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Ann Dermatol Venereol2006;133:117-23Articles scientifiques
Mémoire original
Étude clinique et recherche de mutations germinales du gène PTCH 1 dans le syndrome des hamartomes basocellulairesC. PRUVOST-BALLAND (1), P. GORRY (2), N. BOUTET (2), T. MAGNALDO (3), G. MAMELLE (4), A. MARGULIS (5), F. KOLB (4), P. DUVILLARD (6), A. SPATZ (6) L. BRUGIÈRES (7), A. CHOMPRET (8), M.-F. AVRIL (1)
Résumé
Introduction. La naevomatose basocellulaire ou syndrome des
hamartomes basocellulaires est une génodermatose de transmission
autosomique dominante caractérisée par des anomalies du
développement et une prédisposition aux cancers. Le gène PTCH 1,
localisé en 9q22.3 est le gène responsable de la naevomatose
basocellulaire. L’objectif de ce travail était de rapporter les caractéristiques
cliniques et génétiques des malades suivis pour une naevomatose
basocellulaire et de les comparer aux données de la littérature.
Malades et méthodes. Une recherche de mutation du gène PTCH 1 a été
réalisée chez 22 malades suivis entre 1981 et 2003 pour suspicion
clinique de naevomatose basocellulaire. Les données cliniques et
radiologiques étaient recueillies rétrospectivement dans les dossiers.
L’analyse génétique était réalisée sur un échantillon de sang après
signature d’un consentement éclairé par le malade. Si une anomalie du
gène PTCH 1 était identifiée, l’analyse était également réalisée pour les
membres de la famille qui l’acceptaient.
Résultats. Tous les malades avaient des hamartomes basocellulaires,
45 p. 100 des puits palmo-plantaires, 62 p. 100 des kystes
odontogéniques et 66 p. 100 une calcification de la faux du cerveau. Les
médulloblastomes et les méningiomes étaient les tumeurs associées les
plus fréquentes. Treize malades avaient une mutation : 6 avaient une
forme familiale, 3 une forme sporadique et pour 4 malades, il n’était pas
possible de conclure. Neuf nouvelles mutations germinales distinctes
ont été trouvées.
Discussion. L’analyse génétique apporte une confirmation moléculaire
du diagnostic chez la moitié des malades environ. Il est souhaitable de
dépister les anomalies cliniques et radiologiques chez les sujets jeunes,
afin d’apporter des conseils de prévention notamment en terme de
photoprotection.
Summary
Background. Nevoid basal cell carcinoma syndrome is an autosomal
dominant disorder characterized by developmental abnormalities and
cancer predisposition. The PTCH 1 gene, the human homolog of the
Drosophila segment polarity gene patched, has been shown to be involved
in the development of nevoid basal cell carcinoma syndrome. PTCH 1 is
mapped to chromosome 9q22.3. The aim of the present study was to
report on clinical and genetic characteristics in patients followed for
nevoid basal cell carcinoma syndrome and to compare them to the data
in the literature.
Patients and methods. Screening for PTCH 1 mutations was done in
22 patients followed between 1981 and 2003 for clinical suspicion of
nevoid basal cell carcinoma syndrome. Clinical and radiological data were
reviewed retrospectively from records. Genetic analysis was performed
using blood samples after patient informed consent was obtained. When
possible, DNA was also analyzed from the parents of patients in whom
PTCH 1 mutations were found.
Results. All patients had developed basal cell carcinomas: 45% palmar
and plantar pitting, 62% jaw cysts and 66% calcification of falx cerebri.
Medulloblastomas and meningiomas were the most common associated
tumors. PTCH 1 mutations were identified in 13 patients: 6 familial cases,
3 sporadic cases and for 4 patients, it was not possible to conclude. Nine
different new germ-line mutations were identified.
Discussion. Genetic analysis allows molecular confirmation of diagnosis
in about half of all patients. Early diagnosis is essential for detection of
clinical and radiological manifestations in young patients and for
provision of advice concerning protection of the skin from the sunlight.
(1) Service de Dermatologie, Institut Gustave Roussy, Villejuif.(2) Laboratoire de Génétique Moléculaire, Institut Bergonié, Bordeaux.(3) UPR 2169 CNRS, Institut Gustave Roussy, Villejuif.(4) Département de Chirurgie ORL, Institut Gustave Roussy, Villejuif.(5) Département de Chirurgie, Institut Gustave Roussy, Villejuif.(6) Département d’Anatomie Pathologique, Institut Gustave Roussy, Villejuif.(7) Département de Pédiatrie, Institut Gustave Roussy, Villejuif.(8) Département de Médecine, Institut Gustave Roussy, Villejuif.
Tirés à part : M.-F. AVRIL, Service de Dermatologie, Hôpital Cochin-Tarnier,
89, rue d’Assas, 75006 Paris.E-mail : [email protected]
Clinical and genetic study in 22 patients with basal cell nevus syndrome.C. PRUVOST-BALLAND, P. GORRY, N. BOUTET, T. MAGNALDO, G. MAMELLE, A. MARGULIS, F. KOLB, P. DUVILLARD, A. SPATZ L. BRUGIÈRES, A. CHOMPRET, M.-F. AVRILAnn Dermatol Venereol 2006;133:117-23
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C. PRUVOST-BALLAND, P. GORRY, N. BOUTET et al. Ann Dermatol Venereol2006;133:117-23
a naevomatose basocellulaire ou syndrome des hamar-
tomes basocellulaires (SHB) [1] est une génodermato-
se de transmission autosomique dominante carac-
térisée par un spectre d’anomalies du développement et une
prédisposition à différents cancers. Sa prévalence a été esti-
mée à 1 pour 56 000 en Angleterre [2], et à 1 pour 164 000 en
Australie [3]. Ce syndrome associe de multiples carcinomes
basocellulaires (CBC) à d’autres types de tumeurs (médullo-
blastomes, méningiomes), des « pits » ou puits palmaires et
plantaires, des kystes épidermoïdes des maxillaires, et des
anomalies du développement (anomalies osseuses costoverté-
brales, calcifications cérébrales, dysmorphie faciale, différen-
tes anomalies neurologiques, oculaires et génitales) [4]. Le
potentiel carcinologique fait la gravité de cette maladie ce qui
justifie un dépistage précoce et une surveillance régulière des
malades et de leur descendance. Le gène PTCH 1 localisé en
9q22.3, homologue du gène patched de la drosophile, a été
identifié en 1996 [2, 5-8]. Les observations des malades suivis
pour un SHB, et qui avaient eu une recherche d’anomalies du
gène PTCH 1, ont été revues et comparées aux données de la
littérature.
Malades et méthodes
Entre 1981 et 2003, le diagnostic de SHB a été envisagé pour
26 malades venus consulter dans le service de dermatologie.
Les critères d’inclusion dans l’étude étaient : diagnostic clini-
que de SHB, selon les critères diagnostiques de Shanley et al.[3] (tableau I), retenu devant la présence de deux critères ma-
jeurs, ou un critère majeur et deux mineurs ou d’un critère
majeur ou de deux critères mineurs si un parent du premier
degré était atteint, et recherche d’une anomalie germinale du
gène PTCH 1, après information et consentement écrit. Les
dossiers cliniques et radiologiques ont été revus. Quatre ma-
lades ont été exclus car le diagnostic de SHB n’a finalement
pas été retenu après utilisation des critères de Stanley. L’étude
porte sur 22 malades.
RECHERCHE DE MUTATION DE PTCH 1
Les prélèvements consistaient en des prises de sang (5 à
10 ml) sur anticoagulant (EDTA ou héparine) réalisées lors
des consultations et adressées au laboratoire de génétique de
l’Institut Bergonié (Bordeaux). Après extraction d’ADN,
l’amplification in vitro des 23 exons du gène PTCH 1 était
réalisée par PCR à partir des 24 amorces précédemment uti-
lisées [7, 9-11]. Le criblage électrophorétique à la recherche de
variants était réalisé par dHPLC. Le séquençage a été réalisé à
l’aide du kit « ABI PRISM Big Dye terminator Cycle
Sequencing » (Perkin Elmer). Une analyse informatique des
séquences était nécessaire après chaque migration et lecture
automatique. Les électrophorégrammes obtenus étaient
analysés, et comparés à la séquence de référence U59464, à
l’aide de différents programmes contenus dans la suite du
logiciel GCG (Genetic Computer Groupe, University of
Wisconsin). Si une anomalie du gène PTCH 1 (mutation ou
polymorphisme) était identifiée, l’analyse était également réa-
lisée pour les autres membres de la famille qui avaient accep-
té ou souhaité un prélèvement. Si aucune anomalie n’était
identifiée, les autres membres de la famille (sauf en cas de
suspicion clinique de SBH) n’étaient pas testés.
Résultats
Parmi les 22 malades avec une suspicion clinique de SHB,
dix appartenaient à cinq familles comportant deux membres
atteints : père et fils dans 3 familles, mère et fils dans une fa-
mille, mère et fille dans une famille. Il y avait 8 hommes et
14 femmes (sex-ratio M/F : 0,57). Deux malades (père et fils)
étaient italiens. La moyenne d’âge au moment de l’inclusion
dans cette étude était de 44,9 ans (de 18 à 83 ans, médiane :
45 ans). Tous les malades avaient des CBC. Quatre d’entre
eux avaient reçu de la radiothérapie dans l’enfance : trois
pour médulloblastome, un pour rhabdomyome embryonnai-
re multifocal (cervical et préthoracique). L’âge d’apparition
des CBC s’échelonnait entre 5 et 47 ans (moyenne 24,2 ans ;
médiane 23). Ces CBC siégeaient sur le visage (94 p. 100),
sur le tronc (70 p. 100) mais aussi sur le reste du corps
(56,2 p. 100). Le nombre de CBC était inférieur à 10 dans
18 p. 100 des cas, entre 10 et 50 dans 41 p. 100 des cas et su-
périeur à 50 dans 41 p. 100. La présentation clinique était va-
riable allant de petits nodules < 3 mm (53 p. 100) à des
formes invasives ou térébrantes (28,5 p. 100). L’aspect le
plus fréquent était le CBC nodulaire (70 p. 100). Plusieurs
malades avaient des CBC de type plan superficiel du tronc.
Les hamartomes basocellulaires étaient présents chez
36 p. 100 des malades mais leur individualité par rapport aux
CBC n’était pas toujours évidente. Parmi les autres anoma-
lies cutanées, les puits palmo-plantaires étaient présents
chez 45 p. 100 des malades, les kystes épidermiques étaient
trouvés avec une fréquence particulièrement élevée de
41 p. 100. Vingt-deux pour cent des malades avaient des lipo-
mes et 18 p. 100 des taches café au lait. Les autres tumeurs
bénignes étaient un spiradénome eccrine, un trichoépithé-
liome, un pilomatricome, et un neurofibrome. Treize mala-
des avaient des antécédents de kystes odontogéniques dont
l’âge de survenue variait entre 10 et 32 ans (moyenne
19,7 ans ; médiane 17 ans). Aucune autre manifestation sto-
matologique n’était notée. La calcification de la faux du cer-
Tableau I. – Critères cliniques du syndrome de Gorlin.
Multiples CBC Anomalies du développement
et du squelette
Au moins deux critères majeurs, ou
Puits palmo-plantaires
Tumeurs 1 critère majeur et 1 parent 1er degré atteint, ou
Kystes odontogéniques
Retard mental 2 critères mineurs et 1 parent du 1er degré atteint, ou
Calcification de la faux du cerveau
multiples CBC dans l’enfance
L
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Ann Dermatol Venereol2006;133:117-23
Clinique et gène PTCH 1 dans le syndrome des hamartomes basocellulaires
veau était présente chez dix malades parmi les quinze pour
lesquels une radiographie ou un scanner était disponible.
Trois d’entre eux avaient également une calcification de la
tente du cervelet. Les anomalies du squelette et du développe-
ment sont répertoriées dans le tableau II. L’anomalie endo-
crinienne la plus fréquente était l’adénome thyroïdien
(18 p. 100) ; Il y avait également un cas de cryptorchidie, un
adénome surrénalien, un cas d’hypogonadisme, une pseudo-
parathyroïdie et une hypercholestérolémie. Les malforma-
tions viscérales observées consistaient en : une malformation
biliaire, un uretère rétrocave, une malformation rénale non
précisée, un kyste lympho-mésentérique, et des angiomes
hépatiques. Parmi les tumeurs extracutanées, les médullo-
blastomes (13 p. 100) et les méningiomes (18 p. 100) étaient
les plus fréquents. L’âge de survenue des médulloblastomes
variait de 4 et 6 ans (moyenne 5 ans). À l’inverse, les ménin-
giomes apparaissaient plus tardivement, entre 20 et 78 ans
(moyenne 46 ans). Des fibromes ovariens ont été trouvés
chez 2 malades. D’autres tumeurs ont été observées : un adé-
nocarcinome colique, des fibromes utérins ayant nécessité
une hystérectomie, un kyste dermoïde de l’ovaire et un
cancer du rein (histologie non précisée). Enfin, un malade a
développé 3 tumeurs différentes : un rhabdomyome em-
bryonnaire à l’âge d’un an, un léiomyome sous angulo-maxil-
laire à l’âge de 7 ans, puis un schwannome sous digastrique
à l’âge de 19 ans. Trois malades sont décédés depuis le prélè-
vement pour cette étude génétique : l’un à 66 ans de métas-
tases d’un cancer colique, deux autres de cause inconnue à
56 ans et 80 ans.
L’analyse du gène PTCH 1 a mis en évidence six mutations
germinales délétères chez 9 malades, quatre anomalies de
type faux-sens d’interprétation délicate chez 4 malades, et
9 polymorphismes isolés ou associés soit à un ou à plusieurs
autres polymorphismes soit à une mutation germinale chez
13 malades (tableau III).
Quatre mutations germinales correspondaient à des déca-
lages du cadre de lecture (« frameshift ») secondaire à des dé-
létions (n = 3) ou des insertions (n = 1). Deux mutations
germinales étaient des mutations de type non sens qui con-
duisaient à la formation d’une protéine tronquée.
Dans six cas, il y avait un contexte familial (2 malades por-
teurs de la même mutation par famille pour 3 familles [de
type « père-fils »]). Dans un cas, il s’agissait d’une forme spo-
radique, car les deux parents étaient indemnes. Pour deux
malades, il n’était pas possible de conclure avec certitude sur
le caractère familial ou sporadique, car aucun apparenté as-
cendant ou collatéral n’avait été prélevé.
Chez quatre malades, une mutation de type faux sens était
identifiée (tableau III).La recherche de mutation germinale du gène PTCH 1 était
négative chez 9 patients. Dans deux cas, un descendant avait
aussi une suspicion clinique de SHB : il s’agissait d’une fa-
mille de type mère-fils et d’une famille de type mère-fille. Les
données cliniques concernant ces malades figurent dans le
tableau IV.
Discussion
Le SHB est rare. L’identification d’une mutation germinale
du gène PTCH 1 apporte une confirmation moléculaire du
diagnostic, comme chez 13 de nos malades. Nous avons com-
paré les résultats de nos études clinique et génétique aux don-
nées de la littérature (tableau V).
La fréquence des CBC est particulièrement élevée dans no-
tre série puisque d’autres équipes trouvent une fréquence va-
riant entre 47 p. 100 et 80 p. 100 [3, 12, 13]. Un biais de
recrutement secondaire à l’activité essentiellement cancéro-
logique du service est probable, les autres études ayant été
réalisées dans des services de pédiatrie et/ou de génétique.
La moyenne d’âge de survenue des CBC est de 24,2 ans et ils
Tableau II. – Fréquence des anomalies du squelette et du dé-veloppement chez les malades de notre série.
Patients atteints (%)
Dysmorphie évidente 7/21 (43)
Anomalies crânio-faciales :Macrocéphalie 6/22 (27)Bosse frontale 4/22 (18)Palais ogival 1/22 (4, 5)Fente palatine 0Autres 4/22 (18)
Anomalies ophtalmologiques :Hypertélorisme 4/22 (18)Strabisme 1/22 (4, 5)Télécanthus 0Cataracte 1/22 (4, 5)Glaucome 1/22 (4, 5)Amblyopie 0Autres 3/22 (13)
Anomalies squelette :Aspect marfanoïde 4/22 (18)Pectus cavatum 5/22 (23)Scoliose 4/22 (18)Cyphose 2/22 (9)Genu valgum 0Cotes cervicales 1/21 (5)Cotes bifides 3/19 (16)Spina bifida 2/22 (9)Fusion des vertèbres 1/22 (4, 5)Brachymétacarpie/tarsie 1/22 (4, 5)
Anomalies neurologiques :Épilepsie 5/22 (23)Anosmie 1/22 (4, 5)Surdité 1/22 (4, 5)Agénésie corps calleux 2/22 (9)Autres 3/22 (13)
Anomalies endocriniennes :Adénome thyroidien 4/22 (18)Adénome surrénalien 1/22 (4, 5)Autres 4/22 (18)
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C. PRUVOST-BALLAND, P. GORRY, N. BOUTET et al. Ann Dermatol Venereol2006;133:117-23
se développent autant sur le visage (94 p. 100, zone photoex-
posée) que sur le tronc (100 p. 100, zone non photoexposée).
Le rôle de l’exposition solaire dans leur survenue chez les su-
jets atteints de SHB a été évalué par Goldstein et al au moyen
d’un questionnaire adressé à 72 malades atteints de SHB.
Les résultats ont été comparés aux données publiées dans la
population générale [14] : dans le SHB, 59 p. 100 des CBC
chez les femmes et 65 p. 100 chez les hommes, surviennent
sur les zones photoexposées versus 88 p. 100 des CBC chez
les femmes et 86 p. 100 chez les hommes dans la population
générale. La fréquence plus élevée sur les zones non pho-
toexposées dans la SHB signifie que le soleil favorise la sur-
venue des CBC, mais qu’il ne s’agit pas là d’un facteur
indispensable à la carcinogenèse. Parmi les autres facteurs
intervenant dans le développement des CBC au cours de la
SHB, beaucoup d’auteurs citent la radiothérapie. Dans notre
série, 4 malades ont reçu de la radiothérapie dans l’enfance.
Les premiers CBC sont apparus en moyenne 13,7 ans après
le traitement et étaient situés principalement sur le cuir che-
velu, la nuque, le dos (en regard du rachis). Les différentes
études montrent que les malades atteints de SHB ayant reçu
une radiothérapie pour médulloblastome développent de
multiples CBC sur les zones traitées dans un délai très court
de 6 à 36 mois contrairement au délai habituel moyen de
21 ans dans la population générale [15].
Dans notre série, les puits palmoplantaires étaient trouvés
avec une fréquence nettement inférieure à celle rapportée
dans la littérature qui est de 85 p. 100, mais une sous-estima-
tion de leur fréquence est possible dans notre étude qui était
rétrospective. Leur recherche doit être systématique car ils
sont spécifiques de la SHB : une immersion des mains dans
l’eau pendant 10 à 15 minutes améliore leur visibilité [3]. La
fréquence des kystes odontogéniques (62 p. 100) et leur âge
moyen de survenue de 19,7 ans sont habituels. La calcifica-
tion de la faux du cerveau est l’anomalie radiologique la plus
souvent trouvée (66 p. 100). La fréquence de survenue d’un
médulloblastome au cours du SHB est estimée à 3 et 5 p. 100
[3, 12, 13]. La fréquence élevée de médulloblastomes observée
dans notre étude (13 p. 100) est probablement liée à un biais
de recrutement (inclusion de malades traités dans le départe-
ment de pédiatrie oncologique). L’âge moyen de survenue du
médulloblastome était de 5 ans, un peu plus élevé que dans
les autres études où il est de 2 ans [12,13]. Parmi les malades
atteints de médulloblastome, deux ont eu secondairement un
ou plusieurs méningiomes et les délais entre les 2 tumeurs
étaient de 14 et 19 ans. Deux autres malades ont eu des mé-
ningiomes sans antécédent de radiothérapie. La fréquence
des anomalies du squelette et du développement dans cette
série concorde avec les données de Gorlin et al [4], sauf pour
la macrocéphalie et l’hypertélorisme présents respectivement
chez 27 p. 100 et 18 p. 100. Dans les grandes séries publiées,
la macrocéphalie est déterminée après mesure du périmètre
crânien (PC) et sa fréquence varie de 42 à 80 p. 100 [3, 13].
Malgré un nombre limité de malades, les résultats clini-
ques de notre étude sont superposables à ceux des séries plus
importantes [3, 12, 13].
Treize malades avaient une mutation germinale du gène
PTCH 1 (59 p. 100). Ce chiffre est élevé par comparaison aux
études publiées où les pourcentages des mutations identifiées
chez les sujets atteints de SHB varient entre 15 et 45 p. 100 [7-
9, 16-22]. Neuf mutations différentes ont été trouvées chez
13 malades. Parmi elles, dix étaient des mutations non encore
publiées. Les mutations de type décalage du cadre de lecture
(« frameshift ») semblent les plus fréquentes au cours du
SHB et conduisent le plus souvent à la production d’une pro-
téine PATCHED délétée d’une partie ou de la totalité de ses
domaines transmembranaires [7-10,16-22]. Nos résultats sont
Tableau III. – Résultats des mutations du gène PTCH 1.
N° TYPE Exon Formule Nucléotide Interprétation Conséquence
1* De novo 3 c.403C > T-R135X 403 mutation non sens Protéine délétée d’environ 90 % de sa longueur totale2* Familiale 7 c.1042delAA-S435X 1042 délétion de deux nucléotides Protéine tronquée dépourvue de l’ens. de ses domaines
transmb.3 Familiale 7 c.1042delAA-S435X 1042 délétion de deux nucléotides Protéine tronquée dépourvue de l’ens. de ses domaines
transmb.4* ND 9 c.1234G > T-A412S 1234 mutation faux-sens Remplacement d’une alanine par une sérine.5* Familiale 10 c.1366delA-L489X 1366 délétion d’un nucléotide Récepteur délété de la majorité de ses domaines transmb.6 Familiale 10 c.1366delA-L489X 1366 délétion d’un nucléotide Récepteur délété de la majorité de ses domaines transmb.7* ND 14 c.1925insC-H625X 1925 Insertion nucléotide,
mutation délétèreRécepteur délété du 2e groupe de domaines transmb.
8* Familiale 16 c2619C > A-Y873X 2619 mutation non sens Récepteur délété du 2e groupe de domaines transmb.9 Familiale 16 c2619C > A-Y873X 2619 mutation non sens Récepteur délété du 2e groupe de domaines transmb.10* ND 18 c.2993delG-L1048X 2993 délétion d’un nucléotide Récepteur délété du 2e groupe de domaine transmb.11* De novo 19 c.3277G > C-G1093R 3277 mutation faux-sens Remplacement d’une glycine conservée par une arginine12* ND 20 c.3422C > T-A1141V 3422 mutation faux-sens Remplacement d’une alanine par une valine13* De novo 22 c.3724G > C-E1336Q 3724 mutation faux-sens Remplacement d’un acide glutamique par une glutamine
*nouvelles mutations identifiées ; ND : non déterminé.
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Ann Dermatol Venereol2006;133:117-23
Clinique et gène PTCH 1 dans le syndrome des hamartomes basocellulaires
superposables puisque 54 p. 100 des mutations détectées
aboutissent à une protéine PATCHED délétée soit par décala-
ge du cadre de lecture (insertion ou délétion) soit par intro-
duction d’un codon stop. La découverte chez quatre malades
de mutations de type faux sens faisait discuter soit une muta-
tion germinale soit un polymorphisme, c’est-à-dire une ano-
malie non délétère présente chez une petite fraction de la
population générale. Dans ces cas, l’anomalie a été considérée
comme une mutation germinale si elle n’était pas décrite
dans la population générale, si elle ségrégeait avec la maladie
au sein de la famille, et si elle affectait un acide aminé conser-
vé au cours de l’évolution. Toutefois, un polymorphisme rare
ne peut être formellement exclu. Les mutations du gène
PTCH 1 sont réparties de façon aléatoire le long du gène. Une
même mutation est parfois identifiée dans des familles non
connues pour être apparentées suggérant l’existence soit d’un
effet fondateur avec un ancêtre commun, soit d’un point
« chaud » de mutation. Une même mutation a été identifiée
dans deux familles par Wicking et al. et une autre dans trois
familles non apparentées par Boutet et al. [21]. À ce jour, il ne
semble pas avoir été montré d’effet fondateur dans la SHB, et
l’on retient la présence de mutation récurrente [21].
Dans notre étude, les formes sporadiques de SHB repré-
sentaient 28,5 p. 100 des cas. Ce chiffre se situe dans la four-
chette des pourcentages des mutations de novo rapportés
dans le SHB : de 14 à 61 p. 100 selon les études [7-10, 16-22].
L’analyse de la littérature ne trouve aucune corrélation en-
tre le phénotype et le génotype, y compris chez les sujets
d’une même famille [18], et notre effectif était trop faible
pour l’étudier. La nature moléculaire des mutations de
PTCH 1 ne paraît pas corrélée avec la gravité de l’expression
phénotypique de la maladie et la variabilité phénotypique
semble résulter d’événements génétiques complexes.
Certains malades chez qui nous suspections initialement
une SHB, n’étaient pas porteurs de mutation du gène
PTCH 1 dans les exons étudiés en séquençage. Ces résultats
négatifs ne font pourtant pas rejeter le diagnostic porté sur
les signes cliniques. En effet, la sensibilité des techniques
mises en œuvre est d’environ 50 p. 100. Aussi, il sera inté-
ressant d’effectuer une nouvelle recherche dans le futur, no-
tamment lorsque les avancées techniques permettront la
recherche de grands réarrangements du gène.La place du test génétique, dans la prise en charge des ma-
lades atteints de SHB, est encore controversée. Pourtant, plu-
sieurs arguments plaident pour une information sur
l’existence du test et l’intérêt de sa prescription :
– Le test génétique apporte la confirmation moléculaire du
diagnostic du SHB et peut être utile quand il existe une incer-
titude clinique. Le diagnostic de SHB sur la base de critères
cliniques peut être difficile dans les formes à expression mi-
neure. La valeur exacte du test, dans les formes mineures, ne
peut cependant pas encore être précisée tant qu’un plus
grand nombre de malades n’aura pas été étudié.
– La réalisation du test chez les apparentés d’un malade
porteur d’une mutation germinale, peut permettre de détec-
ter des formes mineures de la maladie si celle-ci est familiale,
ou de savoir si la mutation de la personne affectée est surve-
nue de novo ce qui se produit dans un pourcentage notable
des cas (60 p. 100). Cette information est importante tant
pour les parents que pour les membres de la fratrie. Dans no-
tre étude, la recherche génétique a permis d’indiquer à
8 membres des fratries (respectivement 4, 3, et 1 dans
3 familles) et à deux enfants d’une malade qu’ils n’étaient pas
porteurs de la mutation identifiée chez leur apparenté, et
qu’ils ne pouvaient donc pas transmettre à leur enfant le
SHB.
Tableau IV. – Signes cliniques des patients pour lesquels la recherche de mutation du gène PTCH1 est négative.
N° Critères majeurs Critères mineurs Autres
1 CBC, kystes maxillaires, calcification de la faux du cerveau
Ostéome sinus, cotes bifides, kyste fémur
2 CBC, kystes maxillaires 0
3 CBC, puits palmo-plantaires 0
4 CBC, kystes maxillaires Hamartomes baso-cellulaires, pectum excavatum
5 CBC, puits palmo-plantaires 0 Mélanome
6 CBC, kystes maxillaires, puits palmo-plantaires,
calcification de la faux du cerveau
0
7 CBC, kystes maxillaires, calcification de la faux du cerveau
kystes épidermiques
8 CBC luxation congénitale poignet
9 CBC, calcification de la faux du cerveau Hamartomes baso-cellulaires, lipomes, kyste épidermique, adénome thyroïdien
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C. PRUVOST-BALLAND, P. GORRY, N. BOUTET et al. Ann Dermatol Venereol2006;133:117-23
Le conseil génétique est indispensable dans les familles de
SHB : le risque d’avoir un enfant atteint est de 50 p. 100 dans
la descendance des sujets atteints.
Remerciements. À Madame le Docteur B. Bressac de Paillerets
pour sa contribution à l’étude, à Madame B. Gastaldello pour son
aide technique et à Monsieur le Docteur M. Longy pour son
soutien.
Références
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Tableau V. – Fréquences (%) des anomalies rencontrées dans le SHB.
IGR Evans et al. [12] Shanley et al. [3] Kimonis et al. [13](France) (United Kingdom) (Australie) (USA)
Nombre de cas 22 84 118 105Nombre de familles 5 29 64 26Moyenne d’âge (ans) 44,9 35 34,5Sexe ratio 1/1,75 1/1,3 1/1,3 1/1,2CBC (%) 100 47 76 80Moyenne d’âge 1er CBC (ans) 24,2 / 20,3 21,4Puits palmo-plantaires (%) 45 71 80 87Kystes dentaires (%) 62 66 75 74Calcification faux du cerveau (%) 66 / 92 65Kystes épidermiques (%) 41 51 /
Anomalies crânio-faciales :Macrocéphalie 27 80 49Bosse frontale 18 66 26Fente palatine 0 5 4 3
Anomalies ophtalmologiques :Hypertélorisme 18 6 42Strabisme 4,5 19
Anomalies squelette :Pectus cavatum 23 23 12Scoliose 18 31Cyphose 9Cotes cervicales 5 16Cotes bifides 16 26Spina bifida 9 19Fusion des vertèbres 4,5 10Brachymétacarpie/tarsie 4,5 29 10
Anomalies neurologiques :Anosmie 4,5 9 /Surdité 4,5Agénésie corps calleux 9 10
Tumeurs :Médulloblastome 13 4 1 4Méningiome 18 1 5Fibrome ovarien 13 24 14 17
CBC : carcinome basocellulaire.
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Clinique et gène PTCH 1 dans le syndrome des hamartomes basocellulaires
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