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N° 87 - MAI 2017 - p 23 LE BULLETIN de CHEUVREUX Notaires
La mobilité internationale des Français
est une réalité en nombre croissant.
En 2015 et d’après le ministère des
Affaires Étrangères, on ne dénombrait pas
moins de 1 710 945 Français inscrits au re-
gistre national des Français établis hors de
France avec à sa tête la Suisse, suivie des
États-Unis, le Royaume-Uni, la Belgique et
l’Allemagne.
En marge des repères de la vie à recréer et
le quotidien à réorganiser, la mobilité in-
ternationale - créatrice d’éléments d’extra-
néité - qu’elle soit vécue seule, en couple,
ou en famille soulève des problématiques
sociales, juridiques et fiscales. L’individu
expatrié devient sujet de droit interna-
tional et se constitue bon gré mal gré un
patrimoine à caractère lui-même interna-
tional, lequel soulève de façon inéluctable
la question de sa transmission future.
Français vivant à l’étranger, puis-je disposer
de mes biens répartis dans plusieurs pays de
la même manière ? J’ai un appartement en
France mais je vis depuis de nombreuses an-
nées à l’étranger, comment se déroulera ma
succession ? Quelle sera la loi applicable à
ma succession en France, sera-t-elle la même
que celle où je réside actuellement ? Est-il
préférable que je rédige un testament, et
sous quelle forme mais sera-t-il valable dans
tous les pays où j’y ai des intérêts ?
En matière de transmission internationale,
les questions sont multiples et les réponses
variées selon les situations et les pays impli-
qués.
Nous illustrerons volontairement nos pro-
pos autour de la loi successorale applicable
dans un contexte franco-américain tout
d’abord parce que la détermination de loi
successorale est la clef
de voûte de l’anticipa-
tion successorale dans
un environnement
international autre-
ment appelé Interna-
tional Estate Planning,
puis parce qu’il y a
aujourd’hui plus de
142 000 Français instal-
lés outre-Atlantique,
et enfin parce que
les États-Unis, pays de common law ren-
contrent avec la France, pays de droit civil,
des difficultés certaines liées à la coexis-
tence de deux mondes juridiques diffé-
rents.
■■ Une situation par défaut
Depuis le 17 août 2015, date d’entrée en
vigueur du Règlement Européen 650/2012
sur les successions, la loi applicable en
France par défaut à une succession présen-
tant un lien d’extranéité est celle de l’État
dans lequel le défunt avait sa résidence
habituelle au moment du décès, ou à titre
exceptionnel et d’après les circonstances
de la cause, la loi de l’État avec lequel le
défunt présentait des
liens manifestement
plus étroits1.
La résidence habituelle
est aujourd’hui le fac-
teur de rattachement
central, déterminant
la loi qui viendra régir
l’ensemble de la suc-
cession « depuis son
ouverture jusqu’au
transfert de la propriété des biens aux bé-
néficiaires2 » .
D R O I T PAT R I M O N I A L
ACTUALITÉ PATRIMONIALE INTERNATIONALE
MOBILITÉ INTERNATIONALE ET SUCCESSIONS : PRÉVENIR POUR NE PAS SUBIR ! LE CAS DES ÉTATS-UNIS
PARANGÉLIQUE DEVAUXGROUPE PATRIMOINE
EXPATRIATIONETATS-UNISTESTAMENT
SUCCESSION
RÈGLEMENT EUROPÉEN
1- Article 21 du règlement européen sur les successions.2- Considérant 42, Article 23 du règlement européen sur les successions.
“Dans une situation
de mobilité internationale, la définition de la résidence principale
prend toute son importance.
”
p 24 -MAI 2017 - N° 87 LE BULLETIN de CHEUVREUX Notaires
Dans une situation de mobilité internatio-
nale, et dans le cas d’un Français expatrié
aux États-Unis, la définition de la résidence
principale prend toute son importance
puisqu’il s’agit de déterminer ici quelle loi
et principalement quel système légal s’ap-
pliquera à la succession future pour des
biens situés en France voire aux États-Unis ;
entre d’un côté un système de transmission
aux biens, indirect faisant appel aux tribu-
naux et privilégiant une liberté testamen-
taire – le système de la common law, et de
l’autre un système qui organise la trans-
mission de la succession aux personnes, où
le conjoint et les héritiers appréhendent
directement l’actif de la succession et qui
enfin protège certains héritiers au moyen
du mécanisme de la réserve – le système de
droit français.
Le « règlement successions » ne définit pas
la notion de résidence habituelle ce qui
rend le critère de rattachement sujet à in-
terprétation, mais malgré tout plus adapté
à la situation factuelle. Cela étant, dans
un contexte de mobilité internationale,
l’établissement de la résidence habituelle
s’avère réellement bien plus complexe
qu’elle ne peut paraître. En effet, le pays
d’accueil constitue(ra)-t-il la « nouvelle »
résidence habituelle ou bien doit-on consi-
dérer ’l’expatriation’ – même de longue
durée - comme une circonstance exception-
nelle rattachant la loi successorale au pays
d’origine avec qui l’expatrié présente(rait)
des liens plus étroits?
Les considérants 23 et 24 du règlement dé-
livrent au notaire, chargé en France de ré-
gler une succession, des indices afin de dé-
terminer au mieux la résidence habituelle,
laquelle « devrait révéler un lien étroit et
stable avec l’État concerné ». « En principe,
les liens personnels et familiaux devraient
l’emporter sur l’activité professionnelle »3 ;
le règlement propose en effet en fonction
des circonstances de l’espèce que la rési-
dence habituelle puisse être celle de l’État
d’origine notamment lorsque « le défunt
était parti vivre dans un autre État pour y
travailler, parfois pendant une longue du-
rée, tout en ayant conservé un lien étroit et
stable avec son État d’origine ». Bien que
conçu pour « assurer que l’autorité chargée
de la succession en vienne dans la plupart
des cas à appliquer son droit national »4,
la détermination de la résidence habituelle
fait manifestement appel à une apprécia-
tion de faits ; Il appartient donc au notaire
d’interroger son client sur les motivations
et les conditions de sa mobilité, de son
départ, en plus de la durée envisagée qui
n’est pas à elle seule un élément détermi-
nant.
Ainsi, pourrait-on probablement considé-
rer une personne simplement détachée
par son entreprise, dont la famille (en ce
compris conjoint et enfants) est restée en
France, comme présentant des liens étroits
avec son pays d’origine et en déduire que
la loi française soit celle applicable à la
succession. À l’inverse, une personne ins-
tallée en famille avec l’intention d’y rester
au moyen même d’un visa temporaire de
travail (au sens du droit de l’immigration
américaine) pourrait être considérée avoir
sa « nouvelle » résidence habituelle dans le
pays d’accueil.
Le règlement européen est de portée uni-
verselle, à savoir qu’il s’applique même
lorsque la loi retenue par défaut est celle
d’un État tiers, comme le sont les États-
Unis. Dans cette hypothèse, il y a lieu de
tenir compte des règles de droit interna-
tional privé dudit État, voire d’accepter le
renvoi à la loi d’un État membre si l’État
tiers le prévoit5.
Bien que les États-Unis ne connaissent pas
une législation uniforme des règles de
conflits de lois comparable au « règlement
successions » en Europe, les cinquante
états composant le pays retiennent en
général le principe selon lequel la loi de la
juridiction où se situent les biens immobi-
liers gouverne leur succession6, tandis que
la loi du domicile du défunt au moment
de son décès gouverne la succession des
biens meubles7,8. Les États-Unis appliquent
donc le principe de scission entre les biens
meubles et immeubles, dont la qualifica-
tion varie au surplus d’un État à l’autre.
Si la détermination de la situation des biens
ou situs law est relativement aisée, celle du
domicile l’est moins. En effet, au sens du
droit américain, un individu ne peut avoir
qu’un seul domicile à la fois, et d’ailleurs
chaque personne commence sa vie avec son
« domicile of origin » qui correspond géné-
ralement à celui des parents. Lorsqu’une
personne abandonne son domicile de nais-
sance, elle acquiert alors un « domicile of
choice » qui se définit d’après deux critères
cumulatifs : une présence physique dans
l’État concerné et une intention d’y établir
son domicile et de le maintenir.
Le domicile, comme la résidence habituelle
de droit communautaire, fait appel à une
appréciation de faits. S’agissant de la condi-
tion d’intention qui distingue le domicile
de la résidence, les tribunaux américains
retiennent des facteurs résultant de la vie
sociale et professionnelle de l’individu, tels
son type de logement, son appartenance à
une association locale, ou tout autre élé-
ment démontrant l’établissement d’une re-
lation particulière entre l’individu et l’État
concerné. Ainsi si une personne réside dans
un état avec l’intention de retourner dans
son état ou pays d’origine, telle une per-
sonne détachée par son entreprise, elle ne
sera pas considérée avoir établi son « domi-
cile of choice »9 ;
On le comprend bien, les notions de rési-
dence habituelle en droit communautaire
et de domicile en droit américain sont
toutes deux des notions qui prennent en
considération des éléments de faits, va-
riables selon les situations, pouvant conver-
ger comme parfois s’éloigner, établissant
ainsi une instabilité pour la personne mo-
bile.
Face à une telle situation devenue de plus
en plus courante, est-il possible d’anticiper,
et si oui, de quelle manière ?
PRÉVENIR : LE CONTRÔLE DE LA LOI SUCCESSORALE
■■ Choisir la loi applicable à sa succession :
une possibilité
La subjectivité et l’instabilité des notions
de domicile et de résidence habituelle,
3- Andrea Bonomi Patrick Wautelet, Le droit Européen des successions commentaire du règlement n° 650/2012 du 4 Juillet 2012, Ed. Bruylant, p. 176, n° 20.4- Considérant 27.5- Article 34 et considérant 57 du règlement succession.6- Restatement (Second) of Conflict of Laws (1971) §236.7- Restatement (Second) of Conflict of Laws (1971) § 260.8- A noter que chaque état connaît une propre définition des biens meubles (personal property) et des biens immeubles (real property).9- Par ailleurs, la présence sur le territoire américain sous un visa non-immigrant n’empêche pas une personne d’y élire son domicile mais peut toutefois influer sur son caractère intentionnel. Toutefois, il a été jugé qu’une personne détenteur d’un visa non-immigrant devant quitter le pays à une certaine date ou ne pouvant rester sur le territoire indéfiniment ne pouvait y élire son domicile au sens du droit de l’État du Maryland ; son statut de non-immigrant étant en contradiction avec une intention de rester dans l’État. Toll v. Moreno, 397 A.2d 1009, 1017 (Md. 1979).
N° 87 - MAI 2017 - p 25 LE BULLETIN de CHEUVREUX Notaires
accentuées dans un contexte international
franco-américain, peuvent légitimement
conduire le notaire à conseiller son client
sur la nécessité d’établir avant son départ
pour le pays de l’oncle Sam – et tout autant
pendant sa mobilité – la loi applicable à sa
future succession.
Neutraliser la loi successorale applicable.
La professio juris ainsi consacrée par le
« règlement successions » pris dans son
article 22, autrement dit « la déclaration
de loi applicable » per-
met à toute personne
de soumettre sa succes-
sion future à la loi de
l’État dont il possède
la nationalité – au jour
de son choix ou au jour
de son décès – et cela
pour l’ensemble de sa
succession.
Lorsque la loi dési-
gnée est celle d’un état tiers, le renvoi à
une autre loi n’est pas admis, la loi choisie
s’applique donc, sauf à ce que celle-ci soit
manifestement incompatible avec l’ordre
public du for.
À première vue, la nationalité au moment
du choix permet de donner plus facile-
ment une ligne directrice à la planifica-
tion successorale dans le cadre même de la
mobilité ; la nationalité au jour du décès
est dans ce contexte un critère instable
puisqu’une personne peut être amenée à
changer de nationalité au cours de sa vie
et à plus forte raison suite à une expatria-
tion. À titre d’exemple, un Français pour-
rait clamer la citoyenneté américaine après
cinq années de détention de la green card
et sous réserve d’autres conditions d’éligi-
bilité d’âge, de présence sur le territoire,
de capacité de lire, comprendre et parler
l’anglais10. Cependant ce choix pose un in-
convénient sur la durée. Une expatriation
peut se prolonger, voire devenir définitive,
et dans cette hypothèse le de cujus reste
soumis à la loi d’un État avec lequel il n’en-
tretient finalement plus de liens particu-
liers. Il est donc nécessaire de s’interroger
sur les enjeux consécutifs au choix de la loi
applicable à la succession, et aussi systéma-
tiquement revoir les questions de planifi-
cation successorale au fil des années et des
événements de la vie.
L’intérêt de la professio juris dans le cadre
de la mobilité est de pouvoir neutraliser
la loi applicable à la succession et ainsi
s’assurer du choix du contenu même de la
loi incluant tant la dévolution successorale,
les droits des héritiers et ou légataires. Le
choix de la loi applicable à la succession,
présente autant d’inté-
rêt notamment dans
l’hypothèse où l’expa-
trié globe-trotteur
« prend goût » de vivre
à l’étranger ; nombreux
sont ceux qui une fois
parti ne souhaitent
plus revenir dans leur
pays d’origine sans
forcément mesurer les
risques du changement perpétuel de leur
résidence que l’on peut difficilement qua-
lifier « d’habituelle ». Par ailleurs, pour
les couples mariés, la désignation de la loi
successorale peut constituer le parallèle
nécessaire à celle applicable au régime ma-
trimonial et ainsi amener le couple mobile
à mieux maîtriser, anticiper et planifier sa
succession.
■■ Encore faut-il s’assurer de l’effectivité de
son choix
Le recours à la déclaration de loi applicable
est un outil formidable de planification
successorale internationale, incontestable
dans le cadre d’une mobilité européenne
et pour y être valable, le choix doit être
effectué de manière expresse sous la forme
d’une disposition à cause de mort ou résul-
tant des termes d’une telle disposition, en
ce compris les testaments et les pactes suc-
cessoraux11.
Toutefois, en dehors des frontières de l’Eu-
rope et par conséquent lorsque des états
tiers sont impliqués, il est indispensable de
s’assurer de l’effectivité du choix de la loi
applicable, c’est-à-dire que le choix de loi
exprimé puisse produire l’effet souhaité
dans le ou les pays où le testateur y pos-
sède des biens, mais aussi que la forme du
choix exprimé y soit reconnue. Il est alors
nécessaire de penser « global ».
Pour ce qui est des États-Unis, de prime
abord il faut rappeler l’importance de la li-
berté testamentaire qui y règne et la place
signifiante qu’occupent les testaments
dans les successions. D’après un sondage
réalisé par CBS en avril 2015, près d’un
Américain sur deux déclarent avoir préparé
un testament. Ainsi, si le testateur désigne
une loi applicable à sa succession, les tribu-
naux honoreront ce choix.
Pour autant, cela ne veut pas dire que la
loi nationale choisie et son contenu seront
applicables aux biens situés aux États-Unis
de manière absolue.
Les règles de conflits applicables aux suc-
cessions testamentaires sont en effet les
suivantes : toutes questions relatives à la
validité et aux effets des testaments sont
régies par la loi du domicile du défunt
s’agissant des dispositions concernant les
biens meubles (personal property)12, et par
la loi de situation s’agissant des disposi-
tions concernant les biens immeubles (real
property)13. Cette règle de conflit s’étend
à la capacité du testateur, la forme du tes-
tament, et la manière dont le testament a
été exécuté.
En revanche, pour les questions relatives
à l’interprétation et aux effets des termes
utilisés (construction of wills), les juges
recourent à la loi désignée dans le testa-
ment (quand bien même elle n’aurait pas
de connexion suffisante avec les biens
concernés), et à défaut seulement, à la loi
du domicile ou de situation selon la nature
des biens14.
Si certains États reconnaissent le testament
étranger sans trop de difficulté pourvu
qu’il soit valide selon les règles du pays ou
de l’État dans lequel il a été établi (ex : Ida-
ho Stat. 15-2-506), d’autres en revanche li-
mitent la portée de la loi désignée à l’ordre
public du for (Ex : Oregon ; ORS 112-230),
10- Site officiel du département de la sécurité intérieure – Department of Homeland Security – U.S. Citizenship and immigration services.11- Article 22 du règlement successions.12- Restatement (Second) of Conflict of Laws (1971) § 263. 13- Restatement (Second) of Conflict of Laws (1971) § 239.14- Restatement (Second) of Conflict of Laws (1971) § 264 (personal property) et § 240 (real property)
“La déclaration de loi applicable
permet à toute personne de soumettre sa succession future
à la loi de l’État dont il possède la nationalité.
”
p 26 -MAI 2017 - N° 87 LE BULLETIN de CHEUVREUX Notaires
voire autorisent expressément le testateur
de déroger aux règles de conflit générales
et d’opter pour la loi de leur État pour les
biens qui s’y trouvent (ex : État de New
York, N.Y. Est Powers and Trust Laws § 3-5-
1 (h))15.
Par ailleurs, dans certains États dont le
régime matrimonial est assimilé en droit
français à un régime de séparation de biens
(separate property states), le choix de la loi
applicable et les dispositions testamen-
taires ne peuvent affaiblir la protection du
conjoint survivant (mécanisme de elective
share) ni de celle de l’enfant né postérieu-
rement à la rédaction du testament.
Enfin, en ce qui concerne les comptes ban-
caires, il arrive que le contrat d’ouverture
du compte contienne lui-même une clause
expresse de choix de loi applicable, indui-
sant ainsi en échec la loi successorale choi-
sie dans le testament (ex : l’État de Floride).
Une autre incertitude se pose quant à la
forme des testaments aux États-Unis et
la reconnaissance des testaments établis
à l’étranger : la plupart des États ont en
effet une approche formelle du testament
différente de ceux reconnus en France. Le
Wills Act de chaque État définit les types de
testament admis et leurs conditions d’exé-
cution ou de révocation. Tous les États
reconnaissent le testament formel (for-
mal will ou attested will) écrit, signé par
le testateur en présence d’au moins deux
témoins capables (voire trois pour l’État
du Vermont) et non intéressés par le tes-
tament, mais en revanche seule la moitié
d’entre eux reconnaissent le testament olo-
graphe (holographic will). L’État de Floride
par exemple, ne reconnaît pas le testament
olographe étranger, même valide d’après
son lieu d’exécution, sauf à ce qu’il ait été
établi en la présence de témoins16. Une mi-
norité d’États reconnaît le testament oral,
les états de Californie, Michigan, Wiscon-
sin et Maine reconnaissent les testaments
types (statutory will) conçus pour les per-
sonnes qui ne souhaitent pas recourir à un
avocat, et enfin l’État du Nevada admet le
testament électronique17.
Face à la variété des testaments et leurs
conditions de validité, une première ap-
proche peut consister en la rédaction d’un
testament local, notamment si l’intéressé y
possède des biens immobiliers.
Les avantages du testament local sont
multiples : il permet de simplifier l’admi-
nistration de la succession propre au bien
immobilier situé aux États-Unis au moyen
d’une application de loi plus appropriée ; il
évite les problèmes liés
à la traduction du tes-
tament, à la procédure
du probate du testa-
ment original lorsque
celui-ci est « détenu »
au rang des minutes
du notaire français et
établi dans une langue
étrangère, à la nomi-
nation d’un exécuteur
testamentaire non résident aux États-Unis ;
il permet enfin dans certaines situations
d’échapper à la réserve héréditaire de droit
français.
En revanche, la multiplicité des testaments
nécessite une parfaite coordination entre
les intervenants juridiques afin de s’assu-
rer qu’un testament fait dans un état A
ne vienne révoquer le testament fait dans
l’état B, ni même ne se contredisent.
Pour ce faire, il est indispensable que les
conseils juridiques de droit local (avocats
et notaires) travaillent de concert afin de
s’assurer de la sécurité juridique du mon-
tage pour leur client commun.
Afin d’éviter la multiplicité des testaments,
une solution peut naturellement se trouver
dans la rédaction d’un testament interna-
tional issu de la Convention de Washington
du 26 octobre 197318 et dont le but même
est de simplifier les successions testamen-
taires dans un contexte transnational.
Le testament international répond à des
conditions de forme strictes, notamment il
doit être fait par écrit (à la main ou dac-
tylographié) dans une langue quelconque,
signé par le testateur en présence de deux
témoins et une personne habilitée à instru-
menter à cet effet19, lesquels apposent eux-
mêmes leur signature sur le testament ; en-
fin une attestation établissant le respect des
obligations prescrites
par la Convention de
Washington doit être
jointe au testament.
Le testament interna-
tional a pour avantage
d’être valable quant
à la forme à la fois en
France et dans un large
nombre d’États améri-
cains20 qui l’ont inséré
dans leur législation interne21. Toutefois, le
testament international n’évite pas les pro-
blèmes liés à la traduction du testament,
à la procédure du probate du testament
original, notamment si la succession com-
prend des biens immobiliers situés dans le
ressort d’une des juridictions américaines
et là encore, le recours à un travail en com-
mun entre juristes de droit local est indis-
pensable.
15- Re estate of Renard, 439 N.E. 2d, 341 (N.Y. 1982). Le choix de la loi de l’État de New York a notamment été admis pour un Français domicilié en France mais qui avait expressément établi un testament dans l’État de New York dans lequel il déclarait vouloir que la loi New Yorkaise gouverne ses biens situés dans l’État, faisant ainsi tomber la loi française du domicile, et notamment la réserve héréditaire.16- Florida Stat Section 732-502.17- Nev. Rev. Stat. § 133-085.18- Signée par la France le 29 novembre 1974 et entrée en vigueur le 1er décembre 1994.19- Loi du 29 Avril 1994, JO 3 avril 1994: les notaires sont en France habilités à instrumenter en matière de testament international, ainsi que les agents diplomatiques et consulaires français pour les Français de l’étranger. Aux États-Unis, les avocats affiliés au barreau de l’État dans lequel le testateur rédige le testament sont habilités.20- Alaska, Arizona, Californie, Colorado, Connecticut, Delaware, District of Columbia, Floride, Hawaii, Idaho, Illinois, Maine, Massachussetts, Michigan, Minnesota, Montana, Nebraska, New Hampshire, New Jersey, New Mexico, Dakota du Nord, Oregon, Pennsylvanie, Caroline du Sud, Dakota du Sud, Utah, Virginie, Vermont, Wisconsin, et les Iles vierges Américaines.21- Précision : Bien que le Sénat américain ait donné son accord en 1991 pour ratifier la convention de Washington, celle-ci n’est pas entrée en vigueur au niveau fédéral. Julian Ku et John Yoo, Taming globalization : internatio-nal law, the U.S. constitution and the New World Order, Oxford University Press (2012), p. 170-174.
“Il est indispensable
que les conseils juridiques de droit local (avocats et notaires)
travaillent de concert afin de s’assurer de la sécurité juridique du montage
pour leur client commun.
”