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Manuel de droit européen en matière de non-discrimination : Mise à jour de la jurisprudence juillet 2010–décembre 2011 EUROPEAN COURT OF HUMAN RIGHTS COUR EUROPÉENNE DES DROITS DE L'HOMME MANUEL MISE À JOUR

EUROPEAN COURT OF HUMAN RIGHTS COUR … · donne accès aux arrêts et décisions en anglais et/ou en français, à des traductions dans ... La sphère « personnelle » : vie privée

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  • Manuel de droit europen en matire de

    non-discrimination :Mise jour de

    la jurisprudence juillet 2010dcembre 2011

    EUROPEAN COURT OF HUMAN RIGHTSCOUR EUROPENNE DES DROITS DE L'HOMME

    MANUEL MISE JOUR

  • Agence des droits fondamentaux de lUnion europenne, 2012 Conseil de lEurope / Cour europenne des droits de lhomme, 2012 Crdit photo (couverture) : iStockphoto La reproduction des informations est autorise, lexception des utilisations commerciales et condition de mentionner la source. De nombreuses informations sur lAgence des droits fondamentaux de lUnion europenne (FRA) sont disponibles sur son site internet (fra.europa.eu). Dautres informations sur la jurisprudence de la Cour europenne des droits de lhomme sont disponibles sur le site internet de la Cour (echr.coe.int). Le portail de recherche HUDOC donne accs aux arrts et dcisions en anglais et/ou en franais, des traductions dans dautres langues, aux notes mensuelles dinformation sur la jurisprudence, aux communiqus de presse et dautres informations sur le travail de la Cour. Les rsums figurant dans le prsent document ne lient pas la Cour europenne des droits de lhomme. Destine complter la version papier du Manuel de droit europen en matire de non-discrimination, la prsente mise jour nest disponible quau format lectronique et ne possde pas dISBN propre. Le Manuel est disponible en plusieurs langues sur le site internet de la FRA et celui de la CouEDH.

    http://fra.europa.eu/fraWebsite/home/home_fr.htmhttp://echr.coe.int/ECHR/Homepage_FRhttp://hudoc.echr.coe.int/sites/fra/pages/search.aspx

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    Table des matires

    Introduction..................................................................................................................5

    2.2.2. Un lment de comparaison.......................................................................5 2.2.3. Les caractristiques protges...................................................................7 2.5. Les mesures spciales ou spcifiques .................................................................7 2.6.2. Analyse du moyen de dfense gnral ......................................................8 2.6.4.3. Les exceptions fondes sur lge...................................................9

    3.4.2.4. La Convention europenne et les domaines de la prvoyance sociale et de lducation........................................11

    3.4.3.1. La Convention europenne et le domaine des biens et services (y compris le logement)..............................................12

    3.5.1. La sphre personnelle : vie prive et familiale, adoption, domicile et mariage.................................................................................................13

    4.2. Le sexe ...............................................................................................................14 4.3. Lorientation sexuelle ..........................................................................................16 4.5. Lge...................................................................................................................18 4.7. La nationalit ou lorigine nationale ....................................................................18 4.8. La religion ou les convictions..............................................................................20 4.10. Lorigine sociale, la naissance et la fortune ......................................................21 4.12. Toute autre situation ...................................................................................22

    5.2. Le partage de la charge de la preuve .................................................................23 5.3. Le rle des statistiques et autres donnes .........................................................23

    Liste des affaires Jurisprudence de la Cour de justice de lUnion europenne .....................................25 Jurisprudence de la Cour europenne des droits de lhomme...................................26

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    Introduction

    Cette premire mise jour du Manuel de droit europen en matire de non-discrimination contient des rsums des dcisions les plus importantes en matire de non-discrimination rendues par la Cour europenne des droits de lhomme (CouEDH) ou la Cour de justice de lUnion europenne (CJUE)1 aprs la mise au point du manuscrit original du Manuel en juillet 2010. Elle reprend la structure et les rubriques pertinentes du Manuel.

    2.2.2. Un lment de comparaison [page 25 du Manuel]

    CouEDH, Graziani-Weiss c. Autriche (no 31950/06), 18 octobre 2011

    Dans cette affaire, un tribunal de district avait tabli une liste de personnes pouvant faire fonction de curateur lgal, sur laquelle figuraient les noms de tous les avocats et notaires en exercice du ressort. Le requrant, dont le nom figurait sur la liste, avait t dsign pour grer les revenus dune personne handicape mentale et la reprsenter devant les tribunaux et dautres instances. Il allguait que le fait dinclure uniquement des avocats et des notaires dans la liste des ventuels curateurs et den exclure dautres personnes possdant des con-naissances juridiques tait discriminatoire. La CouEDH a observ que les avocats en exercice avaient pour activit principale de reprsenter des clients devant les tribunaux et diverses autres instances, ce pour quoi ils avaient reu une formation spcifique et obtenu les diplmes appropris, et que dautres catgories de personnes qui avaient suivi des tudes de droit mais qui navaient pas exerc les fonctions davocat ntaient pas habilites reprsenter des parties devant les tribunaux dans des affaires o la reprsentation tait obligatoire, ajoutant que ces personnes pouvaient aussi ne pas travailler dans un domaine juridique. Elle en a conclu que, mme sil existait indniablement une diffrence de traitement entre les avocats et notaires en exercice dune part, et dautres catgories de personnes ayant une formation juridique dautre part, les membres de ces deux catgories ne se trouvaient pas dans des situations comparables aux fins de leur dsignation en tant que curateurs dans des cas o la reprsentation lgale tait ncessaire.

    CouEDH, Valkov et autres c. Bulgarie (nos 2033/04 et autres), 25 octobre 2011

    Dans cette affaire, les requrants taient des retraits dont les pensions taient plafonnes en application de la lgislation nationale. Ils se disaient victimes dune discrimination par rap-port certains hauts fonctionnaires le prsident et le vice-prsident de la Rpublique, le prsident de lAssemble nationale, le premier ministre et les juges de la Cour constitution-nelle dont les pensions ntaient pas plafonnes. La CouEDH a dclar quelle ntait pas dispose se prononcer sur la nature des tches assurment exigeantes et importantes ralises par les requrants et celle des retraits de la haute fonction publique mis en cause. Elle a estim que cette question relevait de choix politiques en principe rservs aux auto-rits nationales, lesquelles jouissaient dune lgitimit dmocratique directe et taient mieux places quun tribunal international pour apprcier le contexte et les besoins locaux. Elle en a conclu que les requrants navaient pas subi de discrimination en ce qui concerne leurs droits de proprit. 1 Le sigle CJUE remplace dsormais le sigle CJCE employ dans le Manuel de droit europen en

    matire de non-discrimination.

    http://www.echr.coe.int/NR/rdonlyres/29414AC9-4986-4293-A58B-721037F7E47A/0/FRA_FRA_CASE_LAW_HANDBOOK.pdf#page=27http://hudoc.echr.coe.int/sites/fra/pages/search.aspx?i=001-107023http://hudoc.echr.coe.int/sites/fra/pages/search.aspx?i=001-107234

  • Manuel de droit europen en matire de non-discrimination

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    CouEDH, Laduna c. Slovaquie (no 31827/02), 13 dcembre 2011

    Dans cette affaire, le requrant se plaignait que les prvenus en dtention provisoire navaient pas les mmes droits en matire de visite que les dtenus condamns, les premiers ne bn-ficiant que de trente minutes de visite par mois au maximum, contre deux heures pour les seconds. Il avanait en outre que, durant une grande partie de la priode considre, la fr-quence des visites et le type de contacts auxquels avaient droit les dtenus condamns dpendaient du niveau de scurit de ltablissement pnitentiaire o ils se trouvaient, tandis que toutes les personnes en dtention provisoire taient soumises au mme rgime, ind-pendamment des raisons de leur mise en dtention et des considrations lies la scurit. Les griefs du requrant prsentant un intrt pour tous les dtenus, la CouEDH a considr que, en tant que personne place en dtention provisoire, celui-ci tait dans une situation analogue celle du groupe des dtenus condamns auquel il se comparait. Elle a estim quil ny avait pas de justification objective et raisonnable au traitement diffrenci dont ces deux groupes faisaient lobjet, et que la ncessit de garantir lordre, la scurit dautrui et la protection des biens ne justifiait pas que lon limitt les droits des prvenus plus strictement que ceux des dtenus condamns. Elle a relev que ces mesures avaient t critiques par le Comit euro-pen pour la prvention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dgradants (CPT), ajoutant que, si des restrictions particulires au droit dun dtenu de recevoir des visites pouvaient dans certains cas tre justifies par des motifs lis la scurit ou par la ncessit de protger les intrts lgitimes dune enqute, il tait possible datteindre ces objectifs par dautres moyens ne touchant pas lensemble des dtenus. Elle a signal que des instruments internationaux tels que le Pacte international relatif aux droits civils et poli-tiques et les Rgles pnitentiaires europennes de 1987 soulignent la ncessit de respecter le statut de prvenu, personne jouissant de la prsomption dinnocence, et que, selon les Rgles pnitentiaires europennes de 2006, les prvenus doivent pouvoir recevoir des visites et tre autoriss communiquer avec leur famille et dautres personnes dans les mmes conditions que les dtenus condamns, sauf raison particulire. Dans ces conditions, la CouEDH a jug que les restrictions imposes au requrant en matire de visites taient disproportionnes.

    CJUE, Jrgen Rmer c. Freie und Hansestadt Hamburg Affaire C-147/08, 10 mai 2011 (Grande Chambre)

    De 1950 jusqu la survenance de son incapacit de travail en 1990, M. Rmer avait travaill pour ladministration de Hambourg. Depuis 1969, il vivait de faon ininterrompue avec M. U., son compagnon. En octobre 2001, celui-ci et lintress avaient conclu un partenariat de vie enregistr, ce dont le requrant avait inform son ancien employeur. Par la suite, lintress avait demand que le montant de sa pension de retraite complmentaire ft recalcul par application dune dduction plus avantageuse. Ladministration de Hambourg avait rejet cette demande au motif que M. Rmer avait conclu un partenariat enregistr mais quil ntait pas mari , et que seuls les prestataires maris non durablement spars et les prestataires bnficiaires dallocations familiales ou dautres prestations correspondantes avaient droit ce que le montant de leur pension de retraite ft calcul selon les modalits dont lintress reven-diquait lapplication. La juridiction de renvoi a demand la CJUE si la situation critique tait prohibe par le droit de lUnion europenne.

    La CJUE a jug que la directive 2000/78/CE du Conseil relative lgalit de traitement en matire demploi sappliquait aux pensions de retraite complmentaires constituant des rmu-nrations au sens de larticle 157 du Trait sur le fonctionnement de lUnion europenne (TFUE). Elle a conclu que la directive en question sopposait une disposition nationale octroyant un prestataire li par un partenariat de vie une pension de retraite complmentaire dun montant infrieur celle perue par un prestataire mari non durablement spar . Ceci sapplique ds lors, dune part, que le mariage rserv des personnes de sexes diffrents coexistait avec un partenariat de vie rserv des personnes de mme sexe dans ltat membre concern

    http://hudoc.echr.coe.int/sites/fra/pages/search.aspx?i=001-107940http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=CELEX:62008CJ0147:FR:NOT

  • Mise jour de la jurisprudence (juillet 2010dcembre 2011)

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    et, dautre part, quil existait une discrimination directe en raison de lorientation sexuelle du fait que, en droit national, le partenaire de vie se trouvait dans une situation juridique et factuelle comparable celle dune personne marie en ce qui concerne la pension.

    2.2.3. Les caractristiques protges [page 29 du Manuel]

    CJUE, Pensionsversicherungsanstalt c. Christine Kleist Affaire C-356/09, 18 novembre 2010

    La demande de dcision prjudicielle prsente par une juridiction autrichienne portait sur linterprtation de larticle 3 1 de la directive 76/207/CEE du Conseil (telle que modifie par la directive 2002/73/CE) relative la mise en uvre du principe de lgalit de traitement entre hommes et femmes en ce qui concerne laccs lemploi, la formation et la promo-tion professionnelles. Cette disposition interdit toute discrimination directe ou indirecte fonde sur le sexe dans les secteurs public ou priv en ce qui concerne les conditions demploi et de travail, y compris les conditions de licenciement ainsi que la rmunration. La juridiction de renvoi a demand la CJUE si larticle 3 1 sopposait ce quun employeur de droit public licencie des salaris ligibles une pension de retraite, alors que le droit cette pension tait acquis des moments diffrents selon que le salari tait un homme ou une femme. Le droit autrichien fixe lge de la retraite 60 ans pour les femmes et 65 ans pour les hommes.

    La CJUE a renvoy larrt Marshall (C-152/84), o elle avait conclu que le licenciement de la salarie concerne au seul motif quelle avait atteint ou dpass lge auquel elle avait droit une pension de retraite, lequel tait diffrent pour les hommes et pour les femmes, consti-tuait une discrimination fonde sur le sexe. En lespce, elle a estim que lge auquel la protection contre le licenciement prenait fin tait indissociable du sexe du salari concern, situation quelle a qualifie de diffrence de traitement directement fonde sur le sexe. Elle a ajout quil y a une discrimination directe lorsquune personne est traite de manire moins favorable en raison de son sexe quune autre ne lest, ne la t ou ne le serait dans une situa-tion comparable. Pour dterminer si les travailleurs de sexe fminin gs de 60 65 ans se trouvaient dans une situation comparable celle des travailleurs de sexe masculin de la mme tranche dge, la CJUE a eu gard lobjet de la rglementation interne tablissant la diff-rence de traitement. En lespce, elle a considr que la rglementation en question avait pour objet de rgir les conditions dans lesquelles les salaris pouvaient perdre leur emploi. Elle a estim que les hommes et les femmes de cette tranche dge se trouvaient dans des situa-tions comparables car les conditions de cessation de la relation de travail taient identiques, et que la rglementation nationale oprait une discrimination directe fonde sur le sexe.

    2.5. Les mesures spciales ou spcifiques [page 40 du Manuel]

    CJUE, Pedro Manuel Roca lvarez c. Sesa Start Espaa ETT SA Affaire C-104/09, 30 septembre 2010

    La juridiction de renvoi espagnole a demand la CJUE si certains droits congs pays prvus par la rglementation espagnole taient compatibles avec les rgles de lUnion euro-peene (UE) relatives lgalit de traitement entre hommes et femmes. La rglementation en question autorisait en particulier les mres et les pres sabsenter de leur travail une heure par jour pour nourrir leurs enfants non sevrs, condition que les deux parents exercent une activit salarie. La question dont la CJUE tait saisie tait celle de savoir si le fait quun pre salari ne puisse bnficier de ce droit ds lors que la mre de lenfant tait travailleuse

    http://www.echr.coe.int/NR/rdonlyres/29414AC9-4986-4293-A58B-721037F7E47A/0/FRA_FRA_CASE_LAW_HANDBOOK.pdf#page=31http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=CELEX:62009CJ0356:FR:NOThttp://www.echr.coe.int/NR/rdonlyres/29414AC9-4986-4293-A58B-721037F7E47A/0/FRA_FRA_CASE_LAW_HANDBOOK.pdf#page=42http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=CELEX:62009CJ0104:FR:HTML

  • Manuel de droit europen en matire de non-discrimination

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    indpendante portait atteinte aux dispositions de la directive 76/207/CEE du Conseil relative la mise en uvre du principe de lgalit de traitement entre hommes et femmes en ce qui concerne laccs lemploi, la formation et la promotion professionnelles, et les conditions de travail.

    La CJUE a conclu que le cong pay en cause affectait les conditions de travail et a observ que la directive 76/207/CEE du Conseil interdisait la discrimination fonde sur le sexe en matire de conditions de travail. Elle a prcis que le droit des pres ce cong tait subor-donn au statut professionnel des mres. En outre, elle a conclu que la mesure critique navait pas pour effet dliminer ou de rduire dventuelles ingalits en ce quelle pouvait conduire une situation dans laquelle une mre travailleuse indpendante devrait supporter une charge supplmentaire, faute pour le pre de pouvoir prendre cong pour soccuper de lenfant. Dans ces conditions, la CJUE a conclu que la directive sopposait la rglementation interne.

    2.6.2. Analyse du moyen de dfense gnral [page 51 du Manuel]

    CJUE, Marc Michel Josemans c. Burgemeester van Maastricht Affaire C-137/09, 16 dcembre 2010

    La demande de dcision prjudicielle prsente par une juridiction nerlandaise portait sur la question de savoir si une rglementation nationale relative ladmission dans certains coffee-shops de personnes ne rsidant pas aux Pays-Bas relevait en tout ou partie du champ dapplication des traits, notamment du point de vue de la libre circulation des marchandises, de la libre prestation des services et de linterdiction de la discrimination. En ce qui concerne la libre circulation des marchandises et la libre prestation des services, la juridiction de renvoi cherchait savoir si linterdiction daccs aux coffee-shops frappant les non-rsidents cons-tituait un moyen juste et proportionn de rduire le tourisme de la drogue et les nuisances quil draine. titre subsidiaire, elle demandait la CJUE si linterdiction doprer une discrimina-tion entre citoyens en raison de la nationalit trouvait sappliquer en lespce et, dans laffir-mative, si la distinction indirectement faite cet gard entre rsidents et non-rsidents tait justifie et si linterdiction qui sy rapportait tait un moyen juste et proportionn de poursuivre les objectifs prcits.

    La CJUE a conclu que, le trafic de stupfiants tant interdit dans lUE, un tenancier de coffee-shop ne pouvait se prvaloir des liberts de circulation ou du principe de non-discrimination en ce qui concerne la commercialisation de cannabis. Toutefois, elle a ajout que la vente de boissons sans alcool et daliments dans les coffee-shops relevait de la libre prestation de services et que les tenanciers de ce genre dtablissements pouvaient utilement invoquer larticle 56 du TFUE (ancien article 49 du Trait instituant la Communaut europenne (TCE)) cet gard. Elle a jug que le principe de la libre circulation des marchandises tait dpourvu de pertinence en lespce car les aliments et boissons commercialiss dans les coffee-shops navaient pas vocation tre exports. Se plaant sur le terrain de larticle 56 du TFUE, elle a conclu que la rglementation nationale rservant laccs aux coffee-shops aux rsidents nerlandais oprait une discrimination indirecte dans la mesure o les non-rsidents taient le plus souvent des non-nationaux. Toutefois, elle a jug que la rglementation en cause tait justifie dans les circonstances de lespce et que la lutte contre le tourisme de la drogue et les nuisances quil draine constituait un objectif lgitime en ce quil sinscrivait dans le cadre de la lutte contre la drogue. Elle a estim que les mesures incrimines taient justes et pro-portionnes, et quelles ne faisaient pas obstacle ce que les non-rsidents se rendent dans les nombreux cafs ne vendant pas de cannabis. En outre, elle a relev que dautres mesures visant rduire le tourisme de la drogue staient rvles inefficaces. Elle a reconnu quil ntait pas ais dinstaurer un systme autorisant les non-rsidents accder des coffee-shops tout en leur refusant la vente de cannabis.

    http://www.echr.coe.int/NR/rdonlyres/29414AC9-4986-4293-A58B-721037F7E47A/0/FRA_FRA_CASE_LAW_HANDBOOK.pdf#page=53http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=CELEX:62009CJ0137:FR:NOT

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    2.6.4.3. Les exceptions fondes sur lge [page 60 du Manuel]

    CJUE, Gisela Rosenbladt c. Oellerking Gebudereinigungsges. mbH Affaire C-45/09, 12 octobre 2010 (Grande Chambre)

    La juridiction allemande de renvoi demandait la CJUE de prciser les limites de la rglemen-tation de lUnion europenne en matire de discrimination fonde sur lge dans le contexte de la mise la retraite doffice. Mme Rosenbladt avait t employe par lentreprise de nettoyage dfenderesse pour effectuer des travaux dentretien dans une caserne. En mai 2008, son employeur lui avait notifi la cessation de son contrat de travail avec effet la fin du mois au motif que lintresse allait avoir 65 ans, lge lgal de dpart la retraite. Mme Rosenbladt avait refus daccepter cette dcision, quelle avait conteste. En 2004, la convention collective du secteur du nettoyage, qui prvoyait que les contrats de travail des salaris prenaient fin lge lgal de dpart la retraite, avait t dclare dapplication gn-rale par le ministre fdral de lconomie et du Travail. La question prjudicielle portait sur le point de savoir si une rglementation autorisant les conventions collectives fixer un ge de dpart la retraite contrevenait la directive 2000/78/CE du Conseil. Ce texte prohibe certaines formes de discrimination sur le lieu de travail, notamment la discrimination fonde sur lge, mais son article 6 prvoit des exceptions en la matire.

    La CJUE a conclu que larticle 6 de la directive autorisait les conventions collectives fixer un ge de dpart la retraite dans la lgislation nationale pour autant, dune part, que pareille disposition tait objectivement et raisonnablement justifie par un objectif lgitime relatif la politique de lemploi et, dautre part, que les moyens de raliser cet objectif taient appropris et ncessaires. Elle a ajout que, lorsque la lgislation nationale tait mise en uvre par la voie dune convention collective, celle-ci devait elle aussi poursuivre un tel objectif lgitime dune manire approprie et ncessaire. En outre, elle a jug que les tats membres de lUE pou-vaient dclarer une convention collective dapplication gnrale, comme lavait fait lAllemagne en ce qui concerne le secteur du nettoyage, pour autant que la convention en question ne privait pas les travailleurs concerns de la protection qui leur tait confre par ces dispositions contre les discriminations fondes sur lge.

    CJUE, Vasil Ivanov Georgiev c. Tehnicheski universitet Sofia, filial Plovdiv Affaires jointes C-250/09 et C-268/09, 18 novembre 2010

    Les demandes de dcision prjudicielle prsentes par des juridictions bulgares portaient sur une question relative la mise la retraite doffice. La loi bulgare prvoit que les contrats de travail des professeurs duniversit prennent fin lorsque ceux-ci atteignent lge de 65 ans et que ceux-ci peuvent poursuivre leur activit au-del de cet ge, mais seulement par des contrats dure dtermine de un an renouvelables au maximum deux fois. La CJUE tait saisie de la question de savoir si la directive 2000/78/CE du Conseil sopposait cette rgle-mentation. En vertu de la directive en question, une discrimination directe se produit lors-quune personne est traite de manire moins favorable quune autre se trouvant dans une situation comparable, notamment sur la base de lge. Toutefois, des diffrences de traitement fondes sur lge ne constituent pas une discrimination lorsquelles sont objectivement et rai-sonnablement justifies par un objectif lgitime tel que la politique de lemploi, du march du travail et de la formation professionnelle. Le gouvernement bulgare, soutenu par les gouver-nements allemand et slovaque ainsi que par la Commission europenne, avanait que la rglementation nationale en question garantissait le maintien de la qualit de lenseignement et de la recherche en favorisant laccs des jeunes lexercice de cette profession.

    La CJUE a conclu que la directive 2000/78/CE du Conseil ne sopposait pas une lgislation nationale prvoyant la poursuite de lactivit des professeurs duniversit au-del de lge de 65 ans uniquement par des contrats dure dtermine de un an et leur mise la retraite

    http://www.echr.coe.int/NR/rdonlyres/29414AC9-4986-4293-A58B-721037F7E47A/0/FRA_FRA_CASE_LAW_HANDBOOK.pdf#page=62http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=CELEX:62009CJ0045:FR:NOThttp://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=CELEX:62009CJ0250:FR:NOT

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    lge de 68 ans. Toutefois, elle a soulign que pareille lgislation devait poursuivre un objectif lgitime li la politique de lemploi et du march du travail, et quelle devait permettre datteindre cet objectif par des moyens appropris et ncessaires. Elle a prcis que les objectifs lgi-times en question pouvaient consister en la mise en place dun enseignement de qualit et la rpartition optimale des postes de professeurs entre les gnrations. Elle a en outre rappel que, sagissant dun litige entre un tablissement public et un particulier, le juge national devait laisser inapplique une lgislation nationale ne remplissant pas les conditions nonces dans la directive.

    CJUE, Gerhard Fuchs et Peter Khler c. Land Hessen Affaires groupes C-159/10 et C-160/10, 21 juillet 2011

    Le droit allemand prvoit la mise la retraite doffice des fonctionnaires ayant atteint un certain ge, fix par chaque Land. Dans cette affaire, le Land concern avait fix lge de la retraite obligatoire des fonctionnaires 65 ans, tout en leur permettant de continuer travailler, si l'intrt du service l'exigeait, jusqu' l'ge maximal de 68 ans. Les juridictions allemandes de renvoi demandaient la CJUE de se prononcer sur la question de savoir si larticle 6 1 de la directive 2000/78/CE du Conseil sopposait la disposition en question.

    La CJUE a qualifi dobjectif politique lgitime le souci du gouvernement dtablir une struc-ture dge quilibre afin de favoriser lembauche et la promotion des jeunes ainsi que doptimiser la gestion du personnel. Elle a en outre considr que la disposition prvoyant la mise la retraite doffice 65 ans ntait pas draisonnable au regard de lobjectif pour-suivi, et que la directive ne sopposait pas des mesures permettant la ralisation de celui-ci par des moyens appropris et ncessaires. En ce qui concerne la question de savoir quelles donnes ltat membre de lUE concern devait produire pour dmontrer le respect des critres en question, la CJUE a prcis quil appartenait au juge national dapprcier si la mesure en cause tait approprie et ncessaire au vu des lments de preuve fournis et selon les rgles du droit national.

    CJUE, Reinhard Prigge et autres c. Deutsche Lufthansa AG Affaire C-447/09, 13 septembre 2011 (Grande Chambre)

    Reinhard Prigge, Michael Fromm et Volker Lambach avaient t employs pendant de nom-breuses annes par Deutsche Lufthansa en qualit de pilotes puis de commandants de bord. Conformment la convention collective applicable, le contrat de travail des intresss avait pris fin automatiquement lorsque ceux-ci avaient atteint lge de 60 ans. Sestimant victimes dune discrimination fonde sur lge contraire la directive 2000/78/CE du Conseil sur lga-lit de traitement en matire demploi et de travail, ils avaient saisi les juridictions allemandes afin quelles constatent que leurs relations de travail avec Deutsche Lufthansa navaient pas cess dans lanne o ils avaient atteint lge de 60 ans et quelles ordonnent la poursuite de leur contrat. La Cour fdrale du travail allemande (Bundesarbeitsgericht) a demand la CJUE si une convention collective fixant une limite dge 60 ans pour les pilotes de ligne dans le but de garantir la scurit du trafic arien tait compatible avec le droit de lUE.

    La CJUE a rappel en premier lieu que, linstar des lois nationales des tats membres de lUE, les conventions collectives conclues par les partenaires sociaux devaient respecter le principe de non-discrimination en fonction de lge, principe gnral du droit de lUnion concrtis dans le domaine de lemploi et du travail par la directive 2000/78/CE du Conseil. Relevant que la limitation de la possibilit pour les pilotes dexercer leurs activits au-del de lge de 60 ans visait garantir la scurit des passagers et des habitants des zones survoles, ainsi que la sant et la scurit des pilotes eux-mmes, elle a considr que cet objectif pouvait justifier une diffrence de traitement et linsertion, dans une convention collective, dune clause pr-voyant une telle limitation. Observant cependant que les rglementations nationales et inter-nationales considraient quil tait ncessaire non pas dinterdire aux pilotes dexercer leurs

    http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=CELEX:62010CJ0159:FR:NOThttp://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=CELEX:62009CJ0447:FR:NOT

  • Mise jour de la jurisprudence (juillet 2010dcembre 2011)

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    activits aprs lge de 60 ans, mais seulement de restreindre cet exercice, elle a estim que linterdiction de piloter aprs cet ge, contenue dans la convention collective incrimine, ntait pas ncessaire la protection de la sant publique et de la scurit. Par ailleurs, elle a reconnu que le fait de possder des capacits physiques particulires pouvait tre considr comme une exigence professionnelle essentielle et dterminante pour lexercice de la profession de pilote de ligne et que la possession de telles capacits tait lie lge, jugeant que cette exigence visant garantir la scurit du trafic arien poursuivait un objectif lgitime propre justifier une diffrence de traitement fonde sur lge. Toutefois, elle a dclar que pareille diffrence de traitement ne pouvait tre justifie que dans des circonstances trs limites. cet gard, elle a relev que les autorits nationales et internationales considraient que, jusqu lge de 65 ans, les pilotes avaient les capacits physiques pour piloter, mme si, entre 60 et 65 ans, ils ne pouvaient le faire que comme membre dun quipage dont les autres pilotes avaient moins de 60 ans. Elle a observ que, pour leur part, les partenaires sociaux de Lufthansa considraient que, aprs lge de 60 ans, les pilotes de ligne ne possdaient plus les capacits physiques ncessaires laccomplissement de leurs activits. En ltat de ces considrations, elle a jug que, en fixant 60 ans lge partir duquel les pilotes ne pou-vaient plus piloter, les partenaires sociaux avaient impos une exigence disproportionne au regard des rglementations nationales et internationales, qui fixaient cet ge 65 ans.

    3.4.2.4. La Convention europenne et les domaines de la prvoyance sociale et de lducation [page 85 du Manuel]

    CouEDH, Ponomaryovi c. Bulgarie (no 5335/05), 21 juin 2011

    En vertu de la loi bulgare, seuls les ressortissants bulgares et certaines catgories dtrangers ont droit la gratuit de lenseignement primaire et secondaire. Elevs par leur mre en Bulgarie, les deux lves requrants, de nationalit russe, taient lpoque des faits dpourvus de permis de rsident permanent. Dans leur requte devant la CouEDH, ils se disaient victimes dune discrimination en ce quils avaient t contraints de sacquitter de frais de scolarit en Bulgarie pour leur ducation secondaire, alors que celle-ci tait gratuite pour les ressor-tissants bulgares et les trangers titulaires de permis de rsident permanent. La CouEDH a jug quun tat pouvait avoir des raisons lgitimes de limiter le bnfice de services publics coteux en ressources aux immigrs de courte dure ou illgaux qui, en principe, ne contri-buent pas leur financement. Tout en reconnaissant que lenseignement est une activit onreuse et complexe organiser, et que les tats doivent mnager un quilibre entre les besoins ducatifs des personnes relevant de leur juridiction et leur capacit limite y rpondre, la CouEDH a constat que, contrairement dautres services publics, linstruction est un droit directement protg par la Convention europenne des droits de lhomme (CEDH). Elle a sou-lign quil sagissait dun service public de nature trs particulire bnficiant non seulement aux usagers mais aussi, plus largement, la socit dans son ensemble et indispensable au respect des droits de lhomme. Elle a observ que les requrants ntaient pas des per-sonnes qui seraient illgalement arrives en Bulgarie pour y rclamer ensuite le bnfice des services publics, notamment lenseignement gratuit. Elle a ajout que, bien que les intresss ne fussent pas titulaires de permis de rsident permanent, les autorits ne staient pas rel-lement opposes ce quils puissent demeurer sur le territoire et navaient jamais eu srieu-sement lintention de les expulser, raison pour laquelle aucune considration tire de la ncessit de freiner ou dinverser les flux migratoires illgaux ne pouvait tre invoque en lespce. Elle a relev que les autorits bulgares nen avaient tenu aucun compte et que la lgislation ne prvoyait nulle part la possibilit de demander une exonration du paiement des frais de scolarit. Elle a conclu que, dans les circonstances particulires de lespce, lobligation faite aux requrants de verser des frais de scolarit pour leur enseignement secondaire du fait de leur nationalit et de leur statut au regard du droit des trangers ntait pas justifie.

    http://www.echr.coe.int/NR/rdonlyres/29414AC9-4986-4293-A58B-721037F7E47A/0/FRA_FRA_CASE_LAW_HANDBOOK.pdf#page=87http://hudoc.echr.coe.int/sites/fra/pages/search.aspx?i=001-105296

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    CouEDH, Stummer c. Autriche [GC] (no 37452/02), 7 juillet 2011

    Au cours des vingt-huit annes quil avait passes en prison, le requrant avait travaill pen-dant de longues priodes sans tre affili au rgime des pensions de retraite instaur par le droit autrichien. Toutefois, compter de 1994, il avait t affili au rgime de lassurance ch-mage pour ses priodes de travail en prison. Aprs sa remise en libert, il avait peru des indemnits de chmage et une allocation durgence. La CouEDH a rappel que, en matire de pensions, les tats jouissent dune ample marge dapprciation, et estim que la question dont elle tait saisie devait tre apprhende comme un lment du systme global du travail pni-tentiaire et de la couverture sociale des dtenus. Elle a relev quil nexistait pas de consensus europen sur la question de la scurit sociale des dtenus et que, si une majorit absolue des tats membres du Conseil de lEurope faisaient bnficier les dtenus dune forme de scurit sociale, seule une faible majorit dentre eux affiliaient les dtenus au rgime des pensions de retraite, certains, comme lAutriche, se bornant leur donner la possibilit de verser des coti-sations volontaires. Elle a ajout que le droit autrichien refltait la tendance laffiliation des dtenus exerant un travail au rgime national de scurit sociale, ceux-ci ayant droit une couverture sant et accidents et, depuis 1994, lassurance chmage. Elle a attach du poids au fait que le requrant, bien que nayant pas droit une pension de retraite, navait pas t laiss sans couverture sociale. sa libration de prison, il avait dabord peru des indem-nits de chmage, puis une allocation durgence complte par une allocation de logement, pour un montant total de 720 EUR, soit pratiquement lquivalent du montant de la pension minimum en Autriche. La CouEDH a considr en rsum que, dans un contexte de normes en volution, un tat contractant ne pouvait se voir reprocher davoir donn la priorit au rgime dassurance considr par lui comme le plus pertinent pour la rinsertion des dtenus aprs leur libration. Tout en invitant lAutriche surveiller la question lorigine de la cause, elle a considr que celle-ci navait pas excd lample marge dapprciation dont elle jouissait en la matire en sabstenant daffilier les dtenus exerant un travail au rgime des pensions de retraite.

    3.4.3.1. La Convention europenne et le domaine des biens et services (y compris le logement) [page 89 du Manuel]

    CouEDH, Bah c. Royaume-Uni (no 56328/07), 27 septembre 2011

    La requrante, une ressortissante sierra lonaise, tait titulaire dun permis de sjour perma-nent au Royaume-Uni. Par la suite, son fils mineur avait t autoris ly rejoindre condition de ne solliciter aucune aide financire auprs des pouvoirs publics. Peu aprs larrive de celui-ci, le bailleur de la requrante lavait informe que son fils ne pourrait pas sinstaller dans le logement quil lui louait. Lintresse avait demand aux autorits locales de laider rechercher un autre logement. Celles-ci avaient accept de lassister mais, observant que son fils relevait du contrle de limmigration, elles avaient refus de lui accorder le traitement prioritaire dont elle aurait d bnficier en sa qualit de personne involontairement prive de domicile et ayant des enfants mineurs. La CouEDH a considr que le traitement diffrenci dont la requrante avait fait lobjet sexpliquait par le caractre conditionnel de loctroi du statut dimmigr au fils de lintresse, non par la nationalit de celui-ci. Relevant que laccs au statut dimmigr comportait une part de choix, elle a jug que la justification dune diff-rence de traitement fonde sur ce critre pouvait se satisfaire de motifs moins imprieux que ceux requis pour une diffrence de traitement reposant sur une caractristique personnelle intrinsque et immuable, telle que la race ou le sexe. En outre, eu gard la nature principa-lement socio-conomique du litige qui portait sur lattribution dun logement aux personnes en ayant besoin , elle a considr que la marge dapprciation accorde au gouvernement

    http://hudoc.echr.coe.int/sites/fra/Pages/search.aspx#{"fulltext":["37452/02"],"documentcollectionid":["COMMITTEE","DECISIONS","COMMUNICATEDCASES","CLIN","ADVISORYOPINIONS","REPORTS","RESOLUTIONS"],"itemid":["001-105579"]}http://www.echr.coe.int/NR/rdonlyres/29414AC9-4986-4293-A58B-721037F7E47A/0/FRA_FRA_CASE_LAW_HANDBOOK.pdf#page=91http://hudoc.echr.coe.int/sites/fra/pages/search.aspx?i=001-106449

  • Mise jour de la jurisprudence (juillet 2010dcembre 2011)

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    devait tre relativement ample. Elle a ajout que, en faisant venir son fils au Royaume-Uni en pleine connaissance des conditions dont lautorisation de sjour de celui-ci serait assortie, la requrante avait incontestablement consenti ne pas rclamer laide financire de ltat pour pourvoir aux besoins de son enfant. Elle a estim quil tait justifi doprer une distinc-tion entre, dune part, les personnes qui, pour revendiquer un traitement prioritaire, invoquaient la prsence sur le territoire britannique dune personne en situation irrgulire ou y ayant t admise la condition de ne pas solliciter daide financire de ltat et, dautre part, celles qui ne se trouvaient pas dans cette situation. Elle a relev que la lgislation critique poursuivait un but lgitime, savoir la rpartition quitable dune ressource rare entre les diverses cat-gories de personnes pouvant y prtendre. Sans sous-estimer langoisse que la perspective de se trouver sans logement avait pu causer la requrante, la CouEDH a observ que ce risque ne stait jamais ralis et que, sil stait concrtis, dautres obligations lgales auraient impos aux autorits locales daider lintresse et son fils. Relevant en outre que le traitement appliqu la requrante avait t analogue celui auquel elle aurait eu droit si ses besoins avaient t jugs prioritaires et que les autorits locales lavaient aide trou-ver un appartement auprs dun bailleur priv dans un autre quartier avant de lui attribuer, dix-sept mois plus tard, un logement social dans son quartier dorigine, la CouEDH a jug que le traitement diffrenci dont lintresse avait fait lobjet tait raisonnablement et objective-ment justifi.

    3.5.1. La sphre personnelle : vie prive et familiale, adoption, domicile et mariage [page 93 du Manuel]

    CouEDH, erife Yiit c. Turquie [GC] (no 3976/05), 2 novembre 2010

    La requrante et son mari, dcd en 2002, avaient contract en 1976 un mariage religieux. En 2003, lintresse avait engag, en son nom et celui de sa fille, une action visant obtenir la reconnaissance de son mariage et linscription de sa fille au registre dtat civil en tant que fille de son mari. Le tribunal de grande instance avait accept cette dernire demande, mais rejet celle relative au mariage. Par ailleurs, la requrante avait adress une demande la caisse de retraite pour quelle et sa fille puissent bnficier de la pension de retraite et de lassurance maladie du dfunt. Ces prestations avaient t accordes la fille, mais pas la mre, au motif que le mariage ntait pas reconnu lgalement. La CouEDH a relev que, selon la loi et la jurisprudence nationales, seul le conjoint mari conformment au code civil hritait des droits sociaux du dfunt poux. Elle a considr que la requrante ne pouvait se prvaloir dune esprance lgitime de bnficier des droits sociaux au titre de son concubin car les rgles dfinissant les conditions de fond et de forme du mariage civil taient claires et acces-sibles, et les modalits de clbration du mariage civil taient simples et nimposaient pas aux intresss une charge excessive. Elle a ajout que lintresse avait dispos dun laps de temps suffisamment long, soit vingt-six ans, pour contracter un mariage civil. Elle en a conclu que la requrante ntait pas fonde soutenir que les dmarches quelle disait avoir entames pour rgulariser sa situation avaient t entraves par la lourdeur ou la lenteur des procdures administratives. Elle a en outre relev que le fait que la requrante et son concubin eussent opt pour le mariage religieux et ne se fussent pas maris civilement navait pas entran de sanctions administratives ou pnales de nature empcher lintresse de mener sa vie familiale de manire effective. Elle a considr que larticle 8 de la CEDH ne pouvait sinterprter comme imposant ltat lobligation de reconnatre le mariage religieux ou dins-taurer un rgime spcial pour une catgorie particulire de couples non maris. Elle a conclu que le fait que la requrante net pas la qualit dhritire, conformment la loi, nimpliquait pas quil y ait eu atteinte ses droits au titre de larticle 8.

    http://www.echr.coe.int/NR/rdonlyres/29414AC9-4986-4293-A58B-721037F7E47A/0/FRA_FRA_CASE_LAW_HANDBOOK.pdf#page=95http://hudoc.echr.coe.int/sites/fra/Pages/search.aspx#{"fulltext":["3976/05"],"documentcollectionid":["COMMITTEE","DECISIONS","COMMUNICATEDCASES","CLIN","ADVISORYOPINIONS","REPORTS","RESOLUTIONS"],"itemid":["001-101578"]}

  • Manuel de droit europen en matire de non-discrimination

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    4.2. Le sexe [page 104 du Manuel]

    CouEDH, Andrle c. Rpublique tchque (no 6268/08), 17 fvrier 2011

    Pre de deux enfants, le requrant se plaignait que lge de dpart la retraite ne soit pas abaiss pour les hommes ayant lev des enfants, alors que ctait le cas pour les femmes. La CouEDH a considr que la mesure en cause visait le but lgitime consistant contre-balancer les ingalits factuelles et difficults dcoulant du contexte historique propre lex-Tchcoslovaquie, o les femmes devaient soccuper des enfants et du mnage tout en devant travailler plein temps. Dans ces conditions, elle a jug que les autorits nationales taient les mieux places pour dterminer le moment o linjustice envers les hommes commenait prendre trop dimportance par rapport la ncessit de corriger la situation dsavanta-geuse des femmes au moyen dune mesure de discrimination positive. Elle a relev que, en 2010, le gouvernement tchque avait dj fait le premier pas sur la voie dune galisation de lge de la retraite en adoptant des amendements lgislatifs supprimant le droit un dpart plus prcoce la retraite pour les femmes ayant lev un enfant, et quil avait orient la rforme vers un accroissement global de lge de dpart la retraite quel que soit le nombre denfants levs. Elle a considr que, eu gard au caractre graduel des changements dmographiques et aux modifications dans la perception du rle des sexes, ainsi quaux diffi-cults quil y avait situer lensemble de la rforme des retraites dans un contexte plus large, ltat ne pouvait tre critiqu pour avoir modifi son systme de retraite de manire pro-gressive au lieu de pousser un changement complet un rythme plus rapide. Elle a jug que, dans les circonstances de laffaire, cette approche continuait tre raisonnablement et objec-tivement justifie et le serait jusqu ce que les volutions sociales et conomiques fassent disparatre la ncessit daccorder aux femmes un traitement particulier. Elle a ajout que lam-pleur et le calendrier de mise en uvre des mesures prises pour rectifier lingalit en question ntaient pas manifestement draisonnables et navaient donc pas outrepass la large marge dapprciation reconnue aux tats en la matire.

    CJUE, Rijksdienst voor Pensioenen c. Elisabeth Brouwer Affaire C-577/08, 29 juillet 2010

    Mme Brouwer avait travaill aux Pays-Bas de 1960 1998, tout en rsidant en Belgique. son dpart la retraite, elle avait droit une pension de retraite en Belgique jusqu son soixante-cinquime anniversaire, cette charge incombant par la suite aux Pays-Bas. Ltat belge lui avait accord une pension, mais, comme lintresse avait travaill dans un autre tat membre de lUE, le montant de sa pension fut calcul sur la base de salaires fictifs et forfaitaires fixs annuellement par la Belgique. Jusquen 1995, le montant des salaires en question tait diff-rent selon que la personne concerne tait un homme ou une femme. Sestimant victime dune discrimination illgale, Mme Brouwer avait contest le montant de sa pension. Arguant que la diffrence de traitement critique tait objectivement justifie par la diffrence de fait dans le niveau des rmunrations des hommes et des femmes et que le calcul du montant des pensions servies devait reflter cet tat de choses, ltat belge avait allgu quil ny avait pas de discrimination, ajoutant que le dlai de transposition dans le droit des tats membres de lUE de la directive 79/7/CEE du Conseil relative la mise en uvre du principe de lgalit de traitement entre hommes et femmes en matire de scurit sociale avait t fix au 23 dcembre 1984.

    Avant que laffaire ne soit porte devant la CJUE, ltat belge avait reconnu lexistence dune ingalit de traitement et fait tat des dmarches entreprises afin de corriger cette situation. Toutefois, la CJUE a jug que, pour la priode postrieure lexpiration du dlai de trans-position de la directive pertinente, celle-ci sopposait la rglementation nationale critique. En revanche, sagissant de la priode antrieure lexpiration de ce dlai, elle a estim que

    http://www.echr.coe.int/NR/rdonlyres/29414AC9-4986-4293-A58B-721037F7E47A/0/FRA_FRA_CASE_LAW_HANDBOOK.pdf#page=106http://hudoc.echr.coe.int/sites/fra/pages/search.aspx?i=001-103549http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=CELEX:62008CJ0577:FR:NOT

  • Mise jour de la jurisprudence (juillet 2010dcembre 2011)

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    la rglementation en question se trouvait en dehors du champ dapplication de la disposition du trait rgissant lgalit des rmunrations, savoir larticle 157 du TFUE (ancien article 141 du TCE). Par ailleurs, elle a rejet la demande de ltat belge de limiter les effets de larrt intervenir dans le temps (conformment larrt Barber, C-262/88) relativement aux seuls int-rts dus sur les arrirs. Pour se prononcer ainsi, elle a estim que des considrations finan-cires ne pouvaient justifier par elles-mmes pareille limitation et que, outre les considra-tions en question, il devait exister une incertitude objective et importante quant la porte des dispositions communautaires, que tel ntait pas le cas et que les autorits belges ne pouvaient lgitimement croire que la disparit des rmunrations rsultait de facteurs objectifs plutt que dune simple discrimination. Enfin, elle a jug que la Belgique ne pouvait interprter le fait que la Commission europenne navait introduit contre elle aucun recours en manquement comme une preuve de la conformit de son droit interne au droit europen.

    CJUE, Dita Danosa c. LKB Lzings SIA

    Affaire C-232/09, 11 novembre 2010 La demande de dcision prjudicielle introduite par une juridiction lettonne portait sur la direc-tive 92/85/CEE du Conseil relative la scurit et la sant au travail des travailleuses enceintes. Cette directive impose aux tats membres de lUE dinterdire le licenciement des travailleuses enceintes pendant la priode allant du dbut de leur grossesse jusquau terme du cong de maternit. La question pose la CJUE tait celle de savoir si cette interdiction sappliquait une situation o la personne concerne tait membre du comit de direction dune socit de capitaux et si cette personne devait tre considre comme tant une tra-vailleuse au sens de la directive. cet gard, il y avait lieu de tenir compte du rle des membres du comit de direction et de la marge dapprciation dont ils disposaient dans lexercice de leurs fonctions, sachant que la socit concerne tait galement contrle par une assem-ble dassocis et un conseil de surveillance. Il y avait galement lieu de prendre en consi-dration la directive 76/207/CEE du Conseil relative lgalit de traitement entre hommes et femmes en ce qui concerne laccs lemploi, la formation et la promotion profes-sionnelles, et les conditions de travail.

    La CJUE a estim quun membre dun comit de direction dune socit, fournissant des pres-tations cette dernire et faisant partie intgrante de celle-ci, devait tre considr comme ayant la qualit de travailleur si son activit tait exerce, pendant un certain temps, sous la direction ou le contrle dun autre organe de cette socit et si, en contrepartie de cette activit, il percevait une rmunration. Elle a jug que la directive 92/85/CEE du Conseil devait tre inter-prte comme incompatible avec une rglementation nationale permettant la rvocation sans restriction dun membre dun comit de direction lorsque la personne intresse avait la qualit de travailleuse enceinte . Elle a ajout que, supposer mme que le membre concern dun comit de direction net pas la qualit de travailleuse enceinte au sens de la direc-tive 92/85/CEE du Conseil, il nen demeurait pas moins que la rvocation dun membre dun comit de direction pour cause de grossesse ou pour une cause fonde essentiellement sur cet tat ne pouvait concerner que les femmes et constituait, ds lors, une discrimination directe fonde sur le sexe, contraire la directive 76/207/CEE du Conseil.

    CJUE, Association belge des Consommateurs Test-Achats ASBL et autres c. Conseil des ministres

    Affaire C-236/09, 1er mars 2011 (Grande Chambre) Le droit belge autorise les assureurs prendre en compte le sexe de leurs assurs aux fins de la fixation des primes et des prestations dassurance, sur la base dune drogation contenue dans larticle 5 2 de la directive 2004/113/CE du Conseil. Les requrants allguaient que la loi belge qui mettait en uvre la drogation en question tait contraire au principe de lgalit entre les hommes et les femmes. La Cour constitutionnelle belge a demand la CJUE si

    http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=CELEX:62009CJ0232:FR:NOThttp://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=CELEX:62009CJ0236:FR:NOThttp://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=CELEX:62009CJ0236:FR:NOT

  • Manuel de droit europen en matire de non-discrimination

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    larticle 5 2 de la directive tait compatible avec larticle 6 2 du Trait sur lUnion europenne et, plus particulirement, avec le principe de non-discrimination garanti par cette disposition.

    Aprs avoir numr les dispositions du droit de lUE consacrant le principe de lgalit de traitement entre les hommes et les femmes, la CJUE a rappel que, au moment de ladop-tion de la directive, lutilisation de facteurs actuariels lis au sexe tait trs rpandue dans la fourniture des services dassurance, et a estim quil tait appropri de prvoir une priode transitoire. Elle a relev que, si larticle 5 1 de la directive 2004/113/CE du Conseil nonait que les diffrences en matire de primes et de prestations dcoulant de lutilisation du sexe comme facteur dans le calcul de celles-ci devaient tre abolies au 21 dcembre 2007 au plus tard, larticle 5 2 accordait certains tats membres la facult dautoriser indfiniment des diffrences proportionnelles en matire de primes et de prestations pour les assurs lorsque le sexe est un facteur dterminant dans lvaluation des risques, sur la base de donnes actua-rielles et de statistiques pertinentes et prcises. Elle a relev que, cinq ans aprs la transpo-sition de la directive dans leur droit interne cest--dire le 21 dcembre 2012 , les tats membres de lUE devaient rexaminer la justification de ces drogations, en tenant compte des donnes actuarielles et statistiques les plus rcentes ainsi que dun rapport prsent par la Commission europenne trois ans aprs la date de transposition de la directive.

    Relevant que le Conseil avait exprim des doutes sur le point de savoir si les situations des assurs de sexe fminin et de sexe masculin pouvaient tre considres comme tant com-parables, tant donn que les niveaux de risque assur (fonds sur des statistiques) taient susceptibles dtre diffrents chez les femmes et les hommes, la CJEU a rejet cet argument au motif que la directive tait fonde sur la prmisse selon laquelle, aux fins de lapplication du principe dgalit de traitement des femmes et des hommes, leurs situations respectives lgard des primes et des prestations dassurances contractes par eux taient comparables. Elle a ajout que, dans ces circonstances, il y avait un risque que la drogation lgalit de traitement entre les femmes et les hommes prvue larticle 5 2 ft indfiniment permise, raison pour laquelle elle a jug que cette disposition devait tre considre comme invalide lexpiration dune priode adquate, en loccurrence compter du 21 dcembre 2012.

    4.3. Lorientation sexuelle [page 113 du Manuel]

    CouEDH, Schalk et Kopf c. Autriche (no 30141/04), 24 juin 2010

    En 2002, les requrants, un couple de mme sexe, avaient demand aux autorits comp-tentes lautorisation de se marier. Le droit autrichien en vigueur lpoque pertinente ne permettant le mariage quentre personnes de sexe oppos, leur demande avait t rejete. Le 1er janvier 2010, une loi sur le concubinage officiel visant offrir aux couples de mme sexe un mcanisme formel permettant de reconnatre leurs relations et de donner juridique-ment effet celles-ci est entre en vigueur en Autriche. Se plaant dabord sur le terrain de larticle 12 de la CEDH, la CouEDH a recherch si le droit de se marier reconnu l homme et [] la femme par cette disposition tait applicable la situation des requrants. Elle a relev que, bien que le mariage homosexuel ne ft permis que par six des quarante-sept tats membres du Conseil de lEurope, la disposition de la Charte des droits fonda-mentaux de lUnion europenne relative au droit au mariage ne comportait aucune rfrence lhomme et la femme, ce qui permettait de conclure que ce droit ne devait pas en toutes circonstances tre circonscrit au mariage entre personnes de sexe oppos. Dans ces conditions, elle a jug que lon ne pouvait conclure que larticle 12 tait inapplicable au grief soulev par les requrants. Cependant, elle a relev que la Charte laissait la loi nationale des tats membres de lUE dcider de lopportunit dautoriser le mariage homosexuel. Soulignant que les autorits nationales taient mieux places pour apprcier les besoins sociaux en la

    http://www.echr.coe.int/NR/rdonlyres/29414AC9-4986-4293-A58B-721037F7E47A/0/FRA_FRA_CASE_LAW_HANDBOOK.pdf#page=115http://hudoc.echr.coe.int/sites/fra/pages/search.aspx?i=001-99643

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    matire et pour y rpondre, le mariage ayant des connotations sociales et culturelles profon-dment ancres largement diffrentes dune socit lautre, elle a conclu que larticle 12 ne faisait pas obligation ltat autrichien douvrir laccs au mariage aux couples homosexuels et quil ny avait donc pas eu violation de cette disposition.

    Observant que lattitude de la socit lgard des couples de mme sexe avait rapidement volu en Europe au cours de la dernire dcennie, la CouEDH a considr quil aurait t artificiel pour elle de sen tenir lide que les couples en question ne pouvaient jouir dune vie familiale telle que garantie par larticle 8 de la CEDH. Elle en a conclu pour la premire fois que la relation des requrants, un couple dhomosexuels qui cohabitaient et vivaient une liaison stable, relevait de la notion de vie familiale , au mme titre que la relation dun couple de sexe oppos dans la mme situation. Compte tenu de la conclusion laquelle elle tait parvenue sur le terrain de larticle 12 de la CEDH, la CouEDH a dclar quelle ne pouvait souscrire la thse des requrants selon laquelle une obligation daccorder aux couples homosexuels le droit de se marier pouvait se dduire de larticle 14 de la CEDH combin avec larticle 8. Il restait la CouEDH dterminer si ltat aurait d donner plus tt aux intresss un autre moyen de faire lgalement reconnatre leur relation. cet gard, elle a estim que, si une tendance se faisait jour quant la reconnaissance des couples de mme sexe, ce domaine devait toujours tre regard comme relevant dune branche du droit en volution sans consensus tabli, o chaque tat jouissait dune marge dapprciation quant lopportunit dune rforme lgislative. Elle a ajout que le droit autrichien illustrait cette volution et que lon ne pouvait reprocher au lgislateur autrichien de ne pas avoir adopt la loi sur le concubinage officiel avant 2010. Elle a prcis que la persistance dans cette loi de certaines diffrences notables par rapport au mariage refltait pour une large part la tendance au sein dautres tats membres ayant adopt une lgislation similaire et que, les requrants nayant pas allgu tre directement lss par les restrictions aux droits parentaux, lanalyse de chacune de ces diffrences en dtail aurait excd lobjet de la requte. Dans ces conditions, elle a conclu que les droits des requrants au titre de la CEDH navaient pas t viols.

    CouEDH, P.V. c. Espagne (no 35159/09), 30 novembre 2010

    Transsexuelle passe du sexe masculin au sexe fminin, la requrante avait t marie et avait eu un fils avant son changement de sexe. Au cours de la procdure de divorce, la garde de lenfant avait t attribue la mre, mais lautorit parentale avait t accorde aux deux parents conjointement et un rgime de visites avait t amnag au profit du pre. Deux ans plus tard, la mre de lenfant avait demand le retrait de lautorit parentale du pre et la suspension des visites, allguant que celui-ci suivait un traitement pour changer de sexe. La CouEDH a relev que, dans leurs dcisions, les juridictions nationales avaient pris en compte linstabilit motionnelle de la requrante, atteste par un rapport dexpertise psy-chologique, et le risque quelle soit transmise lenfant g de 6 ans au dbut de la proc-dure interne et perturbe son quilibre psychologique. Elle a observ quelles navaient pas priv la requrante ni de lautorit parentale ni de son droit de visite, comme lavait demand la mre, mais avaient adopt un rgime de visites volutif et contrl, conforme aux prco-nisations de lexpertise. Elle a ajout que le raisonnement des juridictions internes donnait penser que la transsexualit de la requrante navait pas t dterminante dans leur dcision de modifier le rgime de visites initial, et que ctait lintrt suprieur de lenfant qui avait prim, conduisant les tribunaux opter pour un rgime plus restrictif qui devait per-mettre lenfant de shabituer progressivement au changement de sexe de son gniteur. Elle en a conclu quil ny avait pas eu violation de la CEDH.

    http://hudoc.echr.coe.int/sites/fra/pages/search.aspx?i=001-101943

  • Manuel de droit europen en matire de non-discrimination

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    4.5. Lge [page 119 du Manuel]

    CJUE, Ingenirforeningen i Danmark c. Region Syddanmark Affaire C-499/08, 12 octobre 2010 (Grande Chambre)

    La question prjudicielle pose par une juridiction danoise portait sur une disposition du droit danois prvoyant que, en cas de licenciement dun employ ayant 12, 15 ou 18 ans dancien-net, lemployeur de celui-ci devait lui verser une indemnit correspondant respectivement un, deux ou trois mois de salaire, sauf si lemploy en question doit percevoir, au moment de son dpart, une pension de retraite dun rgime de pension auquel il a adhr avant davoir atteint lge de 50 ans et auquel lemployeur a contribu. Aprs 27 ans de travail au service dun organisme rgional, M. Andersen avait t licenci. Un tribunal avait reconnu que son employeur devait lui verser lindemnit. Lorganisme rgional employeur de lintress sy tait refus, au motif que celui-ci, g de 63 ans, avait atteint lge de la retraite et tait li-gible une pension. La juridiction de renvoi a demand la CJUE si linterdiction des discrimi-nations directes ou indirectes fondes sur lge rsultant de la directive 2000/78/CE du Conseil portant cration dun cadre gnral en faveur de lgalit de traitement en matire demploi et de travail sopposait la disposition prcite du droit danois.

    La CJUE a dclar que la directive 2000/78/CE du Conseil sopposait une rglementation nationale privant les travailleurs ligibles une pension de vieillesse au titre dun rgime de pension auquel ils ont adhr avant lge de 50 ans de la possibilit de prtendre une indemnit de licenciement. Pour se prononcer ainsi, elle a relev quil tait plus difficile, pour les travailleurs ligibles une pension de vieillesse, de continuer exercer leur droit de travailler, faute pour eux de pouvoir bnficier dune indemnit de licenciement lors de la recherche dun nouvel emploi. Dans ces conditions, elle a jug que la mesure en cause inter-disait toute une catgorie de travailleurs de percevoir lindemnit et quelle pouvait aussi obliger ces travailleurs accepter une pension de vieillesse dun montant rduit par rapport celui auquel ils auraient pu prtendre en demeurant actifs jusqu un ge plus avanc. Elle a conclu que cette mesure portait atteinte aux intrts lgitimes des travailleurs concerns et que la diffrence de traitement opre entre eux et les travailleurs non ligibles une pension de retraite ntait pas justifie.

    4.7. La nationalit ou lorigine nationale [page 124 du Manuel]

    CouEDH, Fawsie c. Grce et Saidoun c. Grce (no 40080/07 et no 40083/07), 28 octobre 2010

    Les requrantes, une ressortissante syrienne et une ressortissante libanaise, avaient t offi-ciellement reconnues comme rfugies politiques dans les annes 90 et rsidaient lgalement en Grce. Les autorits comptentes avaient rejet les demandes des requrantes tendant se voir attribuer lallocation de mre de famille nombreuse, au motif que celles-ci navaient pas la nationalit grecque ou la nationalit dun des tats membres de lUE et ntaient pas des rfugies dorigine grecque. Sans mettre en doute la volont du lgislateur grec de faire face au problme dmographique du pays, la CouEDH, aprs avoir rappel que seules des considrations trs fortes pouvaient justifier une diffrence de traitement exclusivement fonde sur la nationalit, a dclar quelle ne souscrivait pas au critre choisi, fond essentiellement sur la nationalit grecque ou lorigine grecque, dautant que ce critre ntait pas uniform-ment appliqu dans la lgislation et la jurisprudence dominantes lpoque pertinente. Elle a en outre relev que, selon la Convention de Genve relative au statut des rfugis, ratifie par la Grce, les tats doivent accorder aux rfugis rsidant rgulirement sur leur territoire le mme traitement en matire dassistance et de secours publics qu leurs nationaux. Dans ces conditions, elle a jug que le refus des autorits daccorder une allocation pour famille nombreuse aux requrantes navait pas de justification raisonnable.

    http://www.echr.coe.int/NR/rdonlyres/29414AC9-4986-4293-A58B-721037F7E47A/0/FRA_FRA_CASE_LAW_HANDBOOK.pdf#page=121http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=CELEX:62008CJ0499:FR:NOThttp://www.echr.coe.int/NR/rdonlyres/29414AC9-4986-4293-A58B-721037F7E47A/0/FRA_FRA_CASE_LAW_HANDBOOK.pdf#page=126http://hudoc.echr.coe.int/sites/fra/pages/search.aspx?i=001-101365http://hudoc.echr.coe.int/sites/fra/pages/search.aspx?i=001-101362

  • Mise jour de la jurisprudence (juillet 2010dcembre 2011)

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    CJUE, Marie Landtov c. esk sprva socialnho zabezpeen Affaire C-399/09, 22 juin 2011

    Ressortissante tchque rsidant sur le territoire de la Rpublique tchque, Mme Landtov avait travaill de 1964 au 31 dcembre 1992 sur le territoire de la Rpublique fdrale tchque et slovaque. Aprs la scission de ce dernier tat, elle avait travaill dabord sur le territoire de la Rpublique slovaque, puis sur le territoire de la Rpublique tchque. Ladministration tchque de la scurit sociale lui avait accord une pension de retraite partielle dont le montant avait t fix en application dune convention de scurit sociale conclue entre la Rpublique tchque et la Rpublique slovaque, do il rsultait que la priode dassurance que Mme Landtov avait accomplie jusquau 31 dcembre 1992 devait tre valorise sous le rgime de scurit sociale slovaque puisque son employeur avait son sige sur le territoire de la Rpublique slovaque, disposition maintenue par le point 6 de lannexe III(A) du rglement no 1408/71. Mme Landtov avait contest le montant de la pension qui lui avait t accord, estimant que ladminis-tration tchque de la scurit sociale navait pas tenu compte de lensemble des priodes dassurance quelle avait accomplies. Saisie dun pourvoi introduit par lintresse, la Cour administrative suprme a demand la CJUE si les dispositions du point 6 de lannexe III(A) du rglement no 1408/71, lues en combinaison avec larticle 7 2 c) de celui-ci, sopposaient une rgle nationale prvoyant le paiement dun complment de prestation de vieillesse lorsque le montant de celle-ci, octroy en application de la convention de scurit sociale, tait inf-rieur celui qui aurait t peru si la pension de retraite avait t calcule en fonction des rgles du droit de la Rpublique tchque. Elle a galement sollicit lavis de la CJUE sur la question de savoir si la dcision qui avait permis le versement du complment de prestation de vieillesse lgard des seules personnes de nationalit tchque rsidant sur le territoire de la Rpublique tchque aboutissait une discrimination incompatible avec larticle 12 du TCE ainsi quavec les dispositions combines de larticle 3 1 et de larticle 10 du rglement no 1408/71.

    La CJUE a jug que le point 6 de lAnnexe III(A) ne sopposait pas une rgle nationale pr-voyant le paiement dun complment de prestation de vieillesse puisque cette mesure nentra-nait pas loctroi dune prestation de vieillesse tchque parallle, ni une double prise en compte dune seule et mme priode dassurance, mais seulement le comblement dune diffrence, objectivement constate, entre des prestations dorigine diffrente. La CJUE a constat quune telle approche permettait dviter les cumuls de lgislations nationales applicables , confor-mment lobjectif exprim au huitime considrant du prambule du rglement no 1408/71, et nallait pas lencontre du critre de rpartition de comptences tabli par la convention de scurit sociale, critre maintenu par le point 6 de lannexe III(A) dudit rglement. Toute-fois, elle a estim que la dcision de la Cour constitutionnelle qui permettait le versement du complment de prestation de vieillesse lgard des seules personnes de nationalit tchque rsidant sur le territoire de la Rpublique tchque emportait une discrimination directe fonde sur la nationalit ainsi quune discrimination indirecte fonde sur la nationalit, dcoulant du critre de la rsidence, lencontre de ceux qui avaient fait usage de leur droit la libre circulation. Elle a conclu que la dcision en question tait clairement contraire larticle 3 1 du rglement no 1408/71. En ce qui concerne les effets pratiques de son arrt, elle a ajout que le droit de lUE ne sopposait pas, sous rserve du respect des principes gnraux du droit de lUE, des mesures qui rtablissaient lgalit de traitement par la rduction des avantages des personnes antrieurement privilgies, prcisant toutefois que, avant ladop-tion de telles mesures, rien dans le droit de lUE nexigeait de priver dun complment de protection sociale tel que celui accord Mme Landtov la catgorie des personnes qui en bnficiaient dj.

    http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=CELEX:62009CJ0399:FR:NOT

  • Manuel de droit europen en matire de non-discrimination

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    4.8. La religion ou les convictions [page 129 du Manuel]

    CouEDH, Savez crkava Rije ivota et autres c. Croatie (no 7798/08), 9 dcembre 2010

    Des glises rformistes enregistres en droit croate en tant que communauts religieuses souhaitaient conclure avec le gouvernement un accord rgissant leurs relations avec ltat. En labsence dun tel accord, elles ne pouvaient pas dispenser un enseignement religieux dans les coles et les jardins publics denfants ni clbrer des mariages religieux reconnus par ltat. Les autorits les avaient informes quelles ne satisfaisaient pas aux critres ncessaires la conclusion dun tel accord, notamment en ce quelles ntaient pas prsentes sur le terri-toire croate depuis 1941 et que le nombre de leur fidles tait infrieur 6 000. La CouEDH a jug que, bien que la CEDH nimpost pas aux tats lobligation de reconnatre les effets des mariages religieux au mme titre que ceux des mariages civils ou dautoriser lensei-gnement religieux dans les coles et les jardins publics denfants, ds lors quun tat tait all au-del de ses obligations et avait accord des droits supplmentaires des congrga-tions religieuses, il ne pouvait, dans lapplication de ces droits, adopter des mesures discrimina-toires au regard de larticle 14 de la CEDH. La CouEDH a constat que, si les autorits avaient refus de conclure un accord avec les requrantes au motif quelles ne satisfaisaient pas aux critres de dure dtablissement et de nombre de membres tablis par le droit interne, le gouvernement croate avait conclu des accords de ce type avec dautres communauts reli-gieuses qui ne remplissaient pas non plus la condition de nombre de fidles, estimant quelles satisfaisaient au critre alternatif dtre des communauts religieuses tablies de longue date dans la sphre culturelle europenne . Le gouvernement croate nayant pas expliqu en quoi les glises requrantes ne rpondaient pas ce critre, la CouEDH en a conclu que les critres tablis par le droit interne navaient pas t appliqus de la mme manire toutes les communauts religieuses.

    Sur le terrain du Protocole no 12 la CEDH, la CouEDH a observ que, compte tenu de la latitude laisse ltat pour dcider de conclure ou non un accord avec une communaut religieuse, le grief formul par les requrantes cet gard ne concernait pas des droits spcifiquement accords par le droit national . En revanche, elle a estim que ce grief rele-vait de la troisime catgorie de discrimination vise dans le Rapport explicatif sur le Proto-cole no 12, savoir une ventuelle discrimination de la part des autorits publiques du fait de lexercice dun pouvoir discrtionnaire . Toutefois, compte tenu de son constat de viola-tion de larticle 14 de la CEDH combin avec larticle 9, elle a jug quil ntait pas ncessaire dexaminer sparment le mme grief sous langle du Protocole no 12.

    CouEDH, Milanovi c. Serbie (no 44614/07), 14 dcembre 2010

    Le requrant, un dirigeant de la communaut religieuse Hare Krishna en Serbie, avait t poignard plusieurs reprises proximit de son domicile. Ces agressions avaient t rap-portes la police et, selon le requrant, elles avaient pu tre commises par un groupe dextrme-droite. La police avait interrog des tmoins et plusieurs suspects mais navait jamais pu identifier aucun des agresseurs ni obtenir plus dinformations sur le groupe extr-miste auquel ils taient censs appartenir. Lun des rapports de police avait fait allusion lappartenance religieuse notoire du requrant et sa drle dapparence . Dans un autre rapport, la police avait observ, dune part, que le requrant avait parl des agressions en question dans les mdias en mettant en avant son affiliation religieuse et, dautre part, quon ne pouvait exclure la possibilit que lintress se soit inflig des blessures lui-mme. La CouEDH a soulign que, comme dans les affaires de mauvais traitements motivs par la haine raciale, les autorits de ltat, lorsquelles taient amenes enquter sur des agres-sions violentes, avaient lobligation de prendre toutes les mesures raisonnables pour dceler

    http://www.echr.coe.int/NR/rdonlyres/29414AC9-4986-4293-A58B-721037F7E47A/0/FRA_FRA_CASE_LAW_HANDBOOK.pdf#page=131http://hudoc.echr.coe.int/sites/fra/pages/search.aspx?i=001-102175http://hudoc.echr.coe.int/sites/fra/pages/search.aspx?i=001-102299

  • Mise jour de la jurisprudence (juillet 2010dcembre 2011)

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    tout motif religieux et tablir si la haine religieuse ou les prjugs avaient pu jouer un rle dans les incidents en cause, mme si les mauvais traitements avaient t infligs par des particuliers. Elle a estim que, dans cette affaire, o lon avait souponn que les agresseurs appartenaient une ou plusieurs organisations prnant une idologie dextrme-droite, il tait inacceptable que les autorits de ltat aient laiss traner lenqute pendant des annes sans entreprendre de dmarches adquates en vue didentifier et de poursuivre les auteurs des agressions. Elle a ajout quil ressortait lvidence du comportement et des rapports de la police que celle-ci avait de srieux doutes quant la religion du requrant et au bien-fond de ses accusations. Dans ces conditions, elle a jug que, mme si les autorits avaient explor plusieurs des voies suggres par lintress concernant la motivation religieuse sous-jacente de ses agresseurs, les mesures prises ntaient pas alles au-del dune enqute purement formelle.

    CouEDH, ODonoghue et autres c. Royaume-Uni (no 34848/07), 14 dcembre 2010

    Depuis 2005, les personnes relevant du contrle de limmigration qui souhaitent se marier au Royaume-Uni autrement que devant lglise anglicane doivent solliciter auprs du ministre de lIntrieur une autorisation qui prend la forme dun certificat dapprobation et sacquitter de frais de dossier slevant 295 GBP. Le deuxime requrant, un ressortissant nigrian qui avait demand lasile au Royaume-Uni, souhaitait se marier hors de lglise anglicane, parce que sa fiance (la premire requrante) et lui taient catholiques pratiquants et que, en tout tat de cause, lglise anglicane ntait pas prsente en Irlande du Nord. Lintress et sa fiance avaient sollicit un certificat dapprobation ainsi que lexemption des frais de dossier, faisant valoir que leur situation financire tait prcaire. Leur demande avait t rejete. En fin de compte, le certificat demand leur avait t dlivr en juillet 2008, aprs que le couple eut russi runir la somme due grce des amis. La CouEDH a jug que le rgime des certi-ficats dapprobation oprait une discrimination fonde sur la religion. Pour se prononcer ainsi, elle a relev que les requrants se trouvaient dans une situation analogue celle des per-sonnes dsireuses de se marier au sein de lglise anglicane et aptes contracter un tel mariage. Elle a ajout que celles-ci pouvaient se marier sans entrave, mais que les requrants ne voulaient (en raison de leurs convictions religieuses) ni ne pouvaient (puisquils rsidaient en Irlande du Nord) contracter un tel mariage, raisons pour lesquelles ils navaient obtenu lautorisation de se marier quaprs avoir sollicit la dlivrance dun certificat dapprobation et rgl des frais dun montant non ngligeable. Elle a conclu quil y avait eu une nette diffrence de traitement pour laquelle aucune justification objective et raisonnable navait t fournie.

    4.10. Lorigine sociale, la naissance et la fortune [page 135 du Manuel]

    CJUE, Zoi Chatzi c. Ipourgos Ikonomikon Affaire C-149/10, 16 septembre 2010

    La demande de dcision prjudicielle manant dune juridiction grecque concernait la direc-tive 96/34/CE du Conseil concernant laccord-cadre sur le cong parental et la Charte des droits fondamentaux de lUnion europenne. Elle avait t introduite loccasion dune proc-dure diligente par Mme Chatzi, mre denfants jumeaux, contre son employeur, le ministre grec des finances (Ipourgos Ikonomikon). la suite de la naissance de ses jumeaux, Mme Chatzi stait vu accorder un cong parental rmunr de neuf mois, mais sa demande tendant lobtention dun second cong parental avait t rejete. La CJUE tait saisie de la question de savoir si loctroi dun seul cong parental en cas de naissance de jumeaux oprait une discrimination du fait de la naissance contraire larticle 21 de la Charte et, dans la ngative, si le terme naissance figurant dans larticle 2 1 de la directive pouvait tre interprt en

    http://hudoc.echr.coe.int/sites/fra/pages/search.aspx?i=001-102298http://www.echr.coe.int/NR/rdonlyres/29414AC9-4986-4293-A58B-721037F7E47A/0/FRA_FRA_CASE_LAW_HANDBOOK.pdf#page=137http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=CELEX:62010CJ0149:FR:HTML

  • Manuel de droit europen en matire de non-discrimination

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    ce sens que deux naissances successives ouvraient droit deux congs parentaux ou sil impliquait au contraire que le cong parental tait accord pour une naissance, indpendam-ment du nombre denfants mis au monde au cours de celle-ci, sans que la Charte ne sen trouve viole.

    La CJUE a rpondu que les droits numrs dans laccord-cadre taient reconnus aux parents, en leur qualit de travailleurs, de manire faciliter la conciliation de leurs responsabilits professionnelles et familiales. Prcisant que laccord-cadre et la Charte ne confraient aux enfants aucun droit en matire de cong parental, la CJUE a estim que loctroi dun seul cong parental en cas de naissance de jumeaux noprait pas de discrimination du fait de la naissance. Elle a ajout que laccord-cadre ne devait pas tre interprt comme imposant la reconnaissance automatique dun droit un nombre de congs parentaux gal celui des enfants ns. Elle a prcis que cet instrument nnonait que des prescriptions minimales et que, lorsquils dcidaient de fixer un cong parental plus long que le cong minimal de trois mois, les tats membres de lUE pouvaient apporter des amnagements aux rgles en ques-tion. Toutefois, elle a observ que le lgislateur national devait tenir compte du principe de lgalit de traitement lorsquil arrtait des mesures de transposition de laccord-cadre et sassurer que les parents denfants jumeaux bnficiaient dun traitement prenant dment en compte leurs besoins particuliers.

    4.12. Toute autre situation [page 138 du Manuel]

    CouEDH, Kiyutin c. Russie (no 2700/10), 10 mars 2011

    Le requrant, de nationalit ouzbke, tait arriv en Russie en 2003 et avait pous une ressortissante russe avec qui il avait eu une fille. Sa demande de permis de sjour avait t rejete au motif quil tait sropositif. La CouEDH ayant prcdemment reconnu quun handicap physique et certains problmes de sant relevaient du champ dapplication de lar-ticle 14 de la CEDH, position allant dans le sens des vues exprimes par la communaut internationale, elle a jug en lespce quune distinction fonde sur ltat de sant, y compris une infection au VIH, relevait de lexpression toute autre situation et que larticle 14 combin avec larticle 8 de la CEDH trouvait sappliquer. Elle a estim que le requrant tait dans une situation analogue celle dautres trangers cherchant obtenir en Russie un permis de sjour pour motif familial, et quil avait subi un traitement diffrenci du fait de sa sropo-sitivit. Ayant relev que les sropositifs constituaient un groupe vulnrable de la socit, victime dans le pass de discriminations considrables, et quil ny avait pas de consensus europen tabli les excluant du droit de sjour, elle a considr que la marge dapprciation de ltat en la matire tait troite. Tout en reconnaissant que la mesure incrimine poursuivait le but lgitime de la protection de la sant publique, la CouEDH a observ que les experts et orga-nisations internationales dans le domaine de la sant taient davis que des impratifs de sant publique ne pouvaient justifier des restrictions aux dplacements des sropositifs. Elle a prcis que, bien que de telles restrictions puissent se rvler efficaces contre les mala-dies hautement contagieuses ayant une courte priode dincubation, comme le cholra ou la fivre jaune, la seule prsence dun sropositif sur le territoire du pays ne constituait pas en elle-mme une menace pour la sant publique, le VIH se transmettant non pas par hasard mais plutt par certains comportements, et le mode de transmission restant le mme quelle que soit la dure du sjour ou la nationalit des personnes. En outre, elle a constat que les restrictions aux dplacements pour cause de VIH ne sappliquaient pas aux touristes, aux visiteurs de courte dure ni aux ressortissants russes de retour au pays, alors mme que rien ne permettait de supposer que ces catgories de personnes soient moins susceptibles dadopter un comportement risque que les migrants tablis. Elle a ajout que, si une diff-rence de traitement entre les immigrs sropositifs tablis de longue date et les visiteurs de

    http://www.echr.coe.int/NR/rdonlyres/29414AC9-4986-4293-A58B-721037F7E47A/0/FRA_FRA_CASE_LAW_HANDBOOK.pdf#page=140http://hudoc.echr.coe.int/sites/fra/pages/search.aspx?i=001-103906

  • Mise jour de la jurisprudence (juillet 2010dcembre 2011)

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    courte dure pouvait tre objectivement justifie par le risque que les premiers grvent lour-dement le systme public de sant, pareil argument devait tre cart en Russie, o les trangers nont pas droit aux soins mdicaux gratuits, sauf en cas durgence. Par ailleurs, la CouEDH sest dclare proccupe par le caractre gnral et inconditionnel de la mesure criti-que, relevant cet gard que les dispositions relatives lexpulsion des trangers sropositifs ne prvoyaient aucune possibilit dexamen individualis fond sur les circonstances particu-lires de chaque cas et que, en lespce, les autorits russes avaient rejet la demande du requrant en se contentant de renvoyer aux dispositions lgales sans tenir compte de son tat de sant ni de ses attaches familiales en Russie. Au vu de lensemble de ces consid-rations, elle a conclu que le requrant avait t victime dune discrimination fonde sur son tat de sant.

    5.2. Le partage de la charge de la preuve [page 144 du Manuel]

    CJUE, Patrick Kelly c. National University of Ireland (University College, Dublin) Affaire C-104/10, 21 juillet 2011

    M. Kelly avait prsent sa candidature un programme de formation professionnelle propos par lUniversity College de Dublin (UCD), candidature qui navait pas t retenue. Estimant que le refus de lui accorder cette formation tait fond sur une discrimination sexuelle, lint-ress avait demand la communication des autres candidatures, ce quoi lUCD avait rpondu en communiquant des versions expurges des documents demands. La demande de dcision prjudicielle introduite par une juridiction irlandaise renvoyait la directive 97/80/CE du Conseil relative la charge de la preuve dans les cas de discrimination fonde sur le sexe, la directive 76/207/CEE du Conseil relative la mise en uvre du principe de lgalit de traitement entre hommes et femmes en ce qui concerne laccs lemploi, la formation et la promotion professionnelles, et les conditions de travail ainsi qu la directive 2002/73/CE modifiant la directive 76/207/CEE du Conseil. Elle portait sur la question de savoir si i) les dis-positions des directives 76/207/CEE, 97/80/CE et 2002/73/CE donnaient le droit M. Kelly de prendre connaissance de lintgralit des documents demands afin dtablir des faits permettant de prsumer lexistence dune discrimination et si ii) le droit en question pouvait tre affect par les rgles de lUnion ou nationales rgissant la confidentialit.

    La CJUE a jug que ni la directive 97/80/CE du Conseil ni la directive 76/207/CEE du Conseil naccordaient un candidat une formation professionnelle se disant victime dune discri-mination le droit daccder des informations sur les qualifications des autres candidats et que toute divulgation ventuelle dinformations tait soumise aux rgles du droit de lUE en matire de confidentialit des donnes personnelles. Toutefois, elle a prcis quil appar-tenait au juge national de se prononcer sur la question de savoir si lobjectif poursuivi par la directive 97/80/CE du Conseil imposait la divulgation de ce genre informations dans telle ou telle affaire.

    5.3. Le rle des statistiques et autres donnes [page 150 du Manuel]

    CJUE, Waltraud Brachner c. Pensionsversicherungsanstalt Affaire C-123/10, 20 octobre 2011

    La demande de dcision prjudicielle introduite par une juridiction autrichienne portait sur la question de savoir si un rgime national de pension oprait une discrimination prohibe par larticle 4 1 de la directive 79/7/CEE du Conseil relative la mise en uvre progressive du

    http://www.echr.coe.int/NR/rdonlyres/29414AC9-4986-4293-A58B-721037F7E47A/0/FRA_FRA_CASE_LAW_HANDBOOK.pdf#page=146http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=CELEX:62010CJ0104:FR:NOThttp://www.echr.coe.int/NR/rdonlyres/29414AC9-4986-4293-A58B-721037F7E47A/0/FRA_FRA_CASE_LAW_HANDBOOK.pdf#page=152http://eur-lex.europa.eu/Notice.do?checktexts=checkbox&val=628672%3Acs&pos=1&page=1&lang=fr&pgs=10&nbl=4&list=628672%3Acs%2C621116%3Acs%2C620038%3Acs%2C517189%3Acs%2C&hwords=waltraud%2Bbrachner%257E&action=GO&visu=%23texte

  • Manuel de droit europen en matire de non-discrimination

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    principe de lgalit de traitement entre hommes et femmes en matire de scurit sociale. Le rgime en question prvoit loctroi dun supplment compensatoire exceptionnel visant maintenir le pouvoir dachat des pensionns. Le supplment compensatoire bnficie aux pen-sionns dont les revenus ne dpassent pas un certain seuil, mais, pour dterminer si ces pensionns ont droit au supplment en question, il faut tenir compte, le cas chant, du cumul de leurs revenus avec ceux de leur conjoint cohabitant. La demande de dcision prjudicielle tait prsente dans le cadre dun litige opposant lorganisme dassurance vieillesse autrichien et Mme Brachner, une pensionne qui stait vu refuser le bnfice du supplment compen-satoire au motif que sa pension, cumule avec les revenus de son poux, dpassait le seuil en question.

    La CJUE a jug que le rgime critiqu ne comportait pas de discrimination directe ds lors quil sappliquait indistinctement aux pensionns de lun et de lautre sexe. Toutefois, sappuyant sur les donnes statistiques fournies par la juridiction de renvoi, elle a observ que le pour-centage de femmes touchant une pension minimale tait plus lev que celui des hommes (57 % pour les femmes, 25 % pour les hommes) en raison du caractre contributif du rgime et du fait que, en Autriche, les femmes travaillent moins longtemps que les hommes. Elle a prcis quil ressortait de ces statistiques que 82 % des femmes touchant une pension mini-male ne percevaient pas de supplment compensatoire en application de la rgle de la globali-sation des revenus, alors que tel ntait le cas que pour 58 % des hommes percevant une pension minimale. Elle en a conclu que la juridiction de renvoi serait fonde considrer que le droit de lUE sopposait un dispositif national aboutissant exclure dune augmentation exceptionnelle des pensions un pourcentage considrablement plus lev de femmes pen-sionnes que dhommes pensionns en ce que pareil dispositif comportait une discrimination indirecte lgard des femmes.

  • Mise jour de la jurisprudence (juillet 2010dcembre 2011)

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    Liste des affaires

    Jurisprudence de la Cour de justice de lUnion europenne

    Association belge des Consommateurs Test-Achats ASBL et autres c. Conseil des ministres, Affaire C-236/09, 1er mars 2011 (Grande Chambre) ........................................................15

    Dita Danosa c. LKB Lzings SIA, Affaire C-232/09, 11 novembre 2010 ...............................................................................15

    Gerhard Fuchs et Peter Khler c. Land Hessen, Affaires jointes C-159/10 et C-160/10, 21 juillet 2011 ......................................................10

    Gisela Rosenbladt c. Oellerking Gebudereinigungsges. mbH, Affaire C-45/09, 12 octobre 2010 (Grande Chambre) ........................................................9

    Ingenirforeningen i Danmark c. Region Syddanmark, Affaire C-499/08, 12 octobre 2010 (Grande Chambre) ....................................................18

    Jrgen Rmer c. Freie und Hansestadt Hamburg, Affaire C-147/08, 10 mai 2011 (Grande Chambre) ............................................................6

    Marc Michel Josemans c. Burgemeester van Maastr