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De la difficulté de faire simple Thomas Guilmin DG4 ÉPURE, FONCTION ET SENSIBILITÉ

Epure fonction sensibilite

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  • 1. pure, fonction et sensibilit De la difficult de faire simple Thomas Guilmin DG4

2. Sommaire Introduction07 I pure et fonction09Introduction09 1 - L'arrive de la modernit - Vers une socit industrialise - La question de la reproductibilit et son impact sur l'art 2 - Le capitalisme, l'industrialisation, et leurs rpercussions sur le design graphique - Schmas techniques et cration industrielle - La porte internationale du graphisme - Identit visuelle et reconnaissance internationale des marques - La relation au produit, illusion et domination 3 - L'apparition d'un langage graphique - L'exemple du code de la route - La signaltique urbaine - Statistiques, synthses graphiques et expression universelle simplifie 4 - Le Bauhaus, la crativit au service de la fonction - L'volution de l'cole - La volont de lier l'art la technique - L'influence du Bauhaus sur la typographie - L'influence du Bauhaus sur l'art11 11 1214 14 15 16 18 20 20 22 24 26 26 28 30 34Conclusion39II pure et sensibilit41Introduction41 1 - Un nouveau regard - Simplicit visuelle et prise de force - Mise en avant d'un point de vue - L'appropriation du visuel - L'appel l'imaginaire - L'pure dans diffrents champs artistiques43 43 44 46 46 48 3. 2 - La suggestion- Saul Bass - Le gnrique d'introduction, dcouverte d'un univers visuel et sonore 3 - Appel une culture cible- 35MM, le court-mtrage de Pascal Monaco5454 56 5858Conclusion63III Le processus dpure65Introduction65 1 - La recherche de lvidence- Identifier lessence de la question - Identifier un public cibl - Identifier les codes visuels - Idation et cration 2 - La technique au service du sens- Grille de mise en page et rgles - Les limites de la technique - Symbolique des formes et des couleurs - La Gestalt6767 70 72 74 7676 78 80 823 - Le paradoxe dune esthtique minimaliste86- La difficult de faire simple - pure et ides reues - Conclusion86 88 91Conclusion93 Mise en situation graphique95Bibliographie96 4. Introduction Larrive de la modernit a eu de grandes rpercussions sur la pratique et la vision de lart et du design graphique. Lvolution du mode de vie vers la mondialisation ncessite une plus grande accessibilit, une plus grande clart quant au traitement de linformation, et tend vers une simplification des visuels. Le processus dpure prend alors toute son importance. Jentends par processus dpure le fait de rduire un visuel ce quil a de plus simple, se dfaire de tout lment superflu pour conserver lessentiel, la structure, ce quil y a de plus important. Quand lindustrie fait appel au ct le plus fonctionnel de ce procd, se pose la question de la sensibilit. Le Bauhaus russit adopter une recherche artistique et sensible pour la cration dobjets sriels, adapts aux exigences de lindustrie. Je mintresse tout particulirement cet aspect sensible, et aborde la faon dont certains graphistes se sont appropris les codes amens par le dveloppement de la socit moderne, pour aller au del de leur simple fonction informative. Ils font alors appel lpure pour transmettre une motion, un sentiment, en proposant un nouveau regard qui se rfre au vcu du lecteur, ses connaissances et sa sensibilit. Les gnriques de Saul Bass me semblent tre un bon exemple de cette faon de communiquer un sentiment de manire moins frontale, plus implicite et plus sensible. Enfin, jvoque le processus dpure en tant que tel et lapproche du graphiste vis vis de ce procd, en soulevant limportance de lanalyse et de la notion de choix auxquels il fait appel. Je souligne le rle des rgles et de la technique dans le processus dpure, des connaissances et du travail que cela implique pour atteindre lvidence, mettre en avant lessence du sujet trait. 5. I pure et fonction Larrive de la modernit a eu un grand impact sur lart, lvolution vers une socit capitaliste et le dveloppement de lindustrialisation ont men vers une transformation de la socit. Ces modifications crent de nouveaux besoins, tant sur le plan de la communication que dans la vie quotidienne. Elles mnent vers la construction dun nouveau langage graphique lesthtique pure. La fonction de ce langage est alors de clarifier et rendre accessible linformation et le design graphique sen voit largement influenc. Le Bauhaus participera grandement la diffusion de cette nouvelle esthtique, tout en abordant une rflexion particulirement sensible. 6. Larrive de la modernit Larrive de lpoque moderne va modifier fondamentalement la pratique et la vision de lart et du design graphique. Dans une socit en marche, la cration et ses pratiques voluent et parfois mme font des bonds considrables. Lart est en pleine volution et trouve son influence dans une socit en mouvement. Vers une socit industrialise Avec larrive de lindustrialisation ds la fin du XVIIIme sicle et au cours de son volution, la socit a subi de nombreux changements, qui se sont rpercuts largement sur le mode de vie de la population et sur les diffrents modes de communication. La machine prend alors une place de plus en plus importante, les usines se multiplient, le quotidien, la manire de travailler voluent. La socit dans son ensemble se modifie rapidement et les murs changent. Le taylorisme dveloppe une nouvelle manire de travailler, le niveau de vie volue petit petit. Les ouvriers ont un salaire plus lev qui va leur permettre de se procurer les objets quils fabriquent. Le travail la chane offre un gain de temps considrable dans la fabrication des produits, qui sont alors de plus en plus nombreux. Les congs pays font leur apparition, de nouveaux moyens de transport se dveloppent et sont de plus en plus accessibles. Tout tend vers une rduction des frontires, une internationalisation du commerce et une hausse des changes internationaux, quils soient humains ou matriels. Les mthodes de production ont volu, et de nouvelles techniques font leur apparition dans le milieu de lart. Larrive de la photographie (1839), puis du cinma (1895) et leur dveloppement, ouvrent de nouveaux horizons. Les nouveaux modes de reproduction induisent une nouvelle faon de percevoir les uvres dart, comme lexplique Walter Benjamin1 dans son essai Luvre dart lpoque de sa reproductibilit technique.1. Walter Benjamin (1892 - 1940), philosophe, critique dart, critique littraire et traducteur rattach lcole de Francfort (groupe dintellectuels allemands runis autour de lInstitut de Recherche social cr en 1923).11 7. La question de la reproductibilit et son impact sur lart La mutation perptuelle de la socit stimule la crativit des artistes de lpoque. Mais assiste-t-on une perte de la vocation initiale de la cration, de luvre en tant quobjet unique en mme temps quelle est donne voir au plus grand nombre? Benjamin pointe la question de la reproductibilit de luvre dart. Il explique que par le biais de sa diffusion de plus en plus grande, luvre dart perd de sa nature originale, de son aura, caractrise par son aspect unique. Il souligne le fait que, par nature, elle tait toujours reproductible, mais le cadre de sa production et de son exposition changent. Les reproductions sont autant de sous-modles qui participent la perte de laspect original de luvre de son hic et nunc (ici et maintenant). La position du spectateur a chang, sa perception de luvre nest plus la mme. Elle devient alors accessible au plus grand nombre. Luvre devient une image parmi de nombreuses autres. Les reproductions ne sont que le reflet de luvre originale, et rvlent labsence de cette dernire. Lart prend alors une nouvelle forme, et de limportance dun point de vue politique et social par son accessibilit. Dans son essai, Benjamin fait galement lanalyse de limage cinmatographique, il place lacteur de cinma comme ayant perdu galement son aura, subtilise par lappareil cinmatographique. Il devient un accessoire, une image propose au public. Le cinma est pour le spectateur une nouvelle faon de percevoir le monde, un nouveau point de vue quil naurait pu avoir autrement. Paradoxalement, laura ne prend vritablement forme que parce quelle tend disparatre, et son importance napparat que par sa destruction. Pour Benjamin, la perte de laura nest pas un mal mais au contraire le dbut de son existence vritable. Ce nest que par le biais de la modernit et de la reproduction que luvre devient accessible la masse, qui devient active et participe lart et son fonctionnement.12 8. Les volutions apportes par la modernit rendent possibles de nombreux changements dans lart et notre manire de le percevoir. La question est alors de savoir si lart se rduit au rang de marchandise ou si sa diffusion reprsente une relle prise de force. Quelle va tre linfluence de cette volution sur le design graphique?13 9. Le capitalisme, l'industrialisation, et leurs rpercussions sur le design graphique Lvolution du travail, du march, des modes de vie, et linternationalisation des changes ncessitent un accs plus rapide linformation. Le design graphique sen voit largement influenc et tend vers une simplification des visuels. Schmas techniques et cration industrielle. Une nouvelle organisation du temps de travail sinstalle, les usines fonctionnent en continu pour produire en srie, ce qui va permettre aux capitalistes de senrichir. Larrive de lre industrielle demande une nouvelle approche de la cration des diffrents objets. La manire de les concevoir volue, et donc la manire de les prparer. Le dessin technique doit sadapter la machine et se voit simplifi pour tre compris par lensemble des ouvriers, en fonction de la tche qui leur est assigne. Lexode rural pousse une grande partie des paysans venir travailler vers la ville et pour les classes les moins aises, laccs la culture et lapprentissage nest pas toujours vident. Les schmas techniques se doivent dtres clairs, simplifis pour tre compris par tous, et permettre une plus grande rapidit dans le travail. La simplification des plans de travail permet louvrier lambda, nayant pas forcment les comptences dun artisan, de participer la cration, notamment dans le cadre du travail la chane. De ce fait, la cration est perue dans une optique diffrente, le travail de prparation change. La cration devient industrielle, et donc srielle. Les objets sont conus dans une plus grande quantit, il sont de plus en plus varis et le nombre de marques se multiplie. Limport et lexport de produits prennent de plus en plus dimportance. La mondialisation est en marche et la communication prend progressivement une dimension internationale, qui va faire appel des codes nouveaux.14 10. La porte internationale du graphisme Avec lextension des changes vers une porte internationale, la communication doit tre plus claire pour tre comprise au del des barrires de la langue, et cela sapplique bien videmment tous les lments de design graphique lis aux produits commercialiss. Chaque lment graphique de lidentit visuelle est pens pour sensibiliser des acheteurs, majoritairement occidentaux. Pour tre aisment reconnaissables, la majorit des marques se fie une esthtique simple et percutante qui peut tre identifie le plus rapidement possible. Au del de la barrire de la langue, les produits tant plus nombreux, la manire de les vendre a galement chang une chelle locale. Le nombre de supermarchs, hypermarchs et autres espaces de vente va en grandissant. Les produits doivent tre identifis rapidement parmi ceux de la concurrence, pour attirer lil de lacheteur.15 11. Identit visuelle et reconnaissance internationale des marques Avant lindustrialisation et lapparition dune socit capitaliste, les produits taient destins majoritairement un march local, qui ne ncessitait pas un accs aussi rapide linformation. Lillustration tait majoritairement utilise pour attirer le client, faisant appel au sensible. Ce qui induisait une connotation ngative, une froideur reproche rgulirement au graphisme moderne. La publicit va prendre aussi de plus en plus de place, de nouveaux supports sont mis disposition pour faire circuler linformation. Lobjectif principal est alors de se diffrencier des concurrents, de faire circuler linformation par de nouveaux biais. Pour que linformation soit transmise le plus rapidement possible, les visuels sont simplifis de manire transmettre lessentiel. La typographie allie la photographie prend le pas sur lillustration pour ancrer la marque dans le quotidien. Ce qui va tre renforc par lvolution des moyens de reproduction.1. Le collectif Dorothy, bas Manchester, se dfinit comme un collectif de personnes dune mme sensibilit travaillant sur des ides diffrentes dans leur tat desprit. Une partie de leurs travaux et plus dinformations sont disponibles sur leur site internet: http://www.wearedorothy.com.Lidentit visuelle des diffrentes marques est alors un facteur primordial de leur diffusion. Certains groupes comme CocaCola lont bien compris et se sont bass sur une esthtique simple, identifiable au premier coup doeil, comme le montre le projet You took my Name, du collectif Dorothy1. Les marques sont ici reconnaissables malgr labsence de leur nom. Ce qui montre que lutilisation de formes simples dans les diffrents logos et leur pertinence, allie ltendue de leur visibilit dans notre quotidien, leur permet dtre suffisamment ancres dans nos mmoires. Lapparition dune socit de consommation de plus en plus importante, troitement lie au capitalisme et lindustrie, a profondment modifi le rapport de lindividu au produit.16 12. You took my Name (2011), du collectif Dorothy.17 13. La relation au produit, illusion et domination 1. Guy Debord (1931-1994), crivain, cinaste, et essayiste franais. A t lun des fondateurs de lInternationale lettriste (1952-1957) et de lInternationale situationniste (1957-1972).Dans son essai La Socit du spectacle, publi en 1967, Guy Debord1 montre la socit comme une immense accumulation de marchandises. Il donne voir tout au long de sa thse la socit comme un ensemble de spectacles, quil dfinit en expliquant que ce qui tait auparavant directement vcu sest loign dans une reprsentation. Le spectacle selon Debord, cre lillusion dun pseudo-monde part, objet de la seule contemplation. Il explique que le rapport social entre les personnes a t influenc par larrive de la socit de consommation, et que le capitalisme a une grande emprise sur le monde par le biais de la marchandise. Celle-ci domine alors la personne. Les divertissements, associs aux marchandises que la socit de consommation met disposition, plongent les personnes dans lillusion. Ils favorisent une recherche permanente de sentiments vcus non directement mais bien au travers des diffrents spectacles que la socit propose. Que lon soit en accord ou non avec la pense de Debord, il me semblait important de lvoquer pour montrer quel point lindustrialisation et le capitalisme ont jou dans lvolution de la socit et donc des pratiques marchandes, de commercialisation, qui alimentent lespace graphique dans la publicit.18 14. Lart, le design graphique, influencent et sont influencs par lvolution de la socit. On entre dans lre de la communication qui ouvre des voies accessibles au plus grand nombre. La publicit prend de limportance dans la vie des gens. La diffusion des produits passe immanquablement par ce biais. Mais ce nest pas lunique secteur marqu par la modernit et lvolution de lindustrie. Le dveloppement des villes, des infrastructures de dplacement les reliant, ont beaucoup jou dans le changement du quotidien et de notre espace visuel, jusqu la cration de ce que lon peut appeler un nouveau langage graphique.19 15. Lapparition dun langage graphique Petit petit, une multitude dlments graphiques envahissent le quotidien. Dans une volont de transmettre linformation de manire rapide et vidente, lpure est au cur de ce nouveau langage. Lexemple du code de la route Lapparition de nouveaux modes de transport a grandement particip la diffusion de nouveaux messages, la mise en place dune nouvelle culture graphique lie aux diffrents changes alors devenus possibles. Laugmentation du niveau de vie moyen permet une majorit de personnes de se procurer une automobile. Le paysage sest vu largement modifi, de plus en plus de routes sont construites et le milieu urbain sagrandit. Lapparition de lautomobile sous-entend lapparition du code de la route, qui doit tre connu de tous les utilisateurs. Une majorit des visuels daujourdhui ne sont efficaces que parce quils sont ancrs dans une culture commune, principalement propre la socit occidentale. Le code de la route me semble tre un bon exemple de langage graphique qui a d tre appris petit petit. Ce point me semble tre principalement important lorsque lon sintresse au processus dpure et laccs linformation que les images impliquent. La conduite ncessitant des rflexes particulirement rapides, il tait important que les diffrents lments visuels puissent tre lus rapidement et que linformation soit claire. Il ne pouvait donc tre compos uniquement de texte, tout comme une illustration ou une photographie ne pouvait suffire le comprendre rapidement. Ce nouveau langage a donc t cr sur la base de formes simples, aisment reconnaissables, mais le nombre des informations devant tre transmises ne pouvaient pas leur permettre dtre implicites. Il rsulte dun processus dpure particulirement rigoureux. Lutilisation du rouge, par exemple, selon son emplacement et ce qui le reprsente est alors synonyme de danger et invite le conducteur tre vigilant et suivre certaines instructions (feu rouge, sens interdit). Le vert reprsente alors une certaine libert (feu vert). Ces diffrents symboles ont donc t crs en faisant rfrence une culture commune de la socit occidentale mais ncessitent tout de mme un apprentissage pour tre compris. 20 16. Panneaux du code de la route des annes cinquante ( gauche), et leurs versions actuelles ( droite). Linformation est transmise de manire de plus en plus pure, le corps nest plus reprsent de manire raliste et le visuel ne laisse plus place aux dtails. Lessentiel est montr pour que les panneaux soient comprhensibles.21 17. La signaltique urbaine Dans la mme optique que le code de la route, la signaltique urbaine participe la transmission de diffrentes informations dans le milieu urbain de manire simplifie.Pictogramme maillots interdits.1. Christian Morel, docteur en tudes politiques spcialis dans ltude des relations sociales. A publi Lenfer de linformation ordinaire (2007), et Les Dcisions absurdes. Sociologie des erreurs radicales et persistantes (2002).22Si nous prenons lexemple dun plan de mtro, lutilisation de lignes permet de montrer les liens entre les diffrentes stations, elles-mmes reprsentes par des ronds, et les couleurs permettent de diffrencier les lignes de mtro. Cest par le biais de cette simplification que linformation devient plus claire. il naurait pas t possible de dessiner lensemble des rames, des endroits quelles parcourent et de reprsenter le mtro dans toute son volution. La simplification a rendu lisible linformation de manire claire et vidente, l o le texte avait certaines limites. De la mme manire, les pictogrammes utiliss dans lespace urbain nous permettent datteindre linformation dun coup dil, mais il faut faire particulirement attention leur contexte. Christian Morel1, dans son article Du bruit dans les images, souligne limportance du contexte en montrant quun pictogramme maillots interdits na pas la mme signification lentre dune plage nudiste (habits interdits) qu lentre dun htel situ 500 mtres plus loin (maillots interdits, habits obligatoires). Le processus de cration des pictogrammes est donc particulirement complexe. Ils doivent en principe remplacer le texte et permettre un accs rapide linformation. Dans certaines situations, le visuel ne peut se suffire lui-mme et doit tre accompagn dun texte. La signaltique est donc un travail graphique particulirement rigoureux qui fait appel au procd dpure. 18. Plan du mtro de Londres.23 19. Statistiques, synthses graphiques et expression universelle simplifie Toujours dans le souci daccder rapidement linformation et de la manire la plus simple possible, les graphiques et autres reprsentations de statistiques permettent au lecteur de se reprsenter visuellement un ensemble dinformations. Au lendemain de la Premire Guerre mondiale, pour aider comprendre des donnes statistiques complexes, la recherche porte sur un langage international sans mots, qui permettrait de reprsenter des quantits fixes et leur volution sous forme de planches visuelles. Otto Neurath (1882-1945), philosophe, sociologue et conomiste autrichien, labora une mthode dducation visuelle et graphique en collaboration avec Gerd Arntz (qui ralisera la maquette finale) et Marie Reidemeister: LInternational System Of Typographic Picture Education (ISOTYPE), en 1920. Cette mthode avait pour but de reprsenter des informations de manire symbolique (par le biais dicnes facilement interprtables), en suivant la devise dOtto Neurath: Les mots divisent, les images unissent. Ds les annes 1930, il tente den faire une mthode de communication universelle. Bases sur la rptition dlments graphiques simples pour transmettre les diffrentes statistiques, les planches ISOTYPE ont pour seule lgende la valeur reprsente par un pictogramme (ex: un soldat reprsente 10 000 combattants). Les reprsentations graphiques permettent alors de rendre linformation plus accessible. Toute personne intresse par le sujet trait est cense avoir les connaissances suffisantes pour reconnatre les pictogrammes.Nous avons vu que le design graphique est un outil fondamental pour une information rapide, accessible tous. Il est abord ici sous son angle le plus fonctionnel, avec une vidente simplification des visuels. Mais cette dmarche n'exclue pas la crativit et le sensible.24 20. Exemples de prsentations ISOTYPE, dOtto Neurath et Gerd Antz.25 21. Le Bauhaus, la crativit au service de la fonction Le Bauhaus, institut des arts et mtiers fond Weimar en 1919 par Walter Gropius, a eu une influence importante dans lvolution des arts et du design graphique. Mme si les produits de lcole taient crs dans le but dune production srielle et dans un objectif de commercialisation, lenseignement et la philosophie du Bauhaus faisaient la part belle la crativit, et notamment la recherche artistique, sur le sens des formes, des couleurs et leur interprtation. Lvolution de lcole 1. Le Deutscher Werkbund, association fonde Berlin en 1907 par Hermann Muthesius (1861-1927, architecte, crivain et diplomate allemand) dans le but de renouveler les arts appliqus et larchitecture. Sa philosophie est que il ny a pas de frontire1919 - Cration du Das Staatliche Bauhaus Weimar par Walter Gropius avec la volont de lier art et artisanat en suivant les principes de la Deutscher Werkbund1 (Association allemande des artisans). Lenseignement prne la pluridisciplinarit, dans le but de pouvoir crer des difices de A Z, les tudiants apprennent non seulement larchitecture, mais aussi concevoir les meubles qui seront utiliss.fixe entre loutil et la machine..1925 - Une exposition dtudiants met en avant une maison entirement cre et meuble par eux. Les mthodes denseignement suscitent les critiques de la bourgeoisie de Weimar pour leur ct subversif, jugs bolchviques. Le Bauhaus est alors contraint de dmnager Dessau, dans un difice cr spcialement par les lves et les professeurs, reprsentatif de leurs recherches. Des thmes plus urbains et plus sociaux sont alors traits dans lenseignement, en rponse une atmosphre politique de plus en plus pesante. 1932-1933 - La monte du nazisme entrane une pression de plus en plus forte sur lcole, qui se voit contrainte de fermer ses portes. Mies Van Der Rohe, alors directeur du Bauhaus tente de le dplacer Berlin dans une ancienne usine entirement repeinte en blanc par les lves. Les nazis de plus en plus prsents entranent la fermeture dfinitive de lcole, dont les membres sexilent alors aux tats-Unis. 1937 - Laszlo Moholy-Nagy fonde avec Walter Gropius le New Bauhaus, Chicago, qui se transformera en School, puis Institute of Design jusquen 1946, contribuant la reconnaissance internationale du Bauhaus.26 22. Second emblme du Bauhaus (1922), reprsentatif de lhomme moderne. Cr par Oskar Schlemmer (1888 - 1943), peintre, dcorateur de thtre et scnographe allemand, professeur au Bauhaus.27 23. La volont de lier l'art la technique Ds sa premire priode, le Bauhaus se construit sur le modle des corporations d'artisans, et dcide d'ignorer la sparation entre les arts et l'artisanat. L'objectif tait la ralisation d'une uvre commune qui ne pouvait tre rendue possible que par cette association. Cette volont de lier l'art et la technique est alors au cur mme de la rflexion du Bauhaus de Weimar, et se retrouvera galement dans le cadre du second Bauhaus, de Dessau. L'objectif des diffrentes recherches est alors de lier l'art et la vie en crant des objets accessibles au plus grand nombre par le biais d'une production srielle, qui permettrait d'introduire l'objet dans le quotidien.1. Johannes Itten (1888-1967), peintre Suisse reconnu pour ses recherches sur la couleur. A jou un grand rle dans lenseignement du Bauhaus.L'enseignement, les diffrentes rflexions et recherches du Bauhaus s'orientent autour de cette volont. Les cours de Johannes Itten1 sur le sensible et la perception des diffrentes couleurs et des formes simples viennent s'allier des travaux en ateliers, o les tudiants apprennent manier l'outil avec prcision. L'aspect pluridisciplinaire de l'enseignement permet aux lves de fonder une base artistique particulirement solide par l'tude du sensible, allie l'tude de la technique qui leur offre la possibilit de crer des objets de la conception la ralisation. Les diffrents projets sont donc bass sur des recherches artistiques et sensibles, dans l'optique de pouvoir adapter les crations au cadre de la reproduction srielle. On ne tente plus de faire par la machine ce qui tait auparavant cr la main, les objets sont bien penss et dessins en vue d'tre reproductibles. Le second Bauhaus, en prise avec le contexte industriel de Dessau, est plus orient sur la rponse des commandes, la recherche est alors base sur des formes-types rponses standard adaptes des besoins-types. Les objets sont alors particulirement neutres parce qu'ils n'expriment que leur fonction, o rside leur beaut. Le Bauhaus s'articule autour d'un souci de sobrit, une volont de se dbarrasser de toutes les enluminures et tout lment de dcoration superficiels, pour obtenir des objets purs. Ils ne se rduisent qu' leur seule fonction, et sont la limite de disparatre.28 24. Fauteuil cr entre 1926 et 1927 par Josef Albers (1888 - 1976), peintre et pdagogue dart, tudiant puis enseignant au Bauhaus.29 25. L'influence du Bauhaus sur la typographie 1. Herbert Bayer (1900 - 1985), chef dimprimerie, typographe, et enseignant au Bauhaus. Privilgie lutilisation de formes de composition simples et de couleurs primaires dans ses travaux. Est galement un des initiateurs du Land Art avec son Grass Mound (1955), uniquement constitu de gazon.2. Adrian Frutiger (N en 1928), crateur de caractres et logotypes. Reconnu pour la cration de nombreuses typographies (Mridien, Univers, Frutiger, Avenir). Insiste sur lesthtique des caractres et leur aptitude persuader.30Dans ce mme esprit, Herbert Bayer1 (lve puis premier enseignant titulaire en graphisme publicitaire du Bauhaus) a cr son alphabet universel. Il rduit la lettre ses lments signifiants. toutes les lettres rondes sont cres sur la base d'un cercle identique, auquel viennent s'ajouter des droites, qui viennent les diffrencier. Cette typographie, lUniversal (1925), est rduite 26 caractres et les capitales, considres comme redondantes, sont limines. Les diffrents signes sont rduits un minimum ncessaire la composition des textes. C'est le dbut d'une nouvelle approche de la typographie, et l'utilisation de caractres sans empattement devient de plus en plus courante. Quelques annes plus tard, Adrian Frutiger2 cre la typographie Univers (1957), il remet en cause les caractristiques stylistiques des lettres, qu'il qualifie dhabillement fou par opposition leur structure. L'essence des lettres rside pour lui dans leur squelette, dbarrass de la charge qu'impliquent les formes ajoutes (empattement, variantes de formes). Dans la mme logique que Bayer, il cre alors une typographie qui n'est pas charge de formes renvoyant leur histoire, et qui peut tre approprie de manire universelle. 26. Typographie Univers (1957), cre par Adrian Frutiger.Typographie Universal (1925), cre par Herbert Bayer.31 27. 3. Peter BilAk (n en 1973), designer graphique et typographe. A fond le studio Peter Bilak, graphic design & typography, bas La Hague, au PaysBas. Plus dinformations et certains de leur travaux sont visibles sur le site : http://www.peterbilak.com.Suivant un raisonnement inverse, Peter Bil'ak3 cre l'History (2008), une gamme de 21 caractres, l'un se rduisant la structure, et les autres tant composs de diffrentes variantes propres l'histoire (empattements, graisse, variations de la forme). Cette nouvelle police de caractres permet alors de nombreuses combinaisons qui sont autant de manires de revisiter l'histoire de la typographie. Lhistory remixer, permet de lessayer en ligne ladresse: http://www.typotheque.com/fonts/history/remixer Ces deux typographies, opposes dans l'optique dans laquelle elles ont t cres, montrent alors deux possibilits primordiales de l'utilisation et la cration de typographies: la soustraction, majoritairement lie un aspect fonctionnel, et l'addition, plus axe sur la dcoration.32 28. Typographie History (2008), cre par Peter BilAk.33 29. L'influence du Bauhaus sur l'art 1. Theo Van Doesburg (1883 - 1931), peintre, thoricien de lart, architecte et pote nerlandais connu pour ses thories sur labstraction en peinture. 2. Piet Mondrian (1872 - 1944), peintre nerlandais, un des pionniers de labstraction, dont il codifia les lois sous la forme du no-plasticisme (principe esthtique).Le mouvement De Stijl, initi par la revue du mme nom, est cr en 1917 par Theo Van Doesburg1 (qui donne des confrences au Bauhaus) et Piet Mondrian2. Ce mouvement a grandement particip au dveloppement d'une nouvelle esthtique qui runit l'art et l'architecture. Il a galement eu une grande influence sur le Bauhaus dans sa volont de s'carter de la figuration et de retourner vers une utilisation de couleurs et de formes dites pures. Le Bauhaus aura son tour une grande influence sur le monde de l'art et du design graphique. La fermeture de l'cole en 1933 sous la pression des nazis, pousse les professeurs et de nombreux lves quitter l'Allemagne. Ce qui participe, notamment avec la cration du New Bauhaus aux tatsUnis, diffuser ses ides sur le plan international. L'influence du Bauhaus sur l'architecture, le design graphique, mais aussi sur les autres formes d'art prend alors toute son ampleur, jusqu' parler du style Bauhaus, que l'on retrouve encore de nos jours, notamment dans le milieu du design.34 30. Couverture du De Stijl Magazine(1917), de Theo Vand Doesburg.35 31. 3. Armin Hoffman (n en 1920), designer graphique et lithographe suisse. Actuellement enseignant de design graphique lcole de Design de Ble. 4. Josef Mullr-Brockmann (1914 - 1996), designer graphique et typographe suisse. Crateur du magazine Neue Grafik (1958) (avec Richard Paul Lohse, Hans Beuburg et Carlo Vivarelli). Reconnu pour son utilisation de la grille, de la typographie et de formes gomtriques simples. 5. Max Miedinger (1910 - 1980), typographe et designer graphique suisse, reconnu pour la cration des polices de caractres Haas Grotesk (1957) et Helvetica (1960).Je m'appuierai ici sur l'exemple du Style Typographique International, apparu dans les annes 1950 (galement appel style suisse ou style international), et dvelopp par Armin Hofmann1. Ce mouvement plonge ses racines dans les thories et les ralisations des annes 30, et le Bauhaus l'a grandement influenc. Ce style se caractrise par le recours la grille typographique et l'utilisation de caractres sans empattements. Comme nous pouvons le voir dans l'affiche ci-contre cre par Josef Mullr-Brockmann2, le recours l'utilisation de formes simples, de lignes et de courbes bases sur un calcul mathmatique permet de donner une structure ordonne aux visuels, notamment l'affiche, qui y trouve sa force. L'ornementation n'a plus sa place, et tout repose sur une esthtique dpouille, allie bien souvent la photographie en noir et blanc dans un souci de sobrit. C'est dans le cadre de ce mouvement que l'Helvetica (1960), une des typographiques encore les plus utilises de nos jours, est cre par Max Miedinger3. Les ides du Bauhaus ont alors particip la diffusion de ce mouvement dans la recherche de formes simples et de visuels purs.L'enseignement artistique et thorique (notamment par le biais des cours de Johannes Itten sur les thories de la forme et de la couleur) ont apport aux tudiants du Bauhaus une sensibilit ncessaire au processus de cration. Sous une approche particulirement sensible mais nanmoins consciente des attentes de clients (rponse aux commandes dans le cadre du Bauhaus de Dessau), et des contraintes techniques (travaux en atelier), le Bauhaus se caractrise par l'innovation et l'alliance de la technique et du sensible.36 32. Affiche Beethoven (1955), deAffiche pour la prvention routire (1957),Josef Mller-Brockmann.de Josef Mller-Brockmann.Typographie Helvetica (1960), cre par Max Miedinger.37 33. Les volutions apportes par la modernit rendent possibles de nombreux changements dans lart et notre manire de le percevoir. La question est alors de savoir si lart se rduit au rang de marchandise ou si sa diffusion reprsente une relle prise de force. Quelle va tre linfluence de cette volution sur le design graphique? 34. II pure et sensibilit Sintresser laspect sensible dun visuel pur, cest dabord dfinir plus prcisment ce que cette notion reprsente. Cest non seulement la perception au travers des diffrents sens (dans notre cas majoritairement la vue), mais surtout la capacit de percevoir des sentiments. On parle de sensibilit de lartiste pour dsigner sa facult crer des uvres qui suscitent, chez son public, une motion. Dans le cadre du design graphique, lenjeu repose sur la capacit du designer graphique susciter une motion et faire appel des notions implicites chez le lecteur. Ces notions viennent accompagner, souligner la transmission dune information et la rendent plus vidente. Les codes graphiques apparus avec le dveloppement de lindustrialisation se voient alors rappropris dans le cadre de la transmission dune ide, dun sentiment. 35. Un nouveau regard Comme nous avons pu le voir, lutilisation dun visuel simple et pur permet une communication plus vidente. Linformation est transmise de manire plus claire, elle devient plus accessible et lidentification du message est plus rapide. Cette communication impose des choix, fait appel des cultures communes, stimule limagination, et touche la sensibilit de celui qui regarde. Simplicit visuelle et prise de force L o une affiche charge dlments visuels peut attirer la curiosit du spectateur, elle peut galement le perdre par laccumulation dlments graphiques. Dans le cas dun visuel pur, lattention du lecteur est concentre sur le message qui lui est transmis, il nest pas distrait par une multitude dlments graphiques. Le visuel, et donc le message, gagnent en impact. Si lon reprend lexemple dune affiche, les choix graphiques doivent avoir suffisamment de force pour se distinguer de la multitude dlments visuels exposs. Dans le cas dune affiche appose sur un tableau daffichage, par exemple, lutilisation de couleurs simples disposes en aplats et dlments sobres et structurs, permet de crer un espace visuel moins charg. Laffiche se distingue alors du nuage dinformations proposes.43 36. Mise en avant dun point de vue Le recours une esthtique sobre permet daffirmer nombre de choix faits par le designer graphique et le commanditaire (sur lesquels je reviendrai dans la troisime partie de mon mmoire), et met clairement en avant un parti pris assum. 1. Exergian est une agence de design graphique viennoise fonde en 1998 par Albert Exergian, une partie de leurs travaux et plus dinformations sont disponibles sur leur site : http://www.exergian.com.Les affiches ci-contre, dExergian1, ont pour but de mettre en vidence ce qui caractrise diffrentes sries. De nombreux pisodes et donc de nombreuses heures de contenu ne peuvent tre rsumes en un simple visuel. Il tait important didentifier un lment principal qui soit suffisamment parlant pour que le lecteur le comprenne. Cependant, de nombreux autres choix auraient pu tre faits. La difficult rside dans le choix dun point de vue qui soit le plus pertinent, qui corresponde ici linterprtation dune majorit de personnes. La force de ces affiches est de russir intriguer le lecteur, tel point quil aille puiser dans ses connaissances pour trouver la scne ou llment auquel Exergian fait rfrence. De cette manire, il ne rsume pas la srie en une simple forme, mais y fait rfrence et invite le lecteur sy intresser. Le souci que rvle ce procd est alors de ne pas limiter laffiche une seule interprtation. Il est important de pouvoir mettre en avant un point de vue sans pour autant masquer les autres. Ce qui mnerait vers une interprtation unique, une pense unique dun sujet.44 37. Affiches de la srie Popular TV Shows (2009), d Albert Exergian.45 38. Lappropriation du visuel Nous avons vu dans la premire partie que pour lutilisation de pictogrammes, le contexte avait son importance. Au del de ce facteur, linterprtation dun visuel pur peut dpendre de la culture, du vcu du lecteur. Le recours lpure peut la fois intriguer, pousser un questionnement ou masquer certaines informations, comme nous lavons vu plus haut. Toujours en prenant lexemple des affiches dExergian, lutilisation de visuels purs permet au lecteur de sapproprier le visuel, dinstaurer une relation de proximit entre ce dernier et laffiche. Les moments cls des diffrentes sries mis en avant, sils sont reconnus par le lecteur, font appel chez lui une culture partage avec le crateur de laffiche. Le visuel devient alors particulirement pertinent lorsque le lecteur se reconnat dans lide vhicule par limage, comme si le message lui tait adress personnellement. Lappel limaginaire1. Mies Van Der Rohe (1886 - 1969), considr comme lun des plus grands architectes modernes. Directeur du Bauhaus de Dessau. Son travail se caractrise par une extrme rigueur, une nouvelle utilisation des matriaux, un dpouillement absolu, et ltude des proportions.46galement dans un souci de toucher le lecteur de manire personnelle, un visuel pur laisse une grande place limagination. La clbre citation de Mies Van Der Rohe1, Less is more, applique dans son cas au domaine de larchitecture, prend ici tout son sens. La logique de Mies Van Der Rohe tait de rduire lobjet, larchitecture, ce quil avait de plus simple pour donner de limportance ce qui lentoure. Le recours une esthtique simple permet au lecteur davoir une vision plus personnelle du sujet abord en faisant appel sa sensibilit et son exprience personnelle. 39. Affiches de la srie Popular TV Shows (2009), d Albert Exergian.47 40. L'pure dans diffrents champs artistiques L'pure est au cur de l'art et de la cration sous ses diffrentes formes, comme vont le montrer ces exemples. L'architecture a jou un grand rle dans la diffusion d'une esthtique minimaliste, caractrise par l'utilisation du verre, de l'acier et du bton. Mies Van Der Rohe est un des pionniers du Style international, un courant architectural dans la ligne du mouvement moderne. La volont de Mies est de crer des espaces neutres, contemplatifs, grce une architecture qui se base sur l'honntet des matriaux et l'intgrit de la structure, dans le but d'atteindre une architecture universelle simplifie. La beaut de ses crations rside dans leur facult rvler ce qui les entoure, elles ne polluent pas l'univers visuel de l'usager, mais au contraire le donnent voir pour qu'il prenne tout son sens. John Cage, que j'voquerai par la suite pour sa musique, a dit en observant un orage travers les fentres des Lakeshore Drive Appartements: Mies n'a-t-il pas eu une bonne ide d'inventer l'clair? Cette citation me semble particulirement rvlatrice de la facult d'une architecture pure mettre en valeur ce qui l'entoure.48 41. Lakeshore Drive Appartments (1948 - 1951), de Mies Van Der Rohe.Pavillon allemand de Barcelone (1929), et fauteuil cr spcialement pour celui-ci, de Mies van Der Rohe.49 42. Dans le domaine des beaux-arts, l'art minimal fait son apparition dans les annes 1960, et se donne voir comme une exprience artistique dbarrasse de tout aspect illusionniste. Les oeuvres de Donald Judd (1928-1994), artiste, plasticien et thoricien amricain, en sont un bon exemple. Il s'intresse la cration de volumes bass sur des formes gomtriques simples, agencs selon des progressions mathmatiques, qu'il baptise objets spcifiques. Les uvres sont rduites leur matire et leur volume pur. Il soutient que l'uvre d'art doit provoquer une sensation visuelle immdiatement comprhensible, et ne faire rfrence rien d'autre qu' elle-mme. L'uvre est bel et bien dbarrasse de toute figuration illusionniste. En ce qui concerne la peinture, Richard Paul Lohse (1902 - 1988), peintre et graphiste suisse, est reconnu pour ses expriences modulaires et srielles base de champs colors articuls horizontalement et verticalement. Les couleurs sont choisies selon un principe strict, et poses en aplat. La peinture est entirement programme selon des rgles mathmatiques, le tableau devient la reprsentation visuelle dun systme. Laspect graphique a alors pour fonction de traduire un raisonnement complexe, dtre la reprsentation dun ensemble de rgles dfinies auparavant. Rien nest ajout, luvre se suffit elle mme.50 43. Untitled (1990), de Donald Judd.Dreisssig systematischz Farbtonreihen ( 1950-1955 ), de Richard Paul Lohse.51 44. 1. Miles Davis (1926 - 1991), compositeur et trompettiste de jazz amricain, inventeur du jazz-cool (1948) et du jazz-rock (1970). Reconnu pour son influence dans le monde du jazz et sa grande matrise du silence. Lalbum Kind of blue (1959), est considr comme son chef duvre.2. Franois le Lionnais (1901 - 1984), ingnieur chimiste mathmaticien et crivain. Clbre pour son livre Les nombres remarquables (2002). 3. Raymond Queneau (1903 - 1976), romancier, dramaturge et pote franais. Proche des surralistes dans un premier temps, fait beaucoup de recherches sur la littrature, les procds d'critures et les langues crites et parles. Principalement connu comme auteur de Zazie dans le mtro (1959) et pour ses Exercices de style (1947).La musique minimaliste est un courant de la musique contemporaine apparu dans les annes 1960 aux tats-Unis, bas sur la rptition de sons pour donner toute leur importance aux variantes du morceau. John Cage (1912 - 1992), compositeur, pote et plasticien amricain a grandement contribu faire voluer la musique minimaliste en se concentrant sur l'importance du silence. Il dit: Jusqu' ma mort, il y aura toujours du bruit et il me poursuivra mme aprs. Miles Davis1 disait que la musique est le silence et toutes les notes ne font qu'encadrer ce silence. Dans cette optique, John Cage a dcid de montrer l'importance de ce prtendu silence et d'inviter les spectateurs s'intresser aux sons involontaires qu'ils pouvaient eux-mmes crer. Il compose le morceau 4'33, qui est en ralit quatre minutes et trente-trois secondes de silence. John Cage suit un des plus grands principes de l'pure, celui de montrer moins pour donner voir plus. En littrature, les tranches de vie rendent le lecteur libre de toute interprtation. Les personnages voluent dans un univers dcrit avec prcision, lauteur nonce ce qui est visible sans donner son point de vue. Les membres de lOuLiPo (Ouvroir de Littrature Potentielle, groupe dcrivains cr par Franois Le Lionnais2 et Raymond Queneau3 en 1960) simposent des contraintes dcritures qui les poussent aller lessentiel, et surtout se questionner sur le processus dcriture. Parmi de nombreux exemples, il est possible de citer les Exercices de style de Raymond Queneau, o la mme histoire est raconte 99 fois de 99 manires diffrentes. Ce procd dcriture pousse lauteur se concentrer sur les variantes possibles de lhistoire et devient un moteur cratif. Le souci de l'pure et la recherche de l'essentiel touchent de nombreux champs de l'art. En mettant en avant une nouvelle approche d'un sujet par le biais d'une esthtique simple, le designer graphique russit toucher le lecteur, faire appel son vcu et son imagination pour transmettre une ide, une motion. purer, c'est aussi donner une place la suggestion et aux diffrentes interprtations qu'elle implique.52 45. Luvre Cent mille milliars de pomes (1961), de Raymond Queneau,Un des 170 clous de lesplanade Gnral-de-Gaulle,propose au lecteur de crer ses propres pomes au moment de lacommand par la ville de Rennes aux crivains de lOuLiPolecture en suivant le principe du cadavre exquis.en 2010. LOuLiPo propose ici aux passants de lire une histoire diffrente en fonction de leur parcours.53 46. La suggestion Le recours une esthtique pure peut tre particulirement pertinent dans un souci de suggestion. L'utilisation de formes simples vient ici remplacer l'illustration et les images, le visuel communique de manire implicite. Saul Bass1. Le Constructivisme Russe, courant de la peinture et de la sculpture abstraite qui utilise des formes majoritairement gomtriques. Apparu en Russie vers 1914 sous l'impulsion de Tatline. Malevitch et Lissitzky en taient des membres importants. Son uvre emblmatique est le projet pour un Monument la Troisime Internationale (1919 - 1920), de Vladimir Tatline.Saul Bass (1920 - 1996), est un designer graphique amricain qui a rvolutionn l'histoire des gnriques de films. Lors des ses tudes au Brooklyn College, son professeur Gyrgy Kepes lui fait dcouvrir le Bauhaus et le Constructivisme Russe1, qui l'influencent grandement dans le choix d'une esthtique moderniste. Il dbute sa carrire en tant que graphiste publicitaire, et crera de nombreux lments d'identit visuelle et logos, notamment pour United Airlines et Minolta. Mais ses crations les plus marquantes sont avant tout ses travaux pour des gnriques de films. Aprs avoir fond son propre studio, Saul Bass and associates, en 1950, il fait la rencontre d'Otto Preminger, pour lequel il va raliser l'affiche et le gnrique d'introduction de Carmen Jones, en 1954. Son approche est trs diffrente de ce qui se faisait l'poque. Tandis que les affiches taient majoritairement constitues d'lments visuels issus du film, il dcide de se concentrer sur l'utilisation d'un symbole graphique, en lien troit avec l'univers du film. C'est la cration de l'affiche et du gnrique d'introduction de The Man With The Golden Arm (d'Otto Preminger, 1955), un film qui retrace l'histoire d'un personnage hronomane, qui participera sa reconnaissance. Le bras stylis utilis pour la cration de l'affiche et dans le gnrique du film ont un impact particulirement fort et font de Saul Bass un des matres du genre. Son approche se diffrencie de ce qui se faisait cette poque, il place le gnrique d'introduction du film comme une partie de ce dernier. Il sert introduire le spectateur dans l'univers de l'histoire, par l'utilisation d'lments visuels simples, allis la musique et donc trs vocateurs. Le concept est tellement novateur, qu'une note tait jointe la pellicule pour demander au projectionniste d'ouvrir les rideaux avant la diffusion du gnrique. Saul Bass a donn voir un travail d'une grande sensibilit par le biais d'un graphisme moderne et pur, que je vais tenter d'analyser dans un second temps.54 47. Affiche de The Man With The Golden Arm (1955) , par Saul Bass. (En haut) Battez les blancs avec le coin rouge (1919), de Lazar Markovich Lissitzky, uvre importante du Constructivisme Russe. (En bas) Affiche de Carmen Jones (1954) , par Saul Bass.55 48. Le gnrique d'introduction, dcouverte d'un univers visuel et sonore Saul Bass russit rendre vivants ses gnriques de films par l'utilisation de formes symboliques, simples et stylises. L'ensemble des formes fait appel la sensibilit du spectateur et l'animation prend un rle primordial. L'enchanement des diffrents plans et l'animation, en rythme et en lien direct avec la musique, participent la cration d'une atmosphre qui vient introduire le film.1. Elmer Bernstein (1922 - 2004), compositeur amricain. Reconnu pour tre l'auteur de plus de 250 musiques de films, parmi lesquelles Les sept mercenaires (1960), Cent dollars pour un shrif (1969), L'homme au bras d'or (1955), La grande vasion (1963)...Dans le cas du gnrique de The man with de Golden Arm, l'utilisation de lignes blanches fait rfrence l'univers de la drogue prise par le personnage principal de l'histoire. Les lignes voquent la seringue utilise pour la consommation d'hrone. Le bras stylis et trs symbolique, visible dans l'affiche du film, n'apparat qu'au dernier plan et vient souligner l'effet de manque que peut procurer l'hrone et la tension qu'il reprsente. La musique jazz compose par Elmer Bernstein1 pour l'occasion, vient accompagner le visuel pour apporter une atmosphre intrigante, qui voque le monde de la nuit et par association l'univers de la drogue. Les titres du gnrique accompagnent l'animation et s'associent aux structures formes par les lignes. Sans tomber dans l'illustration, Saul Bass russit plonger le spectateur dans l'univers du film, sans rien rvler sur le contenu de l'histoire. Si le spectateur ne comprend pas toujours ce quoi les formes font rfrence dans un premier temps, il est tout de mme plong dans une atmosphre et visionner le film lui permettra de comprendre ce quoi le gnrique fait rfrence. L'esthtique pure, allie la musique, prend alors tout son sens et toute sa force dans cet exercice de suggestion. Elle provoque chez le spectateur un sentiment, une motion, fait appel sa sensibilit.56 49. Gnrique de The Man With The Golden Arm (1955) , ralis par Saul Bass.57 50. Appel une culture cible 1. Pascal Monaco (n le 2 Octobre 1986), motion designer allemand. Plus d'information et une partie de ses travaux sont disponibles sur son site : http://www.pascalmonaco.deTandis que Saul Bass transmet une motion en poussant la suggestion et l'pure leur maximum, le court-mtrage 35MM, de Pascal Monaco1 (jeune designer Graphique allemand n en 1986), touche sa cible en faisant appel une culture prcise. Je vais analyser son court-mtrage dans cette sous-partie, pour montrer qu'une esthtique minimaliste peut prendre son efficacit dans la simplification d'lments caractristiques de films (dans la ligne du travail d'Exergian, que j'ai voqu auparavant). 35MM, le court-mtrage de Pascal Monaco L o Exergian place le titre des sries sur ses affiches et utilise les diffrents lments visuels comme des indices rvlateurs de leurs univers, Pascal Monaco se base sur un procd quasiment similaire dans l'intention, mais peru d'une manire totalement diffrente. En effet, l'animation fait appel la curiosit du spectateur, elle donne voir diffrents lments visuels simples qui s'enchanent, se forment et se transforment, pour voquer avec pertinence diffrentes scnes de films cultes. Aucun titre de film n'est donn, c'est au spectateur de russir deviner les films auxquels l'animation fait rfrence.58 51. Extraits du court-mtrage 35mm (2010), ralis par Pascal Monaco.59 52. Extraits du court-mtrage 35mm (2010), ralis par Pascal Monaco.60 53. De toute vidence, l'animation s'adresse ici un public cinphile capable de reconnatre les diffrents films, et les personnes n'ayant pas eu auparavant accs cette culture ne seront pas touches par cette animation. En faisant rfrence des notions communes entre le crateur de l'animation et le spectateur, l'esthtique pure permet ici d'instaurer une certaine proximit, comme dans le cas des affiches d'Exergian, renforce par la notion de jeu auquel elle fait appel. Le but ici n'est pas de transmettre une information ou un message prcis, mais bien de toucher le spectateur et de l'inviter tenter sa chance pour reconnatre les films voqus travers des visuels simplifis. Le spectateur est pouss chercher dans sa propre culture pour identifier les films. Lorsque cette culture est partage, lanimation se rvle particulirement efficace, et russit transmettre beaucoup en montrant peu. Pascal Monaco sexprime alors de manire personnelle et invite les spectateurs de son court-mtrage partager lexprience quil a pu avoir des diffrents films prsents. Il met en avant son propre point de vue, sa sensibilit, et invite les spectateurs le partager ou sen dtacher.61 54. En offrant un nouveau regard sur ce que lon connait, en faisant appel notre culture et notre vcu, le recours une esthtique pure permet de transmettre des sentiments, dinstaurer une atmosphre de manire subtile et implicite. Lorsquil dpasse une interprtation unique pour mettre en avant un ide sensible, il fait appel notre curiosit, nos gots, ce qui vient nous toucher par son vidence et sa suggestion. Laspect frontal et fonctionnel des codes de lindustrialisation disparat pour laisser place lmotion. 55. III Le processus dpure La cration dun visuel pur rsulte dun ensemble dtapes dcisives que jaborderai dans cette partie pour souligner limportance de la notion de choix. Cest en alliant une analyse du sujet et en le retranscrivant de manire synthtique, laide de diffrentes techniques, que lide prend toute son ampleur. Jappuierai mon propos travers des exemples mthodologiques tirs du livre Design thinking (2010), de Gavin Ambrose et Paul Harris. Les mthodes de travail dtailles dans ce chapitre ne sont pas exhaustives. Chaque designer graphique a ses propres habitudes de cration, susceptibles de sadapter aux sujets traits. 56. La recherche de lvidence Que ce soit dans la cration de visuels minimalistes, o le processus dpure est pouss son maximum, ou dans le souci de simplifier un visuel, ce procd me semble tre au cur de la rflexion du designer graphique. Jentends par l que pour russir communiquer de manire pertinente, il faut apprendre se dbarrasser dides, dlments graphiques ou de clichs superflus qui viendraient polluer le visuel. Cest par le biais dune succession de choix, par lidentification des critres les plus importants et dune manire pertinente de les retranscrire, que le designer graphique peut russir transmettre son message avec efficacit. En mappuyant sur la clbre citation dAntoine de St Exupry1: La perfection est atteinte, non pas lorsquil ny a plus rien ajouter, mais lorsquil ny a plus rien retirer, je compte montrer que lvidence peut tre atteinte par un processus de soustraction. Lvidence est ce quil reste une fois que lon a vid, que lon sest dbarrass de tout lment superflu dans le but de garder lessentiel, la structure, le plus important.1. Antoine de St Exupry (1900 - 1944), crivain et aviateur franais. Auteur de la clbre fable Le Petit Prince (1943). Puise dans son exprience de l'aviation pour ses diffrentes romans, notamment Vol de nuit (1929) et Courrier Sud (1931), qui font partie de ses uvres les plus connues.Identifier lessence de la question Pour pouvoir procder ce processus de soustraction, il est important pour le designer graphique didentifier clairement ce qui fait lessence du sujet sur lequel il travaille. Que ce soit dans le cadre dune commande ou dun travail personnel, le visuel cr sarticule autour dun message, dune ide principale quil est important de saisir au pralable. Pour faire merger cette ide, le designer graphique passe par de nombreuses tapes de recherche. Il est important davoir bien cern le sujet pour mettre en vidence ses tenants et ses aboutissants. Une premire tape dlimination a lieu, il se concentre sur les ides quil veut transmettre pour pouvoir les retranscrire. Dans le cadre de la commande, il se base la fois sur sa vision personnelle du sujet trait et sur les attentes du client. La difficult est alors de trouver un angle dattaque qui satisfasse les exigences de chacun. Dans le cadre dun projet personnel, la libert est bien videmment plus grande, et tout repose sur lide initiale.67 57. Le processus dpure intervient de la mme faon que sur un projet classique. Lide mettre en avant doit simplement tre plus concise, rduite un message, une ide principale, qui fait lien entre les diffrentes problmatiques de la question. Dans le cadre de la commande, le designer graphique peut sappuyer sur un cahier des charges fourni par le client, qui lui permet de cerner ses attentes, de les interprter pour mieux les retranscrire visuellement. Il peut tre analys selon la rgle des 5W. Who: qui est le client, quelles sont ses caractristiques, et quelle audience est vise? What: quelle solution graphique le client a-t-il envisag (print, web, vido)? When: pour quand le projet doit-il tre ralis et combien de temps sera-t-il visible? Where: o le projet sera-t-il visible? (mdia, quels supports de diffusion, quel pays). Why: pourquoi le client a-t-il besoin dun support graphique? Quels sont les apports qui pourront tre amens par le designer graphique? + How: comment le visuel sera ralis (budget, distribution, campagne)? Une autre mthode peut tre applique, primordiale dans le cadre de la cration dun visuel pur: KISS (Keep It Short and Simple). Elle pousse revenir lessentiel dans les recherches puis dans la ralisation du visuel, dans le but de transmettre le message de manire claire. Ces quelques rgles permettent au designer graphique de mieux identifier lessence de la question et de prparer ses recherches sur le client et son univers, mais aussi et surtout sur le public vis.68 58. Exemple dapplication de la rgle des 5W. Tir du livre Design Thinking, de Gavin Ambrose et Paul Harris. 69 59. Identifier un public cibl Comme nous avons pu le voir, les attentes changent en fonction du sujet. Je vais donc articuler mon propos autour de l'exemple d'une affiche publicitaire. Une affiche cre pour le lancement d'un produit se doit de toucher un maximum de personnes, pour les pousser l'acheter. La question est alors de savoir si l'on veut donner envie des personnes qui n'ont pas l'habitude d'utiliser ce genre de produits de s'y intresser, ou si l'on veut fidliser les consommateurs dj existants. Il s'agirait l de pousser ceux qui achtent les produits de la concurrence choisir le produit mis en avant. La communication peut alors prendre plusieurs tournures diffrentes, le message, l'intention ne sont plus les mmes. Les recherches faites par le designer graphique lui permettent la fois d'identifier le public qu'il vise, mais surtout de connatre ses attentes. Il importe donc d'tudier les habitudes de ce public pour mieux communiquer. En considrant les retours qu'il a eu sur ses anciens projets, en rassemblant un ensemble d'informations (statistiques, tudes de march, rsultats d'enqutes et de sondages), et en se basant sur ses expriences quotidiennes, le designer graphique peut russir identifier les habitudes, les gots du public auquel il s'adresse. Il est alors impratif de russir s'carter des ides reues pour conserver l'essentiel, les caractristiques les plus importantes et dterminantes du public cibl, d'utiliser certains codes visuels en lien avec son univers.70 60. Lagence suisse BVD cre lidentit visuelle et leLe studio espagnol Ruiz+Company cre lidentit visuelle et le packa-packaging des sucreries Candy King (2008).ging de la marque de friandises Womo (2006). La typographie utiliseElle sadresse au grand public et aux enfants parest plus sobre, imprime en noir et le packaging laisse apparatre lesle biais daplats de couleurs fluorescentes et unecouleurs acidules des produits vendus. Les visuels sadressent typographie ronde tout en tant pure.des adultes et aux personnes intresses par des produits de luxe.71 61. Identifier les codes visuels Prenons l'exemple d'une affiche de concert. En fonction du groupe et du style musical auquel il appartient, il sera dj troitement li une culture visuelle. En effet, les codes visuels sont diffrents pour un groupe de rock, de reggae ou de musique classique par exemple. Le rle du designer graphique est d'identifier la culture lie au style musical, de s'en imprgner pour pouvoir identifier l'ensemble des codes visuels tablis. L'esthtique est rvlatrice d'une culture auparavant tablie. La forme, les couleurs, l'organisation des visuels changent en fonction de l'univers auquel ils font rfrence. Alors que les couleurs principales utilises par le milieu du reggae sont le jaune, le rouge et le vert, par exemple, celles du rock sont le noir, le rouge, et le blanc. C'est en identifiant ces codes et leur sens que le designer graphique peut communiquer, et, dans le cadre d'un visuel pur plus particulirement, donner de la force au visuel. L'essentiel est alors de se dtacher des clichs, tout en russissant voquer l'univers de rfrence. L'identification des codes visuels est une tape primordiale du processus d'pure, elle permet de jongler avec la multitude de codes reconnus pour ne conserver que ceux qui sont rvlateurs de l'essence du propos. La limite entre un visuel pur et un visuel charg se pose alors dans sa capacit ne pas tre redondant. Chaque code visuel utilis et chaque lment graphique apportent une notion supplmentaire, participent la transmission du message, et leur lien est vident.72 62. Affiches de Mico Toledo, jeune designer graphique brsilien. Il met en forme les paroles de chansons pour son projet Music Philosophy (2010). Laffiche pour I am mine, de Pearl Jam ( gauche), est reprsentative de lunivers du rock par lutilisation de la couleur et de la typographie.73 63. Idation et cration Aprs avoir fait de nombreuses recherches autour de son sujet, le designer graphique doit se concentrer sur le moyen de transmettre son ou ses messages. Il rentre alors dans l'tape de cration qui fait le plus appel sa crativit, et va devoir trouver un certain nombre de concepts, d'ides. Elles devront tre tries, choisies avec prcision et enfin dveloppes pour correspondre au cahier des charges (dans le cadre d'une commande) ou l'intention initiale (dans le cas d'un projet personnel) de la manire la plus juste. Plusieurs mthodes de cration s'offrent au designer graphique: - La mthode divergente: elle sort de la norme, tend s'carter de ce qui se fait dj pour aborder le sujet sous un nouvel angle, par une nouvelle approche accrocheuse qui sera plus pertinente, fera merger une ide nouvelle, offrira une autre perception. - La mthode convergente: elle se conforme la norme, c'est en suivant ce qui est dj connu de l'univers cibl et en rpondant aux attentes habituelles, ce que ce public affectionne dj, et ce qui dfinissait auparavant l'univers du client, que le message sera transmis. - La transformation: le designer graphique procde une refonte de ce qui existait auparavant, c'est notamment le cas lors d'un changement d'identit visuelle, par exemple. Pour trouver l'inspiration, il est courant que le designer graphique fasse appel de nombreuses rfrences et observe des travaux de confrres ou s'inspire du retour de ses propres ralisations. Il a besoin d'identifier ce qui se fait dj pour savoir vers quoi se tourner, ce qu'il veut conserver et ce dont il veut s'carter. Parmi de nombreuses mthodes d'inspiration, le livre d'ides me semble particulirement intressant. L'inspiration vient bien souvent de ce que l'on peut voir autour de nous dans le cadre de recherches, ou de manire plus anodine. Le livre d'ides est une collection d'images accumules au quotidien, de rfrences trs varies et collectes de manire spontane qui viendront nourrir certains projets.74 64. La discussion, l'change d'ides et notamment le brainstorming, dans le cadre d'un travail en groupe, sont aussi des lments stimulants. Les croquis prparatoires viennent donner un aperu de la ralisation, transmettre de manire visuelle des bribes d'ides qui pourront tre assembles, slectionnes ou cartes pour former l'ide finale. L'important dans ce processus de slection est alors de cerner ce qui peut tre apport au message, sa valeur, son objectif. C'est au travers de ces diffrentes recherches et exprimentations que le designer graphique peut passer la ralisation finale. Dans le cadre du processus d'pure, cette slection est particulirement rigoureuse et constitue une tape primordiale. L'analyse, la recherche de l'vidence sont primordiales dans la cration d'un visuel pur. C'est ce qui permettra d'identifier le message, et d'entrer dans un univers visuel propre sa diffusion.75 65. La technique au service du sens Pour russir transmettre un message, une ide, une motion, il est possible d'avoir recours un ensemble de techniques, de matriaux et de rgles. La question se pose alors quant la pertinence de leur utilisation. Sans technique, le sensible peut provoquer une surcharge qui vient brouiller le message initial, tandis que la technique elle seule peut instaurer une atmosphre rigide et froide qui repousse le lecteur, ne le touche pas. Grille de mise en page et rgles Je ne compte pas ici faire une liste dtaille des diffrentes rgles typographiques et de mise en page, mais bien montrer l'importance de leur existence et l'influence qu'elles peuvent avoir. L'utilisation d'une grille de mise en page est le reflet de l'intention initiale du designer graphique. Elle l'aide structurer son document, permet d'amliorer sa lisibilit. De nombreux paramtres entrent en jeu. Le choix de la typographie, associ aux diffrents rglages qu'il est possible de faire (interlettrage, interlignage, graisse), permet d'accompagner le propos. Dans le cadre d'un catalogue d'exposition, par exemple, une grande place est gnralement laisse au blanc, le rapport entre le texte et l'image est trs important. La part belle est ici donne l'image et le blanc permet de la laisser respirer. Une mise en page charge et sans structure diminue la lisibilit, l'image se confond au milieu d'autres lments visuels, et perd en force.Beaucoup douvrages existent et dtaillent les diffrentes rgles et procds de mise en page. Les ditions Pyramyd ont publi de nombreux manuels de rfrence au sujet de la grille, de la mise en page, du rapport texte image et bien dautres sujets fondamentaux, dans leur collection Les essentiels.76Le nombre de colonnes, le titrage, l'utilisation de diffrentes graisses, la place du texte dans la page suivent des rgles tablies depuis les dbut de l'imprimerie. L'utilisation de ces diffrentes rgles sont autant de moyens de synthtiser le propos, de lui permettre de gagner en force. La lecture est alors guide par le designer graphique. La mise en page s'adapte au contenu pour le rendre plus vident, le faire parler par le fond comme par la forme. Les diffrentes rgles permettent d'tablir une structure ncessaire la lisibilit du visuel, mais se limiter celles-ci serait un contre-sens. 66. Affiche dexposition pour la reinhold-brown gallery (1980), maquettes pour la signaltique des chemins de fer suisses (1967). Ces deux exemples sont rvlateurs de limportance de la grille pour structurer le visuel.77 67. Les limites de la technique C'est dans les diffrents choix faits par le designer graphique, que tient toute la pertinence de son propos. En effet, la technique ne peut se rduire elle mme, sans quoi elle n'est pas adapte et peut conduire une perte du sens initial, devenir un frein la crativit. La difficult est alors de savoir jongler entre les intentions, la dimension crative et sensible, et le recours aux diffrentes techniques. Il est alors important de savoir les utiliser, mais aussi de s'en dtacher pour ne pas tomber dans des rponses type, impersonnelles, et donc insensibles. 1. David Carson (n en 1956), designer graphique amricain. A eu une grande influence sur le design graphique depuis les annes 1990. Est galement le fondateur du magazine de musique indpendante Ray Gun. Son ouvrage The End of Print (1995), ralis avec Lewis Blackwell (ancien diteur, rdacteur en chef de Creative Review et auteur), a remport un grand succs.David Carson1, par exemple, est reconnu pour ses crations qui viennent casser la grille. Il rompt avec tous les aspects techniques habituels du design graphique pour laisser place l'intuitif. Ses exprimentations, souvent faites de collages, de photomontages, d'assemblages divers et de typographies tortures sont l'essence mme de sa crativit. En laissant place aux ractions intuitives et inconnues, il ne suit pas de chemin trac. L'absence de rgle lui permet de laisser libre cours sa personnalit, son ressenti. Son travail de designer graphique est proche de celui d'un plasticien. Il imprime gnralement les diffrents lments de ses visuels pour essayer de nombreux assemblages, jusqu' trouver une composition qui lui convienne visuellement, et vient rompre toutes les habitudes de lecture et de mise en page. Mais lintuition et le ressenti peuvent galement prendre leur place en ayant recours des rgles. Dans le cadre du processus d'pure, l'enjeu est alors de russir se servir de la technique comme de repres qui viennent synthtiser, structurer les diffrents lments visuels. Elle est alors autant de moyens de transmettre l'ide. Elle vient appuyer la crativit et ne constitue plus une barrire. La structure est porteuse de sens, et c'est aussi le cas des formes et des couleurs, trs influentes dans la perception d'un visuel.78 68. Couverture du magazine Ray Gun, par David Carson.Extraits de louvrage The End Of Print (1995), de David Carson et Lewis Blackwell.79 69. Symbolique des formes et des couleurs. Le choix d'lments graphiques simples apparait comme une vidence dans le processus d'pure, le sens de chaque forme et couleur doit alors tre fait avec pertinence pour renforcer le message. En effet, une esthtique simplifie repose bien souvent sur l'utilisation de formes gomtriques qui viennent donner une reprsentation plus concise, simplifie de ce que l'on connait dj. Cette nouvelle vision met en avant l'essence, ce qui caractrise l'objet. Les formes et les couleurs sont autant de symboles qui font appel notre culture et nous guident dans la comprhension du message. On parle de couleurs froides, de couleurs chaudes, le vert peut renvoyer la nature, le bleu au ciel, le rouge au sang. Ces derniers exemples sont sortis de leur contexte et renvoient des interprtations classiques et communes la culture occidentale. Mais leur symbolique est bien plus forte, et leur utilisation dans des visuels simples permet d'orienter, de simplifier la transmission du message de manire implicite. Johannes Itten, lors de son enseignement au Bauhaus, donnait une grande place la perceptions des formes et des couleurs. Une partie de ses ides se retrouve dans son ouvrage l'Art de la couleur. Goethe (1749 - 1832), pote, dramaturge, thoricien de l'art et homme d'tat allemand), a galement crit un Trait des couleurs, sur leur perception, leur harmonie, leurs oppositions et le sens qu'elles pouvaient avoir. Les formes, tout comme les couleurs, ont leur propres interprtations et font appel nos connaissances, notre vcu. Par exemple, l ou le carr exprime la rigidit mais aussi la stabilit et la rgularit, le triangle renvoie l'quilibre, au mouvement et l'lvation. Tout comme les couleurs, leurs interprtations dpendent majoritairement de leurs contextes et peuvent renforcer la conception du visuel par leur influence. Formes et couleurs sont des lments essentiels de la cration d'un visuel pur. Il est important de cerner ce qu'elles voquent dans le contexte o elles seront utilises pour s'en servir bon escient et renforcer le visuel.80 70. Modle didactique de Johannes Itten, sphre chromatique divise suivant des parallles et des mridiens (1919 - 1920).81 71. La Gestalt La Gestalt est la psychologie de la forme. Elle est thorise en 1890 par Christian Von Ehrenfels (1859 - 1932, pilosophe autrichien) dans son article ber Gestaltqualitten. Elle se base sur le principe que notre perception ne se concentre pas sur des points isols, mais sur une perception d'un tout. On ordonne ce que l'on voit de manire intuitive, on simplifie les lments complexes qui nous entourent en regroupant ceux qui ont des caractristiques communes. Elle s'articule autour de six diffrentes lois: La loi de simplicit: elle met en avant le principe selon lequel les lments sont perus dans leur ensemble. Les motifs sont perus pour la surface qu'ils forment et non pour les lments qui le composent, lorsque l'on est dans un parc, on peroit la pelouse comme un ensemble et non les brins d'herbe individuellement. La loi de proximit: on peroit plusieurs formes cte ct comme un mme groupe. Lorsqu'il y a plusieurs groupes dans un mme ensemble, ils sont considrs comme sous-ensembles. La loi de similarit: la vision regroupe les lments de mme forme ou de mme couleur. Cette loi est la base de la hirarchisation des informations dans le design graphique, c'est ce qui nous permet par exemple de diffrencier les titres du texte courant, et vient faciliter la lecture. La loi de continuit (ou loi d'alignement): le regard reconstitue un trac entre les diffrentes formes. C'est ce qui permet de guider la lecture, le regard, de crer un chemin visuel guid par celles-ci.82 72. Illustration de la loi de proximit. Lorsquils sont proches, les cercles sont perus comme un groupe.Illustration de la loi de similiarit, cercles blancsIllustration de la loi de continuit, le regard suitet cercle gris forment des groupes.le chemin cr par les formes.83 73. La loi de fermeture: le regard n'a pas besoin de formes entires. Lorsqu'elles sont connues, quelques indices visuels permettent au cerveau de recomposer la forme complte. Cette loi fait appel l'imagination et se base sur la suggestion. La loi de la bonne forme: les lments s'organisent et laissent apparatre une forme connue parmi plusieurs autres. C'est notamment ce qui nous permet de distinguer les constellations, d'observer des dessins dans des nuages, par exemple. Cette rgle a un aspect trs subjectif, trs personnel et fait appel au vcu. C'est notamment ce qui a t utilis pour la cration du logo de Carrefour, elle est percutante pour son ct trompe l'il.Logo de Carrefour.La Gestalt repose sur plusieurs principes simples. Le recours ses diffrentes lois permet de guider le regard, d'amliorer la lisibilit et de faire appel au vcu du lecteur. Elle revt la fois un aspect fonctionnel et sensible, plus simple et personnel, qui permet d'accompagner la cration d'un visuel pur. La technique et le recours aux diffrentes rgles structurent le visuel et sont des composantes primordiales du processus d'pure. Elles viennent alors clarifier le message que le designer graphique met en avant et aider transmettre une ide, une motion.84 74. Illustration de la loi de la bonne forme, notre regard complte le carr en voyant ses angles.Illustration de la loi de la bonne forme.Le vase de Rubin (1915), repose sur la loi de la bonne forme.85 75. Le paradoxe d'une esthtique minimaliste De nombreuses recherches et un travail de slection particulirement rigoureux sont ncessaires la cration d'un visuel pur. L'apparente simplicit du visuel obtenu peut nanmoins poser question quand la quantit de travail fourni pour les personnes qui n'ont pas connaissance de ce processus. La difficult de faire simple Simplicit visuelle n'est pas synonyme de simplicit de cration. L o l'on montre peu, un grand travail de prparation et de slection se cache. Le processus d'pure que je viens de dtailler, ne rsulte pas d'un travail d'addition, mais bien de soustraction. Une premire tape de recherche permet d'identifier l'univers li au sujet, de l vont natre de nombreuses ides, desquelles dcoulent nombre de solutions. Une fois l'une de ces solutions choisies, une ide, un visuel va tre dvelopp. Dans le dveloppement mme de ce visuel, il va falloir procder de nombreux choix graphiques que nous avons vu prcdemment (choix de typographie, de formes, de couleurs).1. Oscar Wilde (1854 - 1900), crivain irlandais. Membre du mouvement Esthte, il prne la recherche du beau Son uvre la plus connue est Le portrait de Dorian Gray (1890).L'objectif du designer graphique est alors de supprimer tout ce qui apparat comme superflu ou redondant. La citation d'Oscar Wilde1, J'ai travaill toute la matine la lecture des preuves d'un de mes pomes et j'ai enlev une virgule. Cet aprs-midi, je l'ai remise me semble illustrer cette dmarche. Cette notion de choix est primordiale et particulirement difficile appliquer. La peur d'liminer un lment essentiel et celle de conserver un lment redondant entrent en jeu. La dmarche du designer graphique s'approche alors de celle d'un collectionneur. Il vient accumuler les rfrences, les ides, les lments graphiques et tout ce qui l'entoure peut servir son sujet de prs ou de loin. Simplifier est alors synonyme de prise de position, relve d'un long processus de slection qui doit tre pleinement assum. C'est l o se trouve toute la force de la simplicit, et toute sa difficult.86 76. Extraits de la srie dimages Need to want less, de la designer graphique amricaine Erin Hanson. Elle montre au travers de ces visuels des choix du quotidien et met en avant limportance dune philosophie base sur la slction et le retour lessentiel, par le biais dune esthtique pure.87 77. pure et ides reues Tout le monde n'est pas conscient du travail que reprsente le choix d'une esthtique pure. Nombre de personnes considrent qu'elles auraient pu tout aussi bien le faire elles-mmes. C'est ce point de vue particulirement courant qui peut poser problme vis vis d'un client. Lorsqu'un client fait appel un designer graphique, c'est bien souvent pour qu'il apporte son point de vue, ses connaissances et surtout sa matrise de l'outil son ide, sa commande. Dans cette optique, il le paye pour qu'il ralise un travail qu'il n'aurait pas pu faire lui-mme. Le problme que pose alors le choix d'une esthtique pure est celui du travail fourni apparent. Pour un client non initi, une approche minimaliste est synonyme de manque de travail. Il peut avoir le sentiment que il n'en a pas pour son argent, que le travail fourni ne justifie pas le prix pay. Cette impression que le client peut avoir est particulirement paradoxale dans le sens o elle rvle aussi l'efficacit du visuel. En effet, bien souvent, si le visuel lui parat trop simple, trop vident, c'est qu'il l'a compris directement et qu'il est particulirement efficace. Le visuel n'est pas simpliste, il n'est pas la rsultante de la premire ide venue. Il est simple, constitu de peu d'lments qui s'organisent de manire claire, et se suffit lui-mme pour communiquer. Le recours a une esthtique pure peut donc s'avrer difficile justifier auprs de certains clients, l'accent doit alors tre mis sur l'importance de la recherche et le discours du designer graphique devra souligner la prise de force que cela peut reprsenter.88 78. La cration de visuels purs peut s'avrer paradoxale pour un designer graphique, et ncessite un travail particulirement long et complexe que les non initis n'apprcient pas toujours sa juste valeur. Le message n'en est pas moins transmis de manire claire et efficace, mais la question de cette approche peut se poser en fonction de la rceptivit du public cibl.89 79. Cest en ayant recours un long processus danalyse de son sujet et de sa cible que le designer graphique russit identifier une ide pertinente, qui servira de base pour la cration du visuel. Lutilisation dun ensemble de rgles et de techniques, associes sa crativit, lui permettent de transmettre son propos de manire simple. Le processus dpure est alors un moyen de se dbarrasser de tout lment superflu pour atteindre lvidence, lessence mme du propos. 80. Conclusion Sous son angle le plus fonctionnel, lpure a permis de rendre accessible linformation au plus grand nombre et de simplifier sa lecture. Le dveloppement des villes, des modes de transport et de communication ont ncessit lapparition dun nouveau langage graphique bas sur ce principe. Le design graphique et lpure se prsentent alors comme des outils fondamentaux de laccs linformation. Les recherches du Bauhaus ont permis de diffuser une esthtique pure base sur une recherche sensible travers le monde. Cette premire approche du sensible a guid de nombreux designers graphiques vers une nouvelle interprtation des codes visuels amens par la modernit. Un point de vue moins frontal a pu tre abord comme nous lavons vu dans le cas des gnriques de Saul Bass. Lpure fait alors la part belle une communication plus implicite. Elle fait appel au vcu, la culture du spectateur pour le toucher de manire personnelle, lui donner voir sous un nouvel angle ce quil connait. La difficult de faire simple prend alors tout son sens. La recherche de lvidence est un long travail danalyse qui ncessite une grande prcision, bien quil ne soit pas toujours reconnu sa juste valeur. Le recours lpure permet de donner une grande force au message, quil soit sensible ou informatif. Il permet de proposer une nouvelle optique, de synthtiser tout en offrant une richesse dimages et dinterprtations lorsquil fait appel de vrais qualits artistiques, techniques et culturelles. On peut sinterroger sur lvolution de cette forme simplifie dans une socit qui ne cesse de dvelopper de nouvelles techniques, et offre en permanence de nouveaux champs dinvestigation. 81. Mise en situation graphique Mon intention, dans la ralisation de la mise en situation graphique, est de mettre en image le processus dpure. Il sagit de montrer les diffrentes tapes de la cration dun visuel en soulignant limportance de la notion de choix, de la slection. Lide est de mettre en vidence le long processus de soustraction par lequel passe la cration. Le designer graphique accumule les ides, les rfrences, tout en tenant compte de ses objectifs et des contraintes qui y sont lies. Dune nue dinformations, il russit obtenir un visuel pur. Lobjectif est de montrer la difficult de faire simple, et limportance du questionnement, de la recherche et de la reflexion dans ce travail. 82. Bibliographie Livres AMBROSE, G. et HARRIS, P. Design Thinking, 2010, Paris, Pyramyd, coll. Les essentiels graphisme, 199 pages. AMBROSE, G. et HARRIS, P. Maquette, 2007, Paris, Pyramyd, coll. Les essentiels graphisme, 176 pages. Assoun, P.-L. Lcole de Francfort, 3e d. 2004, Paris, Presses universitaires de France, coll. Que sais-je?,127 pages. Aumont, J. Limage, 2e d. 2000, Paris, Nathan, coll. Nathan cinma, 248 pages. Benjamin, W. Loeuvre dart lpoque de sa reproductibilit technique, 1935, d. 2006, Paris, Allia, coll. 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