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Association Musanostra et Musanumerica

2 place de l’Hôtel de Ville, 20200, BastiaDirectrice de publication : Marie-France Bereni-CanazziSecrétaire de rédaction : Claire GiudiciMaquette : CAMPhoto de couverture : Bernard FilippiCollaborations : Francis Beretti, Sam Bozino, M.F Canazzi, Odile de Petriconi, Marie-Paule Durand, Alain Franchi, Jean-Joseph Franchi, Patricia Guidoni, Marianne Laliman, Ceccè Lanfranchi, Nathalie Malpelli, Eric Mendi, Cécile Mudry, Bénédicte Savelli.

Le printemps est aussi poésie, lumière, promenades, discussions, art, théâtre et romans ; alors me di-rez-vous, rien d'original en ces mois-ci? Pourtant oui, des romans qui nous ont marqués, dont nous avons reçu pour certains les auteurs, Alice Zeniter et Gilles Zerlini, un regard d'amoureux de poésie sur des recueils en format poche, un hommage à un auteur chercheur discret et prolixe, J.R Cervoni, une pièce de théâtre à ne pas manquer et bien d'autres créations ou redécouvertes. "Scrittura" de Ceccè Lanfranchi, les textes lauréats du concours Musanostra 2015, la revue Musa Nostra ne pouvait être plus variée. Continuez à nous dire ce qui vous a plu dans le divers culturel qui s'offre à vous, à nous et nous partagerons avec plaisir. Belles lectures ! Belles découvertes !

Marie-France Bereni Canazzi

Laissez-nous votre adresse mail, on vous donnera des nouvelles de Musanostra et retrouvez-nous sur www.musanostra.fr

Un petit clin d’oeil à la peinture, avec «MS», acrylique sur toile (100x81cm ) avec une couverture signée cette fois Bernard Filippi, artiste dont l'œuvre est fortement influencée par la nature; il est auteur de plusieurs ouvrages d'art qui allient poésie et arts plastiques. Il vient de publier un nouveau recueil, "Fugue", avec le poète Antoine Graziani.

Une édition exceptionnelle, à commander à : L'Atelier des Grames, 84190 Gigondas 04 90 65 82 05.

Pour joindre Bernard Filippi: 5 boulevard François Salini20 000 Ajaccio06 74 98 95 20www.bernarfilippi.com

Revue Numérique

E d i t o

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Au commencement était le Cantique des Cantiques, là ça cogne: “Qu’il me baise des baisiers de sa bouche. Tes amours sont plus délicieuses que le vin. L’arôme des tes parfums est exquis…”

Ou les grecs, spécialistes de l’ordre et de la hiérarchistaion, façon dressing obsessionnel, en faisant une classifi cation allant du degré zéro (le plus naze) à la panacée (le plus noble mais particulièrement désincarné). Du coup, avec son “Viens, rejoins-moi au banquet de l’amour”, il veut quoi Platon?

Et l’autre non, le Pascal, Blaise qui en distingue 3 ordres : celui de la chair, celui de la raison et celui du coeur. Pour le premier la force domine, pour la raison ce sont les démonstrations et pour le coeur règne la vérité. Pour compliquer le tout, la force ne peut rien contre la vérité et la vérité est tout aussi impuissante contre la force. Nous voilà bien avancés! Avec Duras, “Aucun amour ne peut tenir lieu de l’amour” ça se gâte -(u) topique de l’amour - va trouver le bon GPS, toi. L’amour est inapte.Même Meetic s’y colle, rassurant “Ayez l’amour sans le hasard”. Jusqu’à Schopenhaeur : vivre sans aimer ni haïr, ne rien dire et ne rien croire… Celui-là vaguement dépressif, deux doigts dans la prise et le gaz ouvert.Et tant d’autres…

Reste Nietzsche, qui courageusement nous enjoint à l’amour du lointain. Là, au moins, les voyages au long cours nous engagent à l’aventure...Car, si la vie est un risque, l’amour aussi. Sans cela, en renonçant, habiterions-nous le monde? Trop d’Amours. Comme d’ailleurs lorsqu’il s’agit des dernières gouttes de vin de la bouteille, que nombreux, nous ne voulons pas laisser perdre.On ne s’en sortira pas…

Patricia Guidoni

Il y a trop d’amours, on ne s’en sortira pas !

M u s i n a t e

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Chutesou

Les mésaventures de Monsieur Durand éd. Materia scritta

Chutesou

Les mésaventures de Monsieur Durand éd. Materia scritta

" L ’ œ u v r e d e G i l l e s Z e r l i n i c ’ e s t d ’ a b o r d , u n m o u v e m e n t , c o m m e i l e n e x i s t e e n m u s i q u e . "

M u s a s c o n t r i

Vendredi 13 mai à 19 heures, Alice Zeniter et Gilles Zerlini ont dialogué avec les lecteurs à L‛Alb‛Oru à l‛occasion d‛un café littéraire Musanostra qui a eu pour thème «Le livre dans le livre, l‛artiste dans l‛oeuvre». Séance de dédicaces, apéritif dî-natoire ont suivi la rencontre. Alice Zeniter a été remarquée avec «Sombre dimanche»; son dernier

livre «Juste avant l‛oubli» est un succès de li-brairie. Gilles Zerlini dont le recueil «Mauvaises nouvelles» avait été plébiscité par les lecteurs, propose son dernier ouvrage «Chutes» ; n‛hésitez pas à les découvrir, ce sont deux romans très dif-férents et fort agréables à lire !

L’œuvre de Gilles Zer-lini c’est d’abord, un mouvement, comme il en existe en mu-sique, une nébuleuse autour de laquelle se déroulent les constel-lati ons qui forment une voie lactée dont les mots illustrent l’incandescence. Le monde est là dans son apparence la plus abrupte comme perdu dans un univers char-gé d’infi ni. C’est de la société dont nous parle Gilles Zerlini, et plus parti culièrement,

de celle arti culée autour du travail, ce monde ni beau, ni laid, simplement là et toujours en « branle », un monde où les hommes sacrifi ent jusqu’à leur propre « Je ».

L’humain est au centre de cett e cosmogonie, malmené par le système mais étonnement résistant, l’homme moderne chez Zerlini est d’abord celui qui ploie. Il est indomptable et c’est de là que nait son identi té, même si la société par-ti cipe de l’identi té des personnages et qu’elle les réduit au ferment qui les fait grandir jusqu’à leur dégénérescence.

C’est la lutt e quoti dienne de l’homme qui cherche son bourreau, au milieu du vide généré par une société du spectacle aux repères de plus en plus fragiles. Et c’est de

cett e fragilité, qui n’est jamais vécue comme une tare dans l’univers dont nous parle l’auteur, que jaillit la lu-mière, même salie, même encombrée des scories du temps qui passe.

Toujours sur la brèche, les personnages enfermés dans un jusqu’aubouti sme à tout crin prennent une appa-rence presque baudelairienne. Car dès qu’ils appa-raissent, dans la trame de l’espace fi cti onnel, on perçoit bien avant qu’il ne se déclare ouvertement la présence d’un décadenti sme latent. Le vers de Baudelaire a sans cesse accompagné ma lecture de La chute ou les mé-saventures de Monsieur Durand : « Plonger au fond du gouff re, Enfer ou Ciel, qu’importe ? Au fond de l’Inconnu pour trouver du nouveau !». C’est ce que font les per-sonnages du roman de Gilles Zerlini une fois att eint le seuil de leur désespérance.

Ne peut-on déceler en toile de fond dans ce roman une transpositi on consciente ou inconsciente de certains mythes fondateurs grecs ? L’homme qui s’isole dans son labyrinthe, l’homme monstrueux, minotaure prêt à tout dévorer et prisonnier ici d’un système aux exigences tou-jours plus meurtrières ? Cett e interprétati on mise à part, on notera qu’avec ce roman l’auteur att eint la quintessence de son art, car il nous livre en partage une vision à fl eur de peau de la société dont les racines profondes sont à rechercher au cœur même de son intelligence sensible.

Alain Franchi

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Juste avant l’Oubli, d’Alice Zeniter

M u s a s c o n t r i

L’acti on se déroule dans une île perdue dans l’archipel des Hébrides extérieures, «une traînée sombre au milieu de l’eau », Mirhalay, « mena-çante et minuscule», une île fantôme ; «son histoire était une longue succession d’oublis ».

En 1963, Galwin Don-nell, célèbre écrivain de polars décide de s’exiler du monde en

s’installant défi niti vement sur « ce caillou perdu que les hommes avaient oublié ». Au grand désespoir de ses ad-mirateurs et des chercheurs universitaires, Donnell n’avait laissé aucune trace de son dernier séjour dans l’île, et les derniers chapitres de son ouvrage inachevé, le Pont, res-taient introuvables. L’école de Mirhalay est devenue le siège de rencontres internati onales. L’une des deux (ou trois ?) personnages principaux est Emilie, une jeune uni-versitaire ambiti euse, qui prépare une thèse sur les per-sonnages féminins dans l’œuvre de Donnell, fasciné par le spécialiste internati onal, qui lui laisse miroiter une chaire presti gieuse. Dans ce séminaire où Emilie l’a entraîné, Frank, le compagnon de la doctorante, essaie de se faire oublier. Il se fait un ami, le gardien de l’île, sorte de philo-sophe amer qui cherche un refuge dans une chambre ca-pitonnée de mousse qu’il appelle « la chambre sourde », « le seul endroit sur Mirhalay où l’on peut imaginer qu’on est ailleurs ».Alice Zeniter a construit son roman en cercles concentriques: la peti te île perdue, le séminaire, la chambre sourde. C’est un roman d’amour avec des pas-sages torrides, comme il se doit. Mais le lecteur prend peu à peu conscience que les amours se délitent, et se pré-parent à sombrer dans l’oubli. Il y a plus, et mieux : la parfaite connaissance et l’exploi-tati on litt éraire de tout le système universitaire : journées

d’études, citati ons, références bibliographiques, notes en bas de page …Pour notre plus grande jubilati on, Alice Zeniter croque le peti t monde des jalousies, des egos surdimensionnés : les savants jaloux de leurs préroga-ti ves et de leur statut sont prêts à recourir aux moyens les plus féroces, tels l’énucléati on, pour éliminer leurs concurrents ; elle le fait à la manière d’une séquence à la Quenti n Taranti no, dans la descripti on d’une vision délirante de Franck qui semble ici être le porte-parole d’Alice. Elle le fait aussi sur un mode plus policé, mais tout aussi irrésisti ble, dans son portrait d’un orateur qui n’en revient pas d’être aussi intelligent : « Il marqua à nouveau un temps, un silence si serein et si affi rmé que Frank put imaginer une seconde que le psychanalyste al-lait quitt er nonchalamment son pupitre et venir s’asseoir dans le public pour réfl échir à ses propres questi ons ».Encore plus subti l : Juste avant l’oubli a pour thème ap-parent une recherche sur un auteur de romans policiers, alors que cet ouvrage est lui-même un roman policier, avec des personnages hauts en couleur et un coup de théâtre fi nal.Cohérence du thème de l’oubli, annoncé dans le ti tre, habileté de la constructi on, maîtrise du suspense, et de la langue : on ne peut qu’admirer la virtuosité (soulignée à juste ti tre en quatrième de couverture) qu’Alice Zeniter déploie ici. La source de cett e virtuosité : cet auteur a une haute idée de la lecture et de l’écriture, et elle l’ex-prime dans une formule frappante : « La litt érature est un Kama Sûtra intellectuel ».

Même si on ne suit pas les préceptes de ce célèbre guide pour une vie vertueuse et gracieuse, Alice Zeniter a bien fait passer son message.

Francis Beretti

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M u s a t t u a l i t à

présentati on) et de Jacques Filippi (pour la lecture) son premier roman "Chutes ou les mésaventures de M.Du-rand". Comment un individu peut-il résister à la pression du monde actuel, dans la sphère professionnelle, sociale? M. Durand va laisser tomber les barrières du bien vivre ensemble et va révéler dans cett e parabole ce qu'est sans doute au fond tout homme, un être tragique.Le thème "le livre dans le livre" est bien présent là encore puisque ce livre est un hommage à GJ Arnaud, à Giono...et à quelques maîtres que Gilles Zerlini évoque, rêveur. Son roman est édité chez Materia scritt a où Claire Cecchi-ni, la responsable, fait merveille.

Simone de Beauvoir et Marie Curie, qui ont aimé. L’une aurait dû n’avoir que son Sartre, l’autre aurait dû avoir tou-jours son Pierre...Mais la vie est là, avec ses désirs...Emma-nuel de Waresquiel s’est quant à lui intéressé au parcours de Fouché. Les interrogati ons ont fusé quant à la liberté plus grande des romanciers par rapport aux historiens. Irène Frain livre un pan des recherches faites pour fonder son propos : Marie Curie tenait un registre de ses dépenses et cela en apprend beaucoup sur ce qu’elle vit. Et le roman est aussi reconsti tuti on historique, scrupuleuse. Mais la part de la psychologie, de subjecti vité dans l’œuvre, quelle est elle ? Une questi on affl eure: qui peut parler en histoire comme en litt érature d’objecti vité?!

Le bistrot des voyageurs, avenue Maréchal Sebasti ani, est un établissement à fréquenter et à conseiller, un lieu de paix, où dans un cadre des plus agréables on apprécie l’ac-cueil sobre et chaleureux de Stefanu Celeri, les repas sa-voureux du chef, Jean-Pierre Simon.

Dans le cadre de l’acti on cultu-relle annuelle Histoire(s) en mai, l’équipe de Musanostra a retrouvé au Bistrot des voya-geurs les responsables d’Arte Mare aux côtés de 2 des invités de ces journées consacrées à l’histoire, plus parti culière-ment à la biographie et à son traitement en litt érature. Mu-sanostra pour une rencontre

autour de «Amours de célébrités» a rejoint le beau public pour animer le café litt éraire au cours duquel, entre les dis-cussions avec les auteurs, il fut questi on de la vie de Picasso et de Dora, de Maryline Monroe, de Zelda Fitzgerald ou de Oona et Salinger. Irène Frain, auteur que l’on ne présente plus car elle a obtenu d’immenses succès en librairie de-puis le roman qui nous l’a véritablement fait découvrir, « Le nabab », s’est intéressée depuis quelques années au che-min plus ou moins scandaleux de deux femmes célèbres,

Histoire (s) en mai : Musanostra au Bistrot des Voyageurs

Rencontre avec Irène Frain et Emmanuel de Waresquiel

Vendredi 13 mai, 19 heures, l'Alb'oru, centre culturel basti ais, est éclairé malgré l'heure tardive car à la mé-diathèque se retrouveront des auteurs et des lecteurs pour échanger autour d'un thème des plus classiques en litt érature, l'intertextualité. "Le livre dans le livre" juste-ment dans l'œuvre imaginée par Alice Zeniter dans "Juste avant l'oubli", son dernier roman, un succès de librairie qui a d'ailleurs obtenu le Renaudot des lycéens tant l'au-teur sait embarquer tous les lecteurs. Arrivée le mati n même, elle a visité Basti a, admirant ses panoramas...A l'Alb'Oru où Jocelyne Casta et l'équipe de Musanostra l'att endaient, elle a révélé en toute simplicité, avec beau-coup de grâce, ce qui la moti ve pour écrire, ses passions litt éraires, sa façon d'écrire, sur le papier d'abord, malgré ses 29 ans, ses rapports à ses personnages, à la litt érature en général.Nous avons eu le plaisir de l'entendre lire un passage de son roman et elle a répondu aux questi ons de Nathalie Malpelli, questi ons relati ves à la forme, au style ainsi qu'au fond, ce qui a permis à ceux qui avaient lu l'œuvre de mieux en saisir la richesse et à ceux qui allaient la lire de s'en faire déjà une idée.Une leçon de lecture, d'écriture, d'humilitéGilles Zerlini était le second invité de ce moment litt é-raire ; il a présenté, aidé par Bénédicte Savelli (pour la

Musanotra à l’Alb’Oru

« Le livre dans le livre » avec Alice Zeniter et Gilles Zerlini

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Le bistrot était plein, éclairé d’une lumière ouatée. On s’y sentait doux comme dans du coton, moelleusement couvés comme des hirondeaux dans le duvet de la mère. Même les clients qui étaient debout semblaient très à l’aise. Il n’y avait d’ailleurs aucune place libre en vue. Sébastien et Justine durent donc se diriger directement au bar. Les nouveaux arrivants n’étaient pas le seul couple mixte de la salle. Blancs, Blacks, Beurs, Asiatiques et même des sang-mêlé : il y en avait de toutes les couleurs. Et puisque nous parlons de couleurs, précisons que Jus-tine portait un chandail bleu nuit sur une jupe sombre, coiffée d’une casquette blanche à la gloire d’Obama que lui avait prêtée son compagnon, les yeux derrière ses lunettes rectangulaires à monture de jais. Elle paraissait simple et naturellement attirante. Sébastien était lui aussi d’une élé-gance décontractée, dans une chemise blanche et un blue jean. Il y avait des télévisions aux quatre coins de la salle, câblés sur diverses chaînes qui couvraient l’événement de-puis trois jours d’affilée. Accoudés sur les tables d’un bois cendré, les clients se parlaient, riaient et se tapotaient dans une ambiance guillerette. Il n’y avait pas l’ombre du stress –et ce mot est franchement ici un cheveu dans la soupe – on eût plutôt parlé de détente avant la jubilation. Obama gagnerait. C’était maintenant une évidence irréversible. Nos amis se glissèrent entre deux Noirs qui avaient les yeux attachés sur l’écran, assis sur des tabourets, les jambes hissés sur le pose-pieds en cuivre du comptoir. Ils paraissaient cependant quelque peu anxieux, pas en-core totalement convaincus que ce qu’ils étaient en train de vivre eût pu être possible. L’un d’eux sourit néanmoins à Justine, et fraternité black oblige en ce moment historique de leur race, la pria de s’asseoir à son tabouret. N’étant pas encore tout à fait à ses aises, il pensait qu’il tiendrait mieux debout ; lui ne serait tranquille que lorsqu’Obama serait officiellement déclaré vainqueur. A présent il valait mieux ne pas encore vendre la peau de l’ours. Jusqu’à la proclamation ultime des résultats du vote, tout serait en-core possible. Aussi vrai que les Blancs avaient marché sur la lune, ils étaient toujours capables de tout : un attentat

ou un quelconque coup de théâtre. Son petit discours dé-bité, l’homme saisit son verre et marcha plaisamment vers l’autre bout de la salle pour y prendre la température. Sébastien commanda deux consommations de whisky. Il était tenu face à sa compagne, appuyé d’un coude sur le comptoir, plutôt à l’aise sur ses jambes. Il se sentait un peu nerveux et pensait qu’il ne serait pas plus commode dans la posture assise… Pourtant les résultats continuaient d’affluer en faveur du candidat Afro-américain. Même le voisin Noir anxieux commençait à sourire tout seul dans le dos de Sé-bastien. Il sentait venir le couronnement suprême dont les siens avaient rêvé des siècles durant : pouvoir un jour ré-gner sur la race blanche. La barmaid, une jeune toubabesse de type Méridional, devait d’ailleurs se douter de ses rêves de conquistador à la Cervantès, puisqu’elle le regarda d’un air amusé en rebouchant la bouteille de scotch qu’elle ve-nait de servir. Sébastien et Justine firent aussitôt tchin-tchin, comme pour sonner minuit.

Une heure et quart. Ils étaient maintenant un peu pompettes, et criaient en même temps que les autres des « Yes we can ! » à chaque fois qu’une nouvelle victoire était attribuée à Barack Obama. Sébastien causait avec le Noir qui n’était plus anxieux. L’Africain archétypal. Il portait un complet de tissu pagne à motifs sahéliens. Bien membru, grand, très foncé, la tête farouchement chauve et le nez pulpeux. L’homme disait à Sébastien qu’il était originaire du Séné-gal et lui racontait comment, de l’île de Gorée, les esclaves étaient embarqués pour l’Amérique. Et que voici, trois siècles plus tard, leurs descendants allaient maintenant commander à leurs anciens maîtres. Puis, les yeux de plus en plus brillants, il demandait à Sébastien de lui parler de sa petite compagne. La petite compagne de Sébastien paraissait plus joviale que les deux causeurs. Elle tapait des mains et criait de plus en plus des « Yes we can !» . Le rire facile et le re-gard dardant des diaprures tous azimuts.

Grands Prix des Associations LittérairesGPAL (Afrique)

M u s a m o n d u

Barack l’Epervier !

Chaque année, l’Equipe des Gpal organise au Cameroun les Grands Prix des Associations Littéraires. Il s’agit de prix littéraires d’envergure internationale attribués à des auteurs plébiscités par un Jury d’au moins neuf membres. Les livres sont présélectionnés par des associations issues des quatre coins de la planète. Nous avons choisi, en partenariat avec les organisateurs de cette grande manifestation d’Afrique, avec les auteurs et les éditeurs concernés, d e v o u s f a i r e d é c o u v r i r c e s u n i v e r s o r i g i n a u x . B o n n e l e c t u r e .

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Une rumeur plutôt turbulente avait circulé que même si Mc Cain remportait tous les Etats qu’il restait à dépouiller, il ne pourrait parvenir à renverser la tendance. Dommage pour nous que cette bataille électorale ne fût pas un peu plus équilibrée, car cette histoire en au-rait considérablement gagné en suspense. Et les journa-listes mêmes, avec leur manie obsessionnelle de vouloir toujours garder les téléspectateurs scotchés sur leur repor-tage, n’arrivaient plus à maintenir les gens dans l’incerti-tude. « BARACK L’EPERVIER !» C’est le Sénégalais qui venait de crier l’hallali, sans avoir crié gare. Tout le monde posa sur lui des yeux trou-blés, intrigués par l’impromptitude de ce slogan sibyllin qui eût collé même Jon Favrau . L’on se demandait si l’Afri-cain délirait par excès de liesse. Et comme pour leur prou-ver le contraire, il descendit délibérément de son tabouret, prit la main de Justine souriante et l’entraîna fièrement

comme une championne olympique vers le milieu de la salle. Il voulait partager avec les autres ce que Sébastien venait juste de lui apprendre sur l’étymologie du nom Oba-ma. Une fois au centre du plancher, l’homme posa la main sur l’épaule de Justine et amorça une harangue d’eth-nologue : La fille qu’il tenait était Béti d’origine, une tribu camerounaise d’où serait partie celle kenyane de Barack Obama. Au moins quarante-cinq personnes dans son vil-lage portaient le nom du futur président américain. Oba-ma était en outre un mot du vocabulaire Béti qui signifiait l’Epervier… L’ on applaudit très fort le Sénégalais pour le remercier de son auguste leçon. Et dès lors, on ne cria presque plus « Yes we can ! », mais « Barack L’Epervier ! » Eric Mendi Extrait d’Opération Obama, Grand Prix des Belles-Lettres aux Gpal 2013

Je regardais Les Boites à Livres, Place Saint-Nicolas, lorsque mon attention a été attirée par un ouvrage de Georges Simenon, destiné à un public de jeunes lecteurs."Maigret et la grande perche". Georges Simenon, adapté en Français Facile par Brigitte Faucard-MartinezEditions CLE International1000 mots (niveau 2 : 700 à 1200 mots)ISBN 978 209 31810 4Au début de l'ouvrage, il est indiqué "Les mots ou expressions suivis d'un astérisque * dans le texte sont expliqués dans le Vocabulaire page 55." Parmi ces mots, on peut dé-couvrir : assassiner", "cadavre", "cambrioleur", "commissaire", "empoisonner", "enquête", "prison", "tuer", "victime", "voleur"...

Tout au long du livre qui ne comporte qu'une cinquantaine de pages sont aussi expliqués des mots ou expressions tels que "surnom", "une bonne", "boire un coup", "ivre"...

Ce livre est illustré, mais à aucun moment il n'est indiqué à quelle tranche d'âge il s'adresse. Et comme il s'agit d'un po-licier il ne peut pas avoir pour lecteurs de trop jeunes enfants... S'il s'adresse à un public avoisinant les 9/10 ans, je dois avouer que je m'inquiète alors du niveau des enfants à qui il est expliqué des mots aussi simples et courants que ceux que je viens de mentionner. Le niveau doit être malheureusement très bas et c'est à la fois consternant et regrettable.

Je ne vois pas non plus trop l'intérêt de condenser un livre de Simenon pour le réduire à une petite cinquantaine de pages, c'est une forme de trahison de l'auteur.

Par ailleurs offrir des livres ainsi "pré-mâchés" aux jeunes lecteurs, est-ce vraiment utile? A une époque déjà lointaine, il existait uniquement les livres pour enfants d'un côté, et les livres pour adultes de l'autre... Lorsque le jeune lecteur était épuisé de lire la comtesse de Ségur ou le club des cinq, il piochait dans la bibliothèque familiale pour y découvrir des textes un peu plus ardus... Les mots qu'il ne comprenait pas, il allait alors les chercher lui-même dans le dictionnaire. Cela lui était profitable car il enrichissait son vocabulaire, apprenait à utiliser un dictionnaire et surtout découvrait un texte intégral.

Odile de Petriconi, mai 2016

E n p a s s a n t

M u s a m o n d u

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A tout seigneur, tout honneur : 2016 voit célébrer le cin-quantenaire de la collection Poésie/Gallimard qui a dépassé le chiff re symbolique des 500 parutions, dont la plupart sont disponibles.

Au départ, la collection puisait ex-clusivement dans le riche fonds de la maison, la poésie étant depuis l’ori-gine (1911) au cœur des éditions de la NRF : Claudel, Supervielle, Breton, Eluard, Char, Guillevic…C’est d’ail-leurs Capitale de la douleur qui fut choisi pour le premier numéro en 1966.

La maquette de Massin, apparem-ment inspirée des séries de Warhol, reproduit une photo du poète, au milieu de la page blanche, en 5 exemplaires de cou-leur diff érente ; ce bandeau photo court aussi sur le dos et la quatrième de couverture. Sur cette dernière, aucune pré-sentation comme il est d’usage dans toute autre collection. Récemment, l’identité visuelle de la collection a évolué, les photos juxtaposées laissant la place à un portrait de l’auteur devant un long rectangle qui peut être un détail de tableau, un paysage ou encore le détail d’un manuscrit. Poésie / Gallimard s’est ensuite rapidement ouverte aux auteurs étrangers et contempo-rains, ainsi qu’aux anthologies par siècle, par pays, par thèmes ou par genre poétique. Les parutions de 2016 font la part belle aux auteurs contemporains, pas forcément édi-tés à l’origine par Gallimard : ain-si Jacques Darras, Abdelatif Laâbi, Anise Koltz.

Dans une chronique parue tout récemment dans le site Re-cours au poème et intitulée « Poétique de la collection Poésie », Eric Pistouley écrit une lettre adressée à la collection, citons-en ces quelques lignes pour clore ce chapitre :« Tes dos ont blasonné toutes les bonnes bibliothèques, des chenues jusqu’aux deux planches d’une chambre d’étudiant, semant des regards entre les titres crevassées et pâlis ! Réu-nie ou dispersée, quand je te vois quelque part, je me sens en compagnie. D’un lecteur? mieux : un taste-mots, un rêveur, un arpenteur musical. Il suffi t d’en remarquer cinq, douze, et ils sont tous là, les Cinq cents et quelques, un panthéon au

grand air. Car d’annexe de la nrf, te voici vaste et dispa-rate académie, ouverte aux douze vents. »Un autre grand éditeur parisien, le Seuil, propose une collection dédiée à la poésie : Points Poésie, créée en tant que telle en 2006 et dirigée par la romancière Vé-

ronique Ovaldé. Elle affi che un catalogue varié, avec de pres-tigieux auteurs étrangers, tels Rilke, Celan, Cummings, Yeats ou Juarroz.On y trouve les grandes voix de la francophonie que sont Césaire et Senghor. Sont égale-ment présentes dans la collec-tion des monographies sur des poètes : Char, Rilke (rédigée par Philippe Jaccottet)... Enfi n, les contemporains ne sont pas ou-bliés, comme Bernard Noël ou

Antoine Emaz. L'identité visuelle de la collection a évo-lué : au départ, un portrait dessiné de l'auteur en noir et blanc occupait la couverture, mais la photographie est apparue dans les volumes récents.

Les autres grandes maisons de poche, en général, n'ont pas une collection spécifi quement dédiée à la poésie : c’est ainsi qu’au Livre de Poche on ne trouvera guère, à l’exception d’un Boris Vian, que les grands classiques. GF propose aussi des poètes du grand XXème siècle un peu moins en vue : Reverdy, Tzara fondateur du dadaïsme, Toulet et ses Contrerimes…De la même façon, il faut aller pêcher certaines perles dans la collection Babel d’Actes sud : outre les classiques

orientaux d’Omar Khayyam et Abu Nuwas (Le Vin, le Vent, la Vie), une anthologie du grand poète palestinien Mahmoud Darwich ; mais également les Disparitions, recueil de Paul Auster : le ver-sant poétique de l’œuvre de cet auteur, primordial pour lui qui a par ailleurs traduit en anglais des poètes français, est assez méconnu.

A l'heure du Printemps des Poètes, nous nous proposons de dresser un rapide panorama de l'éditi on de poésie en format poche.

De la poésie plein les pochespar Sam Bozino

M u s a p o e s i e

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On peut aussi dénicher de la poésie chez Rivages Poche : outre des classiques étrangers tels Leopardi, Shelley, Blake ou Donne, on tombera pour le XXème siècle sur le poète anglais W.H Auden ou sur la Poésie en forme de rose de Pa-solini.

Faisons un détour à la Table Ronde : sa collection la Petite Vermillon recèle pas mal de trésors. Bon nombre d’antho-logies, tout d’abord : soit par origine géographique (Italie, Afrique et Antilles, Bretagne, Loire et même Tahiti), soit par thèmes : la bonne chère, la poésie ferroviaire…Le XXèmesiècle est bien présent, et par-fois avec des auteurs méconnus (une anthologie est d’ailleurs consacrée aux poètes délais-

sés) : Rien que l’amour, poésies complètes de Lucien Bec-ker (1911-1984) présentées par Guy Goff ette. Ou l’auteur et voyageur marseillais Louis Brauquier, cofondateur de la revue Sud : Je connais des îles lointaines. Citons encore les œuvres complètes du poète québécois « maudit », Emile Nelligan (première moitié du XXème siècle). Plus proches de nous, on trouvera, toujours dans la Petite Vermillon, les haïkus de Kerouac et les contemporains William Cliff et Va-lérie Rouzeau.

Dans le domaine du « Poche poétique », on ne saurait ou-blier une collection bien nommée : Orphée, aux éditions de la Diff érence, créée par le poète Claude-Michel Cluny. Ces petits volumes colorés (une couleur par continent) appa-rus dans les années 90 arborent une effi gie d’Orphée dessinée par Arman pour la première série, Julio Pomar pour la deuxième et le peintre serbe Milos Sobaïc pour la plus récente : la collection a tout de même dépassé les 230 parutions, et bien qu’ayant été ar-rêtée pour raison économique en 1998, on a eu le plaisir de la voir ressusciter en 2012, comme an-noncé sur le site Poézibao : « Il semblait que cette collection mythique allait sombrer corps et biens. Eh bien non.Très belle nouvelle de printemps, Orphée revient de nouveau des Enfers… »A son lancement, l’Express la saluait en ces termes : « Non

content d’être de poche, soignée et bilingue, Orphée pu-blie en rafales des volumes à des prix imbattables. » La fréquence des parutions a certes baissé depuis, mais elle assure 6 nouveautés et 3 rééditions par an, toujours à des prix bas : parmi les plus récents, on peut citer l’œuvre poétique de Th omas Bernhard, des textes de Laurent Tailhade, disciple de Verlaine, ou encore Nous sommes un autre soleil du Chilien Gonzalo Rojas…

Finissons par deux éditeurs qui ont souvent été partie prenante du Printemps des Poètes ces dernières années, même si leurs livres ne paraissent pas dans des collections de poche stricto sensu : ce sont quand même des petits formats et à des prix raisonnables : le Temps des Cerises et Bruno Doucey.Le Temps des Cerises, animé par le poète Francis Combes, propose par exemple sa collection « engagée » 101 poèmes contre la guerre, contre le racisme ou sur l’amour. Il a participé aux campagnes d’affi chages poé-tiques dans le métro parisien. C’est cet éditeur qui a tra-duit en France le recueil du poète palestinien Instruction à l’intérieur, récemment condamné en Arabie Saoudite.

C’est aussi un poète qu’on peut qualifi er d’engagé qui di-rige les éditions Bruno Doucey. Celui-ci a d’abord dirigé une collection chez Seghers avant de fonder sa propre maison. On retiendra notamment la belle collection Soleil noir où cohabitent le méditerranéen F.J. Temple (Phares, balises et feux brefs), le Breton Yvon Le Men ou

bien la Coréenne Moon Chung-hee qui livre sa conception de la poésie à la fi n du recueil Celle qui mangeait le riz froid :« La poésie, tout comme le corps humain, est une fl eur pourvue de beauté, de tristesse, de désir et elle est aussi un chemin. Je souhaite que ma poésie qui est le corps et le chemin vole comme

une fl èche pour atteindre dans un frémissement votre cœur… »

La collection Embrasures quant à elle propose « des pe-tits recueils pour ouvrir à tous la porte de la poésie sans en perdre l’incandescence ».

M u s a p o e s i e

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Coup de cœur : la collection Po et Psy

Inattendue parce qu’hébergée aux éditions toulousaines Erès, spécialisées dans la psy-chologie et les sciences humaines, elle est dirigée par la poète Danièle Faugeras. La présentation est originale et soignée : certains volumes prennent la forme d’un étui qui enveloppe des textes parfois non reliés, d’autres comportent des illustrations. Là aussi, la part belle est faite aux poètes étrangers : citons le cinéaste Abbas Kiarostami qui écrit des poèmes analogues au haïku, et un jeune poète iranien auteur de poésie amoureuse à la fois moderne et évoquant la tradition persane : Jusqu’à toi combien de poèmes, Alireza Roshan. Pour rester dans le poème bref, signalons aussi les Secondes du grand poète grec Iannis Ritsos, écrits peu avant sa mort.

Cœur pur

Je n’ai ni père, ni mère,ni dieu, ni patrie,ni berceau, ni linceul,ni baiser , ni maîtresse.Voilà trois jours que je ne mangeni beaucoup ni peu.Mes vingt ans, c’est ma puis-sance.Mes vingt ans, je les vends.Si personne ne les veut,Que le diable les prenne.le cœur pur je force les portes,Et s’il faut, la mort j’apporte.On m’att rape et on me pend,En terre bénie on m’étend,de la mort la mauvaise herbepousse sur mon cœur superbe.

Attila Jòsephmars 1925

Tout reste à lirenous le savonsdans l’herbedans le sablesous le pied qui trébuche au caillousous l’algueIl faudrait déchiff rertout ce qui est off ertlire l’empreinte »

Jeanne Benameur

tu as pleuré sur tous les prisonnierssauf sur moiqui en toisuis prisonnier à vie҉

j’ai la poésiej’ai la souff rancej’ai la séparati onje ne t’ai pas, toivoilà ce que signifi e avoir

Alireza Rôjan

tu as pleuré sur tous les prisonniers

M u s a p o e s i e

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La médiathèque de Folelli s’est transformée le temps d’une lecture dans l’espace, la chose a de quoi séduire, en théâtre de fortune le 10 mars dernier. C’est dans ce lieu, creuset de la création et incubateur prolifi que d’actions culturelles que la pièce en langue corse, Ghjacaru Solu, écrite par Stefanu Cesari, s’est taillé sa part de lumière.

Le sujet a été inspiré à l’auteur après sa découverte de l’œuvre du poète Alber-to Manguel, écrivain canadien d’origine argentine, qui raconte dans « Espion de Dieu » comment des centaines d’étudiants furent enlevés durant la dictature militaire argentine, assassinés, et certains rendus à leurs parents dans des sacs postaux, posés devant leur porte. Ghjacaru Solu met en scène ce tortionnaire, avatar de centaines d’autres dicta-teurs de par le monde, dont l’identité refl ète l’absence de compassion, la cruauté et la barbarie la plus abjecte. Pourtant ce n’est pas de cette voix dont l’auteur veut parler. Il nous la fait entendre pour que retentisse encore mieux celle des martyrs. Il marie les contraires en convoquant sur la scène celui qui commande : l’homme, et celle qui résiste : la femme. C’est de cette rencontre contre nature que nait la voix des absents, des disparus, des victimes. Il est des instants dans la création artistique où le propos de l’écrivain se marie

aisément à la pluralité des voix qui composent son œuvre. Et c’est le cas ici.Cette lecture de grande qualité nous fait assister au résultat harmonieux qui se dégage du « jeu » incarné sur la scène par les trois personnages qui y sont présents. La guitare « battente » de Sekli enfi èvre par les grains orientaux qu’elle fait naître le rythme galopant de l’écriture.

Ces voix enfermées et caverneuses au début, parce que le travail de l’écrivain est intimiste et solitaire, parce qu’elles ré-sonnent de tout leur poids, deviennent légères et opérantes lorsqu’elles trouvent enfi n le comédien qui les transporte. Les idées prennent forment sur le papier, résistent, se transforment, les mots se présentent nombreux, le poète les arrange ou les dérange agençant son alphabet de signes empruntés au seul territoire de sa géographie intime. Les courbes et les lignes, sur lesquelles les mots s’équilibrent, s’aff ranchissent du langage en impo-sant leurs silences. Et c’est le comédien Pierre-Laurent Santelli qui s’en imprègne. Il s’approprie avec une grande acuité les sons et les gestes et rend avec énergie l’empreinte des hommes, des femmes et des enfants que le bourreau a désignés.

L’œuvre touche à son but lorsque le propos devient polyphonique. Entre les trois personnages présents sur la scène, le musicien, l’auteur et le comédien, tous se réclament de la même genèse. Le travail en commun accompli avec beaucoup de fi nesse laisse entendre la mélodie juste et précise d’une œuvre réussie.

Textes et dessins: Alain FRANCHI

G h j a c a r u S o l u

M u s a t e a t r u

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J e a n - R a p h a ë l C e r v o n i : u n a u t e u r p r o l i f i q u e e t d i s c r e t

S i l ' h o m m e e s t d i s c r e t , i l n ' e n e s t p a s m o i n s u n e f i g u r e c o n n u e , e t m ê m e u n e v o i x f a m i l i è r e , p o r t é e p a r l e s o n d e s d e R C F M j u s q u ' a u x o r e i l l e s d e s a m a t e u r s d e s p o r t , d ' é t r a n g e o u d ' h u m o u r . J e a n - R a p h a ë l C e r v o n i e s t s u r t o u t u n a u t e u r p r o l i x e q u i n o u s f a i t p a r t a g e r s o n g o û t p o u r l ' h i s t o i r e à t r a v e r s s e s o u v r a g e s . D e s e s m u l t i p l e s c a s q u e t t e s e t d e s e s c e n t r e s d ' i n t é r ê t v a r i é s , i l t i r e l a m a t i è r e p o u r d e s l i v r e s à l a f o i s r i c h e s e t a c c e s s i b l e s .

L'historien qui sait allier l'érudition et les qualités du pédagogue propose ainsi régulièrement à un large public de découvrir des pans du passé de la Corse prise dans les évènements marquants du XXème siècle. On rappellera Le petit dictionnaire de 14-18, écrit avec son épouse Marie-Flore, ou Avant l'orage et Les Corses dans la tourmente (en collaboration avec André Cesari) qui donnent une vision détaillée et accessible de cette période particulièrement tragique pour la Corse.

La petite histoire intéresse aussi ce curieux, passionné par tous les aspects de la vie en Corse et qui a collecté au cours d'années de recherches, d'enquêtes et de consultations d'archives, quantité d'informations et de récits depuis le Moyen-âge pour nourrir les colonnes du Petit Bastiais dont il est un collaborateur ré-gulier. Avec ses Chroniques de la Corse ancienne publiées en novembre dernier aux éditions Clémentine, il nous a off ert un recueil de ces anecdotes et faits di-vers où la vie quotidienne de la société insulaire croise bien souvent les grands moments ou les personnages importants de l'Histoire. Emplies de mystère ou

très prosaïques, souvent amusantes et toujours insolites, ces petites histoires rappellent les mœurs et les croyances des corses au cours des siècles. Elles montrent aussi parfois combien la vie dans nos villes et nos villages a pu être rude, pour les plus modestes surtout.

Avec Le couvent San Francescu di Caccia et Castifau, ce sont les richesses de sa commune d'origine qui sont mises en valeur, tout comme il le fait à longueur d'année en animant l'association San Francescu di Caccia qui œuvre pour la sau-vegarde du patrimoine de Castifau.

Mais Jean-Raphaël Cervoni est également un Bastiais de cœur, amoureux de la ville dans laquelle il vit, doublé d'un fervent supporter et observateur attentif de l'univers sportif. C'est ainsi qu'après Les rues de Bastia, réédité il y a peu, ou L'épopée européenne du SECB, Bastia sera à nouveau au centre de l'ouvrage qui paraîtra prochainement aux éditions Clémentine. Les murs de Bastia, écrit en collaboration avec Alice Coudrain, nous en promet une visite originale et très visuelle. Accompagnés d'un photo-graphe, les auteurs en ont arpenté les rues pour prendre plusieurs cen-taines de clichés qui refl ètent la richesse et la diversité du patrimoine de la ville. Façades, portes, plaques ou sculptures sont autant d'occasions pour faire le lien avec un personnage célèbre, un moment de l'histoire de la cité, une anecdote ou simplement admirer une particularité architecturale.À découvrir donc en fi n d'année, ce nouveau voyage dans la ville proposé par un auteur dont le premier livre s'intitulait -déjà- Il était une fois Bastia (Scola Corsa 1988).

Marianne Laliman

M u s a p a r u t i o n

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- « Cours, Anna, cours ou ils vont t’attraper ! »

Anna ne bouge pas. Elle va se faire prendre comme d’habitude et une fois de plus elles vont perdre à cause d’elle. Charlotte en a marre. Maman dit que c’est son devoir de grande sœur de la prendre dans son équipe mais à chaque fois c’est la même chose. Elles perdent et les gamins de l’immeuble se moquent d’elles.Charlotte va s’asseoir sur le banc, déçue. Anna l’imite en silence. - Vous êtes trop nulles les fi lles, raillent les garçons.

Charlotte fulmine de voir Oscar et Louis parader ainsi, alors, pour se venger, elle les ignore et se met à parler à Anna avec les mains. Les garçons détestent quand elles font ça et elles, elles adorent.- Qu’est-ce que vous dites ? demande Louis.Les fi lles ne répondent pas et continuent leur conversation secrète en lâchant par moment de grands éclats de rire.- Laisse tomber, dit Oscar, elles disent rien du tout. Ce sont des crâneuses. Allez viens, on va dans notre cabane.

Les garçons vont s’abriter sous le gros platane au centre de la cour et tentent de monter des barricades à l’aide de branches cassées.- Si vous voulez venir, il faudra trouver notre code secret, s’écrie Oscar.Anna les épie.- Qu’est-ce qu’ils se disent ? demande Charlotte.La petite lui fait signe d’attendre un peu.- Alors, s’impatiente Charlotte, tu sais ce que c’est leur code secret ?Anna les observe toujours. Les garçons rient fort. Ils pensent avoir gagné grâce à leur mystérieux mot de passe.Quelques minutes plus tard, les sœurs les rejoignent. L’aînée, en tête, annonce sûre d’elle :- « Patate crue 004 »Oscar et Louis les regardent éberlués. Et les autorisent à entrer. Les quatre enfants commencent à préparer le repas dans un rituel bien rodé. Mais avant que la dégustation ne débute, Eloïse, la maman des fi lles, les appelle du balcon. C’est l’heure du déjeuner. Le vrai cette fois.

- Vous avez bien joué mes chéries ? demande papa.- Oui oui, répond Charlotte même si on a encore perdu à loup, dit-elle en fustigeant Anna du regard.- Charlotte ! dit mamanLa famille s’installe à table. Le samedi midi, c’est steak-frites. Les fi lles adorent ça. Elles supplient les parents pour avoir un peu de ketchup. Charlotte affi rme que sans, ce n’est pas un vrai samedi. Papa cède. Maman lui fait les gros yeux.- Eh, ne me regarde pas comme ça ! Ce n’est pas ma faute si ces deux là ont hérité de ton caractère, se défend-il dans un clin d’œil. Les petites rigolent. Quand le fl acon de ketchup arrive sur la table, elles se jettent dessus et en remplissent généreusement leur assiette pour dessiner des bonshommes. Anna emploie une frite comme pinceau. Charlotte, quant à elle, opte pour les dents de la fourchette mais papa se plaint du grincement du métal sur l’assiette.- Tu ne peux pas faire comme ta sœur et utiliser une frite toi aussi ? Ça agace tout le monde ce bruit.- Non, c’est pas vrai, ça agace pas Anna, argumente Charlotte.Anna intervient. Si, elle aussi, ça l’énerve quand sa grande sœur utilise les couverts.- Sale petite peste, lâche Charlotte.Anna se vexe et lui envoie une frite dans la fi gure. Papa se fâche et maman menace de les priver de dessert.

Les fi lles se calment et poursuivent le repas en silence. Charlotte adresse cependant quelques regards noirs à Anna qui mordille ses frites dans un sourire satisfait. Papa et maman discutent de la semaine à venir et annoncent à Anna qu’elle

Ma petite soeur

C é l i n e M u d r y , j e u n e m a m a n q u i v i t à C o l m a r , e s t l a l a u r é a t e d u c o n c o u r s d ’ é c r i t u r e M u s a n o s t r a 2 0 1 5 d o n t l e j u r y é t a i t p r é s i d é p a r L a u r e n t G a u d é .

M u s a c o n c o u r s 2 0 1 5

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manquera l’école pendant deux jours pour aller à Paris avec eux. Charlotte voit rouge. Elle a envie d’intervenir mais n’ose pas. Elle sait que si elle le fait, elle va se faire rabrouer.- Tu iras chez Nanou, dit papa à Charlotte d’une voix douce. Tu es contente ?- Oui, oui, je suis contente.En vérité, Charlotte n’a pas envie d’aller chez Nanou alors que Mademoiselle Anna va visiter la Tour-Eiff el. Parfois, elle regrette d’être arrivée en premier. Elle se demande quelle serait sa vie si les places étaient inversées.

Après le déjeuner, les fi lles s’installent devant la télé et jouent à pince-mi, pince-moi. Papa, qui n’arrive pas à suivre les actualités dans leur brouhaha, leur demande de se calmer.- Mais c’est Anna qui pousse des cris, proteste la grande.Papa ne dit rien mais lui fait signe de se taire avec les yeux.Si seulement je pouvais être parfaite comme Anna, songe Charlotte, tout le monde serait content. Elle repense à l’appré-ciation de sa maîtresse sur son dernier bulletin.« Charlotte devrait se montrer plus discrète et apprendre à laisser la parole aux autres. »Maman avait lu le mot sans rien dire mais Charlotte avait bien vu qu’elle avait les yeux mouillés. Elle était restée de lon-gues minutes, pensive, à dévisager ses fi lles. La maîtresse n’était vraiment pas maligne, c’était papa qui l’avait dit à maman quand ils s’étaient retrouvés seuls dans la cuisine alors que Charlotte les écoutait à travers la cloison.

Les fi lles ont arrêté de chahuter et suivent d’un œil distrait les informations. Anna s’est couchée sur les genoux de papa. Charlotte aimerait bien faire pareil mais elle est trop grande, ce sont les bébés qui font ça.Maman les appelle pour ranger leur chambre avant de se coucher pour la sieste. Charlotte s’exécute alors que sa petite sœur ne réagit pas. Elle se retrouve seule à faire la corvée et elle peste. Elle sait très bien qu’Anna en profi te et fait comme si elle n’avait pas compris l’appel de maman. Quand sa cadette la rejoint enfi n, sollicitée par papa, la chambre est déjà presque impeccable. Il ne reste plus que la bibliothèque à trier. Anna s’y attèle. Pendant que cette dernière remet de l’ordre dans les livres, Charlotte l’insulte dans son dos, d’une voix faible pour que les parents ne l’entendent pas. Elle lui dit toutes les méchancetés qu’elle contient en elle. Qu’elle préfèrerait qu’elle n’ait jamais existé, que c’était mieux avant, quand elle n’était pas là et que de toute façon, elle ne fait que causer du souci à tout le monde et peut-être que même les parents pré-fèreraient qu’elle n’existe pas. Qu’elle n’est pas normale, qu’elle la déteste et qu’elle espère qu’un jour elle partira dans une pension spéciale, comme en parlent parfois papa et maman. Quand maman arrive pour fermer les volets, Charlotte s’arrête. Maman les félicite d’avoir bien rangé la chambre et leur dit combien elle est fi ère d’avoir de si gentilles et jolies petites fi lles. Elle les borde et les embrasse. Anna sourit à Charlotte et lui envoie un baiser avant que maman n’éteigne la lumière.

Charlotte se cache sous les draps pour étouff er ses sanglots. Elle s’en veut d’avoir été si méchante mais c’est plus fort qu’elle. Elle ne veut pas que maman et papa l’entendent pleurer. Elle n’oserait pas leur dire ce qu’elle a fait. Elle a trop honte. Et puis elle aurait peur qu’ils ne l’aiment plus. Elle voudrait eff acer ce qui vient de se passer et demander pardon à Anna.Elle pleure encore, ça ne s’arrête pas jusqu’à ce qu’elle sente Anna se glisser dans son lit, se serrer contre elle et lui caresser le visage.- « Ma petite sœur est extraordinaire, elle a des pouvoirs magiques », pense Charlotte avant de s’endormir.

Charlotte est née le 15 octobre. Deux ans après, Anna est venue au monde, atteinte d’une surdité profonde.

Céline Mudry

M u s a c o n c o u r s 2 0 1 5

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Cette philosophie désolée a donné naissance, dans l’œuvre de Guy de Maupassant, à des réactions en apparence contradictoires, mais qui sont, en fait, souvent liées à son état physique et mental.

Le sarcasme. Le jeune conteur de La Maison Tellier et de Ma-demoiselle Fifi exprime son pessimisme sous une forme générale-ment sarcastique et brutale. Encore tout imprégné des leçons de son maître Gustave Flaubert, Guy de Maupassant sonde les bassesses du cœur avec une délectation vengeresse, grossit le trait jusqu’à la cari-cature et se plaît à scandaliser.

La pitié. Lorsque sa santé s’altère, Guy de Maupassant tend à quit-ter le ton sarcastique pour se pencher avec sympathie sur la misère humaine. Il peint des bourgeois crédules et niais, mais sans s’égayer à leurs dépens (Monsieur Parent) ; et il évoque avec une émotion contenue la vie misérable des vieilles fi lles (Miss Hariett) , des ma-lades des vieillards et des gueux.

L’angoisse. Cependant, le progrès de son mal et l’abus des drogues provoquent en lui de fréquents états d’angoisse dont il cultive les aff res et les eff ets délirants. Plusieurs contes témoignent de son goût

morbide pour la peur : il analyse ce sentiment irraisonné qui s’empare parfois de l’âme anxieuse et la fait fris-sonner comme si une menace pesait sur elle (La Peur) ; il peint des névrosés qui redoutent les bruits la solitude et la nuit (Apparition, Lui) ; un obsédé qui se convainc qu’un être invisible hante sa maison et s’acharne contre lui (Le Horla). Tous ces récits traduisent sous une forme dramatique ou mythique l’horreur anxieuse de Guy de Maupassant devant le mystère insondable de la mort.

Il est mort à 43 ans- S. Michineau (1er mai 2016)

Guy de Maupassant,

L’expression de désespoir

A propos de

Guy de Maupassant,

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Livres en vrac

Un récit à la première personne, poignant souvent, qui s'ouvre sur un hommage à sa femme, toujours là, sur son amour pour ses proches et son chat et sur L'Afrique, son continent, "ma terre d'adoption". Pourquoi sa grand-mère lui a t-elle dit un jour qu'il avait la tête à l'envers, tout enfant ? ça ne s'oublie pas, ça transforme, des déclarations comme ça et on fi nit par en faire des bêtises ! Le parcours de R Bohringer n'a pas été facile : sans parents, il va vite se sentir seul ; il faut se construire avec d'autres et autre chose. Il livre ses expériences, il évolue, il régresse, touchant à tout ce qui passe à sa portée, pour s'évader, pour planer. Les amitiés, l'amour, la démesure, les événements importants dans sa vie professionnelle, la musique...il dit sincèrement sa bassesse et sa grâce aussi, mais celle là c'est nous qui la décelons, à l'heure où il se sent rattrapé par les limites de son corps, fatigué. "Foutu cancer. Celui qui veut plus que je vive la vie." De l'alcool, du reste aussi, il choisit d'en parler et beaucoup du cinéma, des rôles, des acteurs

et metteurs en scène. Une promenade avec ce grand cœur bourré de talent qui s'est fait des amis partout et qui a su faire un parcours magnifi que. Aujourd'hui Il fait des croix sur certaines choses, s'appuie sur sa famille, sur des visages bienveillants et riches et savoure enfi n le présent. "La vie a passé trop vite".

Merveilleux interprète comédien et chanteur, bel auteur dont l'écriture surprend et frappe fort en petites phrases courtes, effi caces comme des upercuts MF Bereni Canazzi

Au début, c'est un peu long, les clichés sont là, je me suis dit "pas trop ": un ajaccien, Seb, a touché à ce qui n'est pas clair(argent sale, drogue) et est tué devant un bar. Bof, failli refermer, déjà vu. Quand son père Hugo prend sa place dans l'intrigue et qu'il prend en charge l'enfant de Seb, Vittoriu, encore bien des lieux communs. Que dire des expressions corses qui parsèment le texte? Fallait-il faire couleur locale ? Je vous laisse le soin d'en juger, je n'ai pas trop apprécié d'avoir à chercher le sens, souvent pour pas grand chose.Mais, grâce au jeu des diff érentes voix, on entre dans les pensées de chacun et les personnages sont bien attachants : il y a d 'abord le petit garçon, le fi ls de la victime, espiègle, attachant, un surdoué, Ugo et son fi ls défunt (oui, on l'entend aussi, ectoplasme) et les autres. Le dernier appel de Sébastien Cristiani a été pour son fi ls et l'enfant doit être préservé, ce que le grand père, musico, cherche à faire au fi l des pages. Mais il a voulu venger son fi ls et à présent il est traqué. Avec son van de routard sur le retour et un petit fi ls plutôt dans la communication, il va devoir aller vite et loin. Tout y est , l'avocat des corses qui a réussi, se met en scène, la paumée des qui les prendra en charge quand il le faudra, l'ex petite amie du fi ls , la mère de Vittoriu.Finalement, malgré soi, on est embarqué et du milieu à la fi n du roman je ne l'ai plus lâché. C'est pour cette raison que je me suis fendu de ce billet, ce livre est un bon road movie ethno policier.

Quinze rounds Richard Bohringer Flammarion Roman 2016

Sanguinaires Denis Parent Robert Lafond 2016

Quinze rounds Richard Bohringer Flammarion Roman 2016

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Fù mamma a prima à mintuvà « e virtù di Catalina », ùn avìa altru chì dì, mamma, quant’è ch’ella fussi issa sola sbuccata (ùn dicìa tantu) u riasùntu di tutte e virtù di l’Universu o almenu un fruttu suchjosu ch’omu ùn si sbrama mai di mastucà. Invece di falli appinzà e labre cum’è à inghjunu, e « virtù » di Cata-lina e li attundulìanu cum’è una carezza « e virtùùù… e virtùùùù… ». A si allisciava in bocca, mamma, issa parolla deliziosa. Eiu, mì ! Sputate in faccia e li avarìa e sò virtù : ftù !... ftù !.. Ma oh… Trà mè è Mariuccia eramu e maiò. Ùn pudìamu dì nulla è ne prufittava a tardivella virtuosa… À rombu à rombu, u gridu pu-blicu, puru ùn sapendu u fattu, si era impatrunitu di u dettu è ne vense batteza a nostra surella : «A Catali-na di e Virtù », quant’è ad esse vutata pà u sempre à e Virtù tutte quante ! Stà à vede ch’ella ùn sia stata a più Santa maiò di u Paradisu… E virtù, l’avìa tutte… fora di quelle chì sarìanu state forse à ghjuvore di a nostra casarella : spazzà, andà à l’acqua, purtà à mamma u so carcatellu di e scope… Mamma vèdiva chì ci allivava cù quattru sciotte, cinque ghjalline è un picculu piantaghju… Mamma chì par un sì o un nò inghjacarava e duie figliole ma stava à fighjulà a terza in bocca. Ma diciarete : prigava quella santa ? si lacerava ? Ahù ! A dumènica in ghjesgia, capi calata, fassi croce è ti-rati l’usciu !… À le volte, quand’elli li vinìanu l’ochji sbarullati un zùppulu (à contu meiu affumicati da i candeli) e dunnaciole cridànciule si tuccavanu di ghjòvitu : mì !.. mì !.. avà « vede » ! Ma nulla, sogna à dilla, d’una « magnacristu è cacadiavuli » : nè man-ghjava nè cacava Catalina è sarà stata ancu par quella chì mamma li truvava tante « virtù » è dopu ad ella u paese sanu ! Prete Jaffrelou, un Francese trasaltatu chì ùn intindìa verbu di a nostra lingua è durmìa in campanile par murtificazione, ùn fece mai nè tottu nè mottu. Fatti chì aspittava calchì miraculu par palisà si. À a funta-na andavamu trà mè è Mariuccia. A campa ch’ella ci era, a funtana ! Ma i ghjuvanastri ci cannuchjulàvanu da luntanu : surelle di Santa, mancu à dilla ! Eppò ci eranu e veghje… Anh ! E veghje ! Tandu ùn si ridìa più… Innò, dicu male : ridìanu trà di elli i pul-

lastroni di u paese parchì avìanu capitu chì ghjatta ci era ! Trè ghjatte ancu ! Trè zitillone… Una chì si vede ma ùn si pò tuccà è duie chì magaru diciarianu cum’è in la fola : « tocca mi tocca mi o ‘N’tugnu !», ma ùn sò lasciate vede da a mammaccia chì avarà forse a paura chì noi e ci inghjòttimu vive vive ! È d’infatti, parchì nimu cù barba è calzoni ci possa mai vede nè tuccà, à ora di veghja noi eramu mandate à lettu ! Subitu ingullita l’ultima buccunata ci tuccava à arrampicà ci pà a scala di u stanzinu supranu è in-guattà ci senza altru in lu nostru picculu ghjacile. Ac-ciucciate è imbracciacate in lu saccone di u grussume duv’ella trizinava a paglia di granone, è « zì, zì, zì » è « zì, zì, zì », di quandu in quandu, una o l’altra affac-cava neciu nicione u capu pà a catarazza. Avìamu da dorme ? Figurate vi ! Vede ùn ci era tantu chì vede : a spallera pagna di ziu ErculAntone chì abbughjava u focu è, annant’à a mu-raglia infumaticata, l’ombra di u so barbazzale anticu. Issu fratellu invichjatu di u nostru corciu babbu era cioncu cum’è una campana, ma mamma u ci affib-biava tutte e sere par « dà un’ochju ». Casu chì mai… Pà a scusa di a custodia figurava ancu Anghjulinu, u fratillucciu mai ingrandatu di mente nè di parsona. Quellu era quant’è ch’ellu ùn ci fussi. Certe sere ci affaccava « l’Aiutante », un umatale di mez’ità vultatu da Sedan carcu di midaglie è di var-gogna. E midaglie e si dava da par ellu chì à sentelu ne avia fattu stravede… A vargogna era quella di tutti : in le nostre casuppule à siratine sane si mastacciava-nu i nomi maladetti di Bazaine di Bismaccu è di quel-lu imbalamatu Maccu Maò chì ùn si sapìa mancu più duv’ellu stava di casa !.. In prighjò sarà statu, vai tù à sapè… A vi dubitate, par noi e surelle pruibite, a primura è u guaiu eranu quelli calastroni chì ci cuttighjavanu à a nasata ! Tutte e sere sò in casa à guaita ci. Cù a scu-sa di u discorsu… Ma à u discorsu ùn ci semu, ahù! Semu rinchjuse disopra è… sciuppemu di rabbia!Oghje, secca è invichjata cum’è a rama chì ùn buttò, dicu : i cagnacci, a ghjacaraglia è solu mi venenu una figura, un mendu, un cugnome…Ci era «Bon-ghjornu» chì invece di move discorsu vi sciaccava

Catalina di è virtù

C e t e x t e d e l ’ é c r i v a i n J e a n - J o s e p h F r a n c h i a r e m p o r t é l e c o n c o u r s d ’ é c r i t u r e « M u s a n o s -t r a l i n g u a c o r s a 2 0 1 5 » . L e j u r y é t a i t p r é s i d é p a r J é r ô m e F e r r a r i .

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un «bonghjornu» seccu, à l’usu talianu o francisinu. Ussicutu è nasutu, quellu pal’di fasgiolu si cuntintava di sbunzicà u focu è d’apparinà a brusta. À le volte si dava una vultata secca cum’è s’ellu li fussi affaccatu calchissìa daretu… È tussichjava : Reeh… Reeh... Al-tri motti di vita ?.. Umbeh ?.. Pochi tempi dopu ch’el-lu avissi smessu d’affaccà si à veghja s’intese a nutizia ch’ellu era mortu tìsicu. Amparètimu tandu ch’ellu avia moglia è figlioli ind’un antru paese : u ghjallettu era di staghjone ! Ci era « U Lagramante », chì, subitu incippatu u fucone, li imbuffavanu l’ochji ch’ellu avìa di natura frudanati di prisuttu. Vinìa facci impaparitu cum’è un ghjallinacciu, vinìa ! Un pidochju rifaticciu pocu avvezzu à u fume di i ziglioni, ma chì vulete : ancu quessu, à noi ci sarìa bastatu. Di u terzu nulla m’arri-cordu fora di ch`elli u chjamavanu in paese «eh oui !», parchì era, issa tamanta lampata, tutta a so cunvar-sazione ! In fughjone, pruvàvamu à coglie pizzatelli di u dis-corsu, à sculinà a faccia d’unu o l’altru di issi strani innamurati in l’ombralume d’una sfiacculata… Ma cumu vi ne vurriste arricurdà ? Ùn sò mancu più s’elli ne avissinu, faccia ! L’Aiutante, quellu, sbucinava e so passate di u 70 cù una voce para chì ci à pocu à pocu à noi altre ci addurmintava. Eppuru si trattava di fatti trimendi, di cose spavintevule, ma chì vulete… eramu zitelle. Quand’ellu picciava di colpu u tizzone ind’un sciupppittume di carusgiule, u vechju suldatu piantava di cuntà, cum’è toltu da a furia subitània di e fiare. Forse li ballavanu tandu ind’ì l’ochji e vampate di focu chì s’ingutupponu, ad una ad una, e case di u sfurtunatu paisolu di « Bazeglia » duv’ella lasciò un ghjornu a Francia u so anore. À mè ferma impres-sa quella di i cavalli!.. Una banda sfrinata di cavalli scimiti da u trostu, u cumbugliu, a fame è a frizzura cifra à vula’ciarbelle in mezu à un campu di prighju-neri famiti di mala morte! À chì và sfrumbulatu, à chì sfragicatu, à chì, di bisestu o di vindetta, si lampa à a cullaghja d’una bestia par scannà la… è rode li dopu a carne cruda cruda! Ma ùn ne parlemu… Ùn ne parlemu! Tandu ci ne vultàvamu in lu saccone. Mariuccia, cù a so voce dolce, mi cantichjava : Alta Ghjuvanna, Più bella cà li fiori, Carca una panca Di giovani signori ! Ùn semu più tuparelle agrunchjate in lu granone…

Eccu mi « l’Alta Ghjuvanna » (tamanta sarà stata ?) u nostru fucone imbugnicatu diventa un locu di pa-radisu, un chjerchju di luce duv’ellu sculiscia, supra-nu, u me visu d’anghjula indiffarente cum’è un nivulu di u celu. Cusì intimichiti è rispittosi avà i signurelli di meza panchetta ! Un ghjornu vogliu calà l’ochji à unu: sarà Ellu, sarà Quellu, u più cusì, è u più culandi è i cagnacci si ne vultaranu à a so ghjacaraglia! Ma intantu, ci tuccava à stà cuffate lasciendu a nostra Santa avvuleghju à quelli ruffiani. Anostra Catalina, Catalinella, Catalinona, Catalina di e Virtù, pusata in pinzicu di a casciapanca, ochji sbarullata, più grassòt-tula cà un purcillucciu è insinsata cum’è di solitu… Quand’omu li dava da dì, firmava intilata o ridichjula-va in lu mentre chì Mamma, inarichjita, curava à noi altre disopra… Mamma, mamma chì buculeghja, affaccindata… à nulla ! Sculiscia intondu à l’arale, cum’è isse streie leb-bie ch’ellu porta u ventu senza ch’elle tòcchinu di pedi in tarra, face neciu di spignattà cum’è s’ellu ci fussi in casa tantu pignattume, spazza è torna à spazzà... in lu pulitu !… Ma vede tuttu, mamma, sente tuttu, coglie i silenzii di l’aria. Almenu prova a disgraziata, prova! U fucone ùn hè locu da e giuvanotte, bona. A vi aghju da fà à l’accorta chì l’avarete capita. Un ghjornu s’avvide omu chì a nostra Catalina era pre-gna. Pregna cum’è una lofia ! È da tandu principiò u scumpientu di a nostra famiglia. Mamma si ne morse à vituperiu è mancu campò Anghjulinu, u fratillucciu signatu da Cristu. Mariuccia s’hè trovu un lucchese chì quessi ùn guardanu tantu. Oghjeghjornu hà fi-glioli è pufiglioli (sìa par l’amor di Diu !). A «Santa» allivò u so bastardu à malavìa purtendu l’acqua à e signore è lavendu i panni d’unu è di l’altru in li ghjar-gali cutrati. Ancu di grazia ch’ellu andò di bè u zitel-lu… In le famiglie infrancisate duv’e’ faciu a serva, ingubbita è trònchjula oramai, e pare meie sò dette : « vechje damicelle », vechje ramicelle sì – mì, mì, mì, hè guasgi listessa ! – rame chì ùn anu fruttatu, brame chì ùn anu bramatu… Sò corsi l’anni… sò mutati i tempi, a Vargogna l’avemu addossu. Ebbeh… Vulete ch’e vi dica : civa !!!

Jean-Joseph Franchi

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Concours de textes courts Musanostra 2016

N'hésitez pas à parti ciper Ouvert à tous ; c'est la neuvième éditi on Le thème du concours pour l'année 2016 est :

L’arbre. Conditi ons de parti cipati on : Les candidats au concours Musanotra 2016 devront faire parvenir au siège de l'associati on, 2 place de l'hôtel de ville, 20200, Basti a, un texte sur ce thème, comportant 8000 caractères (c'est à dire lett res et signes de ponctuati on , plus ou moins 10%), rédigé en police ti me new roman, taille 12, interligne 1,5.Le montant de l'inscripti on au concours est de 5 euros (chèque de préférence à l'ordre de Musanostra), ce qui corres-pond aux frais d'organisati on.Les textes doivent avoir un ti tre, et ceux ne comportant que les mots "l’arbre" ou "concours Musanostra", ne sont pas éligibles en raison du risque de confusion. Ne pas signer, bien entendu, ni faire un quelconque signe disti ncti f, car cela entraine l'éliminati on.

Les envois se feront : - Par courrier en 2 exemplaires en ajoutant à l'envoi une enveloppe fermée contenant les coordonnées de l'auteur ainsi que le chèque ou le billet de 5 euro et sur laquelle fi gurera juste le ti tre du texte - Par courriel à [email protected] avec la nouvelle en pièce jointe. Prix : Le lauréat recevra un prix de 500 euros.Le texte choisi et les 29 suivants feront l'objet d'une publicati on numérique (avec possibilité d’acquérir le livre papier). Pour savoir si l'on est parmi les sélecti onnés, il faut se rendre sur le site www.musanostra.fr onglet « concours » où l'on trouve ces informati ons et celles concernant les éditi ons antérieures (archives)Les auteurs s'engagent en parti cipant à ce concours musanostra 2016 à autoriser la publicati on de leur texte par Mu-sanostra/Musa Numerica; cependant ils restent propriétaires de leur texte pour toute publicati on ultérieure.La date limite d'envoi est le 30 octobre 2016.

Concours Prima Musa , pour les moins de 18 ans :Depuis 2015, le concours est ouvert aux jeunes auteurs : tous les textes ayant pour thème « l’arbre » répondant aux consignes (env 8000 signes), sans frais de parti cipati on, seront lus en vue de remett re un prix de 300 euros et de publi-cati on numérique largement diff usée.

In francese o in corsu Ce concours est ouvert en français et en corse, comme chaque année . Per quelli chi parti cipeghjanu in corsu, nunda da pagà ! Site invitati à parti cipà à u nostru cuncorsu nant’à u tema di a l’arburu. Si tratt a di scrive un testu d’8000 segni (spazii in più) è di mandà ci lu nanzu à u 15 di nuvembre 2016 nant’à: [email protected] è à [email protected] (per a versione numerica) è duie versione nant’à a carta à Musanostra, 2 Place de l’Hôtel de ville, 20200 Basti a. U premiu hè di 500€ cù a publicazione in una racolta numerica à esce in u 2017 cù i testi in lingua corsa i più belli chè n’averemu ricevuti (9a edizione quist’annu) incù duie butti glie di vinu sceltu di Nicolas Mariotti , unu di i nostri parti narii.

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SCRITTURA

Un ghjornu ùn saparaghju più scriva Mi diciareti :"Ebbeh ? chì pò fà ?"

Incù raghjoni rispundaria : "Ma mi dà, o ghjenti, da tribbulà !"

Hè quant'è à firmà manimuzzu à l'ora biata di lu carrizzà

Quant'è ch'iddu fussi siccu u puzzu è chì più nudda ùn posca dissità !

"Caccia calcosa !" or' diciaria è senza mancu vulè mi ammuffà

un amicacciu. Qual' cridaria chì tantu danna d'ùn pudè impinnà ?

A carta viota o ghjenti a vi dicu, quandu l'inchjostru ùn la pò macanà

M'hè un pinseri è ancu un casticu, di quiddi ch'ùn possu tantu spiicà

Quandì u cori stringhji è m'affuna quandì a vita sà ancu mucà

sappiati chì a me sola furtuna sarà di scriva par ùn briunà !

L'inchjostru ghjova di risa o pientu chì tantu nun piengu, in virità ! Par rida, di pocu mi cuntentu

ch'ùn ci hè da rida, cù ciò chì si sà...

Dici u pueta : "Chjudu lu cantu !"Quand'idd'ùn sà più comu salutà...

Or com'è idd'ùn aghju più tantu idei. Di scriva devu chità !

Ceccè Lanfranchi

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AGENDA MUSANOSTRA

Musanostra sera le 15 juin à 17h 30 pè A festa di a lingua organisée à l’ini-tiative de la mairie de Bastia dans la cour du LEP Jean Nicoli (ancien Lycée Marboeuf). Rencontre culturelle sur le thème «La littérature corse et les pa-rutions en corse et en français en 2015-2016: Qu’a-t-on lu? Qu’a-t-on remar-qué? Qu’a-t-on retenu».

Séance de dédicaceApéritif dînatoire