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ESTHÉTIQUE - Histoire Article écrit par Daniel CHARLES Prise de vue L'esthétique traditionnelle – l'esthétique d'avant l'esthétique, si l'on s'avise du caractère récent de la discipline esthétique qui date de 1750 (année de parution du tome I de l'Aesthetica de Baumgarten) – a mêlé théorie du Beau et doctrine (normative) de l'art. Platon, Plotin reliaient l'œuvre belle à un savoir immuable : nos impressions de beauté devaient se fonder dans l'intelligible, dont l'art ne pouvait qu'imiter l'harmonie. Et, pour qu'une œuvre fût belle, il importait qu'elle se conformât à une telle harmonie, seule capable de fournir, au goût du créateur comme à celui du spectateur, une table fixe de références. L'explication des œuvres, supposant l'identification des qualités principales propres à chacune d'entre elles, prétendait rendre raison des moyens de l'artiste, et l'esthéticien en venait à légiférer tant sur la production que sur l'appréciation de l'objet d'art. L'esthétique devint une discipline autonome lorsque passa au second plan le souci de qualifier l'objet, et d'indiquer les règles de sa constitution. À l'idée rectrice du Beau absolu se substituait alors le thème d'un jugement de goût relatif au sujet. Car, si ce qui permet la beauté réside dans l'objet, sans cependant se laisser déterminer comme telle ou telle caractéristique de cet objet, à ce moment l'attitude que l'on adopte à son égard importe plus que tout le reste : l'être de l'objet renvoie au sujet, l'esthétique thématise le vécu. De l'âge dogmatique, l'esthétique passait à l'étape critique : et elle n'a eu de cesse, à l'époque moderne, qu'elle n'ait accompli jusqu'au bout la critique et parachevé la besogne de Kant. Mais, si l'intelligible en vient à être visé comme dépendant du senti ou du perçu, l'esthétique ne peut se targuer de découvrir les règles de l'art que dans la mesure où elle réduit la normativité à n'être plus que la justification idéologique de tel ou tel goût. Ainsi l'esthétique, de science du Beau idéal, en vient d'elle-même à capituler devant la pure et simple sensation, et à la limite elle se contenterait, à notre époque, de compiler « le catalogue des sensations produites par des objets » (Jean Grenier, L'Art et ses problèmes). Mais l'idée même d'un tel catalogue « entraîne à poser des problèmes brûlants : quelle différence y a-t-il entre des objets (si vraiment il n'y a plus de jugement de valeur) et des œuvres ? Peut-on parler d'objets esthétiques à la place d'œuvres d'art ? En quoi consistent ces sortes d'objets ? Faut-il y inclure les reproductions, les esquisses, les photographies et même les faux ? Les nouvelles techniques, les nouveaux instruments doivent-ils être regardés comme étant du ressort de l'esthétique ? Et que penser des matières brutes ? Peuvent-elles donner naissance à un art brut ? » (J. Grenier, op. cit.). Finalement, après la crise la plus grave de son histoire, ne peut-on pas conclure à un renouveau possible de l'esthétique ? Alors même que l'objet semble avoir pris la place du sujet, ne l'a-t-il pas fait grâce à une importance inattendue du sujet qui pose des décrets en faisant semblant de constater ? Dans ce cas, on pourrait reprendre la parole de Mistral à propos de la langue provençale : « On dit qu'elle est morte et moi je dis qu'elle est vivante » (J. Grenier, op. cit.). Reste à savoir si le « renouveau » de l'esthétique que constate Jean Grenier est bien lié à la réaffirmation de ce que les philosophes appellent subjectivité. Ne faut-il pas aller plus loin, et se demander si l'art d'aujourd'hui, dans son inspiration la plus profonde, est encore justiciable d'une problématique axée sur la dualité des catégories du sujet et de l'objet ? Il se pourrait que les artistes forcent les philosophes à renouveler leurs concepts... L'esthétique, du coup, redevient la discipline de pointe qu'elle était pour Baumgarten, mais dans un sens tout à fait différent. Que l'objet puisse passer pour beau, cela cesse en effet de renvoyer au (bon) vouloir d'un sujet : il faut un lien beaucoup plus secret, celui de l'homme avec la Terre. I-La Grèce

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ESTHTIQUE - HistoireArticle crit par Daniel CHARLESPrise de vueL'esthtique traditionnelle l'esthtique d'avant l'esthtique, si l'on s'avise du caractre rcent de ladiscipline esthtique qui date de 1750 (anne de parution du tome I de l'Aesthetica de Baumgarten) a mlthorie du Beau et doctrine (normative) de l'art. Platon, Plotin reliaient l'uvre belle un savoir immuable:nos impressions de beaut devaient se fonder dans l'intelligible, dont l'art ne pouvait qu'imiter l'harmonie.Et, pour qu'une uvre ft belle, il importait qu'elle se conformt une telle harmonie, seule capable defournir, au got du crateur comme celui du spectateur, une table fixe de rfrences. L'explication desuvres, supposant l'identification des qualits principales propres chacune d'entre elles, prtendait rendreraison des moyens de l'artiste, et l'esthticien en venait lgifrer tant sur la production que surl'apprciation de l'objet d'art.L'esthtique devint une discipline autonome lorsque passa au second plan le souci de qualifier l'objet, etd'indiquer les rgles de sa constitution. l'ide rectrice du Beau absolu se substituait alors le thme d'unjugement de got relatif au sujet. Car, si ce qui permet la beaut rside dans l'objet, sans cependant selaisser dterminer comme telle ou telle caractristique de cet objet, ce moment l'attitude que l'on adopte son gard importe plus que tout le reste: l'tre de l'objet renvoie au sujet, l'esthtique thmatise le vcu. Del'ge dogmatique, l'esthtique passait l'tape critique: et elle n'a eu de cesse, l'poque moderne, qu'ellen'ait accompli jusqu'au bout la critique et parachev la besogne de Kant.Mais, si l'intelligible en vient tre vis comme dpendant du senti ou du peru, l'esthtique ne peut setarguer de dcouvrir les rgles de l'art que dans la mesure o elle rduit la normativit n'tre plus que lajustification idologique de tel ou tel got. Ainsi l'esthtique, de science du Beau idal, en vient d'elle-mme capituler devant la pure et simple sensation, et la limite elle se contenterait, notre poque, de compilerle catalogue des sensations produites par des objets (Jean Grenier, L'Art et ses problmes).Mais l'ide mme d'un tel catalogue entrane poser des problmes brlants: quelle diffrence y a-t-ilentre des objets (si vraiment il n'y a plus de jugement de valeur) et des uvres? Peut-on parler d'objetsesthtiques la place d'uvres d'art? En quoi consistent ces sortes d'objets? Faut-il y inclure lesreproductions, les esquisses, les photographies et mme les faux? Les nouvelles techniques, les nouveauxinstruments doivent-ils tre regards comme tant du ressort de l'esthtique? Et que penser des matiresbrutes? Peuvent-elles donner naissance un art brut? (J. Grenier, op. cit.).Finalement, aprs la crise la plus grave de son histoire, ne peut-on pas conclure un renouveau possiblede l'esthtique? Alors mme que l'objet semble avoir pris la place du sujet, ne l'a-t-il pas fait grce uneimportance inattendue du sujet qui pose des dcrets en faisant semblant de constater? Dans ce cas, onpourrait reprendre la parole de Mistral propos de la langue provenale: On dit qu'elle est morte et moi jedis qu'elle est vivante (J.Grenier, op. cit.).Reste savoir si le renouveau de l'esthtique que constate Jean Grenier est bien li la raffirmationde ce que les philosophes appellent subjectivit. Ne faut-il pas aller plus loin, et se demander si l'artd'aujourd'hui, dans son inspiration la plus profonde, est encore justiciable d'une problmatique axe sur ladualit des catgories du sujet et de l'objet? Il se pourrait que les artistes forcent les philosophes renouveler leurs concepts... L'esthtique, du coup, redevient la discipline de pointe qu'elle tait pourBaumgarten, mais dans un sens tout fait diffrent. Que l'objet puisse passer pour beau, cela cesse en effetde renvoyer au (bon) vouloir d'un sujet: il faut un lien beaucoup plus secret, celui de l'homme avec la Terre.I-La GrceDu visible l'invisibleCe n'est pas uniquement de faon mtaphysique, comme le veut Platon, qu'il convient d'interprter laformule homrique selon laquelle l'Ocan est le pre des choses. Cette premire grande affirmation duDevenir a aussi valeur esthtique. Elle renvoie en effet l'lment liquide, archtype de ce miroitementblouissant qu'est, pour Homre, le Beau. Car le pote ne nous propose pas vraiment une rflexion del'artiste sur sa cration: tout au plus nous apprend-il que, la mmoire lui faisant dfaut, force lui est desolliciter l'inspiration divine; en sorte que l'essentiel de son originalit rside dans la technique qu'il a su sedonner. Mais il est sensible, en contrepartie, la splendeur de ce qui apparat. Beaut de la mer, de l'eau;mais aussi du corps, du geste; de la gnrosit, de la bont. La vrit sur les hommes et les dieux n'est-ellepas, d'abord, l'clat du visible?Hsiode, son tour, exalte l'ondulation indfiniment recommence, le fluide et le fminin; la beaut est, ses yeux, totalit et immdiatet. Mais il faut dcouper les diverses qualits du rel: la beaut visible (etindivisible) s'oppose l'utile (dans lequel sont distinguer la fin et les moyens). l'oppos de ce qu'enseignent Homre et Hsiode, le Beau peut tre dit invisible c'est--dire qu'ilexiste, en supplment, une beaut morale (Sappho), que le pote est un prophte (Pindare), qu'il faut exalter(au dire des tragiques) le scintillement sombre de la mort: cela dnote que le Beau peut s'enfuir du monde.On le saisit l o il se cache: beaut voile, mtaphysique touchant au Bien et au Bon, l'obscur ou laclart de l'origine et non pas seulement l'utile.Tel est bien le sens de l'affirmation pythagoricienne, selon laquelle une harmonie cache rgit tout ce quiest. coutons Homre: n'est-ce pas la musique des sphres qu'il voque par le chant des sirnes? Le Beaune serait-il pas ce qui accorde, en profondeur, les divergences? Telle est l'harmonie d'Hraclite. Mais, alors,l'art devrait s'efforcer d'imiter les rapports secrets de l'Un et du multiple, la texture et la substructure durel; il aurait vertu mdicale (et donc morale) de catharsis. ce dualisme pythagoricien (et hracliten) du voiler et du dvoiler rpond la doctrine late. L'tre estlisse, sans partage; il n'y a pas lieu de le scinder. Mais, si l'tre est un, comment chez Parmnide lepremier le pote pourra-t-il noncer plus, et autre chose, que ce qui, prcisment, est? Commentadmettre, aprs le chant de la Vrit, celui de l'Opinion? De quel droit Homre et Hsiode ont-ils attribuaux dieux le vol ou l'adultre? De telles questions trouveraient rponse si l'on s'avisait que la contradictionn'est qu'apparente: d'o le thme de l'allgorisme de toute posie. La faon qu'a le pote de dire l'tre,c'est l'allusion.L'allusion ou l'illusion? Pourquoi le pote s'arrogerait-il le pouvoir de dvoiler la carcasse mathmatique, ontologique de ce qui est? Pythagoriciens et lates ont en commun d'treinsupportablement difiants; les sophistes vont rcuser la fois l'allgorisme et la catharsis. Il n'existe pasplus, les entendre, de Beaut en soi ou d'tre que de valeur thrapeutique de la musique ou de l'art engnral. Ce qui importe, c'est l'art de persuader, c'est--dire de tromper; le seul critre esthtique estl'vnement, l'occasion. Pour le relativisme opportuniste d'un Protagoras, seule compte l'interprtationlittrale, mtrique de la posie. Ds lors, il ne saurait tre question de prsenter l'art comme l'apprentissaged'un savoir, d'une sagesse; et encore moins de le prendre comme mdication. Ce qu'il est, au fond, c'est undoux mal (Gorgias, loge d'Hlne); en l'occurrence, une maladie, une faiblesse, prfrable aprs tout la platitude de la normalit, mais qui ne tranche pas qualitativement sur cette dernire. Ne conservonspas ces distinctions captieuses: l'tre et l'apparatre, l'harmonie voile et son dvoilement; renvoyonsHraclite et Parmnide dos dos: L'tre reste obscur s'il ne concide pas avec l'apparence; l'apparenceest inconsistante si elle ne concide pas avec l'tre (Gorgias).PlatonToutes les polmiques qui prcdent Platon, et jusqu' un certain point l'esthtique de Platon lui-mme, s'clairent si l'on garde l'esprit l'acuit de cette lutte entre moralistes et immoralistes. Tel le combat quemne Socrate, partisan de la morale et de l'utilit dans l'art raill copieusement par Aristophane, lui-mmehritier du rationalisme des sophistes contre tout hdonisme mal compris. Ne faut-il pas, demande Socrate,rapprocher l'art de la philosophie celle-ci tant la plus haute musique (Platon, Phdon)? Or Platoncommence par s'identifier Socrate; et c'est au nom de l'opposition de l'tre et du paratre que l'Hippiasmajeur condamne les principales thses sophistiques: l'occasion ne livre jamais que le faux-semblant; il fautse dtourner de l'ide d'un art essentiellement pathologique comme de l'ide que cette pathologie estsuperficielle. Au contraire, pour Platon, l'art est magique, d'une magie qui dlivre de toute superficialit; ilest folie, dlire (Phdre, 245a), mais en cela il nous ravit dans un ailleurs, dans un au-del, dans le domainedes essences. Loin de rsider exclusivement dans l'objet, dans le visible, le Beau est, en soi, condition de lasplendeur du visible et, ce titre, idal dont l'artiste doit se rapprocher; d'o le thme de la mimsis. De labeaut des corps celle des mes, de celle des mes celle de l'Ide, il y a une progression, qu'noncentles textes de l'Hippias majeur et du Phdre et que ramasse la dialectique du Banquet et de La Rpublique;mais il faut noter que l'Ide du Beau est seule resplendir dans le sensible; seule capable de sduiredirectement, elle est distincte des autres Ides. D'o la complexit de l'esthtique platonicienne. Car, d'unct, l'art ne peut tre que second par rapport au Vrai ou au Bien et le Beau est en dsaccord avec le Vrai etle Bien, puisqu'il apparat dans le sensible; pourtant, ce dsaccord est heureux, et le Beau rejoint le Vraiparce qu'il rvle ou dsigne l'tre au sein du sensible; et l'art, s'il peut et doit tre condamn, en ce quel'imitation des Ides telle qu'il l'accomplit est toujours de second ordre, mrite cependant d'tre pris enconsidration en ce qu'il est mdiation: par lui s'articule la diffrence entre sensible et non-sensible.Ce dernier point explique la souplesse des jugements que Platon a successivement ports sur l'art;souvent svre, il s'adoucit jusqu' suggrer, dans Les Lois, que l'art n'est qu'un divertissement inoffensif.De mme, il faut souligner l'incertitude dans laquelle se trouve Platon sur le bien-fond de la thorie desIdes: dans la premire partie du Parmnide, il s'interroge sur l'opportunit de parler d'Ides propos deschoses laides; c'est seulement propos des choses belles que le mot avait jusqu'ici t prononc. Il est clairque c'est alors toute la question des rapports du sensible et de l'intelligible, du Devenir et de l'tre,c'est--dire de la participation, qui se trouve pose nouveau.AristoteIl y a donc chez Platon, par rapport l'esthtique de la transcendance, plus que l'amorce d'un retour auconcret. Ce mouvement, Aristote le parachve dans toute son entreprise, et d'abord en transposant l'ensemble du rel une analyse propre l'esthtique: celle des quatre causes. Une statue est faite demarbre (cause matrielle), elle suppose un travail de la part du sculpteur (cause efficiente), ce dernier luidonne une certaine forme (cause formelle) en vue d'une certaine fin (cause finale). De cette description, onpeut tirer une esthtique normative: car l'uvre montre l'union de la forme et de la fin, elle est et doit resterproportionne l'homme, et cela suppose une lutte contre la dmesure et l'indfini, l'aspect informe etfuyant de la matire. Toutefois, il n'y a pas moins de normativit chez Aristote que chez Platon: si ce dernieren appelait une dfinition idale du Beau ou au dogmatisme des Ides-nombres, l'aristotlisme serabien, lui aussi, un acadmisme, en ce qu'il prescrira la soustraction de la forme au Devenir; si attentif qu'ilsoit l'gard du contact de l'artiste avec la ralit physique, avec les individus et les choses, il n'en rcusepas moins le mouvant, en l'enserrant dans le schme de la puissance et de l'acte.D'o une nouvelle approche de la mimsis: l'uvre reproduit la Nature telle qu'elle se manifeste, maisselon une exigence d'ordre et d'universalit logique, dduire de cette manifestation mme, et qui rend, parexemple, la posie suprieure l'histoire parce que plus universelle. Aussi La Potique montre-t-elle dans lacatharsis plus qu'une simple thrapeutique: une vritable conciliation rationnelle des passions. Par l,Aristote rinterprte le pythagorisme la lumire des sophistes: preuve et dmonstration doivent s'accorder la psychagogie, la fascination passionnelle; l'hdonisme se trouve alors surmont, ainsi que tout ce quePlaton conservait du sens pythagoricien de la magie. La tragdie tmoigne en effet de ce que le plaisir nedcoule pas invariablement de la catharsis; la comdie montre la possibilit d'une reconduction des instincts l'quilibre, la symtrie.PlotinPar son exigence de rappel l'ordre, par sa vocation classificatrice, taxinomique, La Potique recevra,d'une poque l'autre et jusqu' la fin de l'ge classique, d'innombrables systmatisations. Citons lapremire en date qui n'a pas t conserve, mais dont l'essentiel demeure: celle de Thophraste, selonlaquelle la philosophie, discipline formelle, et la rhtorique, lie la matire, s'oppose la posie, os'affrontent poima et poisis, forme et contenu.L'esthtique no-platonicienne lutte violemment contre l'aristotlisme, tout en s'en inspirant dans unecertaine mesure, et elle rvalue Platon lui-mme. Plotin tire en effet les extrmes consquences de l'ideque le monde sensible est un non-tre, auquel il faut chapper. Loin de se laisser cerner l'aide de schmescomme la symtrie ou la rgularit, le Beau est tout ce qui est inform par une Ide; le Laid, tout ce qui nel'est pas. Pourtant, ce n'est que dans les actes que certaines choses sont moins russies que d'autres; enpuissance, elles sont toujours contenues dans des formes; en sorte que le Beau, d'une part, s'applique toutce qui est, et, d'autre part, ne peut se penser que comme ce qui s'offre en surcrot de la rationalit. Il y adonc un dynamisme, une dialectique de fuite vers la transparence et la lumire; car le Beau ne se laissemme pas saisir l o il apparat vraiment; il vient d'ailleurs, il est le miroitement de l'Un. Si la beautconsiste davantage dans l'clat de la proportion que dans la proportion elle-mme (Plotin, Ennades, VI,VII, 22), c'est que le Beau est l'intelligible approfondi et saisi dans sa relation au Bien. Il est le passage del'un l'autre, le moyen terme grce auquel le Bien se reconnat dans l'ide, et l'amour dans la pense; [...] ilculmine quand le multiple est transcend sans que l'unit praperue soit encore consomme (JeanTrouillard).Plotin redouble littralement Platon. Il assigne la beaut un rle pr-notique sur lequel piloguerontEckhart, Shaftesbury, Schopenhauer, Bergson. Qui plus est l'in-forme plotinien a probablement inspirl'esthtique de Byzance, si l'on admet la dfinition qu'en propose Grabar: Sera idale la vision qui seratransparente, c'est--dire o les objets ne seront ni autonomes ni impntrables, o l'espace seraabsorb, o la lumire traversera sans encombre les objets solides et o le spectateur lui-mme pourra neplus discerner les limites qui le sparent de l'objet contempl.II-Le Moyen geLe christianisme apporte en premier lieu l'esthtique l'ide de cration conue d'aprs le modlethologique. Certes, Dieu n'a pas besoin de matire pour crer; son opration, qui s'accomplit hors dutemps, ne peut se comparer aucune autre. Mais sur l'artiste rejaillit quelque chose de la dignit de l'Actesuprme; d'o ce que l'on a pu appeler un optimisme esthtique, propre tout le Moyen ge (Edgar deBruyne), et sur lequel l'accent est mis avec d'autant plus de ferveur qu'il s'agit de compenser par l'art (et parun art essentiellement sacr) tout ce que le message chrtien contient, d'autre part, d'inquitant: le sens dumal, de la laideur et du pch. L'art est subordonn la foi; il vhicule l'esprance, mais aussi la tensionpropre la spiritualit, et cela entrane une tonalit esthtique nouvelle.En second lieu, la doctrine chrtienne, mme si elle reprend la thse no-platonicienne selon laquellel'art permet de transcender non seulement le sensible, mais aussi l'intelligible, exige qu'il soit tenu comptedes ncessits de l'apologtique. Au symbolisme hrit de Plotin, elle juxtapose un allgorisme lui aussiinspir de l'Antiquit, mais interprt, sous l'influence de la patristique, de faon trs diffrente. Lesinnombrables mythographes grecs, principalement l'poque alexandrine, rattachaient l'allgorie larhtorique; elle tait leurs yeux une figure, un trope. Le christianisme y voit une correspondance relle, etnon plus verbale, entre des domaines d'tre diffrents. L'allgorisme mdival ne se confond pas avec lesymbolisme, il le complte.Enfin, le christianisme approfondit, dans un sens mtaphysique indit, l'esthtique de la proportion et l'esthtique de la lumire, et se propose de les relier d'une faon systmatique. La beaut visible, dit au dbut du XIIIe sicle Guillaume d'Auvergne, se dfinit ou bien par la figure et la position des parties l'intrieur d'un tout, ou bien par la couleur, ou bien par ces deux caractres runis, soit qu'on les juxtaposesans plus, soit que l'on considre le rapport d'harmonie qui les rfre l'un l'autre. Ainsi se trouventconfrontes l'esthtique musicale et l'esthtique de la couleur, mais galement leurs transpositionsmtaphysiques, la thorie des proportions ou de la composition du multiple dans l'unit et la thorie de lalumire spirituelle comme clat de la forme. La synthse est prsente au XIIIesicle par Albert le Grand: laproportion est la matire, la lumire, la dtermination formelle de la substance. Ainsi, l'aristotlisme et leplotinisme se rejoignent en une cohrence inattendue; leur union est le plus haut moment de la penseesthtique du Moyen ge.III-La Renaissance l'ide propre l'poque romane d'un dchiffrement de la Nature, tenu pour seul susceptible derestituer aux apparences leur armature secrte, l'esprit de l'art gothique avait oppos le primat del'observation des ralits physiques; mais le dbat essentiel, celui du fonctionnel et de l'ornemental,tmoignait, vers la fin du Moyen ge, du caractre second, ancillaire, de l'art comme tel, au regard de la viecontemplative.C'est la lacisation de l'art que procde, Florence d'abord, le Quattrocento; avec la peinture dechevalet, le naturalisme dplace le champ d'exercice de l'artiste de l'invisible au visible, du contempl l'agi. Si la Nature vaut par sa prsence et non plus en tant que symbole d'une transcendance, alors l'intrtport aux surfaces visibles ne risque plus de faire oublier Dieu; d'o le sensualisme et la gratuit desrecherches plastiques. Contre l'aristotlisme padouan, une flambe no-platonicienne s'allume,principalement autour de Marsile Ficin; c'est l're des ludi matematici et de l'application des sentencespythagoriciennes. C'est aussi et surtout l'poque des thories de la perspective: on assiste unemathmatisation de l'art, qui triomphe avec Lonard de Vinci (1452-1519).L'esthtique d'Alberti (1404-1472) est particulirement reprsentative du syncrtisme de la Renaissanceitalienne: on y dcle en effet les trois composantes essentielles (mdivale, no-platonicienne et scientiste)du nouvel esprit. De l'aristotlisme et du thomisme, Alberti conserve la rduction du problme du Beau uneconnaissance, un savoir rationnel, et l'ide de l'imitation comme participation du crateur l'Actesuprme, la Nature naturante. Du no-platonisme, il retient le thme de la cosmologie des nombres. lascience moderne, enfin, il emprunte le principe d'une application rigoureuse des dcouvertes de l'optique: lapremire partie du De pictura (1435) dveloppe la notion de perspective; la peinture, pour Alberti, ne serapas autre chose que l'intersection de la pyramide visuelle suivant une distance donne, le centre de la visiontant plac et les lumires disposes sur une certaine surface reprsente avec art par le moyen des ligneset des couleurs. De mme, dans la seconde partie du trait, une triple dimension de la beaut picturale sedgage: ce qui importe, c'est la circonscriptio ou art du dessin, du trait, du contour, donc de la formeplastique comme telle; la composition, ou pondration de l'agencement des masses; la rception descouleurs, ou tablissement des reliefs et du clair-obscur par l'utilisation du blanc et du noir.Leon Battista AlbertiLeon Battista Alberti (1404-1472). Pote, architecte,musicien, philosophe, peintre et sculpteur italien,Alberti est un parfait humaniste. Ses ouvrages sur lesarts figuratifs et l'architecture constituent lespremiers traits d'esthtique modernes.(HultonGetty)Mais, dans le De re aedificatoria (1452), Alberti livre le fond de son esthtique, avec la dfinitionngative de la beaut comme concinnitas (harmonie): La beaut est une certaine convenance raisonnablegarde en toutes les parties pour l'effet quoi on veut les appliquer, si bien que l'on n'y saurait rien ajouter,diminuer ou changer, sans faire tonnamment tort l'ouvrage. Et aux trois catgories dj nonces dansle De pictura rpondent, pour l'architecture, les trois exigences de numerus (recherche des proportionsparfaites), finitio (arabesque ou arrangement organique des masses), collocatio (ordonnance rigoureusedes lments les uns par rapport aux autres). La forme, qui dpend du numerus et de la collocatio, doit trerendue vivante par la finitio: ce rationalisme est dj un classicisme.C'est galement un humanisme: dans le De statua (1434), Alberti insiste sur la ncessit d'excuterles travaux de faon qu'ils paraissent aux spectateurs ressembler le plus possible aux corps vritables crspar la nature; et, de ces corps, celui qu'il faut restituer le plus fidlement, parce qu'il est le plus noble,c'est le corps humain: J'en ai extrait, crit Alberti, les proportions et les mesures; je les ai compares et,faisant deux parts des extrmes en plus et en moins, j'ai tir une moyenne proportionnelle qui m'a paru laplus louable. L'art se vouera dsormais l'homme, et non plus Dieu.IV-De Descartes KantLa fin de la Renaissance est marque par le mysticisme (sainte Thrse d'Avila, saint Jean de la Croix) oul'trange (Paracelse, Bhme); par des potiques de la violence (comme celle de l'clatement del'ordonnance chez Drer), par l'austrit initiale de la Contre-Rforme, puis par le manirisme et enfin par lebaroque. Le classicisme ne s'impose qu'au XVIIe sicle, d'abord domin par les arts potiques inspirsd'Aristote, puis conscient de lui-mme avec Descartes.Non que ce dernier ait constitu une esthtique: la structure de son systme lui interdisait peut-tre de faire se rejoindre vraiment en l'homme la perception et le jugement, et par l de rendre pleinement compte de l'attitude humaine en face de l'art. Mais sa philosophie, qui entreprend de gnraliser le recours la raison pour fonder l'ensemble des sciences, ne manque pas d'englober l'art comme tel dans cette gnralisation. Pour partielle et provisoire qu'elle soit, l'esthtique cartsienne, qui commence par un relativisme, s'achve dans un rationalisme: car les diffrentes dfinitions de l'art et du Beau doivent pouvoir se soumettre, au mme titre que la Nature, une rgle de raison qui permette d'en oprer la dduction. Ainsi se trouve tay l'effort de Boileau pour joindre le Beau et le Vrai dans le retour une origine commune raisonnable des arts et des sciences, en mme temps qu'annonce la tentative de Batteux: LesBeaux-Arts rduits un mme principe, celui de l'unit dans la multiplicit; mais ce principe comprendaussi bien l'exigence purement thorique, gomtrique, d'une reprise des figures particulires sous unschme gnral et gnrateur, que celle, sociologique avant la lettre, de la rduction des diversesbiensances d'une mme poque un unique rseau de conventions simples. Lessing (Laocoon, 1756)dmle cet entrelacs: il s'agit, avant tout, de ne point confondre la part de la raison et celle de l'insertionhistorique; mais Dubos (Rflexions critiques sur la posie et sur la peinture, 1719) dveloppe la thorie desconditions gographiques, climatiques d'apparition de l'uvre d'art, montrant ainsi la voie non seulement Montesquieu, mais l'esthtique scientifique du XIXesicle.Par son souci de fonder en raison la science comme telle, Descartes n'avait pas seulement dclenchune rationalisation de l'esthtique. Sa recherche d'un tel fondement renvoyait au cogito, c'est--dire l'affirmation de la certitude du sujet comme garantie de toute objectivit, et l'ide que le jugementsuppose l'assentiment de la volont. Que l'art, comme spcimen de l'tre, dpende du sujet en tant quecelui-ci est certain de ce qu'il affirme, c'est--dire que la description de la conscience esthtique importedavantage, dsormais, que celle des uvres elles-mmes; que l'esthtique relve dornavant de lapsychologie et non plus de l'ontologie telle est la consquence capitale, qui va peser de faon dcisive surtous les dveloppements ultrieurs. L'esprit de finesse s'oppose, selon Pascal, l'esprit de gomtrie; defaon comparable, Roger de Piles (1635-1709) se montre soucieux du vrai singulier contre le vrai idal d'unLe Brun (1619-1690). C'est une dfinition sensible du style qu'aboutit le pre Andr (Essai sur le Beau,1741): J'appelle style une certaine suite d'expressions et de tours tellement soutenue dans le cours d'unmme ouvrage, que toutes ses parties ne semblent tre que les traits d'un mme pinceau ou, si nousconsidrons le discours comme une espce de musique naturelle, un certain arrangement de paroles quiforment ensemble des accords, d'o il rsulte l'oreille une harmonie agrable. Et c'est au primat dusentiment sur la raison qu'il faut conclure selon Dubos: L'attrait principal de la posie et de la peinturevient des imitations qu'elles savent faire des objets capables de nous intresser; s'il en est ainsi, lespomes et les tableaux ne sont de bons ouvrages qu' proportion qu'ils nous meuvent et nous attachent;en sorte que le meilleur jugement est celui des non-spcialistes: Les gens de mtier jugent mal engnral, quoique leurs raisonnements examins en particulier se trouvent souvent assez justes, mais ils enfont un usage pour lequel les raisonnements ne sont point faits. Vouloir juger d'un pome ou d'un tableau engnral par voie de discussion, c'est vouloir mesurer un cercle avec une rgle. Diderot, prnant le natureldu jeu thtral, invoque le critre classique du vraisemblable pour faire mieux prouver au spectateur unsentiment, mme factice; en sorte que l'motion et le pathtique, la sensibilit et l'observation de soideviennent finalement les antithses fortes du raisonnement et de l'quilibre de l'uvre classique. Maisc'est d'Angleterre, avec le primat humien de l'imagination sur la raison, et d'Allemagne, avec la thorie duGefhl que dveloppent Sulzer (Origine des sentiments agrables ou dsagrables, 1751) et Winckelmann(Histoire de l'art dans l'Antiquit, 1764), que vient le recul de la raison: dsormais, l'exprience individuellecompte plus, dans le jugement de got, que l'universalit rationnelle; ainsi l'on se prpare admettrel'esthtique romantique de l'intriorit, des tats d'me et des chocs qualitatifs que l'art fait subir au sujet. l'insurrection cartsienne de la subjectivit et tous les dveloppements non cartsiens qu'elleentrane au XVIIIesicle, deux lments viennent s'adjoindre cependant, qui inflchissent d'une maniredcisive la dmarche esthtique proprement dite.En premier lieu, Shaftesbury (1671-1713), suivi par Hutcheson (1694-1746) et Henry Home (1696-1782),thmatise l'intuition et le gnie en une doctrine de la saisie esthtique immdiate de ce qu'il y a de sublimedans le Tout; il y a, particulirement chez Shaftesbury, une rsurgence platonicienne et mme plotiniennequi oblige mditer nouveau sur l'quation du Beau et du Bien, et situer explicitement l'esthtique parrapport l'thique et au sensible.En second lieu, la philosophie anticartsienne de Leibniz (1646-1716) assigne l'esthtique une placecentrale dans le systme du monde: car l'univers reflte l'harmonie intrieure de la monade, et cela rendl'artiste capable de connatre le systme du monde, et d'en imiter quelque chose par des chantillonsarchitectoniques, chaque esprit tant comme une petite divinit dans son dpartement.En rponse Leibniz, Baumgarten labore, dans un ouvrage prcisment intitul Aesthetica (1750), lanotion d'une facult esthtique propre au sujet humain comme tel. Cette facult, dnomme cognitiosensitiva perfecta, est dfinie comme intermdiaire entre la sensation (obscure, confuse) et l'intellect (clair,distinct). Ainsi, par rapport au plotinisme d'un Shaftesbury, par exemple, le Beau n'est plus situ au-del del'intelligible comme puissance d'unification de celui-ci et, par l, rvlation intuitive du Tout ou de l'Un; maisil se trouve en de de l'intelligible comme principe d'unification imitant celui de l'intelligible. Que la loiintrieure de l'intuition esthtique soit un analogon rationis, elle n'en est pas moins indpendante pourautant de la raison conceptuelle: elle la dborde et ne lui est nullement soumise (il n'y a pas, diraBaumgarten, tyrannie de celle-ci sur celle-l, mais bien plutt harmonie entre elles deux), et celajustement parce qu'elle n'est pas moins logique. Qu'il existe donc une Raison esthtique, au mme titrequ'une Raison gnosologique, et mme que la Raison dans son ensemble comporte non seulement celle-cimais encore celle-l, voil qui doit entraner, d'une part, la fondation de l'esthtique comme disciplineautonome et, de l'autre, la constitution d'une nouvelle philosophie, proprement anthropologique, quitmoigne de ce que la Raison s'humanise, se limite par la sensibilit. Toutefois, la sensibilit n'est ainsilibre qu'en tant qu'elle est lgitime: elle demeure en quelque sorte conditionne par l'idal d'uneconnaissance pure. Elle ne signifie pas l'insurrection du dsir ou de la passion, mais dsigne l'aspiration une vie vritable de la Raison.V-L'esthtique de KantIl est possible, partir de Baumgarten, de saisir le sens de l'entreprise kantienne. Celle-ci, dans laCritique du jugement (1790), commence par dmentir, la faon de Dubos, qu'il soit possible de fixer unergle d'aprs laquelle quelqu'un pourrait tre oblig de reconnatre la beaut d'une chose. Le jugementesthtique est donc subjectif; c'est un jugement rflchissant, susceptible de varier d'un sujet l'autre, etqui s'oppose par l au jugement logique, dterminant, lequel, reposant sur des concepts, est invariable. Leplaisir, minemment changeant, est-il ds lors le seul critre du Beau? Oui, la condition que l'on s'aviseque ce qui plat n'est pas une matire sensible, mais la forme que revt cette matire. Le plaisir est doncdsintress, il ne concerne pas le contenu, qui ne suscite en nous que de l'agrment. Et, s'il y a plaisir, c'estque s'accordent en moi l'imagination et l'entendement, sans que l'entendement rgisse, comme dans lejugement de connaissance, l'imagination.Pourquoi le jugement de got, qui est exclusivement subjectif, peut-il donc prtendre l'universalit?Parce que chez tous les hommes, les conditions subjectives de la facult de juger sont les mmes; sanscela, les hommes ne pourraient pas se communiquer leurs reprsentations et leurs connaissances. D'ol'affirmation: Est beau ce qui plat universellement sans concept.Le je ne peut donc noncer la rgle gnrale laquelle l'objet beau serait susceptible de servird'exemple; la beaut implique par l mme une lgalit sans loi. Et la finalit laquelle renvoie le Beauest immanente la forme elle-mme: elle ne suppose aucune fin qui pourrait tre situe hors de l'objet;c'est donc une finalit sans fin.Ds lors, ce ne sont ni des rgles ni des prescriptions, mais seulement ce qui ne peut tre saisi l'aidede rgles ou de concepts, c'est--dire le substrat suprasensible de toutes nos facults, qui sert de normesubjective. Ce substrat, c'est l'Ide esthtique que nous rvle le libre jeu de l'imagination, et qui nesaurait devenir connaissance, parce qu'elle est intuition laquelle ne correspond aucun concept. On voit icidans quelle mesure la Critique du jugement est appele quilibrer, chez Kant, la Critique de la raison pure:car une ide thorique de la raison, de son ct, ne peut devenir connaissance parce qu'elle est conceptauquel ne correspond aucune intuition.Il n'y a, en tout cela, qu'une esthtique du spectateur, qui ne renvoie qu'au Beau naturel. Commentpeut-il se faire que l'homme parvienne crer des objets qui se prtent notre jugement de got?La facult de reprsenter des Ides esthtiques est le gnie. Mais le gnie est lui-mme un prsent de la Nature: c'est donc la Nature qui se rvle dans et par l'art; et elle ne se rvle jamais mieux que dans l'art,dans l'unicit des uvres du gnie. Ainsi, l'art doit avoir l'apparence de la nature, bien que l'on aitconscience que c'est de l'art; et, si l'intrt port l'art ne prouve pas ncessairement que l'on soitattach au bien moral, l'intrt port au Beau naturel, en revanche, est toujours le signe distinctif d'uneme bonne. Le Beau est finalement le symbole de la moralit, mais il ne l'est qu'en tant que celle-cirenvoie la Nature.Et cela permet de comprendre l'importance du rle assign par Kant au sublime: tat strictementsubjectif, il nous oblige penser subjectivement la nature mme en sa totalit, comme la prsentationd'une chose suprasensible, sans que nous puissions raliser objectivement cette prsentation.VI-Esthtiques du XIXe sicleDe Schelling HegelLa Critique du jugement ouvre l'poque moderne de l'esthtique. C'est d'abord la faveur de cequ'enseigne Kant que Goethe peut voir dans le Beau l'Urphnomenon (le phnomne premier) et que Schillerdcle en l'art une puissance infinie, susceptible d'embrasser, dans l'illimit du jeu, toutes les tentativeshumaines cela grce la limitation rciproque de l'instinct sensible et de l'instinct formel, de la vie et de laforme (Lettres sur l'ducation esthtique de l'homme, 1795). De mme, Schlegel considre l'ironie affirmation d'une force capable de surmonter la distinction entre srieux et non-srieux, entre fini et infini, etde faire accder une posie transcendantale comme l'impratif catgorique du gnie.Mais, surtout, l'esthtique de Schelling (Systme de l'idalisme transcendantal, Bruno, Philosophie del'art, Rapports entre les arts figuratifs et les arts de la nature, 1800-1807) libre tout ce que la Critique dujugement contenait de mtaphysique implicite. Pour Schelling, l'art rvle l'Absolu: en lui se synthtisent etdoivent se dpasser le thorique et le pratique, car il est l'activit suprme du moi, inconsciente comme laNature et consciente comme l'Esprit. D'une part, donc, l'art nous ancre dans la Nature et rconcilie celle-ciavec l'Esprit; d'autre part, l'art est suprieur la philosophie, parce qu'il reprsente l'Absolu dans l'Ide,tandis que la philosophie ne l'offre que dans son reflet; et, de mme, le rapport de la science et du gnie estaccidentel, tandis que le rapport de l'art et du gnie est constitutif et ncessaire. En ralit, il n'y a qu'uneseule uvre d'art absolue qui peut exister en diffrents exemplaires, mais qui est unique, quand mme ellene devrait pas encore exister dans sa forme originale. D'o l'ide d'un devenir de la philosophie: cettedernire s'est dtache de la posie, mais elle est destine lui revenir un jour, sous la forme d'une nouvellemythologie.Hegel pense galement qu'il existe un devenir, historique et logique la fois, de l'Absolu; mais l'art doits'insrer dans ce devenir. Il faut donc qu'il merge de la Nature, et qu'il reprsente, par rapport celle-ci,quelque chose d'idal: il est rvlation de l'Absolu sous sa forme intuitive, pure apparition; mais il estune forme moins leve de l'Esprit, si on le compare la religion et la philosophie, car c'est seulement encelle-ci que l'Absolu retourne en lui-mme. On voit comment l'ide d'un dveloppement historique de l'artconstitue un retournement de la position de Schelling: car Hegel doit ncessairement conclure la mort del'art, pour que la religion et la philosophie soient. C'est pourquoi l'art, dans sa plus haute destination, est etreste pour nous un pass. D'o l'affirmation que seul un certain cercle et un certain degr de vrit estcapable d'tre expos dans l'lment de l'uvre d'art: c'est--dire une vrit qui puisse tre transportedans le sensible, et y apparatre adquate, comme les dieux hellniques... La beaut est donc l'apparitionsensible de l'Ide: en tant que telle, elle requiert l'uvre d'art et Hegel rejette le Beau naturel.Les deuxime et troisime parties de l'esthtique de Hegel seront consacres la division et au systme des diffrents arts. Dans un premier moment, celui du symbolisme, de la mythologie, de l'art oriental et, sur le plan de la classification systmatique des arts, de l'architecture , le rapport entre l'Ide et la forme sensible est recherch mais non encore atteint. Dans le deuxime moment, celui du classicisme, de l'art grec et de la sculpture, l'uvre devient l'acte de l'Idal, elle atteint de faon dtermine l'unit de l'Ide et de laforme. Dans le troisime moment, celui du romantisme, de l'art moderne dans le systme de la peinture,de la musique et de la posie, l'infini de l'Ide ne peut s'actualiser que dans l'infini de l'intuition, danscette mobilit qui [...], chaque instant, attaque et dissout toute forme concrte. Il s'ensuit un dsquilibreet un dclin: le contenu la subjectivit de l'Ide excde la forme et rclame par consquent des formesplus hautes, irrductibles des Objets sensibles et finis, pour s'exprimer; l'Ide devient consciented'elle-mme, et c'est la mort de l'art.Ainsi, au profit d'une perspective essentiellement historique, la Nature, qu'exaltaient Kant et Schelling,se trouve chez Hegel disqualifie; et son esthtique est, en dfinitive, plus une philosophie de l'art qu'unethorie du Beau.Schopenhauer et NietzscheIl revient Schopenhauer de reprendre l'hritage kantien, en le dtournant, si l'on peut dire, vers unplatonisme et mme un plotinisme contemplatif selon lequel, l'exact oppos de tout ce qu'enseigne Hegel,l'artiste nous prte ses yeux pour regarder le monde, ce qui fait de l'art l'panouissement suprme detout ce qui existe (Le Monde comme volont et reprsentation, 1redition, 1819; 2e dition, 1844).En effet, l'art est, pour Schopenhauer, connaissance directe des Ides; et cela, par-del le principe deraison suffisante, c'est--dire le temps, l'espace, la causalit. Les Ides, pour leur part, renvoient unau-del, un terme ultime, dont elles sont des objectivations directes: la volont. L'homme est un trefondamentalement fini: il ne connat qu'indirectement les Ides. Seul, le gnie peut surmonter la finitude dela subjectivit humaine, pour parvenir et faire accder la seule connaissance objective envisageable,celle qui se confond avec la structure dernire du monde: la musique. Le monde est musique incarne toutautant que volont incarne. Cependant, s'il lui est donn de s'lever cette connaissance, et s'il estappel la retranscrire dans l'uvre, le gnie ne peut faire en sorte que l'homme fini, c'est--dire soumis auprincipe de raison, ne surmonte ce principe autrement que par clairs.Dans l'ide que la musique est le plus haut des arts, parce qu'elle est une voie vers la Volont, alors queles autres arts sont irrmdiablement lis la phnomnalit et au sensible, on devine un principehirarchique voisin du paralllisme entre degrs de valeur et degrs d'tre qui inspirait le platonisme et lapense mdivale. La classification schopenhauerienne des arts rpartit ces derniers en fonction des Idesqu'ils incarnent: elle correspond en ce sens une vision perspectiviste de l'activit esthtique, dontNietzsche se rclame, avant de l'approfondir pour mieux renverser le platonisme.SchopenhauerLe philosophe allemand Arthur Schopenhauer(1788-1860) fut probablement le penseur qui eut leplus d'influence sur les intellectuels de la fin du XIXesicle et du dbut du XXe.(Hulton Getty)Car Nietzsche est d'abord, dans l'Origine de la tragdie, schopenhauerien: il donne l'dition de 1886de son premier ouvrage le sous-titre Hellnisme et pessimisme. C'est par la musique qu'est rvl ledionysiaque, le bouillonnement sombre de l'en de des formes; l'apollinien ne livre, en regard, que lemonde des formes. Mais, peu peu, Nietzsche est conduit s'opposer Schopenhauer et, par l, auplatonisme lui-mme: il voit dans le sensible la ralit fondamentale, parce que le suprasensible n'ad'existence que s'il se manifeste, s'il apparat, s'il se rend sensible. Ce que Platon considrait comme l'tre, savoir l'au-del du sensible, ne serait donc qu'une apparence un peu plus solide que les autres, du moins auregard de Platon lui-mme; ce serait, en somme, un apparatre rifi; or, une telle rification estprcisment exige par la vie, elle n'est qu'une perspective de l'existence. Que le Vrai ne soit pas plusvrai que l'apparence, cela signifie donc que la Vrit n'est qu'une valeur, que son affirmation commesource des valeurs n'est qu'un certain type d'valuation. Que devient alors la musique? Si elle renvoievritablement au dionysiaque, avant de se laisser capter dans un monde perspectif de formes, c'estqu'elle rfre non pas la consolidation d'une perspective parmi les autres, mais la vie, la possibilit detoutes les perspectives. D'o l'affirmation fondamentale de Nietzsche: l'art a plus de valeur que la vrit.Platon ne concevait le sensible que comme une copie du non-sensible, lequel tait son modle. Ramenerl'art n'tre plus que la symbolique du suprasensible, c'tait bel et bien dvaloriser l'art; et la philosophieoccidentale dans son ensemble se borne faire l'apologie d'un certain type platonicien d'valuation. Ilfaut inverser cette dvalorisation, et montrer que le suprasensible n'est qu'une illusion que se donne la vie.C'est, justement, confrer pour la premire fois au suprasensible la dignit d'exister. Loin, en ce sens, derechercher la simple rsorption du suprasensible, Nietzsche est soucieux de le penser radicalement, de lepromouvoir: en voyant en lui ce qui apparat, il dcle derrire lui un vouloir mystrieux; non pas unevolont schopenhauerienne, mais trs exactement une volont de puissance.L'esthtique, telle que Nietzsche la conoit et la pratique, par exemple l'gard de Wagner, ne secontente donc pas d'identifier les valeurs: elle les dsamorce, elle leur interdit de s'imposer comme desstrotypes. Entreprise rsolument critique, elle se propose de s'interroger finalement sur la valeur desvaleurs: non pas seulement de reconnatre des valeurs, mais de diagnostiquer les principes d'valuation quifont que ces valeurs existent et de susciter elle-mme la transmutation des valeurs. Elle est doncessentiellement une gnalogie: elle ne se contente pas d'tre une histoire, elle rvle la noblesse desstyles, leur appartenance un destin. C'est ainsi que l'on s'carte de l'histoire de l'art la Hegel: car lenoble (qui possde une gnalogie, des titres de noblesse) affirme sa diffrence, son altrit, au-del detoute contradiction. On ne saurait donc parler de progrs en art au sens d'un devenir de l'Esprit; chaqueartiste opre sa propre valuation, et, au-del des diffrentes valuations, il n'y a rien.Que signifie, prcisment, cette expression, il n'y a rien? Que nous sommes dans le nihilisme, que nousvoulons le nihilisme. Peut-on vouloir autre chose? Oui; mais il faut alors affronter l'valuation suprme, latransmutation de toutes les valeurs. Cela est possible dans l'instant de l'ternel retour. Dire que toutrevient (crit Nietzsche dans La Volont de puissance), c'est rapprocher au maximum le monde du devenir etcelui de l'tre: cime de la contemplation. Ce que le crateur cre dans l'instant, le contemplateur le litcomme instant ternel, c'est--dire instant de l'ternel retour du mme; et le mme, c'est prcisment ladiffrence en sa plus haute affirmation. L'ternit de l'art serait donc une ternit diffrencie; car le retourde cet instant-ci est le retour d'un instant o s'affirme une diffrence, une qualit absolument unique qui, sevoulant telle, chappe jamais toute universalisation. Nietzsche rcuse tout aussi radicalementl'esthtique de Kant: il voit dans l'affirmation kantienne du dsintressement le comble de la faiblesse, lesuprme nihilisme.KierkegaardDe la pense de Kierkegaard, on peut dire qu'elle s'oppose celle de Hegel avec autant d'pret quecelle de Nietzsche s'oppose celle de Kant. Dans l'esthtisme tel que le dpeint l'auteur d'Ou bien... ou bien(1843), l'histoire devient mythe: la subjectivit ne rejoint pas la totalit, mais s'miette en instantsdiscontinus; il y a l un style de vie, comparable aux perspectives nietzschennes, qui est prsent d'autrepart sous le nom d'ironie (Le Concept d'ironie, 1841). On pourrait croire que Kierkegaard, qui dfinit l'ironiecomme une tape ngative et minimise apparemment le stade esthtique par rapport aux stades thiques etreligieux, est prt alors reprendre la critique hglienne de l'ironie, de l'individu abstrait. Mais, au contraire,il insiste sur la profondeur de ce moment: car jamais l'existence ne s'abandonne vraiment la simplesuccession des sensations. Le stade esthtique doit tre pens en termes de nostalgie: dans la musique etKierkegaard se livre une analyse blouissante du Don Juan de Mozart , il convient de reconnatre l'artd'exprimer l'instant et la sensualit; mais cet art a t impos par le christianisme contre l'art plastique,essentiellement hellne. Les Grecs dterminaient la sensualit dans son accord avec l'esprit, le christianismela rprime et, par-l, lui confre un sens trange, de sduction et d'angoisse. La musique apparat donccomme ironique en tant que, l'instant o elle est impose par la religion, elle est antireligieuse: l'art estrotisme profond, dmoniaque; il relve du Sducteur; il est Nature, rfutation de l'Esprit. l'gard del'esthtisme, Kierkegaard a lui-mme une attitude ironique; il le rejette et le condamne, mais avoue aussi:L'esthtique est primitivement mon lment. Cette ambivalence est celle mme de toute la penseexistentielle propos de l'art: songeons, par exemple, aux analyses que Sartre consacre Jean Gent(Saint Gent, comdien et martyr, 1952). Que l'artiste soit en ralit un esthte, cela signifie que l'art est unpige, un dispositif d'hypnose l'gard du spectateur; l'artiste fait prouver au public des motions qu'aufond il ne ressent pas c'est le thme de la communication possible, de l'art comme volont mutuelle demystification, de la part du crateur comme de celle du spectateur. Rvlation de la non-vrit plutt que dela vrit, l'art moderne est un art sacr l'envers: par l'entremise de Kierkegaard, le nihilisme est plusqu'accept, il est revendiqu. Kierkegaard contribue ainsi la consommation post-nietzschenne duretournement du platonisme; il participe l'insurrection de la subjectivit esthtique, synonyme del'autosuppression de cette subjectivit mme. Sa responsabilit, dans l'laboration des problmatiquesesthtiques du XXe sicle, apparat immense.KierkegaardLe philosophe danois Soren Kierkegaard(1813-1855). Son influence fut grande sur denombreux philosophes contemporains et on leconsidre comme le pre de l'existentialisme.(HultonGetty)VII-Esthtiques du XXe sicleSans doute est-il malais de dresser un bilan de l'esthtique du XXe sicle. De l'extrme subjectivisme l'extrme objectivisme, cependant, les doctrines tendent se rejoindre; si bien que l'on voit se profiler, partir de cette conjonction, la possibilit d'un dpassement. C'est sur ce dernier point que nous insisterons.Les esthtiques de l'objetUn premier groupe de thories envisage l'esthtique d'un point de vue rsolument gnosologique.Discipline positive, l'esthtique renverrait aux diffrentes sciences humaines, dont elle serait appele utiliser tour tour les diverses mthodes, sans avoir cependant se plier entirement aucune. Elle sevoudrait ce titre, plutt qu'une science humaine parmi les autres, un modle possible pour les scienceshumaines; et l'objet de son enqute serait le monde des structures, ou plus prcisment de la gense desstructures pour autant que l'on estime devoir maintenir une distinction entre ces deux termes.C'est, dans l'ensemble, Auguste Comte que l'on doit faire remonter cette tendance. Le Cours dephilosophie positive n'enseignait-il pas, ds 1842, que le caractre profondment synthtique qui distinguesurtout la contemplation esthtique, toujours relative aux motions de l'homme, dans les cas mmes quisemblent le plus s'en loigner, ne saurait la rendre pleinement compatible avec le genre d'esprit scientifiquele mieux dispos l'unit, comme tant le plus empreint d'humanit? De Taine et de Guyau Lalo(L'Esthtique exprimentale contemporaine, 1908), de l'sthetik de Lipps (1906) et de la Kunstwissenschaftde Dessoir (1906) l'Idea de Panofsky (1924) et l'Art et technique de Francastel (1956), le thme seprcise, d'une compatibilit essentielle entre l'art et l'tat de civilisation dans lequel il s'inscrit;l'apprciation esthtique mettrait en jeu une pense, non moins rigoureuse que les diverses pistmologiesd'une mme poque, et qu'il faudrait lucider l'aide de critres prcis qui lui correspondent.Dans l'hypothse la plus radicale, l'uvre serait analyser le plus techniquement possible, comme la rsolution d'un certain problme; ce qui suppose qu'il existe une certaine distance entre la formulation du problme et sa rsolution, entre la dcision d'uvrer et le rsultat. La tche de l'esthtique serait alors de combler cette distance, d'oprer la liaison entre les termes et la solution; cela, si possible, l'aide d'un langage discursif, c'est--dire vhiculant le sens, et capable de transfrer, de proposition en proposition, l'intgralit de ce qui est donn au dpart. On suivrait alors le processus d'effectuation de l'uvre, celle-citirant ventuellement tout son sens du langage que tient son propos l'esthticien. Dans certaines formesd'art, en effet, le crateur est son propre esthticien: il est seul pouvoir commenter son uvre, parce quecelle-ci est entirement formalise (cas des musiques algorithmiques selon P.Barbaud, 1968).Voisine, mutatis mutandis, d'une telle normativit, l'esthtique de tendance marxiste, proccupe devrifier que l'humanit ne se pose que les problmes qu'elle peut rsoudre (Marx), est conduite, chez unLukcs (Prolgomnes une esthtique marxiste, 1957), prner la forme comme requisit de la perfectiond'une uvre, d'abord saisie comme exprimant la situation socio-historique d'une classe ou d'une collectivit.Le risque est videmment de considrer l'art comme un exposant plutt que comme un ferment de lasocit (Adorno); c'est le prix que doit payer toute esthtique qui se fie la dichotomie de la forme et ducontenu.Dans la mesure, en effet, o elles exaltent une conception instrumentale et objectiviste de la raison, lesesthtiques formalistes au sens large, mme soucieuses de maintenir l'ide de l'autonomie de l'art, tendent la codification de la raison constitue. Tenir, en effet, que raisonner, c'est jouer avec des formes, celarevient universaliser l'activit esthtique: on se refuse assigner des limites prcises et restrictives [...] ces activits ordinairement classes comme constituant les beaux-arts (. Souriau, Les Limites del'esthtique, 1956); tout est raison, et tout est forme et l'on finit par s'ter la possibilit de diffrencier l'artdu non-art; d'o une normativit inavoue. L'tat de choses que dcrivent les esthtiques formalistes rejointen effet l'utopie sociologique d'une vie en tant qu'art; et l'on touche au prsuppos jamais explicit de toutegnosologie de l'art: dcrire l'art comme disponible, comme ce qui se tient la merci de l'esthticien,comme ce dont l'homme est matre et possesseur; analyser l'art comme instrument d'une volont depuissance.Les esthtiques du sujetFace ces thses, des esthtiques que l'on peut appeler philosophiques se montrent soucieuses demaintenir la part de la subjectivit. Ce sont principalement des esthtiques du spectateur. La pensekantienne avait lgu au XIXe sicle une exigence de rconciliation avec la nature: cette exigence, d'origineelle-mme rousseauiste, se dploie dans tout le mouvement romantique, en particulier chez Schelling etSchopenhauer. Elle donnera lieu par la suite des versions vitalistes ou organicistes, en pleine vigueur l'ore du XXe sicle. l'poque contemporaine, c'est d'abord par Bergson que sont exalts l'instinct,l'intensit, l'intuition, tous lments qui contribuent faire envisager l'art comme enracin dans la dimensionfondamentalement qualitative du rel. Il faut rechercher la mouvante originalit des choses, l'lan vital,la dure vcue: ds lors, l'hypnose qu'entrane l'art ne peut que reconduire notre moi profond. Bergson nedveloppe pas d'esthtique, parce que le dferlement de l'art moderne lui parat recouvrir une compensationintellectuelle de l'instinct, et se rsumer finalement en un simple jeu (Les Deux Sources de la morale etde la religion, 1932): l'art constitu ne serait qu'une excroissance artificielle de la religion.Les esthtiques de style phnomnologique hritent, dans une certaine mesure, de cette dfiance l'gard de l'uvre. Elle est, certes, un objet; mais qu'elle soit, prcisment, objet esthtique, cela interdit dengliger le point de vue du spectateur. On dcrit donc cet objet esthtique comme un quasi-sujet (M.Dufrenne, Phnomnologie de l'exprience esthtique, 1953). Ce qui importe au jugement de got, n'est-cepas en premier lieu la plnitude et la richesse de la perception? Il y aurait lieu, ds lors, de reconsidrer lanotion de nature: non seulement l'artiste dit la nature, mais la nature se dit en lui; ainsi se joignentl'extrme subjectivit et l'extrme objectivit: travers l'uvre plutt que par elle. Il convient alorsd'assigner un statut philosophique l'esthtique: seule, la philosophie comprise dans un sens profondmentcritique peut permettre de replacer la science, pense de survol, pense de l'objet en gnral, dans unil y a pralable, dans le site, sur le sol du monde sensible et du monde uvr, tels qu'ils sont dans notre vie,pour notre corps, non pas ce corps possible dont il est loisible de soutenir qu'il est une machine information, mais ce corps actuel que j'appelle mien, la sentinelle qui se tient silencieusement sous mesparoles et sous mes actes (Merleau-Ponty, L'il et l'esprit, 1961).Jeux de langage et formes de vieIl reste que l'art rcent ne se laisse plus caractriser comme une entit unique. Et pour peu que l'art soitles arts, il n'existe plus rien de tel que l' exprience esthtique ou l' attitude esthtique. Laconsquence d'une telle pluralisation a t tire par Wittgenstein: l'esthtique n'est pas une science quinous dit ce qui est beau, pas plus qu'elle ne nous suggre ce qui est agrable. Je suppose, ajoute-t-ilironiquement, qu'elle devrait galement inclure quelle est la sorte de caf qui a un got plaisant (Leons etconversations, trad. J. Fauve, Gallimard, 1971). Une fois admis que l'on ne puisse parler des uvres ou desralits esthtiques en termes de prfrences individuelles ou de beaut, on n'appuiera donc pas laprtendue objectivit laquelle on se flatte de parvenir sur autre chose qu'une certaine communaut de vieou de culture. cet gard, l'histoire du structuralisme est difiante: ce n'est pas en dcrivant desstructures que l'on a fait avancer d'un pas le problme du fondement du jugement esthtique en gnral.Mikel Dufrenne l'a soulign de faon limpide: On me permettra de suggrer que le dbat: science ou passcience, s'il a eu un sens au temps du positivisme, n'en a plus gure aujourd'hui lorsque se confrontentpsychologie et phnomnologie; quand Francs tudie la perception de la musique, ou le jugement de gotchez les enfants, travers les chiffres qu'il manipule, c'est une phnomnologie de l'exprience esthtiquequ'il entreprend (Les Mtamorphoses de l'esthtique, in Esthtique et philosophie, t. II). Comme lemme auteur l'avait relev jadis, l'analyse structurale se justifie pourvu que la structure soit comprisecomme l'effet d'une dstructuration et d'une restructuration sans cesse renouveles (L'art nous rappellel'enracinement de l'homme dans la nature, in Le Monde, 28sept.1968). Pour l'esthtique ou lesesthtiques d'aujourd'hui, cela signifie: vous ne dcrirez en quoi consiste l'apprciation qu'en vous mettanten devoir de dcrire tout son environnement, la culture de toute une priode (Wittgenstein, op. cit.; p.28). Mais est-ce possible? Peut-tre Wittgenstein lui-mme avait-il raison d'en douter...Qu'en serait-il alors de l'affirmation selon laquelle telle uvre est plus russie, plus objectivementesthtique que telle autre? Elle n'est nullement vaine ou gratuite, bien au contraire. Mais, si l'on a toutes lesraisons de tenir Mallarm pour suprieur Valry, ce sont des raisons et non pas des causes; et cesraisons ne sont opratoires qu'au niveau d'un certain jeu de langage, lui-mme tmoin et fonction d'unecertaine forme de vie. l'esthtique de tirer au clair le passage de telle forme de vie telle autre.Wittgenstein s'en est clairement expliqu quand il a dit Rush Rhees que le Wiegenlied de Schubert taitmanifestement plus profond que le Wiegenlied de Brahms mais qu'il ne pouvait tre plus profond que dansnotre langage musical pris en totalit. Il (Wittgenstein) aurait inclus dans le langage musical non seulementles uvres de compositeurs reconnus, mais galement des Volkslieder et la manire dont les gens chantentet jouent. Ces deux derniers lments sont tout prendre plus fondamentaux puisqu'ils fournissent l'idiomedans lequel sont crites les compositions produites dans des formes, crant la possibilit pour les thmes deces compositions d'avoir la signification qu'ils ont. Non pas qu'aucun de ces thmes ait besoin d'treemprunt aux chants que chantent les gens. Mais ils sont des thmes qui font partie de ce langage et ontune signification dans ce langage (R. Rhees, Art and Philosophy, in Without Answers; cit par JacquesBouveresse, in Wittgenstein: la rime et la raison, d. de Minuit, 1973, p. 163).Une nuance, toutefois, qui vaut restriction, met en garde contre une interprtation exclusivement sociologique de cette esthtique: l'autonomie des jeux de langage se trouve tempre au moins deux reprises dans l'uvre de maturit que sont les Investigations philosophiques. Au paragraphe 142, Wittgenstein envisage pour les choses la possibilit de se comporter tout autrement qu'elles ne se comportent effectivement, et, au paragraphe 492, l'invention des jeux de langage est considre la fois sous l'angle de la libert, de l'invention pure des rgles de jeu, et sous celui de l'htronomie, de l'laboration d'une prparation dans un but particulier, sur la base de lois naturelles (ou en accord avec elles). Appliquons ces observations l'esthtique: il est clair que celle-ci ne peut se contenter de sa description exclusivement sociologique en ce qu'une telle description prend pour argent comptant la dsinsertion des jeux et des styles qu'elle se propose de disqualifier et fait, par consquent, l'conomie d'une gense effective de ces styles et de ces jeux. Que l'on dgage le lien de dpendance des activits de production et d'apprciation l'gard des structures et des conflits propres la socit considre, cela ne saurait dispenser de s'interroger sur la rciprocit, sur le caractre rversible du lien de l'art et de la socit. Le sociologue et esthticien suisse Alfred Willener l'a nonc de faon fort nette propos de la musique, et des thses de Bourdieu: Au mme titre que d'autres arts, la musique met en jeu des significationssociales, elles-mmes dtermines par la structure et le fonctionnement de la socit. En se proccupant deces modes de ralit, on ferait partiellement de la sociologie de la musique, la force de cette analysersidant dans le lien tabli entre perception culturelle de la musique et socit, mais on touche relativementpeu la spcificit de la musique (Musique et sociologie, in Cultures, vol. I, no1, U.N.E.S.C.O., 1973).Faut-il, ds lors, osciller indfiniment entre une esthtique de la musique, hors socit, hors sociologie (et,ajouterons-nous en songeant divers scientismes, hors temps), qui oublie l'enracinement des jeux delangage dans les formes de vie, et une sociologie du dracinement des formes de culture? La vrit n'estpeut-tre pas dans l'une de ces deux options, mais dans le rebondissement de la dfinition de l'esthtiqueelle-mme.Esthtique et hermneutiqueCar la thorie des jeux de langage chez Wittgenstein, si elle dbouche bien sur une thique qui est aussiune esthtique des formes de vie, aboutit la remise en question des catgories hrites, et rendinluctable le dpassement du dualisme du sujet et de l'objet qui a constitu jusqu'alors le champ mme del'esthtique.Gadamer, qui dveloppe dans son matre ouvrage Wahrheit und Methode (1960) une thorie del'interprtation assez proche, au dpart, de la conception wittgensteinienne des jeux de langage, prenddirectement appui sur l'histoire rcente de l'esthtique pour dnoncer, dans cette discipline, ce qui loignede l'art vivant, de l'art en train de se faire. Le rgne du Beau, comme monde de l'apparence, sign du monderel, voil ce que les romantiques ont compris de la doctrine kantienne du gnie: la conscienceesthtique ne s'intresse qu' des objets spars du monde rel, et se refuse se reconnatre situe etdate; elle fait du muse, collection de collections, le lieu (mythique) de son universalit. Et comment enarrive-t-on cette inflation des simulacres? Pour Gadamer, tout repose sur le prjug typiquement moderne,au nom duquel seules les sciences et l'univers de la mthode ont vocation la Vrit. Comme sil'exprience de l'art ne modifiait pas rellement celui qui l'prouve! L'art, au rebours de toutesles incantations en faveur de l'apparence et du simulacre, doit tre restitu son contexte rel. C'est cetterestitution qu'amorait Wittgenstein, et c'est sur la voie de cette restitution que s'avanait, la suite duHeidegger de L'Origine de l'uvre d'art, le dernier Merleau-Ponty, soucieux d'un ancrage de l'uvre dans lachair du monde et son il y a. Conformment ces leons de Merleau-Ponty et surtout de Heidegger, ilfaut en revenir l'art comme contenant infiniment plus que tout ce que le sujet est capable d'y dposer.Ce qui fait l'tre de l'uvre, son excution ou sa reprsentation, est un vnement cosmique auquelartiste, interprte et public participent et qui les dborde. Du coup, et par un tel dbordement, le rellui-mme se voit transfigur; il est le sige d'un accroissement d'tre, qui est une exprience historiquenouvelle, irrductible ce qui tait. L'uvre est vrit parce qu'elle articule la temporalit mme du temps.Le sujet se trouve envelopp, entran dans ce mouvement de jaillissement: celui qui joue l'uvre,dit Gadamer, est en ralit toujours dj jou par elle elle se joue de lui. Jeu qui n'est pas seulement jeude langage: c'est le jeu hracliten du Temps originaire, saisir comme l'histoire mme de l'tre, au traversde l'tant que je suis et de l'tant qu'est l'uvre ou l'objet. Car c'est dans et par cette histoire que noussommes confronts, l'un l'autre, c'est cette histoire qui nous constitue le monde et nous.L'hermneutique a signifi une bifurcation de l'esthtique: on peut dire qu'aujourd'hui les pratiquesartistiques les plus utopiques sont, pour la premire fois, paules dans et par la thorie. Nul doute que lesconsquences, pour le dploiement mme de l'art, n'en soient dcisives.Daniel CHARLESBibliographie T.W.ADORNO, Aesthetische Theorie, Suhrkamp, Francfort-sur-le-Main (trad. fran., Thorie esthtique, Klincksieck, 1975) L.B.ALBERTI, De statua, Rome, 1434; De pictura, Rome, 1435; De re aedificatoria, Rome, 1492 J.M.ANDR, Essai sur le beau, Paris, 1741 C.BATTEUX, Les Beaux-Arts rduits un mme principe, Paris, 1746 A.G.BAUMGARTEN, Aesthetica, 2vol., Francfort-sur-le-Main, 1750-1758 R.BAYER, Histoire de l'esthtique, Colin, 1961 R.BERGER, Art et communication, Casterman, 1972; La Mutation des signes, Denol, 1972; La Tlfission, Casterman, 1976 M.BERNARD, L'Expressivit du corps, coll.Corps et culture, J.-P.Delarge, 1977 B.BOSANQUET, A History of Aesthetics, Londres, 1892 E.DE BRUYNE, tudes d'esthtique mdivale, 3vol., Bruges, 1946 J.CAGE, Silence, Wesleyan Univ. Press, Middletown (Conn.), 1961, trad. fran., Denol, 1970; A Year from Monday, ibid., 1967; M,ibid., 1973; Pour les Oiseaux. 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