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Etude générale BP~89F LES ARTS DU SPECTACLE A LA TELEVISION PAYANTE: UNE ANALYSE DE L’ECHEC DE C CHANNEL TERRENCE J. THOMAS Division de l’économje Le 12 avril 1984 A Jilt bonn ~ ~i;;;~ I Bibliotheque du Parlement 3erVICe e recherche

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Etude générale BP~89F

LES ARTS DU SPECTACLE A LA

TELEVISION PAYANTE: UNE ANALYSE

DE L’ECHEC DE C CHANNEL

TERRENCEJ. THOMASDivision de l’économje

Le 12 avril 1984

AJiltbonn

~~i;;;~ IBibliotheque

du Parlement 3erVICe erecherche

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LES ARTS DV SPECTACLEA LA TELEVISION PAYANTE:

UNE ANALYSE DE LECHEC DE C CHANNEL(l)

Au cours des deux derniêres années, tant aux Etats-Unis qu’au

Canada, nous avons assisté a 1 ‘échec de plusieurs stations de télévisionconsacrées aux arts. Ii est donc naturel de s’interroger sur la viabilitédes arts du spectacle en général . La présente analyse porte sur 1 ‘échec deC Channel, station canadienne de télévision payante, et examine, au moyen de

notions fondanientales d’économie, les motifs possibles de cet échec et cequ’il signifie pour le monde du spectacle.(2) Elle permet également

d’étudier la situation des stations existantes ou prévues de télévisionpayante.

Aprés un exposé du contexte global de la télévision payante

au Canada et un bref aperçu de l’offre dans ce domaine, nous examinerons la

dernande concernant, d’une part, la télévision payante en général et, d’autre

part, le contenu particulier offert par C Channel. Notre analyse

s’inspirera d’abord de concepts élémentaires pour ensuite englober l’étude

des caractéristiques du produit offert a la télévision payante, ainsi quel’influence du facteur temps sur Ia demande.

(1) Cette étude générale est une adaptation d’un texte plus techniqueintitulé “L’échec culturel de la télévision payante11, que Pauteur aprésenté a la Troisiême Conference internationale sur Péconomie de laculture et la planification, tenue a Akron (Ohio) du 24 au 27 avril1984.

(2) Les termes culture, emissions culturelles, arts, oeuvres artistiques,culture de l’élite, arts du spectacle ou de la scene sont utilisésindifféremment dans le present document. Méme s’il n’existe aucunedefinition rigoureuse pour ces categories, elles comprennent le ballet,l’opéra, le thé~tre et les concerts (classiques).

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LA TELEVISION PAYANTE AU CANADA(l)

La télévision payante a fait son apparition au Canada leier février 1983, aprés une période de prise de decision qui remonte audebut des années 1970. Le Conseil de la radiodiffusion et des télécommuni-cations canadiennes (CRTC), qui est chargé de réglementer la télévision au

Canada, a étudié diverses possibilités d’application de la télévision

payante et a ensuite décidé d’accorder une licence a six stations le 18 mars

1982. La principale justification invoquée était que la télévision payanteoffrirait de nouveaux services et stimulerait l’industrie de la productiond’émissions télévisées au Canada.

Ii incombait au CRTC de decider de la technologie a utiliser,

des moyens de financement et enfin, de la structure du marché encadrant le

réseau de télévision payante. Ces decisions ont donc été prises, mais lasuite des événements, c’est-a-dire l’échec de deux stations et la demande

inférieure aux previsions pour les autres stations, les remet désormais en

question et requiert l’adoption de solutions de rechange.En ce qui concerne l’aspect technologique, 11 avait été

décidé de relier les stations de télévision payante au système de cablodif-fusion, plutöt que d’avoi r recours a la radiodiffusion en di rect parsatellite.(2) Avant méme l’avênement de la télévision payante, leCanada possédait deja un important réseau de télévision par cable. Du

nombre total de ménages recensés au Canada a la fin de 1982, soit 8,3millions, prés des trois quarts avaient accés a la télévision par cable et

plus de la moitié y étaient abonnés. L’abonnement a la télévision payanteest donc distinct de l’abonnement aux services de cablodiffusion; aux

Etats-Unis, par contre, la télévision payante et la cablodiffusion vont

(1) Pour une analyse approfondie de la question, voir le document de basesuivant: 1. Thomas, “La télévision payante au Canada”, Ottawa,Bibliothéque du Parlement, Bulletin d’actualité 83-9F.

(2) Un peu plus de 500 cablödistributeurs détiennent une licence du CRTC,et chacun bénéficie d’un monopole local. Les cablödistributeursaffiliés aux postes de télévision payante émettent un signal code aleurs abonnées, qui sont munis d’un décodeur.

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souvent de pair. L’utilisation des chiffres concernant la pénétration du

marché américain, c’est-a—dire le nombre d’abonnements a la télévision

payante par rapport au nombre d’abonnements a la télévision par cable, af in

de prévoir la demande canadienne de télévision payante a, par consequent,

donné lieu a des estimations trop optimistes.

Il existe trois moyens de financer la télévision payante: le

paiement universel, le paiement par emission et le paiement par

station.(l) Le CRTC avait opté pour le mode de paiement par station,

selon lequel l’abonné verse chaque mois un montant fixe pour avoir accés aune station (c’est-a-dire pour recevoir le signal de décodage de cette

station) et capter, sans frais supplémentaires, toutes les emissions qui y

sont présentées. Au Canada, le tarif mensuel moyen établi par le CRTC en

consultation avec les stations de télévision payante, est d’environ 15,95 $(plus la taxe de vente) par station, et un certain rabais est accordé pour

les abonnements multiples. Avec la taxe fédérale de 6% en vigueur depuis le

ler juillet 1983, le coiIt de l’abonnement a une station de télévision

payante est donc d’environ 18 $. Ce coat est largement supérieur a celui del’abonnement a des stations comparables aux Etats-Unis, méme si l’on tient

compte du taux de change qui, a la fin de 1983, était de 1,25 $ Can. pour

1 $ U.S.Au moment de Structurer le marché de la télévision payante,

le CRTC a tranché entre la libre concurrence et le monopole. Le Conseil a

décidé d’autoriser 1 ‘exploitation de postes privés de télévision payante,

fortement réglementés et de limiter la concurrence sur le plan regional,tout en éliminant les risques de monopole. A cette fin, il a choisid’accorder une seule licence nationale d’intérêt général pour le servicedans les deux langues officielles (Premier Choix/First Choice) et troisautres, toujours d’intérét général, mais cette fois sur la scene régionale(Super Channel Alberta, Super Channel Ontario et Star Channel). Les deux

autres licences ont été accordées a une station régionale multilingue de la

(1) Il serait toujours possible d’ajouter des messages publicitaires, maisune forte dépendance vis-a-vis de la publicité éliminerait pratiguementtoute difference entre la télévision payante et la televisionordi nai re.

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Colombie-Britannique (World View) et a une statio nationale consacrée auxarts du spectacle (C Channel). En novembre 1982, une licence a également

été accordée pour l’établissement d’une autre station de langue française

desservant le Québec et certaines parties de l’Ontario et des provinces del’Atlantique (Télévision de l’Est du Québec ou TVEC).

Au cours de la premiere semaine qui a suivi l’entrée en ondes

de la télévision payante, le nombre d’abonnements dans l’ensemble du Canada

était d’environ 175 000 a 180 000. A la fin d’avril, le nombre d’abonnésatteignait un sommet anticipé de 475 000, pour ensuite tomber a environ

450 000 et demeurer a ce niveau pendant tout l’été. Ce n’est qu’a la fin

d’octobre 1983, aprés des canipagnes intensives de publicité lancées par les

stations de télévision payante, que le nombre d’abonnements a franchi le cap

des 500 000. Bien qu’il soit difficile de fixer le niveau exact de rentabi—lité assurant la viabilité économique de la télévision payante au Canada, on

situe souvent cette marque entre 700 000 et un million d’abonnements.Quel que soit le seuil exact de rentabilité, il est acquis

que la télévision payante n’a pas été un succes au Canada, et que l’indus-trie se trouve actuellement en peril. En juin 1983, C Channel déclarait

faillite et en novembre 1983, Star Channel se retirait des ondes. A son

apogee, et apres une campagne de survie au cours de laquelle le CRTC avaitpermis a c Channel de decoder son signal de maniere a offrir sa programma—

tion a tous les abonnés du cable, cette station comptait quelque 27 000abonnés, nombre largement inférieur aux previsions antérieures d’environ200 000. En outre, seuls 4 200 de ces abonnés recevaient uniquement leC Channel, les autres y ayant acces dans le cadre d’un offre globale, avecune ou plusieurs autres stations de télévision payante.

FACTEIJR DE L’OFFRE

Bien que le present document s’intéresse surtout a la

demande, comme le font d’ailleurs la plupart des etudes concernant l’échec

de biens culturels, 11 ne faudrait pas négliger complétement l’offre. Eneffet, la politique tarifaire de la télévision payante se fonde sur l’offre,ou plutöt sur le coilt. Les lacunes, qu’elles soient attribuables a une

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mauvaise gestion ou a une réglementation trop stricte, peuvent faire monterla courbe de l’offre(l), de sorte qu’il y a lieu de les envisager comme

motif éventuel de tout échec de biens culturels. En outre, il se peut fortbien que l’offre représente un important facteur de la demande, dans la

mesure o~I elle témoigne de la disponibilité ou des decisions antérieures en

matiere de consommation.Une autre façon d’aborder la question de l’offre est de se

demander quels facteurs entrent en consideration dans l’établissement du

prix. Bien qu’il existe de nombreuses theories contradictoi res plus oumoms complexes a cet égard, la meilleure façon de traiter le sujet est

d’adopter un modéle simple. En fait, les stations de télévision payante sefondent sur une variante du co~Itnormal établi en fonction des previsionsoptimistes de la demande. Malgré sa simplicité, ce modele met en evidencel’un des aspects de l’échec d’une station de télévision payante, et il est

conforme aux méthodes d’établissement du prix de base utilisées dans ungrand nombre de secteurs industriels réglementés.

L’établissement du coat normal, qui consiste en l’ajout d’une

marge sur le coat moyen, se revele beaucoup plus utile que les baremes de

production, dont le coilt moyen global est relativement constant. Selon les

previsions optimistes du niveau d’abonnement a la télévision payante, cecoat aurait pu ëtre constant et suffisamment bas pour permettre des profits

raisonnables, en respectant les prix acceptés par le CRTC. Cependant, enraison du niveau reel d’abonnement, qui s’est révélé largement inférieur aux

previsions, le coiIt moyen a considérablement augmenté. La courbe du coat

estimatif tombe donc a un niveau de production oa elle devient horizontale.Le calcul du coat moyen pour une station canadienne de

télévision payante comprend les frais entrainés par la conformité a la

réglementation du contenu canadien. Le CRTC établit des lignes directrices

concernant le pourcentage de temps qui dolt ëtre consacré a la programmation

canadienne, et la proportion du revenu qul doit y être attribuée. Selon unobservateur, la réglementation du contenu ajoute entre 3 et 5 $ au coatmensuel d’un abonnement a la télévision payante; le point le plus élevé de

(1) Selon certaines structures de marché, la notion de la courbe de l’offreest évidemment ambigu~.

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cette courbe traduit le faible niveau d’abonnement, ce qui explique enpartie la configuration descendante de la courbe du coat.(l)

D’après une analyse conventionnelle, la courbe du coat

estimatif suppose le bon fonctionnement de l’entreprise. Il existe

cependant d’autres courbes de coat reel et estimatif qui s’écartent de cettecourbe de référence. Si, par exemple, l’entreprise souffre d’une mauvaisegestion, la courbe du coat reel sera généralement plus élevée. Etant donné

l’inexactitude des previsions de la demande, les gestionnaires ont peut-étre

opté pour une technique de production qui permettait d’arriver au coat moyen

le plus bas, compte tenu des previsions, mais a un montant plus élevé, a la

lumiere des chiffres reels. En outre, en ce qui concerne C Channel, la

programmation culturelle peut se révéler plus coateuse que les emissions

télévisées ordinaires, ce qui aurait pour effet d’élever sa courbe de coat

au-dela de la courbe representative de l’industrie en général. Evidemment,d’autres facteurs doivent étre envisages avant de pouvoir démêler toutes ces

questions d’inefficacité, de choix de technique ou d’établissement de prix

plus élevés en fonction des circonstances.

DEMANDEGENERALEPOUR LA TELEVISION PAYANTE

Comme nous l’avons deja mentionné, les previsions initiales

concernant la demande éventuelle pour la télévision payante se sont révélées

trop optimistes et ce pour diverses raisons, dont la plus importante est

sans doute d’avoir negligé les facteurs determinants de la demande. En

effet, les estimations se fondaient sur les taux de pénétration du marché

am~ricain, qui avaient été quelque peu gonflés par l’avènement simultané dela cablödiffusion et de la télévision payante aux Etats-Unis, et sur des

estimations un peu trop roses quant au pourcentage d’adeptes de cinema, de

sport, de concerts rock et de spectacles susceptibles de s’abonner a la

télévision payante.

(1) Cela suppose qu’on ne peut passer outre a la contrainte de temps et quela qualité des emissions canadiennes ne fluctue pas avec la variationdu nombre d’abonnés. L’exigence du contenu canadien s’apparente parconsequent a un coat fixe additionnel.

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Bénéficiant, il est vrai, d’un certain recul, nous sommes

d’avis que les previsions auraient été plus réalistes si elles avaient été

fondées sur une théorie générale de la demande. Cette théorie propose que

le volume de la demande d’un bien depend de son prix, du prix des biens

connexes, du revenu ou des avoirs permanents. Le revenu permanent est lerevenu “moyen” pendant la durée de la vie. Il exclut donc les brusques (et

provisoires) augmentations et diminutions du revenu. La fonction de la

demande se fonde généralement sur les préférences des consommateurs, bien

que les économistes ne s’entendent guere sur la notion de préférences

stables ni sur les moyens susceptibles de changer ces préférences.La “quantité” demandée de télévision payante représente le

nombre d’abonnements a la programmation offerte a la télévision payante au

cours du mois. Cette façon de définir le bien que constitue la télévision

payante montre que les consommateurs ont droit a un ensemble d’émissions

pour le prix d’un seul service. Etant donné le système de paiements

mensuels constants, il est difficile d’estimer le prix implicite de chaque

emission présentée a chaque mois, ou encore le prix implicite des caracté-ristiques liées a chaque emission.

Bien que les différentes stations de télévision payante

offrent une programmation tres variée, la télévision payante se resume sans

doute pour le grand public a un seul et unique service, la presentation de

films sans pauses publicitaires. Si les emissions “pour adultes” présentées

par les stations d’intérêt général ont suscité craintes et controverses, la

télévision payante est toutefois demeurée associée a la diffusion de films asucces. C Channel, pour sa part, se spécialisait dans les arts du spectacle

et aurait eu intérët a mousser cette caractéristique originale. Malheureu—

sement, son lancement n’a été accompagné que d’une maigre publicité et la

station a tenté de se laisser porter par la vague d’interet suscitée par les

autres stations de télévision payante.

Si l’on demandait a un économiste d’utiliser la théorie de

base de la demande pour étudier la télévision payante, il tenterait vraisem-

blablement de dresser une liste de biens connexes et d’en calculer le prix.L’existence même de biens de substitution relativement peu coateux signifie

que la fonction de demande se situe davantage vers la gauche, c’est-a-dire

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que la demande est plus forte a n’importe quel prix donné, que s’il

n’existait aucun bien de substitution ou seulement des biens concurrents

relativement plus coateux. En fait, 11 existe un certain nombre de biens

assez semblables, offerts a des prix modestes et méme réduits.La télévision commerciale, ou ordinaire, et les magnétoscopes

ont été, des le depart, les principaux concurrents des services de télévi-sion payante. Le “prix” de la télévision commerciale découle du coat

d’option du temps qui y est consacré. Ce coat n’est pas nécessairement

constant pendant tout le temps consacré a l’écoute des emissions, particu-lierement si les annonces publicitaires exercent un effet nuisible. Les

stations de télévision publique (PBS) ont également un coat pour le temps

d’écoute et un coat d’abonnement possible.Etant donné l’étendue du réseau canadien de télévision par

cable, la plupart des foyers ont acces a une grande variété de signaux de

télévision. En effet, le téléspectateur moyen peut capter les réseaux

canadiens, les stations PBS, les principaux réseaux américains et quelques

stations provinciales (par ex. TV Ontario), qui offrent une programmation

culturelle. Malgré un certain recoupement dans la programmation (parexemple, il est possible de voir Dallas sur quatre des stations captées), le

choix n’en demeure pas moms impressionnant et comprend un bon nombre de

manifestations sportives et de films. Dans la mesure o~ les réseaux

américains améliorent leur programmation pour soutenir la concurrence desstations américaines de télévision payante, en présentant des films a succes

ou des mini-series télévisées, les stations canadiennes de télévision

payante doivent faire face a une concurrence plus vive de la part des

di fférentes stati ons de télévi s ion commerci ale.Ce sont sans doute les systemes video maison qui ont oppose

la plus forte concurrence a la télévision payante. Du milieu jusqu’a la findes années 1970, soit pendant le stade de planification de la télévision

payante, ce genre de systemes se vendait cher et n’était pas vraiment

envisage comme substitut satisfaisant de la télévision payante. Par contre,

en février 1983, moment o~i la télévision payante a fait son apparition au

Canada, la situation avait beaucoup change. Les magnétoscopes se vendaient

a meilleur prix et le nombre de magasins offrant en location des cassettes

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video de films populaires s’était multiplié. A la fin de 1978, par exemple,le prix d’un magnétoscope de base se situait aux environs de 1 600 a 1 900 $Can. En revanche, des le milieu de 1983, ce prix était tombé a 600 ou

750 $, et les modeles de base présentaient un meilleur choix de caractéris-

tiques. En outre, la concurrence sur le plan de la location de films

s’était intensifiée, ce qui avait eu pour effet d’améliorer le choix defilms offerts et de réduire le taux moyen de location.

Etant donné que les films a succes diffuses a la télévision

payante sont généralement offerts dans les magasins de location de videos,

l’impact de la diffusion de grands films non interrompus par des annonces

publicitaires s’est trouvé affaibli. En outre, la plupart des magnétoscopes

sont munis de caractéristiques permettant de réduire le “prix” de la télévi-

sion commerciale. En effet, ces appareils peuvent servir a enregistrer desemissions télévisées présentées a des heures inopportunes, ou pendant qu’on

regarde une autre emission, et les annonces publicitaires peuvent ëtre

supprimées au moyen de la commande de recherche en avance rapide.Par ailleurs, la demande vane non seulement en fonction des

prix relatifs, mais egalement selon les fluctuations du revenu. En 1 ‘occur-rence, l’état de l’économie canadienne peut étre partiellement responsable

de la faible demande de télévision payante. Au moment de l’avenement de la

télévision payante au Canada, notre economie commençait a peine a se relever

de la plus grave recession d’apres-guerre, et le taux de ch6mage demeurait

élevé. Etant donné les inquiétudes que beaucoup de gens ont éprouvées a1 ‘égard d’un revenu permanent, bon nombre de ménages ont décidé de ne pas

apporter de changement coateux a leur style de vie.

DEMANDERELATIVE A C CHANNEL

Evidemment, les facteurs qui ont contribué a l’affaiblisse—

ment de la demande pour la télévision payante en général ont également nui ala demande relative a C Channel, en venant s’ajouter aux effets de sapolitique initiale de commercialisation passive aux crochets des autres

stations. Méme si C Channel offrait une programmation de haute qualité al’intention des enfants et presentait, sinon les plus récents films a

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succes(l), du moms des films populaires, le public a eu t6t fait

d’associer cette station a la culture de l’élite. Il reste a determiner si

l’adoption d’une tactique de commercialisation différente valorisant la

programmation variée et originale de cette station, aurait réussi aaccroitre le nombre des abonnés de C Channel.

Dans le cadre de la présente étude, ii convient surtout de se

demander pourquoi les Canadiens qui vont assidament au spectacle ont boudé

C Channel. Les deux raisons fondamentales que nous invoquons s’expliquent

facilement par une théorie de la demande fondée sur les caractéristiques

d’un bien. L’analyse se fonde sur la prémisse que les consommateurs

recherchent (et demandent )les caractéristiques d’un bien plutöt que le bien

lui-même. A premiere vue, ce ne semble peut-ëtre pas une grande extension

de la théorie de base de la demande. En fait, il s’agit d’une notion tres

importante qui permet aux économistes de comprendre par exemple pourquoi 11

y a une demande différente pour deux maisons de mëme prix. Avec l’approche

traditionnelle, on affirme que les maisons sont des biens différents, tandis

qu’avec la nouvelle analyse, on peut identifier les caractéristiques des

deux maisons (les dimensions, le style, les matériaux utilisés, la proximité

des ecoles, des eglises, des magasins, des parcs, etc.) qui entraineront une

demande différente pour chacune.

La nouvelle approche facilite également l’analyse de

l’introduction de biens nouveaux, comme une station de télévision payante

consacrée aux arts. La plupart des nouveaux biens ne sont pas vraiement

uniques; en effet chacune de leurs caractéristiques n’est pas totalement

différente de celles de biens existants. Les nouveaux biens peuvent of frir

une ou plusieurs caractéristiques nouvelles tout en conservant plusieurs

caractéristiques deja existantes, ainsi l’amélioration qu’a représentée la

télévision en couleur par rapport a celle en noir et blanc en changeant uneseule caractéristique. Certain “nouveaux” biens offrent le mëme ensemble de

caractéristiques que ceux deja existants, mais a un prix moindre.

(1) Les lignes directrices du CRTC interdisaient a C Channel de presenterles 30 films dont les recettes brutes etaient les plus considérables auCanada et limitaient la proportion de films provenant d’un même pays.

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11

Les consommateurs obtiennent le niveau de bien-étre le plus

élevé possible en choisissant l’ensemble des caractéristiques qu’ils

preferent et qu’ils peuvent s’offrir. Le consommateur peut acheter un seul

ou plusieurs biens pour obtenir l’ensemble des caractéristiques souhaitées,

mais il ne peut pas acheter les caractéristiques individuellement. Une

autre façon d’envisager la question consiste a dire qu’un consommateur

choisira la télévision payante si (a) elle réduit le coat d’un ensemble

donné de caractéristiques ou, (b) offre quelques nouvelles caractéristiques

tres appreciees.(l)Ii est possible d’utiliser la méthode qui precede pour

découvrir les motifs de l’échec de C Channel et pour faire la lumiere sur lechoix d’émissions culturelles a la télévision. Ainsi, on constate que C

Channel a fourni un ensemble de caractéristiques plus onéreuses que celles

offertes par la télévision ordinaire, en particulier le réseau PBS et les

stations provinciales. Le consommateur rationnel ne choisirait pas C

Channel ~ moms qu’il y alt une difference marquee entre le produit offertpar C Channel et celui des autres stations.

Les gestionnaires de C Channel ont Pu penser que les amateurs

de spectacles s’abonneraient a leur station. Ils supposaient alors que les

emissions culturelles de C Channel et les spectacles sur scene se ressem-

blent; si l’on se fonde sur l’analyse des caractéristiques, on constate que

ce n’est pas le cas. Afin de comprendre pourquoi le consommateur prefere

assister en personne a un spectacle plut6t que de le regarder au réseau PBS

ou a c Channel, prenons l’exemple hypothétique de l’opéra Carmen présenté ala fois a la télévision payante, au réseau PBS et dans une salle de

spectacle accessible. Les caractéristiques de l’opéra seraient identiques

(musique, libretto) ou semblables (costumes, decor) dans les trois cas. Il

y aurait toutefois une difference fondamentale -- la presence au spectacle.

(1) S. Globerman, “Economic Aspects of the Operation of Pay-TV in Canada”,dans R.B. Woodward et K.B. Woodside (edit.), The Introduction of Pay-TVin Canada: Issues and Implications, Montréal, Institut de recherchespolitiques, 1982, p. 129.

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Certains économistes ont raison de souligner cet attrait des

arts de la scene. Il se peut que les emissions culturelles présentées a la

télévision ne fassent pas le poids par rapport aux spectacles en salle. Il

faudrait peut-être en conclure que l’étude de la demande relative aux arts

devrait se diviser en deux parties: les spectacles en salle et les

spectacles télévisés. Cette distinction suppose que l’échec de C Channel

n’est pas révélateur de l’état de sante des arts du spectacle au Canada.

La definition de l’aspect “presence” associé aux spectacles

en salle devrait permettre d’expliquer en partie pourquoi la demande pour la

télévision payante a été moms élevée que prévue. De plus, le fait de

comprendre la demande pour cette caractéristique et les influences qu’elle

subit pourrait étre utile a la promotion future des emissions culturelles ala télévision. Le spectateur doit consacrer beaucoup de temps pour assister

a un spectacle -- beaucoup plus que s’il regarde un spectable semblable a la

télévision -- et, une augmentation des revenus éloigne les consommateurs des

activités qui exigent beaucoup de temps. Cette conclusion est fonction du

prix implicite d’une autre caractéristique, soit la valeur du temps utilisé

pour la consommation. Il est possible que le coat d’option ne soit pas le

mëme pour chaque heure de la journée ou pour chaque jour de la semaine.

Cette possibilité mérite d’étre étudiée plus avant, car elle pourrait

expliquer les fluctuations dans les prix relatifs des spectacles et desemissions culturelles télévisées et l’importance croissante des

magnetos copes.Méme si les télédiffuseurs réussissent a trouver un substitut

a l’attrait que représente la presence aux spectacles et ~ profiter du

changement de la valeur attribuée au temps selon l’augmentation des revenus,

il n’y a aucune raison pour que la télévision payante attire davantage de

spectateurs que la télévision commerciale ordinaire.

CONCLUSIONSET AUTRES SUJETS DE RECHERCHE

L’analyse présentée ci-dessus se veut suggestive. Trois

raisons possibles sont avancées pour expliquer l’échec de C Channel -- des

coats plus élevées que prévus, une faible demande pour la télévision payante

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en général et l’inaptitude de C Channel ~ “vendre” la télévision aux adeptes

de spectacles et a fournir aux téléspectateurs des stations commerciales des

emissions a meilleur compte (particulierement les stations du réseau PBS).

La section précédente explique que l’échec de C Channel - pour quelque

raison ou combinaison de raisons que ce soit - n’est pas révélateur de la

viabilité des arts de la scene.

Certains domaines méritent de toute evidence d’être étudiés

plus en profondeur. Du cöté de l’offre, il faudrait obtenir davantage de

renseignements au sujet du coat de production d’émissions culturelles a la

télévision, et du côté de la demande, consacrer davantage d’efforts pour

cerner l’ensemble des caractéristiques qu’offrent les emissions artistiquesla télévision. Ainsi, pourrait—on réussir a preciser et a mesurer ces

caractéristiques. En outre, il pourrait ëtre possible d’en évaluer les priximplicites a partir d’études qui ont établi des indices de prix pour les

caractéristiques du inarché de l’habitation.L’une des conclusions provisoires de la présente étude est

que l’élément de “presence” au spectacle est capital dans l’évaluation de lademande pour les manifestations artistiques. Cette caractéristique n’est

toutefois pas unidimensionnelle, et il convient de suivre les jalons poses

par les travaux récents sur l’économie des arts pour l’analyser. Ilfaudrait en outre examiner de plus prés l’investissement en temps que

suppose la consommation d’oeuvres artistiques. De telles recherches

seraient trés utiles aux tentatives futures de presenter des emissionsculturelles a la télévision.

Page 16: Etude générale - lop.parl.ca · payante par rapport au nombre d’abonnements a la télévision par cable, afin de prévoir la demande canadienne de télévision payante a, par

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