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ENQUÊTE SUR LE HARCÈLEMENT SEXUEL EN MILIEU DU TRAVAIL EN HAÏTI Solidarite Fanm Ayisyèn SOFA Réseau National de Défense des Droits Humains RNDDH 2014 Avec le soutien financier de OXFAM /AMERICA Mars 2015

ENQUETE SUR LE HARCELEMENT SEXUEL EN MILIEU DU TRAVAIL · Rapport de l’enquête sur le harcèlement sexuel en milieu du travail en Haiti SOFA -RNDDH Décembre 2014 v Présentation

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  • ENQUÊTE SUR LE HARCÈLEMENT SEXUEL EN MILIEU DU TRAVAIL EN HAÏTI

    Solidarite Fanm Ayisyèn SOFA

    Réseau National de Défense des Droits Humains RNDDH

    2014

    Avec le soutien financier de OXFAM /AMERICA Mars 2015

  • Rapport de l’enquête sur le harcèlement sexuel en milieu du travail en Haiti SOFA-RNDDH

    Décembre 2014

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    REMERCIEMENTS

    L’enquête n’aurait pas été possible sans la bonne collaboration de plusieurs personnes, en premier lieu, les répondant-e-s qui ont accepté malgré la difficulté du sujet, de répondre aux questionnaires. Nous les en remercions. Les personnes dont les noms figurent sur la liste suivante ont donné une contribution significative à la réussite de l’enquête et à l'analyse de ses résultats. Un merci spécial leur est adressé.

    o Mesdames, Marie Rosy Kesner AUGUSTE du RNDDH, et Olga BENOIT de la SOFA, pour leur soutien à la coordination et au suivi du processus.

    o Madame Yolette ETIENNE, ex-directrice de OXFAM AMERICA, pour sa judicieuse

    proposition à la SOFA et au RNDDH en vue d’entreprendre la réalisation de l’enquête.

    o Monsieur Pierre ESPÉRANCE et toute l’équipe de RNDDH, pour leur appui

    stratégique et technique.

    o Madame Marie Frantz JOACHIM et toute l’equipe du Comité de Coordination de la SOFA, pour leur appui stratégique et technique.

    o Mesdames et Messieurs les enquêtrices – enquêteurs : Marie Isnise ROMÉLUS,

    Jeanne Gardith ELISDORT, Marie Dominique PIERRE, Abydarlyne JOUTH, Manuella JEAN, William CHARLES, Louis Dit Carlo RIDORE.

    o M. Journeau LAFALAISE, étudiant en sciences humaines ayant réalisé la saisie

    des données.

    o Mme Leila LAVIOLETTE pour le traitement d’une partie des données.

    Nous remercions aussi :

    o Les organisations consultées par le RNDDH et la SOFA : Centre de Promotion des Femmes Ouvrières (CPFO), Antèn Ouvrye, Batay Ouvriye, Confédération des Travailleurs(euses)des Secteurs public et privé (CTSP), Zanmi Ti Moun …

    o Les organisations ayant accepté de pré-tester les outils de l'enquête

    o OXFAM AMERICA pour son support financier à la réalisation de l’enquête.

    Madame Marie Carol PIERRE-PAUL JACOB Consultante ayant coordonné l’enquête

    et élaboré le rapport

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    TABLE DES MATIERES Remerciements .............................................................................................................................. i Table des Matières ........................................................................................................................ ii Présentation du RNDDH ............................................................................................................. iv Présentation de la SOFA .............................................................................................................. v Liste des abréviations ................................................................................................................... vi Introduction ................................................................................................................................... 1 PARTIE I - CONTEXTE, ANTECEDENTS, OBJECTIFS, METHODOLOGIE ET PRÉSENTATION DES SECTEURS CIBLES 1.1. Contexte de l’Enquête............................................................................................................. 4 1.2. Antécédents légaux et institutionnels sur la problématique du harcèlement sexuel en Haïti................................................................................................... 5 1.3 Objectifs de l'enquête............................................................................................................... 6 1.4.Méthodologie.......................................................... ................................................................. 6 1.5. Présentation des cinq (5) secteurs ciblés de l’enquête........................................................ 8 PARTIE II- PRESENTATION DES RÉSULTATS ET ANALYSES 2.1.Taux de réponse et distribution des répondant-e-s............................................................ 12 2.2. Caractéristiques sociales des enquêtées des secteurs 1 -2 -3............................................ 13 2.3. Résumé des résultats.............................................................................................................. 15 Analyse des données recueillies auprès des enquêtées de la Fonction Publique & ONGs 2.4. Résultats globaux des données recueillies auprès des enquêtées de la Fonction Publique et des ONGs......................................................................................... 18 2.5.Croisement des variables....................................................................................................... 20 Analyse des résultats de l'enquête auprès des ouvrières et des travailleuses domestiques 2.6. Analyse des données recueillies auprès des enquêtées : ouvrières de manufactures et travailleuses domestiques ............................................................................... 28 2.7. Croisement des variables....................................................................................................... 29 Résutats de l'enquête institutionnelle auprès des décideur-e-s 2.8. Présentation résultats de l’enquête institutionnelle........................................................... 35 PARTIE III - CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS POUR UNE PERSPECTIVE DE PLAIDOYER Conclusions et Recommandations ....................................................................................... 43

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    ANNEXES A) Commentaires et /ou recommandations des enquêté-e-s B) Fiches d’enquête et guides d’entrevue

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    Présentation du RNDDH

    Le 11 mai 2005, le Réseau National de Défense des Droits Humains (RNDDH) est devenu le nouveau nom officiel de la NCHR-Haïti, étape finale pour que l’organisation devienne réellement haïtienne, luttant pour la promotion, la protection et la défense des droits fondamentaux de tous les haïtiens. La mission, la philosophie et les objectifs du RNDDH ne diffèrent en rien de ceux de la NCHR-Haïti, sinon qu’ils seront renforcés par un staff dévoué et motivé. Ainsi son objectif général est de : Contribuer à l’établissement d’un Etat de droit en Haïti où tous les Haïtiens connaissent leurs droits et devoirs, et où ces droits et devoirs sont respectés par tout un chacun.

    Vision & Mission

    La portée du changement social, politique et culturel nécessaire pour établir les bases solides de la démocratie et des droits humains au niveau du gouvernement et de la société en Haïti exigera du RNDDH et de ses partenaires un engagement à long terme à multiple facettes. Ce constat a conduit le RNDDH à adopter une stratégie explicite qui comprend deux axes importants : l’engagement à un changement social et culturel à long terme et la mise en œuvre d’une variété d’activités et de mesures simultanées, dans le but de parvenir à des résultats effectifs et durables.

    Le RNDDH en tant qu’organisation non-gouvernementale s’engage dans deux activités principales : l’éducation en matière de droits humains en vue de renforcer la capacité de la société civile dans la défense de ses droits ; le monitoring des violations de droits humains au niveau des institutions-clés de l’Etat en ce qui concerne leurs obligations de protéger les droits humains et de maintenir le règne de la loi. La mise en œuvre des deux activités à travers tout le pays est liée à la création d’un système régionalisé de réseaux de contrôle de droits humains, formés et entraînés par l’organisation.

    Le RNDDH croit que la création d’un réseau informé, articulé et qualifié, d’individus capables de contrôler la mise en place du système de renforcement du règne de la loi et le fonctionnement des autres institutions démocratiques clés joueront un rôle important en éveillant l’intérêt de la communauté et en suscitant la volonté politique nécessaire dans le fonctionnement de ces institutions de manière à faire respecter les droits humains fondamentaux. Le RNDDH pense que la poursuite de ces activités conduira à des changements évolutifs dans la culture populaire et institutionnelle des droits humains en Haïti. Au cœur de ces efforts siège la conviction qu’une société civile haïtienne forte, capable de participer dans la vie politique et de jauger les résultats à l’aune des droits humains et des normes démocratiques est vitale, indispensable.

    Le RNDDH croit que la défense effective des droits humains peut devenir réalité seulement si les autochtones sont renseignés en ce qui a trait à leurs droits et leurs devoirs en tant que citoyens et sont, de ce fait, capables de résister aux violations des droits humains puisque « il vaut mieux prévenir que guérir » et que « on ne parle pas de ses droits si on ne les connaît ».

    Les racines de la démocratie ont du mal à se développer en Haïti en raison de la persistance d’institutions défaillantes. En Haïti, les lois sont inopérantes face aux détenteurs de pouvoir de fait et aux puissances d’argent. Or, l’application de la loi est fonction du statut socioeconomique de tout individu. Conséquemment, le contexte haïtien se caractérise par des institutions primaires faibles pilotées par des cadres manquant de crédibilité, d’objectivité, de responsabilité et de professionnalisme. Le résultat constitue donc un nœud suffocant d’impunité et de corruption, accompagné d’un mépris intentionnel pour les droits humains fondamentaux.

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    Présentation de la SOFA

    La Solidarite Fanm Ayisyèn - SOFA est une organisation féministe à caractère revendicatif de promotion et de défense des droits des femmes fondée le 22 février 1986. Elle regroupe des femmes paysannes, des femmes vivant dans les quartiers populaires et des femmes professionnelles. Ainsi sa mission est de : Lutter pour que les femmes haïtiennes soient affranchies de la subordination, de la domination, de l’exclusion et de l’exploitation. Cette lutte est étroitement liée à celle de la libération de la société haïtienne toute entière. Les objectifs principaux de la SOFA sont de : • Sensibiliser et mobiliser les femmes par l’éducation en vue de leur garantir une autonomie et un leadership leur permettant de lutter pour un changement réel et efficace de leurs conditions et de leur situation de vie. • Mener une lutte systématique de dénonciation et d’actions pour contribuer à éradiquer la violence contre les femmes dans la société haïtienne. • Etablir des relations de lutte entre différents regroupements populaires en vue de la mise en place d’une société équitable, égalitaire, non exclusive pour le bien être de toute la population haïtienne. D’où son Slogan : « LIT FANM LAN SE LIT TOUT MAS PEP LA (La Lutte des Femmes, c'est la Lutte de Tout le Peuple) ». Couverture géographique La SOFA est une organisation nationale. Elle compte environ dix mille (10.000) membres réparties sur sept (7) départements des dix (10) existants : le Nord-Ouest, le Nord, l’Artibonite, l’Ouest, le Sud-est, la Grande-Anse et le Plateau Central. Ses axes d’intervention prioritaires : Femmes et Santé Participation des femmes aux instances de prise de décisions Lutte contre la féminisation de la pauvreté Lutte contre la violence faite aux femmes Renforcement organisationnel (axe transversal) La stratégie de la SOFA s’articule autour du plaidoyer et des services offerts à ses membres et/ou aux populations des différentes communautés comme : L’accueil et l’accompagnement aux femmes victimes de violence à travers les Centres Douvanjou, structures d’accueil de jour Une clinique gynécologique à Martissant Des activités d’économie sociale et solidaire telles : moulins à grains, atelier de production artisanale etc… De plus, elle conduit des actions de plaidoyer en concertation avec des organisations, réseaux au niveau national et international dont notamment : Coordination Nationale de Plaidoyer pour les Droits des Femmes - CONAP Plate forme Haïtienne de Plaidoyer pour un Développement Alternatif -PAPDA Marche Mondiale des Femmes - MMF Réseau de Santé des Femmes d’Amérique Latine et des Caraïbes - REMSLAC Fédération Démocratique Internationale de la Femme - FDIM Comité Latino-américano para la Defensa de los Derechos de la Mujer - CLADEM Convergencia de Movimientos de los Pueblos de America – COMPA

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    LISTE DES SIGLES ET ABREVIATIONS CONVENTION BELEM DO PARA : Convention pour la Prévention, la Sanction et l’Elimination de la Violence faite aux Femmes BRH : Banque de la République d’Haiti CEDAW /CEDEF : Convention pour l’Elimination de toutes les Formes de Discrimination à l’Égard des Femmes CPFO : Centre de Promotion des Femmes Ouvrières CTSP : Confédération des Travailleurs(euses) des Secteurs public et privé EMMUS V : Enquête sur la Mortalité, Morbidité et Utilisation des Services IBERS : Institut du Bien –Etre Social MCFDF : Ministère à la Condition Féminine et aux Droits des Femmes NCHR : National Coalition For Haitian Rights OIT : Organisation Internationale du Travail ONU : Organisation des Nations Unies ONG : Organisation Non Gouvernementale OMRH : Office de Managment et des Ressources Humaines ONU FEMMES : Organisation des Nations-Unies pour l’Egalité des Sexes et l’Autonomisation des Femmes OPC : Office de Protection du Citoyen PIDESC : Pacte International relatif aux Droits Économiques , Sociaux et Culturels RNDDH : Réseau National de Défense des Droits Humains RSMLAC : Red de Salud de las Muyeres Latinoamericanas y del Caribe SOFA : Solidarite Fanm Ayisyèn

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    SE RA SE TA : Campagne, "Punto Final" contre la banalisation de la violence faite aux femmes 2009 - 2011; coordonnée par RSMLAC pour la Région AmériqueLatine / Caraïbes, et relayée en Haïti par la SOFA de concert avec d’autres organisations sous le vocable SE RA SE TA TIZONNAY : Harcèlement Sexuel (en langue créole) UNICEF : Fonds des Nations Unies pour l’Enfance UNIFEM : Fonds de Développement des Nations Unies pour la Femme

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    INTRODUCTION Au cours de l’année 2014, le RNNDH et la SOFA ont reçu en leurs bureaux les doléances d’une femme se déclarant victime de révocation arbitraire suite à une longue carrière de plus de 15 ans au sein d’une institution financière1 connue dans le pays. L’objet principal de sa plainte portait sur les actes d'harcèlement sexuel et moral qu’elle subissait depuis plusieurs années d’un de ses supérieurs hiérarchiques. Et, face à son refus d’accepter, elle s’est retrouvée plutôt pénaliser par une révocation brutale, injuste, ce, en violation des normes administratives desquelles devait régir le fonctionnement de toutes entreprises et/ou institutions d’emploi, tant du secteur public que celles relevant du secteur privé. En venant en aide à cette femme ayant traversé une longue période de souffrance et de désespoir, les deux (2) organisations ont été surtout frappées par le cynisme et l’opacité avec lesquels l’institution concernée traitait le dossier. Aucune empathie, de la part des dirigeants du Conseil d’ Administration, alors que la femme victime a alerté ses supérieurs hiéarchiques sur le problème, pour chercher du secours, mais aussi, pour interpeller leur vigilance de manière à prévenir d’autre cas du même type au sein de l’institution. Les démarches successives de la part de parents, d’ami-e-s, sont également restées sans suite. L’opacité et surtout l’autisme du Conseil d’Administration de cette institution ont laissé tout le monde perplexe. C’est pour approfondir les enseignements tirés de ce cas, et en vue de construire des stratégies plus appropriées à la prévention de cas similaires que le RNDDH et la SOFA ont pris l’initiative de conduire cette enquête destinée à impulser une meilleure prise de conscience autour de cette problématique inacceptable de violation des droits des femmes sur les lieux de leur travail. "L’enquête sur le harcèlement sexuel en milieu du travail en Haïti" rentre dans le cadre d’un projet commun entre la SOFA et le RNDDH qui ont obtenu l’appui financier de OXFAM AMERICA pour sa réalisation. Elle marque un tournant important dans la démarche de travail des deux (2) organisations, qui vise à renforcer leurs actions de plaidoyer et de sensibilisation sur le sujet auprès des décideurs concernés. L’enquête a eu pour groupes cibles, quatre (4) grands secteurs2 pourvoyeurs d’emploi de la zone métropolitaine de Port-au-Prince. Les opérations de terrain ont duré deux (2) mois (août –septembre 2014), et il a fallu un calendrier de 1 mois 1/2 pour effectuer la saisie, le traitement et l’analyse des données.

    1 Nous nous gardons de révéler l’identité de cette institution pour des raisons de sécurité de la femme et les principes de l’anonymat en droits humains. 2 Pour des raisons stratégiques, le choix des 4 secteurs était porté sur les : manufactures, travailleuses domestiques filles en domesticité, fonctionnaires de l’administration publique, banques. A noter que ce dernier secteur n’a pas répondu aux questionnaires malgré l’insistance de nos enquêtrices-eurs et des démarches formelles du RNDDH et de la SOFA auprès des differentes directions de banques ciblées, qui toutes ont prétexté toutes sortes d’arguments pour refuser de participer à l’enquête.

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    Les résultats de ce long et fastidieux travail sont présentés dans ce document de rapport comprenant :

    - En premier lieu, les résultats du groupe 1 rapportant les données recueillies auprès du secteur - fonctionnaires de l’Administration Publique et des ONGs;

    - Ensuite, ceux des groupes 2 et 3 Ouvrières des manufactures et Travailleuses domestiques

    - En dernier lieu, l’enquête relative aux Responsables d’Institutions publiques / privées Un chapitre analyse et rapprochement des variables est présenté sous forme de tableaux et graphes tout au long des résultats. Enfin, dans la conclusion, sont présentées les recommandations suivies d’un résumé des verbatim des répondante-s en annexe.

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    PARTIE 1 CONTEXTE-METHODOLOGIE ET PRESENTATION DES SECTEURS CIBLES

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    PARTIE I 1.1- Contexte de l’étude

    Le harcèlement sexuel est un ensemble de gestes, d’attitudes, de paroles, ayant une connotation sexuelle et susceptibles de porter atteinte à la dignité d’une personne devenant alors victime, et voyant sa dignité, son integrité morale et physique atteintes. Le harcèlement sexuel dans le milieu du travail en Haïti, reste encore un phénomène tabou ou la victime qui le subit est souvent condamnée au silence et à l’acceptation de sa souffrance, sous peine de perdre son emploi et de rejoindre le rang des chômeurs, déjà catastrophique en Haiti, avec un taux dépassant les 70 % de la population active. Les cas de harcèlement sexuel dénoncés sont rares et font l’objet de doute à l’endroit des personnes qui les auraient révélés. Pire, le phénomène aurait atteint (selon les dires) une proportion démesurée à l’encontre de jeunes scolaires ou étudiantes astreintes dans leur établissement scolaire à cette forme de marchandage sexuel couramment appelé «Bouboun pou nòt 3». Le droit de cuissage4 dans les administrations publiques, les entreprises privées, les ONGs est tout aussi courant. De même, il est répandu que les femmes et filles travailleuses domestiques (filles en domesticité, employées de maison) sont souvent victimes ou exposées à des violences sexuelles extrêmes (viol, harcèlement) de la part du mari, du fils ou autre homme vivant dans le foyer d’emploi. Le harcèlement sexuel est aussi un phénomène très peu étudié, ce qui donne cours à des estimations non vérifiées, mais préoccupantes. De manière empirique, on a estimé à 75% de travailleurs (femmes et hommes) qui seraient victimes de harcèlements sexuel et moral (chantages, discriminations, pressions, de toutes sortes). Plus de 63% d’entre eux/elles auraient eu des relations sexuelles avec leurs employeurs ou supérieurs hiérarchiques immédiats pour conserver leur emploi. Cependant, si le taux de prévalence est peu connu, les manifestations le sont moins. Peut-on compter le nombre de scandales qui éclatent souvent dans des administrations connues, impliquant même des fois de hauts dignitaires autour de ces questions de harcèlement, de «droit de cuissage» de viol … contre des femmes qui, parce que sans protection, ni défense sont condamnées à contenir leur colère, mettant une sourdine à la vérification des faits. D’où l’objectif de cette présente étude sur le «Harcèlement sexuel dans le milieu du travail en Haïti» qui invite les concernées aussi bien que les instutions appelées à gérer ce problème, à en parler ! à témoigner ! aux fins de permettre le recueil de données plus fiables pour un meilleur

    3 Une étude réalisée par la SOFA en 2009 dans le cadre de sa campagne «Se Ra, Se Ta » avec le RSMLAC à Lascahobas dans le Plateau Central atteste de ce phénome très courant dans les écoles. 4 Le phénomène du droit de cuissage a été souvent dénoncé, comme une pratique fréquente dans les différents gouvernements successifs en Haiti . Comme le viol, cela a été une pratique répressive envers les femmes sous Duvalier. Des gouvernements comme celui d’Aristide, de Préval, et de Michel Martelly en sont éclaboussés par des scandales publics mettant en cause de hauts dignitaires de ces régimes.

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    plaidoyer visant son éradication ! L’enquête cherche également à clarifier les différents paramètres entourant ce phénomène, à savoir : Qui sont les victimes ou témoins de harcèlement dans le milieu du travail La perception, le comportement et l'attitude des victimes par rapport à ce phénomène Les dispositifs de prévention existant dans les administrations Les politiques publiques prévues par l’Etat 1.2. Antécédents légaux et institutionnels sur la problématique du harcèlement sexuel en Haiti A coté de nombreux défis, les progrès dans le domaine des droits humains des femmes sont indéniables. Grâce à la lutte des mouvements féministes et celle des organisations de droits humains, partout dans le monde, l’ordre injuste d’exclusion des femmes et de violation de leurs droits est remis en cause. Aujourd’hui le patriarcat et son cortège de discrimination, est ébranlé. Ce qui a fait changer beaucoup de choses et augmenter les acquis en faveur du triomphe de l’Etat de droit, de justice sociale, et de l’égalité homme / femme. En ce qui a trait à l’accès des femmes au travail décent, juste, et non discriminatoire, les pressions des peuples ont obligé à la création par l’ONU de deux (2) instances clés : l’OIT et ONU Femmes5 . De manière spécifique, l’ONU se dote d’autres structures comme le Conseil du Statut de la Femme, afin de monitoring et de surveillance soutenus du respect des droits des femmes, sans distinction de couleur, de race, de classe, de religion etc. A ces mécanismes à portée internationale, s’ajoutent d’importants instruments internationaux comme le PIDESC,6 les Conventions CEDAW et Belem Do Para qui, dès leur ratification par les Etats parties, accordent des conditions de sécurité à toutes les femmes pour le plein exercice de leurs droits, et aussi bien pour leur protection vis-à-vis de toutes formes de violences. Il revient aux Etats signataires de créer des conditions (mécanismes et structures) pour la matérialisation de ces ensembles de dispositions. C’est notamment le cas en matière du "harcèlement sexuel des femmes dans le milieu du travail", où il revient aux Etats parties d’adapter les Accords, Conventions, Pactes, aux législations nationales, permettant ainsi de légiférer et d’optimiser au maximum les structures de sanctions, [d’éducation] existantes. Dans le cas d’Haïti, généralement on fait valoir le manque de moyens légaux (lois, mécanismes de justice, définition...) pour punir les agressions relevant du harcèlement sexuel contre les femmes. Il s’agit d’arguments relevant de «faux fuyants» non justifiés en la matière. Au regard de ces accords, pactes, conventions ci-haut mentionnés, l’Etat haïtien en tant que signataire, est dépositaire de nombre d’outils l’habilitant à mobiliser autant de moyens pour légiférer, prévenir, punir… de manière à enrayer le fléau, socialement inacceptable que représente le harcèlement sexuel contre les femmes en plein milieu du vingt-et-unième siècle.

    5 La transformation de UNIFEM a ONU Femmes est très récente. 6 Le PIDESC est ratifié le 31 janvier 2012 par le Parlement Haitien, soit plus de 50 ans après son adoption par l'ONU. Après maintes réclamations, la loi portant ratification du PIDESC a été finalement promulgué dans le Moniteur après avoir passé plus d'une année dans les tiroirs du président Michel Joseph Martelly

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    De plus, en dehors des lacunes liées au manque de loi spécifique y relative, on dénombre une série d’autres instruments nationaux tout aussi pertinents tels : le Décret7 du 11 août 2005 révisant le Code Pénal en matière de viol, la loi du 12 Mai 2009 sur le travail domestique … La création du Ministère à la Condition Féminine et aux Droits des Femmes- MCFDF, et de l’Office de Protection du Citoyen -OPC, émanation des luttes démocratiques haïtiennes procure à l’Etat deux (2) importantes structures pouvant assurer la concrétisation de ses actions. Quoi qu’affaiblies aujourd’hui, ces deux (2) institutions, une fois renforcées et surtout rétablies dans leur vraie mission de gardienne des droits humains et des droits des femmes peuvent constituer des soupapes essentielles pour la conduite d’actions concrètes aptes à enrayer le phénomène du harcèlement sexuel contre les femmes. 1.3 - Objectifs de l’enquête De manière générale, l’enquête cherche à contribuer à la reduction de la violence sexuelle dans le milieu du travail en Haiti, par la constitution d’une base de données pouvant aider au plaidoyer apte à porter les institutions (tant privées que publiques) à developper et à mettre en place des mécanismes de prévention, de protection des cas de harcèlement sexuel dans les entreprises et institutions publiques. Ainsi les objectifs d’une telle enquête visent à : 1) Connaitre l’ampleur de la violence sexuelle envers les femmes, dans les lieux du travail en particulier du harcèlement, ou encore l'ampleur des actes de persécution et de marchandage ; 2) Evaluer la perception, le niveau de connaissances et les attitudes des groupes cibles à accepter ou à dénoncer la violence vécue directement ou en tant que témoin ; 3) S’informer sur les dispositifs administratifs (code de conduite / code d’ethique) existant au sein des institutions (privées-publiques ) pour prévenir et protéger les femmes contre le harcèlement sexuel, en regard des conventions et accords ratifiés8 par l’Etat haitien ; Enfin, le but de l’étude consiste à obtenir des recommandations de la part des enquêté-e-s aux fins d'un plaidoyer plus systématique, et plus apte à influencer le changement des politiques publiques nationales, ainsi qu’à l’application des mécanismes instutionnels capables de contribuer à la réduction de ce fléau tant dans l’administration publique que dans le secteur privé de l’emploi. 1.4- Méthodologie La méthodologie de type qualitatif a été adoptée de manière à saisir les données aussi bien subjectives qu’objectives chez l’enquêté-e surtout au niveau de sa perception et de son comportement face aux situations vécues . Celle-ci a permis d’obtenir d’un côté, les informations

    7 Ce décret introduit l’harcèlement sexuel dans la définition du viol. 8 La convention Belem Do Para en son Art. 1, oblige aux Etats signataires l’adoption de mesures de protection et de prévention. Les accords de l’OIT en font de même.

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    sur le profil personnel de chaque enquêtée, en particulier sa situation sociale susceptible d’influencer son attitude, et de l’autre, le point de vue des institutions à travers des patrons. Pour la collecte des données, les entrevues structurées, réalisées à partir d’un questionnaire9 type qualitatif, avec les personnes des secteurs cibles ainsi que les chef-e-s de services, les directeurs etc., ont été privilégiées. Un focus groupe avec les filles en domesticité, ainsi que des rencontres de consultation auprès des syndicats, organisations de femmes et de droits humains ont précédé et suivi l’enquête. Globalement, le processus a été mis en œuvre à partir de stratégies comprenant les étaptes suivantes : 1) La sélection et l’implication d’autres organisations clefs à constituer une table de consultation autour de l’enquête ; 2) L’élaboration d’un document de protocole de l’enquête indiquant les stratégies, les démarches à suivre, les contenus recherchés ; 3) L’élaboration des questionnaires ; 4) La formation des enquêteur-ices suivi d’un pré-test de vérification des questionnaires ; 5) La collecte des données auprès des interviewé-e-s ; 6) Une revue documentaire relatant la législation, les politiques publiques, les bonnes pratiques existantes au niveau international et en Haiti en matière de violence sexuelle et de harcèlement ; 7) La saisie et le traitement des données ; 8) La validation des résultats préliminaires et l’élaboration des recommandations dans le cadre de réunions prévues à cet effet. Pour la mise en œuvre, une équipe technique constituée d’une consultante, des enquêteurs-ices et d'opérateurs-ices de saisies, était recrutée pour réaliser la partie enquête de terrain. Au sein de cette équipe la consultante avait la responsabilité de conduire le processus de l’enquête incluant : l’élaboration du protocole de l’enquête et les questionnaires, la formation des enquêteurs –ices et opérateur-ice de saisie, la coordination des opérations de terrain et de saisie des données, la présentation des résultats et des recommandations et l’élaboration du document final en vue de sa publication. 9 Voir un modèle de questionnaire en annexe

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    Le choix de l’échantillonage La méthode de sélection de l’échantillon se réfère à celle d’une enquête institutionnelle ciblant trois (3) parmi les secteurs les plus emblématiques en matière d’emploi aux femmes: manufactures, banques, institutions responsables d’application de normes. Toutefois, compte tenu du coté exceptionnel d’une telle étude qui se réalise rarement en Haiti, il nous paraissait opportun d’élargir le champ à d’autres secteurs tout aussi importants : personnels de maison, ONGs. L’inclusion de ces secteurs avait pour objectif d’augmenter les valeurs ajoutées à l’enquête et à une maximisation des résultats. Aussi, un focus groupe organisé avec les « Filles en domesticité » a permis de compléter les données pour la fiabilité de l’étude. Taille de l’échantillon La taille de l’échantillon est conforme à l’enquête de type qualitatif autorisant le choix d’échantillon sur une petite population, d’autant que les populations-mères (cibles de l’enquête) sont choisies par secteurs qui sont tous représentatifs de petits nombres de travailleuses, à part le secteur des manufactures. La marge d’erreur dans ce contexte est minime et est non applicable. Ainsi, quatre (4) secteurs sélectionnés sur une base de quota par secteur comprenant un échantillon de 360 personnes, ont été prévus pour être interviewés à travers cette enquête. 1.5- Présentation des secteurs cibles de l’enquête La Fonction Publique Avec plus 80,00010 agent-e-s, la fonction publique représente le 1er secteur pourvoyeur d’emploi dans le pays. Pourtant, la place accordée aux femmes est encore minime. Selon l’OMRH11 29.7% de femmes occupent actuellement un poste dans l’administration publique, situation encore non conforme au quota de 30% exigé par la Constitution de 1987 amendée. Jusqu'à aujourd’hui les conditions d’emploi dans ce secteur font toujours l’objet de critique : népotisme, «moun payis», corruption, droit de cuissage etc. Le fonctionnement général des institutions dont la plupart sont plus que centenaires, est régi par divers lois et décrets les uns moins progressistes que les autres. Les nombreuses tentatives12 de réforme et de modernisation du secteur n’ont jamais abouti. Les dernières tentatives de réforme en cours sont sous la houlette de l’OMRH qui dans un temps record, a engagé plusieurs actions dont la publication de deux (2) Arrêtés gouvernementaux en Avril 2013 fixant les modalités de recrutement pour l’accès à l’emploi et les règles déontologiques applicables aux agents de la fonction publique. Toutefois, le mode de traitement réservé à la protection des femmes ou à l’égalité de genre, n’est toujours pas connu. 10 Données du recensement général des agents de la fonction publique –Mars 2014 11 Office de Management et des Ressources Humaines 12 En particulier depuis la chute de la dictature en 1986, plusieurs in itiatives de réforme de la fonction publique sont engagées notamment celle mise en place sous la présidence de René Préval en 1996.

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    Les banques Le système bancaire depuis quelques années évolue de manière florissante dans le pays. Au nombre de 28 dans les années 1979, les succursales et entreprises bancaires sous l’impulsion de la concurrence sont passées à 95 en 1999. Elles sont disséminées dans la région métropolitaine de Port-au-Prince (Port-au -Prince, Pétion-Ville, Carrefour, Plaine du cul-de-sac, Delmas), et aussi dans les principales villes de province. Cependant, il s’agit d’un secteur qui semble caractérisé par une grande opacité. Le nombre d’emploi en particulier pour les femmes est peu connu. En matière de traitement salarial, de recrutement du personnel et de licenciement, etc., la situation est réputée précaire et les décisions sont souvent considérées comme étant arbitraires. Le contrôle et la supervision de ce secteur sont confiés à la Banque de la République D’Haïti –BRH par la loi du 17 Avril 1979. Un décret pris le 14 novembre 1980 réglemente le fonctionnement de ces institutions, mais seulement dans le domaine de protection des actifs financiers et dans la délimitation de leurs actions. Les Manufactures En plein essor depuis les années 1980, ce secteur de la sous-traitance, emploie actuellement plus de 30,000 ouvrier-e-s dont les femmes occupent une grande part. Il convient cependant d’observer les conditions d’emploi dans ce secteur au regard des normes de travail établies par l’OIT et des droits humains internationaux et nationaux reconnus. Dans ce secteur, il est reconnu que les femmes travaillent dans des conditions extrêmement difficiles, pour un salaire insuffisant ce, sans aucune forme de protection sociale. Les normes fixées par l’OIT et les lois haïtiennes sont généralement foulées au pied par les patrons qui souvent ne jouent qu’un rôle de courtier pour des industries internationales aux dépens des intérêts de ces travailleurs-euses. C’est le cas par exemple, du salaire minimum de 200 gourdes fixé par la loi13, quoiqu’insuffisant, qui fait l’objet de tergiversations et de réticences de toutes sortes à son application. Malgré le code du travail, c’est un secteur paraissant hostile aux lois, et échappant du coup au contrôle de l’Etat haïtien, qui, à partir de la loi Hope, accorde aux patrons de ce secteur les pleins pouvoirs, tant financier que social. Le secteur des travailleuses domestiques Quant aux travailleuses domestiques, elles ont toujours vécu une situation d’exclusion sociale dans le cadre de leur emploi, contrairement aux prescrits constitutionnels et aux pactes internationaux signés et ratifiés par Haïti. Mais, la loi14 du 11 mai 2009, modifiant l’Art 257 du code du travail de 1962, a apporté une correction historique à ce problème, en leur accordant le même statut que les travailleurs-euses du secteur commercial, réglementant leur travail en terme de congé annuel, salaire etc. Cependant, à date, celle-ci n’est pas promulguée, ce qui 13 La loi sur le salaire minimum a été votée. Elle est publiée dans le Journal Officiel le Moniteur le 6 octobre 2009 14 Le plaidoyer pour le vote de cette loi a été conduit pendant plusieurs années par le biais du Comité de négociation des organisations féministes avec les Parlementaires de la 46 ème Législature ( 1998), jusqu'au transfert de ce dossier par les organisations au MCFDF, l’intégrant ainsi dans le menu Législatif du Ministère qui en a fait le suivi.

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    constitue une barrière évidente à son application. En matière de protection sociale, le traitement accordé à cette catégorie de travailleurs-euses, à majorité femmes, est délaissé au gré de l’humeur de l’employeur. La travailleuse domestique généralement appellée «servante ou bòn» est encore astreinte à des conditions dégradantes tant sur le plan salarial, qu’au niveau de la protection sociale. Dans ce même secteur, les enfants en domesticité en majorité des filles sont plus de 300,000 dans le pays. Sur cette situation les opinions sont unanimes à condamner cette forme d’injustice sociale dont sont victimes des centaines de milliers d’enfants contraints à des conditions de vie très difficiles, ce, en violation des droits humains, ainsi que des lois et conventions nationales et internationales, notamment la Convention Internationationale relative aux Droits de l’Enfant, Convention ratifiée par Haïti le 23 décembre 1994. A date, les dénonciations nationales et internationales, n’ont pas manqué d’attirer l’attention sur cette situation d’exploitation illégale des enfants en matière de travail, mais, les actions concrètes visant à son élimination sont encore faibles. Les tentatives de politiques publiques par l’Etat ne se limitent qu’à des programmes de sensibilisation, souvent orchestrés par l’Institut du Bien-Etre Social et de la Recherche–IBERS, l’UNICEF et d’autres ONGs. Mais, l’Etat, impuissant face à ce phénomène, n'a toujours pas mis en branle de véritables mesures pour son éradication. D’autant, qu’il s’agit d’une situation mettant ces enfants (filles, garçons) en extrême vulnérabilité au harcèlement, au viol et aux abus sexuels de toutes sortes, ce, en violation par l’Etat des divers conventions, accords, lois et notamment en violation de la Constitution Haïtienne.

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    PARTIE 2 PRESENTATION DES RESULTATS ET ANALYSES

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    PARTIE II Cette partie fait état des résultats de l’enquête découlant des données telles que saisies et analysées. Une première série de résultats concerne les données traitées des questionnaires 115 et 216 . La deuxième série de résultats relate les données recueillies du questionnaire 317 . L’ensemble des questions de ces trois (3) questionnaires distincts sont traités et présentés soit en synthèse, soit par des tableaux comparatifs analysant les différentes variables. Enfin, une brève synthèse des commentaires et recommandations est ensuite fournie. NB. En raison de la complexité des questionnaires regroupant plus de 30 questions chacun, il a été procédé à une division en trois (3) sections A, B, C, pour la saisie des données. Pour l’analyse, les différentes sections ont encore été subdivisées en blocs de réponses aux questions, présentés dans le document sous le vocable «d’ENONCE ». 2.1-Taux de réponse et distribution des répondant-e-s Le taux de réponse a largement dépassé les espérances, car sur 360 personnes prévues, 305 personnes des cinq (5) secteurs enquêtés ont accepté de collaborer à l’enquête sur «le harcèlement sexuel en milieu du travail en Haïti». Seules les personnes du secteur bancaire, une cinquantaine (55), ont péremptoirement refusé de collaborer, malgré les maintes tentatives des institutions conduisant l’enquête. L’enquête était orientée vers cinq (5) secteurs ainsi répartis : Secteur 1 – Fonctionnaires publics / privés /ONGs Secteur 2 – Ouvrières des manufactures Secteur 3 - Travailleuses domestiques Secteur 4 – Banques Secteur 5 – Responsables d’Institutions publics / privées Au total 305 questionnaires sont remplis à travers quatre (4) des cinq (5) secteurs précités. Nous présentons le nombre de répondant-e-s par secteur ventilé comme suit : le secteur 1 (fonctionnaires publics /privés) accuse un taux plus important de répondantes 171 soit 56.06%. Tandis que, 120 personnes soit 39.34% ont répondu à l’enquête au niveau des Secteurs 2 et 3. Quant au Secteur 5, il ciblait les responsables d’institutions à questionner suivant la méthodologie adoptée. Ainsi, dans ce secteur on a pu toucher un nombre moins important de 14 répondant-e-s soit 4.59 % de l’ensemble de l’enquête. 15 Le questionnaire 1 (en francais) était destiné au Groupe 2 / fonctionnaires d’institutions publiques, ONGs… 16 Le questionnaire 2 (en créole ) était adressé aux travailleuses de manufactures et aux travailleuses domestiques 17 Le Guide d’entretien – questionnaire 3 (en francais ) était adressé aux dirigeant-e-s d’institutions publiques, d'ONGs…

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    TABLEAU 1 DISTRIBUTION DES REPONDANT-E-S

    Groupes Nombre % Fonctionnaires publics / Privés/ ONGs

    Institutions de l’Etat Banques ONGs Total

    171 56.06%

    Ouvrières des manufactures

    Parc industriel de P-au P Usine à Tabarre Total

    120

    39.34%

    Travailleuses domestiques

    Village 1 – Delmas Village 2 – Frères Enfants en domesticité Total

    Responsables d’institutions

    Publics ONGs Total

    14 4.59%

    2.2- Caractéristiques sociales des enquêtées des secteurs 1 -2 -3 Une analyse des données ont permis d’identifier les principales caractéristiques des enquêtées en lien au sujet étudié. Ainsi, on a pu constater que la majorité 71.3% des enquêtées du secteur 1 (fonction publique et ONGs) se trouve dans le groupe d’âge de 25 à 40 ans. Ce qui dénote d’un indicateur significatif à leur vulnérabilité au harcèlement sexuel. Par exemple, les témoignages recueillis lors des plaintes, font souvent état du facteur d’âge des femmes comme déterminant à ce genre d’agression. «Dans les sociétés patriarcales ou à dominante machiste, une femme jeune est "un appât sexuel", elle est encore plus vulnérable dans la société haitienne en proie à une grande précarité économique où l’accès à l’emploi devient un privilège et l’objet de chantage et/ou de corruption de toute sorte». Un autre facteur déterminant et associé à la vulnérabilité des femmes au harcèlement dans le milieu du travail, est leur statut matrimonial. L’enquête révèle que 52 % des femmes enquêtées du secteur 1 (Fonction publique, ONGs) sont célibataires avec enfants (1 à 2 enfants), donc des femmes monoparentales18, une situation rendant souvent ces dernières encore plus vulnérables aux pressions, aux chantages sexuels, par obligation de répondre aux multiples besoins de leurs enfants, de leur famille. Dans ce même secteur, 46.7% des enquêtées sont mariées /placées, 39,1% d'entre eux ont des enfants.

    18 L’enquête EMMUS V révèle que 47% des femmes haitiennes sont cheffes de famille monoprarentales, ce qui contribue à l’aggravation de leur condition de pauvreté.

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    De même, les facteurs : poste occupée, niveau de formation des enquêtées de ce secteur, attirent l'attention. 42.1% des femmes occupent des fonctions de logistique : secrétaire, assistante, ménagère etc., 13.4% n’ont ni profession, ni fonction bien définies. Parmi celles ayant un niveau de cadre intermédiaire, 49.7% possèdent un diplôme (niveau licence), et la majorité occupe des postes secondaires de comptable, d'administratrice etc. Il en ressort qu’en regard de ces données, la majorité de ces fonctionnaires de la fonction publique et d’ONGs, sont dans des conditions de vulnérabilité au harcèlement sexuel au travail, si l’on se réfère aux analyses sur les relations de genre. Les graphes ci-dessous illustrent les analyses précédentes : SCHEMAS GRAPHIQUES Caractéristiques sociales des enquêtées de la Fonction publique et ONGS.

    Du côté des enquêtées des secteurs 2-3 (ouvrières de manufactures et travailleuses domestiques), la situation est presqu’identique. Sur 120 personnes enquêtées dans les 2 secteurs, 107 soit 89.1% se retrouvent dans le groupe d’âge de 25-40 ans. Une proportion non moins importante 35%, se déclare célibataire avec enfant-s pour une bonne partie, ce qui revient à dire que celles-ci rejoignent la catégorie des femmes seules cheffes de familles monoparentales. Dans ce contexte, les hypothèses évoquées plus haut, sont aussi assimilables à ce secteur. En matière de niveau d’études et de qualification, 45.8 % des femmes ouvrières et travailleuses domestiques enquêtées, n’ont fait que leur cycle scolaire de niveau primaire, 12.5 % n’ont pas fréquenté l’école. Il convient de retenir toutefois qu’un nombre non négligeable, soit 40% des femmes ont atteint le niveau secondaire. La majorité n’a aucun métier et pour celles qui ont eu accès à l’apprentissage d’un métier, la plupart, soit 33.3 %, des femmes ouvrières et des femmes travailleuses domestiques, ont étudié la couture et la cuisine. Une caractéristique bien particulière aux femmes de ces 2 secteurs ayant atteint le niveau d’études secondaires est dénotée : celles-ci sont mariées ou placées, se retrouvent avec un taux d’enfants supérieur de 3 à 6 enfants par femme, contrairement à celles célibataires. Ces données renvoient à un autre niveau d’hypothèse à savoir que les femmes mariées seraient plus

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    conditionnées à des valeurs traditionnelles déterminées par la religion et/ou autre domaine culturel en matière de contrôle des naissances, de contrôle de leur corps etc. Toutefois, dans l'ensemble, l’analyse relative aux caractéristiques du secteur précédent demeure valable pour ces deux (2) secteurs. Une illustration de ces données est présentée dans les schémas graphiques qui suivent : SCHEMAS GRAPHIQUES DES VARIABLES : Qualification, types d’emplois, des femmes se sentant victimes de harcèlement

    2.3- Résumé des résultats Ce chapitre présente un résumé des principales réponses fournies par les enquêtées des secteurs 1 -2-3, aux questions relatives à celles se sentant victimes de harcèlement dans leur milieu du travail. Les réponses sont présentées dans l’ENONCE 3 qui suit : ENONCE 3 Les enquêtées témoignent de leur relation avec le harcèlement ou la discrimination en tant que victime, témoin… Se référant aux informations fournies par les enquêtées du secteur 1 (fonction publique / ONGs), le constat est concluant. Un nombre quand-même important 8.1% parmi ces femmes sont victimes de harcèlement dans le cadre de leur emploi. Ces données confirment un ensemble d’hypothèses et même des révélations présentées des fois sous forme de rumeur, sur la situation d’insécurité et de vulnérabilité des femmes au harcèlement sexuel et qui prévaut dans ces administrations. Concernant l’administration publique, il est presque légendaire qu’on parle souvent du phénomène de "droit de cuissage" exercé par un Ministre, un Directeur Général, un haut fonctionnaire de l’Etat … sur ses employées femmes. Au niveau des ONGs, certains cas scandaleux sont parfois révélés sous forme de rumeurs, sans qu’on arrive à confirmation. Et à ce titre, il n’est pas de trop de parler du cas d'une employée

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    d’une ONG, qui, questionnée dans le cadre du pré-test, ne pouvait retenir ses larmes en témoignant de son calvaire face au harcèlement qu’elle subit au sein de l’institution. Point n’est besoin de souligner qu’au delà de ces chiffres, il s’agit de personnes humaines exposées à des souffrances qui leur sont imposées en échange d’un mieux-être salarial. Témoignages des fonctionnaires de l’administration publique et d’ONGs

    Sentie victime de harcèlement sexuel 8.1% Sentie victime de harcèlement moral 25.7%

    Etre témoin de harcèlement moral 22% Etre témoin de harcèlement sexuel 19% Se sentir victime d’une discrimination verbale 23% Se sentir victime d’une discrimination physique 8% Se sentir victime d’une discrimination sexuelle 6%

    Dans la catégorie des travailleuses domestiques et ouvrières de trois (3) manufactures et des filles en domesticité les résultats sont tout aussi préoccupants : 11% des 120 personnes interviewées déclarent avoir été victimes de "zak tizonnay " dans le cadre de leur emploi. Sur l’ensemble des violences liées au harcèlement, en voici le résumé des réponses des enquêtées regroupées dans le tableau qui suit : Témoignages des ouvrières / travailleuses domestiques (femmes, filles)

    Avoir été victime de harcèlement (zak tizonnay) 11% Sentie victime d’abus / méchanceté 18% Sentie victime d’injures (jouman) 23% Sentie victime de mauvais traitement 23% Etre au courant de victime de harcèlement sexuel 18% Etre au courant de victime ‘’manyen tete / manye deye’’ 13% Etre au courant de victime ‘’moun yo mande fanm’’ 23% Etre au courant de victime ‘’ fanm yo fose fe bagay ‘’ 18%

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    ANALYSE DES RESULTATS DE L’ENQUETE FONCTION PUBLIQUE ET ONGS

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    2.4-Résultats globaux des données recueillies auprès des enquêtées de la Fonction Publique & ONGs Les résultats démontrent que le problème du harcèlement est bien présent au sein de ces institutions. Sous une forme ou sous une autre, un pourcentage élevé de femmes en souffre. Car, sur 171 personnes questionnées, on a recueilli 205 témoignages soit 119.8% révélant la vulnérabilité des femmes au harcèlement. De plus, un rapprochement des ENONCES 1-2-3, porte à conclure de l’ampleur du problème. Car, le tabou entourant cette forme de violence qu’est le harcèlement, force souvent les femmes au silence et/ou à des subterfuges pour éviter d’en parler directement. Telle a été la raison de l’insistance du questionnaire intercalant les ENONCES 1-2-3, de manière à obtenir un maximum de réponses possibles suivant le degré de confiance de la répondante à révéler ou non son opinion. Le harcèlement moral entraine souvent le harcèlement sexuel et / ou vice et versa. Partant de cette analyse, il est aisé de combiner les trois (3) ENONCES c’est- à-dire : se sentir victime de harcèlement moral ou sexuel, avoir été témoin, se sentir victime d’une discrimination de manière à conclure d’une estimation globale de plus de 119.8% de femmes sur 171 répondantes à l’enquête qui seraient victimes de harcèlement moral, sexuel ou qui seraient exposées à une forme de discrimination quelconque dans le cadre de leur travail au sein de l’administration publique et des ONGs. De plus, la catégorie Autre, 8.1 % ,de l’ENONCE 3 révèle des témoignages édifiants liés à des discriminations de tous types dont le verbatim des répondantes est reproduit ci-dessous: ENONCE III – Catégorie - Autres Nous avons subi des actes de discrimination dans notre service parce qu'ils nous traitent comme des animaux. Je n’ai jamais participé à des séances de formation internationale Je me sens victime d’un manque d'appréciation et je suis victime de critique destructive Je me suis sentie victime de la hiérarchie exerçant une supériorité démesurée Je me sens sous-estimée dans mon travail Selon l'âge, le plus jeune doit prendre les notes en réunion, par exemple Je ressens une grande déception Je me sens souvent humiliée Les jeunes vous poussent vers la sortie Je suis victime de conflit d'intérêt de la part d’un collègue Souvent on me donne plus de travail pour me faire du mal Je suis souvent victime d’une non-reconnaissance de mon autorité comme femme Je suis souvent discriminée à cause de mon poids, de ma taille.

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    TABLEAU II VARIABLE DU NOMBRE DE REPONDANTES QUI SE SONT SENTIES HARCELEES, ONT ETE TEMOIN, OU QUI ONT ETE DIRECTEMENT HARCELEES

    La formule utilisée pour faire le dénombrement: NB.SI() et celle pour calculer le pourcentage est S1/ST*100

    ENQUÊTE SUR LES FONCTIONNAIRES PUBLICS / PRIVES/ ONGS

    Nombre total de répondantes /Pourcentage

    Sentie victime de: Ou avoir été témoin de: Sentie victime d'une discrimination

    Harcèle- ment moral

    Harcèle-ment sexuel

    Harcèlement moral

    Harcèle- ment sexuel

    Verbale Physique Sexuelle Autre

    171 44 14 37 33 39 13 11 14 100% 25.7% 8.1% 21.6% 19.2% 22.8% 7.6% 6.4% 8.1%

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    2.5- Croisement des variables Les personnes enquêtées se sont aussi prononcées à partir des ENONCES 9 à 25 sur plus de détails relatifs au harcèlement subi ou non dans le cadre de leur travail au sein de l’Administration Publique et dans les ONGs. Ainsi, parmi les 58 femmes ayant déclaré s'être senties victimes de harcèlements moral et sexuel 24 soit 41% avouent que cela a commencé dès le début de leur emploi. 52 femmes soit 89.6% déclarent que le harcèlement a commencé à partir de trois (3) mois et plus. Ces données confirment la logique du "droit de cuissage" dont on fait souvent état, concernant l’Administration Publique, et certaines ONGs, nationales aussi bien qu’internationales. Fréquence des actes de harcèlement et formes, types de sanctions Sur la fréquence des gestes ou actes de harcèlements (moral, sexuel), 41.3% des moins de 25 ans affirment que ces violences se répètent Très souvent , tandis que 12% révèlent que cela arrive Parfois et 3.4% affirment que cela se produit Rarement. Les femmes du groupe d’âge compris entre 25 à 55 ans, 32.7% révèlent se sentir victime de harcèlements moral et sexuel Très souvent, 58.6% Parfois et 15.5% Rarement. Quant aux femmes dans la catégorie d’âge de 55 ans et plus, seulement 3.4% déclarent se sentir victime de ces actes, mais qui se produisent Rarement contre elles. Cette partie présente un croisement des variables des ENONCES 1 & 2, car, les données traitées démontrent qu’une même répondante victime de harcèlements (moral et ou physique) peut se retrouver aussi témoin. Ainsi, sur les formes les plus fréquentes dont ces violences sont commises, les données indiquent le classement suivant: Violences verbales en privé 64% Violences verbales et écrites en privé 5.4% Violences verbales en public 16.4% Violences verbales privées –publiques 7% Violences verbales écrites /publiques –privées 11.7% Ecrits privés –publics 11.7% Ecrits privés 4.6 % Une autre forme d’expression du harcèlement subi par ces catégories de fonctionnaires consistent en des gestes (déplacés, inappropriés, obscènes). Un nombre important de femmes disent avoir été attaquées ou avoir été témoin des ces actes de harcèlement par : Contacts physiques/ gestes violents, agressifs 39% Des gestes suggestifs physiques 9.3% Des gestes violents / agressifs/ physiques en public 18.7% Des gestes suggestifs en public 12.5% Des gestes suggestifs en privé 28.1%

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    Au niveau institutionnel, ces employées déclarent être souvent exposées à des pressions extrêmement graves de la part de leurs harceleurs (moral, sexuel). Les 128 harcelées et témoins subissent en proportions différentes, les types de sanctions suivantes : Blâmes / Evaluation / Isolement 24.4% Restriction d’activité professionnelle / isolement / Mutation 25% Dénigrement / contraintes/ contrôle d’activité 67.1% Pour cette variable, on remarque que le dénigrement et l’ensemble des invectives qui l’accompagnent, constitue le type d’agression le plus répandu, mentionné d’ailleurs avec insistance par les répondantes. ENONCE 13 Le rapport direct avec le harcèlement Ce chapitre relate précisément les témoignages des répondantes à l’ENONCE 3, relatifs à celles ayant subi directement le harcèlement soit moral, soit sexuel, ainsi que celles déclarant se sentir victimes de discrimination. Par souci de précision, la partie qui concerne les témoins est volontairement écartée, de manière à se concentrer sur ce volet de résultats bien spécifiques. Le total du nombre de réponses prises en compte dans ce contexte est de 135 sur 171 soit 78.9 % des répondantes de l’ENONCE 3. Les répondantes confirment des actes de harcèlement à leur encontre 40% des répondantes confirment avoir subi de actes de harcèlements et cela sous formes de mots, de gestes, d'écrits, d'allusions, d'actes de persécution de toutes sortes, tandis que 6 % seulement affirment avoir été attaquées physiquement par leurs agresseurs. Sur cette même question une bonne majorité écarte toute autre argumentation qui serait liée à des causes professionnelles, religieuses ou autre, pour justifier de tels actes. Il s’agit bien selon leurs dires de violence sexospecifique exercée contre elle en tant que femmes. Aussi, 48.8% des ces femmes victimes croient qu’il s’agit bien d’actes délibérés à leur encontre. De même que, 48.8% estiment le contraire, car, elles ont répondu Non à la question. A l’inverse, au niveau de leurs jugements par rapport à ce genre de comportements : sont-ils normaux ? Flatteurs ? Humiliants ? Insultants ? 45.9% des répondantes les trouvent très humiliants et 37.4% les qualifient d’insultants. A noter que curieusement, mais à un faible pourcentage o.7% des répondantes estiment ces comportements comme étant normaux et 1.4% les trouvent même flatteurs. Ces deux (2) dernières tendances tout en étant minoritaires, portent à se questionner sur les justificatifs donnés par ces femmes. En voici la transcription in extenso dans les lignes qui suivent:

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    Argument 1 : Ces comportements existent partout et ce sont les individus qui peuvent prendre des mesures afin d'éviter certaines actions Argument 2 : C'est une personne qui cherche à se faire voir, à montrer son autorité, qui veut la mainmise sur tout Argument 3 Parce que je l'attire sexuellement A noter que, ces assertions même minoritaires attestent toutefois d’un certain degré d’acceptation et de banalisation du harcèlement sexuel et du harcèlement moral chez les femmes. C'est un phénomène résiduel d’une éducation sexuée, reçue tant par les hommes que par les femmes dans la société haïtienne. ENONCE 18 Identité des harceleurs Suivant les informations fournies par les répondantes se disant harcelées (sexuellement ou moralement) et/ou victimes d’une discrimination au sein des institutions (Administration publique / ONGs ), les agresseurs pour la majorité sont de sexe opposé ( des hommes ) soit un pourcentage de 48. 8%. Cependant un faible pourcentage de femmes (8.1%) ont répondu Non sur le sexe masculin sans pour autant révélé le sexe de leurs harceleurs. De plus, 6.6% des femmes affirment être harcelées par plusieurs individus, pour 41.4% qui se sont prononcées sur les actes de harcèlement contre elles ayant pour auteur un (1) homme. L’identité des harceleurs se décline dans l’ordre décroissant suivant: Directeur / patron 22.2 % Collègue / Employé de même niveau 19.2 % Superviseur 15.5% Sur le rang de superviseur indiqué, cela devrait être assimilé plutôt au rang de chef-fe de service ou directeur-ice technique, plus courant dans les types d’institutions comme la Fonction Publique et les ONGs. Un autre point attirant l'attention, est le fort taux de harcèlement venant des collègues indiqués par les données. Cela, atteste encore une fois du degré d’éducation des hommes axée plus sur le machisme, le droit de cuissage et la domination masculine, qui se traduit par cette forme de violence dans les relations avec leurs collègues de sexe féminin.

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    Sur les conséquences néfastes du harcèlement sur la vie des femmes La plupart des enquêtées qui se sont prononcées sur les ENONCES 9 à 19, décrivent les actes de harcèlement ( sexuel et moral ) qu’elles subissent comme étant la plus grande atrocité affectant tant leur vie professionnelle que personnelle. En effet, sur le total des 135 femmes se sentant victime de harcèlement (moral, sexuel) et de discrimination au sein de leur travail, un fort taux atteste des témoignages les plus poignants, comme décrits dans le tableau ci-dessous : CONSEQUENCES SUR LA VIE PROFESSIONNELLE DES FEMMES HARCELEES

    CONSEQUENCES SUR LA VIE PERSONNELLE DES FEMMES HARCELEES

    - 14.8% affirment ressentir un manque d’efficacité professionnelle ; - 23.7% disent souffrir d’un manque d’intérêt et d’épanouissement ; - 8.1% disent devenir inefficaces, accumulent des absences répétées, arrêtent leurs projets, sont forcées à des congés sans solde ; - 19.2% souffrent de manque d’efficacité professionnelle, de perte d’opportunités, de perte de promotion et d’arrêt de projets.

    - 34.7% des femmes affirment souffrir de dépression, d’épuisement et de fatigue mentale et se livrent à la consommation fréquente de somnifères. Parmi elles, plusieurs ont tenté de se suicider; - 10.3% disent souffrir de réduction d’activités familiales, d’épuisement, de fatigue physique et mentale ; -17% souffrent de réduction d’activités sociales, d’épuisement et de fatigue physique ; - 1.4% souffrent de dépression, d'arrêt d’activités.

    ENONCE 20 à 23 Conditions favorisant le harcèlement dans la Fonction Publique et dans les ONGs Trois (3) séries de questions ont permis aux répondantes d’opiner sur : l’ambiance dans laquelle elles évoluent, les facteurs favorables ou non au harcèlement et les relations de sexe dans leur milieu du travail. Pour 31.5% de répondantes, l'établissement où elles évoluent est un lieu dans lequel le harcèlement peut se produire facilement. Tandis que, 5.8% de répondantes pensent le contraire. Et, les facteurs pouvant favoriser une telle situation sont multiples selon elles. Pour la majorité (22.8%) la tolérance entre employé-e-s et la promiscuité, en est une des principales causes. La tradition du silence / le manque de contrôle de l’Etat 14.6% et les stéréotypes 9.3% viennent en 2ème et 3ème position dans leurs réponses. D’autres facteurs comme : la familiarité y compris les liens familiaux entre les dirigeants 8.7% , la mixité 8.7% , la peur chez les employé-e-s 7% , l’isolement 1.7%, sont indexés. De plus, à la question si : être exposée au harcèlement est un problème lié au type de l'emploi? Une grande part des réponses est Oui et les répondantes expliquent entre autres, plusieurs causes qui en seraient responsables dont les plus citées sont : les problèmes d’équipe, la

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    durée du travail, l’horaire, l’instabilité des directions (tel changement trop souvent de Ministre, de Directeurs généraux), le modèle de hiérarchie etc. Quelques -unes ont cité l’absence de normes et le manque de contrôle de l’Etat. Enfin, à la Question ainsi formulée : Pensez-vous que le fait d'avoir plus de femmes dans une entreprise/institution peut contribuer à diminuer le harcèlement sexuel? Un assez faible pourcentage soit 22% de femmes des 171 enquêtées pensent que oui. Cette réponse minoritaire parmi les groupes cibles de l’enquête, corroborent une fois de plus, les réflexions formulées dans le chapitre précédent, sur les tares de l’éducation sexuée et discriminante reçue, et à partir de laquelle les femmes en constituent l'un des principaux véhicules. Le schéma graphique ci-dessous est présenté pour attirer davantage l’attention sur ces données de l’étude. Il indique également le niveau de connaissances des répondantes de la lutte des organisations de femmes et celle des organisations de droits humains en Haïti. Schéma graphique présentnt le niveau de connaissance des enquêtées sur la lutte des organisations de femmes et de droits humains

    ENONCES 24 à 26 La route critique des femmes victimes ou exposées au harcèlement dans les institutions publiques et ONGs. Existent-ils des mécanismes de protection ? Quel est leur niveau de connaissance sur ces mécanismes ? Celles s’estimant victimes de harcèlements (moral et sexuel) ont-elles porté plainte ? Sur les questions qui précédent, la majorité des enquêtées du secteur de l’Administration publique et des ONGs, ont peu de confiance dans les moyens de protection au sein de leurs institutions. La plupart, a une grande méconnaissance des mécanismes existants. Elles ne savent surtout pas à quelle instance s’adresser au sein de leurs institutions en matière de plainte. De même, elles paraissent peu informées de ce qui pourrait exister comme règlements ou normes dans le cadre de leur emploi. Par conséquent, sur les 171 enquêtées de ce secteur, un très faible pourcentage seulement 30.9% se réfère à des démarches de plaintes pour se protéger ou pour venir en aide à une personne

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    victime de harcèlement (sexuel, moral). Un fort pourcentage 76 % répondent non à la démarche, estimant que cela ne sert à rien. Parmi les personnes ayant répondu NON, certaines argumentent leurs points de vue par les propos ci –après : -C’est trop humiliant ; -Il n’y aura pas de suivi aux plaintes ; -Cela peut avoir des conséquences sur la personne ; -La peur des sanctions ; -Pour éviter des ennuis En termes de connaissances sur les mécanismes existant au sein de leurs institutions 67.8% des 171 enquêtées de ce secteur affirment ne pas être au courant de ce qui existe, une minorité seulement 23.9% ont répondu le contraire. Et, parmi les instruments les plus connus des enquêtées, LES REGLEMENTS INTERNES arrivent en premier, suivi du CODE D’ETHIQUE. Certaines enquêtées font référence entre autres à une POLITIQUE DE GENRE, au DECRET SUR LA FONCTION PUBLIQUE, à la LOI ORGANIQUE, qui sont, à leurs connaissances, dans les institutions ou elles travaillent. ENNONCE 27 Sur les mesures de prévention souhaitées A la question : souhaiteriez-vous la mise en place de mesures de prévention (éducatives ou répressives) au harcèlement sexuel, dans l'institution où vous travaillez ? La majorité des réponses sont favorables à la mise en place des mesures éducatives accusant 234 réponses contre 150 réponses allant dans le sens de mesures répressives. En voici les principales réponses et leur pourcentage dans le tableau ci-dessous :

    D'un système éducatif

    Nbre D’un système répressif Nbre

    1- Règlements internes 2- Code d’éthique 3- Politique de genre 4- Structure de surveillance 5- Discussion au sein de l’établissement 6- Rappel de la loi 7- Signature de contrat à l’embauche 8- Médiation syndicale 9- Conseiller au niveau des ressources humaines

    87 56 28 26 19 20 18 10 2

    1- Application des disciplines 2-Sanction 3- Aide psychologique anonyme 4-Vote et application des lois 5- Plainte anonyme 6-Dédommagement

    72 50 27 21 1 1

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    ENNONCES 28 à 31 Connaissances des enquêtées sur les luttes féministes et de droits humains. Ce qu’elles pensent du rôle que peuvent jouer les organisations susmentionées dans l'élimination du harcèlement sexuel sur les lieux du travail? 70.1% de cette catégorie d’enquêtées (fonction publique, ONGs) ont une bonne connaissance des organisations de femmes et de droits humains ainsi que de leur travail, tandis que 31.5% disent ne pas les connaitre. Pour ce qui a trait à leur opinion sur leurs luttes, une bonne partie des répondantes pense que celles-ci font un travail louable qui contribue à faire changer significativement la société. L’ensemble de ces opinions sont présentées en verbatim à l’ANNEXE 1 du rapport.

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    ANALYSE DES RÉSULTATS DE L’ENQUÊTE OUVRIÈRES – TRAVAILLEUSES DOMESTIQUES

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    2.6-Analyse des données recueillies auprès des enquêtées : ouvrières de manufactures et travailleuses domestiques. Comme démontré dans le résumé, les femmes ouvrières des manufactures et les travailleuses domestiques, n’échappent pas, elles non plus, au régime du harcèlement sexuel qui leur est imposé sur leur lieu de travail. Comparés à ceux des secteurs de la Fonction Publique et des ONGs, les résultats sont tout aussi préoccupants. Sur un échantillon de 120 femmes enquêtées 11% 19 affirment avoir été l’objet de "zak tizonnay20 " dans le cadre de leur emploi. Pour la plupart, ce sont des actes fréquents à leurs endroits et qui sont commis le plus souvent dès leur embauchage. Des fois, cela n’attend même pas 3 mois avant qu’elles se fassent attaquer par leurs patrons et/ou superviseurs. De plus, un nombre important de femmes de ces 2 secteurs affirment avoir été témoin et/ou être au courant de cas similaires qui sont commis à l’encontre d’autres femmes qu’elles connaissent. Selon elles, dans ce genre d’emploi, les femmes sont victimes d’actes plus graves. Au vu et au su de tout le monde, elles sont souvent l’objet d’actes les plus odieux comme : "manyen dèyè /tete, patron konn mande yo fanm, fòse yo fè bagay "… Les tableaux suivants décrivent les informations révélées par les enquêtées : TABLEAU 3 Le tableau est reproduit en créole en cohérence à la langue du questionnaire.

    Nombre de personnes questionnées/ Et %

    12. Nan kad travay ou èske ou konn santi w viktim (nan men patwon an, oswa lòt responsab)?

    13. Nan kad travay sa yo, gen moun ki konn di patwon oswa lòt responsab konn fè zak mwen pral site la yo, èske ou okouran? Moun

    ki viktim zak

    Abi / Mechanste Jouman

    Move tretman

    Fè tizonnay seksyèl sou yo

    Manyen dèyè yo/Manyen tete

    Mande yo fanm

    Fòse fè bagay ak yo

    120 22 27 28 21 16 28 21 13 100% 18% 23% 23% 18% 13% 23% 18% 11%

    La formule utilisée pour faire le dénombrement: NB.SI() et celle pour calculer le pourcentage est S1/ST*100 19 Dans ce pourcentage, 21 femmes dont 15 du secteur travailleuses domestiques, affirment avoir été victimes de viol. Ces données ont toute leurimportance, car, elles permettent de mesurer plus en profondeur, l’ampleur du harcèlement au travail , pouvant déboucher sur des situations encore plus extrêmes comme le viol 20 Traduit harcèlement sexuel

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    21 Les femmes sont affirmatives et ont paru claires dans l’identification des signes, gestes et manifestattions d’actes de harcèlement à leur encontre. Certaines ont insisté sur des faits tels : ‘’li mande m fanm, li vle fe bagay ak mwen’’

    2.7- Croisement des variables 2.7-Croisement des variables Pour totaliser le nombre de victimes (des 120 enquêtées de ces 2 secteurs), et faire un rapprochement des variables entre les victimes directes à celles qui se disent témoin, l’exercice suivant s’avère nécessaire : ajoutées au 11% de femmes ayant été l’objet de harcèlement sexuel21 , 64% se sont senties victimes et 72% se sont déclarées témoins. A noter que les mêmes hypothèses évoquées dans les chapitres précédents sont aussi valables ici, tenant compte des facteurs subjectifs ou objectifs qui peuvent pousser une femme à donner une réponse directe ou biaisée sur son cas. Les répondantes confirment des actes de harcèlement à leur encontre Des données qui succèdent, il en ressort d’autres facteurs qui corroborent l’analyse démontrée. Parmi les répondantes ayant témoigné sur les façons par lesquelles ces actes sont commis, la majorité fait état de harcèlement verbal, tandis que 20% disent avoir été attaquées physiquement (manyen tete, manyen dèyè). 18.8% de ces femmes affirment que ce sont des actes commis au su et au vu de tout le monde. Quelques-unes d'entre elles confirment la caractéristique subtile dans l’exercice du harcèlement qui se fait généralement en cachette. En effet, 41% des cas se font "anba chal" d’après les dires des enquêtées. De plus, sur la fréquence de ces actes à leur endroit, celles qui en sont victimes font état d’actes exercés «souvent, plusieurs fois et parfois pour une minorité». Voici quelques témoignages relatifs aux formes de harcèlement les plus fréquents cités par les femmes : Sou fòm pinisyon Sou fòm move jès - Presyon , kontwòl san rezon - Bat laponwèt devan m - Lèt blam , move rapò , mete sou kote - Manyen tete , manyen dèyè m - Chanje plas travay toutan - Redwi sou travay mwen - Anpeche w travay - Denigreman , imilyasyon

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    ENONCE 24 Ressentie des enquêtées par rapport aux actes de harcèlements subis A la question "koman ou viv tout zak sa yo nan kad travay ou" ? 25 % des femmes estiment être victimes d’un manque de respect flagrant ("yon gwo derespektans") et 23.3% des femmes disent qu’elles se sentent humiliées. Elles ont aussi été questionnées sur l’ambiance de leur lieu de travail et sur le fait qu'elle soit favorable ou non au harcèlement sexuel. A ces questions, celles-ci n’ont pas manqué d’entretenir sur leurs ressenties sur : le lieu de leur travail, dans la société, et au sein de leur famille. Ainsi : 85 % des répondantes se sentent à l’aise au sein de leur famille, pour 17.5% qui ne sentent pas confortables; 79.1% le sont au niveau de la société tandis que 21.6% ne le sont pas ; 79.1% se disent confortables au sein de leur travail pour 21.6% qui ne le sont pas. A noter que cette question avait pour objectif d’évaluer la pertinence des réponses aux questions les plus fondamentales. Aux réponses négatives à l’ENONCE 24, il revient toutefois de signaler que celles –ci sont plus majoritaires chez les femmes ayant un horaire de travail de jour et de nuit "dòmi leve" parmi les femmes travailleuses domestiques. D’autres facteurs peuvent être considérés dans cette série de réponses enregistrées davantage chez les femmes ayant le niveau de scolarité du primaire ou celles qui sont analphabètes. Dans les descriptions relatives à ce chapitre, les répondantes à l’ENONCE 23 ont identifié leurs harceleurs dans le cadre de leur emploi. Suivant leurs déclarations, les actes d’agression sont commis par des hommes et en individuel sauf pour 2 femmes qui ont déclaré avoir été victimes d’agression collective. Mais, dans leurs explications, celles-ci font état d’actes successifs subis de la part de plusieurs hommes (supérieur hiérarchique). Sur les conséquences néfastes du harcèlement sur la vie des femmes Sur l’identité des harceleurs et les liens hiérarchiques, les enquêtées sont presqu'unanimes à indexer les patrons, les directeurs, les superviseus, les propriétaires de maison, classés par ordre décroissant dans le tableau qui suit : Superviseurs : 16.6% Mèt kay la22 : 12.5% Directeurs : 10% Employés : 1.6% Les nombreux actes de harcèlement dont les femmes ouvrières de manufactures et travailleuses domestiques sont l’objet ont eu des conséquences néfastes tant sur leur vie de travailleuse que sur leur vie personnelle. A travers leurs réponses aux questions posées, celles-ci décrivent les nombreuses conséquences subies, présentées dans le tableau qui suit :

    22 Patron –propriétaire de la maison, dans les cas des femmes travailleuses domestiques

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    CONSEQUENCES SUR LA VIE PROFESSIONNELLE DES FEMMES HARCELEES

    CONSEQUENCES SUR LA VIE PERSONNELLE DES FEMMES HARCELEES

    8.3% disent avoir un manque d’intérêt pour le travail 8.5% ne sont pas contentes de leur emploi 7.5% disent avoir perdu leur chance de promotion 4.1% pensent être sans avenir dans le travail 4.1% disent devenir inefficaces, ne pouvant fournir les résultats attendus. 2.5% déclarent solliciter souvent des congés sans solde 2.5% souffrent de stress, d’angoisse…

    8.5% sont découragées et fatiguées 5% disent être en constante préoccupation (tèt ou cho toutan) 5% souffrent de troubles de sommeil 2.5% parlent de réduction de leurs activités familiales 2.2% vivent dans l’isolement avec une réduction de leur vie sociale 2.5% ont fait des tentatives de suicide 1.6% consomment des médicaments… des somnifères …

    ENONCE 29-30-32

    L’ambiance existante au sein du travail est-elle favorable ou non au harcèlement et quelles sont les principales causes liées à cette situation 101 femmes sur les 120 enquêtées de ce secteur soit 84.1% pensent que le lieu de leur travail est favorable au harcèlement contre 26.6% qui estiment que de tels actes sont difficiles à se produire au sein de leur travail. De plus, celles convaincues de la production du harcèlement au sein de leur travail se sont exprimées sur les différentes causes pouvant provoquer une telle situation : - Le mixité homme / femme - La peur de dénoncer chez les employé-e-s - Trop de relation d’amitié et familiale entre les chefs - La tradition de ‘’ Je wè bouch pe’’23 - Le manque de contrôle et de supervision de l’Etat - Les idées et stéreotypes sur les relations homme/ femme - Le problème du manque d’emploi dans le pays - La tolérance des autres personnes de la maison - L’isolement de la cuisine (lieu de travail ) par rapport au reste de la maison A noter que quelques opinions en identifiant les causes liées au harcèlement ont pointé du doigt les femmes elles-mêmes, qui d’après leur point de vue «ont la mauvaise habitude

    23 Attitude de bouche cousue

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    d’aguicher les hommes ». Il s’agit toutefois d’opinion minoritaire de quelques femmes parmi les 120 enquêtées de ce secteur. Sur l’ENONCE 32, cherchant l’opinion des enquêtées sur la mixité au travail, 42.5% des femmes sont favorables à ce qu’il y ait plus de femmes dans les entreprises / institutions . Cela garantirait selon elles, plus de protection contre le harcèlement sexuel envers les femmes au travail. ENONCES 33- 34-36 Sur les mécanismes de protection dans les entreprises / lieu de travail. La route critique des femmes voulant porter plainte ? Les mécanismes de prévention souhaités par les enquêtées ? La majorité des enquêtées soit 111 sur les 120 questionnées ( 92.5%) déclarent ignorer si les mécanismes de protection contre le harcèlement sexuel des femmes existent au sein de leur travail. Seulement 7.5% disent avoir une connaissance des démarches qu’elles peuvent entreprendre dans les cas de harcèlement. Elles ont cité entre autres comme moyens : la révocation, le jugement avec la personne par devant le Bureau, l'invitation de la personne à une réunion sur le respect des droits. Aux questions relatives à l’ENONCE 34 sur les démarches menées par les enquêtées quand elles se sentent victimes, la plupart et même parmi celles se déclarant victimes n’ont jamais porté plaintes, ni mené de démarches pour dénoncer. Majoritairement, elles pensent que cela est inutile car selon elles : - Sa pa p chanje anyen - Akòz lapèrèz, mwen pè yo revoke m - Mwen pè imilyasyon - Se tan pèdi - Pa gen jistis - Mwen pa konnen sa pou m fè… Quelques unes d’entre elles démontrent une certaine connaissance de la route qu’elle peuvent emprunter pour dénoncer le harcèlement subi, elles ont cité par exemple : - Chache sekou nan