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N N U U M M E E R R O O 2005/05 ENTRE FUSIONS & ACQUISITIONS ET ALLIANCES STRATEGIQUES : RENAULT-NISSAN ET AIR FRANCE-KLM COMME FORMES ORGANISATIONNELLES HYBRIDES D’AVANT-GARDE Philippe MONIN Professeur Unité Pédagogique et de Recherche Stratégie et Organisation EMLYON Audrey ROUZIES Assistante de Pédagogie et de Recherche Unité Pédagogique et de Recherche Stratégie et Organisation EMLYON Février 2005

Entre Fusions Et Acquisitions Et Alliances Stratégiques 2005-05

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Littérature sur les alliances

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Page 1: Entre Fusions Et Acquisitions Et Alliances Stratégiques 2005-05

NN UU MM EE RR OO

2005/05 ENTRE FUSIONS & ACQUISITIONS ET ALLIANCES STRATEGIQUES : RENAULT-NISSAN ET AIR FRANCE-KLM COMME FORMES ORGANISATIONNELLES HYBRIDES D’AVANT-GARDE Philippe MONIN Professeur Unité Pédagogique et de Recherche Stratégie et Organisation EMLYON Audrey ROUZIES Assistante de Pédagogie et de Recherche Unité Pédagogique et de Recherche Stratégie et Organisation EMLYON Février 2005

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Résumé Dans cet article, nous théorisons l’existence d’une nouvelle forme organisationnelle, provisoirement

intitulée hybride entre les fusions et acquisitions, et les alliances stratégiques. A partir de l’étude

approfondie de deux cas spectaculaires de rapprochements entre firmes multinationales : Renault et

Nissan d’une part, Air France et KLM d’autre part, nous suggérons que les hybrides organisationnels

présentent des traits structurels, des processus stratégiques, et des problématiques culturelles

singulières, différant de ceux habituellement rencontrés dans les fusions et acquisitions et dans les

alliances stratégiques. Les caractéristiques structurelles incluent la structure formelle, les mécanismes

de prise de décision et les mécanismes de résolution interne des conflits. Les processus stratégiques

incluent la conception du temps stratégique, la conception de l’intégration, la conception des

synergies, et la relation à la complexité organisationnelle. Enfin, les problématiques culturelles

incluent la nature des obstacles à l’intégration et les réponses au management d’identités

organisationnelles multiples.

Pour développer cette théorie, nous nous appuyons de manière inductive sur une connaissance

approfondie de deux hybrides : Air France-KLM et Renault-Nissan. Les contributions de cet article

sont multiples. D’une part, la théorie développée permet de dresser un pont entre deux littératures qui

s’ignorent largement, respectivement liées aux fusions et acquisitions, et aux alliances stratégiques.

D’autre part, cet article offre aux dirigeants deux exemples singuliers de pratiques qui combinent les

avantages respectifs des fusions et acquisitions, et des alliances stratégiques, tout en échappant à

leurs vicissitudes intrinsèques. Surtout, cet article est programmatique. Trois propositions se

dégagent, qui déterminent les conditions de la stabilité de la forme organisationnelle hybride ; les

conditions de la croissance du taux de natalité de la forme organisationnelle hybride ; et les conditions

de la concurrence entre la forme organisationnelle hybride et les formes organisationnelles

alternatives : fusions et acquisitions et alliances stratégiques.

Mots clés : Hybride organisationnel ; Fusions et Acquisitions ; Alliances Stratégique ; Air France-

KLM ; Renault-Nissan.

Abstract In this article, we theorise about the existence of a new organizational form, provisionally entitled

hybrid between mergers and acquisitions, and strategic alliances. From the in-depth study of two

spectacular cases of combinations between multinational firms: Renault and Nissan on one hand, Air

France and KLM on the other, we suggest that organisational hybrids present structural

characteristics, strategic processes, and remarkable cultural features, differing from those usually met

in mergers and acquisitions and in strategic alliances. Structural characteristics include the formal

structure, the decision-making mechanisms and the conflict-resolution mechanisms. Strategic

processes include the notion of strategic time, the notion of integration, the notion of synergies, and

the relation to organizational complexity. Finally, cultural issues include the nature of the obstacles to

integration and the management responses to multiple organizational identities.

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To develop this theory, we take support in an inductive manner from a in-depth understanding of two

hybrids: Air France-KLM and Renault-Nissan. The contributions of this article are numerous. On one

hand, the theory developed allows us to build a bridge between two literatures which are largely

unaware of each other’s views, respectively linked to mergers and acquisitions and to strategic

alliances. On the other hand, this article offers managers two remarkable examples of practices that

combine the respective advantages of mergers and acquisitions, and of strategic alliances, while at

the same time escaping their intrinsic vicissitudes. Most importantly, this article is programmatic. We

offer three propositions, which determine the conditions for the hybrid form’s stability; the conditions

for the hybrid form’s growth rate; and the conditions of competition between the hybrid form and its

two rivals: strategic alliances and Mergers and acquisitions.

Key words: Organizational Hybrids; Mergers and Acquisitions; Strategic Alliances; Air France-KLM;

Renault-Nissan.

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INTRODUCTION

Les rapprochements entre organisations, qu’il s’agisse de fusions et acquisitions (F&A) ou d’alliances

stratégiques (AS), constituent des alternatives pour développer des avantages concurrentiels,

notamment grâce aux synergies et au pouvoir de marché (Larsson et Finkelstein, 1999). Les F&A sont

très médiatisées mais ont mauvaise presse, tant auprès de certaines parties prenantes internes

(employés, syndicats, etc.) qu’auprès de parties prenantes externes (opinion publique qui anticipe des

licenciements, etc.). Les alliances semblent faire moins peur, mais présentent également certains

défauts : avenir des salariés au terme de l’alliance ; alliance comme anticipation d’un désengagement

des partenaires, etc. Par ailleurs, les dirigeants déplorent…, les consultants admettent…, et les

chercheurs analysent… les taux d’échec élevés de ces formes organisationnelle (Cartwright et

Copper, 1995 ; De Rond, 2003 ; Marks et Mirvis, 1986 ; Olie, 1990).

Les F&A et les AS sont très répandues, notamment dans les industries matures et concurrentielles

comme la construction automobile ou le transport aérien. Dans ces industries, deux opérations

inhabituelles, voire spectaculaires1, à mi-chemin entre F&A et AS : Renault-Nissan et Air France-KLM,

ont reçu une attention considérable des acteurs économiques, pour diverses raisons : leur réussite –

jusqu’ici -, et la forme et l’esprit des rapprochements. Dans cet article, nous suggérons que ces

opérations d’avant-garde préfigurent le développement d’une nouvelle forme organisationnelle,

intitulée provisoirement Hybride (H) entre F&A et AS traditionnelles. Ces rapprochements bénéficient

des avantages des F&A et AS, tout en échappant en grande partie à leurs vicissitudes. Cette

recherche inductive, fondée sur la connaissance approfondie des (deux) opérations par les (deux)

auteurs, précise les caractéristiques de l’hybride comme nouvelle forme exigeante de coopération, à

mi-chemin entre F&A et AS.

Le manuscrit est construit en quatre parties. Dans la première partie, nous comparons les trois formes

organisationnelles Fusions et Acquisitions (F&A), Alliances Stratégiques (AS), et Hybrides (H), selon

leurs traits structurels. Dans la seconde partie, nous comparons ces trois formes organisationnelles

selon leurs processus stratégiques. Enfin, dans la troisième partie, nous comparons ces trois formes

organisationnelles selon leurs problématiques culturelles. Dans la dernière partie, nous formulons trois

propositions programmatiques. Elles déterminent les conditions de stabilité de la forme

organisationnelle hybride, les conditions de croissance du taux de natalité de la forme

organisationnelle hybride, et les conditions de concurrence entre la forme organisationnelle hybride et

les formes organisationnelles alternatives : fusions et acquisitions et alliances stratégiques. In fine, cet

article contribue à fonder une théorie des frontières et des formes organisationnelles en management

stratégique.

1 Spectaculaires car très innovantes dans leurs industries respectives : l’automobile et le transport aérien. Dans le monde industriel en général, et dans l’automobile en particulier, il n’existe aucun précédent à l’acquisition par un groupe étranger d’un groupe japonais, a fortiori de la taille de Nissan. Quant au transport aérien, il est régi par des accords de code-sharing sans participations au capital, sauf exceptions qui finissent … mal pour la plupart: chacun a en tête la saga de Swissair et de son groupe européen (Sabena ; etc). Exemple moins connu mais tout aussi significatif, l’évolution récente de SAS. Scandinavian Airlines Systems (SAS), localisé à Stockholm, fut fondée en 1946 comme consortium entre trois compagnies nationales scandinaves : SAS Danmark A/S, SAS Norge ASA et SAS Sverige AB. Les compagnies danoises et norvégiennes détenaient chacune 2/7 des parts et la compagnie suédoise 3/7. Le 8 mars 2004, le Président Jørgen Lindegaard a propose de diviser SAS en 4 compagnies de tailles réduites, afin de renouer avec les profits et réduire les coûts bureaucratiques : trois compagnies nationales et une compagnie internationale.

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Etant donnée la nature inductive de la recherche, nous illustrons chaque développement théorique

d’extraits d’entretiens, de références documentaires primaires (internes) ou secondaires (externes),

et/ou de références aux travaux académiques publiés sur ces cas emblématiques. L’encadré 1 :

Familiarité avec les cas et sources de données utilisée, décrit les relations privilégiées entre les

auteurs et les objets de recherche : Renault-Nissan et Air France-KLM, et les sources de données

mobilisées dans ce manuscrit.

Encadré 1 : Familiarité avec les cas et sources de données utilisées

L’un des auteurs anime des séminaires de formation en Stratégie auprès de jeunes managers dans le cadre de la

formation RM1 [Direction Corporate des Ressources Humaines], et encadre des projets internes depuis 1998 chez

Renault-Nissan. Il a animé 13 séminaires de 3 jours depuis septembre 1998 et suivi les projets 83 (alliance General

Motors Europe et Renault Véhicules Utilitaires) et 90 (Véhicule à 5000 Euros).

Les auteurs bénéficient, depuis la signature officielle de l’accord Air France-KLM en 2003, d’un contrat de recherche

quadripartite signé entre Air France, KLM, une université hollandaise et leur institution d’appartenance, pour étudier

en temps réel le rapprochement Air France-KLM. A ce jour, ils ont conduit de nombreux entretiens auprès de toutes

les catégories de personnels. Dans ce manuscrit, ces entretiens ne sont pas considérés. Seules les données

secondaires publiques sont évoquées

Outres les articles de presse publiés entre 1999 à 2004 (Le Monde, Les Echos, La Tribune, etc.), cette recherche

s’appuie également sur des données internes et externes, notamment :

• La thèse d’Olivier Masclef (2004), des études de cas publiées et chapitres d’ouvrages (Gomez, Korine et

Masclef 2001 ; Blanchot et Kalika, 2002 ; etc.) pour Renault-Nissan.

• L’ouvrage référent :‘Air France, des années héroïques à la refondation’, par Autier et al., 2001.

• La Charte d’Alliance de Renault-Nissan, les verbatim de discours internes des dirigeants et les comptes-

rendus de deux Conventions d’Alliance ayant eu lieu à Paris et Tokyo en 1999 et 2001, et divers documents

destinés aux actionnaires.

• Les comptes rendus des Assemblées Générales ordinaires et extraordinaire et des discours des Présidents

Spinetta et Van Wijk

• Des documents syndicaux (SUD aérien et FO aérien).

• Les rapports du Sénat sur le rapprochement entre Air France et KLM, etc.

1. TRAITS STRUCTURELS DES HYBRIDES

Les organisations sont couramment décrites à partir de trois catégories : des structures, des

processus et des cultures. Les structures sont des systèmes relationnels qui façonnent les

comportements en articulant un réseau de positions sociales à un système de rôles. Les processus

sont des activités répétées et structurées, résultant notamment de routines organisationnelles (Nelson

et Winter, 1982). Enfin, la culture renvoie aux multiples systèmes symboliques : notions

conventionnelles de règles et valeurs, classifications, modèles, représentations et autres logiques

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selon la perspective théorique privilégiée (pour une synthèse, voir par exemple Scott, 2001 : 71 et

suivantes). Nous nous appuyons sur ces catégories pour définir la forme hybride et la différencier des

F&A et AS. La Figure 1 : Schématisation des trois formes organisationnelles, représente

graphiquement de manière simplifiée les F&A, les AS et les H.

Figure 1 – Schématisation des trois formes organisationnelles

Par rapport aux vignettes 1 et 2, qui illustrent des formes organisationnelles finalement simples, la

vignette 3 montre une structure plus complexe : les organisations d’origine subsistent ; une structure

de commandement, ou comité de management stratégique, apparaît, qui détient ou non les actions

des organisations d’origine ; des participations croisées, égalitaires ou non, peuvent émerger entre

ces organisations ; des équipes transversales, capitalistiques ou non, sont rattachées soit aux

divisions, soit à la structure de commandement. Le tableau 1 : Dimensions caractéristiques des F&A,

AS et Hybrides Organisationnels, compare ces trois formes organisationnelles selon leurs traits

structurels, leurs processus stratégiques, et leurs problématiques culturelles.

Avant Après

Vignette 2 : Alliance Stratégique

Avant Après

Vignette 1 : Fusion -Acquisition

Vignette 3 : Hybride

Avant Après

Equipes Projets

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Tableau 1 – Dimensions caractéristiques des Fusions et Acquisitions, Alliances Stratégiques et Hybrides organisationnels

Fusions et acquisitions

Alliances Stratégiques

Hybrides

STRUCTURE

Structure formelle

Intégrée Ad-hoc, formes multiples (capitalistiques ou non)

Structure multi niveaux, différenciée et complexe ; pas de modèle unique : 1-Comité de Management Stratégique: CMS 2–Autonomie des divisions-organisations 3-Equipes transversales non capitalistiques 4 –Equipes transversales capitalistiques dépendantes du CMS

Mécanismes de prise de décision

Autorité simple Double autorité Autorité partagée

Mécanismes de résolution de conflit

Hiérarchie Contrat formel et psychologique (confiance comme calcul)

Acte de foi ; confiance comme acceptation de vulnérabilité ; Don / Contre-Don

PROCESSUS Conception du temps

Temps écrasé, court terme et immédiateté Rapidité, vitesse : les ‘100 jours’

Temps linéaire Temps relatif : accélération progressive du temps ; dialectique vitesse / lenteur

Conception de l’intégration

Complète et définitive Limitée et transitoire Le long d’un continuum : d’absente à complètes selon les champs d’application

Conception des synergies

Plutôt d’exploitation et défensives Plutôt d’exploration et offensives Equilibre entre exploration et exploitation

Relation à la complexité

Niée (simplicité et alignement) Acceptée (localisée et compartimentée) Assumée et formalisée

CULTURE Obstacles à l’intégration

Injustice organisationnelle ; Acculturation, Variation des statuts relatifs

Coopétition ; Paralysie décisionnelle ; Gestion des frontières organisationnelles

Obstacles atténués typiques des F&A et AS

Management d’identités multiples

Suppression et intégration Compartimentation et agrégation Réponses identitaires multiples

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La structure formelle des F&A obéît au principe hiérarchique (Williamson, 1975). Les deux

organisations d’origine sont intégrées, avec la domination fréquente de l’une des organisations

(Haspeslagh et Jemison, 1991). Les mécanismes de prises de décisions relèvent de l’autorité simple,

et la hiérarchie tranche les conflits. La fusion constitue la forme ‘adoucie’ de l’acquisition, dans

laquelle le principe d’égalité formelle favorise la cohésion sociale et atténue les difficultés post-

acquisition d’intégration de la firme acquise (Véry et al. 1997 ; Vaara et al. 2003). Depuis une

vingtaine d’année, une littérature considérable s’est intéressée à la structuration des F&A, avec deux

idées dominantes : les F&A échouent encore trop souvent, et ce sont moins les structures adoptées,

que les processus stratégiques conduits et les cultures en jeu qui expliquent l’insatisfaction des

dirigeants quant au résultat de leurs opérations de F&A (Nahavandi et Malekzadeh, 1988).

Les AS relèvent d’une toute autre logique structurelle : les AS peuvent prendre des formes variées,

capitalistiques ou non. Une double autorité subsiste, les partenaires conservant leur indépendance

stratégique. Les contrats formels - légaux, complétés par des contrats psychologiques entre acteurs

clés négociant les AS (Ring et Van De Ven, 1994), permettent de résoudre les conflits inéluctables

(Hamel et Doz, 1998), sans menacer la relation coopérative, en tout cas jusqu’à un certain point (Arino

et De La Torre, 1998). Plus spécifiquement, la qualité relationnelle entre organisation, et la confiance

interindividuelle entre dirigeants, permettent de réguler les conflits entre partenaires de l’alliance

stratégique. Ces contrats et types de confiance relèvent d’une logique calculatoire, utilitaire, de

préservation (Ring et Van De Ven, 1992).

Enfin, les hybrides relèvent d’une logique structurelle spécifique, que l’on peut qualifier par quatre

attributs : l’existence d’un comité stratégique (1) ; la préservation de l’intégrité des organisations

d’origine (2) ; des relations multiples entre le comité stratégique et les organisations d’origine (3) ; des

équipes transversales dont la coopération varie en intensité, donc en terme de structure juridique (4).

La décision ne relève plus d’une autorité simple (F&A), ou double (AS), mais est partagée. Quant aux

conflits, ils ne sont plus régulés ni par la hiérarchie (F&A), ni par les contrats formel et psychologique

et la confiance inter organisationnelle et interindividuelle (AS), mais par la confiance comme acte de

foi (‘act of faith’), c’est-à-dire par l’acceptation de la vulnérabilité de l’autre. Certains sont allés jusqu’à

proposer une lecture anthropologique à la relation Renault-Nissan. Notamment, Masclef (2004)

mobilise la perspective ‘Maussienne’ du don contre don pour illustrer l’acceptation de vulnérabilité et la

volonté de ne pas équilibrer les mises entre partenaires pour donner prétexte à continuer la relation.

1.1. L’EXISTENCE D’UN COMITE STRATEGIQUE

Les deux vignettes de la figure 2 présentent la structure cible et négociée de Air France–KLM (2008),

et la structure actuelle de Renault-Nissan en 2004. Ces structures se ressemblent. Jean-Cyril Spinetta

s’est officiellement inspiré du modèle adopté par Renault-Nissan (voir par exemple l’entretien

accordée au journal Le Monde le 18 mai 2004), même si le montage capitalistique entre Air France et

KLM est différent, avec une holding qui détiendra à terme 100 % des compagnies opérationnelles.

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15 %

100 %

44 %

50 % 50 %

Figure 2a - Structure cible négociée de Air France-KLM (2008)

Air France-KLM (SMC)

Société Cotée

Air France Société Opérationnelle

KLM Société Opérationnelle

Anciens actionnaires d’Air France

Anciens actionnaires de KLM

100 % 100 %

Equipes Projets

Renault-Nissan BV Renault Nissan

Sociétés Communes RNPO et RNIS

CCT

FTT et TT

Figure 2b - Structure de Renault-Nissan en 2004

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Renault-Nissan fut pilotée pendant les trois premières années par le Global Alliance Committee

(GAC), puis aujourd’hui par Renault-Nissan BV, une structure juridique de droit néerlandais. Air

France-KLM est pilotée par le Strategic Management Committee, ou Comité de Management

Stratégique (SMC). Le Président du conseil d’administration d’Air France-KLM a la possibilité de

maintenir le SMC ou de le remplacer par un organe équivalent. Les compositions de ces comités

stratégiques sont similaires en terme parité entre représentants des deux entreprises, et les

procédures de décisions quasi-identiques et sensées favoriser les solutions de consensus (voir

tableau 2). Ces comités stratégiques s’appuient sur des équipes très réduites (quelques dizaines de

personnes), et émettent des orientations que les divisions traduisent ensuite en stratégies. L’identité

professée des deux groupes reflète cette division des tâches : un groupe, deux marques, trois métiers

(passage, cargo et maintenance) chez Air France – KLM ; Un groupe binational, deux entreprises

opérationnelles chez Renault-Nissan (voir le remarquable document ‘Alliance Renault-Nissan, 2004’

téléchargeable sur le site web de Renault ; et les rapports du Sénat sur Air France-KLM pour l’exacte

répartition des responsabilités entre les comités stratégiques et les divisions opérationnelles).

1.2. LA PRESERVATION DE L’INTEGRITE DES ORGANISATIONS D’ORIGINE

La préservation de l’intégrité des organisations d’origine est inséparable de l’existence d’un comité

stratégique. Les infrastructures nationales de Renault et Nissan subsistent dans leur quasi-intégralité :

centres de recherche, programmes de développement, centres d’essai. Les infrastructures nationales

de Air France et KLM : hubs (Roissy-Charles De Gaulle et Schiphol), centres d’ingénierie et

maintenance des flottes (Orly et Schiphol), etc., la quasi-intégralité des opérations restent localisées

dans les compagnies Air France et KLM rattachées au comité stratégique. En particulier, le droit du

travail et les accords collectifs, et la représentation syndicale, restent localisés et spécifiques à la

France et aux Pays-Bas.

1.3. DE MULTIPLES RELATIONS ENTRE COMITE STRATEGIQUE ET

ORGANISATIONS D’ORIGINE

Dans le cas de Renault-Nissan, Renault et Nissan ont des participations croisées, de niveaux

asymétriques : 44,4 % et 15%. Dans le cas Air France-KLM, Air France absorbe juridiquement KLM,

mais les décisions stratégiques relèvent du SMC et sont régies par une égalité de représentation des

compagnies. En d’autres termes, il n’y a pas d’alignement entre la structure de contrôle capitalistique

et la structure de commandement décisionnaire, le SMC.

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Tableau 2 – Caractéristiques des Comités Stratégiques de Renault-Nissan et Air France-KLM.

Nombre de représentants

Prépondérance de la voix du Président du CA2.

Types de décisions prises

Procédure de

prise de décision

Périodicité des

réunions

Global Alliance Committee (Renault-Nissan de 1999 à 2002)

5 représentants de Renault 5 représentants de Nissan + le Président du Conseil d’Administration de Renault.

Oui

- Définition de la stratégie commune. - Décision de mise en œuvre des synergies proposées par les Cross Company Teams.

Majorité

1 fois par mois alternativement à Paris et à Tokyo

Renault-Nissan BV (depuis 2002)

4 représentants de Renault 4 représentants de Nissan + le Président du Conseil d’Administration de Renault.

Oui

- Idem GAC - Gestion des sociétés communes (RNPO et RNIS)

Majorité

1 fois par mois alternativement à Paris et à Tokyo

Strategic Management Committee (Air France-KLM 2004-2006)

4 représentants d’Air France dont le Président de son CA 4 représentants de KLM dont le Président du Directoire.

Oui (sauf décisions réservées)

- Stratégie du groupe - Gestion des réseaux - Développement des hubs - Ouverture de nouvelles lignes - Politique d’achat - Partenariats et alliances

Majorité ;

Unanimité pour les décisions réservées3

2 fois par mois alternativement à Amsterdam et Paris

2 La voix du Président du Conseil d’Administration est prépondérante en cas d’égalité du vote sur une décision. 3 Les décisions réservées concernent la modification des assurances données à KLM, le regroupement ou la création d’activités communes et la modification d’affectation des dirigeants clés.

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1.4. L’EXISTENCE D’EQUIPES TRANVERSALES VARIEES

Enfin, il existe dans les deux groupes des équipes transversales dont la coopération varie en intensité,

donc en terme de structure juridique. Dans les hybrides, des groupes de travail conjoints (15 Cross

Company Teams ; 6 Functional Task Teams ; et 3 Tasks Teams chez Renault-Nissan depuis août

2004 ; 12 sous-comités opérationnels chez Air France-KLM4) sont chargés d’identifier les synergies

possibles, de les chiffrer et de les caler dans le temps. Cette responsabilité majeure n’est pas

externalisée auprès de consultants, mais déployée en interne, afin que des cadres intermédiaires et

experts du champ s’approprient le diagnostic et préparent ainsi sa mise en œuvre. Ces équipes

transversales ont donc des agendas, des horizons temporels, et des processus de fonctionnement

variables. Cette variété est traduite, chez Renault-Nissan, par la co-existence de deux modalités

formelles de coopération interentreprises. Les équipes transversales les plus avancées sont dotées,

au fil du temps, d’une structure juridique propre : ainsi, RNPO (Renault-Nissan Purchasing Operation),

assez tôt dans l’histoire de la coopération (avril 2001), et RNIS (Renault-Nissan Information Services),

plus récemment (juillet 2002), deviennent des filiales communes égalitaires de Renault-Nissan BV,

tandis que les autres CCT et FTT restent structurés sous forme d’équipes projets ad hoc. RNPO gère

aujourd’hui 70% des achats des deux constructeurs. L’atteinte des objectifs chez RNIS est plus

difficile, car RNIS touche aux systèmes d’information, véritables architectures dont dépend la

conception des véhicules. Adopter un nouveau logiciel de CAO, c’est fondamentalement transformer

sa façon de concevoir un véhicule. Seulement très récemment, début 2004, soit près de 5 ans après

la signature de l’accord, les deux entreprises ont enfin adopté un logiciel conjoint de conception, Catia,

développé à l’origine par Dassault Systems. Selon Pierre-Alain De Smedt, Directeur Général Adjoint

Industriel et Technique, cette décision fut l’une des plus longues et des plus douloureuses à prendre,

mais elle fut prise lorsque la situation était mûre, et avec l’accord de chacun (entretien avec l’un des

auteurs, 13 octobre 2004). Dans une F&A, cette décision, au nom de l’intégration, aurait été plus

rapide, mais probablement rejetée par l’un des partenaires, vraisemblablement la firme acquise. Tant

chez Renault-Nissan que chez Air France – KLM, les équipes transversales développent donc leur

propre agenda et présentent de manière régulière leurs projets et réalisations auprès du Comité

Stratégique. Une organisation tripolaire : comité de management stratégique, entreprises/compagnies

opérationnelles et équipes projet transversales, se substitue à des organisations simple (F&A) ou

bipolaire (SA).

4 Depuis août 2004, il existe chez Renault-Nissan 15 CTT (Cross Company Teams), composés de 6 à 15 personnes et co-dirigés par un membre de Renault et un membre de Nissan. Ils sont chargés de chercher des idées nouvelles de coopération et de résoudre les problèmes. Ils défrichent de nouvelles voies pour apporter des synergies entre Renault et Nissan, et surveillent leur réalisation. On dénombre un CCT Produit, un CCT Ingénierie Véhicules, un CCT Mécanique, un CCT Fabrication, un CCT Europe, un CCT Mexique et Amérique centrale, un CCT Amérique du Sud, un CCT Japon, un CCT Asie et Océanie, un CCT Afrique, Europe Orientale et Moyen-Orient, un CCT Recherche et ingénierie avancée, un CCT Logistique, un CCT Ingénierie méthodes, un CCT Achats et un CCT Véhicules Utilitaires. Ces CCT sont assistés de 6 FTT (Functional Task Teams) et 3 TT (Task teams), qui portent sur les domaines suivants : le contrôle de gestion et la rentabilité, les affaires juridiques et fiscales, la qualité, le marketing, les processus d’ingénierie, et les pièces et accessoires. Enfin, les 3 TT portent sur le @business, l’optimalisation du commerce et des douanes, et la stratégie industrielle. Chez Air France-KLM, 12 groupes de travail (sous-comités opérationnels) ont été créés. On dénombre notamment un comité « réseau », un comité « prix et gestion de la recette », un comité « ventes et distribution », un comité « produits et marques », un comité « programme de fidélisation », un comité « ingénierie et maintenance », un comité « nouvelle technologie de l’information », un comité « réglementation » et un comité « accords de marketing ».

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2. PROCESSUS STRATEGIQUES DES HYBRIDES Dans cette seconde partie, nous comparons les processus stratégiques des hybrides aux processus

stratégiques typiques des F&A et des AS selon quatre dimensions : la conception du temps

stratégique ; la conception de l’intégration ; la conception des synergies ; et la relation à la complexité

organisationnelle. Ces dimensions ont émergé progressivement des observations empiriques, de

manière inductive, par comparaison avec notre connaissance de la littérature sur les F&A et les AS.

2.1. LA CONCEPTION DU TEMPS

La conception qu’ont les dirigeants du temps détermine les processus d’intégration des

rapprochements interentreprises. Dans les F&A, le temps est linéaire et écrasé. Le long terme est

aboli provisoirement. Le court terme et l’immédiateté priment sur la projection dans le futur. Les

consultants suggèrent une période bénie de 100 jours, durant laquelle un maximum de changements

et de synergies doivent être réalisés (Lajoux, 1998). Cette immédiateté conduit les acteurs clés à

passer jusqu’à 40% de leur temps à l’intégration (statistique évoquée lors du rapprochement entre

DaimlerBenz et Chrysler), d’où des retards sur d’autres développements stratégiques5. Rapidité de

mise en œuvre et vitesse sont considérées comme des leviers clés (Feldman et Spratt, 1999), même

si de premières contributions empiriques, très récentes, nuancent cette vision plutôt consultante

(Angwin, 2004). Toutes les fonctions et toutes les infrastructures sont réalignées au même instant,

comme si le temps était le même pour toutes les unités. Dans les AS, le temps est également linéaire,

cependant deux rythmes peuvent être choisis : la lenteur ou la rapidité. Dans les AS où la coopération

interentreprises est circonscrite à un périmètre délimité, il est conseillé de laisser du temps aux

acteurs clés de l’alliance. Les approches les plus théoriques (Ring et Van De Ven, 1994) insistent sur

l’importance des processus de signification et de liaison (‘sense-making and bonding processes’),

pour que les cadres clés de l’alliance s’approprient les objectifs, découvrent les routines de chaque

partenaire, et développent progressivement des routines propres et spécifiques à l’AS qui finissent par

se substituer aux routines propres des partenaires et institutionnaliser l’AS (Berger et Luckman, 1967).

A l’opposé, dans les AS dans lesquelles les partenaires se livrent à une course à l’apprentissage

(Hamel, 1998), la rapidité prime. Il s’agit d’être le premier à s’approprier les bénéfices du partenariat.

Bref, qu’elles soient conçues pour développer une collaboration à long terme, ou développées dans

une optique d’appropriation rapide des connaissances, le temps dans les AS est également linéaire.

Dans les hybrides, le temps est relatif, l’échelle du temps s’accélère progressivement, et les dirigeants

gèrent la dialectique ‘vitesse’ versus ‘lenteur’ selon les enjeux des équipes transversales et des

projets des divisions. Bref, le temps n’est plus linéaire. Cette dialectique s’exprime chez Air France-

KLM dans le slogan : ‘quick wins and long term synergies’. Les dirigeants souhaitent des gains

5 Les discours internes chez Renault convergent d’ailleurs pour expliquer en partie le retard pris par le programme Avantime (d’ou son surnom d’Après-Time en interne) par l’attention accordée à Nissan, Dacia et Samsung à cette période. Ce retard de près de 18 mois aura comme conséquence fâcheuse la mise sur le marché quasi-simultanée de l’Avantime et de l’autre véhicule haut de gamme de Renault : Vel Satis, d’où des confusions et un cannibalisme entre véhicules. Ce retard contribuera à l’échec relatif… des deux gammes.

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rapides sur les achats, l’optimisation des prestations auprès de tiers dans l’ingénierie et maintenance

d’avions, et l’optimisation des routes long-courriers quotidiennes et directes (deux éléments clés de la

performance d’une ligne) via le partage de destinations là où les deux compagnies sont en

surcapacité : Air France assurera le CDG-Caracas (Vénézuela) et KLM assurera le Amsterdam-

Manille (Philippines). Le rapprochement ouvre aussi la possibilité de prévoir des allers-retours avec

les deux compagnies, ce qui quadruple théoriquement le nombre de fuseaux horaires disponibles pour

un voyage, un autre facteur clé de succès pour la clientèle fortement contributrice. Des projets de plus

long terme, notamment des choix structurants de systèmes d’informations, sont à l’étude. Chez

Renault-Nissan, dans les mois suivant la signature de l’accord, les CCT ont dégagé les premières

synergies pouvant être mises en œuvre rapidement : la politique de plate-formes communes, la

production de familles communes d’organes mécaniques ou la politique de distribution commune en

Europe. Ces synergies et transferts portent dans un premier temps sur le partage de ressources

opérationnelles (partage des moyens de production et de distribution) pour ensuite envisager le

transfert de capacités fonctionnelles et de management (échanges plus immatériels) dont la

combinaison permettra des produire de nouvelles ressources à terme.

La réussite de ces projets rapides permet de maintenir le momemtum, de dé-montrer que les premiers

succès sont au rendez-vous et en appellent d’autres. Bref, cette dialectique favorise la prophétie auto-

réalisatrice selon laquelle le rapprochement va réussir. De plus, les réussites initiales appellent

d’autres projets de coopérations imprévisibles lors du rapprochement, ce que les opérations de F&A

interdisent ou rendent difficiles. La création de 4 nouveaux CCT par Renault en août 2004 témoigne

de cet approfondissement progressif de la coopération. Par exemple, lorsque la coopération entre

Renault et General Motors Europe sur le segment des véhicules utilitaires fut couronnée de succès

commercial, Renault chercha des capacités de production complémentaires, manquantes, que son

allié Nissan lui fournit à Barcelone (octobre 2002, premier projet de production croisée en Europe). De

même, le développement d’un véhicule nouveau pour Renault, un 4*4 dans la filiale coréenne de RSM

(Renault Samsung Motors), imprévisible il y a quelques années, est grandement facilité aujourd’hui

par l’ingénierie de Nissan. Nissan était en effet à l’origine du développement de la division automobile

du Chaebol Samsung, et les véhicules Samsung sont conçus sur des bases technologiques et des

méthodes de production Nissan. En synthèse, le temps est relatif : rapide dans certaines fonctions,

lent dans d’autres, il s’accélère parfois sur un projet, pour ralentir ensuite : dans les hybrides, le temps

stratégique n’est pas linéaire.

2.2. LA CONCEPTION DE L’INTEGRATION

La conception de l’intégration dans les hybrides découle directement de la conception du temps

stratégique. Certes, les modalités d’intégration post F&A peuvent respecter l’autonomie relative et

l’intégrité de la firme acquise (Haspeslagh et al., 1991; Nahavandi et al., 1988). Néanmoins, dans la

plupart des F&A, l’intégration est complète, touchant toutes les fonctions et entités, et définitive, c’est-

à-dire irréversible. A l’inverse, dans les AS, l’intégration est complète et transitoire dans un périmètre

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délimitée, et absente en dehors du périmètre de l’alliance. Dans les hybrides, le degré d’intégration

s’étend le long d’un continuum, d’absent à entier.

Intégration complète. Chez Renault-Nissan, les filiales égalitaires RNPO et RNIS illustrent des

processus très avancés d’intégration dans deux fonctions support importantes dans la chaîne de

valeur et la compétitivité des constructeurs automobiles. Etant donné sa relative jeunesse, Air France-

KLM ne montre pas encore de processus complets d’intégration. Néanmoins, dans de nombreuses

escales européennes, les équipes des deux compagnies déménagent pour s’abriter sous un même

toit, et à Johannesburg, l’intégration est faite.

Absence d’intégration. Chez Air France – KLM, rien de ce qui touche de près ou de loin à la marque

n’est mis en commun. L’intégrité des marques est absolue : personne ne touchera au mot France de

la Compagnie nationale, et à l’initiale royale K de KLM. Par conséquent, la gestion des PNC

(Personnels Navigants Commerciaux, c’est-à-dire hôtesses et stewards) n’est pas concernée par le

rapprochement Air France – KLM. Il est exclu que des équipages mixtes Air France et KLM soient

déployés (un équipage incluse les PNC et les PNT, les personnels navigants techniques, c’est-à-dire

les pilotes). Il est également exclu que les uniformes et autres tenues vestimentaires soient

rapprochés, leurs couleurs modifiées, ou les noms accolés. Chez Renault-Nissan, l’intégrité des

marques est absolue, et il est exclu que les designers de Renault, une source d’avantage

concurrentiel, dessinent les modèles Nissan.

Intégration partielle. Dans l’intégration partielle, les entreprises exploitent leurs complémentarités

naturelles existantes ou futures, par exemple en se dotant de centres d’excellence ou en spécialisant

les partenaires sur des développements coûteux en recherche fondamentale ou appliquée. Les

divisions Maintenance et Ingénierie de Air France (AFI pour Air France Industrie) et de KLM (KLM E &

M pour KLM Engineering & Maintenance) ont chacune des compétences distinctives dans le registre

de la maintenance de certains réacteurs : chaque division va devenir centre technique d’excellence

sur un type de moteurs. Cela signifie qu’elle validera les protocoles, mais les équipes resteront

localisées dans leurs hubs respectifs. Les trois motoristes subsistant dans le monde (General Electric,

Rolls Royce et Pratt & Whitney) vont développer de nouveaux réacteurs pour équiper les nouveaux

modèles des deux fabricants d’avions : Boeing et Airbus. Il est donc naturel que le groupe Air France

– KLM réfléchisse au leadership de chacune des ingénieries sur un type de moteur. Chez Renault-

Nissan, on observe un mouvement identique au niveau des moteurs et des plateformes déployées en

commun : Nissan a le leadership sur la plate-forme B et Renault sur la plate-forme C. En Bref,

l’intégration est d’intensité variable dans les hybrides, caractéristique qui la différencie des F&A et des

AS.

2.3. LA CONCEPTION DES SYNERGIES

Dans les F&A, les synergies sont souvent défensives, ou destructives. Lorsque deux organisations

fusionnent, les doublons sont inévitables, et les parties prenantes sont d’autant plus attachées aux

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synergies destructives que le prix à payer pour la cible a été élevé, et qu’il faut justifier de ce prix. Bref,

une situation paradoxale, dans laquelle il s’agit de détruire ce qui vient d’être acheté très cher. Les

F&A contemporaines visent des effets de taille et contribuent à la consolidation de secteurs, sont donc

plutôt défensives et de l’ordre de l’exploitation (March, 1991). C’est notamment le cas des industries

pharmaceutiques, automobiles et de télécommunications, avec des performances financières souvent

très décevantes (Schweiger et Walsh, 1990; Zaheer, Schomaker et Genc, 2003). Dans les AS, deux

situations co-existent : les AS d’exploration visent des synergies positives, offensives (IBM et Apple,

en 1992, puis HP en 1994, s’allient pour créer Taligent, une filiale commune qui développera des

microprocesseurs et constituera une alternative à l’ultra dominant Intel (Cotter et Potel, 1995). Les AS

d’exploitation visent plutôt des économies de taille, d’étendue ou d’échelle (voir le cas Peugeot-

Renault-Volvo, Garrette et Dussauge, 1995), et permettent parfois de consolider des secteurs et de

réduire les coûts et les capacités, d’où des synergies négatives.

Les hybrides combinent ces deux types de synergies : d’exploitation, lorsque Renault assemble son

Scénic dans l’usine mexicaine de Nissan à Cuernavaca et Aguascalientes, et Nissan son pick up dans

l’usine brésilienne de Renault à Curitiba. D’exploration, lorsque Renault et Nissan partagent le

développement d’un nouveau 4*4 dans la filiale sud-coréenne de Renault (Supplément Spécial de la

Lettre aux Actionnaires, Mai 2001). Air France-KLM n’a pour le moment chiffré que des synergies

d’exploitation : coordination des structures de ventes, réduction des coûts commerciaux, coordination

des activités techniques de maintenance, coordination des réseaux et des programmes d’optimisation

des recettes (convocation à l’AGE d’Air France, 20 avril 2004, p.13). Air France et KLM sont

complémentaires en terme d’exploitation à plusieurs niveaux : sur les lignes long courriers (seulement

31 destinations communes sur un total de 101 destinations long courrier), sur l’implantation

commerciale en Europe et sur les accords d’alliances existants particulièrement avec les compagnies

américaines (Air France est partenaire de la compagnie Delta Airlines au sein de Skyteam ; KLM a

passé des accords avec Northwest et Continental Airlines). Bref, qu’elles soient géographiques (Air

France a des dessertes en Chine et en Afrique de l’Ouest alors que KLM est très présente en

Amérique du Nord et en Afrique de l’Est ; Renault est bien implantée en Amérique du Sud et Nissan

en Amérique du Nord) ou industrielles (Air France excelle dans la gestion du hub ; KLM est plus

avancée qu’Air France dans l’@ticketing), les synergies d’exploitation fondent ces formes

organisationnelles hybrides. Les synergies d’exploration ne sont pas encore à l’ordre du jour chez Air

France-KLM, mais pourraient porter par exemple sur le développement de nouvelles procédures

communes (sécurité et maintenance).

Dans les hybrides, les premières synergies mises en œuvre sont présentées - et souvent perçues -

comme simples, relativement peu ‘impliquantes’. Ce choix d’intégration suscite le développement

d’une attitude coopérative entre les équipes qui échangent ainsi plus facilement, situation très

improbable si la collaboration commence par la mise en œuvre de projets complexes pour lesquels il

est difficile d’échanger des connaissances (Doz, 1996). La complexité des projets d’intégration et le

potentiel synergique vont crescendo au cours du rapprochement.

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17

2.4. LA RELATION A LA COMPLEXITE ORGANISATIONNELLE

La relation à la complexité organisationnelle enchâsse largement, et explique les trois conceptions

précédentes : conceptions du temps stratégique, de l’intégration, et des synergies.

Fondamentalement, les F&A nient la complexité et privilégient la simplicité, l’alignement et l’unité de

décision (Gancel et al., 2002 : 156 et suivantes). Les AS privilégient la compartimentation : la

coopération est localisée dans une structure juridique ou un groupe projet dont la vie est relativement

autonome. Des processus stricts définissent le franchissement des frontières organisationnelles entre

AS et organisations partenaires (Hamel, 1991). Les hybrides témoignent de la diversité des

processus : bref, la complexité est intégrée à la réflexion. Cette complexité favorise la malléabilité, ou

caractère évolutif de la relation entre les partenaires, donc son approfondissement. La structure

formelle de Renault-Nissan et les multiples types de CCT, de FTT et de TT témoignent de cette

complexité assumée.

3. PROBLEMATIQUES CULTURELLE DES HYBRIDES Dans cette troisième partie, nous comparons les F&A, les AS et les hybrides en fonction des

problématiques culturelles auxquelles elles font face. Fondamentalement, le changement

organisationnel est source de stress pour les individus (Asford, 1988; Carr, 2001). Ce stress est

d’autant plus marqué dans les F&A, AS et hybrides, que les individus doivent redéfinir leur identité

personnelle et leur sentiment d’appartenance à un nouveau groupe de référence (Ring et Van De Ven,

1994 ; Monin, 2002). Ainsi, selon la perspective de l’auto-catégorisation (‘Self Categorization Theory’ :

Turner, Hogg, Oakes, Reicher et Wetherell, 1987), le rapprochement entre deux organisations

correspond à une ‘re-catégorisation’ identitaire de deux groupes en un seul (Van Knippenberg, Van

Knippenberg, Monden et De Lima, 2002). Il est donc nécessaire de gérer la nouvelle identité créée en

favorisant la continuité des identités organisationnelles et individuelles (Rousseau, 1998). Ce

changement organisationnel soulève deux problématiques culturelles complémentaires : la nature des

obstacles à l’intégration et les réponses au management d’identités organisationnelles multiples.

3.1. LA NATURE DES OBSTACLES A L’INTEGRATION

Dans les F&A, trois obstacles culturels affectent la mise en œuvre de l’intégration : les sentiments

d’injustice organisationnelle, tant distributive que procédurale (par exemple Monin, Ben Fathallah et

Vaara, 2005) ; les sentiments de variation des statuts relatifs (par exemple Véry et al., 1997) ; et les

difficultés d’acculturation (voir Berry, 1981, Nahvandi et Malekzadeh, 1988 et Vaara et al, 2003). Les

sentiments d’injustice sont spécialement saillants dans les fusions faussement présentées comme

égalitaires (Zaheer et al., 2003), dans lesquelles les normes dominantes de justice distributive :

l’équité qui favorise l’efficience et l’égalité qui favorise la cohésion sociale (Kabanoff, 1991), entrent en

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conflit (Monin et al., 2005). Le taux de départ naturel des cadres et acteurs clés de la firme acquise est

un indicateur d’échec de l’opération. Le syndrome de la grosse grenouille dans une petite gouille qui

devient têtard dans une grande rivière (Franck, 1988) illustre la situation des cadres et acteurs clés

des firmes acquises qui redeviennent anonymes dans une organisation de taille plus importante.

Comment survivre à ce changement de statut ? Enfin, les difficultés d’acculturation ont été largement

développées dans le cas des F&A (Sales et Mirvis, 1984, etc.). Dans les AS, les obstacles sont d’une

autre nature : ils renvoient à la coopétition (Hamel, 1991 ; Doz et Hamel, 1998), au management des

frontières organisationnelles, qui inclue notamment la gestion des interfaces entre l’AS et les autres

activités des partenaires (Khanna, Gulati et Nohria, 1998), et à la paralysie décisionnelle (voir par

exemple le cas BioMérieux-Pierre Fabre dans Monin et al., 2005). Les hybrides, eux, sont caractérisés

par tous ces phénomènes, mais de manière atténuée. Dans les équipes transversales les plus

intégrées, ce sont les obstacles typiques des fusions qui émergent. Par exemple, les salariés de

RNPO, entité juridique entièrement intégrée, ont témoigné de ces difficultés : acculturation aux

processus de prise de décision du partenaire, choix unique d’un fournisseur commun pour les deux

constructeurs malgré des divergences d’appréciation, et qui conduisent à des sentiments d’injustice

organisationnelle ; etc. A l’inverse, dans certaines unités non affectées de facto par le rapprochement,

c’est la coopétition qui dominerait : les équipes commerciales d’Air France et de KLM sont en

concurrence sur les mêmes marchés géographiques pour vendre des billets au nom de leur

compagnie ! Avec le temps, néanmoins, on observe qu’il n’existe pratiquement plus, chez Renault-

Nissan, de fonction importante qui ne soit affectée au moins partiellement par l’intégration. Ainsi, les

succursales, filiales et agents Renault ouvrent des ‘corners’, ou points de vente pour commercialiser

en France l’offre Nissan, qui bénéficie d’un réseau moins développé. En bref, la complexité assumée

du choix d’une forme hybride multiplie le nombre, mais atténue l’intensité, des obstacles à

l’intégration.

3.2. LES REPONSES AU MANAGEMENT D’IDENTITES ORGANISATIONNELLES

MULTIPLES.

Les F&A, AS et Hybrides posent la problématique de la construction d’une nouvelle identité

organisationnelle : qu’est ce qui est distinctif, durable, et unique dans la nouvelle organisation (Albert

et Whetten, 1985) ? Pratt et Foreman (2000) proposent quatre modalités de management d’identités

organisationnelles multiples, selon que la nouvelle organisation valorise ou non les identités multiples,

et valorise ou non les synergies entre identités organisationnelles : la suppression, la séparation ou

compartimentation, l’agrégation et l’intégration. F&A, AS et Hybrides diffèrent dans leurs réponses

identitaires préférentielles. Dans les F&A, les réponses identitaires valorisent les identités uniques,

d’ou les modalités préférées de suppression : l’identité dominante unique est conservée, et l’identité

de la firme acquise disparaît, en tout cas c’est ce que les dirigeantes et consultants espèrent (le cas

DaimlerChrysler, à cet égard, est instructif) ; et d’intégration : une nouvelle identité est créée ex-nihilo

à partir des composantes identitaires des organisations d’origine. Dans les AS, les réponses préférées

valorisent les identités plurielles : séparation ou compartimentation (Pratt et Foreman, 2000). L’AS

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19

développe une identité organisationnelle propre, singulière, à côté des identités des organisations

partenaires. Néanmoins, que ce soit dans les F&A ou dans les AS, les membres des organisations

s’identifient à une identité organisationnelle unique, c’est-à-dire se définissent par leur appartenance à

une seule organisation.

Lors de nos premières sessions de formation chez Renault, en 1999-2000, au Technocentre de

Guyancourt, une évidence s’imposa, à la fois naturelle et surprenante : certains stagiaires que nous

formions – 32 ans de moyenne d’âge, 5 ans d’expérience professionnelle réussie chez Renault dans

deux postes dont l’un d’encadrement – nous disaient : ‘Nous, chez Renault, on est bon en Design’,

puis, quelques minutes plus tard dans le même développement, nous disaient : ‘Nous, chez RNPO…’,

ou ‘Nous, chez Renault-Nissan,…’. Bref, les stagiaires manifestaient ce que les théoriciens de

l’identité sociale et de l’identification appellent des identifications multiples (Foreman et Whetten,

2002) : ils changeaient de chapeaux (Ashforth et Johnson, 2001). Nos observations empiriques

inductives nous inclinent à penser que certains acteurs sont à l’aise et mobilisent avec facilité des

identités multiples (emboîtées ou transversales), tandis que d’autres se définissent en permanence

par une identité organisationnelle unique. La mobilisation d’une identité dépend de son caractère

saillant et de son degré de pertinence dans un contexte donné. Etant donnée la jeunesse relative de

Air France-KLM, nous n’avons pas encore observé d’identifications multiples, par exemple à Air

France et à Air France-KLM. Par contre, certains navigants se définissent parfois en tant que

membres d’Air France, et parfois en tant que membres de SkyTeam, l’alliance mondiale qui regroupe

notamment Air France, Delta Airlines et Korean Airlines. Cette identité est importante en vol, car les

navigants représentent à la fois l’équipage : d’où l’identification à Air France, et Skyteam, notamment

lorsqu’ils prennent congés en fin de vol, remercient les passagers de leur fidélité et de leur confiance,

et annoncent les correspondances vers d’autres compagnies partenaires. En bref, les hybrides se

distinguent des F&A et des AS par les processus d’identification ou de ré-identification de leurs

membres : les membres des hybrides mobilisent des répertoires identitaires multiples plus riches et

subtils. En ce sens, ils s’adaptent à la complexité intrinsèque des hybrides, en convoquant, en fonction

de leur caractère saillant et pertinent, les identités qui donnent du sens dans le contexte6.

4. CONDITIONS DE STABILITE, DE CROISSANCE ET DE CONCURRENCE DE LA FORME ORGANISATIONNELLE HYBRIDE Un ensemble de traits structurels, de processus stratégiques et de problématiques culturelles

différencient donc les hybrides organisationnels des F&A et des AS plus habituelles. Nous abordons

dans cette discussion trois problématiques fondamentales pour justifier de l’existence d’une nouvelle

forme organisationnelle : la stabilité de la forme, la légitimité et la dynamique écologique de la forme,

et la niche de la forme. Ce faisant, dans cette dernière partie, nous adoptons une perspective plus

proche de la sociologie organisationnelle que du management stratégique stricto-sensu.

6 Des travaux en cours visent à évaluer l’influence des identifications organisationnelles aux divisions et à l’hybride, et des identifications professionnelles, sur un ensemble de variables organisationnelles : engagement, attachement, confiance, etc. Cette problématique de l’influence des identifications multiples sur le fonctionnement organisationnel dépasse le cadre de cet article.

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4.1. LA STABILITE DE LA FORME ORGANISATIONNELLE HYBRIDE

La forme organisationnelle Hybride est-elle stable dans le temps, ou est-elle une forme transitoire vers

une F&A complète, ou vers une AS plus clairement délimitée ? Nous suggérons que trois logiques

favorisent la stabilité de la forme ‘hybride’. D’une part, par définition et construction, l’hybride est

multivocale (Padgett et Ansell, 1993). Elle recouvre une multitude d’acception , et permet à de

multiples parties prenantes de la présenter sous un jour favorable. Plus les formes bénéficient du

support d’audiences multiples et variées, plus elles accèdent à des ressources gages de performance.

Ainsi, les français peuvent-ils dire qu’ils contrôlent Nissan, c’est formellement vrai. Mais les japonais

peuvent aussi dire qu’ils sont indépendants, développent leurs stratégies aux EU et en Asie en toute

liberté, et peuvent un jour prétendre monter au capital de Renault et équilibrer les mises, voire

racheter Renault et dominer l’hybride. Ce caractère multivocal résulte de la complexité et de la

souplesse de la forme organisationnelle. Ni Nissan ni Renault n’auraient intérêt à contrôler l’autre

intégralement. Dans le cas Air France – KLM, c’est également vrai : les droits de trafic sont –

anachronisme de l’industrie, mais pour combien de temps encore – négociés entre états qui les

attribuent ensuite à la compagnie nationale. La disparition du caractère national de la compagnie

équivaut à une perte des droits de trafic ! D’autre part, l’hybride est multipolaire. Louis Schweitzer

parle d’un groupe binational (voir par exemple la Lettre aux Actionnaires, Mai 2001, et Le Monde, 30

mars 2004). Le caractère multipolaire, ou ancrage des infrastructures principales et des bassins

d’emplois associés dans différents pays, confère une garantie internationale en cas de risques

géopolitiques. Le groupe Renault-Nissan a annoncé un développement considérable en Iran pour

assembler 300 000 véhicules en CKD importés de l’usine de Pitesti, localisée en Roumanie (filiale

Renault Dacia). Pour des raisons géopolitiques, l’Iran est interdit à Nissan. Les hybrides multipolaires

pourraient même faire co-exister des logiques capitalistes complémentaires. Enfin, les mécanismes de

prise de décision et de résolution des conflits relèvent d’une logique de réciprocité à l’infini et

d’exploitation sélective des complémentarités au fur et à mesure de leur émergence. A ce titre, ils

constituent des mécanismes auto stabilisants puissants. Lorsque la relation penche trop en faveur de

l’un des partenaires (l’ingénierie moteur de Renault ‘souffre du leadership’ de Nissan sur les gros

moteurs Diesel 3l / ZD 30 et essence V6 3,5 / VQ35), la négociation suivante est l’occasion de rétablir

la balance (l’ingénierie moteur de Renault ‘obtient le leadership’ sur le développement des moteurs

1.5 dCi / K9K ; et moteurs 1.9 dCi / F90). En bref :

Proposition 1 : La multivocalité, la multipolarité, et les mécanismes de prise de décision et de résolution des conflits favorisent la stabilité de la forme organisationnelle ‘hybride’.

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4.2. LEGITIMITE ET NICHE DE LA FORME ORGANISATIONNELLE HYBRIDE

Si la stabilité de la forme organisationnelle hybride peut être acquise, alors, le développement de cette

forme dépend de sa légitimité aux yeux des parties prenantes. Nous suggérons que trois tendances

favoriseront le développement, c’est à dire la croissance du taux de natalité de cette forme. Kogut

évoquait la première dès 1988 : l’institutionnalisation croissante des relations entre états souverains et

multinationales. Les logiques internationales des firmes entrent en conflit avec les logiques

souveraines, notamment dans les secteurs régaliens de la défense et de l’armement, mais aussi du

transport aérien, de l’énergie (nucléaire), etc. Les états souhaitent parfois reprendre le contrôle de

leurs industries et favoriser l’émergence de champions nationaux ou binationaux (voire les politiques

industrielles américaines des deux dernières décennies, des trois dernières années en France). Dans

ce contexte, l’hybride Air France – KLM garantit – pour une certaine durée – l’intégrité de la

compagnie nationale hollandaise. En toile de fond du rapprochement, c’est une prise de position

favorable des deux pays qui permet l’accord. La seconde tendance relève de la croissance constante

des situations d’oligopoles, et des abus de positions dominantes et/ou cartels que les autorités

supranationales dénoncent dans le cadre de F&A traditionnelles (voir le mandat du Commissaire

Carlo Monti au sein de l’Union Européenne). L’hybride constitue une parade, qui permet de maintenir

une certaine forme de concurrence entre les organisations d’origine. La troisième source de légitimité

pourrait provenir du caractère exemplaire à maints égards des deux opérations que nous avons

décrites : succès économique et financier extraordinaire pour Renault-Nissan (pour la première fois

dans l’histoire en septembre 2004, la capitalisation boursière du seul groupe Renault a dépassé la

capitalisation boursière de General Motors) ; succès technologique avec le nouveau plan produits issu

des plateformes communes A, B et C; et succès inter-culturel, Renault-Nissan n’ayant pas subi le sort

de l’alliance avortée entre Renault et Volvo en 1993, et Air France-KLM faisant figure d’anti-modèle

face à SwissAir ou Scandinavian Airlines. Face aux échecs financiers des F&A ou AS dans ces

secteurs : DaimlerChrysler et Swiss Air pour ne citer qu’eux, Renault-Nissan et Air France-KLM

captent l’attention (Ocasio, 1997) des autres dirigeants de multinationales et des parties prenantes

des accords de cette nature (banques d’affaire, consultants, etc.). En bref :

Proposition 2 : l’institutionnalisation croissante des relations entre états souverains et multinationales , la croissance des situations d’oligopoles et les risques juridiques induits pour les multinationales, et le caractère exemplaire des premiers hybrides devraient accroître le taux de natalité de la forme organisationnelle ‘hybride’. Proposition 3 : la niche de la forme organisationnelle ‘hybride’ est délimitée par l’existence d’industries dites ‘régaliennes ‘, à tendance oligopolistique, ou dans lesquelles les états veulent conserver ou re-gagner une souveraineté. Dans cette niche, l’hybride concurrence les formes organisationnelles concurrentes (F&A et AS).

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4.3. PERSPECTIVES

Cet article est programmatique. Il ouvre de nombreuses perspectives théoriques et empiriques. Au

niveau théorique, certaines approches dominantes dans le champ doivent être revisitées. Par

exemple, la théorie des coûts de transaction explique l’existence des AS comme forme intermédiaire

entre le marché et la hiérarchie (représentée par les F&A) par les spécificités des transactions et leurs

coûts associés (par exemple Kogut, 1988). Que dirait la théorie des coûts de transaction de ces

formes hybrides, dans lesquelles des transactions de marché subsistent dans l’organisation ? Dans un

autre registre, les théoriciens des réseaux, à la suite des théoriciens des coûts de transaction, ont

suggéré que la hiérarchie gouvernait les organisations, le prix gouvernait le marché, et la confiance

gouvernait les alliances stratégiques (voir les premiers travaux de Ouchi, 1980 et Jarillo, 1986). Nous

avons suggéré l’existence des hybrides Renault-Nissan et Air France – KLM par l’acceptation de

vulnérabilité de l’autre, l’acte de foi fondateur entre dirigeants. Tous nos interlocuteurs ont évoqué le

charisme de Louis Schweitzer, Carlos Ghosn, Jean Cyril Spinetta. Tous ont évoqué que c’était les 30

meilleurs de Renault, qui étaient partis les premiers au Japon, dans une première vague, puis les 300

meilleurs. Et les cadres supérieurs que nous avons rencontrés chez Air France et KLM ont une foi

absolue dans leurs deux dirigeants, MM. Spinetta et Van Wijk, mais interrogent la relation après leur

éventuel départ : ces hybrides peuvent-ils survivre à leurs fondateurs ? Ces interrogations ouvrent une

autre piste de recherche, sur l’institutionnalisation des qualités individuelles de leadership et de

charisme (Kelman, 1961 pour les travaux fondateurs ; Bass 1990 pour une synthèse ; Waldman et

Yammarino 1999 et Waldman et al., 2001 pour des contributions empiriques récentes). Salk et

Brannen (2000) ont détaillé les mécanismes par lesquels la confiance inter-individuelle entre

dirigeants ou acteurs-clés désescalade les niveaux hiérarchiques et se diffuse entre les cadres

supérieurs, intermédiaires, et opérationnels. Ce processus de diffusion de la confiance inter-

individuelle par désescalade mérite d’être étudié en profondeur dans les hybrides. Cet article invite

enfin à dresser un (des) ponts entre des littératures qui s’ignorent largement, liées respectivement aux

fusions et acquisitions et aux alliances stratégiques. In fine, cet article invite à construire une théorie

des formes et des frontières organisationnelles en management stratégique.

Au niveau empirique, les caractéristiques respectives des F&A, AS et hybrides se prêtent facilement à

la construction de propositions ou d’hypothèses ‘à la Oliver’ (Oliver 1990). Des dispositifs

méthodologiques tant qualitatifs (comparaison de cas) que quantitatifs (utilisation de questionnaires)

peuvent être élaborés pour valider, spécifier, ou rejeter ces propositions ou hypothèses.

Individuellement, chaque dimension mérite un travail approfondi. Philippart (2002) engagea cette

démarche en étudiant spécifiquement la structure juridique et la gouvernance de Renault-Nissan.

Philippart concluait son diagnostic juridico-stratégique en affirmant que contrairement à ce que les

dirigeants de Renault-Nissan avançaient de manière rhétorique, Renault-Nissan n’était pas une

alliance à proprement parler. Certes, et maintenant ? Il reste à dire ce que c’est ! Cet article a

précisément développé une théorie de la forme organisationnelle ‘hybride’, distingué ses neuf

caractéristiques des deux formes alternatives concurrentes : les fusions et acquisitions, et les

alliances stratégiques, et formulé trois propositions sur la stabilité, la natalité et la niche de cette forme

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hybride. L’objet de cet article n’est pas d’analyser la performance de ces formes organisationnelles

hybrides. Cependant si l’on considère les résultats de Renault-Nissan après presque six ans d’activité

et les premiers résultats du rapprochement entre Air France et KLM (‘Les premiers résultats du

rapprochement entre Air France et KLM’, Les Echos, 25 Novembre 2004), on comprend que ces

formes soient considérées par les experts de leurs secteurs respectifs comme performantes.

Finalement, cet article offre aux dirigeants deux exemples singuliers de pratiques qui combinent les

avantages respectifs des fusions et acquisitions, et des alliances stratégiques, tout en échappant à

leurs vicissitudes intrinsèques.

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Catherine PARDO 1995/04 Produits de ville. Première approche de l'offre en marketing territorial

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Eric VOGLER 1995/11 Les modalités de rationalisation de la décision d'octroi de crédit

Lionel HONORE

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