé l’appel de Genève.

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23 Chapitre II · L’institutionnalisation de l’Espace  

judiciaire. Dès le sommet de TAMPERE de 1999, EUROJUST sort vainqueur. En 2000, le Traité entérine EUROJUST comme l’organe judiciaire européen. La communautarisation de la justice est calmée net. Ça fait pssschit comme dirait l’autre.

Le nouveau sujet de discorde va viser le mandat d’arrêt européen. Le 11 septembre 2001 va être le moyen de donner un sérieux coup de boost à sa mise en place.

Paragraphe 2e De L’UCLAF à l’OLAF

L’UCLAF (Unité pour la coordination de la lutte anti-fraude), institution au sein de l’Union Européenne est responsable de la lutte contre la fraude communautaire, voit son évolution aller de pair avec celle de deux secteurs clé de la construction européenne, les compétences budgétaires et l’intégration des États membres dans l’espace judiciaire européen. Une tension importante existe entre 1er et 3ème piliers. Autant les États sont réticents à perdre leur compétence judiciaire, autant ils sont plus conciliants sur l’idée que cette institution soit chargée de la lutte contre la fraude communautaire.

Dès qu’il existe des fonds propres aux institutions européennes, se développe simultanément des organes de contrôle de ces fonds. En 1978 est ainsi créée la CC€, la Cour des Comptes Européennes, institution indépendante des États membres, destinée à vérifier, contrôler l’usage fait des deniers européens. Avec le début des années 1980 pleuvent les rapports constatant irrégularités, fraudes, visant essentiellement la PAC. A cette époque, la PAC c’est plus de 70 % des subventions versées par l’Europe. Le petit problème, c’est que cette Cour des comptes européennes n’est pas dotée d’un pouvoir d’investigation. Elle n’est d’ailleurs pas dotée de compétences suffisantes en la matière. Certes elle contrôle, mais en gros… c’est tout… En 1987, l’Unité de coordination de la lutte anti-fraude voit alors le jour. Elle devient opérationnelle en 1988. Le projet de l’UCLAF, c’est de combler les lacunes de la Cour des comptes, en créant une institution européenne fonctionnelle, capable de collecter des renseignements sur des délits pénaux, mais encore de les transmettre aux parquets nationaux. Bizarrement, début des années 1990, un euroscepticisme prend une ampleur certaine. Le gaspillage communautaire y occupe une place importante. L’Europe, c’est un trou sans fond. D’où la volonté de donner des gages aux membres de l’Union pour redorer le blason des institutions communautaires. En 1994 et 1995, des traités européens y seront même consacrés.

L’UCLAF, qui a plus de pouvoirs que la CC€, n’a cependant pas énormément de moyens, et renvoie la question punitive à la responsabilité des États membres. Peu à peu, on entend donc pallier aux lacunes de l’UCLAF, la renforcer. En 1999, c’est chose faite ou presque avec l’OLAF (Office de Lutte Anti-Fraude).

A partir des années 2000, avec l’élargissement conséquent de l’Europe, on pose l’idée d’un système judiciaire intégré. EUROJUST, OLAF en sont les principales voire seules illustrations. Manque de bol, l’OLAF va être entachée de tout un tas de scandales, démontrant directement ou indirectement son incompétence, sa partialité, bref son efficacité, ce de 2000 à 2004. EUROSTAT, l’office statistique européen, se fait griller en revendant des statistiques à des cabinets privés. 4,3 millions d’euros auraient ainsi été détournés. L’OLAF va avoir la présence d’esprit d’étouffer l’affaire. Visiblement, une collusion entre OLAF et EUROSTAT existait. Et ce n’est pas tout. Des journalistes parviennent à acheter à des informations de l’OLAF, etc. cerise sur le gâteau, l’Union Européenne va être accusée par le FMI de verser des fonds – 900 millions d’euros – destinée à l’autorité palestinienne, employée à des fins de terrorisme. Les enjeux sont brûlants. Localement, internationalement, institutionnellement… L’OLAF conclue que les comptes de l’autorité palestinienne sont quelque peu obscurs, mais ne conclue pas à l’usage des fonds attribués pour le terrorisme.

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Chapitre II · L’institutionnalisation de l’Espace 24  

Peu importe finalement, le discrédit est là. Finalement, la politique en la matière va être redéfinie. A partir de 2004, le contrôle retourne sensiblement dans le giron des Etats.

Le 11 septembre 2001 va être une nouvelle étape. Elle montre la montée en puissance de la Commission, qui entend jouer un rôle de premier plan sur la scène internationale.

Section 3 Le 11 septembre 2001 : Un accélérateur

Paragraphe 1er La Global War On Terror, nouvel unilatéralisme américain ?

Les attentats qui frappent les USA le 11 septembre 2001 marquent les esprits, d’autant plus vu l’efficacité au regard de leur relative simplicité d’organisation.

L’Afghanistan est d’emblée visé, militairement. Pendant ce temps, une petite brochette de 10 à 12000 personnes de confession ou d’origine musulmane est raflée, sur 3 à 7 semaines. La logique se veut préventive. On ratisse large. Rapidement sont prises des lois de protection du territoire, genre la mise en place d’un homeland security defense ou le patriot act. Ce dernier permet la mise sur écoute… massive, y compris des citoyens américains, renforce les contrôles aux frontières…

Suite à ces réactions épidermiques, on va mettre en place des… trous noirs… des lieux de détention (Pologne, Roumanie, Kosovo, Base de Diego Garcia, Guantanamo…), qui ne sont pas des prisons au sens où ceux qui y font escale ne sont pas considérés comme justiciables. L’Administration américaine va repousser dans le fossé la Convention de Genève en créant la notion d’ennemi combattant, distincte de celle de combattant visée par ladite convention. En Afghanistan, mais pas en Irak (enfin dans une bien moindre mesure), cette notion d’ennemi combattant est appliquée. Elle est également appliquée ça et là, permettant aux services de renseignement américain ou nationaux d’enlever en Italie, Suède, Allemagne ces ennemis combattants. Les relations internationales en sont affectées. La torture et autres traitements dégradants deviennent monnaie courante, selon un usage revendiqué, affiché, codifié. On entend accepter judiciairement des aveux obtenus sous la torture.

Le terme intelligence symbolise à la fois renseignement et contre-espionnage. En 1947, la CIA naît des cendres de l’OSS. C’est la principale agence de renseignement aux Usa, dans un contexte de polarisation internationale certaine. L’agence de renseignement américain a pour mission la lutte contre l’ennemi soviétique. Cette mission s’étend rapidement à la lutte contre tous les mouvements insurrectionnels liés au contexte de la Décolonisation. A l’époque, la CIA est la lead agency. L’us army doit ainsi mettre à disposition de la CIA leurs forces spéciales. La DOP récupère les forces spéciales militaires pour mener des actions à l’extérieur des Usa. Les militaires sont ravis. Une rivalité sanglante va alors prendre une certaine ampleur, avec des effets non négligeables par exemple lors de la Guerre de Corée. L’armée essaye ainsi de récupérer l’autonomie perdue. Pour y parvenir, rien de plus simple, elle développe sa propre doctrine de contre-guérilla, la special warfare, et augmente son nombre de forces spéciales. De cette doctrine, transpire l’idée de petites unités, très mobiles, très souples, devant épouser les techniques de la guérilla. Enfin ça doit pouvoir aussi déstabiliser un régime prosoviétique. A l’époque, la doctrine est encore celle des représailles massives, celles d’un conflit ouvert là toujours dans

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les plaines allemandes ou ukrainiennes. Il faut mobiliser tout un tas d’hommes et de moyens pour se taper dessus. Mais finalement, A partir d’un double mouvement. Le premier, en 1961, c’est la baie des cochons. Fidel est arrivé en 1959, dirigeant pimpant, à peine sanglant, il prend tout un tas de mesures hostiles aux intérêts américains. La CIA va se conforter dans l’idée de débarquer des troupes à Cuba pour renverser tout ça. Les troupes ne seraient non pas américaines, mais anticastristes. La CIA va les entraîner. En 24h, l’opération tourne au fiasco. La CIA prend cher. L’armée saute sur l’occasion. Ce qui est amusant, c’est l’aveuglément, obstiné, de la CIA à croire qu’envoyer des soldats là-bas serait accueilli à bras ouverts. Détail, on envoie les troupes dans le coin qui a le plus bénéficié des aides de la Révolution. Cerise sur le gâteau, on a envoyé des armes au préalable.

Le deuxième événement, c’est la Guerre du Vietnam. Les special warfares, refondues dans une doctrine de contre-insurrection, y sont envoyées. La défaite au Vietnam est fatale aux special warfares. En, 1981, la CIA revient sur les devants de la scène avec l’exclusive et totale responsabilité des opérations spéciales.

A l’intérieur des Usa, il y a le FBI22. C’est un service de PJ, mais surtout un service de renseignement. Les deux thèmes de prédilection, ce sont surtout la corruption politique et le contre-terrorisme. Non, il n’y a pas de serial killeur tous les mercredis soir à 20h30. Le service va passer d’un rôle de service de renseignement assez classique, à un rôle bien plus affranchi des formes de contrôle politique qui pouvaient jusque-là peser sur lui. Cette ascension va s’effectuer graduellement. Un consensus politique pour contrer la menace politique est une première étape. Le rouge, c’est le diable. McCarthy, sénateur jusqu’ici assez méconnu, peut-être pas pour ses frasques alcooliques, va se faire le héraut de la lutte anti-coco. L’Administration est infestée de la vermine communiste. McCarthy reprend le schéma de la Prohibition. Il a des listes de communistes, enfin il prétend les avoir pour dénoncer ces rougeurs. Le Parti communiste est assez faible aux Usa, mais qu’à cela ne tienne, on va quand même s’acharner. La crainte maladive de voir des idées communistes prendre une certaine ampleur va amener le FBI à élargir le spectre de sa surveillance. Hoover se gardera bien de définir le communisme. On passe en tout cas de l’observation des milieux communistes à l’observation plus massive de tous les milieux qui pourraient y être favorables. Ensuite, l’élargissement des droits civiques va être assimilé à la chose communiste. Martin Luther King sera taxé de communisme. Exit la simple surveillance, welcome les programmes Cointelpro, counter intelligence programs. Près de 370 programmes, allant de la surveillance physique, électronique, à la disruption, la perturbation de l'activité de ces groupes.

Un rapport de 1973 issu de la Commission CHURCH, a permis de mettre en lumière les pratiques du FBI des années ≈⋲ 1950 à 1968. Congrès et Sénat mettent la main à la pâte. L’événement déclencheur a été l’intrusion dans le bureau local du FBI par des étudiants de Berkeley. De manière anodine, ils tombent sur l’ensemble de ces programmes, allant des assassinats, aux fausses accusations et compagnie. Youhou ! Résultat des courses, 300 000 exemplaires en sont imprimés à partir du lendemain. Le scandale est inévitable. On se rend compte que la disruption consiste à monter les militants contre les autres. Divulguer de fausses allégations, discréditer des hommes politiques, supposer des penchants suspects pour le même sexe etc.

On découvre aussi un charmant programme Chaos, lui mené par la CIA, et qui consiste tout bonnement à monter 13000 dossiers sur les étudiants allant à l’étranger.

Hoover est mort depuis 2 ans. En 1974, Nixon est sur le point de se faire taper sur les doigts.

La NSA s’occupe, elle, de l’interception des télécommunications.

22 KELLER, dans Hoover & the liberals, s’intéresse aux 40 ans d’HOOVER à la tête du FBI.

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Chapitre II · L’institutionnalisation de l’Espace 26  

Le rapport CHURCH entend remettre à plat les méthodes du renseignement. 5 après, En 1978, est alors entreprise une réforme du renseignement, avec la mise en place du FISA – Foreign intelligence surveillance act – et d’une commission du contrôle du renseignement. La FISA a pour point notable d’intégrer pour la première fois dans les missions des services la lutte contre le terrorisme. A cette époque, le terrorisme n’est pas encore trop une mode. Le département d’État s’y intéresse déjà, enfin surtout depuis 1972 avec les jeux olympiques de Munich. Il cible alors et surtout les États sponsors du terrorisme. Les Usa parlent de subversion, de violence politique, on parle de conflit, etc. mais on écarte encore la notion de terrorisme et c’est à partir de 1978 que tout ça est peu à peu englobé sous la terminologie du terrorisme. Avec Ronald va naître le concept de rogue states, d’États voyous, qui coexistent auprès des failed states (la notion semble arriver au moment où l’URSS prend l’eau). Le Département d’État fait un état de la cartographie terroriste du Monde. Toute une brochette de conventions internationales de coopération en matière contre les détournements d’avions, puis en matière de lutte antiterroriste. Le département d’État va établir tout un tas de consignes, de normes de sécurité sur les ambassades, les membres du corps diplomatique. Afin de prévenir le atteintes aux intérêts américains. La CIA s’intéresse aux mouvements terroristes, le FBI lui s’intéresse dorénavant à la définition criminelle du terrorisme. La question religieuse va devenir croissante dans la délimitation du terrorisme. Le 11 septembre 2001 permettra de redistribuer les cartes entre armée, CIA, FBI et Département d’État.

La première manifestation, militaire, c’est la war on terror. L’Afghanistan en prend pour son grade. Peu de temps après, c’est au tour de l’Irak. Ce type de réponse est lié à la force qu’ont acquis un certain nombre de stratèges de l’entourage du président de l’époque, Bush junior. C’est également lié à la recomposition du modèle américain de guerre. La Révolution dans les affaires militaires opère. C’est la redéfinition par l’armée de son rapport à la guerre. Exit le modèle clausewitzien. Des scenarios de guerre sont émis. Le fondement de cette redéfinition repose sur l’asymétrie, la supériorité quasi absolue de l’armée américaine tant quantitativement que qualitativement sur n’importe quel autre adversaire. L’objectif étant de pouvoir mener des guerres avec 0 morts… cela implique une utilisation maximum des technologies mais encore le refus autant que faire se peu de l’engagement humain. On essaye de casser de l’ennemi avant d’envoyer des troupes sur place. En 1993, en Somalie, une opération « restauration de l’espoir » visait à mettre fin à la guerre civile. On se rappellera à ce titre le luisant film la chute du faucon noir. Pan pan partout. Bon enfin les troupes US finissent par quitter la Somalie.

Les Usa vont alors appliquer la théorie du 2+2, 2 conflits importants et 2 conflits périphériques. Plus besoin de déclarer la guerre. Alessandro DAL LAGO en déduit que les Usa interviennent tels une police globale, partout où les intérêts américains sont menacés.

Bon, on tape sur l’Afghanistan, on tape sur l’Irak, on tape sur tout ce qui bouge, mais ensuite ? Le territoire occupé est à gérer, quand les populations autochtones sont loin d’être réjouies de la présence massive de troupes étrangères. Les stratégies de guerre contre insurrectionnelles ressortent alors des fourrés. La question coloniale est en toile de fond. Les stratégies et manières et de penser puisent dans les conflits de décolonisation. L’une des idées fortes, c’est qu’il ne s’agit plus d’une guerre classique, avec des ennemis clairement identifiés, mais qu’il s’agit plus d’une « guerre dans la population ». Gné ? Le modèle clausewitzien, entre ami et ennemi, entre intérieur et extérieur, combattant et non-combattant, passe à la trappe. Les formes de résistance sont dissimulées au sein de la population. Il faut donc identifier, isoler, et neutraliser l’ennemi qui joue à cache-cache. Cela suppose de connaître la population, de la contrôler, et si possible d’obtenir son allégeance, en tout cas son obéissance. La population devient le centre de gravité du conflit. L’une des contreparties, c’est que l’ennemi ne soit plus considéré comme un ennemi, celui qui se prend une tarte mais qu’on respecte. Maintenant, l’ennemi, c’est soit un criminel, soit un bandit, un… subversif, ou même un terroriste. La notion d’ennemi combattant permet de passer outre la notion d’ennemi, en costume ou non, à la manière de la Convention de Genève.

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Et ça se neutralise comment ? ➀ Il faut l’identifier, le localiser. Des opérations policières effectuées par des unités militaires, éventuellement locales, sont menées de concert avec les services de renseignement. ➁ Une fois cela réglé, donc les éléments capturés, torturés, auxquels on aura soutiré de l’information, il va falloir persuader les populations de l’efficacité des troupes coloniales, au travers d’actions psychologiques du genre exposition des cadavres des rebelles à l’entrée des villages, ou encore par la mise en place d’activités civiles de développement et d’assistance. Il faut conquérir les cœurs et les esprits. Cette théorie, qui remonte aux années 1920, tend à démontrer que la présence étrangère est bénéfique pour la population. ➂ Ensuite, il va falloir dissuader les populations de coopérer avec l’ennemi. Pour ce faire, on peut faire dans la représailles (champs, villages etc. détruits, tortures…). ➃ Il faut en tout cas empêcher l’ennemi « d’infecter la population ». Il faut quadriller aussi étroitement que possible le territoire, et assurer autant que possible les regroupements de population. En Malaisie, on retrouve ainsi de nouveaux villages, au Vietnam, des villages stratégiques, où sont regroupées les populations, afin que soit placés autour d’elles des cordons sanitaires pour les isoler des insurgés. Bourdieu s’est intéressé sur leurs effets, en Algérie notamment. La société s’en retrouve profondément modifiée. Des paysans sans qualification se retrouvent quasi-citadins.

Ces 4 mouvements ont été théorisés dans la Doctrine de la Guerre Révolutionnaire, par TRINQUIER, colonel, et GALULA, général. Eux résume tout ça par la métaphore du poisson : « Il faut attraper le poisson et tenir la vase ». Il faut… filtrer l’eau, hin hin, contaminer ensuite l’eau (agir), et ensuite bah vider l’eau (déplacer), pour laisser apparaître les vilains poissons. Le « guérillero est poisson dans l’eau au sein de la population », dixit Mao. Et bah qu’à cela ne tienne. Matthieu RIGOUSTE, dans son ouvrage de 2009, intitulé l’ennemi intérieur, se base sur les archives militaires appliquant cette doctrine, pour mieux la mettre en lumière.

Cette doctrine circule. Algérie, Argentine, Malaisie, Chili etc. elle est en tout cas mise en place autant en Afghanistan qu’en Irak. Avec quelques évolutions, la conquête des cœurs et des esprits reste le point d’orgue.

Enfin Algérie, Indochine, Chili, Vietnam sont loin d’avoir été des succès détonants.

La CIA et le FBI sont rapidement remis en cause après le 11 septembre 2001, pour n’avoir su prévenir des attentats particulièrement réussis avec plus de 3000 morts… Les théories du complot sont alors apparues, emportant avec elles des mécanismes sociaux très puissants, d’où un écho certain. Il est clair que la version officielle reste parfois très bancale, il est également clair que des éléments ont été faussés. Bref des parts d’ombre subsistent, mais aujourd'hui, on ne peut pas dire qu’il y ait eu complot.

En tout cas, on sait que les services américains disposaient d’un nombre suffisamment important d’informations sur des projets. Avant le 11 septembre 2001, le renseignement US avait fait le choix de privilégier le renseignement technologie, la capacité de voir, écouter tout ce qui se passe. Le programme ECHELON, mis en place par la NSA, banalement appelé programme des grandes oreilles, absorbe toute communication utilisant les réseaux téléphoniques, depuis belle lurette. Les communications sont analysées, filtrées selon des mots-clés. L’association de mots dans une corrélation particulière fera l’objet d’un traitement humain. Quand d’autres services préfèrent le renseignement humain. Le choix technologique fait par les Usa a clairement mis en lumière ses limites. Le FBI a ainsi pris cher. La CIA saute sur l’occasion. Elle va alors être à même de mettre en œuvre un idéal typique en matière de renseignement. L’idée va être de pouvoir extraire de l’information sans se préoccuper de quoi que ce soit. Résultat, les personnes suspectées de chopper de l’information pourront être détenues, autant que faire se peut, sans que quelque chose leur soit reproché formellement. D’où la mise en place de lieux de détention ça et là. Entre 2001 et 2005, les organisations de défense de Droits de l'Homme ont recensé 70000 personnes détenues à cette mode. Le suspect sera enlevé, selon des

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extraordinary renditions, bref n’importe où, pour être détenu dans un lieu tenu secret. Et puisqu’il faut extraire de l’information, on pourra employer tous les moyens pour y parvenir, permettant donc de recourir à la torture. Exit la logique judiciaire.

Dès le lendemain du 11 septembre, la CIA ouvre un nombre de centres de rétention. Le plus célèbre, celui de Guantanamo. C’est loin d’être le seul. Kosovo, Diego Garcia, Usa, Italie, Pologne etc. sont d’autres exemples. Guantanamo ouvre pour interner ceux taxés d’être ennemis combattants. Des personnes, enlevées en Afghanistan, Pakistan, Egypte et compagnie, obtiennent ainsi leur aller simple pour Cuba. Les plus chanceux y sont depuis 2001. Ils sont interrogés, torturés, dans une zone militaire et selon les méthodes de la CIA. Une enquête du Conseil de l’Europe va les révéler. Dick MARTY s’est intéressé à ces sites, au nom du Conseil de l’Europe. Il a mené une enquête relativement approfondie auprès de certains Gouvernements, levant par exemple le voile sur l’existence de ces centres en Pologne et Roumanie. Il s’est également intéressé à la manière de transférer les suspects. 1600 trajets entre 2001 et 2004 ont ainsi été passés à la loupe. Pas besoin d’imputer une quelconque charge, ou de fournir des éléments à un représentant de la défense d’un détenu pour envoyer le suspect dans l’un de ces centres. Cette logique employée par les Usa a eu des effets par exemple au Royaume-Uni, permettant de détenir de manière indéfinie, sans procès, de tout étranger suspecté de terrorisme refusant l’expulsion. 17 personnes s’y sont tentées. Le Gouvernement anglais a alors accepté de sortir de l’Art. 5 CESDH, de 2001 à 2004.

A Guantanamo, on retrouve des radicaux, des talibans vendus par des chasseurs de prime contre 5000 $, d’autres sont pas forcément directement liés à la cause terroriste. Si bien que certains, relâchés, se radicaliseront.

Cette logique d’enfermement se couplait d’un programme spécifique pour arrêter tout un tas d’individus. En Italie, un mollah d’une mosquée de milan est ainsi éjecté en Egypte, pendant 2 ans, et fini par être relâché. 24 agents de la CIA sont impliqués. Une fois le paquet expédié, ils festoient. Le SISMI, le service de renseignement italien les aide. En Italie, ce sera fait avec l’aval du chef des renseignements italien, sans l’aval du Gouvernement. En Allemagne, ça aurait été fait avec l’aval du Gouvernement. Bref aujourd'hui, la pratique perdure, mais a priori avec la bénédiction des Gouvernements des pays où sont enlevés les suspects.

La question de la torture est primordiale, sinon centrale dans cet édifice.

Après le 11 septembre 2001, pour la première fois, la torture est légitimée juridiquement, politiquement. La France tortura en Algérie, bien que les Gouvernements de l’époque l’aient nié. Au Chili, c’est pareil. Le Gouvernement américain a entendu mener un travail juridique conséquent pour asseoir juridiquement la torture. On va ainsi recruter toute une clique de juristes pour y parvenir. Dès août 2002, le service juridique du Ministère de la justice américain justifie la redéfinition de la thématique de la torture, pourtant explicitement prohibée, en même temps que les traitements dégradants, par l’ensemble des conventions internationales, peu importe les circonstances. La convention de 1984, contre la torture et les peines inhumaines et dégradantes, l’explique notamment23. Pas grave pour le Département de la justice américain. Certains actes ont beau être cruels inhumains ou dégradants, ils ne produisent pas une douleur telle qu’ils tombent dans le cadre des conventions internationales. Moralité, il y aurait torture lorsqu’on perd un organe ou qu’on passe à la trappe. Il va en résulter une bataille juridique. Les Usa vont invoquer l’argument moral de la ticking bomb, la bombe à retardement. L’urgence

23 « La Convention contre la torture autres peines et traitements cruels ou dégradants » définit la torture dans son article 1, comme « tout acte par lequel une douleur ou des souffrances aiguës, physiques ou mentales, sont intentionnellement infligées à une personne. » Elle exige de tout Etat partie qu'il prenne « des mesures législatives, administratives, judiciaires et autres mesures efficaces pour empêcher que des actes de torture soient commis dans tout territoire sous sa juridiction », indiquant « qu'aucune circonstance exceptionnelle, quelle qu'elle soit ne justifie la torture », écartant toute invocation d'ordres supérieurs (art.2).

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finalement… X connaît l’emplacement d’une bombe mais ne veut pas révéler son emplacement. Plutôt que de le laisser exploser la bombe, et beh on va lui extraire ce qui permet d’empêcher à la bombe d’exploser. On va sauver plein de gens. Les Usa se basent sur le worst case scenario, la logique du pire. Reste à savoir où comment le pire. On entend justifier moralement, symboliquement la torture.

Les modes d’emploi de la torture, effectuée soit par une membre de la CIA soit par un militaire formé par la CIA, ont fini par être révélés. Les techniques sont variées, dignes de l’Inquisition. Appuyer sur des phobies avec des insectes, de l’eau (water boarding… ), en privant de sommeil pendant 70 à 120 heures jusque 180 heures, en enfermant dans des lieux exigus, histoire de briser les résistances. Dans tous les cas, on veut… juste… torturer, pas tuer. On contrôler médicalement que le prisonnier suspecté ne clamse pas. Celui qui est présenté comme le cerveau des attentats du 11 septembre a ainsi subi 183 traitements… personnalisés. Il révélé avoir fomenté 60 autres attentats. On remet en question cette pratique car elle permet de faire dire finalement tout voire n’importe quoi puisque la personne finira par tout accepter pour que la torture cesse.

Les Usa n’ont pas été les seuls à employer ces méthodes. Le Royaume-Uni, au travers du MI-6, y a aussi recouru. La DST, elle, en a profité pour interroger des prisonniers français envoyés à Guantanamo. Le service de renseignement français veut raisonner de manière intermédiaire.

Vivienne JABRI s’est penchée sur la symbolique de ce mode de torture. Il y a vraisemblablement un lien avec l’exercice d’une souveraineté pure, avec un caractère non honteux de la torture. Finalement, d’un pouvoir nu, exhibé. Elle appuie sur la fierté perçue par les tortionnaires. On se rappellera des photos des humiliations effectuées à Abou Grahib. Tous les clichés sont utilisés pour humilier.

Et bah malgré tout, la logique judiciaire, niée, refait surface. Italie, Royaume-Uni, et même Usa, surtout depuis l’élection d’OBAMA en font l’objet. Si bien que 5 responsables avérés d’Al-Qaeda, emprisonnés à Guantanamo, vont être jugés par des tribunaux civils. Le vide juridique avait été comblé dans un premier temps par la mise en place d’un tribunal militaire, et finalement le recours aux tribunaux civils. Certains responsables de la CIA, du département de la justice, qui ont légitimé la torture, pourraient subir des poursuites judiciaires. Il tombe à nouveau en discrédit. Et la sombre tentative avortée du Nigérian Umar Farouk Abdulmutallab n’a pas du tout redoré son blason. Le FBI, opposé dès 2003-2004 à ce mode de fonctionnement, ressort des fourrés ! Il y a un savoir-faire de police criminel qui permet d’aboutir à des résultats. Au grand dam de la CIA. Le FBI apparaît à nouveau en bonne grâce dans la lutte contre le terrorisme.

Encore une fois s’opposent les logiques de renseignement et les logiques criminelles.

Paragraphe 2e L’affirmation de l’Europe comme acteur international

L’Union Européenne va jouer un rôle nouveau en matière d’anti-terrorisme. Avant le 11 septembre 2001, seuls 7 États avaient des formes de législations anti-terrorisme (Allemagne, Espagne, France, Grèce, Italie, Portugal et Royaume-Uni). Après, Harmonisation européenne oblige, tous les États ont dû à procéder à un rattrapage en instituant les législations anti-terrorisme, le plus souvent ex-nihilo. Le terrorisme va être encadré, des traités en matière de coopération sont être ratifiés…

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Dès le 21 septembre, l’Europe adopte un plan d’action. Il en découle le souhait de souscrire à la déclaration 13/73 du Conseil de Sécurité des Nations Unies du 28 septembre. Celle-ci impose aux États des obligations contraignantes quant à l’incrimination en matière terroriste et à la répression du financement du terrorisme.

La première action formelle – un règlement du Conseil Européen – est lui prise le 27 décembre 2001. Des mesures restrictives sont ainsi imposées à l’encontre de certaines personnes et entités en matière de lutte anti-terroriste. Parmi ces mesures, on entend notamment le gel des avoirs et biens. L’Union Européenne liste à cette occasion individus et entités terroristes. 30 noms sont ainsi répertoriés. Bizarrement, ils sont tous basques. C’est probablement dû au fait que l’Espagne soit alors à la tête de la présidence tournante de l’Union Européenne. Djihad islamique, Hamas, FARC, PKK, etc. font partie des entités. Dorénavant, le fait de figurer sur cette liste s’applique dans toute l’Europe, sans complaisance. Le petit problème, c’est de savoir comment élaborer cette liste. Si bien qu’on a tendance à ratisser large. Accepter de poursuivre telle organisation impliquera de poursuivre une autre organisation contre laquelle on n’a pas forcément quelque chose. Le PKK, qui intéressait l’Allemagne aura vraisemblablement été accepté en contrepoids du GIA etc. aujourd'hui, les Moudjahidines du peuple sont la seule organisation à être sortie de la liste, après 5 ans de bataille juridique, quand bien même elle apparaissait comme fervent opposant au régime iranien (mais déjà auparavant contre le Shah…). Bon, mais ce qui est plus intéressant, c’est de savoir comment faire pour figurer dans ces listes. Le règlement du 27 décembre 2001 le définit. Des indices sérieux et crédibles, provenant d’une autorité compétente, doivent être fournis. Des preuves ? Bof. Cette liste est révisée épisodiquement par une instance – une Clearing House – composée par les ministres européens des affaires étrangères, en fonction de la situation politique ou d’informations de tout genre. Comme l’Union Européenne, Nations Unies, OSC (Chine, Russie, Mandchourie et républiques d’Asie centrale…), s’échangent leurs listes.

Ce mouvement a obligé l’Union Européenne à définir l’acte terroriste. Il y a par exemple eu une certaine harmonisation de la définition des sanctions. Une circulaire de juin 2002 définit les infractions terroristes « comme des infractions commises intentionnellement par un individu ou un groupe contre un ou plusieurs pays, leurs institutions ou leurs populations, en vue de les menacer et de porter gravement atteinte aux structures politiques, économiques, ou sociales, de ces pays, ou de les détruire ». L’infraction est également terroriste « lorsqu’elle a pour but de contraindre indument des pouvoirs publics, ou une organisation internationale à accomplir ou à s’abstenir d’accomplir un acte quelconque ». Ok, donc toi, et beh t’es un terroriste en puissance même si tu ne le sais pas encore. Ahhh. Cette définition est assortie d’une harmonisation des peines. Ce règlement invite les États membres à adopter les mesures nécessaires pour que des individus, appartenant à des organisations terroristes, soient punis de 15 ans d’emprisonnement pour la direction d’un groupe, de seulement 8 ans pour appartenance à un tel groupe.

C’est encore à cette époque que s’intensifie la coopération avec les USA. Le 20 septembre, une déclaration commune avec les Usa est signée entre le Conseil JAI (Ministres de la Justice et de l’intérieur de tous les pays membres). Elle vise, outre l'harmonisation, à améliorer la coopération transatlantique. Deux mesures à retenir, c’est premièrement la coopération pénale avec les Usa, et notamment la question de l’extradition, avec les problèmes de différence de normes (genre la peine de mort…). Un accord, de 2003, voit les États européens accepter une telle extradition en échange de quoi les Usa s’engagent à ne pas exécuter la peine de mort quand bien même elle serait prononcée. Ça sent l’embrouille. Le deuxième type de mesures porte sur l’échange de données personnelles, entre EUROPOL et les USA. Il en résulte un affaiblissement des protections, mais c’est surtout le premier exemple de traité entre EUROPOL et un acteur tiers à l’Union Européenne. Cet accroissement de la coopération peut être interprété de deux manières. Soit on est plutôt pessimiste et finalement, l’Union Européenne s’affaiblit face aux Usa, soit on est plutôt optimiste et l’Union Européenne joue enfin le rôle d’acteur international autonome. Reste la troisième option, l’Union Européenne parle d’une seule voix, somme toute frêle.

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31 Chapitre II · L’institutionnalisation de l’Espace  

Un dossier, celui des PMR – passenger name records – va être l’illustration d’une Union Européenne comme acteur international autonome. Ces PMR sont la base de donnée des passagers aériens. Au lendemain du 11 septembre, les Usa établissent des no fly lists, qui ciblent tous ceux qui voyagent à destination, par, ou au départ des Usa. Ensuite, courant novembre 2001, le Gouvernement Us exige des transporteurs aériens qui assurent des vols à destination ou au-dessus du territoire aérien, à ce qu’ils fournissent aux douanes américaines un accès électronique aux données contenues dans leurs systèmes de gestion et de réservation. Ces données forment les PMR. Refuser, c’est se farcir une amende, c’est surtout se voir interdit de vol aux Usa. Les transporteurs se sont tournés vers la Commission européenne pour négocier avec les autorités américaines. Les législations européennes en matière de protection des données vont en prendre un coup. A quelques détails près, la Commission s’agenouille face aux exigences américaines. Un accord, quel qu’il soit, serait préférable à l’absence d’accord. Cette position sera donc critiquée. La Chambre des Lords considère que les exigences américaines sont disproportionnées et contraires aux principes fondamentaux de respect des données. Pendant 1 an, ça s’excite. Sans succès pour les opposants.

34 catégories de données sont exigées par les autorités américaines. On y retrouve le… nom, l’adresse postale… l’adresse de facturation, les modes d’information liés au payement du billet, les itinéraires effectués, les raisons des voyages, les informations visant les voyageurs fréquents, le régime alimentaire, les allers simples, les passagers défaillants, les remarques des passagers avant le vol… mais pas la marque de slip. Les douanes se servent en libre service et maintenant, les compagnies aériennes envoient tout par défaut comme ça. En théorie, les douanes américaines n’ont pas accès aux données qui ne visent pas les vols visant indirectement ou directement les USA. Bizarrement la réciproque ne marche pas. Les douanes sont supposées utiliser ces informations pour le terrorisme, et puis tous les crimes sérieux transnationaux. Ces données sont conservées… pendant 3 ans et 1/2, 8 ans pour celles qui auront la chance d’avoir été consultées. Les douanes peuvent communiquer ces informations à toute autre institution américaine ou gouvernementale concernée par la lutte anti-terroriste ou le maintien de l’ordre.

Pourquoi glaner toutes informations et dans quel but ? Recouper avec d’autres informations, potentialiser des risques, élaborer finalement des profils. Le profil menaçant à l’époque, c’est voyager vers l’Egypte, la Jordanie, ou dans d’autres pays d’Afrique ou du Moyen-Orient, payer en liquide, prendre un aller simple. Ahhh. Tu es étudiant, tu es menaçant !! Je précise avoir écris cette dernière phrase avant l’attentat raté du 25 décembre dernier. Quand bien même plusieurs signes ont été transmis aux autorités américaines, il n’en a rien découlé.

L’affaire SWIFT est une autre illustration de la volonté de l’Europe à occuper un nouveau rôle sur la scène internationale. SWIFT, du nom de l’entreprise qui ne fait que gérer les transactions internationales avec les cartes bleues Visa ou Mastercard. D’où une base de données, que la CIA s’est empressée de pomper. Petit problème, SWIFT est une entreprise européenne. En Europe, des entreprises privées ne font pas ce qu’elles veulent quant aux données privées. La Commission a été chargée du dossier. L’Union Européenne n’a pu arracher autre chose qu’une garantie de contrôle des données, ce qui reste bien en deçà des normes européennes.

Après le 11 septembre 2001, le mandat d’arrêt européen va être une manifestation de la coopération européenne en matière judiciaire. Bon, mais c’est quoi ? Le mandat d’arrêt européen est mis en place le 1er janvier 2004, quand la décision de l’instituer a été prise le 13 juin 2002. Le mandat d’arrêt européen est venu bouleverser les procédures d’extradition entre les États membres. Le mandat d’arrêt européen se définit comme une décision judiciaire prise dans un État membre en vue de l’arrestation d’une personne dans un autre État membre. En matière de souveraineté, c’est assez nouveau. Le mandat d’arrêt européen a encore pour particularité que l’autorité judiciaire nationale est obligée de reconnaître la demande émanant de l’autre autorité judiciaire, selon des procédures

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Chapitre II · L’institutionnalisation de l’Espace 32  

simplifiées, avec des contrôles relativement réduits. Les premiers mandats européens ont été bizarrement émis contre les militants nationalistes basques basés en France. Des débats ont alors eu lieu puisque ces mandats visaient une organisation basque considérée comme illégale en Espagne, légale en France.

Auparavant, la procédure d’extradition comportait deux phases, l’examen par les tribunaux et l’autorisation par le pouvoir politique. Un exemple relativement récent a visé l’affaire Rachid RAMDA. Il est arrêté par les services anglais. L’une des raisons pour lesquelles on voulait le juger en France, c’est qu’il a été dénoncé par l’un des auteurs matériels des attentats de 1995, Boualem BENSAÏD. Les magistrats anglais se sont opposés à son extradition, pour la raison qu’ils n’étaient pas sûrs que RAMDA ne serait pas torturé en France. Gouvernement français et anglais ont bataillé. Il y a finalement eu extradition, où le Gouvernement a garanti que RAMDA ne subirait pas de mauvais traitements. D’autres cas, notamment en matière basque, ont vu les affaires se solder par le rejet de la décision d’extradition. Maintenant, avec le mandat d’arrêt européen, tout ça, c’est fini. La délivrance du mandat d’arrêt et la décision d’extradition relèvent du domaine judiciaire. Emission et exécution du mandat d’arrêt sont effectuées par les autorités judiciaires. L’arrestation d’une personne recherchée par la justice se rapproche dans l’espace européen à ce qu’elle est dans l’espace national. De là à écarter totalement l’influence du politique…

Le champ d’application de ce mandat d’arrêt européen est relativement large. Il s’applique ainsi aux infractions, pour lesquelles une peine d’emprisonnement au minimum d’1 an, est applicable. Il s’applique encore si la peine a déjà été prononcée, d’une condamnation définitive d’au moins 4 mois. Les infractions ne sont pas cantonnées à un domaine particulier. Le mandat d’arrêt s’applique à tout crime non encore prescris, y compris ceux entrés en vigueur avant l’entrée en vigueur du mandat d’arrêt européen (avec pour restriction la France, jusque 1993, pour l’Italie et l’Autriche jusque 2002). Pour 2006, 5832 mandats d’arrêt européens ont été émis. 1500 personnes environ ont été remises aux autorités. C’est relativement important. Sur ces 1500, 50 % l’ont été avec leur consentement. Dans 30 % des cas, il s’agissait des nationaux du pays qui les a remis. Depuis, le nombre de ces mandats augmente régulièrement. Autour de 8500 en 2007. Dans 1 cas sur 4, les mandats donnent lieu à des recherches et des arrestations sur place. En général, les délais d’extradition tournent autour de 5 semaines lorsque les personnes visées ne donnent par leur consentement. Avant, c’était plus du 9 mois. Dans l’effervescence post-11 septembre, c’est une évolution qui lui est consécutive. C’est même une réalisation majeure de l’espace européen de justice.

Outre le mandat d’arrêt européen, la lutte contre le radicalisme islamique connaît un essor certain. Les attentats du 11 mars 2004 et ceux du 7 juillet 2005 y sont pour une part importante. Les attentats de Madrid ont visé les RER version madrilène. 191 morts. Le commando est assez rapidement identifié. Une bombe n’explose pas, on retrouve la carte SIM, et finalement les auteurs sont assez intégrés. Les attentats de Londres sont du même ordre. Les auteurs sont également implantés depuis longtemps, certains sont nés au Royaume-Uni. On parle alors de Home grown Terrorists. La prévention du terrorisme évolue. La mode Us visant à fermer les frontières, à filtrer au maximum ceux qui veulent entrer sur un territoire donné pour commettre des attentats, est inefficace. Il faut arriver à les cibler. D’autant plus que le coût des attentats peut s’avérer faible. 8000 € pour les attentats de Madrid. C’est pourquoi l’Union Européenne lutte contre la radicalisation violente. En octobre 2004, la Commission explique qu’il serait bien de s’opposer à la radicalisation violente de nos sociétés, et rompre les logiques facilitant le recrutement des terroristes. 2005, 2006, 2007 vont voir être prises tout un tas de déclarations, de groupes de travail, avec un financement conséquent sur la recherche, mais encore l’installation d’un coordinateur de l’anti-terrorisme en Europe, Gilles de KERCHOVE, l’un des artisans d’EUROJUST. Parmi les objectifs énoncés en 2005, on retrouve la recherche des facteurs contribuant au recrutement, mais aussi l’examen des liens entre « des croyances religieuses ou politiques extrêmes, des facteurs socio-économiques, et le soutien au terrorisme, et enfin le respect de l’État de Droit, avec une stratégie d’entente interculturelle/interreligieuse avec le monde islamique ».

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33 Chapitre II · L’institutionnalisation de l’Espace  

Les experts habituels du terrorisme sont sortis des bois. La terroristologie a pris son envol. Plus traditionnellement, des spécialistes de l’islam ou de zones géographiques particulières ont été intéressés. Les travaux qui vont en découler vont avoir des effets concrets, du genre comment fermer des sites faisant l’apologie de la violence, comment interdire des organisations un peu trop excitées – les get away organizations…

On a deux grandes familles d’étude de l’action collective. ➊ La première branche, c’est celle qu’on retrouve chez Ted GURR. Teddy, c’est un sociologue américain qui a médité dans les années 1960 et 1970 sur les mouvements sociaux. Il est notamment l’auteur de why men rebel. Il se demande pourquoi les hommes se révoltent. La thèse fondamentale vise la frustration relative. Ça, c’est l’écart entre les aspirations des individus et les opportunités réelles qui s’offrent à eux. DAVIES en a déduit une courbe reprenant deux axes, avec le niveau de vie ou d’études et le temps. Une première courbe décrit les aspirations, une autre la réalité. Au point 0, c’est la rentrée en fac, bref le début d’ambitions. Avec l’explosion des étudiants, les aspirations finissent par être déçues, quand bien même à même niveau. Les hommes se révoltent donc en fonction de la déception de leurs aspirations. Dans les années 1980, cela engendre une école de pensée. Une des principales critiques, c’est que ce constat se fasse a posteriori. Finalement la question à se poser aurait bien pu être plutôt celle de savoir pourquoi les hommes ne se révoltent-ils pas plus souvent ?

Nombre d’études vont analyser la frustration comme le moteur du passage à l’acte violent, notamment après 2001. Des interprétations… psychologisantes sur le terrorisme vont être alors effectuées. Des individus… fragiles… manipulables… frustrés seraient d’autant plus réceptifs à des mécanismes de radicalisation. D’où des conclusions souhaitant interdire les discours radicaux pour du coup couper le mal à la racine, à défaut de supprimer les individus. La radicalité des opinions se traduit par une radicalité des actes, et c’est en supprimant les discours radicaux qu’on inhibe les radicalismes. Ces études se focalisent sur l’individu. On va alors rechercher ce qui les prédispose ces individus à passer d’une sensibilité au radicalisme vers un passage à l’acte. En gros, frustré + islam = terroriste. Et beh. Alors le léger problème, c’est que ces études ne ciblent finalement qu’un seul acteur, celui qui passe à l’acte, que ce soit l’individu ou le groupe.

➋ Une deuxième branche va alors s’intéresser aux relations entre les acteurs. L’action des forces de police, des politiques étrangères ont autant d’importance dans le processus de radicalisation que les propriétés intrinsèques de l’individu qui va faire sauter une bombe. La dynamique d’escalade, absente dans les théories précédentes, est intégrée dans cette branche. C’est pourquoi elle implique de s’intéresser aux services qui combattent les radicalisations et donc les politiques des Gouvernements. Charles TILLY, autre auteur américain, s’interroge dans La France conteste sur les conditions de ces mobilisations, mais encore sur les dynamiques sociales. Ce qui est finalement étonnant, c’est la rareté du passage à l’acte. Et les erreurs des acteurs ont tous comptes faits plus de poids que les efforts. Ceux qui ont commis les attentats de Londres se sont radicalisés dans une salle de sport en visionnant des films sur la situation en Irak, alors que certains d’entre eux n’étaient même pas religieux.

La relation terroriste à étudier est triangulaire, quadripartite. Org° Clandestines / autorités / tiers avec comme point droit d’orgue les journalistes. Une organisation clandestine qui vise des autorités passera par les médias pour toucher les tiers. Les autorités peuvent mener une opération contre les organisations clandestines, mobiliser les journalistes pour toucher un maximum de tiers. Cette relation triangulaire tend à pousser organisations clandestines et autorités à se partager les tiers, donc à les conquérir sans cesse, et la voie plus efficace, c’est de passer par les médias. Mais dans la grande majorité, les tiers restent assez indifférents. Au pays basque, la gauche lutte contre la branche indépendantiste armée pour obtenir une certaine autonomie, redorer son blason, et donc obtenir un certain audimat. De l’autre côté, la branche indépendantiste se bat pour conserver comme active la lutte armée.

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Chapitre II · L’institutionnalisation de l’Espace 34  

➌ Bon, mais comment des tiers vont rejoindre des organisations clandestines ? La théorie à la mode, c’est… l’autoradicalisation. En gros, faut se monter le bourrichon. Il y a certes un écho médiatique, mais finalement, si le cas existe, il reste rare. On peut se souvenir de l’attentat contre le Pape du 13 mai 1981, par Mehmet ALI AGCA ou plus récemment l’ingénieur qui voulait shooter le 27ème régiment de chasseurs alpins. Ou encore plus récemment le nigérian qui a une notion toute particulière de noël.

La radicalisation apparaît en tout cas donc un processus collectif.

En outre, la radicalisation est une affaire de croyances, politiques, religieuses… bref d’exacerbations. Mais encore une fois, nombreux sont ceux qui, exacerbés, ne passeront pas nécessairement à l’action violente. Ce seront finalement plus ceux qui, les moins radicalisés, vont agir sur un coup de tête (?). La propagande par le fait, théorisée en son temps par les anarchistes, a pour objectif de mobiliser en commettant un ou des coups d’éclat. Mais ça ne marche pas comme ça. La radicalisation reposerait plus sur une sociologie des petits groupes. La dynamique de passage à l’acte reposerait sur des dynamiques d’escalade. Buk. Les dynamiques d’escalade seraient matérialisées par la prison, les arrestations, ne serait-ce que pour des faits mineurs mais répétées, bref au contact d’une autorité ou d’une force, vécu comme injuste, discriminatoire. L’IRA a ainsi eu un certain succès suite à ce qui apparaît comme une forme d’oppression des autorités dans des enclaves catholiques irlandaises. Une fois entré dans le groupe clandestin, c’est quelque part renaître, changer en tout cas d’identité. Qui dit groupe clandestin dit groupe relativement restreint, avec des règles donc strictes. Il y a ainsi… un prix d’entrée. Entrer dans le groupe, c’est payant. C’est ce qui est supposer générer de la loyauté. On entend rendre la défection coûteuse. Jambisation de l’ennemi de classe, rites initiatiques, argent… qui empêchent de faire facilement machine arrière. Alors il y a bien des repentis, avec les risques se faire truffer au plomb. Le degré de clandestinité fait que la vie est articulée autour des logiques de l’organisation. Plus l’organisation est restreinte, plus le degré de coupure par rapport au reste de la société est élevé, voire total. Action directe, c’était ainsi une dizaine de personnes clandestines, une centaine sur le plan logistique, pour environ 15000 sympathisants. Les brigades rouges, 2000 clandestins au maximum, 20000 au plan logistique, 1000000 sympathisants lors de certaines manifestations. Mais un trop haut degré de clandestinité nuit nécessairement à l’impact de l’organisation clandestine. Action directe ne pouvait pas faire avancer fondamentalement le schmilblick…

Finalement, des idées radicales ne conduisent généralement pas à des actions radicales. La radicalité des idées vient par la suite légitimer des dynamiques de passage à l’acte, liées notamment à la dynamique de l’escalade, regroupant action et répression, mais encore à l’importance du passage à la clandestinité.

Bon, mais que faire des organisations radicales qui existent en Europe ?

Que faire ainsi de la Mosquée de Finsbury Park, haut lieu du radicalisme musulman qui va occuper l’espace médiatique surtout entre 2004 et 2007. Ce n’est qu’un exemple, faut-il les interdire, faut-il fermer les sites Internet qui prêchent la radicalisation, faut-il fermer des lieux de culte et / ou de prière. Bref tout un discours sur les gateway organisations prend de l’ampleur. On se rappellera du « londonistan ». Ces organisations radicales seraient le vivier dans lequel se recrutent par la suite les terroristes. Il y aurait un retour à une version très… puriste du Coran prônant l’ascétisme, l’humilité et le prosélytisme. Sont-elles un accélérateur ou un garde-barrière au passage à la radicalisation ? Les services secrets sont divisés. Au sein même des pays ou en dehors. Les sciences sociales vont plutôt dans le sens de l'hypothèse d’organisations garde-barrières, en raison notamment de l’histoire de processus de radicalisation, reprenant les exemples de l’Irlande du nord, l’Afrique du Sud ou du pays basque espagnol. L’existence d’organisations politiques, même très radicales, a été un élément crucial dans les processus de paix. Très souvent, on suppose naïvement que le Sin Fein soit la vitrine politique de l’IRA. C’est faux. Les processus de paix se négocient dans

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2009 - 2010 Enjeux de la sécurité européenne  

35 Chapitre II · L’institutionnalisation de l’Espace  

les luttes entre groupes armés clandestins et groupes politiques qui privilégient plus la normalisation, à l’intérieur même des organisations.

Au niveau européen, la tendance est d’interdire les gateway organisations, sans que le débat soit aujourd'hui arrêté. Ceci dit, nombres d’États ont légiféré pour les interdire. Espagne, Royaume-Uni, Allemagne… mais alors jusqu’où va-t-on dans la restriction de la liberté d’expression ?

Paragraphe 3e La lutte contre le financement du terrorisme

Cette lutte, c’est l’un des axes d’engagement majeur de l’Union Européenne. Mais ce combat est tout compte fait plus international. Le combat va ainsi se matérialiser notamment par le GAFI (Groupe d’action financière sur le blanchiment des capitaux). Gilles FAVAREL GARRIGUES s’est intéressé sur la régulation de la criminalité organisée en Russie, sur les dispositifs de lutte contre la fraude économique et financière avant et après l’effondrement de l’URSS. Il s’est également penché sur tout l’univers du blanchiment de l’argent sale. Dans son ouvrage, Les sentinelles de l’argent sale, il a ainsi interrogé des spécialistes de la Police et du Monde bancaire.

Avant les attentats du 11 septembre, la lutte relevait plus d’organisations internationales du genre ONU. Dès 1989, sous la pression des USA, le GAFI est créé afin d’enquêter sur la provenance des fonds déposés dans les institutions bancaires. C’est ce qu’on appelait à l’époque la question du blanchiment de l’argent sale, argent gagné par des moyens illégaux. On s’inscrivait alors dans une guerre contre la drogue déclenchée quelques années plus tôt par l’Administration de Ronald. Les casinos furent un temps un mode de blanchiment d’argent, mais ensuite et surtout, ce fut via les organismes bancaires. Le GAFI n’a pu enquêter en soulevant le secret bancaire qu’en assurant les banques de ne pas toucher à la fraude fiscale. Tout un tas de résolutions de l’ONU ont posé pour principes dans la lutte contre le blanchiment de l’argent sale, que les professionnels de la banque, de l’immobilier (…), identifient l’origine des fonds. Au cas où ils n’y arriveraient pas, l’idée est qu’ils signalent au GAFI toute transaction supérieure à un montant de 50000 €.

Avec le 11 septembre 2001, s’opère un basculement assez important. Il va s’agir désormais de s’intéresser au financement des groupes terroristes, c'est-à-dire à une logique différente. Il ne s’agit plus essentiellement de viser l’origine des fonds, mais bien plus d’en savoir la destination. Au détriment de la question de la drogue. A l’époque, on se rend compte que faire un attentat ça coûte pas trop cher. Ceux du 11 septembre, environ 500000 $, 8000 �, 25 à 30000 pour ceux de Londres. Le GAFI va dorénavant dresser des listes des États les plus opaques en législation obligeant les banques à communiquer des données, empêchant les ouvertures de compte sans contrôle d’identité… si c’est relativement compliqué de savoir d’où vient l’argent, C’est beaucoup moins facile de savoir à quoi sont destinés des fonds. D’autant plus que des attentats peuvent être financés à partir de fonds parfaitement légaux.

Ø Comment vont agir les banques ?

Les organisations suspectées de financer des organisations clandestines vont être ciblées. Un certain nombre d’organisations musulmanes caritatives en Palestine sont un exemple. On les soupçonne de subventionner le Hamas. Organisations ou personnes qui se retrouvent sur des black lists peuvent se faire refouler de certain pays. Aujourd'hui, le GAFI cherche à geler tout un tas de comptes bancaires suspectés. Le problème, c’est qu’on ratisse parfois trop large, considérant un peu trop facilement qu’untel finance le terrorisme. On

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Enjeux de la sécurité européenne 2009 - 2010  

Chapitre III · Les trajectoires nationales de l’anti-terrorisme européen 36  

touche clairement au Droit de propriété, de commerce (…), et la bataille juridique fait rage aujourd'hui sur la délimitation des pouvoirs coercitifs du GAFI. TRACFIN, c’est l’organisme français qui va se charger de cette mission et qui fera remonter ensuite l’information au GAFI.

On va ensuite essayer de déterminer des profils. Dans les banques comme en publique, ça fait longtemps qu’on s’y essaye. On veut identifier les mauvais… comme les bons clients. Le monde bancaire tente en outre de prévoir les profils types. On regroupe des données purement bancaires, mais aussi le… signe astrologique etc. Les logiciels de profilage en matière d’anti-terrorisme sont des adaptations de ces logiciels de météorologie des profils types utilisés au sein des banques. Tout soupçon est dorénavant communiqué, avec les risques que cela comporte. La majeure partie des problèmes vise le Moyen-Orient, par exemple le Liban. Des acteurs privés, des organisations humanitaires se font geler leurs avoirs. Mais bon, au résultat, il y a un nombre considérable de cas signalés pour en réalité un nombre bien moindre de poursuites effectives. Ce processus alimente en tout cas des listes de suspects. PMR, no fly lists, listes des suspects bancaires, bref le listage est à la mode. La révolution informatique n’y est pas pour rien. Et à partir du moment où on est listé, il est bien difficile de s’en échappe….

Chapitre III Les trajectoires nationales de l’anti-terrorisme européen

Comment les spécificités structurent l’espace européen ? Derrière cette question pleine de mystères, on va tâter de l’anti-terrorisme chez les Fromages-qui-puent, chez les Seat Ibiza et chez les Rosbifs. Allez hop.

Section 1 La France

En France, l’anti-terrorisme est traité avant tout par la DCRI (Direction Centrale du Renseignement Intérieur). Mais pas seulement. Toute une série de Ministères y ont un intérêt.

Paragraphe 1er L’architecture juridique de la lutte anti-terroriste

Les attentats du 11 septembre 2001 n’ont eu aucun effet fondamental sur l’organisation de la lutte anti-terroriste française. On est toujours long à la détente de toute manière.

Avant le début des années 1980, le terrorisme était un délit spécifique rentrant dans la catégorie « crime et délit contre les intérêts de la Nation ». La classe. Terrorisme, Espionnage, rentraient dans cette catégorie. Une juridiction spécifique, la Cour de Sûreté de l’État, traitait ce domaine. Elle avait été créée en 1963 et s’intéressait tout particulièrement aux charmes de l’OAS. Cette juridiction était composée de 3 magistrats et 2 généraux. Mais

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37 Chapitre III · Les trajectoires nationales de l’anti-terrorisme européen  

bon, en 1968, l’OAS bénéficie d’un non-lieu généralisé, bref tous sont amnistiés et on en parle plus. La Cour va alors devenir le symbole de la répression politique contre les mouvements nationaux type corse… basque… tout ça. Sa suppression sera l’une des premières mesures de Tonton par le Gouvernement MAUROY.

Au début des années 1980, le Gouvernement va faire une sorte de marché avec les organisations clandestines. En gros, allez on ferme les yeux sur tes pratiques, mais maintenant, tu ranges tes jouets et tu te calmes. Ah oui et maintenant, le terrorisme devient du Droit commun. Ce n’est plus un délit politique, si bien que les aménagements relativement positifs qui y étaient liés passent à la trappe.

Ce choix politique remporte dans un premier temps des succès. On a toute une brochette de repentis italiens qui arrivent en France et renoncent à la lutte armée pour éviter le voyage retour en terre natale synonyme de poursuites et compagnie. Mais cette volonté de faire table rase ne suffira pas à évincer la violence politique des années 1980.

Dès 1982, ça repart de plus belles. Entre 1982 et 1986, la France se prend plusieurs tartes, des attentats liés à la situation au Moyen-Orient, notamment au Liban. Tati, Publicis, rue des rosiers n’en sont que des exemples. Action Directe reprend au passage les armes. Les Corses aussi, les Basques aussi.

Dans ce contexte, cela ouvre la porte à de nouvelles interprétations de l’anti-terrorisme.

Alain MARSAUD a été à l’initiative de certaines d’entre elles. Il est à l’époque juge d'instruction au TGI de Paris, chargé des affaires de terrorisme. Il se révèle l’un des artisans d’une Loi refondant les dispositifs juridiques en matière d’anti-terrorisme. En 1993, il devient député.

Cette réforme entre en vigueur sous CHIRAC et PASQUA. C’est la Loi du 9 novembre 1986 relative à la lutte contre le terrorisme et aux atteintes à la sûreté de l’État, et elle reste la colonne vertébrale du système actuel.

Cette norme concentre dorénavant le traitement des affaires de terrorisme, qu’il soit national ou international, entre les mains d’une section du Parquet de Paris, la 14ème Section. MARSAUD, de 1986 à 1989, la dirige. Aucun crime ou délit lié au terrorisme ne lui échappe, peu importe qu’il ait lieu à Ajaccio, Biarritz, Nouméa ou Capriiii, c’est finiiiii.

Cette Loi instaure également un cabinet de juges d'instruction spécialisé en matière de terrorisme, peu importe le lieu du crime ou délit. On en revient à des magistrats spécialisés. Ils sont professionnels et compétents partout. C’est un petit coup au principe du Juge naturel. Le Jury est lui aussi spécialisé.

En outre sont introduites des mesures dérogatoires au Droit commun, pour les questions d’anti-terrorisme. Ainsi, la garde-à-vue passe de 48 à 96 heures. L’avocat intervient quant à lui à la 72ème heure. Le Code pénal est modifié afin d’aggraver les sanctions sur les infractions existantes lorsqu’elles sont en relation avec une entreprise terroriste. En prime, le Code pénal crée des infractions spécifiques à la cause terroriste. Le terrorisme écologique, le financement d’une entreprise terroriste sont maintenant encadrés.

Un élément va faire particulièrement jaser. L’ensemble des peines est durci pour les cas de terrorisme, mais au fait, une entreprise terroriste, c’est quoi ? Et le lien avec une entreprise terroriste, c’est quoi ? La relative imprécision qui entoure ces notions surprend, inquiète. Et bah la Cour de cassation valide quand même. La notion est traduite dans le Code pénal en 1992, avec le délit d’ « association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste ». AMT, pour les intimes. Ce délit entre en vigueur réellement en 1994.

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Chapitre III · Les trajectoires nationales de l’anti-terrorisme européen 38  

Il va prendre une saveur toute particulière en 1995 avec la série d’attentats imputés au GIA algérien. 10 morts et plusieurs centaines de blessés dans plusieurs attentats notamment dans les transports en commun, ça marque les esprits. Comme souvent, après attentat s’en suit nouvelle Loi pour gérer tout ça. C’est chose faite en Juillet 1996. La Loi qui en résulte élargit ainsi le pouvoir policier (du genre perquisitions de nuit…). Elle va surtout pimenter les cas de terrorisme. « Le fait de participer à un groupement formé ou à une entente établie en vue de la préparation, caractérisée par un ou plusieurs faits matériels d’un des actes de terrorisme mentionnés dans la Loi de 1986, est désormais considéré comme un acte de terrorisme en soi, passible de 10 ans d’emprisonnement ». Cela va ouvrir la porte à l’établissement de méthodes pour agir en amont, anticiper, bref effectuer de la « neutralisation judiciaire préventive ».

Ainsi, dès lors qu’est établi un élément matériel révélant du terrorisme, on peut être taxé de terrorisme. La figure de l’AMT entend relier les logiques policières – informatives - et judiciaires – probantes.

Les évolutions suivantes renforceront cela.

Une Loi LSQ, votée le 15 novembre 2001, sur la sécurité quotidienne, prévue auparavant, est précipitée. Une autre, pour la sécurité intérieure passe en, 2003. Une autre encore en 2003. Et enfin une plus spécifique, en Janvier 2006, consécutivement aux attentats de Londres. Contrôles, fouilles, écoutes et compagnie sont facilitées. La Loi de 2006 vient répondre aux volontés d’un certain nombre de professionnels de l’anti-terrorisme. La garde à vue est rallongée de 48 heures bonus, ce qui nous fait une petite semaine derrière les barreaux, soit 6 jours. L’association de malfaiteurs est dorénavant punie de 20 ans d’emprisonnement. On passe de la notion de délit à une notion de crime. L’application des peines est désormais centralisée au TGI de Paris. Jusqu’ici, il était « difficile » de suivre un vilain après sa sortie. En centralisant, on espère mieux savoir.

Ce qui devrait prochainement arriver, ce serait un Chef de cour, spécialisé en anti-terrorisme.

Paragraphe 2e L’architecture policière et militaire de la lutte anti-terrorisme

Cette lutte mobilise des sections entières de la PJ (Police judiciaire). Elle excite également les services du Renseignement intérieur, et ceux aussi du Renseignement extérieur. Sans oublier la gendarmerie. Aujourd'hui, la DCRI, née de la fusion entre les RG (Renseignements généraux) et la DST (Direction de la surveillance du territoire), en parallèle de la DGSE (Direction générale de la surveillance extérieure), luttent contre le terrorisme. Le monopole de l’anti-terrorisme sur un plan plus judiciaire revient à l’ancienne 6ème Division de la DCPJ (Direction centrale de la Police judiciaire), devenue la DNAT, aujourd'hui la SDAT. A en faire pâlir ou rougir les acronymes onusiens. Cette division reçoit en principe toutes les commissions rogatoires en matière d’anti-terrorisme. En principe, car dans la pratique, elle se partage la compétence avec la DST, bref la DCRI.

La DST a été créée en novembre 1944. Elle recherche et prévient les activités inspirées, engagées ou soutenues par des puissances étrangères. Brrr. Alors à l’époque, c’est surtout le KGB qui était visé. C’est le contre-espionnage qui est sa spécialité. Depuis le tomber de rideau soviétique, et bah ça continue.

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39 Chapitre III · Les trajectoires nationales de l’anti-terrorisme européen  

Mais la chute de l’URSS l’amène à tâter du NBC (Nucléaire, bactériologique, chimique). Elle s’intéresse également à l’IE (Intelligence économique)24, et à la lutte anti-terroriste. En 2006, son directeur évaluait cette dernière à 50 % de l'activité du service, quand 25 revenaient à la question de l’IE, le reste visant le contre-espionnage. La surveillance de l’Islam s’est développée parce que les services marocains et algériens s’amusaient à infiltrer les communautés en France, obligeant les services français à s’y intéresser. La DST avait pour singularité que ses agents pouvaient être OPJ (Officier de police judiciaire). Si bien que dans le même service confluent les genres (judiciaire, renseignement) alors que dans la majeure partie des autres services mondiaux ont préféré les cloisonner. C’est le fondement de l’AMT, neutralisation judiciaire préventive. Les agents de la DST collectent des informations pour déclencher une action judiciaire, ou réciproquement, histoire de ratisser large pour extraire de l’information.

Pour les RG, c’était pas pareil. Leurs membres n’avaient aucun pouvoir judiciaire, exception faite de la section des… courses et jeux. Les RG avaient pour mission la recherche et la centralisation des renseignements d’ordre politique, social, et économique, nécessaires à l’information du Gouvernement. Jules MOCH, Ministre socialiste de l’intérieur en 1936, est leur père fondateur, suite à l’attaque par des coco d’une réunion d’extrême droite. Finalement, les RG sont la manifestation de la Haute police, donc des liens avec le Gouvernement et préfets. C’est d’ailleurs pourquoi ces derniers ont bataillé pour leur maintien lorsqu’a été envisagée la dissolution de ces RG. Il a fallu attendre 1994 pour que les RG abandonnent officiellement le suivi des partis politiques. On a bien dit officiellement. En effet, en 1994, le Comité central réuni à la Villette avait été écouté. Roh. S’en suit une polémique et PASQUA fait dissoudre le service qui était chargé de la surveillance des partis politiques. Et on entend par les partis politiques ceux qui ont une représentation parlementaire. C’est sensiblement différent pour les autres. Avant, il y avait aussi un service chargé de l’analyse électorale (OCSS), avant, pendant comme après, mais en 97, pan, lui aussi est dissous. La surveillance vise finalement tout groupe susceptible de toucher l’ordre public. Environ 130 mouvements étaient ainsi surveillés, du PKK aux FARC, en passant par les membres du sentier lumineux, etc. En 2006, 4000 fonctionnaires étaient aux RG, 1700 pour la DST.

Enfin, il y a la gendarmerie. Elle a aussi son intérêt. Ce n’est certes pas sa première spécialité. Mais il y a par exemple le GIGN. 50 % des affaires de la DNAT, SDAT aujourd'hui, sont reprises d’affaires traitées par la gendarmerie.

Tout ça est regroupé au sein de l’UCLAT, unité de coordination de la lutte anti-terroriste, instituée en 1984. Elle synthétise les informations envoyées par les services étrangers. Le cas échéant, elle transmet aux magistrats anti-terroristes.

Exit ici TRACFIN et autres services liés à la délinquance financière.

On va s’intéresser en revanche aux services de renseignement militaire, en tête desquels il y a la DGSE. Même si elle pose du secret défense partout où elle va, on sait qu’elle tâte la protection des intérêts de la Nation à l’extérieur. Elle analyse les vulnérabilités. C’est en tout cas le principal service, en terme de qualité, de nombre, d’avancées technologiques, qui s’occupe des écoutes, de l’interception des communications, des images satellitaires. La France dispose d’une quinzaine d’écoutes dans le Monde. De Mayotte à Djibouti, en passant par la Corse, les Antilles… En outre, son service action, d’environ 1000 hommes, est capable de mener des actions clandestines à l’étranger. Si on retient médiatiquement surtout leurs échecs, leurs succès n’ont pas généralement le même écho. SD et compagnie oblige, mais on sait quelques uns de leurs faits d’arme, comme au Liban etc. En 2006, 4700 personnes la composent. Et c’est en augmentation. Le Cdt Massoud a bénéficié d’attachés militaires, de… conseillers, qui lui étaient très proches.

24 Pour plus d’information sur l’IE, voici un site spécialisé : http://www.metis-acie.fr/

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Chapitre III · Les trajectoires nationales de l’anti-terrorisme européen 40  

C’est pourquoi on peut supposer que les Usa s’intéressent tout particulièrement à la présence française sur place. En 2002 d’ailleurs, un groupe DGSE – CIA, Alliance Base, a été institué pour traquer Ben. Ben Laden.

DRM, DPSD (Direction de la protection et de la sécurité de la défense) et compagnie sont d’autres services, non traités ici.

L’anti-terrorisme est un espace de lutte au sein duquel s’affrontent des services, des intérêts, et des visions qui sont souvent contradictoires. Pas de là à ce que les services de renseignement constituent un État dans l’État, notamment en raison des luttes intestines. Objectifs, façons de faire ne sont pas du tout envisagés de la même manière d’un service à l’autre. Les services de renseignement ne sont pas non plus un outil au service des gouvernants. Il y a une certaine autonomie. Le parallèle est à faire avec l’autonomie de la police. Les services de renseignement tentent en permanence de d’accroître leur légitimité auprès des gouvernements. Etre reconnu, c’est plus de moyens, plus d’hommes… d’où une compétition des services. Les équilibres y sont changeants. Là, c’est le parallèle avec les services américains. Dans cette compétition, sont en jeu le symbolique (honneur, prestige…), le matériel (crédits, personnel, des « parts de marché », « des bouts de gras »). Cette compétition est d’autant plus forte en période de disette budgétaire… Si bien que le contexte servira de variable d’ajustement. Si la DST fonctionnait bien dans la Guerre froide, après il y a forcément eu remise en question. De même, les RG marchaient très bien sous De Gaulle ou Pompidou. Avec l’alternance, bah leur efficacité est aussi remise en question.

Avec la réforme de Septembre 1986 monte en puissance la PJ. Ce qui devient la DNAT végète alors pendant environ 4 ans. en 1990, le Commissaire MARION entre en jeu. Roger – c’est son prénom – arrive avec l’idée de faire de la DNAT une véritable unité anti-terroriste opérationnelle. Alors là, les commissions rogatoires vont pleuvoir, au détriment des SRPJ locaux. Evidemment, la DST apprécie, d’autant plus qu’en 1990, l’affaiblissement de la menace coco disparaît et l’oblige à se rafraîchir, de même avec l’évolution du terrorisme au Moyen-Orient. La DST va s’occuper de plus en plus des filières. Afghanes, tchétchènes, irakiennes… En 1994, l’attentat de Marrakech, commis par trois Franco-Marocains, semble-t-il entraînés en Afghanistan, va voir la DST se saisir de cette affaire pour s’intéresser à l’intégrisme islamique, et devenir le principal interlocuteur du Juge BRUGUIERE. Au détriment des RG qui échappent au couperet en 1991. Les politiques les trouvant désuets. Les relations de confiance s’étaient probablement dégradées. En 1990, l’Histoire d’un pasteur pédophile assassiné alors qu’il était surveillé par les RG fait tache. Le consensus politique est suffisamment large pour les sabrer définitivement. Les préfets vont s’avérer de précieux alliés aux RG qui vont parallèlement se découvrir de nouvelles missions, histoire de réapparaître dans les petits papiers des gouvernants, alors occupés par les violences urbaines et les affaires politico-financières. Au début des années 1990… pas moins de 90 affaires de ce type apparaissent. Les RG vont s’intéresser à ces deux domaines, avec un certain succès pour les violences urbaines, beaucoup moins pour le politico-financier, car beaucoup plus en concurrence avec les juges d'instruction ou la PJ. Brigitte HENRI, commissaire de police des Renseignements généraux, va prendre très cher (17 mises en garde-à-vue etc.).

Les attentats de 1995 vont redéfinir ces rapports de force. Ils sont l’urgence politique absolue. La compétition entre services reprend de plus belle. Même Jacques déclarera qu’il est temps de mettre un terme à la pagaille que cette compétition engendre. L’affaire va se résoudre finalement rapidement. Une empreinte digitale laissée permet d’identifier Khaled KELKAL, jeune Franco-algérien, déjà fiché. Il est finalement tué lors d’affrontements avec le GIGN. La DNAT sort grandie de tout ça. C’est elle qui remonte la piste à partir de l’empreinte. Les services algériens sont suspectés d’avoir eu un intérêt non négligeable à ce que ces attentats aient lieu en France pour que soient désorganisées les bases arrières du GIA en France, et ces intérêts se recoupent avec

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41 Chapitre III · Les trajectoires nationales de l’anti-terrorisme européen  

ceux du GIA qui veulent déstabiliser le FIS plus modéré.. Si bien qu’en 1995, la coopération avec les services algériens stoppe. On se rappellera le double jeu de ces mêmes services algériens dans l’épisode des moines de Tibérine…

La DST interprète ça comme le fait d’agents étrangers. Il s’agit d’une menace étrangère sur le territoire national. Les RG vont interpréter tout ça comme la preuve d’une radicalisation possible de jeunes issus de l’immigration avec le lien de la petite délinquance vers le terrorisme.

La DST va continuer de creuser les filières afghanes et s’intéresser à la filiale bosniaque (gang de Roubaix…), plus tard la filiale tchétchène, et enfin à nouveau afghane. Le but, démanteler les réseaux financiers, les réseaux de propagande, et ceux d’acheminement d’Hommes ou de matériel. La DST va démultiplier les contacts avec les services de renseignement des autres pays, au Maghreb et en Afrique notamment. Non sans déplaire avec la DGSE. La DST passe maître dans l’analyse du radicalisme musulman (expertise, relations avec le Juge BRUGIERE, et aussi parce que la DNAT prend l’eau en 1998).

En 1998, le préfet ERIGNAC est assassiné par des nationalistes. Roger MARION se jette et jette la DNAT dans cette affaire. Manque de bol, ça ne va pas se couronner de succès. 350 arrestations, aucune réellement efficace. La DNAT est sabrée par les responsables de police locaux, et par les parlementaires. La DNAT voit alors être écarté de la direction de MARION par CHEVENEMENT. Enfin il se retrouve sous-directeur de la PJ. Il est le supérieur de son successeur à la DNAT. Ne s’entendant pas avec lui, il retire au moins la moitié des vivres en hommes et fonds de la DNAT. La DNAT se retrouve marginalisée. Et elle s’en n’est toujours pas totalement remise.

Les attentats du 11 septembre 2001 ne changent rien à l’équilibre entre les services.

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Chapitre III · Les trajectoires nationales de l’anti-terrorisme européen 42  

Paragraphe 3e La lutte contre le radicalisme musulman en France

Il y a des répartitions historiques des groupes au sein des services de renseignement. Les missions d’information sont traditionnellement la chasse gardée des RG. Le conseil du Culte musulman a ainsi été le fruit des analyses des RG. En outre, les RG sont chargés de la surveillance est générale. On surveille les lieux de culte pour savoir qui fait, veut quoi, histoire d’en déterminer des rapports de force internes. Ce sont des méthodes de milieu ouvert, c'est-à-dire des contacts officiels avec les représentants des organisations, de même qu’une grande partie du renseignement en fait partie. Ce travail de milieu ouvert se traduit encore par la recherche de pôles de radicalité.

Le milieu fermé regroupe lui les écoutes, filatures, traitements d’agents… aujourd'hui, les infiltrations ne sont plus monnaie courante. Ces méthodes se focalisent sur certains lieux de culte, institutionnels ou pas. Les prêches peuvent ainsi être étudiés. L’une des cibles, ce sont les européens convertis à l’Islam. Un converti c’est plus discret, il se fond potentiellement plus facilement dans la masse. « Anonymes et sans visage ».

L’AMT va être utilisée de deux manières. Policière et judiciaire, ce qui se recoupe, mais pas nécessairement. L’usage policier de l’AMT permet d’incriminer dans la même affaire tout un tas de personnes. On ratisse large. On arrête les gens qui sont de près ou de loin à l’affaire en question. Cela permet de casser des réseaux. Forcément, ça ne plait pas trop à amnesty international et compagnie. Surtout quand une grande partie de ceux qui sont arrêtés sont relaxés, parfois avant même que ne s’ouvre le procès. L’affaire TARNAC est une illustration. L’AMT est en outre la principale incrimination sur le sujet. C’est sur cette base là qu’on condamne le plus de gens en matière de terrorisme. On rejoint l’usage judiciaire. En 2005, sur 358 personnes incarcérées pour fait de terrorisme, détention provisoire comprise, 300 l’étaient pour AMT. De 2003 à 2006, l’AMT est la condamnation principale dans 50 à 80 % des cas selon l’année.

Mais outre l’AMT, il y a les actions administratives. Ce sont un puissant levier, avec par exemple dès 2005 la mise en place par les RG de pôles régionaux de lutte contre l’Islam radical. 22. Ils regroupaient des services vétérinaires, fiscaux, préfectoraux, policiers… l’idée étant qu’il y ait de fortes chances qu’un lieu suspect contient d’autres failles. Sur un autre motif que le terrorisme, on arrive à fermer tel lieu. La régularité du séjour des étrangers fait partie de ces motifs. 500 locaux, et 2000 personnes par an sont contrôlées. Deux possibilités s’ouvrent. L’ITF (interdiction du territoire français), prononcée par un Tribunal à la suite d’une condamnation, et l’AME (arrêté ministériel d’expulsion), pris là par le Ministère de l’intérieur. Les AME sont la mesure privilégiée pour lutter contre les prêcheurs de haine, qui, pour leurs propos, peuvent se faire bouter hors du territoire français. En 2006, 17 responsables en ont fait l’objet. Une petite note blanche des RG suffit. Il n’y a pas besoin de la justifier à l’individu. Mais c’est un arrêté administratif, ce qui peut être cassé.

Dernièrement, les RG et DST ont donc fusionné. Cette fusion a été effective au 1er juillet 2008. Résultat des courses, la DCRI. Malgré la fusion institutionnelle, les différences subsistent.

(≈⋲)

DST, contre-espionnage, anti-terrorisme et protection.

RG, Violence pol, courses et jeux, violence urbaine et Ordre public.

La DCRI (3000 hommes environ, en province, très largement d’anciens RG) regroupe tout sauf les courses et jeux qui passent à la PJ, et sauf le SDIG (Service

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d’information général, d’environ 1000 hommes) qui passe à la sécurité publique, la DCSP, et qui regroupe Ordre public et violences urbaines. Les violences politiques qui étaient assez liées aux questions d’Ordre public font l’objet de deux services distincts.

La réforme a été menée notamment par la volonté personnelle du Président de la République qui a souffert politiquement des luttes entre services (émeutes de 2005, Clearstream…). Et en prime on recherche l’efficacité budgétaire. Il apparaît moins couteux d’avoir un service au lieu de deux.

Section 2 L’Espagne

Paragraphe 1er De la transition démocratique à la lutte contre le séparatisme

(≈⋲ franquisme)

PUIG ANTICH, c’est le dernier séparatisme à se faire exécuter, en 1974. 1 an avant la mort de FRANCO, et cette exécution va mettre en lumière la répression franquiste.

Une des questions centrales du franquisme cible la lutte armée au Pays basque espagnol. Là-bas, il y a une forme de nationalisme historique conservateur et religieux, fondé par Sabino ARRANA. Sabino, il est conservateur, catho et aussi raciste. Il va ainsi se mobilier très fortement pour la défense des droits politiques, essentiellement coutumiers, accordés – feudos – ça et là. Le franquisme va s’y intéresser d’une manière toute particulière. Le meilleur moyen, c’est d’industrialiser la région, et de faire venir une tripotée de populations histoire de diluer le nationalisme. Alors bon, non seulement le nationalisme traditionnel bien à droite s’est renforcé, au sein du PNV, car naît à cette époque une bourgeoisie industrielle basque ; mais en prime se développe un nationalisme… marxiste chez les ouvriers déplacés, au sein d’ETA, institué en 1959. Résultat des courses, et ben c’est l’effet inverse. Et en 1973, ETA élimine l’amiral CARRERO BLANCO, qui n’était autre que le dauphin de FRANCO. Si bien qu’à sa mort, en 1975, Juan CARLOS prend les rennes du pouvoir. Enfin son père d’abord, mais il abdique de suite.

ETA est alors partagé entre le militaire et le politico-militaire, mais de 1959 jusqu’en 1972, ETA bute 4 personnes, alors qu’entre 1976 et 1978, 93, et entre 1976 et 1988, 452. Parmi les victimes, la moitié fait partie des forces de l’ordre. ETA n’est pas le seul à s’exciter sur la violence politique. Les GRAPO également. Et plusieurs tentatives de coups d’état ont lieu. 1977, 1981 sont des dates à retenir. Quoi qu’il en soit, il n’y a pas réellement de défranquisation. L’administration ou les services de sécurité perdurent. Début des années 1980, forcément, toute une brochette de dispositifs anti-terroristes vont être adoptés. Parmi ceux-ci, est centralisée toute affaire de terrorisme à Madrid, au sein de l’audienca national , sorte de Parquet. Balthazar GARZON est l’un des magistrats de ce Parquet. L’action policière est parallèlement élargie, renforcée en matière anti-terroriste. En 1983 sont mis en place des plans spécifiques pour le Pays basque. Le Code pénal introduit aussi la notion de repenti, permettant des promo sur les peines, voire leur suppression pure et simple. 250 membres d’ETA vont se laisser séduire. Et les prisonniers, on les dégage, à l’opposé, notamment à Cadix.

Dès les années 1980, les autorités espagnoles s’émeuvent du sort très favorable accordé aux militants nationalistes basques en France. Opérationnellement, les autorités

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françaises refusent de coopérer, d’expulser, etc. Felipe GONZALES, socialiste (PSOE, parti socialiste ouvrier espagnol), fait mettre en place une double stratégie pour tenter d’en finir avec le soutien français au nationalisme basque. Cela va consister à passer par une diplomatie officielle, via l’institutionnel, genre au niveau européen, poussant à la coopération. Plus économiquement, courant 1986, un obscur marchandage économique ETA / TGV opère. Et encore plus discrètement sont favorisés des escadrons de la mort. Ce sont les GAL, les groupes anti-terroristes de libération, qui donneront lieu en 1995 à un procès. C’est de l’anti-terrorisme clandestin, qui pousse le Ministre de l’intérieur à dédier des fonds spéciaux pour financer ces groupes, composés de policiers, membres de la guardia civil, des mercenaires. Entre 1983 et 1987, ces groupes envoient 26 personnes à la trappe, essentiellement au pays basque français. Au procès de 1995, un ministre de l’intérieur se fait cintrer, deux généraux de la guardia civil, etc.

Forcément, la confiance en les services espagnols en prend un petit coup. 10 après l’entrée de l’Espagne dans l’Union Européenne, ça fait brouillon. Des pays vont refuser de coopérer avec l’Espagne. Genre la Belgique. En 1995, celle-ci dit non non non. Mais le Gouvernement espagnol change. Maintenant, c’est José maria AZNAR qui est aux commandes. José part du principe que le refus a lieu parce qu’il peut y avoir violation des Droits de l'Homme en Espagne. Mais, pour lui, l’Espagne est une démocratie d’Europe. Si démocratie il y a, pas de violation des Droits de l'Homme il y a. refuser d’extrader, c’est nier tout ça, et bon alors aucun pays européen est démocratique. Et donc, il ne peut pas y avoir d’asile politique entre pays européens. En 1996, c’est chose faite, avec le protocole AZNAR, la « Convention relative à l’extradition entre États membres » du 27 septembre 1996, qui amende le Traité de 1957, qui empêche de reconnaître le statut de réfugié politique à un ressortissant de l’Union Européenne au sein d’un État membre.

L’offensive policière contre l’ETA est accompagnée d’un consensus politique fort sur la question de règlements possibles de la question basque. Les principaux partis s’interdisent la négociation avec l’ETA, sauf accord commun. Cette offensive se couple d’une offensive judiciaire contre l’entourage d’ETA, les organisations politiques, sociales, soupçonnées de lui servir de vitrines. Le domaine judiciaire gagne en importance dans la lutte anti-terroriste au cours des deux dernières décennies du XXème siècle.

Le 11 mars 2004, l’Espagne connaît l’attentat le plus sanglant de son histoire, comme de l’histoire européenne. 191 morts et une brochette de blessés. Dans un premier temps, on cible l’ETA. Mais bon, c’est pas trop dans les habitudes de l’organisation d’effectuer des attentats de cette ampleur aussi aveugles. Sauf peut-être dans les années 1980 où elle s’amuse à faire péter un supermarché, qui tue 6 personnes. Pas 191 non plus. On se rend compte vite que ce n’est pas l’ETA car on retrouve une bombe qui n’a pas pété, et une camionnette qui a servi, où on retrouve des détonateurs, une cassette prônant le djihad etc. Et sur la bombe qui n’a pas explosé, on retrouve le portable, la carte SIM, donc son acheteur. Des pakistanais sont repérés. Les attentats ont lieu le 11, quand des élections législatives ont lieu le 14. S’opère alors une… ultra-politisation des attentats. A ce moment, le Gouvernement est déjà critiqué pour avoir envoyé ses soldats en Irak. 4 millions manifestent ainsi en février 2001. Dans un premier temps, le ministre de l’intérieur campe sur ses positions : c’est l’ETA, quand bien même des éléments lui permettaient de l’écarter. Alors bizarrement, le parti populaire se fait jeter lors des élections. Il y a donc alternance. 2 jours plus tard, une bombe du même style opératoire est retrouvée sur les rails, mais n’explose pas. Moins d’une semaine après, la police qui enquête sur les cartes SIM tombe relativement par hasard sur un appartement, pour faire une vérification de routine. Ils se font tirer dessus, les forces spéciales interviennent, et 7 membres se font alors péter. 1 se casse en sortant les poubelles. Il sera choppé un peu plus tard. S’ouvre alors le procès du 11 mars. Le contexte politique est alors tendu. En effet, il va y avoir une coalition avec certains membres du parti populaire, certains journalistes, notamment El Mundo, Tele madrid, qui s’amusent à faire courir le bruit d’une conspiration. Moralité, les attentats ont été organisés par ETA… avec la complicité de la Police, du Parti socialiste espagnol, de mercenaires, pour gagner les élections. Faut dire que récemment, c’était sous le parti

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socialiste qu’avaient été lancés les GAL. Evidemment, ça plait aux policiers, dont ceux des forces spéciales qui vont perdre un homme dans l’assaut de l’appartement. La polémique dure quelques mois avant de faire « pscchit ». En Espagne, contrairement aux Usa, on n’arrête pas tout ce qui traine dans les milieux musulmans. La législation n’est pas non plus spécialement refondue. Une centaine de personnes est quand même arrêtée, 28 sont jugés, 21 sont condamnés. Le procès se focalise sur les responsables matériels des attentats. 3 sont condamnés, aux environs de 40000 années de prison, bon bref 40 ans puisque c’est le maximum. La situation en Espagne est sans commune mesure avec ce qui se passe aux Usa ou en Grande-Bretagne, en Grande-Bretagne où est par exemple promulguée l’arrestation sans limitation de durée de présumés terroristes. Faut dire aussi que l’Espagne est déjà habituée aux attentats et dispose d’un arsenal suffisamment salé. Parallèlement, Zapatero rapatrie les troupes d’Irak, est plutôt favorable au dialogue Nord-Sud. Il semblerait en outre qu’il y ait un consensus au niveau du Gouvernement pour régler l’affaire de manière judiciaire, pour ne pas laisser la place à des stratégies plus policières qui auraient pu braquer les communautés arabes et musulmanes. D’autant plus que le racisme espagnol reste toujours d’actualité, car l’Espagne reste une porte d’entrée pour nombre d’immigrants. Le rôle pris par les magistrats dans la vie politique espagnole a aussi joué un rôle absolument central pour que l’affaire reste traitée de manière judiciaire.

Paragraphe 2e Centro Nacional de Inteligencia & Comisaría General de Información

Le centre national du renseignement, le CNI, a été créé en 2002. Il est essentiellement un service d’analyse, de collecte, d’évaluation et donc d’analyse. Son ancêtre, c’était le CESID, créé lui en 1977. Il est assez traditionnel dans son mode de fonctionnement. Il recherche l’information politique. Il s’est tout naturellement intéressé à la question basque, mais pas seulement ETA. En 1995, on l’accuse d’écouter le Roi. Bon, mais à part ça, il a développé les liens avec les services du Maghreb et français (surtout les RG). Le CNI n’a aucune compétence judiciaire. Il est composé de militaires, dont la garde civile, mais aussi des civils.

A côté du CNI, il y a le CGI, pas le Code général des impôts. Il s’agit du commissariat général de l’information, qui est rattaché à la police nationale. Il se rapproche du fonctionnement de feu la DST avec qui il entretenait ses relations. Au CGI, on traite de la subversion politique interne et du contre-espionnage. Une section s’intéresse donc au renseignement extérieur, où rentre donc la question de l’islamisme radical. Clairement, sur les 500 agents de la CGI, moins de 50 travaillaient sur les questions internationales. Du moins avant le 11 mars 2004.

La guardia civil et les polices autonomes ont aussi des services de renseignement, sur lesquels on ne s’attarde pas.

Finalement, la montée en puissance du monde judiciaire, consécutive au contre-terrorisme offensif espagnol, permet de justifier largement le règlement plus pacifié du règlement des attentats du 11 mars. Cette ultra-judiciarisation a entraîné quelques conséquences quant à la situation du Pays basque espagnol. En 2005 est déclaré un cessez-le-feu et dressée une table de négociations. Mais les juges espagnols vont avoir la présence d’esprit d’arrêter des négociateurs basques. Cela a beaucoup plu à l’ETA qui s’est à nouveau radicalisée. En 2006, un attentat fait ainsi 2 morts, attentat qu’apprennent les négociateurs en cours de discussion. Quelques mois plus tard, l’un des négociateurs, arrêté, est tanné pour donner le nom de son contact avec le Gouvernement.

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Moralité, les logiques judiciaires et policières divergent dans la gestion du renseignement, des enjeux de sécurité. Il en résulte des arcs de tension, d’opposition qui permettent d’interpréter des espaces de construction, comme en Europe, de cerner sa tendance à pencher par exemple vers le communautarisme ou le souverainisme. Ces arcs d’opposition sont permanents, mouvants. Les acteurs et les ambitions, les trajectoires nationales, font changer le centre de gravité de la sécurité.

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