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Epidémiologies croisées de l'obésité etdes troubles respiratoires du sommeil
J.-P. Laaban'
EPIDEMIOLOGIE DE L'OBESITE
L'obésité est une maladie définie par un excès de masse grasseayant des conséquences somatiques, psychologiques etsociales, et retentissant sur la qualité de vie. L'indice de massecorporelle (IMC), qui est le rapport du poids (en kilogramme)
sur le carré de la taille (en mètre), est la référence internationalepour définir l'obésité. L'obésité est définie par un IMC ~ 30
kg/m', seuil à partir duquel l'augmentation de la mortalitédevient significative. L'obésité modérée est définie par un IMCentre 30 et 34,9, l'obésité sévère par un IMC entre 35 et 39,9 etl'obésité morbide ou massive par un IMC ~ 40 kg/m'. Lesurpoids est défini par un IMC entre 25 et 29,9 kg/m'.
L'obésité est un problème majeur de santé publique qui
n'épargne pas la France. Les résultats de la dernière étude
épidémiologique sur la prévalence de l'obésité et du surpoidsen France, l'enquête ObEpi 2003, permettent d'apprécier lagravité de la situation. Cette enquête a porté sur 25 770personnes âgées de 15 ans et plus, représentatives de lapopulation française, et a été réalisée grâce à une collaborationentre l'Institut Roche de l'Obésité, la SOFRES et l'INSERM. Les
enquêtes précédentes ont été réalisées en 1997 et en 2000.
La prévalence de l'obésité est de 11,3 % en 2003, ce quireprésente 5,39 millions de personnes obèses en France. Laprévalence du surpoids est de 30,3 %, soit 14,45 millions depersonnes en sürpoids. La prévalence de l'obésité est passée de8,2 % en 1997 à 9,6 % en 2000 et à 11,3 % en 2003. La
prévalence de l'obésité augmente donc à un rythme très
inquiétant de 5 % par an environ. La prévalence du surpoids a
également augmenté de façon importante: 28,5 % en 1997,
29,4 % en 2000 et 30,3 % en 2003. Un autre résultat inquiétantest le doublement de la prévalence de l'obésité massive qui estpassée de 0,3 % en 1997 à 0,6 % en 2003. L'obésité et lesurpoids progressent dans toutes les tranches d'âge, etparticulièrement après 65 ans. Entre 15 et 45 ans, l'obésité estplus fréquente chez les femmes, et entre 45 et 65 ans, l'obésité
est plus fréquente chez les hommes, alors qu'après 65 ans, la
prévalence de l'obésité est comparable dans les deux sexes. Lesurpoids est nettement plus fréquent chez les hommes que
chez les femmes, et touche près d'un homme sur deux à partirde 45 ans. L'obésité a progressé au cours des six dernières
années dans toutes les catégories socioprofessionnelles, lesprofessions les plus touchées étant les artisans-commerçants(16,1 %), les agriculteurs (13,2 %) et les ouvriers (12,7 %) alorsque les cadres supérieurs et les professions libérales sont moinsatteints (8,3 %). Les retraités ne sont pas épargnés par l'obésité(15,5 %). Il existe une relation inverse entre le niveaud'instruction et la prévalence de l'obésité. L'obésité a progressédans toutes les régions et les plus hautes prévalences sontobservées dans le Nord (15,3 %) et dans le Bassin Parisien (12,8%). Si l'obésité continue de progresser à ce rythme, lapopulation française comptera 20 % d'obèses en 2020.
PREVALENCE DU SAS DANS L'OBESITE
Le syndrome d'apnées obstructives du sommeil (SAS) estl'étiologie essentielle des troubles du sommeil chez l'obèse.L'obésité est un facteur de risque majeur du SAS. On considèreclassiquement que 60 à 70% des patients atteints de SAS sontobèses. En fait, cette fréquence dépend du type de recrutementdu centre de sommeil. Des données intéressantes sont fourniespar la Sleep Heart Health Study qui a inclus 6 132 sujetsrecrutés dans la population générale et ayant bénéficié d'unepolysomnographie systématique (1). La prévalence de l'obésitéest égale à respectivement 41 %,49 % et 61 % chez les sujetsayant un index d'apnées-hypopnées compris entre 5 et 15/h,entre 15 et 30/h et supérieur à 30/h.
Le SAS est une complication fréquente de l'obésité, mais laprévalence exacte du SAS dans l'obésité n'est pas connue aveccertitude.
L'étude épidémiologique la plus importante concernant lafréquence du SAS dans l'obésité est la Swedish Obese SubjectsStudy qui a inclus 3 034 sujets obèses avec un IMC supérieur à
35 kg/m' (2). La prévalence du SAS défini par un critère clinique(association d'apnées constatées et d'un ronflementimportant) est de 26% chez les hommes et de 9% chez lesfemmes. Mais dans cette étude, les sujets n'ont pas eu depolysomnographie.
Plusieurs études incluant une polysomnographie systématiqueont montré que la prévalence du SAS était élevée dans l'obésitésévère ou morbide, le plus souvent comprise entre 10 et 50 %.
(7) Service de Pneumologie, Hôtel-Dieu de Paris, l,place du Parvis Notre-Dame,75181 PARIS Cedex 04 - ®:0142 34 84 39 - fax:OI 42348199e-mail:[email protected]
MEDECINE DU SOMMEIL - Année 1- Juillet - Août - Septembre
dossier
Epidémiologies croisées de l'obésité etdes troubles respiratoires du sommeil
J.-P. Laaban'
EPIDEMIOLOGIE DE L'OBESITE
L'obésité est une maladie définie par un excès de masse grasseayant des conséquences somatiques, psychologiques etsociales, et retentissant sur la qualité de vie. L'indice de massecorporelle (IMC), qui est le rapport du poids (en kilogramme)
sur le carré de la taille (en mètre), est la référence internationalepour définir l'obésité. L'obésité est définie par un IMC ~ 30
kg/m', seuil à partir duquel l'augmentation de la mortalitédevient significative. L'obésité modérée est définie par un IMCentre 30 et 34,9, l'obésité sévère par un IMC entre 35 et 39,9 etl'obésité morbide ou massive par un IMC ~ 40 kg/m'. Lesurpoids est défini par un IMC entre 25 et 29,9 kg/m'.
L'obésité est un problème majeur de santé publique qui
n'épargne pas la France. Les résultats de la dernière étude
épidémiologique sur la prévalence de l'obésité et du surpoidsen France, l'enquête ObEpi 2003, permettent d'apprécier lagravité de la situation. Cette enquête a porté sur 25 770personnes âgées de 15 ans et plus, représentatives de lapopulation française, et a été réalisée grâce à une collaborationentre l'Institut Roche de l'Obésité, la SOFRES et l'INSERM. Les
enquêtes précédentes ont été réalisées en 1997 et en 2000.
La prévalence de l'obésité est de 11,3 % en 2003, ce quireprésente 5,39 millions de personnes obèses en France. Laprévalence du surpoids est de 30,3 %, soit 14,45 millions depersonnes en sürpoids. La prévalence de l'obésité est passée de8,2 % en 1997 à 9,6 % en 2000 et à 11,3 % en 2003. La
prévalence de l'obésité augmente donc à un rythme très
inquiétant de 5 % par an environ. La prévalence du surpoids a
également augmenté de façon importante: 28,5 % en 1997,
29,4 % en 2000 et 30,3 % en 2003. Un autre résultat inquiétantest le doublement de la prévalence de l'obésité massive qui estpassée de 0,3 % en 1997 à 0,6 % en 2003. L'obésité et lesurpoids progressent dans toutes les tranches d'âge, etparticulièrement après 65 ans. Entre 15 et 45 ans, l'obésité estplus fréquente chez les femmes, et entre 45 et 65 ans, l'obésité
est plus fréquente chez les hommes, alors qu'après 65 ans, la
prévalence de l'obésité est comparable dans les deux sexes. Lesurpoids est nettement plus fréquent chez les hommes que
chez les femmes, et touche près d'un homme sur deux à partirde 45 ans. L'obésité a progressé au cours des six dernières
années dans toutes les catégories socioprofessionnelles, lesprofessions les plus touchées étant les artisans-commerçants(16,1 %), les agriculteurs (13,2 %) et les ouvriers (12,7 %) alorsque les cadres supérieurs et les professions libérales sont moinsatteints (8,3 %). Les retraités ne sont pas épargnés par l'obésité(15,5 %). Il existe une relation inverse entre le niveaud'instruction et la prévalence de l'obésité. L'obésité a progressédans toutes les régions et les plus hautes prévalences sontobservées dans le Nord (15,3 %) et dans le Bassin Parisien (12,8%). Si l'obésité continue de progresser à ce rythme, lapopulation française comptera 20 % d'obèses en 2020.
PREVALENCE DU SAS DANS L'OBESITE
Le syndrome d'apnées obstructives du sommeil (SAS) estl'étiologie essentielle des troubles du sommeil chez l'obèse.L'obésité est un facteur de risque majeur du SAS. On considèreclassiquement que 60 à 70% des patients atteints de SAS sontobèses. En fait, cette fréquence dépend du type de recrutementdu centre de sommeil. Des données intéressantes sont fourniespar la Sleep Heart Health Study qui a inclus 6 132 sujetsrecrutés dans la population générale et ayant bénéficié d'unepolysomnographie systématique (1). La prévalence de l'obésitéest égale à respectivement 41 %,49 % et 61 % chez les sujetsayant un index d'apnées-hypopnées compris entre 5 et 15/h,entre 15 et 30/h et supérieur à 30/h.
Le SAS est une complication fréquente de l'obésité, mais laprévalence exacte du SAS dans l'obésité n'est pas connue aveccertitude.
L'étude épidémiologique la plus importante concernant lafréquence du SAS dans l'obésité est la Swedish Obese SubjectsStudy qui a inclus 3 034 sujets obèses avec un IMC supérieur à
35 kg/m' (2). La prévalence du SAS défini par un critère clinique(association d'apnées constatées et d'un ronflementimportant) est de 26% chez les hommes et de 9% chez lesfemmes. Mais dans cette étude, les sujets n'ont pas eu depolysomnographie.
Plusieurs études incluant une polysomnographie systématiqueont montré que la prévalence du SAS était élevée dans l'obésitésévère ou morbide, le plus souvent comprise entre 10 et 50 %.
(7) Service de Pneumologie, Hôtel-Dieu de Paris, l,place du Parvis Notre-Dame,75181 PARIS Cedex 04 - ®:0142 34 84 39 - fax:OI 42348199e-mail:[email protected]
MEDECINE DU SOMMEIL - Année 1- Juillet - Août - Septembre
dossierLa prévalence du SAS est de 42% (25/60) dans l'étude deLaaban et coll. (3) qui a inclus des patients hospitalisésconsécutivement pour le bilan d'une obésité massive (IMCmoyen : 50 kg/m 2
). Vgontzas et coll. (4) ont réalisé de façonsystématique une polysomnographie chez 200 femmes et 50hommes ayant une obésité sévère ou morbide (IMC moyen :45,3 kg/m 2
), indépendamment de l'existence de symptômes deSAS. La prévalence d'un SAS nécessitant un traitement est égaleà 10,4%, 40% chez les hommes et 3% chez les femmes. Resta etcoll. (5) ont réalisé une polysomnographie de façonsystématique chez 161 sujets obèses (104 femmes, 57 hommes)ayant un IMC moyen de 43,4 kg/m2. La prévalence du SAS (IAH> 10/h) est de 51,5 %, plus élevée chez les hommes (75 %) quechez les femmes (38 %). La prévalence d'un SAS grave (IAH >30/h) est de 25 % (42 % chez les hommes et 15 % chez lesfemmes).
La corrélation entre l'index d'apnées-hypopnées et l'IMC estplus forte chez les sujets de moins de 65 ans que chez les sujetsde plus de 65 ans, en particulier chez les femmes. Pour un indexd'apnées-hypopnées comparable, les femmes ont un IMC plusélevé que les hommes. Le niveau d'obésité nécessaire pourentraîner un SAS est donc plus élevé chez les femmes que chezles hommes.
Le SAS est très fréquent chez les patients ayant un syndromeobésité-hypoventilation (dénomination actuelle du syndromede Pickwick), défini par l'association d'une obésité et d'unehypoventilation alvéolaire diurne (Pa02 < 70 mm Hg et PaC02 >45 mm Hg). Dans l'étude de Kessler et coll. (6), la prévalence duSAS atteint 88 % dans le syndrome obésité-hypoventilation, etil s'agit le plus souvent d'un SAS sévère.
Il existe une corrélation entre l'importance de l'obésité et lasévérité de l'hypoxémie nocturne, en raison d'une diminutionplus importante des réserves en oxygène, liée à la baisse duvolume de réserve expiratoire. On peut ainsi observer, dans lesobésités massives, des hypoxémies nocturnes profondes, alorsque l'index d'apnées-hypopnées n'est pas très élevé.
SAS ET TYPE D'OBESITE
Le type d'obésité joue un rôle important dans la relation entreSAS et obésité. L'obésité androïde ou abdominale estcaractérisée par une prédominance de la masse adipeuse dansla partie centrale et supérieure du corps, en particulier auniveau de l'abdomen, alors que l'obésité gynoïde estcaractérisée par une répartition prédominante de la masseadipeuse dans la partie inférieure et périphérique du corps.L'obésité abdominale est définie par un rapport tour detaille/tour de hanche> 0,85 chez la femme et > 1 chez l'homme,ou par un tour de taille> 90 cm chez la femme et > 100 cm chezl'homme.
L'obésité abdominale est un facteur de risque de SAS plusimportant que l'obésité gynoïde. Hoffstein et coll. (7) ont
•
montré, chez 670 ronfleurs ayant eu une polysomnographie,que l'index d'apnées-hypopnées est mieux corrélé, en analysemultivariée, avec le périmètre cervical qu'avec l'IMC. Lepérimètre cervical, qui est un marqueur d'obésité centrale,explique 26 % de la variabilité de l'index d'apnées-hypopnées,et il est plus élevé chez des patients ayant un SAS que chez desronfleurs non apnéiques, appariés pour l'IMC et l'âge (7).
Dans l'étude de Grunstein et coll. (8) qui a inclus 1 464 hommesayant bénéficié d'une polysomnographie pour suspicion deSAS, l'index d'apnées-hypopnées est corrélé à l'IMC, aupérimètre cervical et au tour de taille; mais la corrélation la plusforte est observée entre l'index d'apnées-hypopnées et le tourde taille. Dans l'étude de Resta et coll. (5) citée plus haut, l'indexd'apnées-hypopnées est corrélé à l'IMC, au périmètre cervical,au tour de taille et au rapport taille/hanche, chez les hommes etchez les femmes; mais en analyse multivariée la corrélation laplus forte est observée avec le périmètre cervical chez leshommes et avec l'IMC chez les femmes.
Shinohara et coll. (9) ont évalué, par tomodensitométrie, larépartition de la masse adipeuse chez des patients obèsesayant ou non un SAS. La surface occupée par la graisse viscéraleintra-abdominale est plus élevée chez les obèses apnéiquesque chez les obèses non apnéiques alors que l'IMC ne diffèrepas entre les deux groupes. L'index d'apnées est corrélé à
l'accumulation de graisse viscérale intra-abdominale,indépendamment de la masse adipeuse totale et de la massemaigre.
Le SAS est plus fréquent chez l'homme obèse que chez lafemme obèse, et cette différence est due en partie au fait quel'obésité est plus souvent androïde chez l'homme, et plussouvent gynoïde chez la femme. Newman et coll. (la) ontmontré, dans la Sleep Heart Health Study que l'index d'apnéeshypopnées était corrélé au rapport taille/hanche,indépendamment de l'âge et de l'IMC, mais uniquement chezles hommes et pas chez les femmes. Pour un degré comparabled'obésité centrale, les hommes ont un SAS plus sévère que lesfemmes.
L'obésité massive est un facteur de risque essentiel de SAS chezla femme, mais plusieurs études ont montré que l'indexd'apnées-hypopnées était corrélé au périmètre cervical et autour de taille chez les femmes obèses (8).
Il apparaît donc qu'il existe des liens étroits entre le SAS etl'obésité androïde, en particulier chez l'homme. Cependant, onne dispose pas de données épidémiologiques précises sur laprévalence du SAS dans l'obésité androïde.
Des facteurs hormonaux contribuent probablement à laprévalence plus élevée du SAS chez l'homme. L'influence de laménopause sur les troubles respiratoires nocturnes a étédémontrée par des études publiées récemment sur deuxcohortes américaines. Dans la Wisconsin Sleep Cohort Study, leSAS est plus fréquent chez les femmes ménopausées que chezles femmes non ménopausées, indépendamment des autres
MEDECINE DU SOMMEIL - Année 1- Juillet - Août - Septembre
dossierLa prévalence du SAS est de 42% (25/60) dans l'étude deLaaban et coll. (3) qui a inclus des patients hospitalisésconsécutivement pour le bilan d'une obésité massive (IMCmoyen : 50 kg/m 2
). Vgontzas et coll. (4) ont réalisé de façonsystématique une polysomnographie chez 200 femmes et 50hommes ayant une obésité sévère ou morbide (IMC moyen :45,3 kg/m 2
), indépendamment de l'existence de symptômes deSAS. La prévalence d'un SAS nécessitant un traitement est égaleà 10,4%, 40% chez les hommes et 3% chez les femmes. Resta etcoll. (5) ont réalisé une polysomnographie de façonsystématique chez 161 sujets obèses (104 femmes, 57 hommes)ayant un IMC moyen de 43,4 kg/m2. La prévalence du SAS (IAH> 10/h) est de 51,5 %, plus élevée chez les hommes (75 %) quechez les femmes (38 %). La prévalence d'un SAS grave (IAH >30/h) est de 25 % (42 % chez les hommes et 15 % chez lesfemmes).
La corrélation entre l'index d'apnées-hypopnées et l'IMC estplus forte chez les sujets de moins de 65 ans que chez les sujetsde plus de 65 ans, en particulier chez les femmes. Pour un indexd'apnées-hypopnées comparable, les femmes ont un IMC plusélevé que les hommes. Le niveau d'obésité nécessaire pourentraîner un SAS est donc plus élevé chez les femmes que chezles hommes.
Le SAS est très fréquent chez les patients ayant un syndromeobésité-hypoventilation (dénomination actuelle du syndromede Pickwick), défini par l'association d'une obésité et d'unehypoventilation alvéolaire diurne (Pa02 < 70 mm Hg et PaC02 >45 mm Hg). Dans l'étude de Kessler et coll. (6), la prévalence duSAS atteint 88 % dans le syndrome obésité-hypoventilation, etil s'agit le plus souvent d'un SAS sévère.
Il existe une corrélation entre l'importance de l'obésité et lasévérité de l'hypoxémie nocturne, en raison d'une diminutionplus importante des réserves en oxygène, liée à la baisse duvolume de réserve expiratoire. On peut ainsi observer, dans lesobésités massives, des hypoxémies nocturnes profondes, alorsque l'index d'apnées-hypopnées n'est pas très élevé.
SAS ET TYPE D'OBESITE
Le type d'obésité joue un rôle important dans la relation entreSAS et obésité. L'obésité androïde ou abdominale estcaractérisée par une prédominance de la masse adipeuse dansla partie centrale et supérieure du corps, en particulier auniveau de l'abdomen, alors que l'obésité gynoïde estcaractérisée par une répartition prédominante de la masseadipeuse dans la partie inférieure et périphérique du corps.L'obésité abdominale est définie par un rapport tour detaille/tour de hanche> 0,85 chez la femme et > 1 chez l'homme,ou par un tour de taille> 90 cm chez la femme et > 100 cm chezl'homme.
L'obésité abdominale est un facteur de risque de SAS plusimportant que l'obésité gynoïde. Hoffstein et coll. (7) ont
•
montré, chez 670 ronfleurs ayant eu une polysomnographie,que l'index d'apnées-hypopnées est mieux corrélé, en analysemultivariée, avec le périmètre cervical qu'avec l'IMC. Lepérimètre cervical, qui est un marqueur d'obésité centrale,explique 26 % de la variabilité de l'index d'apnées-hypopnées,et il est plus élevé chez des patients ayant un SAS que chez desronfleurs non apnéiques, appariés pour l'IMC et l'âge (7).
Dans l'étude de Grunstein et coll. (8) qui a inclus 1 464 hommesayant bénéficié d'une polysomnographie pour suspicion deSAS, l'index d'apnées-hypopnées est corrélé à l'IMC, aupérimètre cervical et au tour de taille; mais la corrélation la plusforte est observée entre l'index d'apnées-hypopnées et le tourde taille. Dans l'étude de Resta et coll. (5) citée plus haut, l'indexd'apnées-hypopnées est corrélé à l'IMC, au périmètre cervical,au tour de taille et au rapport taille/hanche, chez les hommes etchez les femmes; mais en analyse multivariée la corrélation laplus forte est observée avec le périmètre cervical chez leshommes et avec l'IMC chez les femmes.
Shinohara et coll. (9) ont évalué, par tomodensitométrie, larépartition de la masse adipeuse chez des patients obèsesayant ou non un SAS. La surface occupée par la graisse viscéraleintra-abdominale est plus élevée chez les obèses apnéiquesque chez les obèses non apnéiques alors que l'IMC ne diffèrepas entre les deux groupes. L'index d'apnées est corrélé à
l'accumulation de graisse viscérale intra-abdominale,indépendamment de la masse adipeuse totale et de la massemaigre.
Le SAS est plus fréquent chez l'homme obèse que chez lafemme obèse, et cette différence est due en partie au fait quel'obésité est plus souvent androïde chez l'homme, et plussouvent gynoïde chez la femme. Newman et coll. (la) ontmontré, dans la Sleep Heart Health Study que l'index d'apnéeshypopnées était corrélé au rapport taille/hanche,indépendamment de l'âge et de l'IMC, mais uniquement chezles hommes et pas chez les femmes. Pour un degré comparabled'obésité centrale, les hommes ont un SAS plus sévère que lesfemmes.
L'obésité massive est un facteur de risque essentiel de SAS chezla femme, mais plusieurs études ont montré que l'indexd'apnées-hypopnées était corrélé au périmètre cervical et autour de taille chez les femmes obèses (8).
Il apparaît donc qu'il existe des liens étroits entre le SAS etl'obésité androïde, en particulier chez l'homme. Cependant, onne dispose pas de données épidémiologiques précises sur laprévalence du SAS dans l'obésité androïde.
Des facteurs hormonaux contribuent probablement à laprévalence plus élevée du SAS chez l'homme. L'influence de laménopause sur les troubles respiratoires nocturnes a étédémontrée par des études publiées récemment sur deuxcohortes américaines. Dans la Wisconsin Sleep Cohort Study, leSAS est plus fréquent chez les femmes ménopausées que chezles femmes non ménopausées, indépendamment des autres
MEDECINE DU SOMMEIL - Année 1- Juillet - Août - Septembre
dossierfacteurs de risque de SAS (11). Dans la Sleep Heart Health Study,la prise d'un traitement hormonal substitutif de la ménopauseest associée de façon indépendante à une diminution de laprévalence du SAS (12).
Des facteurs génétiques interviennent dans la prédisposition àl'obésité, et également dans la prédisposition au SAS,indépendamment de l'obésité (13). L'association fréquente duSAS à une obésité androïde, une hypertension artérielle et undiabète de type 2 a suggéré à certains auteurs que le SASpourrait faire partie d'un « syndrome métabolique» , influencépar des gènes impliqués dans la résistance à l'insuline et ladistribution de la masse graisseuse.
SAS ET PRISE DE POIDS
Peppard et coll. (14) ont étudié de façon longitudinale les effets
de la variation pondérale sur la prévalence et la sévérité du SASchez 690 sujets inclus dans la Wisconsin Sleep Cohort Study etayant bénéficié d'une polysomnographie initialement et quatreans plus tard. L'augmentation du poids corporel est associée àune augmentation de l'index d'apnées-hypopnées. Uneaugmentation de 10 % du poids corporel en 4 ans (vs poidsstable) est associée à une augmentation de 32 % de l'indexd'apnées-hypopnées. Chez les sujets ayant initialement unindex d'apnées-hypopnées inférieur à 15 / heure, uneaugmentation de 10 % du poids corporel multiplie par six lerisque d'avoir 4 ans plus tard un SAS modéré à sévère.
REDUCTION PONDERALE ET SAS
Les effets favorables de la réduction pondérale sur le SASfournissent un argument indirect en faveur des relations entreobésité et SAS, mais ils sont inconstants et d'importancevariable. Une perte de poids importante secondaire à unechirurgie de l'obésité entraîne souvent une amélioration etmême une guérison du SAS chez les patients ayant une obésitémassive (15). La perte de poids obtenue par les mesuresdiététiques s'accompagne d'une diminution très variable de
l'index d'apnées-hypopnées, qui dépend essentiellement dupoids initial et de l'importance de la perte de poids. Chezles patients ayant une obésité modérée, une perte de poidsde l'ordre de 10% entraîne souvent une diminutionimportante de l'index d'apnées-hypopnées et parfois uneguérison du SAS permettant l'arrêt de la pression positivecontinue. Dans les SAS sévères associés à une obésitémassive, une guérison du SAS n'est généralement observée
qu'après une perte de poids beaucoup plus importante, trèsrarement obtenue par les simples mesures diététiques.
Les médicaments actuellement disponibles pour aider à laperte de poids (sibutramine et orlistat) sont peu utilisés enraison de leurs effets secondaires et de leur coût, et leur actionsur les troubles respiratoires du sommeil a été peu évaluée.
MEDECINE DU SOMMEIL - Année 1-Juillet - Août - Septembre
Les mécanismes de l'effet de la réduction pondérale sur lesapnées du sommeil sont mal connus, mais on attribueactuellement un rôle essentiel à la diminution de lacompliance des voies aériennes supérieures. Le problèmeessentiel est le maintien à long terme· de la réductionpondérale, et la reprise pondérale s'accompagnehabituellement d'une augmentation de l'index d'apnéeshypopnées.
OBESITE ET AUTRES TROUBLES RESPIRATOIRES DU
SOMMEIL
Plusieurs études épidémiologiques ont montré que l'obésitéétait un facteur de risque de ronflement indépendant de l'âge,du sexe et' du tabagisme. La relation entre obésité etronflement est démontrée dans les deux sexes et dans lesdifférentes tranches d'âge, mais l'effet de l'obésité sur laprévalence du ronflement est le plus important chez lesfemmes de moins de 40 ans, l'obésité multipliant par trois lerisque de ronflement. Cependant dans ces étudesépidémiologiques, les sujets n'ont pas eu depolysomnographie et la différence n'est donc pas faite entreronfleurs apnéiques et ronfleurs non apnéiques.
Une hypoventilation nocturne non liée à des apnées ou des
hypopnées a été démontrée chez 5 % des patients obèses, etpeut être responsable d'une hypoxémie nocturne parfoissévère. Les mécanismes en cause sont mal connus: diminutionde la contraction diaphragmatique ? fermeture des voiesaériennespériphériques?
La somnolence diurne excessive est fréquente dans l'obésitésévère, même en l'absence de SAS ou d'un autre trouble du
sommeil. Différents mécanismes pourraient être impliqués :augmentation de la production du facteur de nécrose tumoraleou de l'interleukine-6, perturbations du sommeil par unepathologie associée à l'obésité (reflux gastro-oesophagien,asthme ou arthrose).
CONCLUSION
En conclusion, l'obésité est un problème majeur de santépublique. La prévalence de l'obésité, qui est déjà très élevée,augmente régulièrement depuis 20 ans, non seulement chezl'adulte mais également chez l'enfant et l'adolescent. Lestroubles respiratoires du sommeil, en particulier le SAS, sontune complication fréquente et grave de l'obésité, au même titre
que les affections cardiovasculaires, avec des conséquences surla qualité de vie, la morbidité cardiorespiratoire et la mortalité.L'obésité sera prochainement 'un des principaux facteurs demortalité. La prise de conscience. de ce 'risque impose desmesures préventives, en particulier chez les jeunes, pourmodifier les comportements alimentaires et sociaux quifavorisent le développement de l'obésité.
•
dossier
résumé
L'obésité est un problème majeur de santé publique, qui atteintactuellement 11,3 % de la population française, et dont lafréquence va augmenter dans les prochaines années. Laprévalence du surpoids est très élevée, atteignant 30,3 %. Lesyndrome d'apnées obstructives du sommeil (SAS) est unecomplication fréquente de l'obésité, en particulier de l'obésitésévère ou morbide, et de l'obésité abdominale. Cependant laprévalence exacte du SAS dans l'obésité et dans les différentstypes d'obésité n'est pas connue avec certitude. Des facteurshormonaux et génétiques sont également impliqués dans larelation entre obésité et SAS. La prise de poids augmente lerisque de développer un SAS et, à l'inverse, la réductionpondérale peut améliorer un SAS.
mots-clés
Syndrome d'apnées obstructives du sommeil, obésité,ronflement.
références
summary
Obesity is a major health problem. The prevalence of obesity in
France is currently 11,3 %, and is expected to increase over the next
years. The prevalence of overweight is very high, reaching 30,3 %.
Obstructive sleep apnea syndrome (SAS) is a frequent
complication ofobesity, especia/ly ofsevere or massive obesity, and
of abdominal obesity. However the accurate prevalence ofSAS in
obesity and in different types of obesity is not known with
certainty. Hormonal and genetic factors are also involved in the
relationship between obesity and SAS. Weight gain is associated
with an increased risk for the development ofSAS. Weight loss may
reduce the severity ofSAS.
keyword
Obstructive sleep apnea syndrome, obesity, snoring.
1. Nieto FJ, Young TB, Und BK et al Association of sleep-disordered breathing, sleep apnea, and hypertension in a large community-based study. JAMA. 2000;
283,1829-1836.
2. Grunstein RR. StenlOf K, Hedner J, Sjostrom L Impact of obstructive sleep apnea and sleepiness on metabolic and cardiovascular risk factors in the
Swedish Obese Subjects (SOS) Study. Int J Obes. 1995; 19,410-418.
3. Laaban JP, Cassuto D, Orvoën-Frija Eet al. Cardiorespiratory consequences of sleep apnoea syndrome in patients with massive obesity. Eur Respir J. 1998;
11,20-27.
4. Vgontzas AN, Tan TL, Bixler EO, et al. Sleep apnea and sleep disruption in obese patients. Arch Intern Med. 1994; 154, 1705-1711.
5. Resta 0, Foschino-Barbaro Mp, Legari G, et al. Sleep-related breathing disorders, loud snoring and excessive daytime sleepiness in obese subjects .IntJ Obes. 2001;
25,669-675.
6. Kessler R, Chaouat A, Schinkewitch P, et al. The obesity-hypoventilation syndrome revisited. A prospective study of34 consecutive cases. Chest. 200 1; 120,369-376.
7. Hoffstein V. Mateika S. Differences in abdominal and neck circumferences in patients with and without obstructive sleep apnoea. Eur Respir J. 1992; 5,
377-381.
8. Grunstein R, Wilcox l, Yang TS, et al. Snoring and sleep apnoea in men: association with central obesity and hypertension. Int J Obes. 1993; 17,533-540.
9. Shinohara E, Kihara S, Yamashita S, et al. Visceral fat accumulation as an important risk factor for obstructive sleep apnoea syndrome in obese subjects.
J Intern Med, 1997;241,11-18.
10. Newman AB, Nieto FJ, Guidry U, et al : Relation ofsleep-disordered breathing to cardiovascular disease risk factors. The Sleep Heart Health Study : Am J Epidemiol.
2001; 154,50-59.
11. Young r; Finn L, Peterson A. Menopausal status and sleep-disordered breathing in the Wisconsin Sleep Cohort Study. Am J Respir Crit Care Med. 2003 ; 167, 1181
1185.
•
12. Shahar E, Redline S, Young r; et al. Hormone replacement therapy and sleep-disordered breathing. Am J Respir Crit Care Med. 2003; 167, 1186-1192.
13. Palmer U, Buxbaum SG, Larkin EK. Whole genome scan for obstructive sleep apnea and obesity in african-american famifies. Am J Respir Crit Care Med. 2004;
169,1314-1321.
14. Peppard PE, Young T, Palta M, et al. Longitudinal study ofmoderate weight change and sleep-disordered breathing. JAMA. 2000; 284, 3015-3021.
15. Strobel RJ, Rosen Re. Obesity and weight loss in obstructive sleep apnea: a critical review. Sleep. 1996; 19, 104-115.
MEDECINE DU SOMMEIL - Année 1- Juillet - Août - Septembre
dossier
résumé
L'obésité est un problème majeur de santé publique, qui atteintactuellement 11,3 % de la population française, et dont lafréquence va augmenter dans les prochaines années. Laprévalence du surpoids est très élevée, atteignant 30,3 %. Lesyndrome d'apnées obstructives du sommeil (SAS) est unecomplication fréquente de l'obésité, en particulier de l'obésitésévère ou morbide, et de l'obésité abdominale. Cependant laprévalence exacte du SAS dans l'obésité et dans les différentstypes d'obésité n'est pas connue avec certitude. Des facteurshormonaux et génétiques sont également impliqués dans larelation entre obésité et SAS. La prise de poids augmente lerisque de développer un SAS et, à l'inverse, la réductionpondérale peut améliorer un SAS.
mots-clés
Syndrome d'apnées obstructives du sommeil, obésité,ronflement.
références
summary
Obesity is a major health problem. The prevalence of obesity in
France is currently 11,3 %, and is expected to increase over the next
years. The prevalence of overweight is very high, reaching 30,3 %.
Obstructive sleep apnea syndrome (SAS) is a frequent
complication ofobesity, especia/ly ofsevere or massive obesity, and
of abdominal obesity. However the accurate prevalence ofSAS in
obesity and in different types of obesity is not known with
certainty. Hormonal and genetic factors are also involved in the
relationship between obesity and SAS. Weight gain is associated
with an increased risk for the development ofSAS. Weight loss may
reduce the severity ofSAS.
keyword
Obstructive sleep apnea syndrome, obesity, snoring.
1. Nieto FJ, Young TB, Und BK et al Association of sleep-disordered breathing, sleep apnea, and hypertension in a large community-based study. JAMA. 2000;
283,1829-1836.
2. Grunstein RR. StenlOf K, Hedner J, Sjostrom L Impact of obstructive sleep apnea and sleepiness on metabolic and cardiovascular risk factors in the
Swedish Obese Subjects (SOS) Study. Int J Obes. 1995; 19,410-418.
3. Laaban JP, Cassuto D, Orvoën-Frija Eet al. Cardiorespiratory consequences of sleep apnoea syndrome in patients with massive obesity. Eur Respir J. 1998;
11,20-27.
4. Vgontzas AN, Tan TL, Bixler EO, et al. Sleep apnea and sleep disruption in obese patients. Arch Intern Med. 1994; 154, 1705-1711.
5. Resta 0, Foschino-Barbaro Mp, Legari G, et al. Sleep-related breathing disorders, loud snoring and excessive daytime sleepiness in obese subjects .IntJ Obes. 2001;
25,669-675.
6. Kessler R, Chaouat A, Schinkewitch P, et al. The obesity-hypoventilation syndrome revisited. A prospective study of34 consecutive cases. Chest. 200 1; 120,369-376.
7. Hoffstein V. Mateika S. Differences in abdominal and neck circumferences in patients with and without obstructive sleep apnoea. Eur Respir J. 1992; 5,
377-381.
8. Grunstein R, Wilcox l, Yang TS, et al. Snoring and sleep apnoea in men: association with central obesity and hypertension. Int J Obes. 1993; 17,533-540.
9. Shinohara E, Kihara S, Yamashita S, et al. Visceral fat accumulation as an important risk factor for obstructive sleep apnoea syndrome in obese subjects.
J Intern Med, 1997;241,11-18.
10. Newman AB, Nieto FJ, Guidry U, et al : Relation ofsleep-disordered breathing to cardiovascular disease risk factors. The Sleep Heart Health Study : Am J Epidemiol.
2001; 154,50-59.
11. Young r; Finn L, Peterson A. Menopausal status and sleep-disordered breathing in the Wisconsin Sleep Cohort Study. Am J Respir Crit Care Med. 2003 ; 167, 1181
1185.
•
12. Shahar E, Redline S, Young r; et al. Hormone replacement therapy and sleep-disordered breathing. Am J Respir Crit Care Med. 2003; 167, 1186-1192.
13. Palmer U, Buxbaum SG, Larkin EK. Whole genome scan for obstructive sleep apnea and obesity in african-american famifies. Am J Respir Crit Care Med. 2004;
169,1314-1321.
14. Peppard PE, Young T, Palta M, et al. Longitudinal study ofmoderate weight change and sleep-disordered breathing. JAMA. 2000; 284, 3015-3021.
15. Strobel RJ, Rosen Re. Obesity and weight loss in obstructive sleep apnea: a critical review. Sleep. 1996; 19, 104-115.
MEDECINE DU SOMMEIL - Année 1- Juillet - Août - Septembre