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IV DU VlEILLISSEMENT C#R#BRAL President • Y. Memin Moderateurs • P.E. Martin, J.P. Macher EPIDleMIOLOGIE I pidemiologie du vieillissement cerebral et poids de celui-ci sur I'etat de sant( des sujets ges O. SAINT-JEAN * RESUM]~ Si l'on commence h mieux cerner l'incidence des syndromes d6mentiels chez les sujets ~g6s, on ne mesure encore qu'imparfaitement le poids exerc6 par le vieillissement c6r6bral, qu'il soit normal ou pathologique, sur l'6tat de sant6 des vieillards. Or il est clair que r6side lh l'un des problSmcs sanitaires majeurs des trente ann6es venir, compte tenu de l'6volution d6mographique. Les 6pid6miologistes se heurtent h de nombreuses difficult6s m6thodologiques. D6finir avec pr6cision ]a pr6valence des diffSrentes formes de d6mence, en particulier des d6mences d6g6n6ratives et vasculaires, requiert la mise au point d'outils diagnostiques h la fois sensibles et sp6cifiques. Si d'6normes progrSs ont 6t6 accomplis, il n'existe pas encore de critSres absolus. Cependant les donn6es chiffr6es disponib]es semblent de plus en plus affin6es. Il reste h pr6ciser les relations nou6es entre le syndrome d6mentiel et l'6tat de sant6 global des sujets ~g6s. La duroc de vie des sujets d6ments est significativement diminu6e, diffSremment selon l'6tiologie du syndrome d6mentiel_ Les causes de d6cSs elles-mSmes sont significativement distinctes entre sujets d6ments et non d6ments, entre d6ments vasculaires et dSments par affections d6g6n6ratives. En revanche, on mesure trSs mal globalement en quoi les pathologies extra-neurologiques modifient l'6volution et la profondeur des troubles des fonctions cognitives des vieillards. Notre discussion sera centr6e sur ces deux derniers points, dont la rentabilit6, individuelle et collective, est 6vidente. Le vieillissement progressif de la population concerne l'ensemble des pays industrialis6s et la France n'6chappe pas ~ ce ph6nom~ne qui boule- verse le paysage sanitaire. L'enjeu des ann6es venir r6side bien dans la pr6vention et le traite- ment des cons6quences du vieillissement, qu'il s'agisse du vieillissement physiologique ou des pa- thologies du grand age. Au sein de cette probl6matique, le vieillissement c6r6bral occupe une place ~l part et pose des pro- * Service de m~decine interne et g~riatrie (Pr J.P. Bouchon), HOpital Charles-Foix, 7, avenue de la R~publique - 94206 lvry- sur-Seine. blames non r6solus. I1 n'existe aucun remade mira- cle et l'enjeu social est majeur pour tous les pays, quel que soit leur mode de protection sociale. Sous le terme de vieillissement c6r6bral nous re- grouperons le vieillissement physiologique - pro- cessus qui concerne le cerveau au m~me titre que les autres organes et qui ne peut aboutir ~a une d6mence - et le vieillissement pathologique - en- semble des affections d'allure d6mentielle qui frappent le sujet ag6, au premier rang desquelles figure la d6mence de type Alzheimer (DTA). Du strict point de vue nosologique une telle stratifica- tion est tr6s discutable; il n'emp6che que d'un point de vue pragmatique, cela marche bien. En

Épidémiologie du vieillissement cérébral et poids de celui-ci sur l'état de santé des sujets âgés

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Page 1: Épidémiologie du vieillissement cérébral et poids de celui-ci sur l'état de santé des sujets âgés

IV DU VlEILLISSEMENT C#R#BRAL

Pres ident • Y. Memin Mode ra teu r s • P.E. Mart in , J.P. Macher

EPIDleMIOLOGIE

I pidemiologie du vieillissement cerebral et poids de celui-ci

sur I'etat de sant( des sujets ges

O. SAINT-JEAN *

RESUM]~

Si l'on commence h mieux cerner l 'incidence des syndromes d6mentiels chez les sujets ~g6s, on ne mesure encore qu' imparfai tement le poids exerc6 par le vieillissement c6r6bral, qu'il soit normal ou pathologique, sur l '6tat de sant6 des vieillards. Or il est clair que r6side lh l'un des problSmcs sanitaires majeurs des trente ann6es venir, compte tenu de l'6volution d6mographique.

Les 6pid6miologistes se heurtent h de nombreuses difficult6s m6thodologiques. D6finir avec pr6cision ]a pr6valence des diffSrentes formes de d6mence, en particulier des d6mences d6g6n6ratives et vasculaires, requiert la mise au point d'outils diagnostiques h la fois sensibles et sp6cifiques. Si d'6normes progrSs ont 6t6 accomplis, il n'existe pas encore de critSres absolus. Cependant les donn6es chiffr6es disponib]es semblent de plus en plus affin6es.

Il reste h pr6ciser les relations nou6es entre le syndrome d6mentiel et l '6tat de sant6 global des sujets ~g6s. La duroc de vie des sujets d6ments est significativement diminu6e, diffSremment selon l'6tiologie du syndrome d6mentiel_ Les causes de d6cSs elles-mSmes sont significativement distinctes entre sujets d6ments et non d6ments, entre d6ments vasculaires et dSments par affections d6g6n6ratives. En revanche, on mesure trSs mal globalement en quoi les pathologies extra-neurologiques modifient l'6volution et la profondeur des troubles des fonctions cognitives des vieillards.

Notre discussion sera centr6e sur ces deux derniers points, dont la rentabilit6, individuelle et collective, est 6vidente.

Le vieill issement progressif de la population concerne l 'ensemble des pays industrialis6s et la France n '6chappe pas ~ ce ph6nom~ne qui boule- verse le paysage sanitaire . L 'enjeu des ann6es venir r6side bien dans la pr6vention et le trai te- ment des cons6quences du vieil l issement, qu ' i l s 'agisse du vieill issement physiologique ou des pa- thologies du grand age.

Au sein de cette probl6matique, le vieill issement c6r6bral occupe une place ~l part et pose des pro-

* Service de m~decine interne et g~riatrie (Pr J.P. Bouchon), HOpital Charles-Foix, 7, avenue de la R~publique - 94206 lvry- sur-Seine.

blames non r6solus. I1 n 'existe aucun remade mira- cle et l 'enjeu social est majeur pour tous les pays, quel que soit leur mode de protect ion sociale.

Sous le terme de vieill issement c6r6bral nous re- grouperons le vieillissement physiologique - pro- cessus qui concerne le cerveau au m~me t i t re que les autres organes et qui ne peut about i r ~a une d6mence - et le vieillissement pathologique - en- semble des affections d ' a l lu re d6ment ie l le qui f rappent le sujet ag6, au premier rang desquelles figure la d6mence de type Alzhe imer (DTA) . Du strict point de vue nosologique une telle s trat i f ica- tion est tr6s d i scu tab le ; il n 'emp6che que d 'un point de vue pragmat ique, cela marche bien. En

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fait, le vieillissement c6r6bral, sous toutes ses for- mes, occupe une position centrale qui s'explique h la lois par la grande pr6valence des syndromes d6- mentiels chez les sujets ~g6s et par les relations ambigu~s que nouent vieillissement c6r6bral et 6tat de sant6 des sujets ~g6s.

D'une analyse plus fine de ces relations pour- raient naitre une strat6gie sanitaire globale et une strat6gie th6rapeutique individuelle pour chaque vieillard. De telles strat6gies doivent ~tre sous-ten- dues par la notion de rentabilit6, individuelle et collective, avec le souci de pr6server au mieux l'autonomie et /ou la qualit6 de vie des grands vieillards. Notre propos est ici d'explorer ce que l'6pid6miologie descriptive du vieillissement c6r6- bral -- sous ses deux formes - e t la pratique g6ria- trique peuvent apporter ~ un tel d6bat.

LE CONTEXTE Di~MOGRAPHIQUE

I1 importe de rappeler les formes du vieillisse- ment relatif et absolu de la population fran~aise. Les donn6es, quantifi6es ici d'apr6s les r6sultats du dernier recensement (1), adoptent des profils similaires dans l'ensemble des pays d6velopp6s, en particulier dans les pays scandinaves et anglo- s a x o n s .

Les sujets ~g6s de plus de 65 ans sont actuelle- ment environ 7 millions, soit 12,8 p. 100 de la population, les plus de 75 ans 3,5 millions et les plus de 85 ans 0,7 million. Dans les 30 ann6es h venir, l 'effectif des plus de 85 ans va plus que doubler : 1,1 million en l'an 2000, plus de 1,5 mil- lion en 2030. Si toutes choses demeurent 6gales par ailleurs, le nombre de sujets Ag6s d6pendants ou d6ments dolt art moins 6tre multipli6 par deux dans un proche avenir. Ce fait et le cri d 'alarme lanc6 par le Conseil l~conomique et Social en 1986 dans son rapport sur les personnes fig6es en France (2) attestent bien l'acuit6 du problSme.

I~PIDI=MIOLOGIE DESCRIPTIVE DU VIEILLISSEMENT CI~RI~BRAL

Les difficult6s m6thodologiques et le peu d'int6- r6t pour ce probl6me oat fait que des donn6es pr6- cises ne sont disponibles que depuis les ann6es soixante-dix_ Les travaux les plus d6taill6s sont surtout des travaux scandinaves et am6ricains mais les similitudes d'6tat sanitaire et social auto- risent une extrapolation ?t la France.

Cependant ces donn6es ne concernent que les formes pathologiques du vieillissement c6r6bral. On ne sait rien, ou presque, sur le vieillissement

physiologique. Quelles sont l'incidence, la pr6va- lence et les cons6quences de la discrete mais cer- taine alt6ration des programmes cognitifs avec l'~ge ? La r6ponse est d 'autant plus d61icate concevoir que ces ph6nom6nes sont infiniment va- riables d'un sujet b. l 'autre, que leur diff6rencia- tion avec un forme d6butante de DTA est impossi- ble et que le vieillissement des divers programmes cognitifs est lui-m~me diff6rentiel chez un m6me sujet.

En revanche, on sait qu'il existe actuellement aux USA 1,2 million de sujets ~,g6s de plus de 60 ans pr6sentant une d6mence s6v6re e t que 2,5 millions souffrent d'une forme mod6r6e ou moyenne (3). Par analogie, il existerait donc en France entre 300 000 et 350 000 d6ments lourde- ment atteints.

L'analyse 6tiologique des syndromes d6mentiels a consid6rablement progress6 depuis 20 ans. Les crit6res cliniques, neuropsychologiques et paracli- niques ont vu cro~tre leur sensibilit6 et leur sp6cifi- cit6 jusqu'h des taux de 70 h 90 p. 100, autorisant finalement une connaissance assez pr6cise de la r6partition des diff6rentes 6tiologies. De nombreu- ses et excellentes revues de la litt6rature ont 6t6 publi6es sur ce sujet et nous nous contenterons ici d'exposer les grandes tendances.

La DTA repr6sente de loin l'6tiologie principale de syndromes d6mentiels des sujets ~ig6s (3, 4). Sa pr6valence augmen~e avec l'~.ge, passant de 1 p. 100 entre 65 et 74 ans h plus de 10 p. 100 au-delh de 85 ans, plus importante chez la femme que chez l'homme.

De mfme l'incidence annuelle croit exponentiel- lement avec l'~ge, sup6rieure h 10 pour 1 000 ha- bitants au-delh de 75 ans, tr6s sup6rieure h cet ~ge h celle des infarctus du myocarde. A 85 ans la probabilit6 pour un sujet d'etre atteint de DTA semble 6tre de 29 p. 100 aux USA (5).

L'6volution de ces param6tres 6pid6miologiques au-delh de 85 ans est incertaine. Un travail neuro- pathologique (6) sugg~re une r6duction de la fr6- quence de la DTA au-delh de 90 ans, d'autres tra- vaux pr6sentent des conclusions divergentes (7).

L'6pid6miologie r6cente des d6mences vasculai- res est moins pr6cis6ment connue. La prise en compte des facteurs de risque vasculaire, particu- li6rement le traitement de l'hypertension art6rielle, expliquerait la tendance ?~ la baisse de fr6quence de ce type de d6mence observ6e depuis 10 15 ans (3).

Les d 6 m e n c e s v a s c u l a i r e s d e m e u r e n t la deuxi6me cause de d6mence, loin devant les autres maladies neurologiques (hydroc6phalie h presSion normale, maladie de Parkinson, de Pick, etc.,) et les affections psychiatriques.

Enfin, la fr6quence r6elle des ,, fausses d6men- ces ,,, li6es ~ des syndromes d6pressifs, des troubles m6taboliques ou h la iatropathologie, est inconnue.

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Les quelques travaux de la litt6rature, portant sur des s6ries d'une centaine de malades, ne peuvent valablement approcher la r6alit6 6pid6miologique du ph6nom6ne.

VIEILLISSEMENT CERI~BRAL ET ¢:TAT DE SANTI~ DU SUJET ,~,GI~

Le deuxi6me aspect de notre propos est d'explo- rer les relations que nouent vieillissement c6r6bral et 6tat de sant6 des sujets ~g6s, ce sous deux an- gles diff6rents qui sont :

- en quoi le vieillissement c6r6bral influence-t-il la mortalit6 et la morbidit6 des sujets ~g6s ?

- en quoi les 6v6nements ext6rieurs et les pa- thologies extra-neurologiques modifient-ils l'6volu- tion et l'expression des troubles des fonctions co- gnitives des vieillards ?

La rentabilit6 de cette deuxi~me d6marche est 6vidente en ce qu'elle promet de modulation d'ex- pression de pathologies telle ia DTA dont le trai- tement sp6cifique reste 5 d6couvrir.

Mortalite et morbidite chez les vieillards presentant

un syndrome dementiel Pour des raisons m6thodologiques - d6j~ expos6es

- ce que change le vieillissement c6r6bral ~ rexpres- sion de la morbidit6 et de la mortalit6 des sujets ~ig6s n'est explorable que pour les vieillards atteints de syndromes d6mentiels - clu vieillissement pathologi- que- . En effet, le r61e du vieillissement physiologique n'est pas pr6cisable, m6me si l'on pressent que les petits troubles mn6siques participent aux accidents iatrog~nes et aux chutes chez le sujet ~g6.

En revanche, depuis peu et essentiellement grace ~ des travaux scandinaves et am6ricains, on conna[t mieux le devenir des sujets ~g6s d6ments.

Molsa et coil (8, 9) rapportent en 1984 et 1986 les donn6es du suivi de plus de 300 d6ments sur une p6riode de 6 ans. Les patients souffraient de DTA, de d6mence vasculaire ou de forme mixte associant 16sions vasculaires et d6g6n6rescence de type Alzheimer. La survie ~ 6 ans attendue est estim6e selon les tables d'esp6rance de vie usuelle, int6grant age, sexe et pathologie associ6e. Le taux de survie observ6 ~ 6 ans (tableau I) est r6duit pour les d6ments, d'une mani6re significative.

Cette r6duction semble plus forte pour les pa- tients pr6sentant une d6mence d'origine vasculaire, alors que le degr6 de d6mence h l'entr6e dans l'6tude semblait homog6ne dans les trois groupes. Plus pr6cis6ment, les d6ments vasculaires pr6sen- tent d6s ia deuxi6me ann6e un taux de mortalit6 significativement plus 61ev6 que les sujets atteints de DTA (fig. 1).

1.0

0.5

Maladie d'Alzheimer Ddmence vasculaire

I I I suivi en ann6es 2 4 6

Fig. 1 Survie relative dans la maladie d'Alzheimer et la d6mence vas- culaire. D'apr6s Molsa et eoll (9)

Ces travaux~ bien que controvers6s dans leur m6thodologie et notamment en ce qui concerne les crit6res de d6finition des trois groupes de patients, ont le grand m6rite d'exister et tendent h ~tre confirm6s par d'autres 6tudes, am6ricaines en par- ticulier (10, 11).

Plus pr6cis6ment les causes de d6c~s semblent diff6rentes seion l'6tiologie de la d6mence. Dans les travaux de Molsa (9) on retrouve sans surprise une plus forte fr6quence de d6c6s par accident vasculaire c6r6bral chez les d6ments vasculaires (33 p. 100) que chez les d6ments de types Alzhei- mer (9,3 p. 100) (tableau II). En revanche, les d6c~s directement imputables au ,, symptfme d6- mence ,, semblent plus fr6quemment en cause dans la DTA (68 p. 100) que dans la d6mence vascu- laire (38,2 p. 100), alors m6me que le degr6 de

.d6mence h l 'entr6e dans l '6tude semblai t en moyenne 6quivalent dans les deux groupes. I1 est 6vident que la r6partition des causes de d6c6s des d6ments est diff6rente de celle observ6e dans la population g6n6rale des sujets fig6s. La fr6quence des d6c6s par n6oplasie est particuli6rement faible chez les d6ments, refl6tant probablement plus rabsence d'exploration paraclinique chez les d6- ments qu'une r6alit6 6pid6miologique. Cependant, il n'existe pas h notre connaissance de travail por- tant sur ies autres formes de d6mences (en parti- culier maladie de Parkinson, de Steele Richard- son, etc.)~

Ces diff6rents travaux mettent en 6vidence l'existence de causes de d6c6s li6es au sympt6me d6mence, confirm6s par d'autres 6tudes (12-15). I1 y aurait ' certes beaucoup ~ dire sur l'imputabilit6 du d6c6s d'un vieillard d6ment ~ telle ou telle cause. Mais lb. encore, ces 6tudes ont le m6rite d'exister.

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TABLEAU I

SURVIE DES PATIENTS AGI~S DI~MENTS

Survie h 6 ans (en %)

Attendue Observ6e

D6mence de Type Alzheimer (n = 218) D6mence vasculaire (n = 115) D6mence mixte (n = 37)

48,5 21,1"* 45,2 11,9"* 40,8 18,9"

* = p < 0 , 5 ; * * = p < 001 (D'aprdsMolsaetcoll(8)

TABLEAU II

CAUSES DE DI~CI~S DANS LA DTA ET LA DI~MENCE VASCULAIRE (DV) (EN %)

Causes DTA DV Population g6n6rale

Li6es ~t la d6mence 68 (54 %) 38,2 (69 %) 1 (dont % de pneumopathie)

Accident vasculaire c6r6bral 9,3 33,3 13,3 Maladie cardiaque ou vasculaire p6riph6rique 3,5 7,8 33,8

N6oplasie 2,3 3,9 15,5 Autres 16,9 16,8 36,4

TABLEAU III

DI~CI~S LIltS AU SYMPTOME DI~MENCE

Infections (septic6mie, pneumopathie) Traumatisme (cr~ne, f6mur) Marasme nutritionnel Escarres Corps 6trangers dans les voies a6riennes sup6rieures

Le tableau III r6capitule les circonstances de d6c6s le plus fr6quemment observ6es chez les dg- ments et qui semblent corr61ges a I'existence du ,, sympt6me dgmence ,,. Les infections sont au pre- mier plan, avec les cons6quences des chutes et de la grabatisation. L'incidence des d6shydratations n'est pas connue.

Fait capital, et qui ici n 'appellera pas de commentaires, ces diff6rentes pathologies sont en r6gle accessibles h u n traitement (h cet 6gard, les antibiotiques semblent - entre les ann6es trente et aujourd'hui - avoir consid6rablement allong6 la dur6e de vie des d6ments).

Malgr6 l 'importance des travaux d6jh r6alis6s on manque encore d'informations pr6cises sur ces

variations de mortalit6 et de morbidit6, en particu- lier corr616es au degr6 de d6mence et compar6es entre les diff6rentes formes de d6mence.

Poids des pathologies associees sur le vieillissement cerebral

Ce dernier point est extr6mement difficile 5 ap- pr6cier sur une population ou un groupe de sujets ag6s. En revanche, il est 7t l'6chelon individuel du vieillard h soigner d'une rentabilit6 exceptionnelle. Devant l 'aggravation des manifestations cliniques du vieillissement c6r6bral, qu'il s'agisse de vieillis- sement physiologique ou de vieillissement patholo-

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gique, la recherche d 'un facteur d6clanchant cura- ble est capitale, tant que le vieillissement c6r6bral lui-m6me ne b6n6ficie pas de th6rapeutique sp6ci- fique.

J.P. Bouchon (16, 17) propose une mod61isation pragmat ique qui rend compte du fait que le cer- veau, face au processus de vieillissement, doit ~tre consid6r6 comme un organe identique aux autres. L '6tat fonctionnel de cet organe rend compte de l 'addition de trois facteurs :

- le vieillissement (le ,, un '0 - u n e 6ventuelle pathologie de l 'o rgane (le

,, deux ,,) - une agression intercurrente (le ,, trois ,,) dont

la nature est ext r6mement variable et le plus sou- vent sans rapport direct avec l 'organe.

Le poids des pathologies intercurrentes ou asso- ci6es (le , , trois, ,) sur le vieillissement c6r6bral physiologique (le , un ,,) ou pathologique (le ,, un plus deux, ,) r6side bien dans les termes de cette 6quation (fig. 2). En pratique devant l 'apparition

1 : vieillissernent physiologique

2: maladie "c~,r/,brale"

seuil de d~mence ? ~ ?

1+3 1+2+3 1+2

Fig. 2 I~tat de sant6 global et expression clinique du vieillissement c6r6bral. Bouchon (17)

d'un syndrome d6mentiel ou devant l 'aggravat ion clinique d 'une d6mence connue, il faut traquer tout facteur 6ventuellement causal: une an6mie, un trouble du ry thme cardiaque a fr6quence ra- pide, une hypoxie, l 'effet ind6sirable d 'une th6ra-

peutique, une d6shydratation, une h6morragie m6- n i n g 6 e ou un h 6 m a t o m e s o u s d u r a l , u n e hypothyrofdie, etc...

I! n'existe malheureusement pas d '6tude 6pid6- miologique permet tant de mieux pr6ciser ce que la p ra t ique g6riatr ique apprend quot id iennement . Une r6ponse parcellaire est cependant donn6e par le travail de Larson et coll. (18) qui explorent les pathologies associ6es chez 200 sujets ,~g6s d6- ments, qu'il s 'agisse de pathologies de reconnais- sance nouvelle ou de pathologies anciennes dont le t ra i tement est insuffisant. Cent quinze maladies nouvelles ou maladies anciennes insuff isamment trait6es sont d6couvertes chez ces 200 sujets d6- ments dont un grand nombre (an6mie, d6pression, carences vitaminiques, accidents m6dicamenteux, bas d6bit cardiaque, hypothyro'~die, etc.) sont connues pour provoquer de ,, fausses d6mences ~, ou aggraver l'6volution d 'un processus d6mentiel. MSme si une telle 6rude ne permet pas de compa- rer avec des sujets de m6me ~ge non d6ments, on pressent malgr6 tout le r61e que de telles patholo- gies de rencontre peut jouer sur l 'expression clini- que d 'une forme de vieillissement c6r6bral. I1 y a dans ces diagnostics ~ ne pas manquer une renta- bilit6 individuelle 6vidente. En pratique, m6me de- vant une DTA av6r6e, il est indispensable de tra- quer le ou les facteurs aggravants.

CONCLUSION

I1 est clair que les param~tres 6pid6miologiques du vieillissement c6r6bral sont incontournables et que la fr6quence des syndromes d6mentiels du su- jet fig6 pose un probl~me th6rapeutique et sani- taire non encore r6solu. Cependant , devant un syndrome d6mentiel, il importe de faire la part de ce qui, dans l 'intensit6 du sympt6me d6mence, re- vient h une authentique d6mence et ,~ une patholo- gie intercurrente 6ventuellement curable. I1 y a dans cette derni6re att i tude une strat6gie de renta- bilit6 dont le b6n6fice est 6vident et qui plaide pour le d6veloppement de cette m6decine transdis- ciplinaire du sujet fig6 qu'est la g6riatrie.

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