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L 'AMELIORATIOÎT DE LA CONDITION DE LA./ FEMME : UN EXEMPLE DE CONTRAINTES INSTITUTIONNELLES ET "SOCIETALES" La stratégie des besoins essentiels permet-elle d'inté- grer dans la planification économique et sociale les "besoins propres des femmes ? C'est la question que l'on se posera ici en rapprochant les composantes des "besoins essentiels choisies dans le cadre de la planification à moyen terme ai Portugal des principes et priorités fixés dans ce pays en ce qui concerne l'amélioration de la condition féminine. Pour les femmes, environ 53 pour cent de la population, la révolution d'avril 1974 a marqué un tournant décisif® La Constitution de la République a établi clairement que tous les citoyens ont la même dignité sur le plan"social devant la loi et que nul ne peut être privilégié, avantagé, défavorisé, privé d'un droit ou exempté d'un devoir en raison de son sexe, et elle a tiré les conséquences du principe d'égalité sur le plan de la vie privée et des droits et devoirs économiques. Dans la pratique, la Commission de la condition féminine (Commiss3.o da Condiçâo Feminina) a reçu une vigueur nouvelle. Rattachée aujourd'hui à la Présidence de la Répu- blique, elle a la responsabilité de faire entrer les principes constitutionnels concernant les femmes dans la loi et la pra- tique et elle s'y emploie déjà très activement. Comme on essaiera de le montrer, lorsque les besoins essentiels des femmes sont en jeu, il est impossible d'éluder un problème, plus fondamental encore, qui est celui des préjugés

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L 'AMELIORATIOÎT DE LA CONDITION DE LA./ FEMME : UN EXEMPLE DE CONTRAINTES INSTITUTIONNELLES

ET "SOCIETALES"

La stratégie des besoins essentiels permet-elle d'inté-

grer dans la planification économique et sociale les "besoins

propres des femmes ? C'est la question que l'on se posera

ici en rapprochant les composantes des "besoins essentiels

choisies dans le cadre de la planification à moyen terme

ai Portugal des principes et priorités fixés dans ce pays en

ce qui concerne l'amélioration de la condition féminine.

Pour les femmes, environ 53 pour cent de la population, la

révolution d'avril 1974 a marqué un tournant décisif® La

Constitution de la République a établi clairement que tous les

citoyens ont la même dignité sur le plan"social■

devant la loi et que nul ne peut être privilégié, avantagé,

défavorisé, privé d'un droit ou exempté d'un devoir en raison

de son sexe, et elle a tiré les conséquences du principe

d'égalité sur le plan de la vie privée et des droits et devoirs

économiques. Dans la pratique, la Commission de la condition

féminine (Commiss3.o da Condiçâo Feminina) a reçu une vigueur

nouvelle. Rattachée aujourd'hui à la Présidence de la Répu-

blique, elle a la responsabilité de faire entrer les principes

constitutionnels concernant les femmes dans la loi et la pra-

tique et elle s'y emploie déjà très activement.

Comme on essaiera de le montrer, lorsque les besoins

essentiels des femmes sont en jeu, il est impossible d'éluder

un problème, plus fondamental encore, qui est celui des préjugés

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couramment répandus concernant leur place dans la société,

leur rôle dans l'économie et dans la famille. Cet arrière-

fond idéologique est si puissant qu'il peut masquer des

besoins évidents et même criants» Mais la réponse à la

question que l'on a posée plus haut dépend aussi de la

conception de la planification et des possibilités pratiques

de faire entrer dans ce cadre des objectifs qualitatifs,,

A cet égardy l'amélioration de la condition féminine n'est

qu'un exemple parmi bien d'autres qui soulèvent des problèmes

de même nature. Mais il peut utilement en servir d'illustra-

ies besoins essentiels qui ont été retenus au Portugal

dans le cadre de la planification à moyen terme sont évidem-

ment aussi importants pour la population féminine que mas-

culine et, de ce point de vue, il est possible de dire que

leur satisfaction sera un facteur de progrès pour la condi-

tion de la femme même si celle-ci n'est pas expressément

visée. De plus, ils ont une résonance particulière pour les

femmes dans la mesure où la tradition les a spécialisées

dans certaines fonctions. Le confort de l'habitation facilite

le travail ménager, des produits alimentaires plus abondants

et à des prix raisonnables rendent moins complexe la tâche

de nourrir une famille sur un petit budget, de meilleurs

transports font gagner du temps pour les courses et autres

déplacements de la vie quotidienne, les crèches et jardins

d'enfants peuvent aider à résoudre certains problèmes de

o tion

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garde des enfants ee. Le cadre de "besoins cîioisi n'empêche

nullement, en outre, de prendre en considération certains

domaines d'action qui intéressent les femmes dans leur spéci-

ficité "biologique. C'est ainsi qu'il est tenu compte, dans

la composante "santé", de la protection de la maternité et,

problème très actuel dans le pays, de la nécessité de réduire

la mortalité maternelle"et le nombre des accouchements non

assistés. C'est là que doit entrer aussi le planning familial

en dont la Constitution prévoit la promotion«

Sur le plan des moyens, un objectif comme la redistribu-

tion du revenu en faveur des plus défavorisés ne peut lui

aussi que contribuer à élever le niveau de vie de nombreuses

femmes puisque celles-ci sont cantonnées, en grande majorité, V • r

dans les postes de travail les plus mal payés... Au Portugal,

en janvier 1976, 4,2 pour cent des travailleuses gagnaient

moins de 4 000 esc. par mois, contre 0,6 pour cent des tra-

vailleurs hommes; dans certaines branches d'activité, l'écart

était beaucoup plus sensible « 9,9 pour cent pour les femmes

et 0,4 pour cent pour les hommes dans l'alimentation, 11,6

pour cent pour les. femmes contre 0 pour cent pour les hommes

dans les assurances, 13,9 pour cent pour les femmes et 0,6

pour cent pour les hommes dans la fabrication de vêtements.

Cette situation représentait, cependant, déjà un grand pro-

grès par rapport à janvier 1975, où, en moyenne, 60,6 pour

cent des femmes gagnaient moins du montant précité, contre

9,3 pour cent des hommes^. De même, la maximisation de

1 Departamento central de Planeamento : Fundamentaç3.o das grandes opçSeSg Relátorio técnico, Abril 1977» Quadro XII, p. 5X7""

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l'emploi ne peut que multiplier les possibilités d'activités

rémunératrices pour les femmes. A cet égard, il est possible

que la stratégie des besoins essentiels recèle des promesses

spéciales du fait qu'elle met l'accent sur des domaines où

les femmes sont généralement nombreuses à travailler - santé»

éducations, services sociaux. Mais il est difficile de le

savoir en l'absence de prévisions détaillées qui montrent

comment l'emploi créé se décomposera qualitativement® La

mise en place des infrastructures peut donner surtout une

impulsion à la construction et, au Portugal, il y a,par exem-

ple, seulement 2 pour cent de femes dans l'emploi de cette

branche d'activité»

Il paraît, éñ revanche, difficile de faire entrer dans

le cadre choisi deux préoccupations essentielles pour les

femmes et qui constituent un peu partout les deux faces de

leur condition si l'on peut dire : leurs besoins particuliers

comme travailleuses et comme ménagères. les uns et les autres

sont liés en ce sens que les problèmes de la fonction ména-

gère sont ressentis avec acuité principalement par les tra-

vailleuses, du fait qu'elles doivent la cumuler avec un

emploi, tandis que les femmes au foyer n'ont rien d'autre

à faire« La Conférence mondiale de l'emploi a fait des

recommandations sur ces points en insistant notamment sur la

suppression de toutes les discriminations fondées sur le sexe,

la nécessité de mesures permettant de cumuler plus aisément

les tâches d'un emploi et d'autres fonctions, et l'allégement

des travaux pénibles des femmes'*'.

^ Conférence mondiale de l'emploi, Genève, 4-17 juin 1976? Déclaration de principes et Programme d'action, doc. WEC/CW/I\1 paragr/ 15, p. 7.

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Ce n'est pas ici le lieu d'étudier la manière dont ces

différents points pourraient être érigés en composantes des

"besoins essentiels« Il semble nécessaire de les individua-

liser p en tout état de cause, car ils transcendent les "besoins

considérés dans l'exemple portugais. Ainsi, l'obligation

scolaire peut apporter une contribution à l'élimination des

discriminationsy si elle est complétée par diverses autres

mesures spécifiques, dans le domaine même de l'éducation.

Mais il y a aussi les discriminations ouvertes et larvées

en matière de préparation à l'exercice d'un métier, combi-

nées avec divers autres facteurs de découragement de la

femme sur le marché de l'emploi. Au niveau secondaire, r'

dans l'enseignement professionnel portugais,.pendant l'année

académique 1974-75y plus de 73 pour cent des filles inscrites

l'étaient dans la branche "administration et commerce" et

plus de 14 pour cent dans la formation "féminine", correspon-

dant aux tâches ménagères; sur le restant, 10 pour cent se

préparaient au métier déjà entièrement féminisé de brodeuse-

dentelière et il n'y avait pas une fille dans la plupart des

branches de formation industrielle"1*« A supposer que l'on

puisse intégrer l'action à mener sous une composante "éduca-

tion" élargie à la préparation professionnelle, il y aurait

encore les discriminations dans l'accès à l'emploi, puis dans

l'exercice de la profession „„. or la vie de travail elle-même

1 Instituto nacional de estatistica, Serviços centrais ;

Estatisticas da educapäo. Continente e Ilhas adjacentes, 1975» ïjisboa,~1976, p. Sûr le problème de la discrimination dans divers domaines au Portugal, voir "Di scriminaçô e s contra as mulheres no trabalho", Boletim (CommissSo da condiç&o feminina Lis'boa), n 5, Set. 1976, pp. 5-15? et "A mulher e o trabalho » Pela igualdade de salarios", Depoimento da Dra Aurora Fonseca? recolhido por Hortense de Almeida, Mulher (Lisboa), n0 3379, 2.2.1977» pp. 38-40. . —

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sauf peut-ê±re sous l'angle très réduit de la participation,

est absente des besoins essentiels considérés; elle n'y

figure que sous la forme de l'emploi, conçu comme quantité

abstraite et non comme vécu d'un travailleur ou d'une

travailleuse en chair e.t en os. Il y a aussi de très graves

discriminations salariales; ne pas oeuvrer à les supprimer

aboutira à permettre que les femmes restent en immense majo-

rité au bas de l'échelle des plus défavorisés» Les diverses

mesures anti-discriminatoires qui devraient être intégrées

dans un effort de planification comprennent au demeurant

1'établissement de mécanismes d'intervention communs à plu-

sieurs domaines différents* Quant aux aménagements à apporter

aux conditions de travail pourfeciliter le double travail

emploi-foyer, ils sont difficiles à planifier sans une compo-

sante "travail" des besoins essentiels.

Les travaux ménagers, pénibles pour les femmes qui les

ajoutent à. une autre activité, dans les villes et dans les

campagnes"1", créent une source de surmenage permanent pour

les intéressées«, Aussi les travailleuses organisées récla-

ment-elles leur prise en charge, sous une forme ou une autre,

par la collectivité,, Au Portugal, une revendication fréquente

Voir notamment à ce sujet "La place des femmes dans une stratégie de développement rural axée sur les besoins essentiels", par Ingrid Palmer, Revue internationale du Travail, vol. 115, n 1, janv-fév® 1977, pp» lOiJ^TTS.

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n est celle de cantines et laveries (lavandarias) „ Une

très grande diversité de mesures pourraient être regroupées

sous le "besoin d'alléger les travaux domestiques : restaura™

tion collectivey équipements ménagers à usage collectif dans '

les immeubles d'habitation» services de "blanchisserie et

teinturerie, services de nettoyage et entretien des locaux,

subventions sociales pour faciliter l'accès à divers

services, réglementation des heures d'ouverture des magasins,

déduction du revenu imposable de la travailleuse ou du couple

dont les deux membres travaillent des frais de garde d'enfant

et d'aide ménagère occasionnés par le travail, appui techni-

que et aide financière pour la constitution de coopératives

de femmes de ménêge*•etc« la création de systèmes de garde

pom? les enfants est souvent jumelée avec la revendication

précitée. Essentielle pour la travailleuse, elle est impor-

tante également pour la femme au foyer qui veut participer

à la vie civique et politique® Toutes ces tâches ménagères

et familiales font partie des activités systématiquement

laissées aux femmes et qui, de ce fait, ne retiennent guère

l'attention des planificateurs» les sortir de leur ghetto,

^ Cfe VIII Congresso do PCP. 11-14 nov« 1976. Documentos politicos do Partido Comnnista Portugués, Série especial, EdiçtSes" Avante, notamment Resoluçtio politica, p. 241 et 0 que foi o grande Encontró nacional das mulheres trabalhado™ râs. Organizado "pelo Depart^ento^as^ulhëres'trabalhaâo" ras da Intersindical Nacional, 24 Julho 1976.

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du secteur "informel" de l'économie, essayer de les rendre

un peu productives au lieu de les laisser à l'état atomisé

entre les mains de personnes n'grant à faire la preuve d'aucuns

compétence particulière poux en être chargées, c'est toutefois

revenir sur cette "conversion de la femme en crypto-servante *

qui a été saluée comme l'une des "réalisations économiques

majeures" de l'industrialisation, c'est déranger un certain

confort masculin car "la plupart des choses, y compris la

consommation, sont d'autant plus appréciées que le travail

qui y est associé est fait par quelqu'un d'autre"^« On

entre de plain-pied ici dans le problème de société®

Le problème de société

En réalité, l'inclusion des préoccupations propres des

travailleuses dans le cadre des "besoins essentiels ne pose

pas de problème conceptuel; elle est possible, moyennant

certains infléchissements et par un regroupement autour d'un

très petit nombre de dominantes. Mais elle soulève un problè-

me de société, qu'on le veuille ou non. Un peu partout

s'affrontent les tenants de la "femme au foyer" et les par-

tisans de l'indépendance économique de la femme, de son

droit à un revenu indépendant, à la dignité et au respect de

^ JeK. G-albraith % Economies and the Public Purpose, "Consumption and the concept of the "household", chapter 4, pp. 45-53, Penguin Books Ltd., 1976(?).

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soi que confère un emploi librement choisi . Une tendance

à interpréter tout ce qui est fait pour faciliter l'existence

des travailleuses comme une incitation à travailler à l'adress

de toutes les femmes et non comme la simple reconnaissance

d'un fait accompli : il y a des femmes qui travaillent et

"beaucoup rencontrent des difficultés qui constituent dés

cas d'urgence sociale et une violation des principes de jus-

tice élémentaire? il y a aussi un nombre grandissant de

femmes qui tiennent à travailler. Le Portugal n'échappe pas

à la règle« Comme ailleurs» la gravité du chômage donne

un regain de popularité à l'idée que la femme doit rester

au foyer; dans certains cercles politiques, il ne paraît pas î*

impensable d'interdire à la,femme mariée.de travailler. La

Constitution garantit cependant à chacun le droit au travail

dans des conditions d'égalité de chances»

Pour reprendre l'exemple du Portugal, où un pourcentage

relativement peu élevé de femmes travaillent - 28 pour cent

de la population féminine âgée de 10 ans et plus en 1975 -,

à peine plus de 14 pour cent des femmes mariées ont un emploi«,

Sur 100 travailleuses, près de 54 pour cent sont célibataires,

0,6 pour cent veuves et 9 pour cent divorcées ou séparées

judiciairement« Le taux des divorces et séparations judiciai-

res, qui était en augmentation en 1974 depuis plusieurs

1 Cf. "... L'emploi engendre une production. Il assure

un revenu aux travailleurs et donne à chacun le sentiment du respect de soi, de sa dignité et d'être un membre utile de la société". Déclaration de principes et Programme d'action, o^^cit., p© 4.

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années, semble avoir marqué un fort accroissement après la

révolution dfavril^0 Les données manquent pour évaluer le

nombre de femmes seules avec des enfants à charge» mais le

problème des mères célibataires est de gravité notoire. Celui

de la .prostitution également, qui figure parmi les cinq

points sur lesquels le gouvernement veut felre porter son

action en faveur de l'amélioration de la condition féminine .

Les femmes sont particulièrement atteintes par le chômage o

Premières visées dans les licenciements, elles restent' ins-

crites plus longtemps que les hommes sur les registres du

Service de l'emploi et sont plus difficiles à placer. Les

taux d'activité féminine ont fortement augmenté au cours des

toutes dernières années, ce qui est attribué en partie à la

fixation d'un salaire minimum suffisamment attrayant pour

susciter un afflux de candidates à l'emploi. Dans quelle

Voir Isabel Romäo : A Situaçâo demográfica ?5o femin in a em Portugal 9 TîâcLernos Oondiçâo fliminina T? jisboa, Se~Jcem5ro 1576, et Sltuaç'âo de travaiho das mulheres )ortuguesas9 Cadernos Condiç'âo

1976« Egalement Boletim, op* cit., pe 4» informations tirées d'une étude statistique du

Programa do Governc Debate.^Encérramento "Ho^ÏÏeïïâïël

>ara "Sessäo ïê

a apreciaçg.oc

2~Sgosto de 1976.

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mesure cette augmentation des taux d'activité est-elle

temporaire Il est difficile de le dire. Leur mouvement

est ascendant depuis de nombreuses années, en dépit de multi-

ples facteurs de découragement du travail féminin. Il y a

là sans doute un mouvement profond dû, comme dans d'autres

pays, à l'élévation générale des niveaux d'instruction, à une

volonté croissante d'indépendance, à l'extension des emplois

tertiaires qui ont la préférence des femmes pour diverses

raisons, etc. Il est évidemment particulièrement important

d'inclure l'abolition des discriminations en matière d'emploi

dans la stragégie des "besoins essentiels en période de

chômage grave«

Il ne semble' pas' que la stratégie des besoins essentiels

puisse échapper au problème de société« La non-inclusion des

besoins essentiels distincts des travailleuses peut être

assimilée au maintien d'une situation où leur droit au travail

est traité comme s'il était moins essentiel que celui de

l'homme« La femme au foyer, de son côté, apparaît comme un

besoin essentiel de l'homme« Elle lui laisse la place sur

le marché de l'emploi. L'épouse au foyer, en déchargeant son

mari de toutes les contraintes qui pourraient empiéter sur son

travail, lui donne tous les moyens de concurrencer avec succès

la main-d'oeuvre féminine. Tout est fait pour qu'en réalité

elle n'ait pas le choix de ne pas rester chez elle. Il est

^ Sur 189 000 demandes de premier emploi non satisfaites à la fin de 1976 (Continent), 69 000 sont attribuées à des- candidates exceptionnellement sur le marché. Relatório técnico, op. cito, p. 37.

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très probable en outre que, grâce aux impôts et cotisations

de sécurité sociale payés par les travailleuses, mais dont

l'épouse au foyer est exemptée, la main-d'oeuvre féminine

subventionne en partie l'épouse au foyer grâce à laquelle

l'homme s'assure l'avantage sur le marché de l'emploi. Il

serait utile d'étudier les transferts de ressources qui se

font ainsi. Au Portugal comme dans plusieurs autres pays,

l'idée du salaire social pour la femme au foyer a été

avancée comme un moyen d'inciter des candidates à l'emploi

à rester chez elles» Le mari qui ne peut rémunérer convena-

blement le travail de son épouse aurait donc droit à celui-ci

aux frais de la société«, En revanche, il n'est pas proposé

de faire payer à la travailleuse par la sociéte'le manque à

gagner injustifié qu'elle subit en cas de discrimination sala-

riale manifeste, ni sa sous-rémunération éventuelle comme

ménagère.

De ces échappées sur la signification implicite, par

omission ou par commission,i de certains systèmes de pensée,

d'aucms pourraient conclure que le plus grand service à rendre

à un besoin essentiel est de ne pas le rattacher trop aux

préoccupations des travailleuses, pour ne pas laisser les con-

troverses sur le rôle de la femme fausser les priorités

sociales. En fait, l'objectif d'allégement des travaux domes-

tiques et des tâches familiales ne devrait pas être "féminisé"

Toute personne qui a un emploi à plein temps devrait avoir

droit à une aide ménagère pour ne pas avoir une existence

trop pénible. Jugées sous l'angle du droit du travail, les

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tâches domestiques qui s'ajoutent à un travail de durée

normale entreraient dans la catégorie des heures supplémen-

taires strictement réglementées, du travail de nuit, du

travail pendant les congés de récupération et, au-delà d'un

seuil ;vite atteint, du travail interdit. Quant à la garde

des enfants, elle concerne autant le père que la mère, y

compris des mères au foyer. Elle devrait être assurée dans

le cadre d'une politique de l'enfance sans être détournée

de son "but, au grand détriment de l'enfant, par des

considérations de régulation du marché de l'emploi.

Le problème de planification

L'amélioration de la condition féminine ne se prête

guère à une approche macro-économique, en tout cas dans

l'état actuel de l'appareil statistique et des recherches

sur l'économie du travail féminin. Elle n'a pour ainsi dire

pas de place dans la planification économique telle qu'elle

s'est pratiquée jusqu'à présent. En tant que problème dit

"social", elle partage le sort des autres objectifs dits

"sociaux", dont l'intégration dans une planification qui ne

soit plus seulement économique, mais aussi sociale, reste

à faire. Dans la mesure où seul le quantifiable est

considéré comme "planifiable", il est important de dévelop-

per au maximum la connaissance statistique de tout ce qui

touche à la situation des femmes. Insérer celle-ci

r

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systématiquement dans les travaux de planification, notamment

en décomposant toujours autant que possible selon le sexe

-toutes les données qui s'y prêtent, paraît indispensable,

aussi bien pour mieux voir les-lacunes de l'information et

de l'élaboration théorique qui restent à combler que pour

conserver présent à l'esprit des responsables le souci de la

dimension féminine des problèmeso De plus, il est sans doute

possible d'améliorer les indicateurs de la condition féminine,

par exemple en reliant revenu et indépendance"1'. Des recherches

du domaine de l'économie du travail féminin s'imposent égale-

ment o Il serait important, par exemple, de tester sérieuse-

ment les arguments qui s'affrontent au sujet des avantages r;

et des inconvénients de l'emploi, et du non-emploi des femmes

pour l'ensemble de l'économie.

La planification ne se réduit toutefois pas à la seule

dimension économique des problèmes. A travers elle se

manifeste l'intention du gouvernement, non seulement d'at-

teindre certains objectifs, quantiflabiés ou non, ou d'aider

Le pourcentage de femmes qui restent mariées ou en état de concubinage pour avoir de quoi vivre tout court ou, si elles travaillent, pour avoir un complément indispensable à leurs propres gains pourrait être considéré comme un indicateur de dépendance économique forcée par rapport l'homme. Tout ce qui donne plus de chance à l'homme qu'à la femme désireuse de travailler de trouver un emploi, de gagner plus que la femme à travail égal ou à travers un revenu de substitution en cas de chômage, ou^même d'avoir un tel revenu en ce cas pourrait être considéré comme un ensemble de moyens destinés à forcer la femme à accepter l'homme pour pouvoir faire face à ses besoins essentiels.

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à permettre de les atteindre, mais aussi la volonté

d'organiser son action aussi efficacement que possible à

ces fins. Elle doit donc être également planification des

moyens „ teclmiques, organiques^ administratifs, etc. -

qui seront mis en oeuvre « C'est là que s'offre la possibilité

de faire du plan un calèndrier d'engagements politiques précis

sur les moyens qui seront mobilisés pendant la période'qu'il

couvrira. En ce qui concerne les femmes, s'il n'est pas

possible d'énoncer des objectifs quantifiés et s'il faut

se contenter de dire que sera visé l'objectif général d'éli-

miner progressivement la discrimination, rien ne devrait

empêcher d'indiquer, par exemple, que pendant la période du r

plan, on préparera et soumettra- au législateur, jies proposi-

tions de législation cadre sur la discrimination et l'égalité

de chances et de traitement ou, s'il existe déjà une telle

législation, que l'on préparera des textes d'application

sur tel ou tel point, selon une progression programmée dans

le temps en fonction de l'état de maturité technique et

politique sur chaque question. Ainsi ferait-on des "plans

de politique économique et sociale", selon l'expression

utilisée à l'article 52 de la Constitution portugaise à

propos de la garantie du droit au travail dans des conditions

d'égalité de chances.

La planification de l'exécution et de ses moyens

soulève cependant elle aussi certains problèmes. Comme maints

domaines de la politique sociale, la promotion de la condi-

tion féminine repose ou reposerait, pour une bonne part, sur

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l'action des administrations publiques, selon des découpages

propres à chaque pays, avec des différences selon qu'il

s'agirait d'éliminer les discriminations ou d'alléger les

tâches ménagères et familiales» Or le produit du secteur

"administration publique" ne peut être mesurés celui que les

fonctionnaires apportent à la nation est considéré comme

égal à leurs traitements,, Quant aux moyens de son actionj

c'est seulement progressivement que l"on passe des pratiques

consistant à planifier le "béton" et non le fonctionnement

à une approche nouvelle consistant à prévoir un développements

programmé sur des objectifs précis» de certains crédits de

fonctionnement. Or,'dans le domaine qui nous occupe, les

mesures à prendre dépendent dans une mesure notable de cré-

dits de fonctionnement. Peut-être la programmation de ces

derniers aiderait-elle à quantifier utilement aux fins de

la planification les ressources à consacrer à l'objectif

particulier de l'amélioration de la' situation des femmes.

Ceci serait bien entendu en plus des équipements indispen-

sables à mettre en place pour satisfaire les besoins essen-

tiels les intéressant - cantines, crèches, garderies, équi-

pements ménagers à usage collectif dans les habitations,

foyers pour les jeunes filles venant de milieux ruraux pour

encourager les parents à ne pas sacrifier leur éducation,

installations sanitaires appropriées dans les établissements

d'emploi, etc. En ce qui concerne l'action à mener dans le

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cadre de ces derniers, qu'il s'agisse d'éliminer les dis-

criminations fondées sur le sexe ou d'aménager les conditions

de travail pour faciliter l'existence quotidienne des tra-

vailleuses (horaires flexibles, journée continue, possibilité

d'emploi à temps partiel, etc.), l'Etat a une prise directe,

non seulement sur l'appareil administratif, mais aussi sur

les entreprises industrielles et commerciales du secteur

public» Il peut en donner l'exemple et prendre des engage-

ments précis qui pourraient être inscrits dans le plan.

Quant au besoin essentiel d'alléger les tâches ménagères,

qui implique notamment une politique volontariste dans le •*

secteur plus ou moins informel jusqu'à présent des services

personnels, sa satisfaction pose des problèmes extrêmement

complexes et il est possible que la conception même de la

politique à suivre demande une organisation qui n'entre dans

aucun des découpages institutionnels actuels« C'est là

qu'apparaît avec l'acuité la plus grande la nécessité, à

laquelle répond au Portugal la Commission de la condition

féminine, d'avoir un point central qui joue un rôle d'im-

pulsion politique et technique; ce rôle ne se limite évi-

demment' pas à ce seul aspect de l'action à mener pour la

promotion de la condition de la femme.

Bien entendu, la participation des femmes elles-mêmes

s'impose dans la préparation des décisions et le choix de

ceux qui auront la responsabilité de les prendre. Mais, ici

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encore, le problème de société réapparaît» L'absence de

temps libre devient une contrainte capitale, aggravée par

les résistances du mari, des parents, le refus de l'époux

de partager les tâches du ménage ou la garde des enfant s"*";

ce dernier peut trouver certains éléments de déculpabilisation

dans les explications qui attribuent la double tâche 'femploi-

foyer" aux vice& du système politico-social. Au Portugal,

il y avait à peine 15 pour cent de femmes parmi les

candidats aux élections du 25 avril 1976 à l'Assemblée de

la République . Dans les organisations de défense des

intérêts des travailleurs, les femmes retrouvent les mêmes

problèmes1de marginalisation, la tendance à leur confier les

tâches subalternes et d'exécution. Des discriminations

salariales ouvertes figurent dans diverses conventions

collectives conclues après la révolution, les femmes sont

d'autant plus timides pour défendre leurs droits qu'elles

sont moins habituées à travailler dans l'égalité à côté des

hommes» l'existence de nombreux éléments propres à les décou-

rager de participer à la vie publique n'est évidemment pas

spéciale au Portugal, qui n'est cité ici qu'à Utre d'exemple.

-1 ParticipacS.o das mulheres na vida sindical, cívica

Cadernos "Ôo'ndiçâo femiñina 27°°s"ans' dateT"

2 Idem/, p. 47.

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** * *'

19.

Des mesures systématiques peuvent aider à,changer cet état

de cîioses, avec le temps"1".

Les problèmes de participation et les difficultés que

soulève l'insertion des préoccupations propres aux femmes

dans la planification ne doivent pas faire oublier toute

l'action qui se poursuit dans le cadre des activités de

la Commission portugaise de la condition féminine s études et

recherches, diffusion d'informations, action éducative, en

particulier à travers des programmes radiophoniques, mise en

chantier d'une loi cadre sur la discrimination et l'égalité

de chances et de traitement. Déjà le Code civil et le droit

de la famille ont été révisés dans le sens de l'égalité des C ' *

sexes« Ainsi se prépare en profondeur une évolution qui suit

les voies très claires qu'a tracées la Constitution de la

République» Mais il est important aussi que l'action ainsi

entreprise s'appuie sur l'assurance de ressources dûment

programmées suffisantes et que l'amélioration effective de la

condition des femmes se traduise aussi pour elles par une

guste part des richesses dé la nation, acquise dans l'indé-

pendance pour toutes celles qui le souhaitent.

^ Par exemple, organisation systématique de moyens de garde des enfants lors des réunions, doublement des sessions de formation ou d'éducation des adultes pour que la mère et le père puissent y assister séparément, inscription dans les statuts de diverses organisations de dispositions assu- rant aux femmes un minimum de participation dans les ins- tances de délibération et de décision, encouragement à la participation à travers les moyens de communication de masse«

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