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  n°22  mai 2010 * Audrey Holm est chargée d’étude à CDC Climat Recherche. Pour tout renseignement, merci de contacter [email protected] , 01 58 50 98 20. 1 INFRASTRUCTURES FACE AUX CHANGEMENTS CLIMATIQUES : LA REPONSE DES INVESTISSEURS DE LONG TERME Audrey Holm * L’omniprésence des infrastructures à travers le monde et la construction de nouvelles infrastructures notamment dans les pays en développement soulèvent la question de leur place dans la lutte contre les changements climatiques. Ces infrastructures peuvent d’une part contribuer à réduire les changements climatiques en limitant les émissions de gaz à effet de serre qui en découlent (infrastructures vertes) et d’autre part être adaptées au climat futur ( infrastructures adaptées). Elles peuvent également permettre d’atténuer la vulnérabilité des pays en développement, aujourd’hui les plus sensibles aux modifications climatiques. La construction d’infrastructures vertes et adaptées est intrinsèquement liée aux politiques publiques en vigueur. Cependant, les négociations de Copenhague en décembre 2009 ont également souligné le rôle central des investisseurs privés dans le financement de ces infrastructures. Les investisseurs de long terme, investisseurs institutionnels tels que les fonds de pension, fonds d'assurance, fonds souverains et autres investisseurs véhiculant des flux financiers massifs sur des horizons de plusieurs décennies, sont ainsi particulièrement sollicités. Suite à la crise financière récente, et dans un contexte de crise économique mondiale, ces organismes s’intéressent aujourd’hui aux infrastructures comme placement alternatif dont les revenus sont stables sur le long terme. Or, la pérennité de ces revenus financiers est aujourd’hui menacée par les changements climatiques et leur impact sur les infrastructures et leur fonctionnement. Pour optimiser leur gestion des risques liés aux changements climatiques, les investisseurs de long terme peuvent jouer sur leurs choix d'infrastructures. Ils peuvent choisir de financer des infrastructures dont la localisation, la construction et l’exploitation répondent à la fois à des critères de réduction d’émissions de gaz à effet de serre et d’adaptation aux changements climatiques. Ces deux leviers, bien que distincts, sont tous deux indispensables et complémentaires pour atténuer les impacts des changements climatiques sur les revenus des investisseurs. Une stratégie proactive d’intégration des risques climatiques peut dans la plupart des cas être valorisée en mettant à profit les réglementations publiques de limitation des émissions de gaz à effet de serre. Elle peut en outre présenter un atout en termes d’image. Cependant, l'adoption d'une telle stratégie induit des risques liés à l'utilisation de technologies nouvelles et à l’instabilité de l’environnement réglementaire. Dans l’hypothèse où les pouvoirs publics chercheraient à mobiliser les investisseurs privés et canaliser leurs flux d’investissement vers des infrastructures appropriées à la nouvelle donne climatique, leur intérêt bien compris peut être de compenser certains de ces risques par la mise en place de garanties publiques adaptées ayant un effet de levier sur les investissements privés.  

Etude Climat 22-Infrastructures Climat Et Investisseurs de Long Terme c CDC Climat Recherche 2010

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Etude Climat

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  • n 22 mai 2010

    * Audrey Holm est charge dtude CDC Climat Recherche. Pour tout renseignement, merci de contacter [email protected], 01 58 50 98 20.

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    INFRASTRUCTURES FACE AUX CHANGEMENTS CLIMATIQUES : LA REPONSE DES INVESTISSEURS DE LONG TERME

    Audrey Holm *

    Lomniprsence des infrastructures travers le monde et la construction de nouvelles infrastructures notamment dans les pays en dveloppement soulvent la question de leur place dans la lutte contre les changements climatiques. Ces infrastructures peuvent dune part contribuer rduire les changements climatiques en limitant les missions de gaz effet de serre qui en dcoulent (infrastructures vertes) et dautre part tre adaptes au climat futur (infrastructures adaptes). Elles peuvent galement permettre dattnuer la vulnrabilit des pays en dveloppement, aujourdhui les plus sensibles aux modifications climatiques.

    La construction dinfrastructures vertes et adaptes est intrinsquement lie aux politiques publiques en vigueur. Cependant, les ngociations de Copenhague en dcembre 2009 ont galement soulign le rle central des investisseurs privs dans le financement de ces infrastructures. Les investisseurs de long terme, investisseurs institutionnels tels que les fonds de pension, fonds d'assurance, fonds souverains et autres investisseurs vhiculant des flux financiers massifs sur des horizons de plusieurs dcennies, sont ainsi particulirement sollicits.

    Suite la crise financire rcente, et dans un contexte de crise conomique mondiale, ces organismes sintressent aujourdhui aux infrastructures comme placement alternatif dont les revenus sont stables sur le long terme. Or, la prennit de ces revenus financiers est aujourdhui menace par les changements climatiques et leur impact sur les infrastructures et leur fonctionnement.

    Pour optimiser leur gestion des risques lis aux changements climatiques, les investisseurs de long terme peuvent jouer sur leurs choix d'infrastructures. Ils peuvent choisir de financer des infrastructures dont la localisation, la construction et lexploitation rpondent la fois des critres de rduction dmissions de gaz effet de serre et dadaptation aux changements climatiques. Ces deux leviers, bien que distincts, sont tous deux indispensables et complmentaires pour attnuer les impacts des changements climatiques sur les revenus des investisseurs. Une stratgie proactive dintgration des risques climatiques peut dans la plupart des cas tre valorise en mettant profit les rglementations publiques de limitation des missions de gaz effet de serre. Elle peut en outre prsenter un atout en termes dimage.

    Cependant, l'adoption d'une telle stratgie induit des risques lis l'utilisation de technologies nouvelles et linstabilit de lenvironnement rglementaire. Dans lhypothse o les pouvoirs publics chercheraient mobiliser les investisseurs privs et canaliser leurs flux dinvestissement vers des infrastructures appropries la nouvelle donne climatique, leur intrt bien compris peut tre de compenser certains de ces risques par la mise en place de garanties publiques adaptes ayant un effet de levier sur les investissements privs.

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    REMERCIEMENTS Lauteur souhaite remercier tous ceux qui lont aide dans la rdaction de ce rapport, en particulier Maria Mansanet-Bataller (Universit de Valence), Dorothee Teichmann (CDC Climat), Christian de Perthuis (Universit Paris-Dauphine), Claire Boasson (Programme des Nations Unies pour lEnvironnement), Jean-Pierre Schaefer et Anne Haudry de Soucy (Caisse des Dpts), Frdric Samama (Crdit Agricole Asset Management) pour leurs critiques constructives tout au long de cette tude et leur lecture attentive de versions prliminaires.

    Lauteur souhaite galement rendre un hommage particulier Claire Boasson. Ce rapport figure parmi les tmoins de son travail, de ses engagements et de ses enseignements.

    L'auteur assume l'entire responsabilit de toute erreur ou omission.

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    SOMMAIRE

    SOMMAIRE 3

    INTRODUCTION 4

    I. INVESTISSEMENT EN INFRASTRUCTURES : DES RISQUES ADDITIONNELS LIES AUX CHANGEMENTS CLIMATIQUES 5 A. Investisseurs institutionnels de long terme : la recherche de placements stables dans la dure 5

    B. Les infrastructures : un actif de long terme qui rpond cet objectif 7 C. La prennit des investissements en infrastructures menace par les changements climatiques 10

    II. UNE GESTION PROACTIVE DU PARAMETRE CLIMATIQUE 13 A. La double- action des investisseurs : le choix dinfrastructures vertes et adaptes 13

    B. Implications pour les stratgies dinvestissement en infrastructures 18

    III. LE ROLE DU CADRE REGLEMENTAIRE POUR SOUTENIR LINVESTISSEMENT 21 A. La rglementation comme garantie et incitation investir 21

    B. Lallocation des fonds publics, levier pour linvestissement priv 26

    IV. LES PAYS EN DEVELOPPEMENT : ENTRE BESOINS ET OPPORTUNITES 27 A. Les infrastructures des pays en dveloppement et l'enjeu climatique 27 B. Des opportunits aujourdhui inadaptes aux investissements privs 28

    CONCLUSION 32

    RFRENCES 33

    LA SERIE ETUDES CLIMAT DE CDC CLIMAT RECHERCHE 35

  • Etude Climat n22 Infrastructures et changements climatiques : La rponse des investisseurs de long terme

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    INTRODUCTION

    L'tat actuel des ngociations sur le climat et le nombre croissant d'initiatives individuelles en tmoignent : les impacts des changements climatiques sont aujourd'hui une ralit prendre en compte par chaque acteur de l'conomie. Evnements catastrophiques (temptes, ouragans) et volution des conditions mtorologiques moyennes (temprature) viennent aujourd'hui dj perturber les activits humaines en annonant les dommages venir.

    Pour parvenir, dune part limiter, dautre part faire face ces dommages, lAccord de Copenhague prvoit la mobilisation des pays industrialiss : 30 milliards deuros de fonds sur le court terme, entre 2010 et 2012, puis jusqu 100 milliards deuros par an dici 2020 pour financer lattnuation et ladaptation au changement climatique dans les pays en dveloppement. LAccord stipule que les fonds moyen terme proviendront de sources publiques et prives diversifies. Parmi les acteurs sollicits figurent en bonne place les investisseurs institutionnels notamment les fonds de pension, fonds souverains, assureurs, banques de dveloppement et fondations caractriss par leur capacit investir massivement sur des horizons la fois courts et longs.

    Alors qu'un nombre croissant d'investisseurs de court et de long terme sait aujourdhui intgrer des critres extra-financiers dans ses stratgies d'investissements en actions et obligations, l'intgration de ces critres dans le choix d'actifs rels de long terme comme les infrastructures est en revanche largement insuffisante. Caractrises par leur longue dure de vie, les infrastructures sont pourtant particulirement vulnrables aux changements climatiques et subiront physiquement et financirement le plus directement les impacts de ces changements dans les dcennies venir.

    En vue de rpondre aux questionnements des investisseurs de long terme sur l'intgration de la problmatique climatique dans leurs investissements en infrastructures, cette tude se propose de dresser un tableau des enjeux climatiques auxquels ils doivent faire face ds aujourd'hui. Elle tentera de montrer dans quelle mesure lintgration de critres environnementaux dans le choix des infrastructures financer sinscrit dans une dmarche de scurisation et de performance des portefeuilles dinvestissement.

    En partie I, nous verrons en quoi la menace climatique pse sur les investisseurs de long terme et la prennit des revenus issus de leurs investissements en infrastructures. Nous prsenterons en partie II les deux armes nouvelles qu'ils ont en main, savoir la limitation des missions de gaz effet de serre de leurs projets et l'adaptation de ces derniers aux changements climatiques. Nous verrons galement la part de ces deux types dactions dans leurs dcisions dinvestissement. La partie III montrera dans quelle mesure l'intgration de ces paramtres dans les stratgies des investisseurs institutionnels de long terme ncessite un cadre rglementaire adapt et efficace, ainsi quune coopration entre secteurs public et priv. Enfin, ltude en partie IV du cas des pays en dveloppement montrera que les besoins financiers de ces rgions peuvent tre transforms en opportunits conomiques et en actions climatiques.

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    I. INVESTISSEMENT EN INFRASTRUCTURES : DES RISQUES ADDITIONNELS LIES AUX CHANGEMENTS CLIMATIQUES

    Investir dans des infrastructures permet de disposer dun actif aux retours rcurrents et prennes, mais ncessite en contrepartie de prvoir les caractristiques de linvestissement sur le long terme. Les investisseurs institutionnels de long terme, capables danticiper les risques lis de tels investissements, sont cependant aujourd'hui confronts la nouvelle donne climatique.

    A. Investisseurs institutionnels de long terme : la recherche de placements stables dans la dure

    Linvestissement de long terme, domaine privilgi des investisseurs institutionnels

    Les investisseurs de long terme auxquels nous nous intressons ici sont des investisseurs institutionnels dont les horizons de placement s'inscrivent dans des dures de 20 30 ans. En tant quinvestisseurs institutionnels, ils vhiculent dimportants volumes sur les marchs financiers. Cependant, la diffrence notamment de banques d'investissements ou de grands fonds dinvestissement de court terme, ils choisissent d'investir long terme pour leur compte propre ou celui de leurs clients. Ces investisseurs sont de plusieurs types :

    Les organismes collecteurs de l'pargne de leurs clients par exemple des fonds de pension et fonds d'assurances. Les fonds de pension vhiculaient en 2009 des actifs d'un montant total de plus de 12 000 milliards de dollars. Publics ou privs, ils sont aliments par les cotisations de salaris, qu'ils investissent ensuite dans un portefeuille d'actifs financiers constitu d'actions, d'obligations et, de plus en plus, de placements alternatifs comme limmobilier, les infrastructures et les matires premires. Leur objectif est de procurer aux salaris ayant cotis une rente compter de leur dpart en retraite. La Figure 1 prsente les dix fonds de pension les plus importants en 2005, le premier tant le fonds de pension du gouvernement japonais, qui comptait en 2009 plus de 1 200 milliards de dollars rpartis pour 81 % en actions (11 %) et obligations (70 %) domestiques de long terme, 18 % l'international et 1 % d'actifs de court terme1.

    Figure 1 Les 10 plus grands fonds de pension au 1er janvier 2009

    0 500 1000 1500

    New York City Retirement (Etats-Unis)ATP (Danemark)

    General Motors (Etats-Unis)Florida State Board (Etats-Unis)

    Pension Fund Association (Japon)New York State Common (Etats-Unis)California State Teachers (Etats-Unis)

    Postal Savings Fund (Tawan)Local Government Officials (Japon)

    National Pension Association (Core)Federal Retirement Thrift (Etats-Unis)

    CalPers (Etats-Unis)ABP/APG (Pays-Bas)

    Government Pension Fund (Norvge)Government Pension Investment (Japon)

    Actifs (USD milliards)

    Source : Pensions & Investments/Watson Wyatt Global 300 survey 2008.

    1 Source : GPIF Government Pension Investment Fund, Japon, Rapport d'activit du 2me trimestre 2009.

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    Les fonds souverains. Ils prsentent le mme type de portefeuille (actions, obligations et placements alternatifs) mais sont aliments par des revenus que les Etats ont dcid disoler du processus normal dlaboration du budget et de gestion dactifs. Une partie des grands fonds souverains, comme ceux du Moyen-Orient ou de Russie ont ainsi t principalement constitus grce aux recettes tires de ressources naturelles, surtout du ptrole. Le fonds chinois China Investment Corporation repose sur les revenus des transactions officielles de change. Dautres, comme le Temasek Holdings de Singapour, ont t crs pour rinvestir les excdents budgtaires ou le produit de privatisations. Nombre de ces fonds affichent une stratgie d'investissement au profit des gnrations futures , ce qui se traduit par des horizons de placement particulirement longs. Les fonds souverains vhiculent aujourdhui un total de 3 750 milliards de dollars, montant qui pourrait selon les estimations de Morgan Stanley et de la Deutsche Bank atteindre 10 000 12 000 milliards de dollars d'ici 2015. Prsents dans de nombreux pays du monde y compris des pays en dveloppement (Figure 2), ces fonds sont souvent vus comme des fonds de placements nationaux et internationaux de l'pargne nationale.

    Figure 2 Carte des fonds souverains dans le monde

    Source : CDC Climat Recherche d'aprs SWF Institute, 2009.

    D'autres types d'investisseurs peuvent tre dfinis comme des investisseurs institutionnels de long terme grce la dure de leurs investissements et les montants qu'ils vhiculent, comme les banques de dveloppement, les fondations ou les banques d'investissement ayant une activit de long terme.

    Une structure de portefeuille tourne vers la rcurrence et la rgularit des revenus

    Les investisseurs de long terme dcident du placement de leurs capitaux principalement en fonction de lampleur des risques et de la rentabilit attendue des placements. Etant donne l'origine de leurs ressources notamment pour les fonds de pension ils sont, de plus, tout particulirement sensibles la rcurrence et la rgularit de leurs revenus sur une longue priode de temps.

    Traditionnellement orients vers des investissements domestiques et internationaux en actions et obligations, les investisseurs de long terme cherchent aujourd'hui diversifier leurs portefeuilles pour mieux couvrir leurs risques et assurer la prennit de leurs revenus. Dans un contexte conomique et financier difficile, ces investisseurs sorientent ainsi vers des placements alternatifs qui contribuent la stabilit des revenus de leurs portefeuilles, notamment en investissant dans limmobilier, dans des

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    infrastructures, ou en capital-investissement. Ces placements, mme s'ils ne constituent gnralement que 3 5 % de leurs actifs en volume, jouent un rle majeur dans les stratgies de diversification et reprsentent des montants importants sur les marchs mondiaux considrs. Pour lensemble des fonds de pension par exemple, lallocation de 3 % de leurs ressources des actifs alternatifs (immobilier, infrastructures, capital-investissement) revient vhiculer un montant denviron 360 milliards de dollars sur ces marchs.

    B. Les infrastructures : un actif de long terme qui rpond cet objectif

    Infrastructures : dfinition

    Dfinies comme l'ensemble des systmes, services et installations ncessaires au bon fonctionnement d'une communaut ou dune socit, les infrastructures sont constitutives des zones urbaines et communautaires travers le monde. Elles sont selon l'OCDE un moyen d'assurer la fourniture et la prestation de biens et de services qui concourent la prosprit et la croissance conomique et contribuent la qualit de vie. Elles ont gnralement une dure de vie de plusieurs dcennies, pouvant aller de 20 ans plus de 100 ans. Le Tableau 1 prsente quelques exemples dinfrastructures et leurs dures de vie moyennes selon lAgence Internationale de lEnergie2 (AIE).

    Tableau 1 Exemples de dures de vie dinfrastructures

    Column1Dure de vie moyenne

    (annes)Infrastructures urbaines (routes,) 120Infrastructure de production d'nergie hydraulique 90Immobilier 80Infrastructure de production d'nergie au charbon 50Infrastructure de transmission et de distribution d'lectricit 45Infrastructure de production d'nergie nuclaire 45Pipelines 40Eoliennes 20Panneaux photovoltaques 20

    Source : CDC Climat Recherche daprs AIE/OCDE 2008.

    L'investissement en infrastructures est communment rparti en deux catgories (Tableau 2) : D'un ct, on trouve les infrastructures dites conomiques, qui contribuent lactivit conomique

    dun territoire. Cette catgorie comprend les rseaux de transport (rseaux ferrs, routes, autoroutes page, aroports, ponts, ports), les rseaux de communication et certains services urbains (approvisionnement en eau, rseaux de distribution et de production nergtique). Ces services urbains sont dans de nombreux cas pays par les utilisateurs, qui rmunrent ainsi linvestisseur initial.

    De l'autre ct, les infrastructures dites sociales permettent de rpondre aux besoins essentiels des habitants dun territoire. Elles incluent les tablissements ddis l'ducation, la sant (traitement des eaux uses et des dchets, hpitaux), le logement, la scurit (prisons, centres militaires et de police), la culture et les loisirs (parcs). Le financement de ces services est gnralement assur par l'Etat. Ces infrastructures sont aujourdhui parfois qualifies dinfrastructures sociales et environnementales et peuvent notamment galement inclure les

    2 Agence Internationale de lEnergie, World Energy Outlook 2009.

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    infrastructures de protection qui permettent de lutter contre des vnements climatiques et que nous dvelopperons dans la suite de ce document.

    Tableau 2 Typologie des infrastructures par secteur

    Transport/Logistique Aroports

    Energie et services la collectivit

    (utilities)Production nergtique

    Communications

    Infrastructures de sant (hpitaux...)

    Dchets (traitement)

    Electricit (production/distribution)

    Eau (distribution)

    Infrastructures pnitentiaires

    Loisirs

    EducationLogement

    Eau (traitement/distribution)

    Rseaux cbls Satellites Retransmission (rseaux hertziens, ondes radio..)

    INFRASTRUCTURES "SOCIALES"

    INFRASTRUCTURES "ECONOMIQUES"

    Routes

    Rseaux ferrs

    Ports

    Ferries Pipelines

    Ponts

    Tunnels

    Gaz naturel (distribution / stockage)

    Sources : CDC Climat Recherche d'aprs RREEF Infrastructure.

    Infrastructures : risques et rentabilit

    De par leur dure de vie (voir Tableau 1), les infrastructures sont une classe d'actif qui permet d'assurer un investisseur des flux prvisibles et rguliers sur la dure, au moins 10 ans et souvent plus de 30 ans. Le profil risque-rentabilit des investissements en infrastructures dpend cependant en grande partie de la phase dans laquelle se trouve le projet au moment de l'investissement. Ainsi, par exemple, la phase de dveloppement du projet prsente entre autres un risque de construction qui peut tre assur par un secteur public cherchant attirer les investisseurs ds le lancement dun projet. Cette phase assure cependant linvestisseur la garantie des revenus issus de linfrastructure. La phase d'exploitation, quant elle, prsente des risques oprationnels mais est synonyme de rendements immdiats prvisibles et rcurrents dans le temps.

    Linvestissement dans une infrastructure nouvelle peut tre caractris par une premire phase de moindre rentabilit, donc un retour sur investissement moins rapide que pour d'autres types d'actifs. Cependant, l'investissement est plus long terme plus intressant : selon Inderst (2009)., il permet moyennant une bonne gestion des risques un taux de rendement suprieur tout autre actif si l'investisseur ne sort pas de l'investissement par anticipation3. Bien quil soit difficile de gnraliser les estimations de mesures de risques et de rentabilit sur les court et long termes pour lensemble des investisseurs, l'investisseur institutionnel de long terme semble avoir intrt s'intresser cette classe d'actif dans la dure et s'efforcer d'en matriser les risques4.

    3 Sur le court terme, linvestissement en capital-investissement (Private Equity) gnre gnralement davantage de rentabilit

    mais prsente galement davantage de risques. Pour plus dinformations ce sujet, voir RREEF (2007). 4 Pour des exemples destimations de mesure de risque-rentabilit, se rfrer Inderst, G. (2009)

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    Infrastructures et investisseurs institutionnels de long terme

    Traditionnellement assur par des capitaux publics, le financement des infrastructures par des acteurs privs dans lesquels on inclut les investisseurs institutionnels date de la fin des annes 1980. La Banque Mondiale estimait jusqu' ces dernires annes la part de financement public 70 % contre 20 25 % pour le secteur priv et 5 10 % d'aide au dveloppement (PPI Database). Depuis la fin des annes 1980, la tendance a volu et l'cart entre financement public et financement priv s'est attnu.

    Aujourd'hui, le march mondial des infrastructures, constitu d'actifs d'infrastructures nouvelles (construction) et existantes (infrastructures oprationnelles), est estim selon RREEF5 entre 17 000 et 23 000 milliards de dollars annuels l'chelle mondiale, dont 4 000 6 000 milliards de dollars en Europe6. Ce march est vu comme un march o la demande est stable et croissante dans le temps7, puisque stimule par l'accroissement des richesses l'chelle mondiale, qui ont tripl depuis 1970. Il est galement caractris par les volumes dinvestissement vhiculs pour un actif individuel. Il n'est en effet pas exceptionnel de voir des actifs dont la valeur est suprieure 1 milliard de dollars, acquis soit par de gros investisseurs, soit par un groupement d'investisseurs. Cet actif est par consquent particulirement adapt aux investisseurs institutionnels, qui ont des ressources massives allouer.

    A dfaut de pouvoir aujourdhui comptabiliser la totalit des flux investis dans les infrastructures par lensemble des investisseurs institutionnels de long terme, on peut observer un accroissement du nombre dinitiatives chez ces grands investisseurs. Plusieurs initiatives rcentes de fonds de pension peuvent notamment tre cites : le fonds de pension Californien CalPERS a ainsi dcid en 2008 d'allouer 7,2 milliards de dollars au financement d'infrastructures, prvoyant un retour sur investissement sur 5 ans. De mme, l'organe investisseur du fonds de pension nerlandais ABP (APG) a dcid d'allouer 2% de ses ressources aux infrastructures sur la priode 2007-2009, soit un montant d'environ 6 milliards deuros. Le Club des Investisseurs de Long Terme (Encadr 1), quant lui, prvoit de runir ce jour un bilan de 3000 milliards de dollars dont une partie sera alloue au financement dinfrastructures intgres dans des actions de lutte contre les changements climatiques.

    5 Section en charge des investissements alternatifs du dpartement de gestion d'actifs de la Deutsche Bank, qui gre trois

    types d'actifs : l'immobilier, les infrastructures et le capital-investissement. 6 L'estimation de RREEF pour le volume mondial est une extrapolation base sur son estimation pour lEurope pondre par

    le PIB. 7 Inderst, G. (2009).

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    C. La prennit des investissements en infrastructures menace par les changements climatiques

    Parce que leurs activits sinscrivent dans la dure, les infrastructures sont sensibles la fois au climat existant lors de leur construction et aux variations climatiques advenant durant les dcennies de leur utilisation. La perspective dimportants changements climatiques requiert dsormais de la part des gestionnaires de projet quils prtent une attention particulire ce paramtre. Celui-ci gnre en effet progressivement de nouveaux risques et de nouvelles opportunits dont une mconnaissance et une gestion inadapte pourraient mettre mal la prennit des investissements en infrastructures.

    Encadr 1 Le Club des Investisseurs de Long Terme Choisissant d'investir dans des projets d'infrastructures pour contribuer la relance de lconomie, le Club des Investisseurs de Long Terme runit depuis avril 2009 des investisseurs de long terme du monde entier. Il lance actuellement deux fonds ddis aux infrastructures, InfraMed et Marguerite, dont la composition est prsente en Figure 3. La Charte du Club des Investisseurs de Long Terme inclut des engagements en termes de responsabilit sociale et environnementale et de soutien l'conomie. En d'autres termes, l'un des objectifs du Club est d'investir dans des infrastructures "vertes", i.e. induisant peu d'missions de GES.

    Figure 3 Fonds ddis aux infrastructures du Club des Investisseurs de Long terme

    Caisse des Dpts

    Cassa depositi e prestiti

    Caisse de Dpt et de Gestion EFG Hermes

    France Italie Maroc EgypteUnio

    n po

    ur

    la

    Md

    iterr

    ane

    Fonds InfraMedObjectif : 400 million - 1 milliard en fonds propres

    Facilits de crditSponsors associsSponsors

    Infrastructures urbaines, d'nergie et de transport dans le Sud et l'Est de la Mditerrane

    Caisse des Dpts FranceCassa depositi e

    prestiti Italie

    KfW AllemagneBEI UE

    CDB ChineCaisse de Dpt et

    de GestionMaroc

    VEB RussieICD Dubai

    Mubadala Abu DhabiOmer Canada

    Club des Investisseurs de Long Terme

    Autres membres

    Membres fondateurs Caisse des

    DptsICO PKO

    Cassa depositi e

    prestitiKfW BEI

    France Espagne Pologne Italie Allemagne UE

    Objectif : 1,5 milliards en fonds propres Facilits de crdit ( 5 Mds)

    Fonds Marguerite (Fonds europen 2020)

    SponsorsCo

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    on

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    Energie, changement climatique et infrastructures

    Lanc le 3 dcembre 2009, le fonds Marguerite a pour objectif de prendre des participations en fonds propres hauteur de 1,5 milliard d'euros dans des grands projets dinfrastructures en Europe (rseaux transeuropens de transports et dnergie, et le secteur des nergies renouvelables) sur des priodes de quinze vingt ans. Ce fonds runit pour le moment six investisseurs de long terme auxquels pourraient se joindre dautres investisseurs similaires. Lanc le 30 avril 2009, le fonds InfraMed a pour objectif d'investir entre 400 millions et 1 milliard d'euros en fonds propres dans des infrastructures urbaines, d'nergie et de transport dans le Sud et l'Est de la Mditerrane. Entrant dans le cadre de l'Union pour la Mditerrane, ce fonds runit ce jour deux sponsors principaux (Caisse des Dpts et Cassa depositi e prestiti) et deux sponsors associs (la banque d'investissement gyptienne EFG Hermes et la Caisse de Dpts et de Gestion marocaine).

    Source : CDC Climat Recherche d'aprs LTIC.

    (au 15 mars 2010)

  • Etude Climat n22 Infrastructures et changements climatiques : La rponse des investisseurs de long terme

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    Observer les changements climatiques pour anticiper risques et opportunits

    On observe depuis plusieurs dcennies des modifications croissantes dans le climat et la frquence et l'intensit des vnements climatiques extrmes : des fluctuations dans les tempratures et les prcipitations au-del des normales historiques, une augmentation du niveau de la mer et une amplification de la frquence des inondations, scheresses et temptes sont autant de changements climatiques existants et fortement susceptibles de s'accrotre dans les annes venir. Ces modifications climatiques font aujourdhui redouter une acclration des impacts physiques et conomiques dorigine climatique travers le monde.

    Ces impacts sont selon le Groupe dExperts Intergouvernemental sur lEvolution du Climat (GIEC) la fois de nature positive et ngative ; certains impacts reprsentent en effet des opportunits pour certains acteurs conomiques. Ainsi, par exemple, une augmentation de lensoleillement pourrait permettre un accroissement de la production nergtique dorigine solaire. Cependant, la somme des impacts ngatifs et positifs est, selon ces mmes estimations, ngative impliquant davantage de risques que dopportunits pour les investisseurs. On attend par exemple dans certaines rgions dAsie une augmentation de la frquence et de lintensit des cyclones et des vagues de chaleur.

    A limage de tout acteur conomique, les investisseurs de long terme peuvent donc tirer profit des opportunits lies aux changements climatiques mais ont galement intrt se parer contre les risques naissants. Il parat aujourdhui plus que jamais pertinent dobserver et danticiper les modifications climatiques afin de ne pas les subir. Une analyse fine de limpact de ces changements climatiques sur les infrastructures peut donc permettre danticiper opportunits et risques conomiques et financiers sous-jacents afin dintgrer ces impacts potentiels dans les prises de dcision.

    Infrastructures : des impacts physiques aux consquences financires

    De faon gnrale, on peut prvoir que les infrastructures seront plus sensibles l'augmentation de la frquence des vnements extrmes (par exemple : des cyclones) qu' la modification des tendances mtorologiques (par exemple l'augmentation des tempratures). Les impacts sur les infrastructures se rpercuteront de deux manires :

    D'une part sur l'utilisation de ces infrastructures (consquences oprationnelles) : des difficults ou facilits oprationnelles peuvent en effet dcouler directement des impacts climatiques. Par exemple, dans le cas d'une infrastructure de transport ferr, l'augmentation de la temprature peut provoquer une dilatation ou une dformation des rails, entranant des mouvements de voies (impact physique). Ceux-ci peuvent provoquer des consquences sur le fonctionnement de

    Encadr 2 Des missions de GES qui perturbent le climat Les modifications climatiques en cours proviennent selon les experts du Groupe dExperts Intergouvernemental sur lEvolution du Climat (GIEC) de l'augmentation de la concentration de six gaz appels gaz effet de serre (GES) dans l'atmosphre : le dioxyde de carbone (CO2), le mthane (CH4), le nitrate d'azote (N2O) et des gaz fluors (les HFC, les PFC, le SF6). L'augmentation de l'effet de serre, qui dcoule de l'accroissement des missions de ces gaz l'chelle mondiale, provoque des modifications dans notre climat. Daprs le GIEC laugmentation de temprature moyenne dici 2100 pourrait tre comprise entre +2C et +6C. Cette la rge fourchette est due deux types dincertitudes : (1) lune inhrente notre comprhension du fonctionnement de la machine climatique terrestre, les modles utiliss prsentant une part dincertitude quant la rponse de latmosphre une augmentation de la concentration en GES ; (2) lautre inhrente notre capacit prvoir le futur : les missions dorigine anthropique jusqu 2100 ne sont aujourdhui pas connues, et dpendent de nos choix politiques et conomiques actuels et futurs.

  • Etude Climat n22 Infrastructures et changements climatiques : La rponse des investisseurs de long terme

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    l'infrastructure de transport, comme par exemple une baisse des vitesses d'exploitation, voire une interruption totale du service (impact oprationnel)8.

    D'autre part sur l'ensemble des activits pour lesquelles ces infrastructures ont t construites (consquences indirectes). Par exemple, une coupure de l'alimentation lectrique ou des rseaux de communication peut provoquer la fermeture temporaire ou permanente d'une entreprise, d'o l'impossibilit pour les employs d'exercer leur emploi. Parce que toute activit conomique ou sociale est dpendante des infrastructures d'eau, de dchets, de transport, d'nergie ou industrielle l'conomie toute entire pourrait en tre affecte. En revanche, de telles ruptures physiques pourraient constituer une opportunit de dveloppement pour les infrastructures de communication numrique et plus gnralement les nouvelles technologies de linformation et de la communication (NTIC).

    Regardons plus prcisment les consquences oprationnelles ngatives et leur effet direct sur les investisseurs. Dans le cas o une infrastructure serait dtruite par un vnement climatique extrme (tempte,) ou si l'utilisation d'une infrastructure tait compromise par une modification ou un impact climatique, les revenus des financeurs de cette infrastructure disparatraient aussitt. Ainsi, la rentabilit financire des investissements en infrastructures soit la raison mme pour laquelle les investisseurs s'intressent ce type d'actif serait altre. Plus gnralement, les risques dimpacts physiques et conomiques lis aux changements climatiques peuvent tre vus comme un accroissement global des risques existants. Cet accroissement peut tre qualifi de risque climatique et consiste en un accroissement dun certain nombre dautres risques existants. Par exemple :

    Il peut renforcer le risque environnemental, savoir les risques d'occurrence d'un vnement extrme. Ce risque est particulirement lev dans la mesure o les changements climatiques risquent de varier fortement dun territoire un autre et quil est aujourdhui difficile dvaluer les changements de climat lchelle locale.

    Il peut engendrer un risque oprationnel supplmentaire : par exemple, un tarissement ou une augmentation de temprature des ressources fluviales ncessaires au fonctionnement dune centrale nuclaire peut engendrer des dysfonctionnements au sein de la centrale, do une interruption de son offre nergtique.

    Il peut modifier le risque de march : par exemple, une route reliant deux entreprises dont l'une est contrainte de fermer cause du climat (cas o la production est dpendante du climat ou des ressources naturelles) verra ses flux d'utilisateurs diminuer fortement.

    Il peut crer un nouveau risque gopolitique li aux migrations climatiques des populations soumises aux modifications climatiques. Par exemple, la diminution des ressources en eau en Afrique pourra crer de nouvelles tensions territoriales, d'o un risque de conflit plus lev.

    Les investissements de long terme dans les infrastructures sont donc risque cause des modifications climatiques. Afin de faire face ces risques climatiques, les investisseurs de long terme peuvent avoir recours aux assurances. Cette solution, bien que ncessaire, n'est cependant pas suffisante.

    La couverture du risque climatique par les assurances : une rponse insuffisante

    Les assurances permettent aujourd'hui de faire face un certain nombre de risques, dont deux risques directement lis aux impacts physiques des vnements climatiques. Le premier est le risque d'occurrence de catastrophes de faible ou de moyenne svrit qui affectent des activits sur une zone gographique limite. Le second, quant lui, est le risque li aux catastrophes de trs forte intensit comme les inondations ou temptes, qui ont un impact plus important en termes de cots conomiques et humains, d'espace et de temps. Ce second type d'impact correspond aux vnements extrmes dont la frquence devrait augmenter avec les changements climatiques.

    8 Cochran, I. (2009).

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    Au vu des modifications climatiques attendues, on peut imaginer une augmentation de la demande en assurances. Cette augmentation potentielle de la demande (notamment de la part des investisseurs) pousse l'offre (les assureurs) trouver des moyens innovants pour y rpondre malgr les incertitudes majeures sur les dommages exacts dus aux changements climatiques : recours aux marchs financiers via des obligations, produits drivs spcifiquement ddis aux questions de catastrophes naturelles (par exemple : drivs climatiques, cat bonds9,). Malgr ces innovations financires, les assureurs n'ont aujourd'hui pas la capacit de couvrir entirement le risque climatique, ce pour plusieurs raisons. La liste suivante, sans tre exhaustive, suffit illustrer la ncessit de complter les systmes d'assurances par d'autres moyens :

    1. Les incertitudes lies aux changements climatiques rendent difficiles les modlisations auxquelles ont recours les assureurs actuellement pour planifier leur activit. Ces modlisations, traditionnellement bases sur des donnes historiques, ne sont en effet pas adaptes au caractre incertain et nouveau des impacts causs par les changements climatiques.

    2. Parce que les risques environnementaux diffrent d'un endroit l'autre l'chelle locale, il est difficile pour les investisseurs de se regrouper gographiquement pour couvrir ces risques. A la diffrence des risques financiers classiques, homognes l'chelle d'une rgion et qui peuvent tre regroups gographiquement, les risques environnementaux sont, mme dans un primtre gographique restreint, de nature et de degrs dincertitude diffrents.

    3. En tant qu'acteurs privs, les assureurs ont une approche financire de leur activit. Or, mesure que les changements climatiques s'accentuent, les risques climatiques augmentent et les assureurs peuvent choisir de ne plus couvrir certaines infrastructures considres comme trop risque localises par exemple trop prs d'une cte.

    4. Enfin, sans anticipation des changements climatiques, les investisseurs devront assumer un cot conomique important que leurs infrastructures soient assures ou non. En effet, (1) les infrastructures assurables verront leurs primes augmenter mesure que les risques climatiques grandissent, impliquant un cot assurantiel croissant dans le temps et (2) les infrastructures non-assurables risquent de subir des impacts dus aux changements climatiques, lesquels provoqueront des pertes de capital immdiates.

    Devant l'importance des impacts conomiques potentiels des changements climatiques et l'insuffisance du secteur assurantiel pour y faire face, la mise en place dune dmarche proactive de la part des investisseurs semble tre en mesure de contribuer rpondre la question climatique.

    II. UNE GESTION PROACTIVE DU PARAMETRE CLIMATIQUE

    Peu dinvestisseurs de long terme disposent ce jour dune stratgie cohrente dintgration des risques lis aux changements climatiques dans leurs investissements en infrastructures. Or, les dysfonctionnements des infrastructures causs par les changements climatiques pourraient, si aucune mesure efficace nest mene, se traduire par des pertes financires considrables.

    A. La double- action des investisseurs : le choix dinfrastructures vertes et adaptes

    Plusieurs pistes peuvent tre envisages par les investisseurs de long terme pour rduire les impacts que les changements climatiques auront sur leurs infrastructures (Figure 4). D'un ct, ils peuvent choisir dattnuer les changements climatiques en investissant dans des actifs peu metteurs de GES amoindrissant ainsi le risque dimpacts ngatifs lis au climat. Plus spcifiquement dans le cas du financement d'infrastructures, ils peuvent choisir d'investir dans des infrastructures qui

    9 Un Cat Bond ( Catastrophe Bond ) est une obligation dont le rendement est dpendant de la survenance dune

    catastrophe naturelle. Ces obligations sont typiquement utilises par les assureurs pour se rassurer contre les risques catastrophiques.

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    n'induisent que peu ou pas d'missions de gaz effet de serre, ou infrastructures vertes. Ce type d'action est qualifi d'attnuation du changement climatique.

    De l'autre ct, ils peuvent anticiper les changements climatiques inluctables en adaptant ds aujourd'hui ces actifs au climat prvu pour les annes venir. Il est en effet possible ds aujourd'hui danticiper et de rduire certains dommages que ce climat provoquera sur les infrastructures. Ce type d'action est qualifi d'adaptation aux changements climatiques.

    Figure 4 Les infrastructures face aux enjeux climatiques

    ADAPTATION : Rduction de la vulnrabilitdes actifs aux changements climatiques

    ATTENUATION : Rduction des missions de GES des actifs

    ACTIFSExemple:

    Infras tructures

    CHANGEMENTS CLIMATIQUESAugmentation de la temprature et du

    niveau de la merEvolutions dans les prcipitations

    Scheresse, inondations

    Rduction des impacts lis

    aux changements climatiques

    Emissions de GES

    Impacts sur les systmes

    humains et naturelsAUJOURDHUI

    OBJECTIF

    Source : CDC Climat Recherche

    Actions d'attnuation et d'adaptation sont complmentaires. Une infrastructure verte construite en zone ctire risque ainsi de perdre tout intrt en cas daugmentation du niveau de la mer linfrastructure contribuerait la rduction des missions de GES mais ne serait pas adapte lvolution de son environnement. En revanche, la mise en place de panneaux solaires un endroit o l'ensoleillement augmente en raison des changements climatiques est un exemple de mise profit du climat futur donc d'adaptation et de production dnergie renouvelable non mettrice de GES.

    Dans lanalyse cots-bnfice individuelle de linvestisseur lchelle du projet financer, les mesures de mitigation et dadaptation sont values diffremment. Dans les deux cas, linvestisseur supporte les cots lis au projet. Cependant, ladaptation lui procure un bnfice tangible direct (une infrastructure moins vulnrable), tandis que la mitigation bnficie lensemble de la socit, et trs marginalement linvestisseur. En termes conomiques, ladaptation possde donc des caractristiques dun bien individuel, tandis que la mitigation est un bien commun. Sans rglementation permettant linvestisseur dinternaliser les cots externes causs par le projet quil finance, on peut raisonnablement supposer que linvestisseur individuel de long terme aura intrt construire une infrastructure adapte ; il naura en revanche que peu dintrt construire une infrastructure peu mettrice.

    Un fort potentiel de rduction dmissions dans les infrastructures

    De faon gnrale, on peut distinguer quatre moyens de rduire les missions d'une infrastructure :

    Rduire les missions grce au choix du type dinfrastructure finance. Par exemple, la construction dune infrastructure de transport collectif plutt que dune autoroute ;

    Rduire les missions grce au choix de la localisation de linfrastructure. Par exemple, la construction dun btiment tertiaire dans un lieu desservi par des transports en commun afin de limiter les missions lies aux dplacements des employs de linfrastructure ;

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    Rduire les missions grce aux matriaux et quipements utiliss lors de la construction ou la rnovation de linfrastructure. Par exemple : lutilisation de matriaux disolation performants ou la mise en place dune chaudire amliorant la performance nergtique pour un btiment ;

    Rduire les missions grce lusage qui est fait de linfrastructure. Par exemple, une optimisation de lutilisation du chauffage ou de lclairage grce des systmes de rgulation.

    Plus prcisment, la mesure des missions et la comptabilisation des rductions effectives d'missions de GES se basent sur diffrentes mthodologies. Une analyse des missions par phase du cycle de vie de l'infrastructure permet par exemple de distinguer les missions lies la construction, lutilisation et la dmolition de linfrastructure. Une autre mthodologie est celle des trois Scope , qui analyse les missions directes ou indirectes selon une classification propose par le GHG Protocol10. Applique au cas des infrastructures, cette dernire propose de mesurer les missions lies l'activit ou l'utilisation de l'infrastructure (Scope 1), les missions lies la production de l'nergie utilise lors de l'activit/l'exploitation de l'infrastructure (Scope 2) et les missions indirectes de l'infrastructure : ceci inclut les missions lies la production des biens d'quipement utiliss lors de la construction et autres missions lies l'utilisation de l'infrastructure (par exemple : le transport des usagers et employs) (Scope 3). D'autres mthodologies existent et l'ensemble de ces mthodologies peut donner naissance des mthodes hybrides ou combines.

    Si lon tente dappliquer cette mthodologie lensemble des infrastructures mondiales comptabilisant les missions lies (1) la construction et la dmolition des infrastructures, (2) la production nergtique ncessaire leur fonctionnement, (3) lusage fait de ces infrastructures (par exemple : les voitures utilisant une route ou les missions issues de la chaudire dun btiment) on peut estimer approximativement deux-tiers des missions mondiales les missions lies aux infrastructures et leur utilisation. La Figure 5 prsente ainsi la rpartition mondiale des missions par secteur en 2004. On y observe que les secteurs du btiment, de lnergie, des dchets, des transports et de lindustrie reprsentent prs de 70 % des missions mondiales.

    Figure 5 Emissions mondiales de GES en 2004 par secteur

    Eau et Dchets

    2,8%

    Approvisionnement

    nergtique

    25,9%

    Transport

    13,1%

    Btiments

    7,9%

    Industrie

    19,4%

    Forts

    17,4%

    Agriculture

    13,5%

    Source: Troisime Groupe de Travail, Quatrime Rapport du GIEC, 2007; Banque mondiale.

    A court terme, ceci implique (i) que des actions correctrices doivent tre menes sur le parc existant, majoritaire l'chelle mondiale et en particulier dans les pays dvelopps ; (ii) que des actions anticipatrices et des nouvelles normes doivent tre intgres dans le cadre de construction d'infrastructures nouvelles, la fois dans les pays dvelopps et les pays en dveloppement.

    10 Le GHG Protocol a t mis en place conjointement par le World Resources Institute (WRI) et le World Business Council for

    Sustainable Development (WBCSD) pour donner des lignes directrices dans lestimation des missions. http://www.ghgprotocol.org/

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    Le Tableau 3 prsente les mesures prconises par la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC) pour rduire les missions des infrastructures la fois sur les infrastructures nouvelles et existantes et leurs quipements. Il prsente le potentiel de rduction dmissions de GES par secteur dinfrastructure soit un total de 12 20 Gt CO2eq par an par rapport aujourd'hui. De telles rductions permettraient de limiter la concentration en GES de latmosphre 450 ppm, a priori compatible avec un rchauffement de la plante infrieur 2C.

    Tableau 3 Actions prconises par la CCNUCC pour rduire les missions de GES dans les infrastructures et leurs quipements et potentiel de rduction estim par le GIEC

    Secteur Action prconise (CCNUCC) Potentiel de rduction d'missions(Gt CO2eq/an) (GIEC)

    BtimentsAccroissement des performances des systmes de chauffage, d'eau chaude et de l'clairage, de l'ef f icacit des appareils mnagers.

    PED : 2,7 3,3Monde : 5,3 6,7

    IndustrieAmlioration de l'ef f icacit nergtique et installation d'infrastructures de capture et stockage du carbone (CCS).

    PED : 1,6 3,8Monde : 2,5 5,5

    Approvisionnement en nergie

    Utilisation de technologies de capture et stockage du carbone (CCS), d'nergies renouvelables, d'nergie nuclaire et de l'hydrolectricit.

    PED : 1,3 2,7Monde : 2,4 4,7

    DchetsCapture du CH4 des centres de dchets et eaux uses pour une rutilisation comme carburant ou source d'lectricit.

    PED : 0,2 0,7Monde : 0,4 1

    Transport Construction de transports en commun, production et utilisation de vhicules hybrides.

    PED : 0,15Monde : 1,6 2,5

    TOTAL Infrastructures PED : 5,95 10,65Monde : 12,2 20,4

    Source : CDC Climat Recherche d'aprs CCNUCC.

    Ce tableau montre galement que mis part dans le secteur des transports, le potentiel de rduction d'missions de GES dans les infrastructures concerne pour moiti les infrastructures des pays en dveloppement. Ce constat s'ajoute au fait que 77 % des infrastructures nergtiques qui seront ncessaires en 2030 n'ont pas encore t construites (Project Catalyst, 2009), nouvelles infrastructures qui verront le jour majoritairement dans les pays en dveloppement. Un point essentiel de la rduction des missions de GES l'chelle mondiale sera donc de ne pas rpliquer dans la construction des infrastructures nouvelles les mthodes mettrices de carbone utilises aujourd'hui l'chelle mondiale. Ce point sera dvelopp plus amplement en Partie IV.

    L'adaptation des infrastructures au climat futur : quels enjeux ?

    La vulnrabilit d'un territoire ou d'une activit aux impacts physiques des changements climatiques peut tre dfinie comme le degr auquel un systme est susceptible ou au contraire incapable de faire face aux effets prjudiciables des changements climatiques, y compris ceux de la variabilit climatique et des extrmes11. Elle se distingue de la sensibilit, qui est le degr auquel un systme est affect positivement ou ngativement par les lments du changement climatique (y compris les caractristiques moyennes, la variabilit climatique et la frquence et lampleur des extrmes). La vulnrabilit est fonction de la nature, de lampleur et du rythme des changements climatiques auxquels le systme est expos, ainsi que de sa sensibilit et de sa capacit dadaptation en termes conomiques, institutionnels, humains et sociaux.

    11 GIEC (2007).

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    Une diminution de la vulnrabilit grce une meilleure adaptation aux changements climatiques permet donc de rduire la sensibilit d'un territoire ou d'une activit aux variations climatiques venir.

    La vulnrabilit des territoires est aujourd'hui un enjeu de taille, puisque les territoires sont un facteur dterminant dans la plupart des activits humaines. La vulnrabilit de l'conomie tout entire est ainsi directement lie la vulnrabilit des infrastructures puisque les activits humaines reposent pour la majorit sur des infrastructures, qu'elles soient conomiques (nergtiques, de transport, etc.) ou sociales (notamment les infrastructures de sant et d'ducation). Par exemple, comme vu prcdemment, des dommages causs aux infrastructures de transport d'un territoire donn (transport de personnes et de marchandises, rseaux de communication, distribution d'lectricit) affectent directement les entreprises en ralentissant ou en bloquant leur production. De tels impacts, s'ils ne sont pas anticips, auront un effet immdiat sur l'ensemble des actifs des investisseurs, donc sur le rendement de leur investissement.

    La longue dure de vie des infrastructures existantes et nouvelles les place au cur des problmatiques climatiques. D'un ct, les infrastructures existantes devront tre rnoves pour faire face aux changements climatiques. Quant aux projets actuels, le caractre peu flexible de leur construction implique qu'ils doivent ds aujourd'hui intgrer des solutions techniques et institutionnelles leur permettant d'viter les dommages des changements climatiques ou de profiter de leurs consquences positives. Les infrastructures devront ainsi prendre en compte ds aujourd'hui dans leur nature (rsilience et flexibilit des infrastructures face un climat changeant,) et leur localisation (loin des zones ctires,) les modifications climatiques futures critres qui peuvent tre intgrs aux plans d'amnagement territoriaux. D'une part, elles devront permettre de rpondre l'amplification des besoins en services essentiels lie aux changements climatiques (accs l'eau, nergie). Le fonctionnement des infrastructures dites de production devra ainsi tre garanti malgr des conditions climatiques diffrentes. D'autre part, de par leur place structurante dans l'amnagement urbain, elles pourront prendre la forme d'infrastructures dites de protection visant protger un territoire (digues, bassins de rtention d'eaux) et rduire ainsi sa vulnrabilit aux impacts climatiques.

    Une difficult majeure de la question de l'adaptation : l'incertitude climatique

    Les incertitudes et le manque d'informations prcises sur les volutions climatiques venir l'chelle locale induisent de nombreuses questions quant l'arbitrage temporel sur les investissements en actions d'adaptation. Deux questions se posent tout particulirement.

    La premire question est la suivante : comment bien adapter les infrastructures aujourd'hui compte tenu des incertitudes sur le climat futur ? L'un des risques dans la mise en uvre d'actions d'adaptation est en effet le risque de maladaptation 12, adaptation trop radicale ou prcipite finalement inadapte au climat futur. Une maladaptation pourrait en effet avoir l'effet inverse de celui dsir : le cot d'investissement initial aura t augment pour pallier le risque climatique risque qui devra finalement tre support car l'infrastructure ne sera en ralit pas adapte. Un exemple de maladaptation est la construction dune digue qui, en raison dune augmentation du niveau de la mer moindre relativement aux prvisions, devient superflue.

    Cette question est intrinsquement lie la seconde, savoir : faut-il investir aujourd'hui ? Il est en effet aujourd'hui difficile de prvoir dans quelle mesure la prcision des mesures et donnes sur le climat des annes venir peut tre et sera amliore. La question qui se pose est donc la suivante : sachant que l'on sait aujourd'hui qu'il existe un risque climatique, faut-il l'anticiper et investir ds aujourd'hui ou parier sur une volution favorable des connaissances climatiques ou des trajectoires dmissions futures dans des dlais suffisamment courts pour tre capable de ragir ? Deux solutions prconises dans la littrature13 sont la mise en uvre d'actions dites sans regrets , qui sont des actions d'adaptation qui s'avreront rentables quoiqu'il arrive en termes de climat, et la construction d'infrastructures dites flexibles, c'est--dire qui peuvent voluer avec les volutions climatiques. A titre dexemple, nous pouvons

    12 OCDE (2009a).

    13 Hallegatte, S. (2009).

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    imaginer une digue avec une capacit dadaptation progressive, susceptible d'tre rehausse dans le futur. Le cot des travaux serait alors mineur compar dune part au cot initial et dautre part aux pertes potentielles lies une maladaptation prcoce. D'autres types d'actions, comme le renforcement de la collaboration entre acteurs des projets et la mise en place progressive de mesures d'adaptation, permettront d'adopter des stratgies intgres souvent plus efficaces.

    Alors que ces questions sont essentielles pour les investisseurs, il est aujourd'hui difficile pour eux d'y rpondre en raison des incertitudes inhrentes la question climatique. Pourtant, l'urgence de la situation climatique rend ncessaire des actions de leur part ds aujourd'hui.

    B. Implications pour les stratgies dinvestissement en infrastructures

    Les actions de rduction des missions de GES et d'adaptation aux changements climatiques sont aujourd'hui intgrer dans les choix d'infrastructures des investisseurs de long terme plusieurs chelles.

    Le choix du mode de financement

    La stratgie d'un investisseur, au-del de la question de la temporalit, regroupe plusieurs lments qui peuvent chacun intgrer des paramtres climatiques (Figure 6). L'investisseur peut choisir d'intgrer des actions d'attnuation et d'adaptation dans sa stratgie travers chaque partie de la dcision d'investissement :

    Investissement en dette de long terme ou en fonds propres ? Comme dans tout projet, les limites du financement par fonds propres sont que celui-ci demande une rentabilit suffisamment leve pour justifier l'investissement. Le financement de projet par fonds propres est donc applicable pour des projets dadduction d'eau ou d'nergie rentables long terme et ncessaires pour un amnagement du territoire durable. D'autres projets spcifiques d'adaptation, comme les digues et autres infrastructures de protection, peuvent en revanche ne pas remplir ce critre. Ces projets dgagent une grande valeur sociale mais ne dgagent que peu de valeur conomique. Dans ce cas, le financement par dette de long terme est plus adapt qu'un financement par fonds propres. Fonds propres et dettes sont donc deux leviers complmentaires utiliser par les investisseurs de long terme pour rduire paralllement les missions de GES et la vulnrabilit des territoires.

    Financement primaire ou secondaire ? Le financement primaire (construction) implique une possibilit d'intgrer directement dans les critres de montage de projet des critres d'missions de GES et d'adaptation aux changements climatiques, donc une garantie de la prise en compte de ces critres. Cependant, la phase de construction est la plus risque pour un financeur, ce qui peut le dissuader de s'impliquer. Il pourra dans ce cas opter pour le financement secondaire (infrastructure existante et oprationnelle), qui est plus complexe en termes d'intgration d'exigences climatiques, puisqu'il s'agit de complter une infrastructure existante pour qu'elle induise moins d'missions de GES ou qu'elle soit plus adapte au climat futur. Cependant, ce type de financement est plus courant car il implique un risque infrieur pour l'investisseur. L'investisseur peut donc intgrer dans sa stratgie un arbitrage entre la mise en place de mesures environnementales et l'ampleur des risques classiques d'un financement de projet.

    Investissement domestique ou international ? Le positionnement gographique de l'investisseur a une double implication. Dans le cas d'actions d'attnuation, les rductions d'missions ont un impact l'chelle mondiale : l'effet sur les changements climatiques sera le mme indpendamment de la localisation gographique de l'infrastructure. Dans le cas d'actions d'adaptation, les impacts des changements climatiques tant variables d'un endroit un autre, le choix de l'investisseur est intrinsquement li sa stratgie globale. Il peut ainsi choisir dinvestir dans son propre pays pour en rduire la vulnrabilit ou opter pour une action internationale dadaptation.

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    Investissement sectoriel ou multisectoriel ? A l'image d'une situation normale d'investissement, l'investisseur peut choisir d'orienter ses investissements vers un secteur plutt qu'un autre s'il considre qu'il correspond davantage sa stratgie globale face aux changements climatiques. Il peut galement dcider de s'orienter davantage vers des actions d'adaptation ou des actions d'attnuation.

    Financement direct ou indirect ? Le financement direct (sans intermdiation financire) dans une infrastructure permet d'avoir un meilleur contrle de l'incorporation effective de critres climatiques.

    Financement de projet ou participation dans une entreprise ? La nature du contrle de linvestisseur sur lobjet de son investissement varie selon le type dinvestissement (projet ou participation) ; sa capacit intgrer ou exiger des critres environnementaux varie en consquence.

    Figure 6 Diffrentes options d'intgration du climat dans les investissements en infrastructures

    Financement dinfrastructures

    Projet ou Entreprise

    (cot(e) ou non)

    Dette ou Fonds

    propres

    Primaire ou Secondaire

    Direct ou Indirect

    Domestique ou

    International

    Sectoriel ou Multi-

    sectoriel

    Objet de linvestissement :

    Projet : projet de construction ou dexploitation dune ou plusieurs infrastructures

    Entreprise : entreprise qui exploite ou construit les infrastructures (participation au capital de lentreprise)

    Orienter les investissements

    vers des secteurs stratgiques

    dans la lutte contre les

    changements

    climatiques

    Rduire les missions

    lchelle mondiale et

    sadapter lchelle

    locale

    Dette et fonds propres

    complmentaires pour

    financer la fois

    lattnuation et

    ladaptation

    Deux leviers pour faire

    face aux changements

    climatiques :

    construction et

    exploitation

    Investir directement pour mieux

    contrler les critres environnementaux

    Source : CDC Climat Recherche d'aprs lOCDE.

    Orienter les caractristiques environnementales des projets financs

    Selon une tude de l'OCDE sur les investissements en infrastructures par les fonds de pension14, les investisseurs institutionnels de long terme privilgieraient (1) des investissements en fonds propres directs dans des projets (financement de projet) ou (2) dans des fonds d'infrastructures. Dautres modes

    14 Inderst, G. (2009).

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    20

    de financement tels que la dette sont nanmoins galement des solutions possibles, selon la stratgie du fonds et l'infrastructure considre.

    Linvestissement direct dans un projet. Schmatiquement : l'investisseur finance un projet d'infrastructure en collaboration directe avec un acteur public et un groupement d'acteurs publics ou privs (constructeur, exploitant, financeur, assureur). Ceci peut en particulier se faire sous forme dun partenariat public-priv, comme par exemple la dlgation de service public. Le projet gnre des revenus financiers qui permettent de rmunrer l'investisseur compter de la mise en exploitation de l'infrastructure. Ces revenus sont gnrs travers des tarifs pays par l'utilisateur de l'infrastructure ou travers des subventions dune autorit publique, selon quil sagit dune infrastructure conomique ou sociale. La

    Figure 7 prsente un schma simplifi d'un montage de projet d'infrastructure. L'intrt du financement de projet via un partenariat public-priv est, au-del du recours par un acteur public des ressources et une expertise prives, la rpartition des risques notamment des risques climatiques - selon la capacit et le savoir-faire de chaque acteur de les grer. Ce type d'investissement permet galement d'exiger des critres environnementaux lors du choix de l'infrastructure financer.

    Figure 7 Schma simplifi d'un processus de montage de projet intgrant des paramtres climatiques

    Etude de faisabilitLe choix des

    projets

    Construction et exploitation

    par des acteurs publics ou

    privs

    Investissements et

    Financements publics/privs

    (Prt bancaire, capital

    investissement, garantie

    publique ou prive etc.)

    Choix de matriaux,

    dquipements, etc

    Lutilisation de linfrastrcuture

    Choix des technologies, de la

    localisation etc.Commande publique

    Partage des risques

    financiers entre les diffrents

    acteurs

    Le montage du

    projet

    Intgrer des critres dattnuation et dadaptation via :

    Linvestisseur choisit les caractristiques du projet quil souhaite financer. Ses critres de choix se refltent dans la mise en uvre du projet, travers la construction et lexploitation de linfrastructure.

    Source : CDC Climat Recherche

    Les fonds d'infrastructure sont des fonds spcialiss dans l'investissement en infrastructures ; ils sont dans de nombreux cas aliments en fonds propres par des fonds institutionnels tels que les fonds de pension. Le contexte conomique et financier de ces dernires annes a suscit la cration de nombreux fonds de ce type, qui voient dans les infrastructures une opportunit financire. L'ensemble des fonds en attente de placement dans des actifs d'infrastructures reprsentait en 2006 entre 100 et 150 milliards de dollars, selon l'agence de notation Standard & Poors (S&P) le Groupe australien Macquarie grant lui seul 45 milliards de dollars de fonds propres. Cet essor des fonds d'infrastructures peut tre expliqu par l'intrt qu'ont les investisseurs la fois d'investir dans des infrastructures (Partie I) et de diversifier leurs risques, y compris les risques climatiques. L'investissement indirect leur permet en effet de diversifier leur risque au sein mme de la classe d'actifs infrastructures . Ce mode de financement d'infrastructures

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    permet galement aux investisseurs de dfinir le type de fonds dans lesquels ils souhaitent investir en fonction des types d'infrastructures finances par ces fonds. Certains fonds orientent en effet leur stratgie d'investissement vers le financement d'nergies propres ou d'infrastructures peu mettrices de gaz effet de serre. Ils pourraient de mme intgrer dans leurs critres de choix de projet des critres dadaptation aux changements climatiques (Figure 8).

    Figure 8 Investir dans un fonds d'infrastructures pour diversifier les risques

    1. Intgrer des critres dattnuation et dadaptation

    dans le choix des projets

    2. Diversifier et attnuer les risques climatiques

    pour linvestisseur

    Fonds dinfrastructures

    Investisseur

    Investisseur

    Investisseur

    Investisseur

    $$

    PROJETS

    Investisseur

    Investisseur

    Investisseur

    Investisseur

    Source : CDC Climat Recherche

    Un fonds ou un investisseur peut donc exiger le respect de certains critres environnementaux pour les infrastructures qu'il finance. Plutt que de ne se soumettre qu'aux seules rglementations locales, nationales et internationales celui-ci choisit de ne financer que les infrastructures rpondant un certain nombre de critres environnementaux, incluant des exigences en terme d'missions de GES et d'adaptation aux changements climatiques. La communication sur ces actions peut fournir linvestisseur des bnfices dimage considrables, car les mesures prises contribuent la protection de l'ensemble de l'conomie et sont par consquent bnfiques tous. Cependant, elles ne suffisent pas justifier les investissements ; la justification conomique de ces actions passe dans de nombreux cas par un environnement rglementaire propice ce type dinvestissement.

    III. LE ROLE DU CADRE REGLEMENTAIRE POUR SOUTENIR LINVESTISSEMENT

    A. La rglementation comme garantie et incitation investir

    Comme nous l'avons vu prcdemment, les actions d'attnuation et d'adaptation permettent aux investisseurs de rduire leurs risques climatiques, sassurant ainsi une meilleure stabilit de leurs revenus dans la dure. Cependant, d'autres gains et risques peuvent dcouler de ces actions, ncessitant un soutien public.

    Cots et risques de ladaptation : un besoin de garanties publiques

    Au-del des bnfices dimage, ladaptation aux changements climatiques peut induire des avantages pour linvestisseur en termes de cots. Lanalyse des cots des actions dadaptation peut tre compare une tude de cots dopportunit. En effet, il est intressant de comparer le cot des impacts lis aux changements climatiques au cot du financement de ladaptation lchelle dun projet. Le rsultat peut ou non arguer en faveur dactions dadaptation, lessentiel tant de dvelopper un nouveau savoir-faire qui consiste valuer lexistence ou non de surcots lis ladaptation de projets dinfrastructures.

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    La question des cots vient nanmoins sajouter celle des risques supplmentaires lis une action dadaptation. On peut noter entre autres trois types de risques.

    Des risques technologiques. L'un des moyens de rendre une infrastructure plus adapte est l'utilisation de technologies plus flexibles ou plus rsilientes au climat futur (voir Partie II). Or, comme c'est le cas pour l'ensemble des technologies nouvelles, lutilisation de nouvelles technologies encore mal connues ou mal matrises peut accrotre le risque technologique.

    Des risques rglementaires. Les questions d'adaptation aux changements climatiques tant troitement lies l'amnagement territorial, des contraintes rglementaires peuvent apparatre sous la forme de rgles durbanisme. Ainsi, linvestisseur fera face aux risques de permis et de faisabilit lors de la construction dune infrastructure dadaptation.

    Des risques lis linformation. Le manque de connaissances et dinformations sur lvolution relle du climat peuvent aboutir une maladaptation (voir Partie II). Ce risque peut inciter les investisseurs adopter des stratgies sans regrets et soutenir la recherche effectue sur le sujet. Paralllement, il rappelle aux autorits publiques la ncessit dune coopration publique-prive et dun soutien de la part des pouvoirs publics lchelle internationale.

    Malgr lintrt que les investisseurs ont choisir des infrastructures adaptes en vue dassurer le caractre soutenable de leurs investissements, lexistence de ces incertitudes agit comme une nouvelle barrire linvestissement. Cette difficult sajoute lurgence du besoin dadaptation et renforce la ncessit pour les pouvoirs publics de dvelopper des garanties et incitations au financement priv de ladaptation.

    Un cadre rglementaire propice aux actions dattnuation

    En termes de mesures dattnuation, lintrt des investisseurs dpend en grande partie du type daction mene : isolation des btiments, transport, nergies renouvelablesChaque activit peut tre analyse individuellement.

    Le financement des infrastructures dnergies renouvelables est lune des activits les plus rentables : destines rpondre la croissance des enjeux nergtiques venir, les nergies renouvelables notamment solaires et oliennes , reprsentent aujourd'hui une relle opportunit pour les investisseurs. L'attractivit des investissements en infrastructures de production d'nergie renouvelable repose principalement sur trois facteurs selon une tude RREEF publie en septembre 200915. Ces trois facteurs dcoulent de la question des cots et des incitations investir dans des nergies peu ou pas mettrices de CO2, savoir :

    La structure des cots de ces investissements et plus particulirement les questions de cot d'approvisionnement en combustible et de cot d'investissement initial (Encadr 3) ;

    Une incitation conventionnelle sous la forme de subventions et aides publiques sur la production d'nergies propres. Cependant, de telles subventions peuvent parfois apparatre comme l'une des barrires institutionnelles la mise en uvre du projet. En effet, dans le cas o les pouvoirs publics subventionnent l'nergie propre via des tarifs de rachats ou autre type de subventions, ils peuvent, afin de ne pas risquer de voir le montant des subventions dpasser la limite estime, plafonner le nombre d'autorisations de construction de ce type d'infrastructure, comme cela a t le cas rcemment en Espagne. Ainsi, un projet d'nergie renouvelable peut accuser un refus des pouvoirs publics en raison du caractre limit des fonds publics alors quil permettrait de rduire les missions globales de GES.

    Une incitation lie au cot des missions de CO2 : si ce cot est internalis via un systme de quotas de CO2 (comme par exemple le march des quotas europens) ou de taxe carbone, les

    15 Infrastructure Investments in Renewable Energy, RREEF Research Paper, September 2009, disponible au lien suivant :

    https://www.rreef.com/cps/rde/xbcr/ai_en/Infrastructure_Investments_Renewable9-09_LR.pdf.

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    missions de CO2 peuvent parfois tre valorises. De nombreuses rglementations fondes sur la valorisation des missions de GES ont vu le jour ces dernires annes, visant inciter les investisseurs simpliquer sur ce march. Cependant, des incertitudes sur les volutions du cadre et des contraintes associes aux missions de GES peuvent tre dissuasives pour l'investisseur. On peut ici citer par exemple les risques d'volution des lgislations concernant le carbone et les technologies propres (ex : tarifs de rachat, permis d'missions). A titre d'illustration, dans le cadre des ngociations sur les changements climatiques, les incertitudes sur laprs-2012 et sur les mcanismes conomiques associs (mcanisme pour un dveloppement propre et mise en uvre conjointe, qui permettent un investisseur de recevoir des crdits carbone monnayables en contrepartie dun investissement dans un projet rduisant les missions de gaz effet de serre) agissent comme une incitation ne pas s'impliquer dans ses projets avant qu'une dcision internationale ne soit prise.

    Encadr 3 Une opportunit dinvestissement sobre en carbone : Le cas des nergies renouvelables

    Comme c'est le cas pour de nombreuses infrastructures, les infrastructures d'nergies renouvelables ont un cot d'investissement initial particulirement lev. Elles prsentent galement parfois un risque li lutilisation de technologies nouvelles : les technologies ne sont parfois pas arrives maturit problmatique qui peut se traduire sous la forme d'une augmentation du risque de dfaut de la technologie utilise ou un risque que l'quipement install ne soit pas la hauteur des performances attendues.

    Cependant, l'arbitrage entre une infrastructure de production d'nergie fossile et une infrastructure de production d'nergie renouvelable repose souvent ailleurs. Pour la plupart des nergies renouvelables, l'immobilisation massive du capital (cots fixes) est en effet compense par une structure des cots de fonctionnement (cots variables) bien plus attractive que pour une infrastructure d'nergie fossile. Contrairement la production d'nergie fossile qui doit supporter un cot d'approvisionnement en combustible fossile, la production d'nergie renouvelable, issue de ressources naturelles non puisables, n'engendre pas ce type de cot. Les cots variables des infrastructures de production d'nergie fossile - qui incluent les cots des combustibles fossiles - augmentent avec la production d'nergie. En revanche, les cots variables de la plupart des infrastructures de production d'nergies renouvelables ( lexception des infrastructures de production dnergie partir de biomasse) ne consistent qu'en cots de maintenance et cots oprationnels, ces cots tant supporter pour n'importe quelle infrastructure.

    L'investissement initial, bien que particulirement lev, correspond alors, si l'on retire de la comparaison les cots de maintenance et oprationnels, au cot de la gnration d'lectricit pour la dure de vie de l'infrastructure.

    Alors que le montant du cot du capital investi pourrait apparatre comme une barrire l'investissement, il ne l'est pas pour les investisseurs institutionnels qui ont tendance privilgier des projets de grande taille en raison de leur taux de rentabilit plus lev. La structure de cots est mme optimale pour un financement par dette de long terme. Compte tenu (1) de l'augmentation prvisible des prix des nergies fossiles, (2) de la croissance constante de la demande nergtique, (3) de la multiplication des incitations rglementaires et de march investir dans des projets de rduction d'missions de GES et (4) de leur intrt dans le contexte de rduction des risques climatiques, ces investissements, reprsentent donc une relle opportunit pour les investisseurs de long terme. Mieux encore, la crise rcente a montr une relative dcorrlation de ces actifs (hors Etats-Unis) vis--vis du march traditionnel : la valeur des transactions financires fin 2008 tait de 47,6 milliards de dollars, soit une hausse de 41% par rapport 2007. Cette hausse sur le secteur s'est poursuivie en 2009 avec un premier trimestre de 15 % plus haut en volume que la mme priode en 2008. Au total, les transactions financires du secteur auront vu une hausse de 238 % entre 2005 et 2008.

    CDC Climat Recherche d'aprs RREEF, Dealogic

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    Des garanties publiques ddies au climat

    Dans les deux cas de lattnuation et de ladaptation, on constate une apparition d'incertitudes et de risques nouveaux et difficilement valuables pour les investisseurs privs. Du fait du manque dinformation, dexpertise et dexprience, le secteur priv ne saura pas grer ces risques en utilisant les modles de gestion de risque traditionnels. La Figure 9 montre le processus selon lequel la diminution

    Encadr 4 Le projet de rutilisation des gaz de dcharge de Burwood dans la municipalit de Christchurch en Nouvelle Zlande

    Les rductions d'missions peuvent tre valorises conomiquement dans le cadre de politiques publiques de limitation des missions de GES. A titre dexemple, les mcanismes de projet du protocole de Kyoto permettent d'obtenir en contrepartie d'une rduction d'mission de GES des crdits carbone changeables et valorisables sur les marchs internationaux du carbone. La dlivrance des crdits suppose que le projet a t enregistr par la CCNUCC, et que les rductions d'missions ont t constates par un auditeur accrdit par la CCNUCC. Dans le cas o l'investisseur souhaiterait financer ce type de projet, il devrait donc se soumettre, avec le porteur de projet, des critres et conditions spcifiques lui permettant de valoriser conomiquement ces rductions d'missions. Le Tableau 4 prsente un exemple de projet dont les missions sont en cours de valorisation : un projet de rutilisation des gaz de dcharge de Christchurch en Nouvelle Zlande.

    Tableau 4 Caractristiques du projet de rutilisation des gaz de dcharge de Burwood

    Projet Valorisation de gaz de dcharge de la municipalit de Christchurch

    Description du projet

    Construction dun systme permettant l'utilisation du gaz mthane de

    la dcharge de dchets municipale pour produire de l'lectricit et de

    chaleur pour la piscine municipale de Christchurch.

    Motivations

    * Mettre profit une action de rduction d'missions de gaz effet de serre (gaz de dcharge)

    * Mener des activits en cohrence avec le plan climat local

    * Rduire les dpenses communales

    Cadre rglementaire Mise en uvre conjointe, mcanisme de projet rgi par larticle 6 du

    protocole de Kyoto

    Caractristiques financires

    * Critre d'additionalit financire : le projet n'aurait pas t rentable

    sans la valorisation des rductions d'missions de GES

    * Cot du capital initial : USD 3 millions (NZD 4,2 millions)

    Retombes financires

    * Rduction des dpenses communales

    * Gains en termes de cots d'lectricit et de gaz : USD 0,7 millions par

    an (NZD 1 million)

    * Crdits Kyoto gnrs et vendus : USD 2,1 millions sur 5 and (NZD 3 millions)

    Difficults

    * Audit des rductions d'missions * Coordination des diffrents acteurs en prsence * Coordination entre les diffrentes chelles (locale et nationale)

    Poursuite du projet aprs la fin des ventes de crdit

    Source : CDC Climat Recherche d'aprs Christchurch City Council.

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    des risques climatiques par l'adaptation et l'attnuation des missions engendre de nouveaux risques. Elle illustre lintrt pour les pouvoirs publics de mettre en place des systmes de garanties et incitations pouvant contribuer renverser la tendance de l'accroissement des risques autres que climatiques. Les garanties publiques pour les financements privs des infrastructures se dcident en rgle gnrale au cas par cas, en analysant chaque fois les capacits du secteur priv assumer certains risques et lintrt du secteur public en couvrir dautres.

    Figure 9 Mettre en place des garanties et incitations pour compenser les contraintes nouvelles

    Rduction des risques

    climatiques via des actions

    dadaptation et de mitigation

    Besoin de

    garanties &

    dincitations

    publiques pour

    rduire les

    nouveaux

    risques

    IMPACT

    OBJECTIF

    Augmentation

    des risques

    techonologiques,

    rglementaires

    Utilisation de

    nouvelles

    technologies,

    Localisation, Mise

    profit des politiques

    climatiques,

    Source : CDC Climat Recherche

    Des incitations du secteur public telles que l'apport de garanties et de fonds publics permettant un meilleur effet de levier seront primordiales pour rendre ce type de projet attractif pour l'investisseur.

    Une rponse insuffisante donne lors des ngociations de Copenhague

    Lun des constats de la dernire Confrence des Parties Copenhague, en dcembre 2009, a t celui de limpossibilit pour les secteurs publics et privs dagir seul. Dune part les financements publics sont insuffisants face aux enjeux climatiques et dautre part les investisseurs privs notamment les investisseurs de long terme requirent un cadre rglementaire international et national leur permettant une meilleure visibilit et une meilleure scurit pour leurs investissements.

    LAccord dit de Copenhague, fruit de la Confrence, assure ainsi une continuit dans les dmarches de coopration entre secteurs public et priv, notamment destination des pays en dveloppement. L'une de ses conclusions est notamment quil convient de crer un environnement transparent et fiable pour les mesures d'attnuation et d'adaptation tant pour l'origine des moyens mobiliss que pour le cadre de leur mise en uvre. Cette conclusion se dcline de deux manires :

    En termes d'adaptation aux changements climatiques, lAccord souligne que les pays dvelopps devront fournir des ressources financires et autres adquates, prvisibles et durables.

    Les actions d'attnuation prises par les pays en dveloppement seront soumises des mesures dvaluation, de reporting et de vrifications domestiques. Ces pays communiqueront les

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    rsultats de mise en uvre de leurs actions, au travers dinstruments de communication permettant une consultation internationale et dans le respect de la souverainet nationale. 16

    Ces deux prconisations tmoignent d'une tendance gnrale vers la mise en place d'un cadre rglementaire adapt l'investissement priv. Cependant, le constat de la ncessit dune gestion conjointe des problmatiques climatiques ne suffit pas laction, et malgr les mesures rglementaires existantes (les marchs du carbone par exemple), linsuffisance des volutions rglementaires prvues par les dernires ngociations laisse les investisseurs privs perplexes. Ceux-ci sont en effet face une double exigence conomique et climatique et ont besoin de nouvelles garanties et incitations pour poursuivre dans cette voie.

    B. Lallocation des fonds publics, levier pour linvestissement priv

    Le secteur public a la possibilit dattirer des fonds privs travers la garantie des risques et les incitations rglementaires permettant de dpasser les barrires conomiques auxquelles font face les investisseurs de long terme aujourdhui. Cependant, certaines propositions rcentes suggrent de renforcer la coopration public- prive sous la forme de leviers publics dinvestissement priv.

    Ltude du Programme des Nations Unies pour l'Environnement (PNUE) sur les mcanismes financiers publics17 entre en droite ligne des problmatiques de cration d'un cadre public adapt pour attirer les investisseurs privs. Selon cette tude, le recours un mcanisme de financement public appropri pourrait, pour un dollar d'investissement public, lever entre 3 et 15 dollars d'investissement priv. Le PNUE propose donc de crer des paquets public-privs mme dattnuer les risques auxquels sont confronts les investisseurs privs dans le cas dinfrastructures moins mettrices de GES. Associant diffrentes approches pour faciliter et garantir le financement de certains projets, ils permettent dassurer une certaine stabilit des revenus pour les investisseurs. Ils constitueraient galement un levier considrable pour le financement de la lutte contre le changement climatique, tout particulirement au vu des limites de la finance publique.

    Paralllement l'augmentation des besoins en investissements pour lutter contre le drglement climatique et ses consquences, les gouvernements travers le monde expriment en effet de plus en plus clairement leur incapacit runir la totalit des sommes financires ncessaires. Le World Economic Forum (WEF) estime ainsi que les engagements financiers du secteur public l'chelle mondiale pourraient atteindre au maximum 110 milliards de dollars par an pour la lutte contre les changements climatiques si tous les transferts de ressources taient oprationnels, soit un montant infrieur de plusieurs centaines de milliards de dollars aux besoins estims. L'insuffisance de fonds publics pour financer directement l'ensemble des projets et politiques climatiques renforce la ncessit dj prgnante d'optimiser l'allocation de ces ressources. Une telle optimisation passe notamment par la mise en place de mcanismes financs par les ressources publiques et permettant de lever des fonds privs, comme explicit ci-dessus.

    La principale motivation du secteur public mettre en place ce type de mcanisme est donc l'optimisation de l'allocation des ressources publiques face des besoins considrables pour prserver les socits l'chelle mondiale. C'est le cas tout particulirement dans les pays en dveloppement, o se prsentent de nombreuses opportunits d'investissement mais o ces incertitudes et freins l'investissement dcouragent encore de nombreux investisseurs.

    16 Traduction de lauteur.

    17 UNEP and Partners (2009a).

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    IV. LES PAYS EN DEVELOPPEMENT : ENTRE BESOINS ET OPPORTUNITES

    A. Les infrastructures des pays en dveloppement et l'enjeu climatique

    Une multiplication des opportunits d'investissement en infrastructures

    Avec l'augmentation de la population et la croissance urbaine forte, les pays en dveloppement devraient voir la plus grande augmentation de demande en termes d'infrastructures dans les annes venir. Selon les prvisions des Nations Unies, la population mondiale devrait atteindre 9 milliards de personnes d'ici 2050. Sur ces 9 milliards d'individus, les zones urbaines des pays en dveloppement en rassembleront plus de 5 milliards (Figure 10). D'ici 2025, par exemple, la Chine devrait compter 220 villes de plus de 1 million d'habitants, villes qui, en tant que regroupements humains, exigeront un grand nombre d'infrastructures ; en comparaison, l'Union europenne en recense aujourd'hui 35.

    Figure 10 Evolution des populations urbaines et totales du monde et des pays en dveloppement (en millions d'habitants)

    0

    1 000

    2 0003 000

    4 000

    5 000

    6 000

    7 0008 000

    9 000

    10 000

    1950 1970 1990 2010 2030 2050

    Population mondiale

    Population des PED

    Population urbaine mondiale

    Population urbaine des PED

    50% de la population mondiale

    Source: CDC Climat Recherche d'aprs Population Division of the Department of Economic and Social Affairs of the United Nations Secretariat, World Population Prospects: The 2006 Revision et World Urbanization Prospects: The 2007 Revision

    La construction d'infrastructures vertes

    De l'accroissement des populations dcoulera ncessairement une augmentation des besoins en systmes d'infrastructures nouveaux travers le monde, et tout particulirement dans certains pays mergents comme la Chine ou lInde. Or, l'augmentation de la demande en infrastructures, si elle ne rencontre pas une offre suffisante en projets sobres en carbone, sera elle-mme synonyme d'une augmentation considrable des consommations nergtiques et, par consquent, des missions de gaz effet de serre. Aujourd'hui dj, on constate que la consommation nergtique dans les pays en dveloppement a augment de 176 % entre 1971 et 2005 contre 46 % pour les pays du Nord18, constat qui vient en cho celui du doublement de la population depuis 1970 et au dveloppement conomique.

    L'investissement dans des infrastructures vertes devrait permettre de rduire les missions de GES qui dcouleront de la croissance des pays en dveloppement. De tels investissements viennent