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C. R. Acad. Sci. Paris, t. 325, Sikie II b, p. 85-89, 1997 Solides, fluides : propriMs mkaniques et thermiques /So/ids, fluids: mechanical and thermal properties ftalement d’une marche de sable : le probkme du Sinai’ Thomas BOUTREUX et Pierre-Gilles de GENNES Co&e de France, 11, place Marcelin-Berthelot, 75231 Paris cedex 05, France. R&sum& Une marche de sable de hauteur h, et d’angle initial oi, t&s supt%eur k l’angle derepos 8, s’elargit par une avalanche et se termine ?I une certaine pente finale 6, Nous analysons cet effet en utilisant une version ultra-simplifiCe desCquations dites BCRE (Bouchaud et al., 1994). L’ensemble de 1’Ctalement devrait &trerapide, mais on prkvoit que e, est plus petit que er Mots cl& : mat&au granulaire I avalanche / anglede repos Evolution of a step in a granular material: the Sinai problem Abstract. A step of height h, and initial angle Qi (larger than the angle of repose 8,) spreads through an avalanche, and terminates at a certainjinal angle &. We analyse this, using a crude version of the BCRE equations (Bouchaud et al., 1994) for sulfate jaws. We find a rapid spreading, and a final angle 8r smaller than 8,. Keywords: granular material /avalanche /angle of repose 1. Objectifs Lors d’une excursion dans le SinaT, l’un de nous a observk l’avalanche qui suit la formation d’une marche de hauteur h, (- quelquescentimbtres) dans du sable. Le processus est schCmatisC sur la figure 1. Par exemple avec une pelle, on crCe une marche d’angle Bi > > 13,. Une avalanche se dklenche tr&s vite ; SI un instant ukieur t, le profil par&t assez lirkaire, avec un angle de pente e( t ). On arrive finalement B un &at au repos d’angle ef RCcemment,Bouchaud et aE.(1994) ont proposk un systkme d’equations non linkaires pour dkrire les mouvements d’une poudre (kquations BCRE). Nous les avons dkj2 utiliskes, sous une forme un peu simplifike, pour la discussionde divers probkmes pratiques (de Gennes, 1995 ; Boutreux et de Gennes, Note prt%entCe par Pierre-Gilles de GENNES. 1251-8069/97/03250085 0 Acadkmie des SciencesElsevier, Paris 85

Étalement d'une marche de sable: Le problème du Sinaï

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Page 1: Étalement d'une marche de sable: Le problème du Sinaï

C. R. Acad. Sci. Paris, t. 325, Sikie II b, p. 85-89, 1997 Solides, fluides : propriMs mkaniques et thermiques /So/ids, fluids: mechanical and thermal properties

ftalement d’une marche de sable : le probkme du Sinai’ Thomas BOUTREUX et Pierre-Gilles de GENNES

Co&e de France, 11, place Marcelin-Berthelot, 75231 Paris cedex 05, France.

R&sum& Une marche de sable de hauteur h, et d’angle initial oi, t&s supt%eur k l’angle de repos 8, s’elargit par une avalanche et se termine ?I une certaine pente finale 6, Nous analysons cet effet en utilisant une version ultra-simplifiCe des Cquations dites BCRE (Bouchaud et al., 1994). L’ensemble de 1’Ctalement devrait &tre rapide, mais on prkvoit que e, est plus petit que er

Mots cl& : mat&au granulaire I avalanche / angle de repos

Evolution of a step in a granular material: the Sinai problem

Abstract. A step of height h, and initial angle Qi (larger than the angle of repose 8,) spreads through an avalanche, and terminates at a certainjinal angle &. We analyse this, using a crude version of the BCRE equations (Bouchaud et al., 1994) for sulfate jaws. We find a rapid spreading, and a final angle 8r smaller than 8,.

Keywords: granular material /avalanche /angle of repose

1. Objectifs

Lors d’une excursion dans le SinaT, l’un de nous a observk l’avalanche qui suit la formation d’une marche de hauteur h, (- quelques centimbtres) dans du sable. Le processus est schCmatisC sur la figure 1. Par exemple avec une pelle, on crCe une marche d’angle Bi > > 13,. Une avalanche se dklenche tr&s vite ; SI un instant ukieur t, le profil par&t assez lirkaire, avec un angle de pente e( t ). On arrive finalement B un &at au repos d’angle ef

RCcemment, Bouchaud et aE. (1994) ont proposk un systkme d’equations non linkaires pour dkrire les mouvements d’une poudre (kquations BCRE). Nous les avons dkj2 utiliskes, sous une forme un peu simplifike, pour la discussion de divers probkmes pratiques (de Gennes, 1995 ; Boutreux et de Gennes,

Note prt%entCe par Pierre-Gilles de GENNES.

1251-8069/97/03250085 0 Acadkmie des SciencesElsevier, Paris 85

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T. Boutreux et P.-G. de Gennes

Fig. 1. - l?talement d’une marche : (a) &at initial, (b) Ctat intermediaire.

Fig. I. - Spreading of a step: (a) initial state, (b) transient.

1996). Notre but ici est de les appliquer au probleme du Sinai’. Toutefois, dans la presente Note, nous sommes loin de resoudre de facon consistante tout le systeme d’equations, qui s’ecrit :

h=-yR(B-tl) at r

(1)

(2)

oti h(x, t) est la hauteur locale de la partie solide (avec alzl~3.x = 0 dans tome la discussion, on neglige la difference entre t9 et tg O), et R(x, t) la hauteur Cquivalente de la partie roulante. v et y sont des constantes, et dans les cas les plus simples, v- @, oti d est le diametre des grains. y est une frequence microscopique, correspondant en gros a la frequence d’un pendule de hauteur d.

Nous allons ici remplacer le systkme (1, 2) par des equations tres simplifiees. Nous supposons que la pente B( t ) est independante de X. La hauteur roulante R doit s’annuler aux deux extremites de la marche, et avoir une valeur maximale R, pres du centre de la marche, d’ou :

(3)

oti s est la largeur horizontale de la marche @g. I), et cx un nombre sans dimension. Sa valeur absolue ( cx 1 est de l’ordre de 1 p&s des extremites, et est inferieure a 1 ailleurs ; elle est nulle la oti R est maximale. On en deduit que dans l’equation (I), &rite pres de l’endroit oti R est maximale, le terme de convection est negligeable lorsque la hauteur h, est grande par rapport au diambtre d des grains :

v,vRol,,d<< 1 s YRO ho

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italement d’une marche

Nous Ccrivons done l’equation (1) sous la forme :

Par ailleurs, now remplagons l’equation de bilan (2) par une forme plus simple, deduite de la condition aux hmites en bas de la marche (h = 0). Dans cette region, le flux Rv doit correspondre a I’augmen- tation d’espece solide, ce qui implique :

ob dxldr est la vitesse de dtplacement vers la gauche du bas de la marche, et oti 0 et dR/dx sont calcules en ce point. dxldt est de l’ordre de dsldt ; de plus, dans notre approximation, 0 est le meme pat-tout ( 19 = hds), et 8Rldx peut &tre estime avec (3). On arrive ainsi a :

ou /? est une constante numerique de l’ordre de 1.

2. Loi d’klargissement de la marche

En Climinant R. entre les equations (4) et (5) on arrive a :

En integrant une fois par rapport au temps, nous obtenons :

J-ds=ln 2 -H,f+k $0 dt ( 1 ho 0

(5)

(6)

(7)

oh k est une constante d’integration. Les conditions initiales sont :

S(t=--W)=hdei=Si

ds dt -co=’

(8)

car nous choisissons de prendre une vitesse nulle au depart. En pratique l’avalanche se declenche en un temps fini, par nuclkation due au bruit mtcanique [de Gennes, 1995 ; Bouchaud et al., 1994). De mCme :

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T. Boutreux et P.-G. de Gennes

k

Fig. 2. -Construction reliant la largeur initiale (s,) et la largeur finale (3. La fonction Y est dkfinie dam I’bquation (IO).

Fig. 2. - Relation between the initial width (s,) and the final width (sf) in our crude model. The function Y is dejined in equation (10).

Connaissant Sj et sj, on peut trouver s/h, par la construction de la j@~-e 2, oti est representke la fonction :

Y(x) = lnx - 0,~ (10)

dont le maximum est obtenu pour x = 8,- ‘, On doit avoir Bi > 6I,, done si lh, < fJ,- ’ comme l’indique la figure ; et on en conclut que sfIhO > 8,- ‘, c’est-A-dire S,< 0,. L’aspect de s(t) est indiqd sur la j&y-e 3. On vCrifie facilement que la fin du processus correspond B une relaxation exponentielle, avec un temps caractkistique :

T = y- ’ e,- ’ (11)

On peut aussi estimer la duke totale T du processus d’ktalement de la marche. L’Cquation (7) implique :

yhO dt = ds (12)

On considkre que le dCbut et la fin de l’ktalement correspondent 5 R = R,,,JlO, c’est-A-dire & une hauteur roulante R Cgale au dixikme de sa valeur maximale, atteinte lors du processus quand 0 = 8r Pour des angles 8, = 45” et 8i = 0, + lo”, en intCgrant numtriquement 1’Cquation (12), on trouve que la duke de l’ktalement vaut T =20 y- ‘, soit un temps de l’ordre de la seconde (pour

- I de l’ordre de quelques 0,Ol s). Ce temps court correspond qualitativement B nos observations :rustiques) au SinaT.

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etalement d’une marche

! Yt

Fig. 3. - Aspect de la largeur de marche s(l) en fonction du temps rCduit it, Notre description suppose dsldf = 0, dans l’ttat initial (I + - - ). En fait. le dtmarrage dtpend de deux processus :

nucleation et amplification de la population roulante R.

Fig. 3. - Qualitative plot of the step width s(t) versus reduced time yt. Our description assumes that we start from a state with ds/dt = 0, and this imposes t,,,,,ol + - m. Actually, the early behavior depends on a combination gf

nucleation and amplification for the rolling species.

3. Discussion

La conclusion principale est que la pente finale du systeme devrait &tre nettement plusfuitde que la pente d’Lqquilibre : au moment oti l’on traverse l’angle de repos (0 = 19,), la vitesse ds/dt est maximale, et il y a encore beaucoup d’especes roulantes a accommoder. Une avalanche produite sur un sol plat ne s’arreterait pas a 0 = 8,. Cela est assez different de ce que nous avons calcule jadis pour une avalanche at-r&de contre un mur vertical (de Gennes, 1995).

Nous avons ignore ici les problbmes de nucleation : si l’angle initial I!?~ Ctait peu superieur a O,., il est possible que la nucleation d’especes roulantes soit l’etape limitante. Pour une discussion d.e la nucleation et de ses manifestations Cventuelles, voir de Gennes (1996).

Toute la description fondee sur BCRE ne represente qu’une des approches possibles : on pourrait avoir aussi un glissement d’ensemble d’une couche superficielle avec, peut-etre, des lois asset differentes.

Note remise le 4 fevrier 1997, acceptee aprbs revision le 11 mai 1997.

RCMrences bibliographiques

Bouchaud J. P., Cates M., Prakash J. R., Edwards S. F., 1994. J. Phys. (France), 4, 1383-1410. Boutreux T., de Gennes P. G., 1996. J. Phys. I (France), 6, 1295-1304. de Gennes P. G., 1995. C.R. Acud. Sci. Paris, 321, s&e II, 501-506. de Gennes P. G., 1996. Granular mutter, tours g l’lkole d’CtB de Varenna, Sot. Ital. de Phys., a paraitre.

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