5

Entre légende et réalité - whisky.fr · LA CONQUÊTE EUROPÉENNE DE L’OR BLANC Découvert en Asie et rapporté en Europe par les pèlerins dès la première croisade (1096-1099),

  • Upload
    phamthu

  • View
    214

  • Download
    0

Embed Size (px)

Citation preview

LA CONQUÊTE EUROPÉENNE DE L’OR BLANC

Découvert en Asie et rapporté en Europe par les pèlerins dès la première croisade (1096-1099), le sucre est alors une denrée rare très appréciée de tous. Peu à peu, il devient un véritable enjeu économique, source de rivalités entre pays européens. Dès le 14e siècle, Venise s’octroie le monopole commercial de cet or brun et développe les premières formes du raffinage. Envieux de la réussite des italiens et souhaitant s’affranchir de leur mainmise sur le sucre, les Portugais et les Espagnols installent des plantations et des raffineries dans leurs colonies : Madère, les îles Canaries, puis les Acores. Lisbonne devient rapidement un centre important de raffinage.

La découverte de l’Amérique va permettre d’étendre davantage encore la production de canne à sucre, sous l’égide des Portugais, excellents navigateurs. Si le Brésil, le Pérou et le Mexique font l’objet de toutes les convoitises en raison de leurs richesses naturelles (bois, or, minerais), les Caraïbes deviennent rapidement des îles sucrières. À la fin du 15e siècle, Christophe Colomb introduit ainsi la canne à sucre aux Antilles. Ses premiers essais de plantation auraient semble-t-il été tentés sur l’île d’Hispaniola (Haïti et Saint Domingue). Puis en 1512, les Espagnols mènent une campagne agressive de plantation de canne à sucre à Cuba, qui comptera quelques décennies plus tard plus de 250 familles espagnoles. Dès 1520, la canne à sucre s’étend partout en Amérique du Sud : Mexique, Pérou, Brésil, ...

Maîtres du jeu jusqu’en 1630, les espagnols se désintéressent ensuite peu à peu du sucre au pro-fit de l’or et du bois, laissant les Français et les Anglais prendre le relais aux Antilles : Barbade, Jamaïque, Martinique, Guadeloupe.

R H U M

DÉCOUVERT À LA FAVEUR DES CONQUÊTES COLONIALES ESPAGNOLES, FRAN-

ÇAISES ET ANGLAISES, LE RHUM ÉTAIT À L’ORIGINE LA BOISSON DES ESCLAVES

ET DES MARINS. UTILISÉ COMME APPÂT PAR LES PIRATES POUR ENIVRER LES

MOUSSES DE LA MARINE ANGLAISE (À DES FINS DE RECRUTEMENT !), IL EST

AUJOURD’HUI ENCORE LIÉ À CE PASSÉ D’AVENTURES ET DE TUMULTES.

QU’ON L’APPELLE RHUM (FRANÇAIS), RUM (ANGLAIS) OU BIEN RON (ESPA-

GNOL), CETTE EAU-DE-VIE DE CANNE À SUCRE RESTE LE DÉNOMINATEUR COM-

MUN DES ÎLES DES CARAÏBES ET DES PAYS D’AMÉRIQUE DU SUD, EMPREINTS

CHACUN D’UNE CULTURE ET DE TRADITIONS POURTANT BIEN DISTINCTES.

AU MILIEU DES ANNÉES 2000, PLUS DE CENT PAYS CULTIVENT LA CANNE À

SUCRE, AU PREMIER RANG DESQUELS LE BRÉSIL, L’INDE ET LA CHINE FIGURENT.

LA CANNE À SUCRE PRODUITE FOURNISSAIT ALORS PRÈS DE 75 % DE LA PRO-

DUCTION MONDIALE DE SUCRE*.

SELON SON TYPE DE DISTILLATION ET SELON SON VIEILLISSEMENT, LE RHUM

AFFICHE UNE DIVERSITÉ DE PROFILS AROMATIQUES QUI LE PLACENT EN TÊTE

D’AFFICHE DE LA CARTE DES SPIRITUEUX.

*SOURCE ACER – NOV. 2005

{ DÉFINITION }

PRODUIT À TRAVERS LE

MONDE, LE RHUM EST UNE

EAU-DE-VIE DE CANNE

À SUCRE OBTENUE PAR

FERMENTATION ALCOOLIQUE,

PUIS PAR DISTILLATION,

SOIT DES MÉLASSES OU DES

SIROPS PROVENANT DE LA

FABRICATION DU SUCRE

DE CANNE, SOIT DE JUS DE

CANNE DIRECTEMENT.

RHUM Entre légende et réalité

O R I G I N E

É L A B O R A T I O N

LE RHUM, ÉTAPE PAR ÉTAPE

ÉTAPE 1 – JUS DE CANNE OU MÉLASSE

En règle générale, on distingue les rhums issus de la distillation de jus de canne (vesou) de ceux pro-venant de la mélasse. Obtenu à partir du broyage de la canne à sucre, le jus de canne s’altère très vite : il doit être mis très rapidement à fermenter, puis à distiller, pour produire le rhum. Résidu du raffi-nage du sucre de canne, la mélasse est un sirop épais et visqueux qui peut entrer dans la composition de desserts et friandises, mais est aussi utilisée pour l’élaboration de rhum.

Âgée de 11 mois, la canne est récoltée avant sa floraison, de façon manuelle ou mécanique. Les feuilles et le sommet des cannes sont abandonnés dans les champs. Seule la base est transférée rapi-dement à la sucrerie, pour éviter toute perte de sucre. Une fois la base de la canne réduite en fibres, on lui ajoute de l’eau chaude afin d’en extraire le jus sucré. De ce pressage naissent deux produits : le jus de canne et la bagasse, composée des résidus fibreux de la canne et utilisée ensuite comme combustible.

Dans le cas de rhum de mélasse, le jus de canne (vesou) est appauvri en sucre par extraction, puis transformé en mélasse.

ÉTAPE 2 – LE VIN DE CANNE ET LA FERMENTATION

Sous l’action des levures, le moût (mélasse diluée avec de l’eau ou le vesou) est mis à fermenter et se transforme progressivement en alcool, jusqu’à produire un vin de canne titrant 8% à 10% d’alcool en moyenne. Étape fondamentale dans la production des arômes du futur rhum, la fermentation du vin de canne peut revêtir différents visages selon la région du monde dans laquelle elle est réalisée, pour aboutir à un panel aromatique très varié.

On distingue trois types de fermentation :

LA FERMENTATION SPONTANÉEElle dépend des levures et micro-organismes ambiants présents dans l’atmosphère ou naturellement présents dans le jus de canne. Cette fermentation est réalisée dans des cuves à ciel ouvert et peut durer entre 1 et 2 semaines. Les petites distilleries, notamment celles d’Haïti, pratiquent encore la fermentation spontanée.

LA FERMENTATION CONTRÔLÉE (EN BATCH) Le plus souvent effectuée en « batch », cette fermentation fait appel à des levures cultivées en labo-ratoire, puis mises en contact avec le liquide sucré. Ce type de fermentation s’étale sur 2 à 3 jours et permet de reproduire de façon constante une concentration alcoolique et un panel d’arômes.

LA FERMENTATION CONTRÔLÉE (EN CONTINU) Cette tendance se développe dans l’industrie du rhum. Il s’agit de garder une cuve de fermentation pleine en permanence, en l’alimentant de mélasse. Cela permet de garder les levures actives, en sous-trayant en différents points une quantité de moût dont les sucres ont déjà été digérés par les levures.

L E G U I D E D E S S P I R I T U E U X

{ LE SAVEZ-VOUS ? } LA CANNE À SUCRE (« SACCHARUM OFFICINARUM »)

POUSSE EN RÉGION TROPICALE. ON LA TROUVE EN FLORIDE, AU TEXAS, EN

LOUISIANE, AUX ANTILLES, À HAWAÏ, EN AMÉRIQUE CENTRALE ET EN AMÉRIQUE

DU SUD, EN INDONÉSIE, EN THAÏLANDE, AUX PHILIPPINES, EN CHINE, EN

INDE, DANS LES ÎLES DE L’OCÉAN INDIEN, EN AUSTRALIE AINSI QU’AU SUD DE

L’ESPAGNE. LA CANNE EST COMPOSÉE D’EAU, DE FIBRES ET DE SACCHAROSE.

C’EST À LA BASE DE LA CANNE QUE LE SACCHAROSE SE CONCENTRE.

ÉTAPE 3 – LE CHOIX DE L’ALAMBIC

À l’instar de nombreux autres alcools, la distillation du rhum peut être réalisée au moyen d’un alam-bic à colonne, en continu ou bien à repasse (pour les producteurs les plus traditionnels). La pratique de l’une ou de l’autre forme de distillation est souvent influencée par l’histoire coloniale du pays. Ainsi, les anciennes colonies britanniques et françaises utilisent encore des alambics à repasse en cuivre, tandis que les anciennes possessions espagnoles recourent principalement à l’alambic à co-lonne. Le type de rhum produit dépend beaucoup du mode de distillation : de façon schématique, les rhums les plus lourds sont souvent issus d’alambics à repasse (en raison d’un distillat dont le cœur est recueilli entre 68 et 70%) et les rhums les plus légers d’alambics à colonne (le distillat recueilli à plus de 90%, laissant peu de place aux volatiles les plus chargés).

DISTILLATION À REPASSE - BATCH Cette technique de distillation dite de « batch » nécessite d’interrompre régulièrement l’alambic pour le nettoyer et le laisser reposer, avant de charger la nouvelle session prête à être distillée. C’est le mode de distillation le plus traditionnel.

DISTILLATION À COLONNE - EN CONTINU Souvent équipé de deux ou quatre colonnes qui s’auto-alimentent, ce type de distillation ne nécessite aucune interruption dès lors que les colonnes sont alimentées. Composées de différents plateaux de concentration au travers desquels les vapeurs circulent, cette technique permet de contrôler et d’orienter le profil aromatique d’un rhum. Ainsi, les vapeurs les moins chargées en arômes sont celles qui restent au niveau du plateau le plus haut de la colonne. Les plus lourdes descendent vers le bas de la colonne dans les plateaux inférieurs.

ÉTAPE 4 – LE VIEILLISSEMENT

Faute de cadre légal, le vieillissement du rhum et les appellations attachées à ce vieillissement dif-fèrent d’un producteur à l’autre. Si le vieillissement s’effectue principalement en ex-fûts de bourbon, il arrive qu’il soit réalisé à partir d’ex-fûts de cognac et de fûts de chêne neufs. Les affinages, plutôt rares, sont surtout le fait de négociants italiens ou français, qui le proposent en fûts de banyul, de porto, de xérès ou de madère. Si aucune période minimale n’est imposée, peu de rhums affichent plus de 8 ou 12 ans d’âge. Élevées sur leurs lieux de production, les barriques sont soumises à des conditions climatiques extrêmes, causes d’une évaporation considérable.

La question de l’évaporation : les conditions de vieillissement dans les Caraïbes, sous un climat tropical, sont particulières. Le chêne étant perméable aux molécules d’alcool qui sont elles-mêmes hydrophiles, la conjugaison d’une température élevée et d’une hygrométrie importante provoque une évaporation conséquente et une maturation plus rapide.Vieillir sous un climat tropical, c’est accepter de perdre annuellement entre 6 et 8% du contenu d’un fût, contre 2% sous un climat tempéré comme celui de l’Écosse ou de l’Irlande.Ainsi, ne restent que 65% du contenu initial d’un fût au bout de 5 ans de maturation, environ 45% au bout de 10 ans, et 30% au bout de 15 ans. En Écosse, il faudrait attendre 55 ans de vieillisse-ment pour obtenir un tel taux. Mais si l’évaporation est importante, l’accélération du processus de vieillissement sous ces climats tropicaux est réelle. Deux années de vieillissement dans les Caraïbes équivalent à 6 à 8 années en Écosse.

Plusieurs solutions ont été envisagées pour enrayer ce problème d’évaporation, notamment celle consistant à transférer les barriques de rhum en Europe pour leur vieillissement, sans que l’appel-lation n’en soit affectée. Deux courants s’opposent : les partisans du vieillissement dans le pays d’origine et les partisans du vieillissement en Europe qui souhaitent profiter d’un processus d’esté-rification et d’oxydation plus lent.

R H U M

É L A B O R A T I O N

{ MODE DE CONSOMMATION }

SI LES RHUMS BLANCS SONT SOUVENT PLÉBISCITÉS DANS

L’ÉLABORATION DES COCKTAILS, CERTAINS OFFRENT

CEPENDANT UNE TELLE RICHESSE AROMATIQUE QU’ILS SE

PRÊTENT AISÉMENT AU JEU DE LA DÉGUSTATION. DANS

CETTE CATÉGORIE, LES RHUMS AGRICOLES BLANCS (GRANDS

ARÔMES) MÉRITENT QUE L’ON S’Y ATTARDE. CERTAINS

RHUMS BLANCS DE JAMAÏQUE, POURTANT ÉLABORÉS À

PARTIR DE MÉLASSE, MAIS DISTILLÉS AU SEIN D’ALAMBICS

À REPASSE, SONT ÉGALEMENT REMARQUABLES. PLUS

NATURELS, LES RHUMS BRUNS INVITENT DAVANTAGE À LA

DÉGUSTATION PURE DANS UN VERRE DE TYPE COGNAC.

LES PRINCIPAUX STYLES DE RHUM PAR RÉGION

Si le rhum peut être produit partout dans le monde, celui qui est le plus réputé provient des Caraïbes et d’Amérique du Sud. Marquées par leur histoire, les Caraïbes produisent trois grands types de rhum d’influence coloniale : hispanique, britannique et française. Une influence qui se retrouve dans les noms donnés aux rhums et qui permet d’appréhender trois typicités.

LES RONES Produits à Cuba, au Guatemala, au Panama, en République Dominicaine, au Nicaragua, à Puerto Rico, en Colombie et au Venezuela, ces rhums de tradition hispanique, élaborés à partir de mélasse et distillés dans des alambics à colonnes offrent un caractère très suave et doux et se dénotent par un langage « Añejo, Solera » qui n’est pas sans rappeler l’univers des xérès.

LES RUMS En provenance de la Jamaïque, des îles de Grenade, Barbade, Saint Kitts, de Trinidad ou de la région de Demerara en Guyane, ces rhums d’origine britannique ont, pour la plupart, conservé leur mode de distillation traditionnel dans des alambics à repasse en cuivre. Plus lourds et typés, ces rhums sont majoritairement élaborés à partir de mélasse. Parmi les familles les plus évocatrices, on trouve le Navy Rum, distribué quotidiennenmnt aux marins pendant plus de 3 siècles.

LES RHUMSDe tous les pays producteurs de rhum, la France est le seul pays à avoir doté ses territoires d’outre-mer d’un cadre légal réglementant la production et les appellations autour du rhum. Les Antilles françaises, Guadeloupe, Martinique et Marie-Galante sont reconnues aussi bien pour leur rhum agri-cole ou rhum z’habitant élaboré à partir de la fermentation et de la distillation du pur jus de canne à sucre frais que pour leur rhum traditionnel, contrairement à la Réunion qui, en plus de les produire tous deux, fabrique également des rhums Grands Arômes au style britannique évident.

AUTRES CATÉGORIES DE RHUM

Par son absence de cadre légal strict, le vieillissement du rhum et les appellations qui y sont attachées diffèrent d’un producteur à un autre. Alors que le rhum blanc agricole, lui, séjourne dans des cuves en inox ou en foudres pendant quelques semaines, le rhum ambré est, pour sa part, élevé sous bois pendant 18 mois. Son nom lui vient de sa légère coloration dorée, expliquée par son court séjour en foudre de chêne.

Outre la différence entre rhum agricole et rhum traditionnel qui réside dans le taux d’impureté (TNA) dans la méthode de fabrication, pour bénéficier de l’appellation rhum vieux, les rhums des Antilles françaises doivent séjourner 3 ans minimum dans des fûts de chêne.

D’autres méthodes permettent aux rhums d’arrondir leurs arômes. Le spiced rum ou « rhum arrangé » est le plus souvent un rhum blanc résultant d’une macération avec des épices et des aro-mates.

C L A S S I F I C A T I O N D É G U S T A T I O N

L E G U I D E D E S S P I R I T U E U X

Crédits photo : Velier, Santa Teresa, Savanna, Medine, Rhum JM

R H U M