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Essai de r~vision de la Th~orie des prix ~ la lumi~re des progrbs de la Psychologie moderne. Par Jean Marchal~ Paris. La th~orie moderne des prix d6coule directement de la d~couverte de l'utilit6 rare, ou utilit~ marginale, effectu4e aux environs de 1870 et presque simu[tan~ment par l'Autri(~hien Carl M e n g e r, le Fran- ~ais L6on W a 1 r a set t'Angtais Stanley J e v o n s. Ult4rieurement, cette th6orie a trouv6 un interprSte ~minent, capable de syst~matisation tout en demeurant passionn6ment attach6 ~ la r~alit~, en la personne d'Alfred M a r s h a 11. I1 serait in~uste de ne pas lui attribuer ~gale- ment le titre de fondateur. A la th~orie ainsi pr6sent~e, on peut faire deux reproches. D'une part, elle se construit dans l'hypoth~se d'une concurrence parfaite. D'autre part, elle fair intervenir des agents dont toute l'activit5 eat ordonn4e selon les r~gles de la plus rigoureuse logique. Analysant la notion de concurrence parfaite, les auteurs les plus recents ont indiqud qu'elle suppose deux conditions: une condition d'atomi- cit6: il convient, non seulement que les acheteurs et vendeurs soient nombreux, mais encore qu'aucun d'eux ne soit de taille suffisante pour pouvoir, par sa politique particuti~re, exercer une influence appreciable sur te niveau du prix; une condition de fluidit6: it faut que les ache- teurs en presence aleut Ia possibilit~ et la volont~ de rechercher cons- tamment leur avantage mon~taire maximum. Cette analyse montre qu'il ne suffit pas que les pouvoirs publics s'abstiennent de route inter- ~ention et les producteurs de toute entente pour que la concurrence parfaite r~gne. Elle fait ressortir que, dans le monde r~el, les march~s off se rencontre une parfaite concurrence sont peu nombreux. Bien plus l'~tude des structures et de teur 6volution historique r~v~le que ces march~s deviennent de plus en plus rares et que le domaine de la concurrence parfaite se r~tr~cit. Aussi tout un courant d'auteurs modernes a-t-il entrepris d'analyser le m6canisme de la formation des prix dans les r~gimes de concurrence imparfaite au sens large: les travaux de C o u r n o t sur le monopole simple ont ~t~ repris et perfectionn~s, des contributions pr~cieuses out ~t~ fournies par C h a m b e r i i n, par Mrs. R o b i n s o n, par S t a c k e 1 b e r g, pour ne citer que quel- ques auteurs, sur les situations de concurrence monopolistique, de monopole bilateral, de duopole et d'oligopole. Nous avons rendu compte

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Essai de r~vision de la Th~orie des prix ~ la lumi~re des progrbs de la Psychologie moderne.

Par

Jean Marchal~ P a r i s .

L a th~orie moderne des p r ix d6coule d i rec tement de la d~couverte de l 'u t i l i t6 ra re , ou ut i l i t~ ma rg ina l e , effectu4e a u x env i rons de 1870 et p resque s imu[ tan~ment p a r l 'Autri(~hien Ca r l M e n g e r, le F r a n - ~ais L6on W a 1 r a s e t t ' A n g t a i s S t an l ey J e v o n s. Ul t4 r ieurement , cette th6or ie a t rouv6 un in terprSte ~minent, capab le de sys t~ma t i s a t i on tout en demeuran t pa s s ionn6men t a t tach6 ~ l a r~alit~, en l a pe r sonne d ' A l f r e d M a r s h a 11. I1 se ra i t in~uste de ne pas lu i a t t r i b u e r ~gale- ment le t i t re de fonda teur .

A la th~or ie a in s i pr6sent~e, on peut f a i r e deux reproches . D ' u n e par t , el le se cons t ru i t d a n s l ' hypo th~se d ' une c o n c u r r e n c e par fa i t e . D ' a u t r e pa r t , el le fair i n t e rven i r des agen t s dont toute l ' ac t iv i t5 eat o rdonn4e se lon les r~gles de la p l u s r i g o u r e u s e logique.

A n a l y s a n t la no t ion de concu r r ence par fa i t e , les a u t e u r s les p lus recents ont indiqud qu 'e l le suppose deux condi t ions : une condi t ion d 'a tomi- cit6: i l convient , non seu lement que les ache teu r s et vendeu r s so ien t nombreux , m a i s encore q u ' a u c u n d ' eux ne soi t de ta i l le su f f i s an t e p o u r pouvoi r , p a r sa po l i t ique par t icu t i~re , exe rce r une inf luence a p p r e c i a b l e s u r te n i v e a u du p r i x ; une condi t ion de f luidi t6: it f au t que les ache- t eurs en p resence a leut Ia poss ib i l i t~ et l a volont~ de r eche rche r cons- t amment l eu r a v a n t a g e mon~ta i re max imum. Cette a n a l y s e mon t re qu ' i l ne suff i t p a s que les p o u v o i r s pub l i c s s ' abs t i ennen t de route in ter - ~ent ion et les p r o d u c t e u r s de toute entente p o u r que la concur rence p a r f a i t e r~gne. El le fa i t r e s s o r t i r que, dans le monde r~el, les march~s off se r encon t re une p a r f a i t e c o n c u r r e n c e son t peu nombreux . Bien p lus l '~tude des s t r u c t u r e s et de t eu r 6volut ion h i s t o r i q u e r~v~le que ces march~s deviennent de p lu s en p lu s r a r e s et que le domaine de la concu r r ence p a r f a i t e se r~tr~cit. A u s s i tout un c o u r a n t d ' a u t e u r s modernes a-t- i l en t r ep r i s d ' a n a l y s e r le m6can i sme de la f o rma t ion des p r ix dans les r~gimes de concu r r ence impa r f a i t e a u sens l a rge : les t r a v a u x de C o u r n o t s u r le monopo le s imple ont ~t~ r e p r i s et perfect ionn~s, des c o n t r i b u t i o n s pr~cieuses out ~t~ fou rn i e s p a r C h a m b e r i i n, p a r Mrs. R o b i n s o n, p a r S t a c k e 1 b e r g, p o u r ne c i te r que quel- ques au teu r s , s u r les s i t ua t i ons de concu r r ence monopol i s t ique , de monopole b i l a t e ra l , de duopole et d 'o l igopole . Nous avons r endu compte

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de ces efforts dans un ouvrage ant6rieur et n 'y reviendrons pas ici 0. Dans cet article, nous voudrions nous attacher '£ un autre aspect

du probl~me et montrer que les progr~s de la psychoIogie moderne obligent les 6conomistes h proc~der k une triple r6vision: r6vision des cencepts psychologiques qu'ils utilisent, r6vision des conclusions tir6es par eux en ce qui concerne, d'une part la formation du prix momentan4 et d'au~re part la d6termination du prix stable et le montant des im vestissements.

I. L a r ~ v i s i o n de s c o n c e p t s p s y c h o t o g i q u e s u t i l i s ~ s p a r l e s ~ c o n o m i s t e s .

Les auteurs classiques et n6o-classiques, lorsqu'ils formulent la th6orie des prix supposent tou~ours que les hommes agissent d'une fa~on parfaitement rationnelle. Un but ~tant donn~: obtenir le maxi m mum d'utilit~ au prix de la plus petite d@ense d'~nergie, l'individu compare soigneusement les moyens qui lui permettent d'atteindre ce but et se d4cide pour celui qui, selon les r~gles de la logique la plus rigoureuse, Iui parait le meilteur.

Dans la r6alit~, les hommes ne se comportent pas tou~ours de la sorte. Si nous nous attachons au eonsommateur, nous pouvons distinguer deux types extremes:

1 II y a, d 'un cot6, te consommateur dont toute l'attitude est mar- qu6e au coin de la plus stricte logique. Ce consommateur ne perd ~amais de rue que son but dolt ~tre d'obtenir le maximum d'utilit6 au prix de la plus petite d6pense. Avant d'acqu6rir un ob~et, il compare les prix dans les divers magasins. I1 compare ~galement, ce qui est plus difficile, les qualit6s. Va-t-il se d6cider ~ acheter? Pas ancore. Sou revenu n'6tant pas illimit6, il salt que l 'achat de cet ob~et l 'am~nera a renoncer ~ d'autres. S ' a#s san t d 'un 6tudiant par exemple, il est certain que l 'achat d 'un tivre peut se traduire par une s6ance de cin6ma en moins. I1 convient de d6terminer quel besoin est le plus intense et dolt ~tre satisfait. Est-ce tout? Non, il faut encore penser £ l 'avenir et se demander si la raise en r6serve de la somme en question ne per- mettrait pas, all cours des prochaines vaeances, de s 'effrir telle ou telle distraction. Et ce n'est qu 'au terme de tous tes ealculs que l'indi- vidu parfaitement rationnel prendra la d6cision d'acheter ou de ne pas acheter un ob~et ddtermin6.

2. A l 'autre bout de l'6chelle, il y a l'individu sans personnalit6 qui n 'a ni besoins, ni gofits propres, mais se laisse dominer par les circonstances et par le milieu. Cet individu sort pour acheter un livre. Chemin faisant, il passe devant un magasin de confection oh il volt une splendide cravate. Celle-ci a 6t6 admirablement raise en valeur par l'~tatagiste. Elle est d 'une marque qui fait une publicit6 insistante. Notre homme se rappelle soudain avoir lu dans maints journaux et

1) Jean Marteha~l: Le M~(~a~i:sme des Pri~, Paris, Librairie de M6dicis, 2 ° 6dition 1948.

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revues que rhomme chic porte une cravate de la marque en question. II associe le port de cette cravate ~ une allure ~eune et dSgg~g~e sim- plement parce que de multiples photographies lui ont sugg4r6 cette image. Sans plus r6fl4chir, il entre et il ach~te la cravate. Du coup, il renonce au tivre dont il avait envie un quart d 'heure auparavant. Et rien ne nous interdit de supposer qu'il sera oblig6, h la fin du mois, de se priver plusieurs lois de diner pour payer son toyer.

Le premier individu a une conduite rationnelle. Ses achats d6cou- lent de besoins pr6~xistants. I ls sont le reflet de sa personnalit4. Le second est enti~rement d~termin6 par le milieu. I1 flotte au gr~ des influences qui s'exercent sur lui: opinion d'un ami, choc d 'un ~talage, d'un slogan publicitaire, hasard, etc.

Ceci ~tant, nous pensons qu'il y a lieu pour les ~conomistes d'utiliser pour leurs constructions, non pas, comme ils Font fait ~usqu'~ present, u n s e u l mais deux types d' ,,homo oeconomicus": d 'une part, celui que nous proposons d'appeler , l ' h o m m e d e D e s- c a r t e s": rhomme raisonnable, l 'homme qui se d~cide en fonction de besoins pr6~xistants, en s'effor~ant d'6tablir entre ces besoins un ordre logique, l'homme, en un mot, qui a une personnalit~; et d'autre part, celui qu'en souvenir de la fameuse exp@ience du biologiste russe et du chien qui avait ~t~ habitu6 ~ saliver et k produire du suc gastrique sur commande, en r~ponse '~ un coup de sifflet, nous qualifierions volontiers ,,d'h o m m e d e P a v 1 o v", l 'homme conditionn~, l 'homme qui ne se d~cide pas au sens vrai du mot, mais qui agit sous l'influ- ence des excitations que lui fournit le milieu ambiant, l 'homme qui n 'a pas de personnalit~ mais fait seulement partie d 'un groupe dont il subit toutes les contraintes.

Deux probl~mes d~s lors se posent, dont nous nous bornerons esquisser les grandes lignes: l 'un consistant k pr6ciser les deux schemas que nous venons d'~voquer, l 'autre B situer par rapport i~ eux le comportement de l'homme r~el.

A. L a c o n s t r u c t i o n d e s d e u x t y p e s d ' h o m o o e c o - n o m i c u s s'op~re sans difficultY.

En ce qui concerne ,,l'h o r o m e de D e s c a r t e s " , on peut se borner ~ un renvoi aux travaux des ~conomistes traditionnels. Ce type ideal se caract6rise essentiellement par deux traits:

1. ,,L'homme de Descartes" se d6cide en fonction de besoins qui sont pr6~xistants. Sans doute, ces besoins s'expliquent au moins pour partie par une action ant@ieure du milieu: si, dans la civitisation contemporaine, un besoin de cin4ma se manifeste, c'est parce que les membres de la soci6t~ savent que des salles de pro~ection existent off ils pourront voir des films et qu'ils ont ~t~ amends ant6rieure- ment, par des parents ou des amis, ~ frequenter ces salles. Mais cette action du milieu se situe dans le pass4. Elle donne naissance ~ des besoins qui se constituent avant que l'individu consid@6 envisage seulement d'agir. E t c'est pr~cisement en fonction de ces besoins qu'il prendra ses d4cisions d'achat ou de vente.

Zeitschr. f. Nationallikonomie, XII , Bd., 2.--4. H. L8

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2. , ,L'homme de Descartes", non seulement cherche ~ obtenir une satisfaction maxima des besoins ~prouv6s pa r lui, mais il agit pour atteindre ce but de la fa~on la plus rationnelle. C'est un homme par- faitement maitre de lui, ~galement apte au calcul et ~ la pr~vision. Avant d'acheter un ob~et, il fait donc le tour de tous ses besoins pre- sents et futurs, il soup~se la satisfaction obtenue, la compare avec routes cetles auxquetles il dolt renoncer.

L a loi de cet homme, celle qui permet en toutes circonstances d'ima- giner sa conduite, c'est donc, comme Font tr~s bien montr4 les th6ori- ciens traditionnels, la tendance ~ l '~galisafion des utilit~s marginales. Cette tendance sans doute se heurte, dans le monde r~el, h certains obstacles: l'indivisibitit~ des ob~ets, les contrats off l 'agent pent d 6 ~ ~tre engage. Mais elle est pouss~e aussi loin que possible.

Preexistence de l'~chelle des valeurs, rationalit~ parfai te de la conduite, voil~ donc les deux caract~res essentiels de ,,l 'homme de Descartes".

En ce qui concerne ,,l'h o m m e d e P a v 1 o v", les 6tudes sont moins avanc6es. Pourtant , en se r~f~rant anx t ravaux des psycho- logues modernes i), on peut avancer que les r~actions de cet homme d~pendront essentiellement des st imulants que le milieu sera susceptible de lui fournir . Pr4cisons que ces s t imulants peuvent etre constitu~s par la vue de l'ob~et expos6 duns une vitrine, par sa presentation photographique darts une revue, un ~ournal ou une affiche, par sa louange faite pa r un tiers, lue dans un ~ournal, entendue ~ la radio, dans une ~oule, etc.

La puissance du stimulant ainsi con~ue depend de trois facteurs: 1. L a r ~ p ~ t i t i o n d u s t i m u l a n t : le st imulant a d ' a u t a n t plus

des chances d 'agi r sur un individu qu'il est r6p~t6. Cette r6pdtition pent ~tre obtenue, soit ea montrant plusieurs lois l'ob~et ~ rindividu, soit en lui en fournissant des representations, soit, puisque l 'homme poss~de le pouvoir d 'abstraction, en y faisant allusion. Aussi bien t o u s l e s sp6cialistes de la publicit~ savent-ils qu' i l faut, pour accrocher le consommateur, lui montrer l'ob~et duns routes les vitrines, le lui re- presenter duns toutes les revues, lui en par ler sans arr~t.

2. L ' i n t e n s i t ~ d u s t i m u 1 a n t: s 'agissant d 'un ob~et mis en vente, cette intensit~ se traduit par un prix plus ou moins ~lev~, par des qualit~s plus ou moins apparentes, par l 'emploi de vocables plus ou moins flatteurs pour d~crire l'ob~et. Ici encore, l 'exp~rience nous apprend que, non seulement on au ra recours aux qualificatifs les plus 0utr~s, mais qu'~galement on s 'at tachera, parfois faussement, ~ faire croire ~ un prix minime. Sur l'4tiquette, par exemple, on inscr i ra une patt ie du prix en caract~res gras, et l 'autre en caract~res minuscules. Ou bien on attendra, pour aviser le client d 'un taxe qui dolt s 'a~outer au prix, le moment off il passe ~ la caisse, etc.

1) CI. P. R ey n a u d: Economic politique et psychologic exp~rimentale. 1946.

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3. L a s i m p l i c i t ~ d u s t i m u l a n t : Cetle-ci est essentielle. Si le stimulant, mettons un prospectus o~ une vitrine, contient plus ou moins m61ang~es et contradictoires, deux suggestions, on risque que l 'acheteur qui, pa r d~finition, n 'est gu~re habitu~ ~ ss d~cider seul, n'h~site et finalement ne s'abstienne.

Ce qui caract~rise ,,l 'homme de Pavlov", e'est donc le fait qu'il agit sous l ' impulsion directs du milieu. Son acts d6coule, non pas de preferences profondes, issues de sa personnalit~ m~me, mais d'un besoin brusquement suscit~ pa r une cireonstanee ext~rieure, d 'un besoin si intense qu' i l lui sacrifie t o u s l e s autres, &'un besoin qui, s ' i l n'~tait pas satisfait imm~diatement, r isquerait fort de disparaitre aussi rapidement qu'il est apparu. Tandis que, chez ,,l 'homme de Descartes", Faction du milieu est ancienne, diffuse, soumise h la toute puissance de la raison, chez ,,l 'homme de Pavlov" ells est immediate et d~terminante.

Ces deux types d'homo oeconomicus ne sont cependant que des types extremes. L 'homme r4el est un compos~ de l 'un et de l 'autre. Suivant quelles lois s 'ordonne la combinaison? C'est ce que nous vou- drions pr~ciser maintenant.

B. En principe, on peut admettre que la plus grands part ie de l '~nergie d 'un homme, ~nergie mentale et ~nergie physique, se d6pense en activit6s ~conomiques. Pourquoi? Parce que l'activit~ ~conomique est cells qui dolt permettre ~ Tan individu de sat isfaire ses besoins vitaux st, en premier lieu son besoin de nourri ture, et qu 'avant toutes choses, il convient de subsister. P r imum vivere, deinde philosophari. Aussi constate-t-on que, m~me chez les individus les moins douds l'activitd 4conomique est relativement raisonn~e.

Est-ce k dire que t'activit6 ~conomique soit tou~ours parfai tement rationnelle et qu 'aucune diff6rence n'existe k ce point de vue entre les hommes? Nullement. I1 faut tenir compte de trois facteurs: le d~sir de richesse et d 'ascension sociale, l ' influence de certaines institutions, l 'existence d'aptitudes plus ou moins d~velopp~es.

a) l e d ~ s i r d e r i c h e s s e e t d ' a s c e n s i o n s o c i a l e . Tous lss individus font ind6niablement de grands efforts et des efforts aussi bien coordonn~s que possible pour sat isfaire leurs besoins vitaux. En ce sens, on peut admettre que l ' individu tr~s pauvre qui parvient diffi- cilement ~ subsister a u r a une conduits trSs voisine de l 'optimum de rationalit6.

Mais d~s que les besoins pr imordiaux sont satisfaits, des diver- gences s ' introduisent. Certains individus estiment que leur repos prime tout; ils se laissent aller au gr~ des circonstances: ainsi en va-t-il du mendiant napolitain qui, une fois apais~ son besoin de nourr i ture, prefers dormir au soleil plut6t que t ravai l ler pour am61iorer son ordi- naire. Si d 'aventure une aumSne lui ~ehoit on peut presumer qu' i l ne se l ivrera ~ aueune recherche pour en t irer l'utilit~ maxima et qu' i l se laissera influencer par les circonstances. Ainsi en va-t-il ~galement de l ' individu riche soucieux avant tout de ses aises. I1 prefers paye r

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cher, au besoin se fairo exploiter, plutSt que se donner le mal de lutter contre cette exploitation.

D 'aut res individus ne sont pas aussi m~nagers do leur peine, mais ils estiment peu les ~ouissances mat~rielles et prisent seulement les satisfactions intellectuelles. Des officiers ou des magis t ra ts se pr4occu- peront uniquement du bon fonctionnement de leur service ou de leur ~vancement. Des insti tuteurs songoront h. leurs ~l~ves, des chercheurs ~ leurs t ravaux. Tous, dans le domaine ~cono- mique, so laisseront guider par le milieu, non parce qu'ils sont incapablos do r~agir, mais parce qu' i ls n 'en ont pas le souci, ou, ce qui rovient au m~me, parce que leur capacit~ d'attention est ailleurs.

Finalement, il appara i t que le maximum de rationalit~ se ra d~- ploy4 par ceux qui ont un vif d~sir d 'ascension sociale et qui identi- fient cette ascension ~ t 'enrichissement. Ceux-lk p~seront soigneuse- ment lo pour et le contre de toute action ~conomique pour obtenir, en routes circonstances, le rendement maximum.

Cependant, m~mo chez ces individus, si attentifs ~ leurs int~r~ts, on constate une difference importante entre la vie priv4e et la vie pro- fessionnelle. Presque tou~ours, pour des raisons que nous allons dire, les acres do la vie priv~e sont moins rationnels que les actes de la vie professionnelle.

b) L ' i n f l u e n c e d e s i n s t i t u t i o n s : Certaines institutions imposent presque obligatoirement ~t ceux qui en font partie une con- duite rationnelle.

De ces institutions, la plus impot~tante est l 'entreprise. Le bureau off travail le un individu, les sentences qui peuvent s ' y t rouver affich~es, la pr6sentation des dossiers, l 'organisat ion de rentreprise, tout. cola cr6e, do primo abord, un climat favorable ~ une rationatit~ accrue. De surcroit , l 'employ~ est souvent tonu de conduire son enqu~te d 'une certaine facon, suivant des normes pr6cises qui ont fair l'ob~et d'uno ~laboration rigoureuso. I1 dolt l~gitimer son acte aux yeux do ses sup6rieurs et il no peut le faire quo par des arguments rationnels. Aussi peut-on admettre que, m~me un individu insouciant, enclin au laisser aller adoptera un comportement plus rationnel dans sa vie professionnolle.

On a remarqu4 que la rationalit4 diminue lorsqu'on descend la hierarchic des entroprises, puis lorsqu'on passe do la production ~ !a ccnsommation. A uno ~chello d~croissanto d'institutions, correspond une ~chelle d6croissante de rationalitY.

Quand une transact ion s'effectue entre deux entreprises importantes, elle est ~tudi~e de fa<)on approfondie pa r des bureaux sp6cialis~s. Los employ~s do ces bureaux ne peuvent se permettre aucune transact ion fantaisiste ou in~ustifi~e. L a vole qu'i ls doivent suivre est bien trac~e. Des imprim~s pr~cisent los informations qui doivent ~tre recueillies et les d4tails qui doivent ~tro examines avant de conclure l 'affaire. Dans les entreprises moyennes, rorganisa t ion est plus sommaire; la marge d'action est plus grando. Le chef d'entreprise est parfois trop

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absorb~ par des t~ches d 'ordre technique. I1 g y intdresse davantage qu 'aux aspects commerciaux de son affaire. La rationalit6 diminue. Lorsqu 'on arr ive au simple consommateur, la si tuation s 'aggrave. Le consommateur, saa f lorsqu' i l fait part ie d 'une coop~erative, est par excellence l ' individu qui n 'est encadr6 par aucune institution ~cono- mique. Un auteur am~rieain a montr~, ~ la suite d 'une enquire faite dans un magas in d'alimentation, qu 'une m4nag~re de son p a y s connait normalement le prix des deux dou'zaines d'articles qu'elle ach~te couramment, mais que sa documentation s 'arr~te 1~.

Pa rmi les consommateurs eux-m~mes, il faut ~tablir des diffSren- ces. On a remarqu6 que la femme se montre g6n6ralement plus ration- helle que l 'homme dans les achats du m6nage. Pourquoi? Parce ces achats r~pondent chez elle ~ une fonction precise, qu'il s 'agi t d 'un v~ritable m~tier. L 'homme, au contraire, consid~re souvent ces achats comme une corv~e dent il a h~te de se d~barrasser. I1 prend une marque qu'il connait de nora, sans r~fl~chir plus avant ou, mieux encore, il accepte le premier article qui lui est pr6sent~ pa r Ie vendeur ou la vendeuse . . . . . . surtout si elle est ~olie. P a r contre, lorsque l 'homme ach~te su r le plan professionnel, pour l 'entreprise dont il a la charge ou dont it est l 'employ~, il se montre g~n~ralement plus rationnel que la femme. C'est qu 'a lors il est encadr~ par une institu- tion qui provoque chez lui des r~flexes d'attention, qui mobilise son ~nergie nerveuse.

c) L ' i n f l u e n c e d e s a p t i t u d e s : I1 va de soi qu'il ne suffit pas ~ un individu de faire attention pour atteindre ~ une rationalit~ tr~s pouss4e. Certains individus ont, de toute ~vidence, des capacit~s sup~rieures g d 'autres. A degr~ ~gal d'attention, ils seront susceptibles d'obtenir un r~sultat meilleur.

Certains psychologues se sont attaches ~ pr6ciser les facteurs qui conditionnent les aptitudes des hommes. I ls ont discern~ quatre fae- teurs g6n~raux: le premier mesurant la quantit~ d'4nergie nerveuse que l ' individu est capable de mobiliser; le second, l ' ampleur des oscillations de ce volume d'~nergie au tour de la moyenne, le troisi~me, la facult4 d 'adaptation aux choses nouvelles et le dernier la volont~ de mettre en oeuvre cette ~nergie. A ces facteurs g4nSraux s'a~outer, aient des facteurs sp4ciaux t raduisant l 'aptitude ~ l ' induction ou ~ la d6duction, ~ l'ob- servation, au travail du bois ou du fer, etc.

Pa r tan t de lh, ils ont entrepris, sur la base d 'observations m~tho- diques, de pr4senter un tableau g~n~ral des aptitudes. D 'apr~s eux, on pourra i t r~part i r les hommea en qua.tre groupes:

1. L e g r v u p e in t e 11 e c t u e 1; les individus de ce groupe poss~dent g~n4ralement de grandes aptitudes, encore que tous les facteurs ne soient pas ~galement favorables. L'intellectuel peut mobiliser une grande quantit~ d'4nergie nerveuse pour une operation d4termin~e. P a r contre, il est su~et "~ d 'assez grandes variations, passant pa r des phases d'excitation et de ddpression. I I n ' a pus tou]ours une volontd suffisante. Mais ce qui le handicape surtout, c'est son manque d'attention aux questions ~cono-

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miques. Pou r l'intellectuel, la notion d'int~r~t personnel est s ouvent d~pass~e pa r la curiosit~ scientifique ou pa r le souci de servir l'int~r~t g~n~ral. L'intellectuel est apte ~ une conduite rationnelle, mais, trop absorb~ par d 'autres t~ches, il n4glige souvent de tenir cette conduite et se laisse influencer par le milieu.

2. L e g r o u p e d e s d i r i g e a n t s 6 e o n o m i q u e s pr~sente des aptitudes peut-~tre un peu inf~rieures, mais g~n~ralement mieux ~quilibr~es. L 'homme d'affaires peut ~tre moins intelligent que l'intel- lectuel, mais il ~oint ~ l'intelligence la pond~ration et la volont~. Et surtout, il applique ces qualit~s aux questions ~conomiques. Qu'il soit pouss4 par le d~sir du gain, par le simple souci d'efficience, ou pa r la volont~ de d6vetopper son entreprise, il cherehe ~ agir aussi ration- nellement que ~ossible. Enfin l 'homme d 'affaires se trouve encadr~ clans un r~seau d'habitudes, dans un climat institutionnel particuli~rement favorable. Aussi est-ce dans ce groupe que l 'on trouve le maximum de rationalitY.

3. L e g r o u p e d e s a r t i s a n s , p a y s a n s e t o u v r i e r s q u a 1 i f i ~ s, pr~sente un degr~ d'aetivit~ rationnelle moindre, Les membres de ce groupe font preuve souvent de qualit4s sp~cifiques marquees: habitet6 manuelle, ardeur au travail , etc. Ce sont ces qualit~s qui leur permettent de tenir leur rang. Mais la p lupar t du temps, leur niveau est moins ~lev~ en dehors du domaine off ils excellent. Le paysan sait cultiver, mais il n 'est pas apte ~ la comp- tabilit~. II manque de capacitds pour t rouver des d~bouch~s. L 'a r t i san a de bonnes aptitudes sensorielles, de la dext~rit4, mais les autres quatit4s n~cessaires pour l'activit~ ~conomique lui manquent souvent. Aussi la rationalit~ tend elle ~ ~tre moins grande que dans le groupe precedent.

4. Enfin, dans la derni~re ca~gorie , eelle d e s m a n o e u v r e s i n d u s t r i e l s e t d e s o u v r i e r s a g r i c o l e s , la vigueur physique est la seule aptitude marquee. Aussi est-ce dans ce milieu que l 'on trouve la conduite la moins uniform4ment rationnelle.

En s ' appuyant sur les r~sultats ainsi acquis, il convient de recher- cher ce que devient la th~orie traditionnelle de ta formation des prix

I I . L a r ~ v i s i o n d e s c o n c l u s i o n s r e l a t i v e s ~ l a f o r m a t i o n d u p r i x m o m e n t a n 6 .

Le prix momentan~ r~sutte, dans la th~orie traditionnelle, de l 'inter- section des deux courbes de l 'offre et de la demande. Les considerations pr~c~demment d~velopp6es vont nous obliger toutefois & modifier la representation ordinairement admise pour ces courbes et, par contre- coup, le m~canisme de d~termination du prix.

A. C o n s i d S r o n s d ' a b o r d l a r e p r e s e n t a t i o n d e l ~ o f f r e e t d e l a d e m a n d e .

Lorsqu 'on porte sur deux axes de coordonn~es, d'une par t les divers prix possibles, d 'autre par t les quantit~s demand~es ou offertes

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275) Essai de r6vision de la Th6orie des prix. 135

ces prix; il est unaniment admis que l 'on obtient, pour la demande, une courbe d6croissante de gauche ~ droite et, pour t'offre, une courbe croissante. Seule varie, d 'un bien k l'autre, l ' inclinaison des courbes par rapport aux axes de coordonn6es.

En construisant ces courbes, on traduit simplement sous une forme commode une constatation qui se trouve d6jk chez A. S m i t h, savoir que, lorsque le prix augmente, les quantit6s demand6es diminuent, tandis que les quantit6s offertes s'accroissent.

La recherche des auteurs modernes a eu simplement pour con- s6quence de faire surgir, ~ cot6 des courbes pr6c6dentes, qualifi6es de

$,

9

( Fig. 1. Fig. 2. Fig. 3.

courbes n o r m a l e s ou t y p i q u e s , des courbes a n o r m a l e s ou a t y p i q u e s dont l 'allure est un peu diff6rente. En ce qui concerne l'offre, en particulier, des auteurs comme H i c k s ont montr6 que l'effet de revenu se combinant avec l'effet de substitution, Ies quantit6s ne varient pas tou~ours dans le m~me sens que les prix envisag6s et que l 'on peut obtenir des courbes complexes, plus ou moins repli~es sur elles-m~mes. Des paysans qui produisent uniquement du bl6 ou du vin, des ouvriers qui doivent vivre en c6dant leur force de travail sont incit6s, sans doute, comme tout vendeur, h accroitre les quantit6s offertes, lorsque les prix envisag6s s'61~vent. Mais du fait que le produit de la vente constitue leur principal revenu, ils subissent 6gale- ment une incitation inverse: vendre des quantit6s d'autant plus fortes que les prix envisag6s sont bas, pour ne laisser, en aucun cas, leur revenu global tomber au dessous d'une certain minimum: Dans un travail ant6rieur, sans pr6senter une d6monstration rigoureuse, nous avons, du moins, relev6 un certain hombre de cas historiques, off des situations de ce genre se sont vraisemblablement rencontr~es 1).

T o u s l e s auteurs sont cependant d'accord pour tracer uniquement d e s c o u r b e s l i n 6 a i r e s , s a n s ~ p a i s s e u r . En d'autres

1) Jean M a r c h a 1, Le M~eanisme des prix, op. tit. p. 92.

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136 J. Marchal: (276

termes, tous admettent que, pour un prix d6termin6, il ne saura i t y avoir qu 'une quantit4 demand~e et une quantit~ offerte, quantit~ pr6cise et bien d~termin~e.

C'est ce que nous allons contester, en util isant les r~sultata de l 'analyse psychologique ant~rieure.

Qu 'un individu conforme au type ideal ,,heroine de Descartes" se livre, avant de se rendre sur un march~, ~ une s~rie de calculs dont les r6sultats peuvent se t raduire graphiquement pa r une courbe lin~aire d'offre ou de demande, nous en sommes parfaitement d'accord. Cet individu, comme nous t 'avons pr6c~demment soulign6, se r~f~re k une 6chelle p r~x i s t an t e de besoins, il a l 'habitude de ne se d~cider qu 'apr~s une comparaison r igoureuse de l'utilit~ des diverses doses de biens. En face de chacum des prix possibles, il inscr i ra donc une quantit6 precise, qui repr~sentera son offre ou sa demande. L a courbe obtenue est ind~niablement lin~aire.

Mais si la grande ma]ori$~ des professionnels, producteurs ou interm6diaires, se livre effeetivement ~ ees caleuls, il n 'en va pas de m6me des consommateurs de produits finis, ni souvent, des vendeurs de produits agricoles ou de travail. Ceux-ci ne correspondent nullement au type ideal ,,homme de Descartes". I l s se pr~sentent comme un compos6, en proport ions variables, ,,d'homme de Descartes" et ,,d:homme de Pa r lo r " . Dans cette hypoth~se, dent l ' importance pratique est con- sid6rable, nous pensons que les courbes d'offre et de demande cessent d'etre des courbes lin~aires, qu'elles prennent une certaine ~paisseur.

Consid6rons, en effet, un homme partiellement rationnel et partiellement conditionn~ par le milieu. A notre avis, cet individu, au lieu d ' inscrire en face de chacun des prix possibles une quantit~ precise, se borne ~ une indication vague. Si le pr ix est de 5 francs par kilo, il ach~tera, ,,dans les 20 kilos", ou ,,quelque chose comme 2{3 kilos". Si le pr ix est de 6 francs, il ach~tera ,,dans les 15 ki los" et s'il est de 7 francs, ,,dans les 10 kilos". P o u r chaque prix, il y a en fair, non plus une quantit~ precise qui sera automatiquement demand~e, mais une quantit~ min ima qui sera certainement atteinte et une quantit~ maxima, qui ne sera pas d6pass6e. Ent re l 'une et l 'autre, la demande effective se f ixera d 'apr~s rintensit6 des st imulants que pr6sentera le milieu externe. Si l '~talage est suggestif et le vendeur habile, l 'acheteur ira au maximum. Dans le cas contraire, il restera au minimum.

Nous pensons donc que la courbe ordinaire de la demande, courbe lin6aire, doit ~tre remplac~e par une sorte de fuseau plus ou moins large. Lorsque r individu fait grandement appel ~ la raison et laisse peu de place aux st imulants ext6rieurs, le fuseau est resserr~. A la limite, cas de ,,l 'homme de Descartes", il se r4duit B un trait. Lorsqu ' au contraire, l ' individu a peu de personnalit~ et se laiase flotter au gr6 des circonstances, te fuseau s'41argit. A la limite, cas de ,,l 'homme de Pavlov", il couvre toute la surface du graphique: l ' individu ne pr~sente plus aucune r~sistance k l 'action du milieu externe.

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277) Essai de r~vision de la Th~orie des prix. 137

P a r ailleurs, il est vraisemblable, au moins pour la ma~orit6 des individus que, pour les prix voisins des niveaux ordinairement pratiqu~s, les quantit~s sont assez bien d6termin~es, c'est-~-dire que le maximum et le minimum de demande sont assez proches l 'un de l 'autre. Au contraire, pour les prix anormalement hauts ou anormalement bas, les 6valuations sont beaucoup moins pr~cises. Un champ plus vaste est laiss~ i~ t 'action des circonstances. Le maximum et le minimum s'6cartent. A par t i r d 'un certain point, on peut m~me admettre qu'i ls ne sont plus indiqu~s.

Au total, nous pensons que, pour l 'homme partiellement con- ditionn~ par le milieu et partiellement rationnel, comme est notamment

$~ jt

Fig. 4. Fig. 5.

le consommateur de produit fini, la courbe lin~aire de la demande est remplac~e par une courbe fuseau orient~e ~galement suivant une ligne g6n~rale descendante de gauche ~ droite et pr6sentant une 6paisseur variable. Des remarques identiques peuvent ~tre faites pour l 'offre. On aboutit d~s lors k la representation suivante.

De la demande ou de l 'offre d 'un individu, on passe normalement £ la demande ou ~ l 'offre d'un groupe en additionnant, pour chacun des prix possibles, les quantit6s demand~es ou offertes. Lorsque les quantit~s individuelles sent pr4cises, on obtient un r~sultat ~galement pr6cis: ta courbe globale est tin6aire. Lorsque ces quantit~s ~voluent simplement entre un maximum et un minimum, on obtient un r~sultat 6galement compris entre un maximum et un minimum: Ia courbe globale est, comme ses composantes, du type fuseau.

B. C o n s i d 6 r o n s m a i n t e n a n t l e m ~ c a n i s ' m e d e d 6 t e r m i n a t i o n d u p r i x .

Lorsque l 'offre et la demande sont repr6sentdes par des courbes lin4aires, c'est-~t-dire lorsqu'elles 6manent d' individus conformes au type ,,homme de Descartes" la th6orie traditionnello d~montre que le prix effectif et la quantit~ 6chang6e sont dorm,s pa r l ' intersection des deux courbes d'offre et de demande.

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138 J. Marchah (278

Le probl~me que nous avons ~ r~soudre est de savoir ce qui se passe lorsque, soit l 'offre, soit la demande, soit l 'une et l 'autre, cesse d'etre du type classique. No,us envisagerons successivement trois hypotheses.

a) O f f r e e t d e m a n d e e n t i ~ r e m e n t c o m m a n d ~ e s p a r I e m i 1 i e u : Dans ce cas tout d~pend des cirdonstances.

Supposons, pour simplifier h, Fextr~me, que deux individus seule- ment soient en presence, individus suppos4s l 'un et l 'autre, enti~rement conditionn~s pa r le milieu. Henri poss~de 10 litres de vin, mais il est rassasi~ et d4sire obtenir du bl~. Pau l poss~de 15 hectolitres de b16. I1 n 'y attache aucune importance et voudrait obtenir du vin.

P o u r Henri, le vin ne pr~sente aucun int~r~t. Le bl~ au contraire a la valeur d'un stimulant. Si Pau l 4tait habile, il pourrai t obtenir la totalit4 des 10 litres de vin moyennant abandon de 2 ou 3 hectolitres de bl~. Mais si nous admettons que Pau l ne raisonne pas davantage, le b16 n 'ayant pour lui aucune utilitY, le vin constituant un stimulant, il sera dispos~ ~ abandonner la totalit~ de son bl~ pour obtenir du vin.

Finalement, nous pouvons conclure que tout le bld poss~d~ par Pau l passera entre les mains d 'Henri et que tout le vin poss~d~ par Henri passera entre les mains de Paul . I1 pour ra tr~s bien ar r iver d 'ai l leurs que Pau l s 'aper~oive apr~s coup qu'il a acquis trop de vin et qu 'Henri fasse la m~me constatation au su~et du bl~. Alors, ils seront disposes k abandonner tout le bl~ ou tout le vin restant contre un ob~et tiers constituant un stimulant. Que si, au lieu de ra isonner sur deux produits, bl~ et vin, on raisonnai t su r un produit et de la monnaie, le r6sultat serait identique. Tel individu, visitant un magasin, sera s~duit par un ob~e~ bien pr4sent4 et l 'ach~tera brusquement sans se demander s'il en a besoin et si l 'argent ainsi d~pens~ ne serait pas mieux employ6 ~ un autre achat plus utile.

Le cas typique sera celui de l ' ivrogne qui, sortant de son atelier a pr~s payement de son salaire, rentrera chez lui tranquillement s ' i l ne recontre aueune incitation ~ sen vice, mais, s'il a l e malheur de passer devant un marchand de vin ou de rencontrer un ami qui l 'invite boire, le st imulant agira et notre homme d~pensera la totalit~ de sa paye sans songer ~ sa femme ou ~ ses enfants, ni m~me ~ ses propres besoins ~ venir.

b) O f f r e s e t d e m a n d e s p a r t i e l l e m e n t r a t i o n n e l - l e s e t p a r t i e l l e m e n t c o m m a n d o e s p a r l e m i l i e u .

Dans ce cas, l 'offre et la demande sent comme nous r avons ex- pliqu~ pr~c~demment, repr~sent~es pa r des courbes fuseau ayant une certaine largeur. Leur intersection sera, non plus un point, mais une surface (celle qui est hachur~e su r le graphique). Le prix d~s lors pour ra osciller entre deux limites OP et OR. Entre ces deux limites tout d~pendra des st imulants que pour ra presenter le milieu et qui agiront su r les ~changistes.

c) O f f r e ( o u d e m a n d e ) r a t i o n n e l l e e t d e m a n d e ( o u o f f r e ) p a r t i e l l e m e n t i r r a t i o n n e l l e . D a n s c e c a s , l ' o f f r ees t

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279) Essai de r6vision de la Th6orie des prix. 139

repr6sent~e par une courbe lin~aire du type classique, tandis que la demande est constitu4e pa r uno courbe fuseau. L' intersection des deux courbes ~tant consti tute par le segment AB qui se pro~ette en PR su r l 'axe vertical OY, il semble que le prix devrait ~tre compris entre OP et OR.

En fait, nous pensons qu'il faut tenir compte de ce que les vendeurs font usage de leur rais~n, tandis qu~ les les acheteurs se laissent, dans une certaine mesure, aller al_~x impulsions du milieu. P a r suite, il est vra isemblable que les vendeurs sauront o r g a n i s e r l e m i l i e u , par exemple en recourant k la publicitY, de fa~on ~t amener los acheteurs k accepter le pr ix qui

5/

" Z 0 t~ua.~"

Fig. 6.

/

\

e~R~

Fig. 7.

leur est to plus favorable, c'est-~-dire le pr ix OP. Ce serait done ce prix qui s '4tablirait finalement.

Le cas envisag6 ici: demande partiellement irrationnelle en contact avec une offre rationnelle est probabtement r~alis~ assez frSquemment su r le march4 des produits vendus au d~tail. Le cas sym4trique: offre partiellement irrationnelle et demande rationnelle se rencontre Iorsquo des paysans, vendeurs de produits agricotes, sont aux prises avec des commercants acheteurs, ou lorsque des ouvriers, vendeurs de travail et inorganis~s, se heurtent ~ des entreprises.

Au total, il appara i t que, dans tous los cas, et ils paraissent nom- breux, off les acheteurs en pr4sence ne sont pas r igoureusement con- formes au type id6al ,,homme de Descartes" et o~ ils se laissent plus ou moins influencer par des circ:onstances externes, le prix momentan4 est loin d'etre aussi r igoureusement d6termin6 que l 'aff irme la th~orie tra- ditionnelle. Des possibilit4s d'action existent, au profi t de groupements tiers on des pouvoirs publics notamment, lesquels, pa r une eampagne de propagande, modifiant le milieu, peuvent, dans une certaine mesure, provoquer la hausse ou la baisse.

On objectera toutefois qu'il ne s 'agi t jusqu'~ present que du prix momentan4. Mais nous nous proposons pr~cis~ment de montrer que,

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140 J. Marchal: (280

lorsqu'on passe du prix momentan6 au prix stable, les possibilit6s d'action augmentent encore.

I I I . L a r ~ v i s i o n d e s c o n c l u s i o n r e l a t i v e s a l a d 6 t e r - m i n a t i o n d u p r i x s t a b l e e t a u m o n t a n t d e s i n v e s t i s -

s e m e n t s .

Le prix momentan6 fluctue constamment. A chaque d6placement des courbes d'offre ou de demande, il s'61~ve ou s 'abaisse. Des m6canis- mes r~gulateurs existent cependant et la th~orie traditionnelle enseigne qu 'une liaison existe entre ce qu'elle appelte te pr ix stable et le coflt de production.

Depuis A. M a r s h a 1 1, il est habituel de distinguer la courte et la longne p6riode. En courte p6riode, les entrepreneurs ont la pos- sibilit6 de faire var ier la production, mais seulement en embauchant ou en licenciant du personnel. En tongue p~riode, ils peuvent 6galement augmenter ou diminuer le volume de l 'outillage.

L a th~orie classique aff irme qu'en coui~e p6riode, les entrepreneurs existants sont incit6s pa r leur d~sir d 'obtenir le gain maximum fixer un volume de production tel qu'il y air 6galit6 entre leur recette marginale et leur cofit marginal , autrement dit entre le suppt6ment de gain et le suppl6ment de d6pense aff6rent h la production d'une unit~ supplSmentaire. Cette loi est tr~s g~n6rale. On notera seulement qu'en concurrence parfaite, chacune des entreprises vendeuses demeurant trop petite pour exercer une action su r le pr ix du march6, la recette marginale coincide avec le pr ix de vente, tandis que, en concurrence monopolistique ou en monopole simple de vente, une divergence appa- rait entre l 'une et t 'autre.

En Iongue p6riode, une nouvelle relation apparai t . D 'apr~s Ies auteurs classiques, si le pr ix demeure, pendant un temps suffisamment long, sup6rieur au coftt moyen des entreprises dites marginales, c'est- a-dire des entreprises les moins favoris6es dont la production est cependant n~cessaire pour r6p0ndre h la demande, les capitaux affluent dans la branehe consid6r6e, les entreprises anciennes accroissent leur outillage, des entreprises nouvelles se fondent et, finalement, le prix revient au niveau du court moyen. S'il tombait au dessous, un processus inverse de d6sinvestissement ~ouerait et l'6galit6 serait r6tablie. Une diff6rence importante existe toutefois. En r6gime de concurrence parfaite, le coat moyen avec lequel le prix tend ~ co~ncider durablement est le cofit moyen 1 e p l u s b a s de rentrepris~ marginale. Cette entreprise est done amen6e ~ adopter un r6gime de production optimum. Au contraire, J. C h a m b e r 1 i n a montr6 qu'en r6gime de concurrence monopolistique, l'6galit6 se r6atise avec un cofit moyen qui n'est pas le plus faible de tous. L'6quilibre obtenu est donc, du point de vue social, un 6quilibre de disette et de gaspillage. Enfin, en r6gime de monopole simple de vente, on avance souvent qu 'aucun lien n'existe entre prix de vente et coflt de production. En fait, nous croyons avoir

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281) Essai de r~vision de la Th~orie des prix. 141

montr~ que c'est une erreur . Une relation se rencontre, mais infiniment plus difficile ~ formuler en langage non math~matique 1).

Telles sent les conclusions derni~res de la th6orie classique. On constatera que celle-ci fair appel darts ses raisonnements d~montratifs h des entrepreneurs ~ la lois parfai tement inform6s et parfaitement logiques, en un mot k des entrepreneurs conformes au type idSal , bomme de Descartes". Mais il semble qu'il n'Y air rien h ob~ecter

cela, puisque nous avons nous-m~me reconnu dans l 'analyse ci-dessus fournie que les heroines d 'affai res ont une conduite aussi proche que possible du maximum de rationalitY.

Pourtant , des critiques peuvent ~tre apport~es qui ont pour effet d 'ouvr i r un champ ~ Faction des forces irrationnelles et en part iculier h l ' influence de la propagande. Ces critiques se d~veloppent dans deux domaines: l 'un industriel et commercial, l 'autre agricole.

A. D a n s l e d o m a i n e i n d u s t r i e l e t c o m m e r c i a l , les auteurs les plus rScents, ceux en part iculier qui s ' inspirent des analyses de l'~cole su~doise, ont soulign6 le caract~re statique de la th~orie classique. Or, disent-ils, le monde rdel n 'est pas statique mais dynamique.

L a th~orie dont nous avons pr6c~demment r~sum~ les conclusions, repose essentiellement su r l'id4e que routes les d~cisions de production des entrepreneurs d6coulent d'une comparaison entre, d 'une par t les prix de vente qu' i ls constatent su r le march6 et, d 'autre part, leur courbe de cofits. Lorsque le prix de vente est supdrieur au cofit marginal , l 'entrepreneur embauche de nouveaux ouvriers pour accroi- tre sa production; clans le cas contraire, il en licencie un certain nombre. Lorsque, dans une branche, le prix est, de faqon durable, sup4rieur au cofit moyen, les capitaux affluent et de nouvelles usines se cr~ent. Lorsqu ' i l est inf4rieur les capitaux fuient et le hombre des producteurs diminue.

Cette th~se, disent les auteurs modernes, serait parfaitement acceptable si le monde off les entrepreneurs exercent leur activit~ ~tait un monde au repos. Mais la r~alit6 nous offre l ' image d 'un monde en perp4tuelle 4volution. Constamment les prix s'~t~vent ou s 'abaissent, soit pour des ra isons proprement ~conomiques, soit pour des raisons mon~taires. Ces hausses et ces baisses qui ont tou~ours existd reverent, /~ l '~poque actuelle, une ampleur exceptionnelle. Elles r~agissent su r tes co~ts de production dont certains ~l~ments teIs que les taux de salaire ou d'int~r~t accusent eux aussi de grandes variations.

Est-il d~s lors possible d'admettre, comme l 'ont fair les premiers auteurs , que les entrepreneurs pour d~cider du volume de produits qu ' i ls entendent fabriquer, du hombre des ouvriers ~ mettre au travail ou de l ' importance de l 'outillage ~ utiliser, t iendront compte du niveau p r ~ s e n t e m e n t atteint pa r le pr ix de vente et par le cofit de production? I1 ne le semble pas, car l a p r o d u c t i o n e x i g e d u t e m p s .

1) V. notre ouvrage, op, cir. pp. 271 et sq.

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142 J. bIarchah (282

Lorsqu 'un entrepreneur entend forcer sa production, il lui faut, m~me s'il n 'envisage aucun accroissement d'outillage, r~aliser certains am~nagements k l ' int6rieur de l 'usine, I1 lui faut se procurer des mati~res premieres en quantit~ suffisante et recruter un personnel competent dans lea diverses sp~cialit~s. It faut enfin ~ ce personnel une lois en place le temps de produire. Pendant que courent tous ces d~lais, le prix du march6 et la courbe des cofits de l 'entreprise peuvent se d~placer. Si l 'on se trouve en p6riode de d~pression, le prix peut s 'effondrer et la diff6rence positive qui existait avee le co~t ~tro remplae6e par une diff6rence n6gative. Si, au contraire, on se trouve en p~riode d'inflation, d ' importantes differences positives peuvent appara t t re 1~ o~ il y avait ~galit6. Cela est encore beaucoup plus vrai, Iorsque l 'entrepreneur d~cide d 'augmenter son outillage ou de c r i e r une usine nouvelle. Alors, ce n 'est plus de semaines ou de mois qu'il s 'agit, ma]s d'ann~es. Qu'on songe seulement aux d~lais exig~s pour l 'am~nagement d 'un puits de mine, la construction d'un laminoir, ou celle d 'un chemin de fer.

D'apr~s les auteurs contemporains, par Quite, ce que ies entre- preneurs tendent d'~valuer en v~rit~, ce n'est pas, comme l 'avance la th~orie ancienne, le pr ix du march~ et ta courbe des cofits, tels qu'i ls existent h l 'heure actuelle, mais le pr ix du march6 et la courbe des cofits, tels qu'i ls seront au moment o~ la production pour ra ~tre effectivement r~alis6e. Ce qu'i ls chercheront k obtenir, dans toute la mesure off ils se comportent rationnellement, ce n 'est pas, en courte p~riode, l'~gatit~ entre cofit margina l et pr ix actuel, mais entre cofit marginal et prix futurs, ou plus exactement entre cofit margina l et prix tets qu'ils pr6voient, "~ tort ou h raison, qu'i ls seront darts le futur. Ce qu'i ls prendront en consideration, eu longue p6riode, pour proc~der '~ l ' investissement ou au d~sinvestissement de leurs capitaux, ce n 'est pas le gain qu'ils pourraient r6aliser pr~sentement, en cr~ant un outillage nouveau ou en dormant ~ un outillage existant une destination dif- f~rente, mais bien le gain qu'i ls estiment, ~ tort ou ~ raison pouvoir obtenir, lorsque les outillages en question seront en 6tat de fonctionner.

Lorsqu 'on se rallie ~ cette mani~re de voir, une question nouvelle et d61icate se pose: celle de savoir comment proc~deront les entre- preneurs pour 6tablir cette pr~vision des prix et des cofits qui appara i t ainsi fondamentale pour leur d6cision?

On peut admettre qu 'au point de d6part les entrepreneurs prendront appui sur les constatations que leur livre la r~alit~. Mais ces con- statations seront enregistr~es dynamiquement, c'est-h-dire dana leur mouvement, et non statiquement dans le niveau atteint. I1 importe certes

ren t repreneur de savoir que le prix de vente des produits qu'il fabrique ou celui des mati~res premieres dont il a besoin est ~ 80 ou

100. Mais il est encore plus important pour lui de d6terminer si le niveau actuellement atteint, mettons 100, l ' a ~t6 au moyen d'une hausse~ en venant de 80 ou au moyen d 'une baisse, en venant de 120.

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283) Essai de rdvision de la Th~orie des prix. 143

I1 convient ensuite d' interpr~ter le mouvement. Supposons qu 'une hausse de prix ait ~t~ enregistr~e. Quatra hypotheses peuvent ~tre faites en ce qui concerne l 'avanir:

I. L 'en t repreneur peut estimer que la hausse est seulement tem- porai re at que l 'on reviendra rapidement au niveau primitif.

2. I1 peut penser que la hausse est arriv5e tt son terme et que le palier atteint sera durable.

3. I1 peut admettre que le mouvement ascendant se poursu ivra pendant un certain temps suivant le m~ma rythme.

4. Enfin il peut aller ~usqu't~ croire que le mouvement enregistr~ n'est qu 'un d6but et que, non seulement la hausse succ~dera tt la hausse, mais qua celte-ci i ra s 'accentuant 1).

Pou r choisir entre ces hypotheses, les entrepreneurs doivent se t ivrer tt une analyse causale. I1 est bien ~vident, en effet, que si la hausse est due ~ un mouvement de prosp~rit~ cyclique, sa poursuite n 'est pas liSe aux m~mes conditions que si elle est la consequence d 'un d6fieit budg~taire, accompagn~ d'une ~mission de monnaie ou d 'un rel~vement des salaires ~dict~ pa r le gouvernement. Dans le premier cas, une pure analyse ~conomique s'impose, a lors que clans le second la recherche se complique de consid6rations politiques.

Individuellement, les producteurs sont assez mal a r m , s pour proc6der k cette analyse. Sans doute, ils peuvent s ' appuye r su r les chiffres publids rdguli~rement par les offices nat ionaux de s~atistique. Sans doute, encore, ils disposent de certains renseignements parti- culiers, tels que le gonflement ou l 'amenuisement des stocks dans leurs usines, l 'acc~l~ration ou le ralentissement des commandes. Mais le plus souvent, ces renseignements sont insuffisants pour permettre une analyse eorrecte. De surcro~t, il faut tenir compte de d~cisions gou- vernementales qui rel~vent d 'un libre arbi tre impr~visible. Enfin, il faut bien avouer que la culture ~conomique des entrepreneurs est souvent d~ficiente. Comme l 'a tr~s bien not~ F r a n ~ o i s P e r r o u x, il s 'agi t de ,,maero-d6cisions" qui ne peuvent ~tre correctement pr~vues t~ l'~chelle individuelle. ,,A par ler franc, ~crit K e y n e s dans la Th~orie g~n6rale", on ,,doit avouer que, pour estimer dix ans, ou m~me cinq ans t~ l 'avance le rendement d'un chemin de fer, d 'une mine de cuivre, d'une fabrique de textile, d 'une marque pharmaceutique, d 'un trans- atlantique ou d'un immeuble t~ Londres, les donn~es dont on dispose se r~duisent k bien peu de chose, presque tt rien".

Aussi c royons nous que la plupar t du temps les entrepreneurs subissent l ' influence du milieu clans lequell ils ~voluent. I l s sont impressionn~s pa r les conversations qu'ils ont avec d 'autres hommes d'affaires, ou avec des banquiers, pa r la lecture des ~ournaux corpora° tifs qui pr~chent l 'optimisme ou engendrent le d~sespoir, pa r les quotidiens et revues d ' information g~n~rale qu' i ls re~oivent, pa r les

1) Toutes ces hypotheses se retrouvent dans le concept d'~lasticit~ do pl~vision de J. R. H i c k s.

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144 J. YIarchal: (284

appr4ciations du part i politique auquel ils appart iennent ou dont ils d~pendent intelleetuellement, par la simple lecture des cours de bourse. Tout cola cr4e un climat collectif qui n 'est ni tou~ours bien inform4, ni tou~ours ob~ectif, mais auquel un individu se soustrai t difficilement. A certains moments, pa r suite, on verra los producteurs s 'affoler et redouter une hausse inflationniste des salaires et des prix, tandis qu'~ d 'autres ils consid~reront los 4v~nements a.vec beaucoup plus de philosophie.

Los 416ments irrationnels, l ' influence du milieu, dont nous avons constat4 l 'existence au moment de la formation du prix momentan4, mais qui, jusqu'h present paraissaient exclus du m6canisme du prix stable, se trouvent ainsi r6introduits. Ce sont eux qui d6terminent, dans une large part, l ' interpr6tation des mouvements de hausse ou de baisse des prix pass4s et presents et, par suite, le niveau pr6vu pour les prix futurs. Ce sont eux, d~s lors, qui commandent, pour une part non n4gligeable, los d4cisions pr6sentes des entrepreneurs, embauchant ou licenciant du personnel, forgant ou ralentissant la production, accroissant ou r4duisant leur outillage. Ce sont eux finalement qui expliquent dans une large mesure le niveau des prix qui s '6tabliront clans l 'avenir.

Ainsi se manifestent les limites de ce que nous avons appel6 ,,l 'homme de Descartes". Ce type d'homme, sans doute, entend en toute circonstance, agir rationnellement, Mais, pour ce faire, il faut disposer de donn~es suffisantes. Or los entrepreneurs, sur tout lorsqu' i ls demeu- rent isot4s, ne poss4dent pas cos donn6es. Certes, ils ont l 'ambition de prendre des d4cisions valables seulement pour leurs entreprises. Mais pou r prendre correctement cos ddcisions, il leur faudrai t ana lyser la situation g4n~rale de l '4conomie et pr4voir les actes des dirigeants de l 'Etat. I l s ne peuvent 6videmment y parvenir . Faute de pouvoir agir iationnellement et parce que la r6alit6 impose cependant Faction, ils se laissent conduire par des dl6ments plus ou moins irrationnels. Lh off l 'homme de Descartes cesse, l 'homme de Pavlov n6cessairement reparait.

De ce point de vue, compl~tement n~glig6 ~usqu'~ pr6sent, on est amen4 ~ penser qu 'une action tr~s importante est possible su r le niveau des prix et sur le volume de la production. Dans le pass4, cette action a 4t4 exclusivement le fait des circonstances, Une opinion se forme dans los milieux d'affaires, ~ la bourse, parmi les sp6culateurs et les 6pargnants, opinion qui s ' appuye sur certains 616ments ob~ectifs, mais qui contient 6galement une large part d ' i rrat ionnel et qui d6termine les investissements. Mais rien n'emp~che de croire qu 'un gouvernement bien inform6 et habile ne puisse pa r une propagande bien men6e essayer d 'orienter l'activit6 g4n6rale dans un sons conforme aux int6r6ts permanents de la nation.

B. D a n s l e d o m a i n e a g r i c o l e , les choses se passent un peu diff6remment.

Darts un ouvrage ant6rieur 1) nous avons soutign6 que l 'agri-

l) Le M6canisme des prix, op. cir. p. 243.

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285) Essai de r~vision de la Th~orie des prix. 145

culture pr~sente, du point de vue des cofits de production, des parti- cularit~s importantes.

1. Dans l 'agriculture, les volumes de production ~chappent. dans une large mesure, ~ la volont~ des exploitants. Ceux-ci peuvent bien essayer d 'ag i r sur ces volumes en augmentant ou en diminuant lea superficies cultiv~es. Mais, k la difference de ce qui se passe dans l ' industrie, leur action n 'est ~amais d~cisive, car elle se combine avee les circonstances atmosph6riques. Si celles-ci sont favorables, il est possible que la production s 'accroisse alors m~me que l 'exploitant avait diminu6 l'4tendue des cultures. Si elles sont n~fastes, il est possible que la production fl~chisse, alors m4me que l 'exploitant voulait l 'augmenter.

Ceci ~tant, la r4action de l ' industriel se demandant si, en for~ant la production, il parviendra ~ diminuer son prix de revient unitaire, perd tout sens en agriculture. L 'exploitant peut bien, apr~s coup, essayer de calculer son cofit de production unitaire. I t ne peut ~amais,

l 'avance, se faire une idle, m~me approximative de ce cofit. Tout d~pend des circonstances ext6rieures. Si celles-ci sont bonnes, la pro- duction sera forte et, pour une m~me d~pense globale, le cofit unitaire sera faible. Si elles sont mauvaises, il sera 41ev~. I1 est donc absolument impossible de calculer une s4rie de cofits moyens correspondants diverses productions possibles. I1 y a une donn4e perturbatr ice d'origine naturelle que 1'on ne peut faire entrer dana r~qua~ion. P a r suite la notion de cofit margina l perd la quasi totalit~ de sa signification. Aussi bien n'a-t-on ~amais entendu un paysan par ler du prix de revient de la tonne en sus.

P o u r par le r de fa~on abstraite et, en utilisant le vocabulaire de l'~cole su~doise, nous dirons qu 'on peut, dana l ' industrie et le com- merce, calculer un cofit unitaire ,,ex ante ' ' c'est-~-dire ~ l 'avance ou ,,ex post" c'est-~-dire u~ue lois la production r~atis~e. Dans l 'agricutture le calcul des cofits unitaires ,,ex ante" est impossible. I1 n ' y a que des cofits uni ta i res ,,ex post".

2. Ce calcul des cofits uni ta i res ,,ex post" se heurte £ des difficult~s particuli~res.

D 'une part, il est souvent difficile h u n exploitant de calculer son cofit ~lobal, c'est-~-dire de faire le compte des d~penses engag~es au cours d 'une ann ie su r sa ferme, pour la ra ison que, dans toutes les exploitations du type ,,exploitation paysanne" des liens tr~s 4troits existent entre te budget familial et le budget de t 'exptoitation. La famille fourni t ~ l 'exploitation tout le t ravai l dont elle a besoin et met ~ sa disposition les capitaux qui lui appartiennent. L'exploitat ion de son cSt~ est orient~e d 'abord vers la production des denr~es n~cessaires

la famille et, en seconde ligne seulement, vers le march~. P o u r catculer, m~me ,,ex post", un cofit global de production des denr~es obtenues dans 1'exploitation, il faudrai t fa ire un compte exact, au

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passif, des apports en travail et en capital faits par la famille ~ l 'exploi- tation, et ~ ractif , des contributions en denr4es de l 'exploitation a l 'entretien de la famille. Cela est h peu pros impossible. Aussi convient- il d'admettre que le calcul du cofit global n 'est concevable que dans les grandes exploitations de type capitaliste.

D 'aut re part, dans toutes les exploitations off l 'on pratique la poly- culture, il n 'est pas possible de passer de ce cofit global ~ une s6rie de cofits part icul iers pour les divers produits de la ferme. Sans doute, on objectera que le probt~me n'est pas propre ~ l 'agriculture, que dans l ' industrie il peut ~galement se poser. Mais, dans les entreprises indus- trielles, il existe des solutions techniques permettant d 'op6rer avec une approximation suffisante une r~partitien des f ra is entre les divers produits obtenus 2). Dans l 'agr icul ture renchev~trement des cofits est tel qu 'une ventilation est absolument impossible. C'est donc seulement daas Ies fermes off r o n prat ique la monoculture que des cofits unitaires ,,ex post" pour ront ~tre calcul6s.

Au total, il apparai t , d 'une part que l 'agriculteur, sur tout lorsqu'i l s 'agi t d 'un paysan petit et moyen, est moins rationnel que l 'industriel, moins conforme au type ,homme de Descartes"; d 'autre par t que dana ta mesure off il tente d 'agi r de fa~on rationnelle, il a moina d'~l~ments encore que l ' industriel pour asseoir une d~cision raisonnable. On con~oit que les agricul teurs se laissent assez facilement dominer, sinnon par une propagande dont ils se d~fient instinctivement, du moins par des habitudes s~culaires ~manant du milieu off ils vivent. I ls font ce qu'ils voient faire autour d'eux, ce qu'ils ont tou~ours fait, ce que leurs parents ont fait avant eux. Dans ce sens, il y a chez eux une certaine proport ion ,,d'homme de Pavlov".

Dana ces conditions, te m~canisme de formation des prix agricoles se trouve assez profond6ment different du m~canisme de formation des prix industriels. P o u r serrer de pros la r~alit~, on est amend, pensons nous, ~ re~eter la distinction ~tabtie par M a r s h a t 1 entre la courte et la longue p~riode, off, plus exactement, ~ lui donner une base diff~rente. Ce qui est impor[ant dans l ' industrie, et M a r s h a 11 l 'a bien compris, c'est la grandeur du d~lai n4cessaire pour accroitre l'dqui- pement. Ce qui est important dans ragricul ture , c'est, croyons nous, l ' importance du d~lai que la nature impose ~ l 'homme pour obtenir ~me production d~termin6e. Nous proposons donc de d~finir la courte p6riode agricole comme celle o~ t'exploitant, disposant d 'une r~colte sup~rieure ou inf~rieure ~ ses pr~visions, dolt f ixer son attitude en fonction des prix du march6, la longue p~riode, comme celle oh rexploi- rant dolt d4cider de l'~tendue des superficies '~ cultiver pour une prochaine campagne.

En courte p~riode, le probi~me qui se pose ~ l 'agr icul teur est enti~rement different de celui que dolt r~soudre un industriel. Tandis que ce dernier a la possibilit~ d'accroitre ou de diminuer ses stocks

1) Jean M a r c h a l , op. cir. p. 130 et s.

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287) Essai de r~vision de la Th~orie dos prix. 147

et en m4me temps de r6duire ou de forcer la production pour ramener ceux-ci k la normale, t ' agr ieul teur se trouve, ainsi que tous ses confr6res, devant une r6colte exc6dentaire ou d6ficitaire. Dans le premier cas, il n 'a, en l 'absence d 'une intervention de l 'Etat, que des possibilit6s limit6es de stockage du fair de ses installations mat6rielles et de ses ressources Iinanci6res. Dans le second, il ne dispose que de faibles moyens pour accroitre l 'offre. En tant que producteur, l 'agri- culteur se trouve dans une position infiniment moins bonne que l ' industrieh il n ' a pas de possibilit6 d 'agir efficacement et rapidement sur la production pour ramener le prix au niveau du cofit.

Mais si l 'agr icul teur est ainsi d6favoris6 en tant que producteur, en tant que t ransformateur , il poss6de des moyens d'action infiniment sup6rieurs. L ' industr iel qui fabrique des rails en acier, pent en produire pea ou beaucoup. P a r contre, il ne d6pend pas de lui de les t ransformer en tuyaux de fonte ou en articles de m6nage. Au contraire, si le pr ix du b16 n 'est pas r6mun6rateur, ragr icu l teur peut le donner h ses poules et vendre son gra in sous forme d'oeufs. Si le prix du lair lui parai t insuffisant, il peut l '6couler sous forme de beurre et s i t e beurre se vend real, il 616vera des veaux, ce qui est une mani6re de t ransformer du lair en viande.

Au total, il appara i t que, dans le cadre de la courte p6riode, d6finie comme il a 6t6 dit, l 'agr icul teur s 'efforce d 'agir rationnellement. I1 se conduit en ,,homme de Descartes", mais en ,homme de Descartes" qui dispose de donn6es et de moyens diff6rents de ceux dont ~ouit l ' industriel. De son action ne d6coule, pa r suite, aucune relation entre le pr ix d 'une denr6e et le cofit marginal de cette denr6e. P a r contre, des rappor ts tr6s pr6cis et tr~s r igoureux apparaissent entre les prix de presque tous les produits agricoles, rapports 6tablis en tenant compte des f ra is n6cessaires pour t ransformer une denr6e en une autre.

En longue p~riode agricole, le choses se modifient. Cette p6riode, d~bordant le cadre d 'une campagne de production, des cofits peuvent, apr~s chaque r~colte, ~tre calculus et rapprochSs avec plus ou moins de pr6cision des prix de vente. On concevrait donc qu 'une action soit exerc~e pa r l ' interm~diaire d'une variat ion des superficies cultiv~es, action qui tendrait ~ augmenter ou ~ diminuer la production et ~ ~tablir un lien entre prix et cofits. Mais cette action se heurte d 'abord '~ des obstacles techniques: par suite de l ' intervention des circonstances atmosph~riques, il ne suffit pas de modifier les superficies cultiv~es pour faire var ier dans le sens d~sir5 la production; certaines cultures, telles que l 'arboricul ture ou la vigne ne donnent leur r~sultat qu 'au bout de plusieurs ann6es, enfin d 'autres sont englob~es dans des syst~mes d'assolement que l 'on ne peut brusquement modifier. Obstacles psycho- logiques, d 'autre part, et qui nous ram~nent h l'ob~et propre de cet article: l 'agriculteur, m~me lorsqu' i l en a la possibilitY, pousse moins loin la rationalit~ que l ' industriel. Dans toutes les petites exploitations, il fair real la distinction entre les recettes et d~penses de la famille

19"

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148 J. Marchal: (288

et celles de l'entreprise. Ne mesurant pas exactement le prix du travail qu'il fournit par lui-m~me ou par ses proches, non plus que la rSmun~ration des capitaux qui lui appartiennent, il se laisse souvent aller, sous l'influence de ~acteurs externes, li~s au milieu ambiant, continuer des cultures qui apparaitraient peu rentables si le calcul des cofits 4tait correctement effectu~. Dans une certains mesure, qu i tend d~ailleurs h l'~poque moderne ~ d~croitre, l 'agriculteur se comporte en ,heroine de Pavlov", d~termin~ par le milieu. Ce n'est par suite qu'avec beaucoup de lenteur qu'un lien s'~tablit entre prix et cofit de pro- duction.

Au total, il nous parait qu'en utilisant, non plus un, mais deux types d'homo oeconomieus: ,,l'homme de Descartes" et ,,l'homme de Pavlov", on parvient ~ une th~orie g~n~rale des prix plus comprehen- sive que la th4orie actuellement r~gnante. Cette dernf~re th~orie se cantonnait en fait dans l 'analyse des ph~nom~nes relatifs aux march~s de gros des produits industriels. Ses conclusions sent reproduites et compl~t6es sur certains points. Mais, de surcrott, la th~orie nouvetle permet de rendre compte de ce qui se passe sur le march~ des produits vendus au d~tail et sur le march~ des produits agricoles. Enfin elle fair apparaitre des possibilit4s d'intervention externe sur le niveau des prix. Seule cette th~orie permit de comprendre certaines experiences r~centes telles que la politique de baisse dans laquelle s'est engag~ ]e gouvernement francais, pr~skl~ par M. L. B ] u m, en 5anvier 1947.1).

1) Notre coll~gue et ami, F r a n g o i s P e r r o u x , auqueI nous avons communiqu~ les premieres ~preuves de cet article, nous demande de signaler que la technique des bandes ~paisses et des losanges d'ind~termination a ~t~ utilis6e par lui d~s 1942. Nous l'ignorions, mais acceptons ires volontiers de le faire savoir.

Duns une long us leCtre, dent nous reproduisons textuellement les passag~ essentiels pour ne pus trahlr sa pens~e, F r a n g o i s P e r r o u x praise qu'il tient ~ ee point pour les raisons suivantes:

1. ,,Parce qu'il est contest4 par H i c k s". 2. ,,Parce quail est Fun des lieux de sa th~orie g~n~rale de t'ind~termi-

nation des plrix". 3. Parce qu>il pense montrer ,,que rinterpr~tation d°une ligne de Marshall

et de la th~orie du couple timite (BShm-Bawerk), montre que ces grands anciens ont tr~s bien compris t'importance du bargaining power dane le mar- chandage de l'~change libre et coneurremiel".

4. Puree qu'il croit ,,q~'i~ est plus vraisemblable d'admettre que lee bandes dpaisses ne sent pas 5galement ~paisses sur tout leur parcouxs". - - C'es¢ dgalement notre opinion et aous ravens d~velopp~e darts ce travail.

5. ,,Parce que l'epaisseur des courbes et la surface des losanges consti- tuent un argument essentie] centre la ~ o r i e des taxations (Mises, ttaborler) les marges d'intervention d~pendant de l'appr~ciation au moius grossi~re de l'~tendue r~elle de l'ind4termination des ager~ts concrets (m~sure 4conome- trique)".

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289) tSssai de r~visi.on de la Th~orie des prix. 149

6. ,,Farce que l'gpaisseur des bandes varie sui~ant la nature et les s(~r~es de march6".

7. ,,Farce que s i r o n substi.tue le losange au point on a des bandes r6etles de mouvements de prix (sux des coordonn6es o~h sent port6es sur l'axe des x les temps e¢ sur raxe des y la hauteur des prix); (Cons6quences pour le moins quart ~ l a notion de mouvements des prJx et de mouvement du ,,niveau g6n6ral" des prix)".

8. ,,Parce qu'une 6tude pure et simple des bandes d'indiffgrence et des losanges d'ind~termination ne prend sa valeur que rattach6e ~ l'6tude des courbes d'utilit6 marginale ou des fonctions d'indiff6re~ce qui y correspon- dent".

9. ,,Parce que l'on groupe seas le titre discontinuit6s des 6t~ments extr6mement diff6rents: [a) discontinuit~ proprement dite, c'est ~ dire inter- ruption dos courbes; exemple: interruption des courbes du revenu marginal en eas de courbe coud6e du revenu moyen; b) portions parall~les d'une courbe

raxe des x et des y (qui ne sent pus de discontinuit6s proprement dites); c) representation en escalier produc,tion, fonotion d'utiIit6] ."

10. ,,Parce que le rattachement de l'6paisseur des courbes d'offre et de dema~nde ou du losange d'indiff6rence /~ la fonotion ou courbe d'utilit6 mar- ginale, est paxticuli~,rement int6ressant en ce qui concerne l'utilit~ m~rginale de la monnaie".

11. ,,Farce que l'~pa,isseur des courhes peut ~tre consid6r6e comme un faisceau de courbes, chacune 6rant affect6e d'un coefficient donn6 de r6alisation probable, ce qui permet bien 6videmment d'introduire /~ l 'analyse en termes de variables al6atoires; ce qui permet non moins 6videmment de so~tir du vague de ta surface pour arriver K ta notion, de faisceau de courbes possibles et

l 'interieur de chaque bande d'un degr6 de probabilit6 de r6alisation parti- calibre de telle courbe. Autrement dit, it est wraisemblable que compte nul terme de l'at6a, nous avo~s, par s~ite de l 'ignorance du eonsommateur par exemple, des bandes 6paisses et non pus des lignes, mais la consid6ration des faisceaux de courbes affect6es chacune d '~ l coefficient de probabilit6 introduit la consid6ration de l'al6a. Nous avons p~r 1~ le moyen d'introduire une fonction entre 1'analyse poursuivie en termes de relations fonctiormelles ou alg~briques et l 'analyse poursuivie en terme de relations stochastiques".