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Introduction à la sociologie

Séance 6 :

Etat et civilisation : Sociologie du pouvoir central

louis.chauvel@sciences-po.fr

www.louischauvel.org/introsocio2011

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Plan d’ensemble

I. Civilisation & Etat : la vision évolutionniste et ses critiques II. Weber : Définitions et typologiesIII. Etat, culture et civilisation : Norbert EliasIV. Conclusion

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I. Civilisation & Etat : la vision évolutionniste et ses critiques

A. La dynamique de la complexification B. Service & DiamondC. Critiques des évolutionnismes

Pierre Clastres1934 - 1977

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I. Civilisation & Etat : la vision évolutionniste et ses critiques

A. La dynamique de la complexification ● Lectures évolutionnistes (Spencer, et beaucoup d’autres)

« l’évolution est définissable comme le passage d’un état homogène incohérent à un état hétérogène cohérent »(de l’évolution sociale, 1852, 7 ans avant Darwin)=> différenciation sociale, modèle de la croissance organique

● « Ancien » :Simple

Amorphe

Uniformité

Fluide

« Nouveau » :Complexe

Ensemble articulé

Spécialisation

Stable

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I. Civilisation & Etat : la vision évolutionniste et ses critiques

A. La dynamique de la complexification ● « néo-évolutionnistes » / caractéristiques centrales :

Langage probabiliste et non déterministe, Lecture pluridimensionnelle, Prise en compte de la diversité des dynamiques

● Gerhard Lenski (1924-…)G & J Lenski, 1970, Human societies, an introduction to macrosociology, New York: McGraw- Hill, Inc.

(le retour du refoulé) :« A single master trend (…) explains the others. This is the growth in the store of information available to humans — especially information relevant to the manipulation of the material world : technology »

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Sociétés industrielles

Sociétés agraires(généralisation de l’araire)

Sociétés « horticoles »simples (culture sur brûlis)

Sociétés « horticoles »avancées (métallurgie)

Sociétés de chasse et cueillette

7000 AV JC

3000 AV JC

1800 AP JC

Sociétéspastorales(élevage)

Sociétésmaritimes

Sociétésde pêcheurs

Sociétéshybrides

L’Etatapparaît ici

G. Lenski, 1966, Power and Privilege: A Theory of Stratification, New York: McGraw-Hill.

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B. Service & Diamond Bande Tribu Chefferie EtatChieftaincy

TYPENombre 12+ 100+ 1000+ 50000+Peuplement Nomade 1 village 1-2+ villages Villes

relations ParentéClans liés à la

parenté

Classe+résidence développement de la "kleptocratie"

Classe+résidence

Ethnies-langues 1 1 1 1+ECONOMIEProduction de vivres non non->oui oui->intensive intensiveDivision du travail non non non->oui oui

Echanges réciproques internes réciproques internesRedistributifs

("tribut")Redistributifs

("impôt")Contrôle des terres informel clan Chef diversSOCIETEStratification non non parenté parenté+classesEsclavage non non oui massiveBiens de luxe non non oui ouiArchitecture publique non non non->oui ouiAlphabétisation non non non Emergence

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B. Service & Diamond

Elman R. Service, 1975, Origins of the state and civilization, the process of cultural evolution, N.Y., Norton.

Jared Diamond, 1997, Guns, Germs, and Steel: The Fates of Human Societies, N.Y., Norton.

Bande Tribu Chefferie EtatChieftaincy

GOUVERNEMENT

Décision, autorité "égalitaire" "égalitaire"+big manCentralisé héréditaire

Centralisé

Bureaucratie non non 0-2 échelons 2+ échelons

Monopole force et information non non oui oui

Gestion des conflits Informelle Informelle Centralisée Lois et jugesHiérarchie des colonies de peuplement

non non Village dominant Capitale

RELIGIONJustifie la kleptocratie non non oui oui->non

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C. Les critiques des évolutionnismes

http://uneheuredepeine.blogspot.com/2011/02/miseres-de-levolutionnisme.html

Unicité du mouvement constat de la diversité des dynamiques Société comme totalité diversité interne et pseudo- isolats Métaphore organique faible intégration des ensembles historiques Contribution de chaque organe les changements réels ont une portée limitée Changement vu comme univoque réponse diversifiée des éléments de l’ensemble social Changement comme fait unique constat d’une fragmentation des réponses Changement vu comme constant et irréversible fluctuations historiques Changement linéaire, unidimensionnel diversité et contradiction des dynamiques Changement divisé en étapes, en périodes ou en séquences saut d’étapes et stagnations Changement graduel, sans fortes discontinuités histoire et ruptures de régime Unicité du mécanisme sous-jacent diversité des causes sociales Source située dans la « nature humaine » diversité des causes exogènes et relationnelles Changement vu comme spontané oubli du politique et des rapports sociaux Changement vu comme « progrès » Progrès ?

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● Comment L’Etat moderne émerge-t-il dans le monde occidental ?

L’État comme lieu d’institutionnalisation du pouvoir politique central qui émerge dans la phase de la modernité de l’Europe occidentale

B. Badie et P. Birnbaum, 1979, Sociologie de l’État, Paris, Grasset.

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II. Weber : Définitions et typologiesA. Action socialeB. Pouvoir – Domination - AutoritéC. Les trois formes de la Domination légitime D. Les transformations de l’Etat

“We shall speak of “action” insofar as the acting individual attaches a subjective meaning to his behavior – be it overt or covert, omission or acquiescence. Action is “social” insofar as its subjective meaning takes account of the behavior of others and is thereby oriented in its course. (…) Sociology … is a science concerning itself with the interpretive understanding (deutend Verstehen) of social action and thereby with a causal explanation of its course and consequences.”(Weber, 1907/1956:3; translation by Roth p.4) The term "social relationship” will be used to denote the behavior of a plurality of actors insofar as, in its meaningful content, the action of each takes account of that of the others and is oriented in these terms. The social relationship thus consists entirely and exclusively in the existence of a probability that there will be a meaningful course of social action – irrespective, for the time being, of the basis of this probability. (p.27)

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A. Action sociale• Trois aspects de l’action sociale

Un sens subjectifUne relation sociale (vis-à-vis de l’autre)Un contenu stable ou répété dans le temps

Typologie des formes de l’Action Sociale(soziales Handel) (social action)

•Traditionnelle (Traditional) •Affective (Affektuell) (affectual)•Rationnelle en valeurs (Wertrational) (value-rational) •Rationnelle en finalité (Zweckrational) (instrumentally rational)

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A. Action sociale

• Le travail du sociologue :

Approche explicative / structurale chez DurkheimApproche compréhensive / causale chez Weber

Se mettre à la place des individus eux-mêmes et de leur position, ressources, croyances, objectifs

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B. Pouvoir versus Domination – Autorité - Légitimité

Complexité de la terminologie, et traductions françaises mauvaises

`Power' (Macht) is the probability that one actor within a social relationship will be in a position to carry out his own will despite resistance, regardless of the basis on which this probability rests.

Domination (Herrschaft) is meant the opportunity to have a command of a specified content obeyed by a given group of persons. By `discipline' will be meant the opportunity to obtain prompt, and automatic obedience in a predictable form from a given group of persons because of their practical orientation toward a command.

Herrschaft => Domination – Autorité – Légitimité dans les différentes traductions

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C. Les trois formes de la Domination légitime Les trois formes de la Domination légitime (legitimer Herrschaft)

•Domination traditionnelle => force de l’usage, de la lignée, domination patriarcale ce qui a toujours été

> féodalité p.ex. => L’Etat patrimonial •Domination charismatique=> force « inspirée » quasi-religieuse / mystique

exemplarité extraordinaire > héros, gourous et prophètes => Forme stable d’Etat ?

•Domination légale/rationnelle=> force de la croyance en légalité des règles l’office et la fonction / Rationalisation et routinisation

> direction administrative bureaucratique => l’Etat moderne

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D. Les transformations de l’EtatL’Etat est le monopole de la violence légitime

•Exigence de rationalisation •Les principaux traits de la rationalisation :

Calculabilité / Efficacité / Prédictibilité / Réduction de l’incertitude •Le contexte spécifique de l’organisation bureaucratique

Position Salariée Emploi unique Carrière Charges non vénales Discipline

Liberté personnellePosition dans une hiérarchieCompétences définiesDéfinition contractuelle du poste Qualifications Techniques

=> La quintescence de l’Etat moderne XIXe siècle

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III. Etat, culture et civilisation : Norbert EliasA. Monopoles et maîtrise B. Maîtrise des affects, Etat/Civilisation C. Backlash : Dys-civilization (Abram de Swaan )

Norbert Elias 1897 Breslau

1990 Amsterdam

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Über den Prozeß der Zivilisation(1939)

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B. Maîtrise des affects, Etat/Civilisation

swaandyscivilizationmassexterm.pdf

1530 De civilitate morum puerilium(chap. 1) Erasme de Rotterdam

« Se moucher dans son bonnet ou sa veste, est d'un paysan, dans son bras ou son coude, d'un marchand de poissons ; il n'est pas beaucoup plus poli de le faire dans la main, si la morve tombe sur la veste. Il est de recueillir les saletés du nez dans un mouchoir, en se détournant un moment, si l'on est avec des supérieurs. Si, en se mouchant dans les doigts, quelque chose tombe à terre, il faut l'écraser aussitôt avec le pied. […] Il n'y a guère de différence entre le mucus et la morve, sinon que le mucus est plus épais et la morve plus liquide. »

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B. Maîtrise des affects, Etat/Civilisation

•L’Etat comme monopole de la violence légitime et de la taxation Constitution de sociétés centralisées, forte interdépendance des acteurs, règles de civilité, notamment au sein des sociétés de cour, forte régulation => exigence de pacification sociale => Un processus de civilisation accompagne la construction de l’Etat moderne=> Zivilisation / Kultur

•Opposition entre France et Allemagne : Kultur = profondeur de ce qui fait la spécificité du peuple allemandZivilisation = superficialité des apparences, péjoratif Civilisation (Fr.) = fierté de la nation française

d’incarner l’idée d’universel, et de progrès…

Analyse des « configurations sociales » qui en rendent compte

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B. Maîtrise des affects, Etat/Civilisation

•Norbert Elias et la sociologie des configurations -approche holiste : d’abord les structures-approche individualiste : d’abord l’action individuelle-approche configurationnelle (systémique) :

pour Elias => les allers retours individu/société

•Les configurations sociales : régimes de fonctionnement cohérents entre - « Sociogénèse » => organisation des structures collectives- « Psychogénèse » => organisation mentale individuelle

=> intériorisation des contraintes et autocontrôle

Figurationssoziologie

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NE, La civilisation des mœurs, P99Le comportement de l'homme médiéval n'était pas moins lié à l'ensemble de ses formes d'existence, à la structure de sa vie que notre comportement et notre code social à notre genre de vie et à la structure de notre société. Il arrive qu'un petit événement éclaire les raisons de la solidité de ces mœurs et nous montre qu'il ne s'agit pas uniquement d'un élément « négatif », d'un « manque de civilisation », ou d'« information » comme nous sommes trop facilement portés à le croire; nous nous rendons compte que ces mœurs répondaient à un besoin intérieur de ces hommes, qui les jugeaient, sous la forme qui leur était familière, utiles et nécessaires. Au XIe siècle, une princesse grecque. Dans les milieux byzantins auxquels elle appartenait, on se servait, de toute évidence, de fourchettes. Nous apprenons en effet que la princesse portait sa nourriture à la bouche « au moyen de petites fourches en or et à deux dents ». Ce fait provoqua à Venise un éclat sans précédent : « Cette nouveauté passa pour une marque de raffinement si outré, que la dogaresse fut sévèrement objurguée par les ecclésiastiques, qui attirèrent sur elle le courroux divin. Peu après, elle était atteinte d'une maladie repoussante et saint Bonaventure n'hésita pas à déclarer que c'était un châtiment de Dieu ».

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NE, La civilisation des mœurs, P99Il a fallu attendre cinq cents ans pour que la structure des rapports humains se modifiât de telle manière qu'on ressentait le besoin général de cet instrument. A partir du XVIe siècle, la fourchette s'implanta, venant d'Italie, d'abord en France, puis en Angleterre et en Allemagne, au moins dans les couches sociales supérieures : au début elle servait à prendre les mets dans le plat commun. Henri III en importa l'usage en France, probablement de Venise. On se moquait de ses courtisans et de leur manière « affectée » de se tenir à table. Il est fort probable qu'au début ils étaient peu habitués au nouvel instrument. Les gens racontaient en effet que la moitié de la nourriture tombait de la fourchette « entre le plat et la bouche ». Ce que nous considérons comme une coutume naturelle parce que nous y sommes habitués et conditionnés depuis notre plus tendre enfance ne fut accepté et acclimaté que lentement et péniblement par la société. Cela ne s'applique pas seulement à des objets en apparence peu importants comme la fourchette, mais aussi à des comportements qui nous semblent aujourd'hui plus significatifs et plus essentiels. Encore au XVII' siècle, la fourchette était essentiellement un objet de luxe en or ou en argent dont se servait la couche supérieure.

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NE, La civilisation des mœurs, P99L'accueil que cette société fit à la « nouveauté » met en évidence un autre fait: des hommes qui mangeaient comme les hommes du Moyen Age, qui prenaient la viande dans le même plat avec les doigts, qui buvaient le Vin dans la même coupe, qui lampaient la soupe dans le même bol ou dans la même assiette -- sans parler des autres particularités de leur comportement que nous passerons en revue plus tard -- entretenaient entre eux des rapports différents des nôtres; ces différences n'affectaient pas seulement leur conscience claire et raisonnée mais également leur, vie émotionnelle dont la structure et le caractère étaient différents des nôtres. Leur « économie affective » était orientée en fonction de relations et d'attitudes qui, comparées au conditionnement émotionnel auquel nous sommes soumis, nous paraissent pénibles ou du moins peu attrayantes. Ce qui faisait défaut dans ce monde «courtois » ou ce qui n'existait pas dans la même mesure qu'aujourd'hui, c'était ce mur invisible de réactions affectives se dressant entre les corps, les repoussant et les isolant, mur dont on ressent de nos jours la présence au simple geste d'un rapprochement physique, au simple contact d'un objet qui a touché les mains ou la bouche d'une autre personne; il se manifeste déjà dans le sentiment de gêne que nous éprouvons en assistant à certaines fonctions physiques, et très souvent à leur évocation, il se manifeste aussi dans le sentiment de honte qui s'empare de nous quand certaines de nos fonctions physiques sont exposées aux regards des autres, et parfois même quand nous prenons conscience de leur existence.

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B. Maîtrise des affects, Etat/Civilisation

•Émergence d’une société pacifiée et policée •Réduction de la violence interpersonnelle•Maîtrise de soi

MAIS : •Guerre de 1914-1918 1939-1945•Déshumanisation de masse •Révolutions meurtrières•Génocides

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C. Backlash (pardon: choc en retour) : Dys-civilization (Abram de Swaan )

www.louischauvel.org/swaandyscivilizationmassexterm.pdf

Comprendre le processus d’involution de la civilisation •Dyscivilization, Mass Extermination and the State

•L’Etat est un outil susceptible d’accompagner des phases de dyscivilisation•Bureaucratisation de la barbarie •Désignation de victimes•Processus locaux de dyscivilisation à l’intérieur de la civilisation

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V. Conclusions

●Lecture évolutionniste problématique

●The Dark Side of Democracy: Explaining Ethnic Cleansing, Michael Mann

●Interrogation sur l’avenir de l’Etat-nation

●L’émergence de l’Etat-civilisation en Chine