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ETUDES SUR LES NOMS D'HOMMES GAULOIS EMPRUNTÉS AUX ANIMAUX (Suite) Author(s): Adolphe Pictet Source: Revue Archéologique, Nouvelle Série, Vol. 11 (Janvier à Juin 1865), pp. 109-123 Published by: Presses Universitaires de France Stable URL: http://www.jstor.org/stable/41734427 . Accessed: 20/05/2014 09:07 Your use of the JSTOR archive indicates your acceptance of the Terms & Conditions of Use, available at . http://www.jstor.org/page/info/about/policies/terms.jsp . JSTOR is a not-for-profit service that helps scholars, researchers, and students discover, use, and build upon a wide range of content in a trusted digital archive. We use information technology and tools to increase productivity and facilitate new forms of scholarship. For more information about JSTOR, please contact [email protected]. . Presses Universitaires de France is collaborating with JSTOR to digitize, preserve and extend access to Revue Archéologique. http://www.jstor.org This content downloaded from 91.229.248.150 on Tue, 20 May 2014 09:07:26 AM All use subject to JSTOR Terms and Conditions

ETUDES SUR LES NOMS D'HOMMES GAULOIS EMPRUNTÉS AUX ANIMAUX (Suite)

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ETUDES SUR LES NOMS D'HOMMES GAULOIS EMPRUNTÉS AUX ANIMAUX (Suite)Author(s): Adolphe PictetSource: Revue Archéologique, Nouvelle Série, Vol. 11 (Janvier à Juin 1865), pp. 109-123Published by: Presses Universitaires de FranceStable URL: http://www.jstor.org/stable/41734427 .

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ETUDES

SUR LBS

NOMS D'HOMMES GAULOIS

EMPRUNTÉS AUX ANIMAUX (1)

(Suite.)

Avant de quitter les noms dérivés de celui du cheval (epos, eppos ), j'en ajouterai quelques-uns encore, sans me flatter cependant de les épuiser.

Celui i'Eppius, dont je n'ai cité qu'un exemple dans la Carniole (cf. Steiner, Jnsc. Rheni et Danubii, 3854), se retrouve aussi avec le p simple, Epius, à Possau dans la Carinthie (ib. 3896). Une Eppia Verula se rencontre à Nîmes (Murât. Iï59, S). Les noms d'Eppius, Eppia, d'une inscription à Rome (Murât. 1670, 5), sont sans doute gaulois.

Un féminin ď Eppos, Eppa, paraît comme nom de femme en Slirie (Stein. 2873). Il semble s'appliquer moins bien au potier Eppa, dans Roach Smith, déjà cité (1er article, p. 311) et qu'il faut peut- être lire Eppo, - onis.

A ce dernier thème se rattache sûrement aussi un Ippo, sans doute pannonien (Stein. 3562), de l'ancienne collection d'Ebersdorf. On sait que ''e et l'i se remplacent souvent dans les inscriptions gallo- romaines. Le nom A'Epono, - onis (Stein. 3828) Laibach, nous offre une forme augmentée analogue à Epona , Eponina; et celui

(1) Voy. le numéro d'octobre 1864, p. 307.

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110 REVUE ARCHÉOLOGIQUE.

ďlponianus (Murât. 820, 1) Ticini, avec i pour e comme ci-dessus, ne paraît en différer que par le suffixe.

J'arrive maintenant aux noms gaulois composés avec ceux du cheval, importants surtout au point de vue de la langue, parce que la connaissance assurée d'un de leurs éléments facilite l'interpré- tation des autres. Ces composés sont binaires ou ternaires, et le nom du cheval s'y trouve combiné, soit avec des préfixes, soit avec des substantifs et des adjectifs.

1. Atepo, - onis (Murât. 1281, 6), inscription de Nîmes. Atepo (Rev. numism. 1860, p. 180), sur un vase de terre rouge. Atepilos , Atpil (Duchalais, p. 163), sur une médaille de la Lyon-

naise, portant au droit Toutobocio. - AtpiU (ib. p. 125), sur une autre médaille; au revers ... rcetir ..., c'est-à-dire Orcetirix.

Atepilla (Mém. de l'acad. du Gard, 1810, p. 380), inscription. Je réunis ces deux noms, parce qu'ils offrent évidemment l'Epo et

['Epillus, déjà mentionnés, en combinaison avec le préfixe ati, ate , qui paraît fréquemment en gaulois, et qui supprime sa voyelle finale devant une autre voyelle. Zeuss, qui en traite brièvement (Gr. Celt . p. 836), le rapproche avec raison de la particule inséparable afft, aith en irlandais, at en cvmrique, laquelle a la valeur du latin re - . Le gaulois, toutefois, doit avoir eu une signification plus étendue, et rapprochée de celle de la préposition-préfixe sanscrite ati , zend aiti, qui exprime en général un mouvement au delà, au-dessus, trans , super , ultra . Il faudrait, pour mettre ce fait en évidence, passer en revue tous les noms gaulois composés avec ati , ate , at , ce que je compte faire ailleurs. Dans le ca-s actuel, il est évident que le sens itératif ne saurait avoir aucune application pour un nom d'homme emprunté au cheval.

En composition avec des substantifs, le sanscrit ati indique ordi- nairement, soit l'excès, soit la supériorité et l'excellence. Ainsi l'on trouve aliyava , espèce supérieure d'orge, atirûpa , forme excellente, beauté, atirâdjan , roi excellent, atigô , excellente vache, atiçvan , chien excellent, ou, comme adjectif, atiçva , supérieur au chien, etc. Ces derniers exemples autoriseraient à supposer un aîyaçva(ati-açva) excellent cheval, qui serait l'analogue du gaulois Atepo . Toutefois, comme nom d'homme, ce composé doit être pris dans le sens d'un possessif, et désigner celai qui a un bon cheval , de môme que, en sanscrit, le nom propre Atibâhu signifie qui a de grands bras, et Atidhanvan , qui possède un arc excellent ou très-grand, etc. On pourrait chercher aussi, dans Atepo , un bon cavalier , d'après l'ana- logie du sanscrit atiratha , littéralement char excellent , puis, par

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extension, celui qui excelle à combattre sur un char . C'est, comme nous disons, une bonne lame , pour un, homme habile à l'cserime.

Le gaulois Atepo se retrouve encore dans deux noms surcomposés, savoir :

5AT£7iopt?, chef galate (Strab. p. 560, éd. Casaub.), au génitif 'ATETuópetYo;, dans l'inscription d'Ancyre (Murât. 643).

'AxsTco^ápoç, chef gaulois (Plutarq. VII, p. 242, éd. Reisk). - Ate - pomarus (insc. de Narbonne, suivant une communication de M» de Longpérier), nom de grand personnage devenu plus tard celui d'un potier A.. .poma.. (Mommsen, Insc. helv. 82, 35á).

D'après le sens bien connu des terminaisons rix et marus , ces deux noms s'expliquent fort bien par chef des bons chevaux ou des bons cavaliers , et grand par V excellence des chevaux ou des cavaliers .

2. Eporedorix (Cés. VII, 39, 76), chef éduen. - Eporedirix , - rigis (inscr. d'Autun. Orelli, 1974. Autun archéol. p. 105).

Deux des éléments de ce triple composé, epo et rix , sont déjà connus, et nous connaissons également la signification d 'eporedo, ou mieux eporedi , par la traduction que Pline en a donnée. (Voy. notre premier article, p. 310.) Si le substantif eporedius a désigné un bonus equorum domitor , le nom du chef éduen s'explique de lui- même.

La difficulté, c'est de déterminer la véritable valeur de redius par h comparaison des langues néo-celtiques, car il se présente plus d'une solution possible.

Le rapprochement le plus spécieux, parce qu'il paraît s'accorder bien avec 1 e domitor de Pline, est celui de l'armoricain rédia , forcer, contraindre, rèdi , contrainte, nécessité, réd ou rét , nécessaire, etc. (Cf. de ßelloguet. Ethnogr . gauL p. 79.) Malheureusement pour cette explication, c'est la dernière forme, rét , qui est la primitive, comme le prouve le cymrique moyen reit , nécessaire (Zeuss, p. 101), moderne rhaid , rheidus , id., avec affaiblissement du t en d , comme à l'ordinaire, et ai , ei pour e bref. (Zeuss, ibid.) Cf. le comique rethy , il faut, opportet. Ainsi la dentale ne concorde plus, non plus que la voyelle, qui est sûrement longue dans le rêdius gaulois.

Zeuss (p. 73) soupçonne un rapport avec la racine reth , courir, de l'ancien irlandais, en supposant que le th est ici irrégulièrement pour dh , comme dans d'autres cas. Il objecte toutefois lui-môme que le cymrique actuel rhedu, courir, devrait alors être rheddu , le d mo- derne provenant dans la règle ďun t plus ancien. Tout en restant dans le doute, il incline cependant (p. 13) à admettre comme primi- tive une forme red , en comparant le gaulois rhêda , char. Mais ail-

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liž REVUE ARCHÉOLOGIQUE. leurs (p. 21) il rapproche, avec plus de raison sans doute, rhêda de l'ancien irlandais riad , dans dé-riad , biga, où la diphlhongue ia représente un ê primitif. Cependant riad (proprement riadh) ne signifie jamais un char. D'après le savant Curry, un des hommes les plus versés dans la connaissance de l'ancienne langue, son acception constante est celle de riding on horseback or in a chariot , action de chevaucher ou d'aller en char. Le dériad ci-dessus devrait être pré- cédé de carbat , char, pour désigner un véhicule à deux chevaux, de même que carbat cethar riad s'emploie toujours pour un char à quatre chevaux (1). Le vrai sens de riadh n'est pas celui d'équitation comme mouvement, mais comme art de conduire les chevaux. C est ce qui résulte du dérivé riadhûghadh, l'action de dompter et de dresser un cheval ( the breaking or training of a horse), d'après O'Donovan. (Supplém. à la nouvelle édit. du diet. d'O'Reilly, voc. cit.) Ceci s'accorde parfaitement avec les acceptions des termes ger- maniques qui se attachent à la même racine primitive, l'anc. allem. ritan , anglo-sax. rîdan, scand. rida. L'expression scandinave rìda hest , comme en anglais to ride a horse , signifie equum cicurare , dresser un cheval. De ces verbes dérivent respectivement reità ou reiti , red , reid , le char sur lequel on monte et que l'on dirige, le reitwagan , = irl. carbat riadh , distinct du wagan comme véhicule en général. De là aussi l'anc. allem, reito , reitil , auriga, le cocher qui sait conduire. Il est donc très-probable que le gaulois rhêda , qui appartient évidemment au même groupe, et qui désignait une espèce particulière de chars à quatre roues, ne dérivait pas d'une racine red, courir, comme currus de currere , mais de rêd , conduire, diriger, etc.

Glück (Kelt. Nam . p. 143) identifie, comme Zeuss, rhêda avec l'irlandais riadh , et y rattache le rêdius du gaulois eporêdius, mais en ramenant le tout à la notion de mouvement rapide. Il compare de plus, et avec raison, le cymrique rhwydd = rêd, expeditus, facilis, prosper, acception que je crois, comme lui, secondaire, inais d'une autre façon, ainsi qu'on le verra plus loin. Le composé gaulois se trouverait même, suivant lui, conservé dans ebrwydd , celer, citus, festinans, proprement instar equi. Le rapprochement est spécieux, mais il soulève plus d'une objection. D'abord l'adjectif rhwydd , plus anciennement rhwyd , quand il se combine en guise de suffixe avec d autres noms, ne forme que des substantifs abstraits (cf. Zeuss,

(1) Voy. la note de Curry dans son édition du Cath Muighe Leana , ou la bataille de Magh Lena, p. 69.

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p. 861). Si donc, dans ebrwydd , eb désignait le cheval, ce mot ne pourrait guère signifier qu 'équitation. C'est avec des préfixes divers que rhwydd conserve son caractère d'adjectif. Ainsi go-rwydd , facile et libre d'action, an-rwydd, non-libre, empêché, difficile, cyf-rwydd> expéditif, prospère, hy-rwydd, facile, am-rwydd, libre de toute part, etc. Gela conduit à présumer dans eb-rwydd , rapide, hâtif, précoce, une formatiou analogue, bien que eb ne soit plus employé comme préfixe. Il semble d'ailleurs peu probable que le vrai sens d'un composé qui signifierait celer instar equi , eût été oublié à tel point qu'il pût être employé pour tôt, opposé à tard, comme dans le pro- verbe cité par Owen au terme en question : A esgyno yn hwyr ebrwydd y dysgyn; celui qui montera tard descendra tôt.

Une autre objection, et ce n'est pas la moins forte, c'est que le sens de rapide à cheval (ittkoôooç), que Glück attribue à eporêdius , s'éloigne par trop du bonus equorum domitor de Pline, Le bonus , que Glück veut écarter comme une addition arbitraire, avait sûrement sa raison d'être. Il est peu juste de dire avec lui (p. 145) qu'un nrTroôooç, un cavalier rapide, doit être aussi un bon uttâ^o;; car l'art de dresser les chevaux est encore autre chose que celui du simple cava- lier. Comment expliquer d'ailleurs le nom ď Eporedia (Ivrée) donné à une ville, qui ne pouvait pas, à coup sûr, être rapide à cheval , mais qui a fort bien pu désigner un lieu où l'on savait dresser les chevaux.

Nous pouvons d'autant mieux abandonner cette interprétation qu'il se présente un moyen de concilier les divergences apparentes de sens entre riadh , rhéda et rhwydd , en les ramenant à une racine commune d'une signification plus générale.

Cette racine, je la trouve dans l'irlandais réidh = rêdh , préparer, arranger, concilier, d'où réidh, prêt, disposé, agréé, puis plan, paré, uni, et, comme substantif, plaine (O'Reilly, diet.). Cf. Piri. ancien réid (pour réidh ), planus, facilis (Zeuss, p. 1087), et l'irl. moyen réidh , uni, égal, réidhe , aplanissement, nivellement (Stokes, Ir. Gloss . n° 890). Le dictionnaire erse d'Edimbourg donne à réidh des accep- tions plus multipliées, mais qui dérivent toutes de la même notion générale, savoir : paratas, ordinatus , ad ordinem redactus , planus , laevigatus , rectus , extricatus , liber, solutus , conciliatus , tutus , securus , et, comme substantif, planities. A ce réidh , rêdhy répond de tout point le cymrique rhwydd^rêd , libre d'obstacles, ouvert, clair, facile, aisé, franc, prospère. En armoricain, et d'après les lois pho- niques, on devrait trouver roaz , que ne donnent point les lexiques, mais qui doit avoir eu, comme l'irlandais réidh , le sens de plaine, à

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114 REVUE ARCHÉOLOGIQUE. en juger par Roazun , nom breton de la ville de Rennes, Rhedonum urbs (1).

Les affinités de cette racine réd, primitivement ridh, s'étendent à plusieurs des branches de la famille arienne. Ainsi, nous trouvons en gothique raidjan , ordonner, arranger, ga-raids, mis en ordre, disposé, anglo-sax. raedan, statuer, préparer, raede, prêt, prompt, l'angl. ready , geraede. appareil, scand. reida, préparation, prompti- tude, anc. ail. reiti, prêt, ant-reitôn, mettre en ordre, etc.; en lithua- nien rêdas, ordre, arrangement, appareil, arkliû rêdas, harnais de cheval; en russe riadu, ordre, etc. Il faut sans doute y rapporter aussi le latin ordo. En remontant plus haut encore, on est conduit à la racine sanscrite ridh, ardh, prospérer, réussir, et faire réussir, exécuter, achever, d'où ríddha, prospère, riddhi, prospérité, etc. Les analogies de sens sont suffisamment évidentes.

Ce qu'il importe d'observer pour l'étymologie qui nous occupe, c'est que, en celtique comme en germanique, la racine en question est la même que celle qui exprime l'action de chevaucher, de dresser les chevaux, et de conduire un char. L'irlandais riadh, en effet, est phoniquement identique à réidh, les diphthongues ta et éi repré- sentant également un é.

Il résulte clairement de tout cela que les eporêdii gaulois n'étaient pas simplement des cavaliers rapides, mais des hommes voués à l'art de préparer, de former, de dresser les chevaux, et nous avons ainsi exactement les boni domiîores de Pline.

La signification attribuée au rêdius du composé s'éclaire encore d'un nouveau jour par la comparaison du gaulois verêdus, cheval de chasse et de poste, terme emprunté par le latin comme rhéda. Glück (p. 89) rejette avec raison l'étymologie de vehere rhedas proposée par Festus, et compare très-heureusement le cymrique gorwydd, pour gworwydd = vorêd, equus, caballus, mais plus spécialement un cheval bien dressé. Ce n'est là, toutefois, qu'un adjectif composé avec le préfixe go, gwo, sub, et employé comme appellatif. Aussi dit-on gorwyddfarch, littér. equus verêdus, pour un cheval de manège, aux allures assouplies par l'art de l'écuyer. Le préfixe ve, parfois aussi vo en gaulois, répond au cymrique gwo, comme le préfixe ver à gwor. Sur le remplacement assez fréquent de e par o, et vice versa, cf. Zeuss, p. 103, et Glück, p. 90.

J'ajouterai que parmi les noms de potiers gallo-romains on trouve

(1) Les Rhedones étaient sans doute des habitants de la plaine , plutôt que des possesseurs de chars (rhedae)¡ comme le pensent Zeuss, p. 50, et Glück, p. 149.

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un Veredu (Roach Smith, London Antiq. p. 46), identique peut-être à verêdus.

3. Epomed(os ) ou Epomeduos suivant de Longpérier. Sur une mé- daille trouvée dans le trésor de Ghantenay (Revue numism. 1862, p. 22). Duchalais (p. 91) avait donné auparavant la légende tronquée ... pomed ...

Ce nom s'explique sans difficulté par le cymrique meddu , plus anciennement medu , posséder, d'où meddwr , possesseur, maître, meddiant , possession, etc. Il signifiait sans doute possesseur ou maître des chevaux. C'est le synonyme de l'irlandais Echtighern (0' Curry, Lect. on anc . Ir. hist. p. 211), ainsi que du sanscrit AçvapalL

4. Epomanduus , nom d'homme à inférer, avec Glück (Kelt. Nam. p. 133), d ' Epomanduodurum (Itin. Anton, p. 349, éd. Parlhey), c'est- à-dire arx Epomandui, entre Yesontio et Cambate.

Le second élément de ce composé reparaît plusieurs fois, soit à l'état simple avec divers suffixes, soit avec de nouvelles combi- naisons, dans les noms d'hommes, de peuples et de lieux. Glück, qui en traite (p. 132), à l'article du Mandubratius insulaire, le considère comme perdu en cymrique et en irlandais. Je crois, cependant, le retrouver dans le vieux glossaire de O'Davoren publié par Stokes, à la page 105, où mand , mann est expliqué par imat , c'est-à-dire multus et multitudo, copia, ops (1). Epomanduus signifierait ainsi : qui a beaucoup de chevaux , riche en chevaux , tco'àuïtituoç, comme le nom zend de Pôurushaçpa , le père de Zoroastre (Burnouf, Journ. asiat. 1845, p. 286). La comparaison des autres noms qui se ratta- chent à mandu vient à l'appui de cette interprétation.

Le thème simple, avec la signification probable de riche , se ren- contre dans Manduus (Glück, 133, 2, d'après les Insc. Nassov .). On voit en dériver Manduilla (Grut. 768, 2) Milan; Manduil(lus ?) iigul. (Roach Smith. Catal. p. 43); ainsi que le nom des Mandubii , formé comme celui des Esubii de Esu, et qui a pu signifier les riches ou les nombreux (2). Il est probable que le Mandus de Steiner 2416 (Wettweis. Prus. rhén), le Mandalonius du même, 1836 (Bittburg, ib.), et le celtibère Mandonius de Tite-Live, 28, 24, se rattachent à la même racine avec des suffixes différents.

Les noms composés avec mandu semblent tous s'expliquer sans

(1) L'irlandais moyen imad, mod. i ornad , multitude, est l'anc. irl. imbad, imbed , copia, ops (Zeuss, p. 75) d'o ùimda, imde , opulentus, multus, abundans. (2) Comme, d'après Zeuss (p. 75) les Ambitui, de l'anc. irl. imbed, copia, imde

pour imbde et imbide , imbithe , abundans.

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116 REVUE ARCHÉOLOGIQUE.

trop de difficultés. Ainsi Catumandus (- manduus ?), celui du chef qui assiégea Marseille, et qui portait un collier d'or (Justin, 43, 5), s'in- terprète fort bien par l'homme auxnombreux combats, =IïoXù{jLaxoç, 'Eupújjia^oç, d'après le sens connu de catu = irl. cath , cymr. cad, bataille. Les Viromandui ou Veromandui (Cés. II, 4, 16) étaient probablement des virorum copiam habentes, noXúavSpot, si l'on rap- porte viro , ou vero à l'irlandais fer (génit. fir) et au cymrique gwr (plur. gwyr ), plutôt qu'à gwyr , recens, vigens, validus, ou à l'irlan- dais fir, verus, probus, comme le fait Glück (Kelt. Nam. p. 186). Cette signification convient également bien au Camulus Viromanduus des inscriptions (Grut. 375, 3; Orell. 5950; de Wal 307); le Mars gaulois, le dieu des nombreux hommes forts . Une médaille gauloise nous a conservé le nom d'un chef Mandubenos d'ailleurs inconnu (Rev. num. VII, 370). Je crois y voir un TroXuYafxoç, TuoXuyuvaioç, en rap- portant benos à l'anc. irlandais ben , femme, cymr. benyw , benen , etc. Chez les Bretons insulaires, nous trouvons la reine Cartismandua (Tacite), sans doute curruum copiam habens , du cymrique cari, irl. cairt , char, et synonyme, à ce qu'il semble, du nom de lieu britan- nique Manduessedum (Itin. Ant. p. 478), = iroXuapixaxov. Enfin, le chef des Trinobantes Mandubratius , qui trahit la cause nationale (Cés. V, 20, 22), et que les Triades galloises stigmatisent sous le nom d'Afarwy, le triste, comme l'un des trois détestables traîtres de l'île de Prydain, paraît avoir reçu son nom plus ancien comme une épithète deshonorante; car, à bratius , répond le cymrique brad , de Ďrař, irl. brath , trahison.

La remarquable concordance de ces diverses étymologies laisse peu de doutes sur le vrai sens du gaulois mandu = irl. mand.

5. Epasnactus (Cés. VIII, 44), chef desArvernes. Zeuss (p. 761) conjecture ici un composé de epo et asen , âne, avec

act pour suffixe. Les noms d'hommes empruntés à deux animaux simultanément ne sont pas rares chez les Néo-Celtes et les Germains, et ils expriment alors une réunion des qualités qui distinguent cha- que animal. Ainsi, en cymrique. Arthbleid (Lib. Landav. 236) ours- loup; Bledgu (ib. 236) = mod. Bleiddgi, loup-chien, Marchleu et Leumarch (ib. 193, 208) cheval-lion, etc., comme en ancien allemand Wolfpero ou Perolf , ours-loup, etc. UEpomulus , d'une inscription de la Bretagne insulaire (Grut. 700, 6), me paraît aussi signifier cheval-âne , car le cymrique mul , d'après Owen, désigne l'âne et non le mulet. Malgré cette analogie, on peut objecter, pour Epas- nactus, que dans un composé de ce genre, la présence d'un suffixe ne se comprend guère. Il vaudrait donc peut-être mieux recourir,

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pour une interprétation, au cymrique et comique asen , dans l'acception de côte (costà) en irlandais moyen aisne , plur. asnach (Stokes. Ir. Glos . p, 149). Le nom du chef gaulois aurait signifié qui a des côtes de cheval , pour exprimer la vigueur corporelle. Les analogies ne manquent pas pour justifier le sens indiqué. Ainsi on trouve en Irlande un Eocha Eachceann (IV Nagist. 20), c'est-à-dire tête de cheval, et un Eochaidh Echbheóil (O'Curry. Lect. p. 383) bouche de cheval Les noms sanscrits Açvabâhu, litter. bras de cheval ! pour bras fort, Açva -

grîva , cou de cheval , Açvamukha, bouche de cheval (nom de peuple) sont tout à fait semblables. Celui d'Ochsenbein, bien connu en Suisse, signif xe jambe de bœuf .

6. Epamaigus , ou -gius (Grut. 764, 1), Saint-Bertrand de Com- minges.

Epa par erreur pour Epo , comme dans Epamanduodurum à côté de Epo - , à moins de prendre epa pour un féminin, ou de supposer que Va primitif de l'ancien thème akva ait pu se conserver dans quelque dialecte gaulois.

Je trouve, en cymrique, maig avec le sens de tour subit, volte, d'où meigiaw , tourner subitement. Epomaigus serait ainsi le syno- nyme parfait du grec 171710710X0?, de iroXsw, tourner, c'est-à-dire cava- lier habile aux voltes équestres. Dans l'Iliade (XIII, 4; XIV, 227), les Thraces sont appelés 171710710X01.

7. Epovartonius, comme il faut lire, sans doute, pour Povartonius (Mém. de l'Acad. de Besançon, t. I, 148; dans Steiner, 14, Povartio -

nius), insc. de Kœngen, Wurtemb.; de même quePlutarque (Devirt. mul. 23) a ÏIopr,Sôpa$ pour Eporedorix .

Le vartonius tínal conduit au cymrique gwartu , garder, gwart , garde. Pour le suffixe de dérivation , cf. les noms gaulois Vindonius (Stein., 200), Cusonius (Grut., 821, 7), Cioronius (Stein., 4122), Du - ronius (2903), Senonius (166), etc., etc. La signification a dû être celle de gardien de chevaux , forTioxouioç.

8. Epolonus puer martyr. (Greg. Turon, I, c. 28.) Ce nom, d'une transmission comparativement récente, est très-

probablement altéré de Epolaunus , dont le second élément se montre dans Catalauni , et, avec un double suffixe, dans Coblauno,-onis (Murât. 1493, 9), Nîmes, auquel répond l'armoricain Coblon (Cart, de Réd., lr>7). Cette contraction de au en 0 s'observe, en effet, fré- quemment, dans les anciens 110ms cymriques et armoricains com- posés avec laun et louuen , lowen , qui deviennent Ion . Pour les exemples cf. Zeuss, 123, 124. Ce launus est identifié par lui avec le cymrique moderne llaicen , gratus, hilaris, corn, lowen louene} laetus.

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118 REVUE ARCHÉOLOGIQUE. Nous obtenons ainsi, pour Epolonus le sens de equis gaudens . ana- logue à «ïnXunroç. Cf. cymr. Euilaun (Lib. Land. 230), armor. Eiiilon (Réd. 359) diligentiâ gaudens (m, egui, diligentia, Zeuss 97, note), armor. Argantlowen , Argantlon (Cart, de Red. 103, 146) argento gaudens ; Catlowen, Cation (244-, 1. 4, etc.) pugna gaudens, etc. (1).

9. Epogathianus (Stein. 3902) inscr. de Yiktring en Carinthie. Nous avons ici, très-probablement, le nom grec 'E-kol^oç transformé

en gaulois par suite d'une fausse etymologie, comme Zeuss (p. 27 et 825) l'observe pour le germanique Marabathus^iz-no^ájo^ changé en Maroboduus. Le Epa initial devait naturellement rappeler aux Gaulois le Epo d'un usage si fréquent dans les composés, et le gathos final avait également, dans leur langue, une signification appropriée. Une inscription de Narbonne (Grut. 369, 3) offre un Epagatinus à moitié transformé de la môme manière. En ancien irlandais, gáth signifie sapiens , et Zeuss (p. 19) y rapporte le nom du Biturige Am - bigatus, où le préfixe ambi = irl. imb., imm.9 grec a^i, etc., a une valeur intensitive. Je trouve aussi dans Gruler (26, 6) un Maroga- tanus, formé comme le cymrique mawrfrydus , magnanime, et avec le sens de grandement sage. Enfin, les Annales des IV magist. (p. 363, 561) donnent le nom propre irlandais Gathin, Gaithin , et un poëte gallois, Gethin , est cité par Owen dans son dictionnaire au mot prio - nyn. Il est bien à croire, d'après tout cela , que Epogathianus , Epa- gatinus , et même Epagatus, le premier martyr gaulois (Greg. Tur. Ex glor. mart., c. 49), devaient sonner aux oreilles indigènes comme désignant un connaisseur en fait de chevaux.

10. Eposognatus (liv. 38, 18), tétrarque galate. C'est là un composé triple, Epo-so-gnatus, dont tous les éléments

sont certains. Le gnatus final reparaît dans plusieurs autres noms, tels que Critognatus, Boduognatus , etc., qui doivent être l'objet d'un examen particulier. Il suffira de dire ici que Zeuss (p. 19, 82, etc.) Ta rapporté avec sûreté à l'ancien irlandais gnáth, consuetus, solitus, en cymrique gnawd = anc. gnât, id, et consuetudo. Le sens primitif de ce terme est celui de connaissance ; car il se rattache évidemment à l'antique racine arienne gnâ, cognoscere, en sanscrit djnâ , qui joue à la fin des composés le même rôle exactement que le gaulois gnatus . Cf. djnâta, connaissance, intelligence. Telle est aussi l'ac- ception qu'il faut sans doute lui donner dans les noms où il figure

(1) Sans rapport avec Catalauni , qui devrait être Catulauni, et où cata répond au préfixe cymrique cet, cyd , = lat. co, con (Zeuss, 837). Catalauni s'explique par cydlawen , et signifie les joyeux.

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ÉTUDES SUR LES NOMS D'HOMMES GAULOIS, ETC. 119

seul, tels que Gnatus figul. (Stein. 1449), Gnafa (Orell. 6854; Stein. 3730), Gnatus Vindonius (Orell. 200), Gnatus Ategniae f, (Murât. 1082, 2), etc. ici le sens doit être sapiens, intelligens == Lesage , plutôt que consuetus.

Le so intermédiaire n'offre non plus aucune incertitude. C'est le préfixe gaulois so , su, anc. irl. so, su, anc. cymr. ho , hu (Zeuss, p. 832, 866) = sanse, su, zend hu, grec lu, bene, etc., lequel se retrouve dans les noms propres néo-celtiques des deux branches, et qui méritera un article spécial.

Eposognatus se traduit ainsi, avec sûreté, par bien habitué aux che- vaux ou connaissant bien les chevaux. Cf. iniroyvc ¿¡juov, et le nom propre 'Irnrovooç (Iliad. XI, 303). Le corrélatif sanscrit, s'il existait, serait Açvasudjnâ.

11. Eposterovidus (Grut. 22o, 5; Orell. 660), inscr. de l'arc de Saintes. Les lectures différentes, mais sûrement fautives, Epotsoro - , Epodsoro-, Eporsorovidus, que l'on trouve dans la Revue archéo- logique (I, 78; III, 247; 1Y, 41) prouvent à quel point les transcrip- tions sonťparfois divergentes.

Des éléments de ce triple composé, epo-stero-vidus , le premier seul nous est connu. Il faut chercher la signification des deux autres.

Le vidus final, dont je ne connais pas d'autre exemple dans les composés, se rattache sans doute à la racine vid , savoir, connaître, commune à toutes les langues ariennes, et qui se retrouve en cymri- que et en irlandais sous les formes de guid , gwidd et fidh . Il faut pro- bablement y rapporter les noms gaulois Viducos figul. (Roach Smith. Catal., p. 46.) Viducus (Stein., 1963.) Arion, Videtius (Grut., 488, 4), Nîmes. Cf cymr. Guidane , Guidoc (Lib. Land., 145) mod. Gwid- dog, et irl. Fidhach (Cormac Gloss., p. 28). Je dis probablement, pirce que ces noms peuvent aussi dériver du vidu gaulois, dans celui des Viducasses, où Zeuss (p. 14) reconnaît le cymrique guid , gwydd , irl. fidh , arbre, forêt. Toutefois, dans notre composé relatif au cheval, il ne saurait être question d'arbre, ni de forêt.

Un nom gaulois Epovidus , avec le môme sens de connaisseur en chevaux que pour les deux précédents, serait parfaitement régulier, et peut fort bien avoir existé. Je trouve, en effet, en cymrique, non- seulement un Marchuid (Lib. land., 213) = Marcovidus, de marché cheval (1), mais encore un Echwydd (Arch, of Wales, t. II, 47), qui se rattache à la forme echw , cheval, irrégulièrement conservée

(1) Aussi le composé inverse Guyduarch = Guyd-maixk (Arch, of Wales, I, 24).

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120 REVUE ARCHÉOLOGIQUE. comme nous l'avons vu. (1er art., p. 311 (1).) Une autre coïncidence remarquable estesile des épithètes sanscrites açvavid , equorum gna- rus, açvakôvida , equorum quam bene peritus, données au roi Naia dans le Mahâbhârata (Nalus, 1, 1, et xx-14).

Il reste à expliquer le stero intermédiaire, dont la position même indique qu'il a dû désigner quelqu'une des qualités du cheval. Or, le cymriquenous en offre une interprétation très-satisfaisante dans y ster, qui est ardent, d'où ysteru , animer, remplir d'ardeur, etc. (Owen, Diet.) Vy initial n'est ici qu'une addition propre au cymrique plus moderne, et l'ancienne forme était sûrement ster . (Cf. Zeuss, 141.) Ainsi, en résumé, Eposterovidus signifiait celui qui connaît l'ardeur dti cheval , c'est-à-dire Técuyer habile à maîtriser la fougue du cour- sier.

Je viens de passer en revue tous les composés avec epo que j'ai pu recueillir dans les sources qui me sont accessibles, et la liste n'en est peut-être pas complète. On reconnaîtra cependant que la manière dont un aussi grand nombre de noms propres s'expliquent, très- rationnellement à l'aide des langues néo-celtiques, témoigne en faveur de la sûreté du procédé et de la justesse des interprétations.

[ Un second nom gaulois du cheval, à côté de epos , epo , nous est également bien connu par les témoignages anciens. Par celui de Pausanias d'abord (X, c. 29), quand, en parlant de la trimarcisia des Galates, composée de trois cavaliers, il ajoute que c'est là un terme indigène, attendu que les Celtes appellent le cheval (¿ápxav (à l'accu- satif). Cela suppose un nominatif masculin marca, qqi se rencontre, en effet, comme nom propre ; mais d'autres données indiquent aussi un thème marcos . Pour le suffixe de dérivation ma, cf. Zeuss, p. 748.

Un témoignage plus récent est celui de Marcellus de Bordeaux (chap, xvi), qui indique, comme un bon remède contre la toux, une plante nommée calliomarcus , c'est-à-dire, selon lui, equi ungula , sabot de cheval. Ce composé semble irrégulier, car le nom du cheval

(1) On peut se demander si, dans le vaste domaine du gaulois même, la forme eccos na peut pas s'être maintenue dans quelques dialectes. On pourrait alors y rap- porter le nom de chef Eccaios , sur une médaille belge (Duchal, 257), et Eccaio, sur une monnaie pannonienne (ib. 396). Que l'on se rappelle la coexistence, en grec, de l'éolien ïxxo; avec Ïtotoç. J'observerai, à cette occasion, que, dans mon premier article (p. 310, lig. 18) le second tt de Ï7ct:o<; et ïxtco; a été mis par erreur pour un digamma - v.

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ÉTUDES SUR LES NOMS D'HOMMES GAULOIS, ETC. 121 devrait précéder celui du sabot ; mais on trouve en cymrique et en irlandais des exemples de ces composés impropres , où le premier substantif régit le second. (Cf. Zeuss, 859 et 820.) Aucun terme néo- celtique connu ne rend compte du sens de callio , mais ce mot se rat- tache bien probablement à la môme racine que le cymrique caled, armor, haled, kálet , dur; irl. caladh , id, cailte ,. dureté , etc. Cf. lat. callus , callosus , etc. Quoi qu'il en soit, la signification de cheval pour marcus est bien certaine.

Ce nom, également celtique et germanique (cf. ancien allem. marah , marach , ang.-sax. mear, scand. marr , etc.) se retrouve dans l'irlandais marc , comme dans le cymr.-corn. armoricain march. Ces derniers dialectes l'ont conservé à l'exclusion presque complète de l'ancien epo , et il y figure très-fréquemment dans les noms d'hommes, simples et composés. Ainsi, en cymrique, March (Lib. Land., 225), Marchi (212), Marchan (188), Marcguein , valet de chevaux (263), Marchuid , connaisseur en chevaux (213 cf. plus haut Echwidd), Mar - chluid , cheval gris (236), Gurmarch , cheval mâle, étalon (176), Cat. varcÄ=Ca£marcÄ,chevaldebataille(Arch.of Wales, 11,33), Conmarch, cheval en chef (ib., 31) , etc., etc.; en anc. armoricain, Marchus (Cart, de Réd., 392^), Marcherius (234), Marcoc (lS^^cymr. Mar - chawg , cavalier, Marchoiarn , cheval de fer (210), Cunmarch , Conmarc , cheval en chef (6, 7, etc.), et d'autres encore. Plusieurs de ces noms doivent ótre pris naturellement comme des possessifs. En irlandais, c'est each qui domine dans les noms propres, comme epo , en gaulois, et je ne trouve ù citer que Marcan, petit cheval (Ann. Tighern., 199; Ann. ult., 299), et le composé Eachmarcach (Tighern., 293), littér. cavalier de cheval.

Chez les Gaulois, l'emploi de ce mot pour les noms d'hommes est assez rare, et parfois douteux, à cause de son identité de forme avec le prénom latin Marcus , d'origine toute autre, s'il provient, comme on le croit, de Mamercus, ou s'il signifie simplement marteau . La famille romaine des Marcius n'avait sûrement rien de commun avec le nom celtique du cheval (1). On peut cependant considérer comme

(1) Ces coïncidences de forme entre des noms gaulois et latins dont les origines sont sans doute différentes, se présentent plus d'une fois. Tels sont ceux de Caius , Cassius , Albius, Albinus , Albanus, Tacitus, etc. y quise retrouvent, soit dans les Gaules, soit chez les Cymris et les Irlandais sous les formes de Cai , Cas , Cass , Albi , Albin , Alban , Tacit, Teyid , sans qu'iì soit possible de les faire provenirles uns des autres, ou de les ramener aux mêmes étymologies. C'est ce que j'aurais dû remar- quer déjà en parlant du nom de Va conius (p. 308 du 1er art.), lequel était certai- nement celui d'une famille romaine originaire ďAricia dans le Latium. Cela n'em-

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122 REVUE ARCHÉOLOGIQUE. Gaulois un Marcus Jovincilli fil. (Murât. , 1553, 6), insc. de Brescia, et un Marcinus Breucus Surconis fil. pannonien (Steiner, 1829), à cause des noms celtiques qui les accompagnent. Il en estde même d'un potier Marca^ masculin en a, comme Mosa (Sil. Ital., v. 7, 31), sol- dat gaulois, Jusa (Stein., 1624), Masa (1842), Manna (R. Smith. Catal., 44), etc., et qui concorde avec le (¿ápxav de Pausanias, men- tionné plus haut. J'ajouterai encore le Marco-onis d'une inscription de la Stirie (Stein, 2938), en comparant le cymrique ilíarc han et l'ir- landais Marcan .

Aucun nom ďhommc gaulois, à moi connu, n'est composé avec marcus ; mais celui des matrones ambiomarcœ( Bonn. Jahrb., xxv, 33), celles qui sont près ou autour des chevaux, a pu désigner une classe de divinités chevalines, comme Epona. Ce sont les noms de lieux qui offrent plusieurs composés de ce genre. Ainsi Marcodurum (Tacite, Hi¿t., iv, 28) arx equorum, Marcomagus (Itin. ant., p. 177) campus equorum; Marcomanium (Reichhanl. Carte d. 1. Gaule F, m) locus equorum; du cymr. man , lieu, endroit. Dans le pays de Galles, on trouve de même, comme localités, Marc hros (Arch, of Wales, II, 622), prairie des chevaux; y Marchwiail (id., 617), les gaules de cheval; Penmarch ( 626), tête du cheval; Din meirchion (617), forteresse des chevaux, comme Marcodurum , ou son synonyme Marcodunum .

A côté d'epos et de marcos , dont la signification nous est garantie par les témoignages des anciens, on peut tenir'pour certain que les Gaulois possédaient encore un troisième synonyme de même prove- nance que le latin caballus et le slave kobyla , jtiment. Comme cabal - lus était un terme poétique (cf. Hor. I, sat. 6, 59; Juven. 3, 118), il est même possible qu'il ait été emprunté aux Celtes, ainsi que le pense Lottner. (Zeitschr. /*. Sprachf. de Kuhn, vu, 180.) Le contraire est beaucoup moins admissible, soit parce que ce mot revient plu- sieurs fois, et avec des suffixes divers, dans les noms d'hommes et de lieux gaulois, soit parce qu'il se retrouve dans les deux branches du groupe néo-celtique; en irlandais capali , déjà dans le glossaire de Cormacdu xe siècle, p. 10 et 19 , en erse capuill ; en cymr. moyen keffyl (Zeuss, 788), et en comique kivelL Les exemples gaulois sont les suivants :

pêche pas que le nom de Wocon , Guocon , allié à celui des Vocontii gaulois, ne soit purement celtique. La nationalité des Voconius qui figurent dans les inscriptions gallo-romaines est ainsi difficile à déterminer pour chaque cas particulier.

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ÉTUDES SUR LES NOMS D'HOMMES GAULOIS, ETC. 123

Caballos (Rev. num., I, 147; XI, 260; XX, 332), sur une médaille attribuée à Caballodunum ; mais sûrement un nom de chef, comme Hengist et Horsa, en anglo-saxon. L'irlandais nous offre de môme celui de Âncapall (IV Mag., 588) ou Incapali (Ann. Ult., 325), où an , in, est l'article défini, Lecheval , comme nous disons Lebœuf , Leliè- vre , etc.

Cabalo, -onis (Stein, 2897), insc. d'Eggersdorf en Stirie ; d'un thème cabalon , comme epon à côté de epo.

Cabillo, nom de potier (Antiq. de Picardie, IX, 425, ďaprésde Caumont).

Cabillonum (César, VII, 42), Châlons. Zeuss(788) compare lecvm- rique keffyl.

Cabellio (Itin. ant., p. 343), Cavaillon; dans Strabon Ka&xXo. Caballodunum (y. supr.) , arx equorum, comme le cymrique Din

Meirchion , et synonyme de Marcodurum . Parmi les vieux noms armoricains du Cartulaire de Redon, je

trouve Cavalen (397) et Cavallonus (295).

L'abondance et la nature des noms d'hommes gaulois empruntés au cheval, et dont nous ne connaissons, sans aucun doute, qu'une partie, sont à coup sûr dignes de remarque. De ces noms seuls, nous pourrions inférer déjà que les Gaulois tenaient le cheval en haute estime, et qu'ilsétaient aussi bonscavaliersqu'écuyershabiles. La même observation s'appliquerait aux Celtes insulaires, chez lesquels l'em- ploi des chars de guerre, qui suppose des chevaux bien dressés, remonte à une haute antiquité. Parmi les peuples de la même race primitive, les Grecs *seuls nous offrent une richesse comparable de noms propres composés avec îxttoç ; mais le grec même ne possède rien de semblable aux triples formations du gaulois. Le sanscrit açva et le zend açpa jouent aussi, comme on le sait, un rôle analogue considérable chez les Indiens et les Iraniens. Il est singulier, par contre, de voir le nom du cheval si rarement employé de cette ma- nière par les Romains et les Germains. Il y a là certainement des indices caractéristiques pour l'histoire de ces divers peuples.

Adolphe Pictet.

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