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Précis de réglementation de la microfinance … et de l’inclusion financière Laurent Lhériau

Etudes de l'AFD n° 10 | Précis de réglementation de la

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Etudes de l'AFD n° 10 | Précis de réglementation de la microfinance… et de l’inclusion financière (troisième édition)Etudes de l’AFD
Précis de réglementation de la microfinance … et de l’inclusion financière
La microfinance et, plus largement, la finance inclusive, sont considérées aujourd’hui comme l’un des modes de financement du développement et de la lutte contre la pauvreté. Nées dans des paysages financiers nationaux divers, elles visent des objectifs spécifiques différents selon les contextes. Elles font du même coup l’objet de réglementations variées, mais dérogeant le plus souvent à l’activité bancaire classique.
Ce Précis de réglementation de la microfinance fait le point sur les diverses approches de la régle­ mentation visant l’inclusion financière, qui dépendent du niveau de développement du secteur bancaire mais également de contraintes économiques et sociales. Au­delà de l’évolution de la sémantique (« microfinance », « inclusion financière », « bancarisation de masse »,…), se dégage ainsi de plus en plus, dans chaque domaine du droit, un « corpus juridique » propre à la micro­ finance, prenant en compte les spécificités de ce compartiment du secteur financier, et ce, même si l’on constate une tendance à la convergence des réglementations à mesure que les institutions de microfinance s’articulent avec le secteur financier.
Cette troisième édition, après celles de 2005 et de 2009, comporte à la fois une actualisation des réglementations, un enrichissement sur certaines thématiques et une nouvelle approche davan­ tage orientée vers la mesure des risques de conformité prudentielle et des pratiques des acteurs sur leur marché.
Elle apportera des repères utiles aux opérateurs concernés par la structuration de ce champ, aux autorités monétaires, aux investisseurs ainsi qu’aux bailleurs de fonds internationaux.
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Précis de réglementation de la microfinance … et de l’inclusion financière
Laurent Lhériau
… et de l’inclusion financière
Troisième édition
Laurent Lhériau
Eneida Del Hierro, AFD
La collection Etudes de l’AFD rassemble les études et recherches soutenues et coordonnées par
l’Agence Française de Développement. Elle contribue à la diffusion des savoirs tirés de l’expérience du
terrain et de travaux académiques. Les manuscrits sont systématiquement soumis à l’approbation d’un
conseil éditorial, qui s’appuie sur l’avis de référés anonymes.
Retrouvez nos publications sur : http://librairie.afd.fr/
AVERTISSEMENT
Les analyses et conclusions de ce document sont formulées sous la responsabilité de son auteur. Elles ne
reflètent pas nécessairement le point de vue de l’AFD ou de ses institutions partenaires.
Directeur de la publication : Rémy RIOUX
Directeur de la rédaction : Gaël GIRAUD
Conception et réalisation : Flexedo, [email protected]
Imprimé par : Imprimerie de la Centrale Lens – ICL
L’auteur
Laurent Lhériau est docteur en Droit, spécialiste en réglementation financière. Il est chargé de cours à l’université de Lorraine (Nancy, France), à l’université protestante au Congo (Kinshasa) et au Programme de formation à la microfinance « Boulder ». Il a enseigné au CESAG (Dakar, Sénégal).
Sa thèse de doctorat porte sur « le droit des systèmes financiers décentralisés dans l’Union économique et monétaire ouest-africaine » (université de Picardie – Jules Verne, Amiens, France, 2003).
Il est l’auteur de nombreuses publications et a contribué à la réflexion sur l’amélioration des réglementations des systèmes financiers inclusifs de la plupart des pays francophones, pour le compte d’agences de développement, d’autorités monétaires et d’institutions financières.
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Sommaire
Lexique terminologique 11
La structuration du secteur et l’articulation entre les réglementations financières . . . . . . 21
Prestataires de services financiers et modes opératoires . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 23
Droit de la supervision . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 25
La réglementation financière et prudentielle . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 28
La supervision des pratiques de marché : vers la finance responsable . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 31
Le droit des opérations et la microfinance. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 35
Microfinance et liaisons avec d’autres compartiments du secteur financier . . . . . . . . . . . . . 36
Partie 1 La structuration du secteur et l’articulation entre les réglementations financières 39
1.1. Problématique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 40
1.2. Qu’est-ce que le droit de la microfinance – et de la finance inclusive ? 49
1.3. L’articulation du secteur et la traduction réglementaire de la notion de système financier inclusif . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 55
Partie 2 Prestataires de services financiers et modes opératoires 63
2.1. Catégories d’institutions financières et opérations autorisées . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 64
2.2. Les opérateurs pour le compte d’autrui et la banque à distance . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 97
2.3. La microfinance, de l’association à la société anonyme . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 116
2.4. Spécificités organisationnelles de la finance mutualiste . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 123
Partie 3 Droit de la supervision 141
3.1. La supervision prudentielle du secteur . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 141
3.2. Une supervision des pratiques de marché éclatée . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 149
3.3. La notation prudentielle et des pratiques de marché, outils pour guider l’intervention des superviseurs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 151
6
Précis de réglementation de la microfinance
3.4. La gestion des interventions et des crises prudentielles par les superviseurs . . . . . . . . 163
Partie 4 La réglementation financière et prudentielle 185
4.1. Principes généraux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 185
4.2. Capitalisation (C) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 188
4.4. Management (M) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 206
4.6. Liquidité (gestion actif/passif) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 215
4.7. Information (I) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 221
4.8. Les cas particuliers . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 229
Partie 5 Droit des pratiques de marché : vers la finance responsable 237
5.1. Transparence des conditions à la clientèle . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 240
5.2. Equité : traiter équitablement les clients . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 243
5.3. Recours : médiation, contentieux et arbitrage . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 261
5.4. Bases de données sur la clientèle et droit des libertés publiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 273
5.5. Intégrité des systèmes financiers inclusifs : la LBC-FT . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 285
5.6. Concurrence . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 294
5.7. Epargne : vers des mécanismes de protection des dépôts . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 301
Partie 6 Le droit des opérations et la microfinance 309
6.1. Le droit des garanties relatif au crédit. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 310
6.2. Services financiers aux migrants et bibancarisation. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 314
6.3. Fiscalité et coût de l’inclusion financière . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 324
Partie 7 Microfinance et liaisons avec d’autres compartiments du secteur financier 335
7.1. L’accès aux marchés financiers . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 335
7.2. Microfinance et microassurance. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 351
Notes 359
7
Évolutions
Cette troisième édition du Précis de réglementaton de la microfinance, six ans après la deuxième édition, répond à une double nécessité[1]. La première tient à l’évolution des réglementations applicables à la microfinance et au secteur bancaire, dans plusieurs pays et zones visés par le Précis. La réforme majeure intervenue dans certains cas rendait la deuxième édition obsolète[2]. La seconde tient à la nécessité de tenir compte de l’évolution du secteur de la microfinance et de la problématique qui vise plus largement l’inclusion financière – d’où le sous-titre du Précis.
Que retenir des évolutions entre la 2e et la 3e édition ?
– La banque à distance a passé la phase expérimentale pour devenir systématique, sous la domination (pour l’instant) des multinationales de la téléphonie mobile.
– Le secteur a parfois vu se multiplier les faillites, signe à la fois d’une arrivée à maturité des marchés – les plus faibles et moins bien gérés étant évincés – mais aussi de certaines lacunes de gouvernance (toutes formes juridiques confondues) et de la supervision.
– L’élargissement des thématiques réglementées nécessiterait une meilleure coordination au niveau de la supervision des pratiques du marché, sur les domaines du droit ne rele- vant pas des réglementations et supervisions prudentielles.
– L’imagination du marché et le progrès technologique poussent, encore et toujours, les régulateurs à compléter leur arsenal juridique et les superviseurs à adapter leurs moyens et méthodes.
Le plan de cet ouvrage tente de répondre à ces nouveaux enjeux, avec notamment :
– une innovation en matière de mesure de la conformité des institutions de microfinance, par deux outils de notation prudentielle et des pratiques du marché, à destination des autorités souhaitant mettre en place une supervision basée sur les risques ;
– un regroupement des sous-thèmes « prudentiels » et « pratiques du marché » dans deux parties (4 et 5).
La troisième édition du Précis intègre enfin plus systématiquement les éléments de la doctrine internationale en matière de régulation et de supervision du secteur financier inclusif[3].
8
Remerciements
À Hervé Bougault, qui a lancé et dirigé la publication de la première édition (2005) puis initié la deuxième édition (2009), dans l’optique d’en faire un ouvrage actualisé périodiquement, au service du plus grand nombre. Avec cette troisième édition, l’objectif initial est atteint.
In memoriam : Francisco Otero et Nicolas Rofé
L’été 2014 a vu la disparition de deux précurseurs et innovateurs de la microfinance moderne : Francisco « Pancho » Otero (21-07-2014) et Nicolas Rofé ( 09-2014).
Francisco « Pancho » Otero, ancien directeur général de l’Organisation non gouvernementale (ONG) bolivienne Prodem dans les années 1980, puis premier directeur général de Bancosol en 1993, est décédé à Kikwit en RDC d’un accès de paludisme, une maladie qui tue encore un demi-million de personnes par an. Après son départ de Bancosol, Pancho Otero avait promu la microfinance dans différentes parties du monde, puis était devenu le directeur général d’une institution de microfinance à Kikwit, dans la province congolaise du Bandundu. Le parcours de l’ONG Prodem et le processus réussi de transfert de l’activité à une des premières « banques de microfinance », Bancosol, est « le » cas d’école que l’on enseigne aujourd’hui encore dans les cours relatifs à la transformation des ONG. Il m’avait aussi été donné de travailler avec Pancho Otero lors de ma première mission dans le secteur de la microfinance en Afrique de l’Ouest, en 1999, où j’avais pu apprécier l’étendue de son expertise et de sa chaleur humaine[4].
Pour toute une génération d’acteurs qui ont découvert la microfinance dans les années 1990, Nicolas Rofé était un précurseur, avec sans doute 15  ans d’avance sur le reste du secteur en Afrique francophone. Il s’est éteint en septembre 2014 des suites d’une longue maladie, après avoir eu une vie digne d’un roman. En microfinance, on retiendra qu’il a transformé un projet de crédit Très petites entreprises – Petites et moyennes entreprises (TPE-PME) en situation d’échec, dont il a repris la gestion en 1988-1990, en l'un des plus grands succès de la microfi- nance dans les pays de l’UEMOA : ACEP Sénégal. Je me souviens des premières études que j’avais faites avec l’AFD et le CGAP en 1998-1999 : nous étions nombreux à être impressionnés à la fois par la capacité d’ACEP Sénégal (et de ses « clones ») à générer du crédit individuel sain et à équilibrer les comptes en quelques années, tout en digérant sans difficulté le retrait de l’assistant technique permanent. Dans la jungle des projets et des réseaux plus ou moins professionnels qui encombraient le secteur à l’époque, c’était une petite révolution. La volonté de Nicolas Rofé de traquer les coûts inutiles et la « fonctionnarisation » des agents[5] l’était aussi, là où tant d’autres se complaisent dans le confort des subventions… une microfinance au service du financement de l’entreprise et à l’image de nombreux entrepreneurs : rugueuse et sans graisse inutile.
Les Agences de crédit pour l’entreprise privée (ACEP) qu’il a créées par la suite, à Madagascar, au Cameroun, et plus récemment au Burkina Faso et au Niger, sont autant de témoignages de son travail ; son œuvre continuera avec les structures mises en place et les personnes qu’il a pu former.
9
Avant-propos à la 3e édition
Nicolas Rofé et Pancho Otero partageaient sans doute cette caractéristique d’être bien plus dans leur élément sur un marché d’Amérique latine ou d’Afrique, au milieu de leurs « clients » naturels, que dans des colloques internationaux. Nicolas Rofé ne voulait surtout pas devenir le « patron » d’une holding, gérant ses filiales l’œil rivé sur des tableaux de bord économico- financiers. A l’heure où la microfinance a tendance à se financiariser, voire à emprunter les chemins de la désintermédiation[6], et où le développement des nouveaux outils technolo- giques permet parfois d’accélérer l’instruction du dossier de crédit (grâce aux renseignements fournis par les bureaux de crédit, voire aux notes de systèmes de notation ou « credit scoring »), il n’est pas inutile de rappeler un des principaux enseignements d’ACEP, à savoir l’importance donnée au facteur humain et à la parfaite connaissance, de visu et in situ, de chaque client et de son entreprise par l’agent de crédit.
Qu’il me soit donc permis de leur rendre cet hommage.
Avertissement au lecteur
Les notes de bas de page, compte tenu de leur nombre (1059) ont été rassemblées en fin d’ou- vrage par souci pratique.
11
ACDI Agence canadienne pour le développement international
ACEP Agence de crédit pour l’entreprise privée
ACPR Autorité de contrôle prudentiel et de résolution
ADIE Association pour le droit à l’initiative économique
AEF Afrique Equatoriale française
AICA Association internationale des contrôleurs d’assurance (IAIS en anglais)
ALM  Assets and Liabilities Management
AMC Association de microcrédit
AMO Assurance maladie obligatoire de base (Maroc)
ANCEC Association nationale des Caisses d’épargne et de crédit (Djibouti)
AOF Afrique Occidentale française
APDCP Autorité de protection des données à caractère personnel (Côte d’Ivoire)
APE Autres personnes politiquement exposées
APEX Structure de refinancement sectoriel en microfinance  (à ne pas confondre avec les « Unions » et « Fédérations » de réseaux mutualistes et leurs « caisses centrales bancaires » privatives)
AROA Rendement (ou rentabilité) ajusté de l’actif
AROE Rendement (ou rentabilité) ajusté des fonds propres
ASBL Association sans but lucratif
AUPC Acte uniforme portant organisation des procédures collectives d’apurement du passif 
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AUS Acte uniforme relatif au droit des sûretés (OHADA)
AVEC Association villageoise d’épargne et de crédit
BAD Banque africaine de développement
BBBEE Broad-Based Black Economic Empowerment (Afrique du Sud)
BCB Banque centrale de Bolivie
BCC Banque centrale du Congo
BCD Banque centrale de Djibouti
BCEAO Banque centrale des Etats d’Afrique de l’Ouest
BCCI Bank of Credit and Commerce International
BCM Banque centrale de Mauritanie / de Madagascar (selon le cas)
BCRG Banque centrale de la République de Guinée
BEAC Banque des Etats de l’Afrique centrale
BEFI Bons des établissements financiers
BEI Banque européenne d’investissement
BIC Impôt sur les bénéfices industriels et commerciaux
BIF Franc burundais (monnaie)
BIMAO Banque des institutions mutualistes d’Afrique de l’Ouest
BIT Bureau international du Travail
BMS Banque malienne de Solidarité
BNDA Banque nationale de développement agricole
BOB Boliviano bolivien (monnaie)
BOSA Back-Office Services Activities
BRI Banque des règlements internationaux / Bank for International Settlements
BRVM Bourse régionale des valeurs mobilières de l’UEMOA (Abidjan, Côte d’Ivoire)
BTS Banque tunisienne de solidarité
CADECO Caisse d’épargne du Congo (RDC)
CAMCCUL Cameroon Credit Cooperative Union League
CAMELI Capitalisation, Actifs, Management, Equilibre financier, Liquidités, Information
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CAMPOST Cameroon Postal Services
CB Commission bancaire (selon les pays ou les zones, COBAC, CB-UMOA…)
CCFD Comité catholique contre la faim et pour le développement
CCI Chambre de Commerce et d’Industrie
CCLVC Commission de la concurrence et de lutte contre la vie chère (Côte d’Ivoire)
CCMAO Confédération des Caisses mutualistes d’Afrique de l’Ouest
CDC Caisse des dépôts et consignations (France)
CDL Créances douteuses et litigieuses
CDVM Conseil déontologique des valeurs mobilières (Maroc)
CEC Caisse d’épargne et de crédit
CECAM Caisses d’épargne et de crédit agricole mutuels (Madagascar)
CECD Caisses d’épargne et de crédit de Djibouti (IMF à classer dans les Institutions financières mutualistes – IFM)
CEDEAO Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (en anglais ECOWAS) (organisation économique regroupant 16 pays dont les 8 de l’UE- MOA, le Ghana, le Nigeria)
CEE Crédit, Epargne avec Education
CEMAC Communauté économique et monétaire des Etats de l'Afrique centrale (regroupe six pays d’Afrique centrale : Cameroun, Congo, Gabon, Guinée équatoriale, République centrafricaine, Tchad)
CENCEP Centre national des Caisses d’épargne et de prévoyance (France)
CENTIF Cellule nationale de traitement des informations financières
CFCE Contribution forfaitaire à charge de l’employeur
CGAP Consultative Group to Assist the Poor
CGI Code général des impôts
CIC Crédit industriel et commercial
CIF Confédération des institutions financières (Afrique de l’Ouest)
CIMA Conférence interafricaine des marchés d’assurance
CIPRES Conférence interafricaine de la prévoyance sociale
14
CL Caisse locale
CMU Couverture maladie universelle
COBAC Commission bancaire de l’Afrique centrale
COMOFI Code monétaire et financier (France)
COOPEC Coopérative d’épargne et de crédit (terminologie couramment utilisée pour désigner les IFM)
CREPMF Conseil régional de l’épargne publique et des marchés financiers de l’UEMOA
CRG Crédit rural de Guinée
CSBF Commission de supervision bancaire et financière (Madagascar)
CT Court terme
CVECA Caisses villageoises d’épargne et de crédit autogérées (mouvements mutua- listes « alternatifs » fondés sur la cohésion sociale villageoise et les mécanismes de droit coutumier, notamment les chefferies villageoises)
DAB Distributeur automatique de billets
DAT Dépôt à terme
DAV Dépôt à vue
DID Développement international Desjardins
DND Donnée non disponible
DRS-SFD Direction de la Réglementation et de la Supervision des Systèmes financiers décentralisés (ministère de l’Economie et des Finances – Sénégal)
DTS Droits de tirage spéciaux
DWM Developing World Markets
EC Etablissement de crédit
EEE Espace économique européen
15
EP Etablissement de paiement
FAFT Financial Action Task Force
FBPMC Fondation des Banques populaires pour le microcrédit (Maroc)
FC Franc comorien (KMF) (monnaie)
FCP Fonds commun de placement et de crédit agricole mutuel (Bénin)
FDIC Federal Deposit Insurance Corporation (Etats-Unis)
FDJ Franc de Djibouti (monnaie)
FECECAM Fédération des Caisses d’épargne et de crédit agricole mutuel
FENU Fonds d’équipement des Nations unies
FFP Fonds financier privé (spécialisé en microfinance) (Bolivie)
FGDR Fonds de garantie des dépôts et de la résolution (France)
FGD-UMOA Fonds de garantie des dépôts dans l’UMOA
FIDA Fonds international pour le développement agricole
FINAO Financière de l’Afrique de l’Ouest
FMI Fonds monétaire international
FOSA Front Office Services Activities
FPCT Fonds de placements collectifs en titrisation
FPD Fonds propres disponibles
FSC Financial Sector Charter (Afrique du Sud)
FSCC Financial Sector Charter Council (Afrique du Sud)
FUCEC-TOGO Faîtière des Unités coopératives d’épargne et de crédit du Togo
16
GAB Guichet automatique bancaire
GAFI Groupe d’action financière (contre le blanchiment de capitaux et le finance- ment du terrorisme) (FAFT en anglais)
GEC-CCM Groupement d’épargne et de crédit à caractère coopératif ou mutualiste (UMOA)
GIABA Groupe intergouvernemental d’action contre le blanchiment de l’argent en Afrique (organisme mis en place à l’échelle de la CEDEAO)
GIE Groupement d’intérêt économique
GNF Franc guinéen (monnaie)
GRH Gestion des ressources humaines
IARD Incendie, accidents et risques divers (assurance)
IASB International Accounting Standards Board (OIDD en français)
IDLO International Development Law Organisation
IFD Institution financière décentralisée
IFI Institution financière internationale (bi ou multilatérale, d’aide publique au développement, Banque mondiale…)
IFM Institution financière mutualiste (terme générique pour désigner les mouve- ments ou réseaux mutualistes et coopératifs bancaires, IMCEC, Coopec…)
IFS Institution financière spécialisée
IMA Institution de microassurance
IMCEC Institution mutualiste ou coopérative d’épargne et de crédit (UEMOA, Mauritanie)
IMF Institution de microfinance  (dans certains pays, la terminologie utilisée est celle d’EMF [Etablissement de microfinance] ou de SFD [Système financier décentralisé])
INSEE Institut national de la statistique et des études économiques (France)
I-PPTE Initiative « Pays pauvres très endettés »
IOB Intermédiaire en opérations de banque
IOV Indicateurs objectivement vérifiables
IRA Irish Republican Army
IRC Impôt sur les revenus des créances
IRPP Impôt sur le revenu des personnes physiques (dans certains pays, IGR)
IRVM Impôt sur les revenus des valeurs mobilières
IS Impôt sur les sociétés
KHR Riel cambodgien (monnaie)
KYC Know Your Customer
LBC-FT Lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terro- risme  (parfois appelée LAB-CFT – Lutte anti-blanchiment et contre le financement du terrorisme)
LOP-DSI Loi d'orientation et de programmation relative à la politique de développe- ment et de solidarité internationale (France)
LPS Lettres de politiques sectorielles
LSM Living Standards Measure (Afrique du Sud)
LT Long terme
ME Monnaie électronique
MEF Ministère de l’Economie et des Finances (Sénégal)
MENA Middle East and North Africa (zone Moyen-Orient et Afrique du Nord)
MGA Ariary malgache (monnaie)
MIX Microfinance Information Exchange
MMCID Ministère de la Microfinance et de la Coopération internationale décentrali- sée (Sénégal)
MUCODEC Mutuelles congolaises d’épargne et de crédit (Congo)
NTIC Nouvelles technologies de l’information et de la communication
OBSA Obligation à bon de souscription d’actions
OCA Obligation convertible en action
OCDE Organisation de coopération et de développement économiques
18
OFAC Office of Foreign Assets Control (Etats-Unis)
OFR Organe financier de réseau (Caisse centrale des mouvements mutualistes dans l’UEMOA constituée sous forme de société coopérative, en application de la loi dite « loi Parmec »)
OHADA Organisation pour l’harmonisation en Afrique du droit des affaires, laquelle regroupe 17 pays, membres de la CEMAC (6), de l’UEMOA (8), la Guinée, les Comores et la RDC
OIDD Organisation Internationale de Droit du Développement (IDLO en anglais)
OMD Objectifs du Millénaire pour le Développement
ONECCA Ordre national des Experts-Comptables et Comptables agréés
ONG Organisation non gouvernementale
OPCVM Organisme de placement collectif en valeurs mobilières
OPIC Overseas Private Investment Corporation
OQSF Observatoire de la qualité des services financiers (Sénégal)
OTM Opérateur de téléphonie mobile
PAR Portefeuille à risque
PARMEC Programme d’appui à la réglementation des Mutuelles d’épargne et de crédit dans l’UEMOA (Par extension, la réglementation [loi, décret] qui en est issue)
PEARLS Protection, Effective financial structure, Asset quality, Rates of return and costs, Liquidity, Signs of growth
PED Pays en développement
PIB Produit intérieur brut
PME Porte-monnaie électronique
PNUD Programme des Nations unies pour le développement
PPE Personne politiquement exposée (LBC-FT)
PPP Partenariat public-privé
PPPCR Projet de promotion du petit crédit rural (Burkina Faso)
PRI Pays à revenu intermédiaire
19
Lexique terminologique
PROCREDIT Institutions de microfinance et de financement des PME portant le même nom, filiales de PROCREDIT Holding
RAMED Régime d’assistance médicale (Maroc)
RCCM Registre du commerce et du crédit mobilier
RCPB Réseau des Caisses populaires du Burkina Faso
RDC République démocratique du Congo
RLAB Responsable du dispositif LBC-FT
ROA Return on Assets
ROE Return on Equity
RPV Réseau privé virtuel
RWF Franc rwandais (monnaie)
SAMIFIN Service de renseignements financiers (Madagascar)
SARL Société à responsabilité limitée
SBA Small Business Administration
SCI Société civile immobilière
SFD Système financier décentralisé (terme utilisé dans l’UEMOA)
SFI Société financière internationale (Banque mondiale)
SGI Société de gestion et d’intermédiation
SIG Système d’information et de gestion
SNMF Stratégies nationales de microfinance
SSII Société de services en ingénierie informatique
STA Société de transfert d’argent
SWIFT Society for Worldwide Interbank Financial Telecommunication
TAEG Taux annuel effectif global
TAF Taxe sur les activités financières
20
TCM Taux créditeurs minimum
TCT Très court terme
TDM Taux débiteurs maximum
TEG Taux effectif global (le terme de TAEG, Taux annuel effectif global, est parfois utilisé avec la même signification)
TERICE Transparence, Equité, Recours, Intégrité financière, Concurrence, Epargne
TGI Tribunal de grande instance
TIC Technologies de l’information et de la communication
TOB Taxe sur les opérations bancaires
TPCF Tout petit crédit aux femmes
TPE Terminal de paiement électronique
TPE Très petite entreprise
TPS Taxe sur les prestations de service
TRACFIN Traitement du renseignement et action contre les circuits financiers clandes- tins
TVA Taxe sur la valeur ajoutée
UE Union européenne
UEMOA Union économique et monétaire Ouest-africaine (regroupe huit pays d’Afrique de l’Ouest : Bénin, Burkina Faso, Côte d’Ivoire, Guinée Bissau, Mali, Niger, Sénégal, Togo)
UM Ouguiya mauritanienne (MRO) (monnaie)
UMOA Union monétaire Ouest-africaine
VPN Réseau privé virtuel
VSLA Village Savings and Loan Association, ou AVEC (Associations villageoises d’Épargne et de Crédit)
WOCCU World Council of Credit Unions
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Synthèse
La structuration du secteur et l’articulation entre les réglementations financières
Problématique
1. La microfinance peut être définie de plusieurs manières. Dans tous les cas, elle part d’un constat, celui de la dépendance des populations non bancarisées envers les usuriers et prêteurs sur gage dont le but, sous couvert de respectabilité sociale, n’en demeure pas moins l’accapare- ment maximal des biens du débiteur.
Le concept moderne de microfinance peut être défini de plusieurs manières, et recoupe plusieurs réalités différentes selon l’état de développement d’un pays et du système bancaire dans ce pays. Si le terme de « microcrédit » a été popularisé par le fondateur de la Grameen Bank au Bangladesh, le Professeur Muhammad Yunus, la microfinance recouvre en effet une pluralité d’activités, et il est difficile d’attribuer à une personne, un courant de pensée ou un type d’entreprise la paternité de ces systèmes financiers alternatifs.
Les premiers systèmes financiers visant à octroyer des crédits aux populations pour les faire échapper aux usuriers remontent au xve siècle en Italie, avec le premier mont-de-piété.
Au xixe siècle, Raiffeisen et Schulze-Delitzsch en Allemagne et leurs adeptes dans de nombreux pays (dont Desjardins au Québec) ont posé les bases du mutualisme bancaire. Par doctrine sociale autant que par nécessité économique, les systèmes financiers mutualistes ont souvent donné la primauté à l’épargne sur le crédit.
Le concept moderne de microfinance mis en place par le Professeur Yunus part de la primauté du crédit sur l’épargne, de l’investissement sur la thésaurisation. Il vise une clientèle économi- quement active, capable de générer des revenus additionnels grâce au crédit. Il inclut désormais toute la gamme des services bancaires, y compris l’épargne et les services et moyens de paie- ment nationaux et internationaux.
Dans sa dernière acception, il renvoie à la mise en place de systèmes financiers inclusifs, quel que soit le type d’institution financière utilisé, et intègre jusqu’aux services de banque à distance promus notamment par les opérateurs de téléphonie mobile (OTM).
2. La frontière de la finance inclusive est variable en ce qu’elle dépend de l’état de développe- ment du système financier dans un pays considéré, le critère le plus objectif étant le nombre de guichets d’agences bancaires par habitant. Dans les pays en développement, où 1 à 20 %
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Précis de réglementation de la microfinance
de la population dispose d’un compte dans une banque, la microfinance a pour objectifs la bancarisation progressive des exclus du système et la fourniture de tous types de services finan- ciers (épargne, crédit, moyens de paiement, virements de fonds, voire assurance). A l’opposé, dans les pays où le taux de détention d’un compte de dépôt des adultes est proche de 100 %, la microfinance se résume pratiquement à l’octroi de microcrédits productifs à des populations cibles identifiées selon des critères objectifs (chômeurs, titulaires de minima sociaux, etc.) ou à quelques services financiers liés au crédit (prêt sur gage et restructuration de la dette de parti- culiers surendettés).
Qu’est-ce que le droit de la microfinance – et de la finance inclusive ?
3. Le droit de la microfinance résulte de la prise en compte des spécificités techniques, écono- miques et sociales de cette activité financière alternative, orientée vers les classes populaires – voire les plus pauvres d’entre les pauvres – en tout ou partie « non bancables », « non finan- çables », « non solvables » et en tout cas « hors cible commerciale » du système bancaire que l’on qualifiera de « classique ».
Parce que sa clientèle cible et ses opérations sont spécifiques, non dans leur nature mais dans leur montant et dans la relation au client, la microfinance et plus généralement la finance inclu- sive justifient des adaptations des normes bancaires et financières de plus en plus focalisées sur les grands risques, notamment ceux liés aux marchés financiers.
Cette spécificité a amené les autorités monétaires à réfléchir à l’adaptation des catégories exis- tantes d’établissements de crédit, voire à la création de nouvelles catégories d’intermédiaires financiers bancaires et non bancaires, et de nouveaux modes opératoires juridiquement sécuri- sés permettant d’atteindre la clientèle « à distance », en dehors des agences, via des réseaux de détaillants « non bancaires ».
L’approche retenue par les autorités compétentes varie selon les pays, en fonction de l’his- toire du système financier et du contexte social et politique local ; on constate cependant une certaine convergence des catégories d’intermédiaires financiers et des modes opéra- toires autorisés aux systèmes financiers inclusifs, ainsi que l’arrivée, dans la plupart des pays, de schémas de banque à distance dans lesquels les OTM imposent leur marque et leur mode opératoire, poussant les régulateurs à adapter leur dispositif.
L’articulation du secteur et la traduction réglementaire de la notion de système financier inclusif
4. La réglementation et la supervision se construisent le plus souvent en réaction à l’innovation financière et aux difficultés rencontrées par tout ou partie du secteur, notamment lors des crises bancaires et financières.
Aux premières générations de législations visant à donner un cadre habilitant aux systèmes financiers mutualistes, au xixe siècle et au début du xxe siècle, ont succédé les premières législa- tions bancaires modernes suite à la crise financière et bancaire de 1929. L’arrivée du microcrédit au cours des décennies 1970 et 1980 ainsi que les travaux du Comité de Bâle ont fait doublement
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Synthèse
évoluer la réglementation, (i) par l’introduction de standards bancaires internationaux (accords de Bâle I), et (ii) par la création de nouvelles catégories d’institutions spécifiques à la microfi- nance. Enfin, le développement des nouveaux canaux de distribution via les outils monétiques et la téléphonie mobile a permis l’émergence de la banque mobile et de la banque à distance, qui ont entraîné de nouvelles créations d’institutions financières et des évolutions sensibles dans la réglementation des canaux de distribution de services financiers.
Prestataires de services financiers et modes opératoires
Catégories d’institutions financières et opérations autorisées
5. Schématiquement, on compte maintenant neuf catégories d’institutions financières et un à deux canaux de distribution non bancaires, à savoir :
– les banques ;
– les établissements financiers, qui en général ne peuvent recevoir de dépôts à vue ; cette catégorie s’adapte parfois pour prendre en compte la révolution des moyens de paie- ment électronique ;
– les institutions financières spécialisées (IFS) ont souvent une activité d’utilité publique, comme le financement du développement. Cette catégorie d’établissement de crédit n’existe pas dans toutes les législations. Dans certains cas (Cambodge, Comores), les insti- tutions de microfinance (IMF) sont placées dans cette catégorie qui, au sens large, peut englober tous les intermédiaires financiers non bancaires ;
– les institutions financières mutualistes ou « Coopératives d’épargne et de crédit » (Coopec) ; celles-ci sont le plus souvent organisées en mouvements comprenant des caisses locales, des unions, fédérations, voire confédérations ;
– les IMF non mutualistes, le plus souvent sous forme de sociétés de capitaux (essentielle- ment des sociétés anonymes), voire d’associations de microfinance ;
– les « micro-IMF », structures d’épargne et de crédit à caractère mutualiste n’ayant pas atteint le niveau de développement institutionnel et organisationnel d’une Coopec ;
– les associations de microcrédit spécialisées qui voient leur activité très limitée par la réglementation ;
– les prestataires de services de paiement, allant des sociétés de transfert d’argent (STA) aux établissements de monnaie électronique (issus de « législations 1.0 » sur la monnaie électronique) et aux établissements (financiers) de paiement (issus de législations 2.0 sur la banque à distance et les services de paiement) ;
Il convient enfin de citer une « non-catégorie » institutionnelle, qui est celle des services finan- ciers postaux et caisses d’épargne liées et qui, localement, peuvent jouer un rôle important dans l’accès des populations à certains services bancaires de base.
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Précis de réglementation de la microfinance
La diversité des autorisations d’exercer offre en général aux IMF toute latitude pour exercer leurs activités quelle que soit leur structure institutionnelle (coopérative ou association mutua- liste, société de capitaux, association / fondation).
Opérateurs pour le compte d’autrui et banque à distance
6. Au titre des distributeurs non bancaires, on compte deux catégories de mandataires (non-salariés) :
– les intermédiaires en opération de banque (IOB), catégorie le plus souvent définie par la loi bancaire et qui permet la constitution de « sociétés de services » en microfinance, servant d’intermédiaires entre des banques et les micro-entrepreneurs ;
– les distributeurs de monnaie électronique et « agents » de détail distribuant certains services de paiement et d’épargne pour le compte d’institutions financières régulées.
Ces distributeurs sont la condition sine qua non de la banque à distance, permettant une extension considérable du taux de pénétration des services bancaires. La mise en place de réglementations modernes spécifiques sur ces détaillants non bancaires contribue au dévelop- pement sécurisé de ces nouveaux canaux de distribution de la finance inclusive.
De l’association à la SA
7. Nombre de systèmes de microcrédit commencent leur activité et grandissent à l’abri d’une association sans but lucratif. Si cette forme juridique est souvent admise par la réglementation de la microfinance, elle comporte plusieurs inconvénients liés (i) aux restrictions en matière d’activités bancaires autorisées et d’accès au secteur financier, et (ii) de gouvernance sur le long terme.
En principe, ces associations de microcrédit ne sont pas habilitées à collecter l’épargne du public.
Certaines associations opèrent, pour poursuivre leur développement de manière sécurisée, une « transformation » vers une société anonyme agréée en tant qu’établissement de crédit ou IMF. Ce terme utilisé mondialement par la doctrine, recouvre sur le plan juridique un processus de filialisation, par création d’une société anonyme nouvelle, avec le plus souvent :
– l'arrivée de nouveaux investisseurs qui modifient la gouvernance et permettent d’ac- compagner la croissance du capital ;
– la cession du portefeuille de crédits de l’association à la SA ;
– le transfert des salariés et des moyens techniques au repreneur de l’activité ;
– le maintien d’une participation, le plus souvent minoritaire, de l’association dans la SA, lorsqu’elle dispose de capitaux propres permettant cette filialisation.
S’il n’existe pas de normes mondiales quant à l’avenir de l’ONG ou de l'association après la filiali- sation de son activité, on constate que certaines législations modernes (Maroc, Tunisie) tendent
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Synthèse
à maintenir un contrôle du superviseur prudentiel sur ces structures, signe d’une volonté de contrôle d’un actionnaire de référence.
Spécificités organisationnelles de la finance mutualiste
8. L’organisation et la gouvernance des IMF sont intimement liées au milieu social dans lequel elles opèrent. Les IMF autogérées, de type mutualiste ou coopératif, sont le plus souvent orga- nisées en réseaux structurés en deux, trois voire quatre niveaux. Leur gouvernance peut être fragilisée sur le plan financier par ce qui fait leur force sur le plan social, à savoir leur autogestion par des élus bénévoles bénéficiant des services financiers du réseau.
Certaines grandes IMF mutualistes parviennent à créer des outils financiers sophistiqués, en particulier des caisses centrales agréées en tant que banques, et des compagnies d’assurance distribuant leurs produits via les réseaux des caisses locales.
De plus en plus, les régulateurs insistent sur quelques aspects essentiels de la gouvernance :
– la professionnalisation, incluant un renforcement des compétences des membres des organes délibérants, une gestion renforcée des ressources humaines, et la mise en place d’outils plus performants de management et d’audit interne ;
– la structuration des flux financiers intragroupes, pour l’optimisation de la gestion actif/ passif et l’organisation de la solidarité financière en cas de difficulté d’une des entités.
Droit de la supervision
Supervision prudentielle
9. La surveillance et la supervision constituent un élément central de l’équilibre du secteur de la microfinance, et un point de divergence sensible par rapport à la supervision bancaire « classique ».
La supervision prudentielle a pour objectif de veiller au respect des normes de stabilité des institutions financières, particulièrement leur solvabilité et leur liquidité. Le grand nombre de microstructures a parfois amené certaines autorités de régulation à :
– opérer des choix dans leurs missions de contrôle sur place, au risque de délaisser certaines structures ;
– distinguer officiellement entre la « supervision prudentielle » et la « surveillance non prudentielle » des très petites IMF non assujetties au respect des normes prudentielles de la profession.
En conformité avec les principes établis par le Comité de Bâle, la supervision prudentielle est désormais le plus souvent réalisée par la Banque centrale ou une Commission de supervision bancaire, et de plus en plus rarement par le ministère des Finances. En appui à la supervision, on notera le rôle essentiel d’orientation et de contrôle confié aux structures faîtières de réseaux mutualistes vis-à-vis de leurs affiliés.
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Précis de réglementation de la microfinance
Supervision éclatée des pratiques de marché
10. Le droit des pratiques de marché ne constitue pas une unité législative, mais un ensemble de domaines du droit économique. Le respect de ces piliers essentiels du droit relève d’une pluralité de superviseurs, parmi lesquels on retrouve :
– le superviseur prudentiel ;
– les autorités de régulation de la concurrence ;
– les unités de renseignement financier (URF) en charge de la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme (LBC-FT) ;
– les autorités de régulation des télécommunications et de l’économie numérique ;
– parfois, les autorités de régulation des bases de données à caractère personnel ;
– et parfois des autorités publiques de protection des consommateurs.
Une coordination entre ces différentes autorités est nécessaire pour la mise en œuvre d’une vision holistique du comportement des institutions financières sur le marché, et pour une supervision cohérente.
Outils de notation : CAMELI et TERICE
11. La réglementation et la supervision de la finance inclusive sont composées de deux piliers à objectifs et méthodes distincts, qui peuvent faire l’objet de deux systèmes de notation fondée sur les risques, du point de vue du superviseur.
La supervision prudentielle peut être évaluée par une adaptation de l’outil bancaire « CAMELS » en « CAMELI », pour :
– la Capitalisation,
– le Management,
– l'Information (qualité de l’information).
La supervision des pratiques des institutions financières sur le marché peut faire l’objet d’une évaluation par l’outil « TERICE », pour :
– la Transparence des conditions à la clientèle,
– l'Equité (traitement équitable des clients),
– le Recours et contentieux entre les clients et l’institution financière,
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Synthèse
Gestion des interventions prudentielles
12. En application du principe fondamental no 11 du Comité de Bâle pour un contrôle efficace, les superviseurs disposent d’une gamme étendue pour intervenir en cas de difficulté d’un établis- sement ; ces mesures comportent notamment l’interdiction de tout ou partie des opérations, l’injonction de prendre toute mesure correctrice (plan de redressement), la mise sous admi- nistration provisoire, la révocation des dirigeants et des commissaires aux comptes, et jusqu’au retrait d’agrément entraînant la liquidation. Quelques superviseurs ont, depuis 2008, modifié leur législation pour renforcer leurs pouvoirs de « résolution » ou restructuration forcée préventive des institutions à la situation trop dégradée pour survivre en l’état. Les mesures adoptées doivent respecter un principe de proportionnalité de la sanction par rapport aux déviances constatées.
Afin de prévenir toute contestation de la mesure, et parce qu’il « est indispensable de disposer d’un cadre et de mesures efficaces de préparation et de gestion de crise, ainsi que d’un dispositif de résolution ordonnée »[7], il peut être utile que le superviseur mette en place un processus de gestion des interventions en cas de problème constaté. Cela lui permet :
– de savoir comment procéder le moment venu, au-delà des dispositions législatives et principes de droit ;
– de standardiser son intervention et de rendre la supervision prévisible ;
– de développer le retour d’expérience ;
– progressivement, de lever les obstacles aux interventions, ce qui permettra de les rendre plus systématiques, rapides et efficaces et notamment de mieux savoir justifier l’inter- vention en droit.
13. La chaîne de traitement proposée est constituée de neuf points semi-chronologiques :
1. Sérier les faits constatés
2. Exposer les causes possibles
3. Répertorier les interventions disponibles
4. Prendre en compte les considérations financières, techniques et politiques externes (contraintes et opportunités)
5. Définir les effets escomptés
6. Elaborer un scénario de sortie de crise ou d’adaptation du dispositif
7. Elaborer des recommandations pour l’autorité décisionnaire
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8. Valider l’intervention et la mettre en œuvre
9. Développer le retour d’expérience
Elle peut faire l’objet d’un manuel de procédures du superviseur, à vocation interne car enca- drant son action.
La réglementation financière et prudentielle
14. La réglementation financière et prudentielle permet à la supervision prudentielle de trouver sa pleine efficacité, en guidant la gestion des institutions financières et en donnant à l’autorité de supervision des critères objectifs pour mesurer la situation des assujettis et justifier une intervention en cas de déviance.
Elle constitue un mix de normes quantitatives (ratios) et qualitatives, constituant selon le cas, des minima à respecter ou des indicateurs d’objectifs.
Capitalisation
15. La capitalisation est la garantie de solvabilité de l’institution financière, comprise comme sa capacité structurelle à rembourser ses dettes. Elle est assurée par :
– un niveau minimum de fonds propres, exprimé en pourcentage de ses actifs (le ratio minimum de capitalisation) ; en microfinance, le taux minimum du ratio exigé pour les IMF (de 10 à 15 % selon les pays) est en général plus élevé que pour les banques (de 8 à 10 % selon les pays) ;
– d’éventuelles réserves de fonds propres, disponibles auprès des actionnaires ou membres, qui mesurent la capacité à se recapitaliser en cas de difficulté ;
– une obligation légale de mettre structurellement en réserve une partie des bénéfices.
Actifs
16. Les institutions financières inclusives étant censées spécialiser leur activité sur les services bancaires à une clientèle de particuliers et de petites entreprises, la mesure de la qualité des actifs se focalise essentiellement sur certains indicateurs de mesure de la qualité du portefeuille de crédit :
– des ratios de mesure du portefeuille à risque (PAR 30, PAR 90…) et de taux annuel de pertes ;
– des ratios prudentiels imposant une division des risques et restreignant la diversification de l’activité ;
– le contrôle du respect des normes qualitatives, procédurales (internes) et légales ou réglementaires, d’attribution et de gestion des crédits ;
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Synthèse
– enfin, lorsque l’information est disponible, sur la mesure du taux de portefeuille croisé, qui constitue un indicateur avancé d’un potentiel surendettement des clients, annoncia- teur d’une baisse de la qualité du portefeuille de crédits.
Management
17. La qualité du management est fondamentale pour toute institution financière. Nombre de faillites d’IMF sont liées à la défaillance du management, permettant le plus souvent des fraudes massives impliquant les salariés, voire les membres des organes délibérants.
Le respect du droit des sociétés et des normes de gouvernance et de contrôle interne font partie du champ de la supervision prudentielle, et incluent :
– le contrôle du fonctionnement efficient des organes délibérants et exécutifs de l’insti- tution financière ;
– le contrôle de la qualité du dispositif de gestion des risques et de contrôle interne ;
– le respect des ratios prudentiels limitant strictement la prise de risque sur les dirigeants, le personnel et les personnes liées.
Equilibre financier / revenus
18. La viabilité financière intrinsèque de l’institution financière fait l’objet de normes adaptées aux réalités de la microfinance, en particulier :
– l’inclusion d’une obligation légale explicite de viabilité financière hors subventions, pour les IMF faisant l’objet d’une supervision prudentielle ;
– une obligation de plus en plus systématique dans les réglementations, de mettre en place une planification stratégique par le biais de plans d’affaires pluriannuels, actualisés chaque année ; ceci doit faire apparaître non seulement l’évolution de l’activité et des sources de revenus, mais aussi les perspectives financières et l’évolution prévisionnelle des ratios et indicateurs ;
– des ratios avancés de mesure de l’évolution financière, tels que le coefficient d’ex- ploitation, le rendement ajusté de l’actif (AROA) et des capitaux propres (AROE) ; des indicateurs dégradés annoncent une baisse des ratios prudentiels, notamment de la capitalisation.
Liquidités (gestion actif/passif)
19. La gestion des liquidités s’entend d’une allocation efficiente des ressources à court, moyen et long terme, dans le but de prévenir toute crise de liquidité immédiate ou à terme.
Elle implique la mise en place d’outils de gestion financière (actif/passif), ainsi que le respect de certains ratios prudentiels constituant autant de « garde-fous » à une gestion aventureuse des
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Précis de réglementation de la microfinance
ressources : ratio de liquidité immédiate ou à très court terme, ratio de couverture des emplois à moyen et long terme par des ressources stables, ratio de (sur)couverture des immobilisations par les fonds propres.
Information
Une information financière de qualité constitue la base de la supervision prudentielle. Cela implique en microfinance :
– quelques adaptations du droit comptable, notamment pour durcir sensiblement les normes de classement à risque et de provision du portefeuille de crédits, et pour ajus- ter la prise en compte des parts sociales des coopératives financières dans leurs fonds propres, de préférence dans le respect des standards internationaux (norme IAS 32) ;
– un ajustement des exigences en matière de système d’information et de gestion (SIG), avec des standards (tant sur le logiciel que sur l’architecture informatique) se rappro- chant des systèmes d’information et de gestion bancaires pour les IMF de grande taille, aux opérations diversifiées à l’épargne et aux moyens de paiement ;
– une certification rigoureuse des comptes par des commissaires aux comptes ; ceci consti- tue – de manière tout à fait anormale – un enjeu toujours d’actualité au vu de certaines faillites d’IMF.
Cas particuliers
20. Certains cas particuliers justifient la mise en œuvre de normes différentes. Ainsi, les inter- médiaires en opérations de banque et autres mandataires (agents, distributeurs de monnaie électronique) ne sont-ils pas tenus de respecter les normes prudentielles de droit commun, car ils ne réalisent pas d’opérations de banque en leur nom. Il leur est généralement imposé d’être couverts par une garantie bancaire ou assurantielle lorsqu’ils sont amenés à manipuler des fonds.
21. Les associations de microcrédit de « niche » ne mettent pas en danger l’épargne du public ou la stabilité du système financier ; de plus, leur activité est cadrée par les conditions posées pour l’octroi du crédit (plafond réglementaire, durée limitée, public cible). Il n’est donc pas nécessaire de les assujettir à une supervision prudentielle, même si certaines doivent respec- ter quelques piliers prudentiels que sont les normes de management et de transparence financière.
22. Les micro-IMF, soumises à une simple surveillance non prudentielle, ne sont en général astreintes au respect d’aucun ratio, même si les normes de droit commun peuvent être présen- tées en tant qu’objectif de bonne gestion.
23. La situation des structures faîtières de deuxième et troisième niveau des réseaux mutua- listes (union, fédération, caisse centrale bancaire et/ou organe financier et réseau) fait parfois l’objet d’adaptations des ratios prudentiels pour prendre en compte :
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Synthèse
(i) la solidarité financière intragroupe, qui modifie les conditions de leur solvabilité et de la liquidité ;
(ii) et le fait que ces structures faîtières ont, par définition, vocation à travailler avec leurs actionnaires, composant l’essentiel de leurs organes délibérants.
24. Enfin, on mentionnera l’existence de normes de mise en réserve obligatoire de liquidités dans le cadre de la gestion macro-prudentielle, qui ponctionne les dépôts des IMF agréées en tant que banque dans un but de régulation de la masse monétaire en circulation, mais en géné- ral pas les autres catégories d’institutions financières (IMF-SA, coopératives financières…).
La supervision des pratiques de marché : vers la finance responsable
Transparence des conditions
25. La transparence des conditions à la clientèle est la base de la confiance et le droit le plus légitime des consommateurs de services financiers. Ce droit, inscrit dans la plupart des légis- lations bancaire et de microfinance, peut se décliner en quelques principes simples, guidant ensuite la mise en œuvre de standards techniques par les régulateurs :
– le droit de savoir, précontractuel (par le biais d’un affichage public standardisé, des publicités, des prospectus…) et contractuel (par le biais des mentions nécessaires dans le contrat, sans renvoi à des « conditions générales de vente ») ; le droit de savoir concerne les mentions financières du contrat (Taux effectif global – TEG, coût global du crédit, montant et conditions des pénalités…) et les dispositions non financières (comme une clause d’arbitrage ou de médiation) ;
– le droit de comprendre, ce qui implique des affichages et des contrats rédigés de manière compréhensible par des non-juristes et non-banquiers ;
– voire un quasi-droit d’apprendre, notamment parce que le banquier est assujetti à un devoir de conseil de son client.
Equité dans les relations avec la clientèle
26. Outil reconnu de promotion de la condition humaine, la microfinance sait en général se développer sans heurter les mécanismes sociaux traditionnels qu’elle peut continuer à faire évoluer en souplesse. Elle doit cependant se conformer à des standards minima de traite- ment de la clientèle, parfois influencés par certains standards qualitatifs promus par la « smart campaign »[8]. Ainsi, sous une appellation ou sous une autre, le droit financier de la protection des consommateurs impose de plus en plus souvent :
– que l’institution propose des produits financiers et des canaux de distribution adaptés aux capacités de ses clients, notamment en termes de cycle de crédit ;
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Précis de réglementation de la microfinance
– que l’IMF prévienne, par une analyse appropriée et responsable des dossiers de crédit, toute situation de surendettement ; cet élément est un point important en matière de responsabilité du banquier ;
– dans quelques cas, un encadrement tarifaire (même si la microfinance a lutté et souvent obtenu gain de cause pour s’émanciper des taux d’usure), et plus généralement, la mise en place d’une tarification socialement responsable ;
– des mécanismes stricts de prohibition des discriminations, mauvais traitement et actes de racket de la clientèle, et de sanction interne des comportements déviants de la part du personnel vis-à-vis de la clientèle (essentiellement en provenance des caissiers, agents de crédit et gérants d’agence).
Recours et contentieux
27. La gestion des conflits entre une institution financière inclusive et sa clientèle est un des critères de sa performance sociale et de sa conformité au droit des pratiques de marché. On distingue selon que l’institution financière est requérante ou défenderesse.
Le premier cas concerne pratiquement exclusivement le contentieux lié aux créances impayées. L’inadéquation du droit des voies d’exécution aux microcrédits[9] peut conduire :
– au développement de systèmes de recouvrement extrajudiciaires, s’appuyant parfois sur les mécanismes sociaux traditionnels ou sur la pression sociale. Ces mécanismes extrajudi- ciaires trouvent toutefois leurs limites dans les conditions strictes posées par le droit écrit, ce qui dans certaines situations fragilise les IMF au profit de débiteurs de mauvaise foi ;
– à réserver les contentieux judiciaires aux plus gros crédits, nantis conformément au droit des sûretés, et aptes à supporter une procédure de recouvrement longue ;
– au développement de systèmes de contentieux privés, rendus juridiquement possibles par le droit moderne de l’arbitrage et la création de centres nationaux d’arbitrage, de médiation et de conciliation ; ceci requiert toutefois une modification radicale des para- digmes économiques de l’arbitrage.
Le second cas concerne essentiellement les réclamations et plaintes de la clientèle face à des situations de blocage commercial, de maltraitance par les salariés de l’IMF ou par ses manda- taires (agents externes), ou de différend sur l’application des contrats.
Le droit encourage, voire impose la mise en place, par l’institution financière, de mécanismes de recours effectif non contentieux (de type médiation ou conciliation), facilement accessibles aux clients, et permettant ensuite (i) à l’IMF, d’améliorer la qualité de traitement de sa clientèle, et (ii) au superviseur, de contrôler efficacement cet aspect du comportement de l’institution financière sur le marché. Dans quelques pays, le législateur a en plus prévu la mise en place de médiateurs publics des services bancaires et de microfinance, pouvant être saisis si le recours interne n’a pas donné satisfaction.
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Synthèse
Bases de données sur la clientèle et droit des libertés publiques
28. Les bases de données sur la clientèle sont un des outils de sécurisation du microcrédit, permettant accessoirement une facilitation du crédit aux « bons risques ». Une fois les solutions techniques et financières mises en place, deux approches institutionnelles majeures se dégagent :
– une première approche, publiciste, voit le fichage de la clientèle organisé sous l’égide de la Banque centrale, laquelle peut éventuellement déléguer la mise en œuvre de presta- tions techniques à une entreprise spécialisée ;
– une seconde approche, privatiste, est basée sur le marché et la mise en place de « bureaux de crédit » ayant accès à diverses sources d’information (notamment des établissements de crédit, mais aussi des grands facturiers et des tribunaux).
Il est généralement admis que l’approche privatiste permet la constitution de bases de données plus complètes, facilitant la mise en place de solutions de notation du client (credit scoring), alors que les bases de données gérées par les Banques centrales sont moins étendues, sauf lors- qu’elles en délèguent la gestion à un ou des opérateurs privés[10].
29. La mise en place et la gestion de bases de données de grande ampleur par les bureaux de crédit et les opérateurs de banque mobile posent des questions essentielles en termes de liber- tés publiques, de respect de la vie privée, de conditions d’accès, de protection des personnes fichées contre les erreurs et les abus, de prévention et de répression des fraudes et de la délin- quance liée aux fichages illicites ou à la cybercriminalité. Ces aspects impliquant différents domaines du droit (droit financier, droit des libertés publiques, droit des nouvelles technologies de l’information et de la communication [NTIC], droit des obligations, droit pénal) doivent être traités afin de veiller à la conformité légale des dispositifs de stockage et d’analyse de l’infor- mation et au respect des équilibres entre les intérêts respectifs des différents protagonistes.
Intégrité financière et normes LBC-FT
30. Les institutions de microfinance sont des cibles potentielles de populations souhaitant dissi- muler des fonds ou obtenir des financements pour financer des actes criminels. L’ouverture des IMF et/ou de leur clientèle à l’international accroît ces risques, notamment de blanchi- ment international de capitaux sous couvert de transfert de fonds de migrants de première ou deuxième génération, ou de (micro)financement d’activités terroristes.
31. Les standards mondiaux de lutte contre le blanchiment de capitaux, le financement d’acti- vités terroristes et la prolifération, s’appliquent aussi aux IMF du secteur formel, quel que soit le type d’agrément dont elles bénéficient de la part des autorités monétaires. Il n’existe pas, dans les 40 recommandations du Groupe d'action financière (GAFI) telles que révisées en 2012, de dispositions ou normes que ne devraient pas pouvoir appliquer les IMF ou toute institution de bancarisation de masse.
En revanche, les modalités pratiques d’application prises par les Parlements nationaux et les entités de lutte anti-blanchiment peuvent constituer un frein, voire un élément bloquant pour
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Précis de réglementation de la microfinance
les IMF, lorsqu’elles ne sont pas adaptées aux réalités technologiques, sociales et administratives des populations à bancariser. Sont particulièrement visées, pour leur caractère potentiellement bloquant ou restrictif, les normes relatives à l’identification et à la connaissance du client[11], à la notion d’opération suspecte, et à la conservation des documents par l’IMF.
Concurrence
32. Les principes généraux du droit de la concurrence s’appliquent à l’ensemble du secteur financier, y compris aux IMF, en application de normes communautaires (sous-régionales) ou nationales, parfois insérées dans les législations bancaire ou de microfinance.
Par principe, sont prohibées les pratiques anticoncurrentielles sur le marché, notamment les ententes restrictives de concurrence et les abus de position dominante. A ce titre, plusieurs régulateurs sont intervenus pour exiger un bannissement des clauses d’exclusivité dans la distri- bution de services de transfert d’argent rapide des travailleurs migrants.
Certaines pratiques comportementales, considérées comme déloyales ou constituant un démarchage trop agressif de la clientèle, sont aussi prohibées par le droit des obligations, le droit de la concurrence ou la réglementation financière de la protection des consommateurs.
Enfin, de plus en plus les régulateurs s’intéressent à l’impact négatif de certaines aides publiques, lorsqu’elles faussent la concurrence sur le marché.
Protection de l’épargne en cas de faillite
33. La mise en place de mécanismes de protection de l’épargne est un élément important de  la protection des clients non professionnels, en cas de faillite d’une institution financière. Les premiers fonds de garantie des dépôts sont apparus à la suite de la crise bancaire de 1929, qui avait vu nombre de déposants paniqués retirer massivement leur épargne, précipitant certaines banques, même solvables, à la faillite faute de liquidités. Ces fonds de garantie sont financés essentiellement par des cotisations des assujettis.
Si les fonds de garantie des dépôts bancaires constituent la norme pour les pays développés ou émergents, les fonds de garantie des dépôts des IMF non agréées en tant que banque demeurent encore minoritaires, et parfois complexes à mettre en œuvre lorsque la situation financière globale du secteur demeure dégradée.
Plusieurs cas peuvent se présenter. Au Maroc, les institutions financières inclusives souhaitant proposer des produits d’épargne doivent obtenir un agrément de banque ; les fonds béné- ficient donc de la protection de droit commun. Dans l’Union monétaire Ouest-africaine (UMOA), un fonds de garantie des dépôts unique a été établi, mais il comporte deux compar- timents étanches (pour les banques et pour les systèmes financiers décentralisés – SFD), ce qui présente l’avantage de ne pas faire payer les banques pour des faillites de SFD, mais pourrait entraîner quelques effets pervers.
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Synthèse
Droit des garanties liées au crédit
34. Les conditions dans lesquelles les opérations de crédit sont garanties influent sur la perfor- mance des IMF. Celles-ci utilisent le plus souvent des garanties personnelles et réelles pour renforcer la sécurité de leurs opérations de crédit, mais le degré de conformité des actes ou de formalisation de ceux-ci demeure inégal.
Les garanties utilisées comprennent le gage de biens meubles corporels (bijoux en or, appa- reil électroménager…), le dépôt de garantie ou gage espèce, le cautionnement avec ou sans solidarité, et un certain nombre de mécanismes de garanties dites « économiques » comme la rétention de titres fonciers.
Les IMF se heurtent en général au coût et au formalisme lié à l’inscription des garanties, ainsi qu’à l’insuffisance de certains services publics notamment pour l’inscription des hypothèques. Ainsi, les IMF ne prennent en gage des hypothèques que pour des crédits de gros montants, et de préférence en zone urbaine où les questions de droit foncier et de cadastre sont plus souvent favorables.
Services financiers aux migrants et bibancarisation
35. Le service aux « migrants » de première, voire de deuxième ou troisième génération (i.e. les descendants de migrants) constitue un enjeu stratégique pour certaines banques et IMF, dans les pays d’émigration. Il permet de capter, directement (par le biais d’un transfert) ou indirec- tement (par le biais de l’épargne venant alimenter l’économie d'une zone géographique) des rentes représentant souvent des montants supérieurs à l’aide publique au développement.
L’orientation de ces flux est facilité lorsque l’institution financière est présente en amont du corridor de transfert[12], pour offrir (i) des services de transfert, (ii) des ouvertures de compte de dépôt « à distance », (iii) des produits bancaires (crédit immobilier…) ou financier (placements bour- siers, etc.). L’enjeu ultime est d’arriver à une bibancarisation Nord/Sud ou Sud/Sud du migrant, ce qui implique de trouver des solutions de conformité par rapport aux éléments suivants :
– capacité à ouvrir des comptes à distance dans un pays qui n’est pas celui du siège social et de l’agrément de l’IMF ;
– capacité à s’implanter sans devoir être agréée en tant qu’institution financière, par le biais d’un bureau de représentation, et à tisser des partenariats avec des établissements de crédit locaux ;
– capacité légale et financière à créer des filiales agréées en tant qu’établissement de crédit, ou à défaut en tant qu’établissement de monnaie électronique (EME) ou établis- sement de paiement (EP) ;
– respect de la frontière légale du monopole bancaire, en lien avec certaines opérations de démarchage pour la vente de produits bancaires et financiers.
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La réglementation fiscalo-douanière et le coût de l’inclusion financière
36. Le secteur financier mutualiste est un bénéficiaire historique d’aides publiques, sous forme d’allègements fiscaux, de subventions et de lignes de crédit à taux concessionnel. Celles-ci lui ont permis de se développer en remplissant pleinement sa fonction de bancarisation de popu- lations exclues du secteur bancaire « classique », tout particulièrement en zone rurale et dans les milieux populaires urbains (prolétariat, artisans et commerçants). Ce processus n’a toutefois pas été linéaire, certains réseaux « officiels » bénéficiant dès leur création des faveurs de l’Etat alors que d’autres ont dû patienter avant de bénéficier du même traitement.
Le niveau de fiscalité applicable au secteur de la microfinance varie en fonction de la politique économique de chaque Etat. En général, les sociétés anonymes intervenant dans le secteur sont assujetties à une fiscalité proche du droit commun, mais elles n’intervienn