9
« Notre jumeau numérique a une approche holistique », explique Andreas Brandauer. Au milieu du stand très couru de Siemens, à la Foire d’Hanovre, le consultant senior technique en charge de la présentation du jumeau numérique de Siemens enchaîne les présentations. Encore peu utilisé par les industriels, le jumeau numérique suscite beaucoup de questions autour du stand. Pour convaincre les visiteurs de l’intérêt de cet outil, Andreas Brandauer prend bien soin d’insister sur ses avantages concrets. Devant un établi de démonstration où une pince se saisit indéfiniment de la même pièce, le consultant décrit les différentes étapes de production de la pince sur un écran, en pointant l’étape de la conception, de l’électrification, de l’automatisation… Toutes les étapes ont été numérisées avec le jumeau numérique, et elles s’affichent ensemble sur l’écran sous forme de schéma. Ce jumeau numérique est connecté à la plateforme numérique ouverte Mindsphere, via le cloud, que le groupe a lancée l’année dernière. Une fois toutes les données récupérées, la plateforme peut alors faire tourner ses algorithmes et fournir à l’opérateur des prévisions sur le fonctionnement de la pince. « Mindshpere peut par exemple calculer le nombre d’ouvertures- fermetures réalisé par la pince, et estimer ainsi que sa durée de vie est de 50 000 heures », explique Andreas Brandauer. Mais le jumeau numérique va plus loin que fournir de simples outils de maintenance prédictive. « En temps normal, les ingénieurs spécialisés sur chaque étape expliqueraient ce qu’il faut changer sur la pince pour allonger sa durée de vie, par exemple changer la connexion, les fluides… Nous estimons que cette étape est trop longue. Le jumeau numérique va fournir des recommandations à la fois sur le design, l’électricité, la mécanique ou la mécatronique de la pince, ce qui va permettre de gagner du temps. Il a une vision holistique », conclut Andreas Brandauer. Siemens estime par ailleurs que ce type d’outil pourrait améliorer l’efficacité de l’ingénierie de 30 % dans des secteurs comme l’industrie pharmaceutique, confrontés à la double nécessité de produire vite de petites séries. C’était la première fois que le géant allemand présentait son jumeau numérique à la foire d’Hanovre. C’est toutefois la présentation de sa plateforme Mindsphere qui a été l’événement le plus important pour le groupe. Confronté à la concurrence des autres géants industriels sur le secteur de l’industrie 4.0, comme la plateforme Predix de GE, ou plus récemment ABB Ability d’ABB, Siemens devait se doter de son propre outil. Mindsphere veut être la référence des industriels, l’outil à partir duquel ils développent leurs applications, notamment dans l’IoT, à la manière de ce qu’est l’Apple Store pour Apple. Pour le producteur de turbines, c’est un bouleversement radical de son modèle économique. Pour négocier ce virage, le groupe a multiplié les acquisitions ces dernières années. Autour du stand de Siemens gravitaient d’ailleurs de nombreux partenaires, comme znt- Richter, venu présenter des solutions adaptées à la plateforme Camstar, ou Infocore, le spécialiste du PLM. Le groupe insiste cependant sur le fait que son virage numérique a été amorcé il y a plusieurs années. « Nous avons développé nos activités numériques à partir de 2005, lorsque Siemens a réalisé l’acquisition de UGS », explique Norbert Lütke-Entrup, à la tête de la gestion des technologies et de l’innovation du groupe. Lequel a poursuivi cet effort d’investissements pour renforcer ses compétences dans le numérique. Cette année même, il s’est par exemple emparé du spécialiste des logiciels de conception de semi-conducteurs Mentor Graphics, pour 4,2 milliards d’euros. Mais Siemens s’est également attaché en SIEMENS veut être au cœur de l’Usine digitale Géant de l’énergie et de l’industrie, le groupe a entamé depuis quelques années un virage vers le numérique. La concurrence sur le secteur de l’industrie 4.0 l’a amené il y a quelques années à accélérer sa transition numérique, ce qui s’est concrétisé par le lancement récent de sa plateforme vedette Mindsphere. Le virage s’est également accompagné d’une transformation de sa politique d’innovation, qui s’est matérialisée par une multiplication des partenariats et des campagnes de mobilisation interne des salariés. TEXTE : FLORENT DETROY. PHOTO CI-DESSOUS : © DEUTSCHE MESSE AG - ALL RIGHTS RESERVED SI LE JUMEAU NUMÉRIQUE DE SIEMENS A SUSCITÉ BEAUCOUP D’INTÉRÊT, C’EST SA PLATEFORME MINDSPHERE QUI A ÉTÉ L’ÉVÉNEMENT LE PLUS IMPORTANT POUR LE GROUPE. Stand de démonstration du jumeau numérique de Siemens, à la foire d’Hanovre 2017. Stand de Siemens, à la foire d’Hanovre 2017. © FLORENT DETROY ENQUÊTE I INDUSTRIE DU FUTUR l INNOVATION REVIEW l 59

ENQUÊTE I INDUSTRIE DU FUTUR SIEMENS · vedette Mindsphere. Le virage s’est également accompagné ... que les prévisions de Siemens Corporate Technology, l’unité des recherche

  • Upload
    others

  • View
    2

  • Download
    0

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: ENQUÊTE I INDUSTRIE DU FUTUR SIEMENS · vedette Mindsphere. Le virage s’est également accompagné ... que les prévisions de Siemens Corporate Technology, l’unité des recherche

« Notre jumeau numérique a une approche holistique », explique Andreas Brandauer. Au milieu du stand très couru de Siemens, à la Foire

d’Hanovre, le consultant senior technique en charge de la présentation du jumeau numérique de Siemens enchaîne les présentations. Encore peu utilisé par les industriels, le jumeau numérique suscite beaucoup de questions autour du stand. Pour convaincre les visiteurs de l’intérêt de cet outil, Andreas Brandauer prend bien soin d’insister sur ses avantages concrets. Devant un établi de démonstration où une pince se saisit indéfiniment de la même pièce, le consultant décrit les différentes étapes de production de la pince sur un écran, en pointant l’étape de la conception, de l’électrification, de l’automatisation… Toutes les étapes ont été numérisées avec le jumeau numérique, et elles s’affichent ensemble sur l’écran sous forme de schéma. Ce jumeau numérique est connecté à la plateforme numérique ouverte Mindsphere, via le cloud, que le groupe a lancée l’année dernière. Une fois toutes les données récupérées, la plateforme peut alors faire tourner ses algorithmes et fournir à l’opérateur des prévisions sur le fonctionnement de la pince. « Mindshpere peut par exemple calculer le nombre d’ouvertures-fermetures réalisé par la pince, et estimer ainsi que sa durée de vie est de 50 000 heures », explique Andreas Brandauer. Mais le jumeau numérique va plus loin que fournir de simples outils de maintenance prédictive. « En temps normal, les ingénieurs spécialisés sur chaque étape expliqueraient ce qu’il faut changer sur la pince pour allonger sa durée de vie, par exemple changer la connexion, les fluides…Nous estimons que cette étape est trop longue. Le jumeau numérique va fournir des recommandations à la fois sur le design, l’électricité, la mécanique ou la mécatronique

de la pince, ce qui va permettre de gagner du temps. Il a une vision holistique », conclut Andreas Brandauer. Siemens estime par ailleurs que ce type d’outil pourrait améliorer l’efficacité de l’ingénierie de 30 % dans des secteurs comme l’industrie pharmaceutique, confrontés à la double nécessité de produire vite de petites séries.C’était la première fois que le géant allemand présentait son jumeau numérique à la foire d’Hanovre. C’est toutefois la présentation de sa plateforme Mindsphere qui a été l’événement le plus important pour le groupe. Confronté à la concurrence des autres géants industriels sur le secteur de l’industrie 4.0, comme la plateforme Predix de GE, ou plus récemment ABB Ability d’ABB, Siemens devait se doter de son propre outil. Mindsphere veut être la référence des industriels, l’outil à partir duquel ils développent leurs

applications, notamment dans l’IoT, à la manière de ce qu’est l’Apple Store pour Apple. Pour le producteur de turbines, c’est un bouleversement radical de son modèle économique. Pour négocier ce virage, le groupe a multiplié les acquisitions ces dernières années. Autour du stand de Siemens gravitaient d’ailleurs de nombreux partenaires, comme znt-Richter, venu présenter des solutions adaptées à la plateforme Camstar, ou Infocore, le spécialiste du PLM. Le groupe insiste cependant sur le

fait que son virage numérique a été amorcé il y a plusieurs années. « Nous avons développé nos activités numériques à partir de 2005, lorsque Siemens a réalisé l’acquisition de UGS », explique Norbert Lütke-Entrup, à la tête de la gestion des technologies et de l’innovation du groupe. Lequel a poursuivi cet effort d’investissements pour renforcer ses compétences dans le numérique. Cette année même, il s’est par exemple emparé du spécialiste des logiciels de conception de semi-conducteurs Mentor Graphics, pour 4,2 milliards d’euros. Mais Siemens s’est également attaché en

SIEMENS veut être au cœur de l’Usine digitale

Géant de l’énergie et de l’industrie, le groupe a entamé depuis quelques années un virage vers le numérique. La concurrence sur le secteur de l’industrie 4.0 l’a amené il y a quelques années à accélérer sa transition numérique, ce qui s’est concrétisé par le lancement récent de sa plateforme vedette Mindsphere. Le virage s’est également accompagné d’une transformation de sa politique d’innovation, qui s’est matérialisée par une multiplication des partenariats et des campagnes de mobilisation interne des salariés.TEXTE : FLORENT DETROY. PHOTO CI-DESSOUS : © DEUTSCHE MESSE AG - ALL RIGHTS RESERVED

SI LE JUMEAU NUMÉRIQUE DE SIEMENS A SUSCITÉ BEAUCOUP D’INTÉRÊT, C’EST SA PLATEFORME MINDSPHERE QUI A ÉTÉ L’ÉVÉNEMENT LE PLUS IMPORTANT POUR LE GROUPE.

Stand de démonstration du jumeau numérique de Siemens, à la foire d’Hanovre 2017.

Stand de Siemens, à la foire d’Hanovre 2017.

© F

LORE

NT D

ETRO

Y

ENQUÊTE I INDUSTRIE DU FUTUR

l I N NOVAT ION RE V I E W l 59

Page 2: ENQUÊTE I INDUSTRIE DU FUTUR SIEMENS · vedette Mindsphere. Le virage s’est également accompagné ... que les prévisions de Siemens Corporate Technology, l’unité des recherche

parallèle à augmenter ses capacités propres de recherche dans le numérique. Le groupe a embauché près de 1 000 ingénieurs depuis 2013, pour atteindre aujourd’hui un total de 21 000. La greffe de la culture numérique sur un groupe centenaire spécialisé dans l’énergie et l’industrie n’est toutefois pas allée sans mal. « Lorsque nous avons voulu utiliser le data analytics sur les éoliennes, par exemple, nous avons commencé par embaucher des spécialistes de data analytics. Mais ils manquaient de compétences dans les éoliennes. Nous nous sommes rendu compte que si nous voulions développer des offres de maintenance prédictive autour des turbines à gaz, il nous fallait être capables de faire travailler les deux types d’ingénieurs ensemble, et mettre ainsi en place un management spécial », explique Norbert Lütke-Entrup.

❚ UN RÉSEAU MONDIAL DE CENTRES DE RECHERCHE La blockchain, la connectivité, la cyber sécurité ou encore l’intelligence artifi cielle font partie des technologies d’avenir pour Siemens, aux côtés de l’impression 3D ou du stockage de l’énergie. Le groupe sait qu’il doit être capable de maîtriser et d’innover sur ces différentes thématiques pour rester un acteur majeur du marché de l’industrie 4.0 et de la transition énergétique. Il a ainsi décidé d’accélérer ses investissements en R&D ces dernières années. Ils ont notamment augmenté

de 25 % depuis 2014, pour atteindre 5 milliards d’euros cette année. Le groupe a également pris soin de déterminer les technologies clés pour son avenir. Il s’est d’abord appuyé sur les recommandations du Siemens Technology & Innovation Council (STIC), un comité consultatif créé en 2015 et chargé d’apporter à la direction une vision d’ensemble des technologies d’avenir dans le monde. Le cerveau du groupe en matière de recherche et d’innovation est notamment constitué de personnalités et d’experts extérieurs à Siemens, ce qui le rend autonome dans ses recommandations. « Ils nous apportent des idées fraîches qui vont au-delà de nos marchés », explique Norbert Lütke-Entrup. Le groupe est notamment présidé par Peter Gruss, biologiste et ancien directeur de l’Institut Max-Planck. Les conseils du STIC ainsi que les prévisions de Siemens Corporate Technology, l’unité des recherche de Siemens, ont ainsi aidé Siemens à établir une liste de quatorze technologies destinées à orienter les investissements du groupe (voir ci-dessus).Une fois qu’il a identifi é les technologies prioritaires, le groupe peut alors orienter ses travaux de recherche en fonction de ses priorités. Ce travail passe d’abord par la défi nition de partenariats universitaires. Le groupe a depuis longtemps noué des liens avec les universités, à travers notamment ses neuf Centers of Knowledge Interchange (CKI), des centres de recherches partenariales destinés à inscrire des collaborations sur le long terme avec des universités de

Les 14 technologies clés du groupe

• Additive Manufacturing

• Autonomous Robotics

• Blockchain Applications

• Connected (e)Mobility

• Connectivity & Edge Devices

• Cyber Security

• Data Analytics, Artifi cial Intelligence

• Distributed Energy Systems

• Energy Storage

• Future of Automation

• Materials

• Power Electronics

• Simulation & Digital Twin

• Software Systems & Processes

© D

EUTS

CHE

MES

SE A

G -

ALL

RIGH

TS R

ESER

VED

ENQUÊTE I INDUSTRIE DU FUTUR

60 l I N NOVAT ION RE V I E W l

Page 3: ENQUÊTE I INDUSTRIE DU FUTUR SIEMENS · vedette Mindsphere. Le virage s’est également accompagné ... que les prévisions de Siemens Corporate Technology, l’unité des recherche

ou lui faire profi ter de nos infrastructures techniques », précise Norbert Lütke-Entrup. Pour ce faire, Siemens a créé en 2016 un nouvel outil, next47. Baptisé ainsi en référence à la date de création de Siemens, 1847, next47 regroupe toutes les activités du groupe en matière de start-up. Il est chargé d’identifi er et éventuellement de fi nancer les jeunes pousses intéressantes pour Siemens. Sa particularité est d’être relativement autonome. « Nous savons que Siemens est très régulé. Nous avons ainsi créé une unité à part entière destinée aux start-upqui leur donne plus de liberté et s’adapte à leurs règles. » Les équipes de next47 ont notamment amené le groupe à entamer une collaboration avec une start-up américaine spécialiste de la blockchain, LO3 Energy pour développer une offre sur l’énergie. Présent sur trois sites, à Berkeley, Shanghai et Munich, next 47 va bénéfi cier sur les cinq prochaines années d’un budget de 1 milliard d’euros.

❚ RENDRE SIEMENS PLUS INNOVANTCette proximité avec le monde des start-up a peu à peu amené les acteurs de la R&D du groupe à s’inspirer de leurs méthodes d’innovation. « Habituellement, nous inves-tissons beaucoup de temps dans la gestion de nos projets R&D, y compris le planning et la gestion du budget. Les start-up, elles, fonctionnent d’une matière différente : elles savent qu’elles doivent franchir la prochaine étape pour obtenir une nouvelle tranche d’investissement et ainsi assurer leur sur-vie. Toute l’équipe d’une start-up travaille ensemble pour réaliser cet objectif. Nous cherchons de plus en plus à organiser notre R&D dans cet esprit, en faisant travailler ensemble les différents acteurs, et en les isolant. L’objectif est de tester rapidement les innovations en réalisant des prototypes », détaille Norbert Lütke-Entrup. Désormais, le défi du groupe est de diffuser ces méthodes d’innovation à l’ensemble du groupe (voir ci-contre).

Trois outils de Siemens pour encourager l’innovation

1 • Siemens Operating ModelSiemens Operating Model est une sorte de recueil des meilleures pratiques en usage dans le groupe. Une communauté de dirigeants et spécialistes en R&D travaille de concert pour développer et promouvoir de nouvelles pratiques, comme les méthodes de développement agiles habituellement utilisées dans les start-up.

2 • Additive Manufacturing 3D ChallengeSiemens est partenaire de l’American Society of Mechanical Engineers (ASME) dans l’organisation du concours international ASME E-Fests à destination des étudiants ingénieurs. Le groupe fournit notamment son logiciel CAD Solid Edge® aux participants du concours sur la fabrication additive.

3 • QuickstarterIl s’agit d’une plateforme de crowdfunding, sur laquelle les employés de Siemens peuvent proposer leurs projets d’innovation. Ensuite, les participants sont dotés d’un montant de 1 000 euros chacun qu’ils peuvent investir dans un projet de leur choix. Un projet qui a reçu assez d’argent est fi nalement réalisé – même si les dirigeants ne sont pas d’accord avec le projet.

Un chercheur de chez Siemens analyse les propriétés magnétiques d’un matériau à la RWTH Aachen Université, un CKI de Siemens.

© S

IEM

ENS

PRES

S PI

CTUR

E

renom. Le groupe a constitué des CKI avec des universités allemandes, mais aussi américaines, comme Georgia Tech, ou chinoises, comme avec l’université de Tsinghua. Ces centres permettent à Siemens d’acquérir de nouvelles compétences et d’orienter les travaux universitaires vers les besoins des marchés. Le CKI avec l’université technique de Munich (TUM) est l’un des plus importants centres du groupe, avec 680 scientifi ques, notamment dans les disciplines numériques. En revanche, la collaboration avec l’université Friedrich-Alexander (FAU) porte sur l’électronique de puissance, et le CKI avec l’université d’Aix-la-Chapelle est fort dans le domaine électrique. De l’autre côté de l’Atlantique, le CKI avec l’université de Berkeley est destiné aux applications du IoT. Les disciplines sont réparties selon les compétences de chaque centre.

❚ DES CENTRES AU CONTACT DES CLIENTSUne fois ces différentes technologies maîtrisées, le développement des travaux de recherche est ensuite confi é au département Corporate Technology de Siemens. Ce département veille aujourd’hui sur trente-cinq centres répartis dans une quinzaine de pays. Ils sont chargés de mettre en place les stratégies d’innovation du groupe. Il peut s’agir d’instaurer des partenariats avec les universités, ou d’accélérer le dépôt de brevets. Il existe des centres technologiques autour de la big data ou des smart grid. « Nous avons une équipe

pour chaque sujet. Dans la data analytics, nous avons par exemple une équipe de 200 personnes. Leur objectif est aussi d’acquérir des technologies venant de l’extérieur, et de les intégrer au groupe », explique Norbert Lütke-Entrup. Leur rôle commercial est également très important pour le groupe, car ces centres sont au contact des différentes business units du groupe, ce qui leur permet de mieux connaître les besoins des clients. Cette proximité leur permet également de développer des offres en fonction des différents besoins identifi és selon les pays. C’est le sens de l’ouverture l’année dernière d’un centre d’innovation numérique en Chine, destiné à identifi er les particularités du marché chinois en matière de nouvelles technologies.Le groupe s’appuie également sur les partenariats industriels pour développer son offre. Ainsi, Siemens s’est récemment associé au groupe français Atos pour ses compétences informatiques. Les deux groupes ont créé un fonds commun d’investissement, qu’ils ont récemment décidé d’augmenter. Siemens s’est également engagé aux côtés de

Bentley pour créer ensemble des offres autour du cloud et, plus largement, de l’industrie numérique. Enfi n, dans sa stratégie de diversifi cation, le groupe s’intéresse également beaucoup à la voiture électrique. Il s’est ainsi associé récemment au français Valeo au sein d’une join-venture baptisée Valeo Siemens eAutomotive.

❚ FAIRE ÉVOLUER LES MÉTHODES POUR TRAVAILLER AVEC LES START-UP L’autre grande stratégie du groupe

en matière d’innovation concerne les start-up. Ce sont elles qui l’aident notamment à acquérir des compétences pointues dans le numérique. Le groupe s’est notamment doté en 2014, au côté de son Siemens Venture Capital, d’un fonds spécialisé dans les start-up. Baptisé Industry of the Future Fund, il est destiné à investir dans des start-up spécialistes de technologies de l’industrie du futur. Il est doté de 100 millions d’euros. Si Siemens est désormais convaincu que les start-up vont être de plus en plus importantes pour soutenir sa capacité à innover, le groupe a toutefois pris conscience qu’il devait en parallèle faire évoluer ses méthodes de travail pour pouvoir travailler avec elles. « Nous savons que lorsque nous voulons travailler avec une start-up, investir à son capital n’est pas suffi sant. Il faut que nous lui donnions des ressources, comme la mettre en relation avec nos clients,

DÉCIDÉ À ACCÉLÉRER SES INVESTISSEMENTS EN R&D, LE GROUPE LES A AUGMENTÉS DE 25 % DEPUIS 2014, POUR ATTEINDRE 5 MILLIARDS D’EUROS CETTE ANNÉE.

© S

IEM

ENS

PRES

S PI

CTUR

E

Aube imprimée en 3D.

ENQUÊTE I INDUSTRIE DU FUTUR

62 l I N NOVAT ION RE V I E W l l I N NOVAT ION RE V I E W l 63

Page 4: ENQUÊTE I INDUSTRIE DU FUTUR SIEMENS · vedette Mindsphere. Le virage s’est également accompagné ... que les prévisions de Siemens Corporate Technology, l’unité des recherche

Lors de la dernière foire d’Hanovre, les visiteurs pouvaient jouer au puzzle sur le stand de Kuka. Plutôt, ils pouvaient se faire faire un puzzle par le roboticien bavarois. Kuka avait installé au centre de son

stand toujours très design un système de production entièrement automatisé de puzzles. Une fois que le visiteur avait pris une photo avec un appareil connecté, il se mettait alors en place un ballet de robots et de machines. L’objectif pour Kuka, produire en moins de 15 minutes le puzzle promis, le tout sans une seule intervention humaine. Contrairement à l’année dernière, où les robots serraient des vis en cadence et servaient des cafés à la demande, le groupe d’Augsbourg a décidé cette année d’ancrer dans les esprits qu’il était désormais un acteur incontournable de l’usine 4.0 allemande. La première étape pour convaincre les clients de ses atouts en matière d’usine

❚ Kuka veut saisir la vague de l’industrie 4.0 allemande. Le roboticien allemand a ainsi profi té de la foire d’Hanovre pour amorcer un grand virage dans sa stratégie. Désormais, ses robots ne sont plus seulement rapides et effi caces, ils sont plus intelligents, plus autonomes et plus connectés à l’usine. Pour amorcer ce virage, l’ETI bavaroise a multiplié les collaborations et développé l’innovation ouverte. Décryptage. TEXTES : FLORENT DETROY. PHOTOS : KUKA.

ENQUÊTE I INDUSTRIE DU FUTUR

4.0 était de produire des robots plus connectés. Le groupe a ainsi mis en avant plusieurs de ses produits. C’est le cas par exemple de Connyun, sa start-up basée à Karlsruhe spécialisée dans la connectivité des machines via une plateforme ouverte et reliée à un cloud, qui était présente sur son stand. Il s’est également associé avec des entreprises très innovantes du numérique. C’est le cas par exemple de Roboception, une spin-off du centre allemand de recherche aérospatiale (DLR), dans laquelle Kuka a investi. Les deux entreprises ont développé ensemble ce qu’elles présentent comme « le premier capteur 3D au monde ». Ce capteur permet par exemple à un robot de ranger seul dans un carton différents objets.Afi n d’accélérer son tournant vers des robots plus autonomes et connectés, le groupe a également profi té de la foire pour annoncer la signature de plusieurs accords de partenariats avec des spécialistes du numérique industriel. Kuka a par exemple signé un accord avec l’éditeur de logiciel pour entreprise SAP, afi n de développer ensemble des applications compatibles avec les solutions de SAP, notamment sa plateforme dédiée à l’IoT Leonardo, et son offre cloud. Kuka utilisera également des éléments de SAP pour enrichir sa propre plateforme dédiée à l’IoT Connyun. Kuka s’est également renforcé en matière d’analyse des données récupérées via ces plateformes. Il a ainsi signé un accord avec le spécialiste américain de l’analyse de données industrielles BEET. Le groupe mise également sur des partenariats universitaires pour développer de nouvelles technologies. Son dernier robot destiné aux tâches délicates baptisé LBR iiwa (« Leichtbauroboter » intelligent industrial work assistant) est ainsi le produit d’un partenariat avec DLR.

❚ KUKA ÉLARGIT L’INNOVATION OUVERTE AU MONDE ENTIER Le groupe a mis en place un concours mondial d’innovation qui lui permet d’attirer à lui les meilleures équipes de roboticiens au monde, et élargir son centre de gravité encore très européen. « Nous organisons depuis 4 ans des appels publics sur notre site avec le Kuka Innovation Award. Nous connaissons assez bien l’Europe, moins le reste du monde. C’est une manière de mieux connaitre les autres universités et d’interagir avec elles. Nous collaborons par exemple avec l’ETH à Zurich » explique Rainer Bischoff. Le premier prix du concours était de 20 000 euros. Il était d’ailleurs possible de découvrir 5 lauréats du concours sur le stand de Kuka à Hanovre. L’équipe du projet Tele-MAGMAS présentait par exemple un drone capable d’intervenir après un accident ou une catastrophe et de déplacer des objets. L’équipe internationale était conduite par le LASS-CNRS (Laboratoire d’Analyse et d’Architecture des Systèmes-CNRS). C’est fi nalement le projet RAS, porté par une équipe de chercheurs du DLR, qui a remporté le premier prix du concours. RAS consistait à développer un système de déploiement d’airbag sur les pinces des robots lorsqu’un danger était détecté.

Kuka se renforce dans

l’industrie 4.0

COMMENT EST ORGANISÉELA R&D AU SEIN DE KUKA ?Kuka ne fait pas d’innovations blue sky, mais des innovations appliquées. Mon équipe de 40 personnes est installée dans le hub de la R&D du groupe, à Augsbourg, près de Munich. Nous sommes connectés aux universités, et nous développons leurs recherches, à la manière de serial developers. Mais l’entreprise est globale, et nous avons également des unités de développement de produits à Shanghai et à Austin.

QUEL EST LE RÔLE DES PARTENARIATS DANS LA RECHERCHE ? Le plus important, c’est d’être connecté aux centres de recherches pour monter des programmes de recherche. La recherche dans la robotique est très développée dans le sud de l’Allemagne et nous avons des partenariats en Bavière, ainsi qu’à Stuttgart, à Karlsruhe ou encore à Fribourg. Selon moi, les petits programmes, autour de 6-7 personnes, sont les plus réussis.

OÙ EN SERA LA ROBOTIQUEDANS CINQ ANS ?Aujourd’hui, la robotique est très « hype ». J’espère que cela va continuer. Nous voulons désormais ajouter de la perception cognitive à nos robots, afi n de leur permettre de voir le monde. Nous aimerions également qu’ils soient capables de planifi er des tâches.

DOCTEUR RAINER BISCHOFF

DIRECTEUR CORPORATE RESEARCH DU GROUPE KUKA

3 questions à…

l I N NOVAT ION RE V I E W l 6564 l I N NOVAT ION RE V I E W l

Page 5: ENQUÊTE I INDUSTRIE DU FUTUR SIEMENS · vedette Mindsphere. Le virage s’est également accompagné ... que les prévisions de Siemens Corporate Technology, l’unité des recherche

❚ LES INDUSTRIELS DIVERSIFIENT LES USAGES DE LA SIMULATION La simulation domine actuellement les innovations autour de l’usine numérique. Les gains sont évidents : elle permet de gagner du temps en testant plus rapidement les nouveaux systèmes ou les nouveaux matériaux. C’est aussi un outil de fl exibilité, en permettant via les jumeaux numériques de repérer plus vite les goulots d’étranglement sur une ligne et d’adapter son outil productif en fonction. Le spécialiste des solutions d’entraînement et

d’automatisation Sew Usocom a ainsi récemment renforcé ses compétences en matière numérique en embauchant ses propres ingénieurs informatiques. L’entreprise allemande, dont l’usine de Brumath, dans le Haut Rhin, a été labélisée « usine du futur » en 2016, est ainsi capable de simuler le fonctionnement d’une usine afi n de donner un aperçu de la valeur ajoutée de ses offres. « Nos fournisseurs nous donnent leurs plans et leurs objectifs, et nous leur proposons de simuler le fonctionnement de leurs usines après y avoir greffé nos solutions » explique Gregory

❚ En s’associant avec les acteurs les plus innovants, en simulation numérique, en cybersécurité ou encore en fabrication additive, les industriels ont acquis des compétences en modélisation, cybersécurité ou encore intelligence artifi cielle. Aujourd’hui, ils développent seuls ou en partenariat des solutions adaptées aux spécifi cités de l’activité industrielle. « Innovation Review » est parti sur la trace de ces innovations développées par et pour les industriels du futur. TEXTES : FLORENT DETROY.

Les industriels développent leurs propres solutions

« Usine du futur »

© S

KFENQUÊTE I INDUSTRIE DU FUTUR

Wencker, ingénieur support clients. Fidèle aux objectifs de l’industrie du futur, les solutions de Sew Usocome permettent également de supprimer les pyramides de contrôle de chaque automate, pour privilégier une communication plus directe jusqu’au composant, et plus ouverte en facilitant la communication entre les différents bus de terrain. Au-delà de la simulation de lignes de production, les industriels utilisent aussi la simulation pour développer des éléments ou des matériaux complexes. C’est le cas dans l’aéronautique, où la simulation des écoulements est une des clefs du secteur, ou dans l’automobile, avec la simulation du fonctionnement des batteries électriques. Le spécialiste des roulements SKF a par exemple commencé à commercialiser des

produits connectés. Puis, il a élargi ses compétences en numérique pour accroître ses compétences. Le groupe a par exemple regroupé ses ingénieurs au sein d’une même équipe, pour se renforcer dans le logiciel. « Nous n’avons pas vocation à devenir des spécialistes du logiciel, mais il faut pouvoir maîtriser ces technologies » explique Christophe Godel, responsable de la Solution Factory chez SKF. Fruit de cette montée en compétence, le groupe s’est récemment attaqué à la simulation de pièces complexes, notamment des pièces en matériaux composites. SKF a ainsi présenté au dernier Salon du Bourget le concept de Black Design, un modèle de conception permettant de remplacer le métal par des matériaux composites. « Il est relativement simple de simuler des

www.cms-automatisme.fr

Au de

l’industrie 4.0

Au deAu deAu deAu deAu deAu deAu deAu deAu deAu deAu deAu de

Conception de Machines SpécialesRobotique & Automatisme

Ligne complète

Machine d’assemblage

Machine de contrôle

Machine de manutention

Machine d’usinage

Machine de soudure

Presse

Indus t r ie du fu tu r

© D

R

RTaWLA SIMULATION HAUTE PERFORMANCELa start-up RTaW, pour «real-time at work», s’est spécialisée dans les logiciels de simulation de systèmes critiques en temps réel. Ces systèmes, utilisés dans l’aéronautique par exemple, ont un temps de réponse contraint. A terme, tout le secteur du transport aura recours à ce type de technologies de simulation, alors que les trains, les voitures ou les réseaux de transports seront de plus en plus connectés et autonomes. RTaW collabore avec l’ONERA, et a également le statut de fournisseur auprès d’Airbus Helicopters de Daimler Mercedes Benz ou encore de PSA.

PERFECT INDUSTRYLE CONSULTANTEN LIGNEPerfect Industry est un consultant en ligne. Le recueil des données des usines permet à la start-up de simuler leur fonctionnement. La start-up formule ensuite une série de pistes d’améliorations aux opérateurs. La start-up se distingue par l’effort fait pour rendre l’information accessible. « Tout le monde sait utiliser Candy Crush, mais peu de gens savent utiliser les logiciels de SAP. Nous transmettons une information que les opérateurs peuvent comprendre » explique David Dapzol, directeur commercial de Perfect Industry. La start-up créée en 2016 est associée avec la start-up spécialiste des serious games Manzalab.

COSMOTECHSIMULER L’AVENIRLa start-up spin-off du CNRS et de l’ENS de Lyon est spécialisée dans les solutions de modélisation et de simulation de systèmes complexes, dans l’industrie, les transports ou la ville. Elle prend notamment en compte les phénomènes émergents pour élaborer des scénarios d’avenir, ainsi que des effets en cascade (effets induits par une décision). La start-up travaille notamment avec RTE et GRT Gaz, dont les réseaux sont vieillissants, ainsi qu’avec SNCF Réseau. Elle a levé 3 M€ en juin dernier.

TROIS START-UPS QUI FONT AVANCER LA SIMULATION

© D

R

© D

R

© D

R l I N NOVAT ION RE V I E W l 6766 l I N NOVAT ION RE V I E W l

Page 6: ENQUÊTE I INDUSTRIE DU FUTUR SIEMENS · vedette Mindsphere. Le virage s’est également accompagné ... que les prévisions de Siemens Corporate Technology, l’unité des recherche

pièces en composites en 2D. Mais dès qu’on simule des pièces complexes en composites, les outils de calcul ne fonctionnent pas, et on produit ce que nous appelons du “black metal”. Nous avons donc travaillé sur des calculs différents pour mieux gérer ces matériaux. Nous avons ainsi produit un concept que nous avons appelé Black Design en référence au black métal » explique Yves Maheo, chercheur au centre de recherche de SKF à Valence, membre de SKF Aerospace et concepteur du Black Design. Ce concept pourrait permettre aux producteurs d’atteindre des gains de masse de 50%, notamment pour des pièces en titane. Mais pour arriver à produire un modèle fini, SKF manque encore de compétences numériques. Le groupe collabore ainsi avec des acteurs du numérique capables de lui apporter la puissance de calcul et une meilleure gestion des données.La simulation prend également de l’importance dans le domaine de la formation. Les serious games, reproduisant des environnements en 3D pour aider les opérateurs à se former, sont de plus en plus nombreux. Leur qualité dépend notamment de la fidélité à la réalité de ces environnement virtuels. Le CEA List a ainsi mis au point des solutions de réalité virtuelle où les opérateurs peuvent être en complète immersion dans leur poste. La valeur ajoutée de sa solution est l’extrême précision de la simulation de l’environnement. « Les glissements, les frottements sont pris en compte, ainsi que la souplesse ou l’aspect liquide d’un objet explique Benoit Marchand, du CEA List. Nous développons également des outils de simulation multiphysique, pour lesquels nous développons notamment des interfaces haptiques, qui permettent de sentir dans la main ce que l’on touche virtuellement ». Le List, laboratoire de CEA Tech, a également développé en coopération avec l’entreprise Extende, un logiciel de simulation du contrôle CND. L’outil, baptisé CIVA, simule toutes les techniques de CND, comme les ultrasons, le courant de Foucault ou encore la radiographie.

❚ LA ROBOTIQUE ET L’INTELLIGENCE ARTIFICIELLE S’UNISSENTLa robotique devient de plus en plus présente dans le concept d’industrie du futur, alors que ses usages se diversifient. Plusieurs programmes de recherche menés

actuellement en France travaillent à la mise au point de robots à câbles. Ces programmes consistent à installer des robots le long de câbles fixés dans les usines, afin d’élargir leurs champs d’intervention. La filiale française de l’entreprise espagnole Tecnalia a ainsi mis au point au sein du projet CoGiRo, mené avec 3 laboratoires français, un robot à câbles répartis sur 15 mètres de longueur, 11 mètres de largeur, et 6 mètres de hauteur. Ce robot peut soulever des charges de 500 kilos. Utilisé pour des tâches

de palettisation, ce robot a ensuite été perfectionné par l’entreprise basée à San Sebastian pour imprimer en 3D des pièces de grande dimension. L’entreprise a ainsi présenté en début d’année un robot à câbles pour le bâtiment, capable d’imprimer des pièces de grande dimension. D’autres applications sont possibles, notamment pour le transport de pièces de grandes dimensions dans l’industrie aéronautique ou nucléaire. L’autre grande évolution à venir en

matière de robotique est l’acquisition par les robots de davantage de flexibilité et d’autonomie, afin notamment de permettre aux usines de produire des séries plus rapidement et plus personnalisées. Cette ambition passe d’abord par un travail sur la mécanique des robots. L’équipe de chercheurs Robioss dirigée par Jean-Pierre Gazeau, Ingénieur de Recherche CNRS à l’Institut PPrime, au sein de l’Equipex Robotex, a ainsi développé des préhenseurs universels afin de créer une main robotique agile, dotée de 16 actionneurs capables de se synchroniser ensemble. Parmi ses faits de gloire, cette main a réussi à visser une ampoule. La robotique du futur passe aussi par un rapprochement des robots avec les opérateurs, avec notamment le développement des cobots. Mais cette nouvelle tendance demande de travailler sur le lien entre l’opérateur et le cobot. « Il faut

prendre en compte le confort psycho-cognitif de l’opérateur » souligne Jean-Pierre Gazeau. Cela passe par rendre les robots plus intelligents, en utilisant notamment des briques d’intelligence artificielle.

❚ LA CYBERSÉCURITÉ RATTRAPESON RETARDAprès les attaques très médiatiques qui

ont touché plusieurs grands industriels comme Renault ou Saint Gobain, la nécessité de renforcer la sécurité des systèmes informatiques est devenue urgente. Les grands industriels ont ainsi commencé à développer des solutions, souvent en collaboration avec des spécialistes. Ainsi le groupe Axians Infrastructure, filiale de Vinci Energie, s’est associé à Sentryo pour développer des offres de sécurisation des infrastructures numériques. Sentryo est le seul éditeur de logiciel référencé par l’Ansys. Les deux partenaires ont développé ensemble une sonde qu’ils installent au cœur des machines des industriels. Cette sonde va permettre de réaliser un audit sur les machines, ou sur les flottes d’AGV par exemple, en analysant leur comportement, leur géolocalisation, leur communication…Cette solution permet de fournir un diagnostic de l’outil industriel, et de son degré d’automatisation. Surtout, cette solution destinée à rester implantée permet de distinguer les anomalies d’un système, comme les virus, les attaques, les défauts de paramétrages. « Les attaques font dévier de 0,0001% les réglages. Cela peut être un drame dans une usine de production de médicament par exemple » rappelle Benjamin Wilhelm, responsable affaires chez Axians. L’offre a été intégrée à l’offre de Cisco.L’innovation vient également des acteurs de la recherche publique. L’INRIA Nancy s’est spécialisée sur la thématique de la cybersécurité, en particulier sur le transfert de données. Ces compétences ont permis de faire émerger des acteurs innovants sur le sujet. La start-up Lybero.net a par exemple développé avec l’INRIA Nancy une solution de sécurisation des données à destination des organisations, notamment des entreprises. Si le chiffrement numérique est une solution connue depuis longtemps, son déploiement à l’ensemble d’une entreprise représente un défi. Lybero a créé un « coffre-fort en ligne », baptisé LEMS, destiné à protéger les informations sensibles d’une entreprise entière. Les autorisations de récupération des données sont également réparties entre plusieurs personnes, afin de renforcer la sécurité du système.

Main Robios

ENQUÊTE I INDUSTRIE DU FUTUR

Projet d’impression de pièces pour le bâtiment porté par Tecnalia.

© T

ECNA

LIA

l I N NOVAT ION RE V I E W l 6968 l I N NOVAT ION RE V I E W l

Page 7: ENQUÊTE I INDUSTRIE DU FUTUR SIEMENS · vedette Mindsphere. Le virage s’est également accompagné ... que les prévisions de Siemens Corporate Technology, l’unité des recherche

Pour la première fois depuis le lancement du programme des investissements d’avenir (PIA), l’industrie du futur sera traitée comme un thème à part entière dans le troisième volet du PIA.450 millions d’euros lui seront consacrés, sur les 10 milliards du programme. Jean-Luc Moullet revient sur les priorités du programme en matière d’industrie du futur.

QUELS TYPES DE PROJETS « INDUSTRIEDU FUTUR » LE PIA 3 VA SOUTENIR ?Nous allons lancer 3 types de projets. Nous continuerons d’abord les investissements dans l’offre de technologie, à travers le soutien à des projets de recherche. Nous ciblerons notamment la modélisation, les capteurs ou encore l’impression 3D. Nous soutiendrons aussi le développement des plateformes technologiques. Enfi n il y aura des aides pour créer des modules de formation, du CFA à l’université. Mais les initiatives devront venir des industriels.

QUELS CRITÈRES RETIENDREZ-VOUSPOUR SÉLECTIONNER CES PROJETS ?Nous n’avons pas de critères propres à l’industrie du futur. Nous évaluerons surtout les projets sur leur capacité à aller vers un marché, leur business plan et leur ambition technologique. Mais nous sommes assez peu directifs sur le secteur. Nous ciblerons par contre les projets collaboratifs, car un euro investi dans un projet collaboratif génère plus d’effet de levier. Ce n’était pas le cas du PIA 2.

COMMENT LE PIA 3 VA AMÉLIORER L’ACCÈSAU MARCHÉ DES INNOVATIONS DÉVELOPPÉES DANS LES IRT ?Nous savons effectivement qu’il y a des projets de recherche qui sont intéressants dans les IRT ou les ITE, et nous voulons encourager les entreprises à aller chercher ces projets. Nous allons ainsi lancer un appel à projets doté de 200 millions d’euros pris sur l’action Ecosystème d’Innovation, pour encourager la maturation technologique entre les entreprises et les IRT de ces projets orphelins. Cette action permettra d’encourager les industriels à aller farfouiller dans les IRT.

JEAN-LUC MOULLET,

DIRECTEUR DE PROGRAMME COMPÉTITIVITÉ, FILIÈRES INDUSTRIELLES ET TRANSPORTS DU COMMISSARIAT GÉNÉRAL À L’INVESTISSEMENT

ENQUÊTE I INDUSTRIE DU FUTUR©

DR

© IR

T JU

LES

VERN

E

L’IRT Jules Verne est dédié à la recherche autour du manufacturing. Il est spécialisé plus particulièrement sur les procédés et les systèmes de production.

QUELLES SONT LES PRINCIPALES TECHNOLOGIES SUR LESQUELLES L’IRTS’EST SPÉCIALISÉ ?D’abord nous travaillons sur les matériaux composites, notamment les composites thermoplastiques qui sont plus faciles à usiner. Nous travaillons également sur la robotique, cobotique et usine 4.0. Nous développons par exemple une technologie de robotique à câbles, qui permet de déplacer des charges importantes de grande dimension dans de grands volumes.

QUELS SONT LES PROJETS QUI PEUVENT ÊTRE CONSIDÉRÉSCOMME DES SUCCÈS ?Un bon exemple concerne le développement d’un cobot intelligent avec la PME BA Systèmes pour le secteur aéronautique, afi n de simplifi er les opérations d’assemblage. Il se déplace dans les avions afi n de positionner les pièces, en interaction avec la maquette numérique. C’est une des solutions du secteur pour augmenter ses cadences.

EST-CE QUE TOUS LES PROJETS DE L’IRT ATTEIGNENT LE STADE DE L’INDUSTRIALISATION ?Non, notamment parce que les partenaires des projets ne veulent pas ou ne sont pas capables de porter la technologie. Notre travail actuellement est d’accompagner le processus d’industrialisation de certains projets. Nous avons imaginé monter une joint-venture pour faciliter l’intégration d’une technologie, ou même de créer une start-up.

3 questions à…STÉPHANE CASSEREAU,

DIRECTEUR GÉNÉRALDE L’IRT JULES VERNE

70 l I N NOVAT ION RE V I E W l70 l I N NOVAT ION RE V I E W l

Page 8: ENQUÊTE I INDUSTRIE DU FUTUR SIEMENS · vedette Mindsphere. Le virage s’est également accompagné ... que les prévisions de Siemens Corporate Technology, l’unité des recherche

❚ IBM : L’INTELLIGENCE ARTIFICIELLE APPLIQUÉEÀ LA DONNÉELe géant informatique s’est lancé dans l’industrie avec la conscience déjà claire de sa valeur ajoutée. Pour l’entreprise, l’industrie du futur sera tout entière centrée sur la donnée. Or IBM est depuis longtemps un expert dans la valorisation de la donnée. Le groupe a ainsi déployé de nouvelles solutions afi n d’abord de mieux récupérer cette donnée, à partir des systèmes d’informations des usines, de l’IoT industriel, ou encore des réseaux sociaux. Le groupe a surtout misé sur ses capacités de traitement de la donnée, en mettant l’accent notamment sur l’importance de l’intelligence artifi cielle dans

ses solutions. Son programme Watson permet au groupe notamment de proposer les solutions les plus avancées en termes d’IA. Encore faut-il qu’elles soient bien adaptées aux secteurs de l’industrie. Afi n de coller aux attentes des industriels, IBM associe au maximum les industriels dans sa création de nouveaux produits et services. « Nous essayons de signer des partenariats avec nos clients, pour co-innover et co-développer » rappelle Serge Bonnaud, responsable Technique Secteur Industriel chez IBM Europe. Cette stratégie amène IBM à développer des solutions sur mesure pour ses clients. « Nous ne cherchons pas le meilleur data scientist pour réaliser un algorithme

❚ L’Usine du futur sera numérique. C’est à partir de ce constat que les géants de l’informatique se sont lancés sur le secteur, en proposant de nouvelles capacités de calculs, des connexions sécurisées ou encore des plateformes d’échanges adaptées à l’industrie. Mais les spécifi cités du secteur industriel demandent à ces acteurs de savoir adapter leurs offres. TEXTES : FLORENT DETROY.

ENQUÊTE I INDUSTRIE DU FUTUR

extraordinaire, nous cherchons la meilleure réunion de plusieurs technologies, big data, intelligence artifi cielle, IoT... Une grande partie de ce que je vends n’est pas sur le catalogue. Nos produits sont locaux et personnalisés ». Le groupe a par exemple utilisé l’intelligence artifi cielle de Watson pour développer une solution cognitive permettant d’assister l’opérateur pour le diagnostic et la réparation d’équipements, à l’image des tableaux interactifs qui reconnaissent les voix, baptisé Ricoh. Le tableau peut ainsi prendre des commandes ou conserver le contenu d’une conversation à distance. Il peut même assurer la traduction de certaines conversations. IBM présente son tableau intelligent comme un nouveau participant aux réunions. Cette stratégie ne marche qu’une fois que les rôles sont clairement défi nis, lorsque les efforts faits par les industriels pour créer leur propre solution digitale ne rentrent pas en concurrence avec les spécialistes du numérique. « Nous n’allons pas développer par exemple des logiciels automobiles. C’était, par exemple, une des craintes de notre

client automobile russe. Watson pourrait être vu comme une sorte de marque blanche » explique Serge Bonnaud. A l’avenir, le groupe IBM va continuer de miser sur la qualité de ses technologies pour convaincre les industriels. Le groupe propose déjà sur sa plateforme cloud Bluemix un service de calcul basé sur un ordinateur quantique. Mais cette nouvelle piste de développement se fera très probablement avec des partenaires industriels, pour ne pas perdre de vue les spécifi cités du secteur.

❚ CISCO : LA TENTATION DU TRAITEMENT DE LA DONNÉELe secteur de l’industrie du futur tient une place de plus en plus grande dans l’activité du spécialiste des réseaux informatiques. Mais ce secteur demande de développer des solutions adaptées aux caractéristiques du secteur. La première des diffi cultés dans une industrie de plus en plus connectée selon Cisco est de gérer des données souvent hétérogènes. Les outils numériques qui connectent actuellement les usines utilisent des protocoles de communication différents. C’est le cas dans l’IoT par exemple, avec Sigfox ou Lora, mais aussi avec les différents bus de terrain. La première tâche de Cisco est donc d’harmoniser ces données. « Tous les objets ne parlent pas IP, il faut créer des gateway [passerelles entre deux réseaux distincts qui font communiquer les données] » explique Pierre Guillemaud, spécialiste de l’industrie chez Cisco. Cisco a ainsi créé des solutions capables de gérer ensemble ces différents protocoles, comme le routage multi-protocole. Le groupe adapte également ses solutions aux environnements industriels, notamment en termes de sureté. Cisco a développé par exemple des routeurs durcis, capables de supporter des pressions ou des températures particulières, ou de fonctionner dans des environnementaux risqués comme dans l’industrie de la chimie. Cisco a également développé des solutions adaptées aux exigences des industriels, comme des solutions d’edge computing. « Depuis trois ans, nos routeurs sont capables d’héberger des applications » explique par exemple Éric Greffi er, directeur général de Cisco France. Cisco a également développé des solutions de « reconvergence

IBM CRÉE UN OPÉRATEUR VIRTUELIBM a développé un avatar numérique pour la seule fi rme Woodside, le plus grand exploitant pétrole et gaz d’Australie, avec l’aide de son outil Watson. « Nous avons analysé près de 40 000 documents scientifi ques de l’entreprise, pour comprendre l’intimité de chacun de leur brevet. Les employés de Woodside peuvent ainsi poser des questions à leur avatar numérique, comme « Quelle est la taille maximum d’un hélicoptère qui peut se poser en mer du nord ? », et l’avatar peut y répondre ». Cette solution permet de réduire selon l’entreprise de 75% le temps de recherche de l’information. Cette solution a notamment été développée pour les employés sur les plateformes pétrolière et gazière, où le temps est une durée rare.

Les géants du numérique mettent les mains dans le cambouis

© Z

APP2

PHOT

O -

STOC

K.AD

OBE.

COM

… l I N NOVAT ION RE V I E W l 7 372 l I N NOVAT ION RE V I E W l

Page 9: ENQUÊTE I INDUSTRIE DU FUTUR SIEMENS · vedette Mindsphere. Le virage s’est également accompagné ... que les prévisions de Siemens Corporate Technology, l’unité des recherche

rapide », qui permettent de réparer en quelques millisecondes une panne de réseau. « Le réseau s’autocicatrise » résume Pierre Guillemaud. Le groupe a également travaillé avec des partenaires industriels pour créer des architectures informatiques globales pour les usines, afi n d’assurer le traitement de l’information de bout en bout. « Nous assurons un réseau sans couture, du capteur jusqu’à la plateforme » explique Pierre Guillemaud.Afi n de proposer des solutions plus intégrées, Cisco est de plus en plus tenté de s’aventurer dans la big data. Le groupe travaille déjà pour rendre ses solutions compatibles avec les outils des spécialistes du secteur, comme Microsoft et sa plateforme Azur, PTC et ThingWorx, ou GE et Predix. Cisco collabore également avec IBM pour intégrer les compétences de Watson en intelligence artifi cielle. Mais le groupe est tenté de prendre en charge de plus en plus le traitement des données, notamment à travers sa propre plateforme baptisée simplement Control Center. Pour renforcer son offre dans l’analytics, le groupe s’est notamment emparé en quelques mois de la start-up spécialiste de l’IoT industriel Jasper, de la start-up allemande Parstream, spécialiste du traitement temps réel de la donnée, et enfi n de Saggezza, spécialiste de l’analytics et de la visualisation des données. Le groupe a également lancé un programme d’accélération qui lui permet de suivre quelques pépites du secteur. Pour la deuxième année de son programme en France, le groupe a accueilli la start-up française TellMePlus, spécialiste du traitement de la donnée par l’intelligence artifi cielle, et Sentryo, spécialiste de la cybersécurité pour l’industrie.

❚ ATOS : LA DONNÉE TRAITÉE PAR SUPERCALCULATEUR Le leader français des services numériques s’investit de plus en plus dans le développement d’offres à destination de

l’industrie du futur. Atos est d’ailleurs un partenaire historique du groupe Siemens, avec lequel il a développé la plateforme Mindsphere, sa plateforme web dédiée à l’industrie 4.0. Atos apporte notamment sa capacité à traiter le « déluge » de données auquel doivent faire face les industriels qui adoptent des solutions numériques. En 2016, l’entreprise a ainsi dévoilé Data lake & analytics factory, un service de big data à destination des industriels. Ces acteurs peuvent ainsi déverser leurs données sur cette plateforme dotée d’outils pré-intégrés et automatisés. Ce type de solution est par exemple effi cace pour répondre aux enjeux de cybersécurité que pose la numérisation des usines. « La cybersécurité se base sur des modèles de menaces, que les applications savent identifi er à travers les données massives. Mais les dernières attaques comme Wannacry n’avaient pas de modèle connu. Avec la big data, il est possible de repérer les signaux faibles, des traces réseaux ou des logs de fi rexall… » explique Arnaud Bertrand, senior vice-président, responsable Big Data & HPC chez Atos. Pour aider à traiter le déluge de données, Atos peut s’appuyer notamment sur son expérience acquise dans le domaine des supercalculateurs. Atos a construit et commercialisé depuis 2016 le premier super calculateur exascale (un milliard de milliard d’opérations par seconde, ou petafl op), baptisé Sequana. Mais aujourd’hui Atos veut rendre ces supercalculateurs également plus intelligents, en intégrant notamment davantage de technologies de deep learning dans ses solutions de calcul. « L’association des supercalculateurs et de l’intelligence artifi cielle va trouver des applications dans la voiture autonome, ainsi que dans la robotique » pronostique

Arnaud Bertrand. Et bientôt l’ordinateur quantique permettra de démultiplier encore la puissance de calcul mise à la disposition des industriels. Le groupe a ainsi dévoilé son premier simulateur quantique lors de ses Technology Days qui se tenaient début juillet. Atos développe également des solutions pour améliorer la fi abilité et la sécurité de ses solutions. Cela passe notamment par rendre le système informatique des usines plus fi ables. « Dans l’impression 3D par exemple, il n’est pas forcément souhaitable que le réseau des imprimantes puisse être connecté à l’extérieur. Il serait très dangereux que quelqu’un puisse modifi er un fi chier 3D, pour des applications médicales par exemple » explique Arnaud Bertrand. Atos développe ainsi des solutions de edge computing, qui consistent à intégrer des capacités de calcul en « bordure réseau IoT » (dans les passerelles ou les serveurs), avant donc que la donnée remonte dans le cloud pour être traitée. « Nous essayons de créer de petits algorithmes embarqués dans des camera, pour créer des réseaux d’entrainement au niveau des usines. L’information n’est plus obligée de remonter dans un cloud central, ce qui permet de sécuriser les opérations » explique Arnaud Bertrand.

❚ MICROSOFT : L’IOT COMPATIBLE OPCUAMicrosoft a adopté une attitude plus frontale avec les industriels spécialistes de l’industrie du futur, en proposant des offres concurrentes sur le cœur de l’usine de demain, la plateforme. Avec Azure, le groupe de Seattle pourrait

concurrencer les solutions proches de Siemens, avec Mindshere, ou GE, avec Predix. Pour ce faire, le groupe a rendu ces plateformes open source. Surtout, il les a rendues compatibles avec le protocole de communication M2M OPCUA, créé pour l’industrie. Mais comme IBM, Microsoft fait attention à coller aux spécifi cités des géants industriels. « La première demande que ces groupes nous font, c’est d’avoir des solutions faciles d’utilisation. C’est pourquoi nous livrons des plateformes prédéveloppées » expliquait le groupe sur son stand lors de la dernière Foire d’Hanovre. Le groupe a effectivement enrichi les fonctions de sa plateforme cette année, en développant Azure IoT destinée à gérer des objets connectés selon des scénarios défi nis. Le groupe a également dévoilé Connected Factory, une solution de connexion de machines préconfi gurées, et également compatible avec le standard OPCUA. Microsoft est également rentré sur le marché du edge computing à destination de l’IoT industriel, avec Azure IoT Edge. Avec cette solution, les opérateurs peuvent intégrer des solutions de machine learning, de big data voire même d’intelligence artifi cielle au plus près des capteurs. A partir de cette plateforme, Microsoft a noué des partenariats pour adapter sa solution aux attentes des industriels. Ainsi le groupe a développé une application de edge computing spécifi quement pour le groupe Rockwell, baptisée FactoryTalk Team One. Cette application pour smartphone et tablette permet de passer outre les problèmes de connectivité au cloud en se connectant directement aux machines, et en mettant en réseau les opérateurs d’une même usine. « La technologie synchronise les utilisateurs dans les zones où il n’y a pas de connectivité » résume Kyle Reissner, responsable de la plate-forme de mobilité, Integrated Architecture, chez Rockwell Automation.Microsoft ne mise toutefois pas sur la seule donnée pour concevoir l’usine du futur. Le groupe réfl échit également aux nouvelles interactions qui peuvent se développer grâce aux outils numériques, notamment grâce à son casque de réa-lité virtuelle Hololens. Lors de la Foire d’Hanovre, le géant de Seattle a multiplié les démonstrations grandeur nature. Ainsi sur le stand de Tetrapak, la démonstration de l’utilisation du casque Hololens était très éclairante. Un opérateur doté d’un casque était chargé de réparer une panne sur une machine. Il était guidé à distance par un conseiller technique, dont il voyait l’image en direct sur son casque. L’opérateur envoyait les photos de la pièce défectueuse à l’expert afi n qu’il puisse réaliser un diagnostic en direct. L’expert a pu consulter en parallèle le fi chier de la pièce en 3D, pour la montrer à l’opé-rateur et l’accompagner dans la réparation.

L’IA RENTRE DANS LES SOLUTIONS DE CISCOEn 2017, Cisco a posé un pied dans le vaste domaine de l’intelligence artifi cielle. Le groupe a racheté MindMeld pour 125 millions d’euros, une start-up spécialisée dans la reconnaissance du langage via l’intelligence artifi cielle. « L’objectif, c’est de réaliser notre Siri à nous » décrypte Eric Greffi er. Cette technologie s’intégrera à l’offre de communications collaboratives que le groupe a lancée il y a peu de temps. Baptisée Cisco Spark, cette offre permet d’échanger des textes, des images ou des vidéos, voire de créer des salles de réunion virtuelles, à partir de postes de travail et de terminaux nomades. Cette solution s’adresse aux équipes engagées dans des processus collaboratifs et fl exibles. A plus long terme, l’intelligence artifi cielle devrait permettre au groupe de développer des interfaces homme-machine.

ENQUÊTE I INDUSTRIE DU FUTUR

SOLUTION D’INSPECTIONPAR CAMERA DE DÉFAUTSDE FABRICATION POUR L’INDUSTRIE, INTÉGRÉE À LA PLATEFORME WATSON IOT.

l I N NOVAT ION RE V I E W l 7574 l I N NOVAT ION RE V I E W l

© IB

M