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E ´ valuation des be ´ tons a ` retrait compense ´ pour les travaux de re ´ paration Benoı ˆt Bissonnette, Fabien Perez, Simon Blais et Richard Gagne ´ Re ´sume ´: Pour e ˆtre rentables, les re ´parations superficielles effectue ´es sur les infrastructures en be ´ton de ciment doivent pre ´senter un niveau de performance ade ´quat pendant une dure ´e minimale. Parmi les facteurs pouvant affecter la durabilite ´ de ce type d’interventions, le retrait de se ´chage constitue su ˆrement l’un des plus importants. L’utilisation de be ´tons a ` re- trait compense ´ (BRC) fabrique ´s avec des liants expansifs constitue une alternative inte ´ressante pour la mise en œuvre de re ´parations durables. Cet article pre ´sente des re ´sultats d’une e ´tude visant a `e ´valuer le potentiel d’utilisation des be ´tons de re ´paration fabrique ´s avec un ciment type K. La de ´marche expe ´rimentale visait principalement a ` caracte ´riser la durabilite ´ au gel des BRC, a ` de ´terminer si l’adhe ´rence d’un BRC sur un substrat de be ´ton ancien est alte ´re ´e par l’expansion et, enfin, a `e ´valuer l’efficacite ´ de l’effet de pre ´contrainte mobilise ´ par adhe ´rence. Bien qu’un certain nombre d’aspects demeurent a ` e ´tudier, les re ´sultats obtenus se re ´ve `lent prometteurs. Mots-cle ´s : adhe ´rence, be ´ton a ` retrait compense ´, fissuration, re ´paration, retrait de se ´chage. Abstract: To be cost effective, surface repairs carried out on concrete structures have to perform satisfactorily over a suf- ficient period of time. Among the factors that can affect the durability of concrete repairs, drying shrinkage is certainly one of the most significant. The use of shrinkage-compensating concrete (SCC) made with expansive binders thus repre- sents an attractive alternative for achieving durable repairs. This paper presents the results of a study aimed at evaluating the potential use of repair concretes made with type K cement. The experimental program was designed to characterize the frost durability of SCC, to establish whether the bond between SCC and an old concrete substrate is affected by the ex- pansion process, and, finally, to evaluate the efficiency of the prestressing effect generated through the bond. Although some aspects still need to be studied, the reported results are quite promising. Key words: bond, shrinkage-compensating concrete, cracking, repair, drying shrinkage. Introduction Dans une strate ´gie d’entretien pre ´ventif, les re ´parations minces de type adhe ´rent pratique ´es sur des ouvrages en be ´- ton n’affichant que des de ´sordres superficiels constituent une alternative attrayante du point de vue e ´conomique, pour peu que l’intervention soit durable. Depuis quelques anne ´es, des recherches sont effectue ´es pour comprendre les phe ´nome `nes qui gouvernent la durabilite ´ des re ´parations adhe ´rentes en be ´ton (couple be ´ton nouveau – be ´ton ancien). L’un des fac- teurs potentiellement nuisibles a ` cet e ´gard est le retrait du mate ´riau de re ´paration. Lorsque la couche de re ´paration se `- che, sa contraction est en effet progressivement empe ˆche ´e depuis la surface jusqu’a ` l’interface. Cet e ´tat de de ´formation impose ´e fait naı ˆtre des contraintes de traction qui peuvent exce ´der la re ´sistance en traction du nouveau be ´ton. Cette si- tuation peut conduire a ` la fissuration de la chape et, e ´ven- tuellement, a ` sa de ´solidarisation. Le retrait de se ´chage des be ´tons de ciment est ge ´ne ´rale- ment ine ´vitable et, bien qu’on puisse en influencer l’am- plitude en modifiant certains parame `tres de composition, il demeure invariablement e ´leve ´ comparativement a ` la de ´for- mation ultime en traction du mate ´riau. En conse ´quence, l’e ´tude des mate ´riaux cimentaires a ` retrait modifie ´ constitue un axe de recherche a ` privile ´gier. Parmi ceux-ci, on s’inte ´- resse de fac ¸on particulie `re, dans le pre ´sent article, aux be ´- tons a ` retrait compense ´ fabrique ´s avec un liant expansif de de ´signation type K de la American Society for Testing and Materials (ASTM) type K [ASTM C845 (ASTM 2004b)]. La particularite ´ de ce type de liant est qu’il contient un com- pose ´ qui, lors de l’hydratation, forme un produit expansif, ce qui a pour effet de compenser macroscopiquement le retrait de se ´chage subse ´quent. Pour ce faire, le dosage en agent re ´- actif est ajuste ´ de fac ¸on a ` ce que l’expansion initiale du ma- te ´riau qui s’ensuit contrebalance ou exce `de le ´ge `rement le retrait de se ´chage subse ´quent. Ainsi, dans des conditions de mouvement restreint, l’effort de pre ´contrainte (compression) induit initialement dans l’e ´le ´ment par l’expansion ge ˆne ´e est tel que l’ave `nement du retrait n’entraı ˆne pas de contrainte de traction, annihilant ainsi la fissuration de retrait. Si les liants expansifs sont couramment utilise ´s dans Rec ¸u le 15 juin 2006. Re ´vision accepte ´e le 15 octobre 2007. Publie ´ sur le site Web des Presses scientifiques du CNRC, au rcgc.cnrc.ca, le 10 juillet 2008. B. Bissonnette, 1 F. Perez et S. Blais. 2 Centre de recherche sur les infrastructures en be ´ton (CRIB), Universite ´ Laval, De ´partement de ge ´nie civil, QC G1K 7P4, Canada. R. Gagne ´. CRIB, Universite ´ de Sherbrooke, De ´partement de ge ´nie civil, 2500, boul. Universite ´, Sherbrooke, QC J1K 2R1, Canada. Les commentaires sur le contenu de cet article doivent e ˆtre envoye ´s au re ´dacteur en chef avant le 30 novembre 2008. 1. Auteur correspondant (courriel : [email protected]). 2. Adresse actuelle : CE ´ GEP Limoilou, Campus de Charles- bourg, De ´partement de ge ´nie civil, 7600, 3e Avenue Est, Que ´bec, QC G1H 7L4, Canada. 716 Rev. can. ge ´nie civ. 35 : 716–726 (2008) doi:10.1139/L07-133 # 2008 CNRC Canada

Évaluation des bétons à retrait compensé pour les travaux de réparation

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Page 1: Évaluation des bétons à retrait compensé pour les travaux de réparation

Evaluation des betons a retrait compense pour lestravaux de reparation

Benoıt Bissonnette, Fabien Perez, Simon Blais et Richard Gagne

Resume : Pour etre rentables, les reparations superficielles effectuees sur les infrastructures en beton de ciment doiventpresenter un niveau de performance adequat pendant une duree minimale. Parmi les facteurs pouvant affecter la durabilitede ce type d’interventions, le retrait de sechage constitue surement l’un des plus importants. L’utilisation de betons a re-trait compense (BRC) fabriques avec des liants expansifs constitue une alternative interessante pour la mise en œuvre dereparations durables. Cet article presente des resultats d’une etude visant a evaluer le potentiel d’utilisation des betons dereparation fabriques avec un ciment type K. La demarche experimentale visait principalement a caracteriser la durabiliteau gel des BRC, a determiner si l’adherence d’un BRC sur un substrat de beton ancien est alteree par l’expansion et, enfin,a evaluer l’efficacite de l’effet de precontrainte mobilise par adherence. Bien qu’un certain nombre d’aspects demeurent aetudier, les resultats obtenus se revelent prometteurs.

Mots-cles : adherence, beton a retrait compense, fissuration, reparation, retrait de sechage.

Abstract: To be cost effective, surface repairs carried out on concrete structures have to perform satisfactorily over a suf-ficient period of time. Among the factors that can affect the durability of concrete repairs, drying shrinkage is certainlyone of the most significant. The use of shrinkage-compensating concrete (SCC) made with expansive binders thus repre-sents an attractive alternative for achieving durable repairs. This paper presents the results of a study aimed at evaluatingthe potential use of repair concretes made with type K cement. The experimental program was designed to characterizethe frost durability of SCC, to establish whether the bond between SCC and an old concrete substrate is affected by the ex-pansion process, and, finally, to evaluate the efficiency of the prestressing effect generated through the bond. Althoughsome aspects still need to be studied, the reported results are quite promising.

Key words: bond, shrinkage-compensating concrete, cracking, repair, drying shrinkage.

Introduction

Dans une strategie d’entretien preventif, les reparationsminces de type adherent pratiquees sur des ouvrages en be-ton n’affichant que des desordres superficiels constituent unealternative attrayante du point de vue economique, pour peuque l’intervention soit durable. Depuis quelques annees, desrecherches sont effectuees pour comprendre les phenomenesqui gouvernent la durabilite des reparations adherentes enbeton (couple beton nouveau – beton ancien). L’un des fac-teurs potentiellement nuisibles a cet egard est le retrait dumateriau de reparation. Lorsque la couche de reparation se-

che, sa contraction est en effet progressivement empecheedepuis la surface jusqu’a l’interface. Cet etat de deformationimposee fait naıtre des contraintes de traction qui peuventexceder la resistance en traction du nouveau beton. Cette si-tuation peut conduire a la fissuration de la chape et, even-tuellement, a sa desolidarisation.

Le retrait de sechage des betons de ciment est generale-ment inevitable et, bien qu’on puisse en influencer l’am-plitude en modifiant certains parametres de composition, ildemeure invariablement eleve comparativement a la defor-mation ultime en traction du materiau. En consequence,l’etude des materiaux cimentaires a retrait modifie constitueun axe de recherche a privilegier. Parmi ceux-ci, on s’inte-resse de facon particuliere, dans le present article, aux be-tons a retrait compense fabriques avec un liant expansif dedesignation type K de la American Society for Testing andMaterials (ASTM) type K [ASTM C845 (ASTM 2004b)].La particularite de ce type de liant est qu’il contient un com-pose qui, lors de l’hydratation, forme un produit expansif, cequi a pour effet de compenser macroscopiquement le retraitde sechage subsequent. Pour ce faire, le dosage en agent re-actif est ajuste de facon a ce que l’expansion initiale du ma-teriau qui s’ensuit contrebalance ou excede legerement leretrait de sechage subsequent. Ainsi, dans des conditions demouvement restreint, l’effort de precontrainte (compression)induit initialement dans l’element par l’expansion genee esttel que l’avenement du retrait n’entraıne pas de contrainte detraction, annihilant ainsi la fissuration de retrait.

Si les liants expansifs sont couramment utilises dans

Recu le 15 juin 2006. Revision acceptee le 15 octobre 2007.Publie sur le site Web des Presses scientifiques du CNRC, aurcgc.cnrc.ca, le 10 juillet 2008.

B. Bissonnette,1 F. Perez et S. Blais.2 Centre de recherche surles infrastructures en beton (CRIB), Universite Laval,Departement de genie civil, QC G1K 7P4, Canada.R. Gagne. CRIB, Universite de Sherbrooke, Departement degenie civil, 2500, boul. Universite, Sherbrooke, QC J1K 2R1,Canada.

Les commentaires sur le contenu de cet article doivent etreenvoyes au redacteur en chef avant le 30 novembre 2008.

1. Auteur correspondant (courriel :[email protected]).

2. Adresse actuelle : CEGEP Limoilou, Campus de Charles-bourg, Departement de genie civil, 7600, 3e Avenue Est,Quebec, QC G1H 7L4, Canada.

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Rev. can. genie civ. 35 : 716–726 (2008) doi:10.1139/L07-133 # 2008 CNRC Canada

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l’elaboration de differents materiaux de reparation commer-ciaux dits « a retrait compense » (BRC), principalement descoulis et des mortiers, leur utilisation dans la formulation debetons de reparation est virtuellement inexistante. Or, dansla mesure ou une bonne adherence peut etre developpee, defacon a permettre le developpement essentiel de l’effet deprecontrainte, les BRC pourraient presenter un potentiel tresinteressant dans ce creneau de l’industrie, tel que relevedans quelques etudes anterieures (Cusick et Kesler 1977;Bayasi et Abifaher 1992; Herr et Barclay 1994; Krol 1998).Cet article presente des resultats d’un programme experi-mental dont le but premier etait d’evaluer de facon assez ex-haustive ce potentiel.

Programme experimental

Parametres de l’etudeLe programme experimental visait a caracteriser en pre-

miere approche le potentiel des betons fabriques avec du ci-ment type K comme materiaux de reparations. Les objectifspoursuivis etaient les suivants :. determiner la duree de murissement a l’eau afin que le

bilan expansion–retrait soit optimal (valeur nulle ou le-gerement superieure a zero) et verifier la stabilite volume-trique a long terme;

. caracteriser la durabilite au gel des BRC;

. verifier et etablir si la precontrainte generee par simpleadherence entre un resurfacage en BRC et l’element re-pare est suffisante pour assurer l’effet de compensationrequis;

. verifier l’effet potentiellement deletere de l’expansion in-itiale du BRC sur la qualite de l’adherence avec le betonde support.

Compensation du retraitLe but de la premiere partie du programme experimental

consistait a determiner la periode de cure humide minimalepermettant de generer une expansion suffisante, tout en te-nant compte des contraintes et imperatifs du chantier ou laduree de murissement effective se voit malheureusementtrop souvent ecourtee.

L’hydratation du ciment type K a fait l’objet de plusieursetudes au cours des 20 dernieres annees (Cohen 1983a,1983b; Lobo et Cohen 1991, 1992, 1993). Meme si lemecanisme qui provoque l’expansion ne fait pas encorel’unanimite, il est tout de meme generalement admis quel’ettringite en est le principal agent. La production del’ettringite consommant beaucoup d’eau, l’expansion se ma-nifeste essentiellement pendant la periode de murissement al’eau (Mehta 1973). La duree de cette periode est donc tresimportante pour la compensation du retrait. Une cure tropcourte sera inefficace, puisqu’elle ne permettra pas de deve-lopper une expansion suffisante et, ce faisant, une precon-trainte suffisante. Inversement, une cure trop longue peutdans certains cas causer une expansion excessive se revelantdommageable (augmentation de la porosite, interconnexiondes pores accrue, microfissuration) (Lobo et Cohen 1992;Ribeiro 1998).

L’influence de la duree de murissement a l’eau sur le bi-lan volumetrique a ete etudiee en realisant des essais de re-trait uniaxial [essais ASTM C157 (ASTM 2006a) modifies],

pour lesquels deux geometries d’eprouvette ont ete utilisees.En premier lieu, pour chacune des formulations de BRC etu-diees, des essais de retrait de sechage ont ete conduits surdes eprouvettes prismatiques de taille 40 mm � 40 mm �160 mm (rapport S/V = 0,12) ayant subi trois durees de mu-rissement a l’eau differentes (12 h, 3 jours et 7 jours). Desessais de retrait de sechage uniaxial additionnels ont eteconduits sur des eprouvettes prismatiques de taille50 mm � 100 mm � 500 mm soumises cette fois a des du-rees de murissement a l’eau de 3, 7 et 28 jours. Dans cetteseconde serie, les eprouvettes etaient scellees avec de l’alu-minium, sauf sur deux faces longitudinales opposees, cellesde 100 mm de largeur (rapport (S/V)effectif = 0,02). Pourchaque essai, deux eprouvettes de la meme gachee ont etetestees a 23 8C et une humidite relative (H.R.) de 50 % .

A moins d’indication contraire, les eprouvettes etaient de-moulees entre 8 et 10 h apres le contact eau–ciment, et lesmesures de deformation initiales etaient effectuees a 12 h.

Des essais ayant pour but de caracteriser le comportementvolumetrique des betons a retrait compense lors de cycles demouillage–sechage ont aussi ete conduits. Il s’agit d’essaisde retrait uniaxial (ASTM C157) en conditions d’expositionalternees. Des eprouvettes similaires a celles de la secondeserie decrite auparavant ont ete conditionnees de la memefacon et soumises a des cycles de re-immersion a environ285 jours et 770 jours en vue principalement de verifierl’influence a long terme des cycles de mouillage–sechagesur l’expansion de nature ettringitique.

Durabilite au gel des betons a retrait compenseAu cours de la phase d’expansion des BRC, le reseau po-

reux interne est modifie (Lobo et Cohen 1991), avec pourresultat un accroissement de la taille des pores et un degred’interconnexion plus important. En causant vraisemblable-ment un accroissement de la permeabilite et de la diffusi-vite, ces modifications microstructurales peuvent rendre lemateriau plus vulnerable au gel.

Afin d’evaluer le comportement au gel des BRC, des es-sais de gel–degel [ASTM C666 (ASTM 2003a)] et des es-sais d’ecaillage de surface en presence de sels fondants[ASTM C672 (ASTM 2003b)] ont ete realises. Avant les es-sais, les betons ont subi un murissement a l’eau de 7 jours,suivi de 21 jours de sechage. Dans chaque cas, deux corpsd’epreuve etaient testes.

L’effet de precontraintePour que les BRC puissent compenser efficacement l’effet

du retrait et en previennent les effets indesirables (efforts detraction et fissuration), il faut s’assurer que l’expansion soitsuffisamment importante et convenablement restreinte de fa-con a obtenir l’effet de precontrainte requis. Dans le cas desreparations adherentes, la restriction est offerte par la rigi-dite du support qui, par adherence, s’oppose a l’expansionde la couche superficielle.

L’etude de l’effet de precontrainte a ete realisee par lebiais d’une technique experimentale mise au point au Centrede recherches sur les infrastructures en beton (CRIB)–Laval,l’essai de « retrait flexionnel ». A la base, cet essai consistea mesurer l’evolution dans le temps de la courbure d’uneeprouvette prismatique (poutrelle) exposee au sechage surseule face, une configuration representative du sechage

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d’elements tels une dalle sur sol ou un mur de soutenement.En raison du gradient d’humidite transitoire s’installant dansle corps d’epreuve, le prisme subit une courbure qui, commele retrait axial, evolue dans le temps. Le sechage etant prati-quement uniforme sur les plans paralleles a la surface de se-chage (surface d’echange), le rayon de courbure a un instantdonne est constant sur toute la longueur de l’eprouvette. Lacourbure est determinee en mesurant la fleche au centre duprisme a l’aide d’un comparateur concu aux fins de l’essai(voir la fig. 1).

Dans la presente etude, les essais de retrait flexionnel ontete realises sur des poutrelles bi-couches (resurfacage d’unebase de beton hygrometriquement stable), pour lesquelles lacourbure de l’element ne decoule pas seulement du gradientd’humidite, mais aussi du fait que la couche superieure subitdes variations volumetriques, alors que le support est relati-vement stable dimensionnellement. Il s’agissait par ces es-sais d’observer et de verifier si l’expansion du BRC peutreellement permettre de compenser la courbure (« curling »)induite par le retrait de sechage en causant un pre-tuilagenegatif au moment ou se manifeste l’expansion. Ideale-ment, le tuilage negatif initial doit contrebalancer le tuilagepositif du au retrait subsequent.

Les poutrelles bi-couches testees, d’une longueur de1000 mm et d’une largeur de 100 mm, etaient constitueesd’un support en beton ordinaire de 25 mm d’epaisseur, re-couvert d’une couche de beton de reparation de 25 mmd’epaisseur. Les supports ont ete fabriques 2 mois avant lamise en place de la couche de recouvrement, periode pen-dant laquelle ils ont ete exposes a l’air a 50 % H.R. Preala-blement a la pose du recouvrement, la surface des supports aete abrasee au moyen d’un jet de sable leger et humidifieependant 24 h (jute humide recouverte de polyethylene) defacon a obtenir des conditions SSS (etat sature surface se-chee). Le demoulage des corps d’epreuve resurfaces etait ef-fectue environ 10 a 11 h apres le contact eau–ciment, soitl’echeance la plus hative permise sans risque de les endom-mager. Immediatement apres, on procedait aux operations descellement. Hormis la surface superieure (surface finie), lescinq autres faces de chaque prisme ont ete scellees avec unmelange cire–paraffine. Ainsi, au terme du murissement,seule la face superieure se voyait exposee a l’air, et le se-chage etait unidirectionnel. Les mesures initiales etaient ef-fectuees a environ 14 h. Ensuite, les eprouvettes etaientconservees dans de l’eau saturee de chaux pendant toute laperiode de cure fixee a 3 ou 7 jours, selon le cas, apresquoi elles etaient exposees au sechage a l’air a 23 8C et50 % H.R. Pour chaque essai, deux eprouvettes de la memegachee etaient testees.

La durabilite de l’adherenceIl apparaıt important de determiner l’influence de l’ex-

pansion initiale sur la durabilite de l’adherence, comptetenu de l’effet potentiellement deletere de l’expansion a cetegard. Pour ce faire, des dalles bi-couches (600 mm �600 mm � 100 mm) constituees d’un support en beton ordi-naire de 50 mm et d’un resurfacage de 50 mm ont ete fabri-quees, suivant une procedure similaire a celle decriteprecedemment pour les poutrelles de retrait flexionnel, envue de determiner l’evolution de l’adherence avec l’ex-pansion du materiau de reparation. Des carottes de 100 mm

de diametre ont ete prelevees dans les dalles (forages perpen-diculaires a l’interface nouveau beton – ancien beton traver-sant les elements dalles de part en part) a 7 et a 28 jours pourla conduite d’essais de traction directe sur une presse hy-draulique. Pour chaque combinaison materiau et echeance,trois eprouvettes ont ete testees en traction directe.

En technologie du beton, on a souvent recours a l’essai defendage [ASTM C496 (ASTM 2004a)] pour obtenir une es-timation de la resistance a la traction du beton de maniererapide et simple. La methode d’essai a ete utilisee avec suc-ces sur des eprouvettes composites (nouveau beton – ancienbeton) pour la mesure de l’adherence en traction (Bouraouiet al. 1997; Geissert et al. 1999). Bien que les resultats nesoient pas strictement equivalents a ceux d’un essai de trac-tion directe, notamment lorsque les deux materiaux concer-nes ont des rigidites differentes, ils offrent a tout le moinsune base de comparaison valable. Ainsi, sur les memes dal-les bi-couches que celles utilisees pour le prelevement deseprouvettes pour les essais de traction directe, des eprouvet-tes cylindriques de 100 mm de diametre (six par melange)ont ete forees a 28 jours pour des essais de fendage (foragesparalleles a l’interface).

Melanges de betonLe liant expansif vise dans ce volet du projet de recherche

est un ciment type K [denomination ASTM C845 (ASTM2004b)]. Il s’agit du seul ciment expansif toujours disponibleen Amerique du Nord, les autres types repertories dans lanorme ASTM C845 (type S, type M) n’etant plus commer-cialises. En ce qui a trait au rapport eau/liant, il a ete fixea 0,40, de facon a rencontrer l’exigence minimale de dura-bilite au Canada pour les elements structuraux exposes auxsels deglacants [classe d’exposition C-1 de la norme del’Association canadienne de normalisation (CSA) A23.1].Deux melanges de BRC (BRC-K, BRC-KS) ont ete misau point, l’un avec le ciment type K et l’autre avec lememe ciment contenant 8 % (massique) de fumee de siliceen remplacement. L’interet de la fumee de silice est lie aucontrole de l’expansion. En diminuant la quantite de port-landite disponible par son effet pouzzolanique (Cohen etal. 1991; Bayasi et Abifaher 1992; Neville 1994), la fumeede silice limite l’amplitude de l’expansion et annihile prati-quement les risques d’expansion tardive. De plus, la pre-sence de fumee de silice a pour effet d’accelerer lacinetique de l’expansion et, par consequent, d’en reduire laduree.

Deux betons temoins (BO-10, BO-SF) egalement de rap-port eau/ciment (E/C) 0,40, ont ete fabriques respectivementavec un ciment type 10 et un melange de ciment type 10 etde fumee de silice (8 % en remplacement). Le melangeBO-10 a aussi ete utilise pour la confection des substratsutilises aux fins des essais sur corps d’epreuve bi-couches(les conditions de murissement des substrats ont differe decelles des betons de reparation : 4 jours a l’eau et 2 moisde sechage en laboratoire).

Le tableau 1 presente la composition des ciments utilises.Les quatre melanges de beton mis au point devaient re-

pondre a deux criteres : un affaissement se situant entre100 mm et 150 mm et une teneur en air comprise entre 5 %et 8 %. En ce qui a trait au gros granulat, une pierre grani-tique de 10 mm a ete utilisee en raison des dimensions re-

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duites des corps d’epreuve de certains essais, notamment lespoutrelles bi-couches utilisees dans l’essai de retrait flexion-nel decrit precedemment. La composition des melanges etles resultats des essais sur beton frais sont presentes dans letableau 2.

Resultats et discussion

Essais de caracterisationLes resultats des essais de caracterisation mecanique en

compression et en fendage a 28 jours de meme que les me-sures de module elastique effectuees a la meme echeancesont compiles dans le tableau 3. Les resultats obtenus pourles deux betons de reference sont consideres normaux pourdes betons de rapport E/C = 0,40 avec air entraıne. Quantaux deux melanges fabriques avec du ciment type K, ilsemble que les proprietes mecaniques du materiau ne soientque peu affectees par l’expansion initiale. Cette derniere in-duit vraisemblablement de la microfissuration qui pourraitexpliquer les resistances en fendage legerement moindres(–14 %), mais les proprietes en compression (resistance,module) sont en contrepartie superieures. Autant pour lesbetons ordinaires que pour les betons a retrait compense,l’introduction de la fumee de silice conduit a une amelio-ration des proprietes mecaniques, particulierement en cequi a trait au module elastique.

Compensation du retraitCela a deja ete evoque, la periode de murissement est cru-

ciale pour que le caractere expansif des betons a retrait com-

pense se manifeste adequatement. L’objectif poursuivi enrealisant une serie preliminaire d’essais de retrait axial surles melanges de BRC a l’etude consistait a identifier un re-gime de murissement optimal permettant de maximiser l’ex-pansion tout en demeurant compatible avec les pratiques dechantier.

La figure 2 presente les resultats de retrait axial obtenuspour les melanges BRC-K et BRC-KS sur des eprouvettesde taille 40 mm � 40 mm � 160 mm. On observe toutd’abord que l’absence de cure apres le demoulage (dureeidentifiee de 12 h) ne confere aucune expansion aux deuxbetons. On constate par ailleurs que les cures de 3 et 7 joursdonnent des resultats peu differents en ce qui a trait au bilanexpansion–retrait avec, a long terme, des bilans respectifsde –440 mm/m et –500 mm/m. Le gain realise avec une curede 7 jours par rapport a une cure de 3 jours n’apparaıt apriori pas suffisant pour justifier un prolongement de lacure (au-dela des strictes considerations de durabilite).

La seconde serie d’essais, realisee sur des eprouvettes detaille plus importante (50 mm � 100 mm � 500 mm), sevoulait plus representative des conditions reelles d’utili-sation (rapport S/V effectif plus realiste). Les resultats sontpresentes sur le graphique de la figure 3. On observe cettefois une influence plus marquee sur le bilan volumetriquelorsque la duree du murissement est accrue de 3 a 7 jours,en particulier dans le cas du melange BRC-K, pour lequelle degre de compensation devient alors assez significatif(bilan lineique & –300 mm/m). Quoi qu’il en soit, l’analysedes graphiques indique que, dans le cas du melange BRC-K,l’exploitation du plein pouvoir de compensation du retraitnecessiterait vraisemblablement une periode de murissementa l’eau de l’ordre de 28 jours. Dans le cas du beton BRC-KS,la fumee de silice ampute une portion du pouvoir de com-pensation en inhibant partiellement la reaction expansive,de sorte que la pleine compensation se revele (du moinsapparemment) impossible. L’expansion totale mesuree surles eprouvettes de BRC-KS maintenues a 100 % H.R. n’at-teint que 400 mm/m, ce qui est insuffisant pour compenserpleinement le retrait de sechage. Le dosage en fumee desilice est donc un parametre important, car meme s’il estsouhaitable de minimiser les risques d’expansion incontro-lee a long terme, il ne faut pas non plus annihiler la phaseexpansive.

Il est important ici de souligner que les mesures de defor-mations axiales presentees sur les graphiques des figures 2et 3 sous-estiment necessairement l’expansion totale gene-ree, puisque les essais ne demarraient qu’a un age d’environ14 h. Ainsi, la pleine compensation dans le cas du melange

Tableau 1. Composition et finesse des liants.

CSA type 10 ASTM type K

Composition calculee

Compose ou propriete Bogue (%) Mehta (1973) (%)C3S 54 9,5C2S 19 54C3A 6 —C4AF 9 9C4A3S — 19CS 5 6Total 93,0 97,5

Surface specifique (m2/kg) 260 460

Nota : CSA, Association canadienne de normalisation [CSA A300-03(CSA 2003)]; ASTM, American Society for Testing and Materials[ASTM C845 (ASTM 2004b)].

Fig. 1. Representation schematique de l’essai de retrait flexionnel sur eprouvette composite.

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BRC-K est sans doute possible pour une periode de cure in-ferieure a 28 jours, et le pouvoir de compensation dans lemelange BRC-KS est de la meme facon plus important quene le laissent croire les resultats precedents.

Il est clair que le murissement joue un role de premierplan sur le bilan volumetrique. Pour exploiter le potentielexpansif de facon optimale, les resultats presentes sur le gra-phique de la figure 4, obtenus lors d’essais comparatifs surle melange BRC-K, montrent de plus que l’immersion estpreferable a une exposition a l’air humide sature a 100 %H.R. Des tendances similaires ont ete observees pour le me-lange BRC-KS.

Influence de la fumee de siliceLa figure 5 presente les resultats de retrait uniaxial pour

les melanges BO-10, BRC-K et BRC-KS dans des condi-tions de murissement a l’eau prolonge. On y observe descomportements expansifs nettement differents. Alors quel’expansion du melange BRC-K se poursuit pendant environles 28 premiers jours de cure, le melange BRC-KS voit saphase expansive s’estomper peu apres 3 jours. A long terme,l’expansion du melange BRC-K atteint presque 1000 mm/m,alors qu’elle n’est que d’environ 400 mm/m dans le cas dumelange BRC-KS. Contrairement a ce qui aurait pu etre an-ticipe, on ne remarque pas d’effet significatif en ce qui atrait a la cinetique d’expansion (pendant la periode ou il y aexpansion active dans les deux systemes). Quoi qu’il en soit,il apparaıt clair que la fumee de silice peut jouer un role im-portant pour le controle ou la limitation de l’expansion.

Le controle de l’expansion par la fumee de silice ne peutetre du uniquement au facteur de dilution. En effet, la teneuren agent expansif moindre (de 8 %) ne peut pas expliquer aelle seule l’amplitude fortement reduite et l’interruption dela phase expansive apres seulement un peu plus de 3 jours.

Cycles de mouillage–sechageLes resultats des essais ou les eprouvettes ont ete soumi-

ses a des cycles de mouillage–sechage apparaissent sur les

graphiques de la figure 6. On observe que l’expansion subiepar les eprouvettes lors d’une re-immersion a environ285 jours et 770 jours est similaire pour les deux melangesde betons a retrait compense, quelle que soit la duree dumurissement initiale (0, 3 ou 7 jours). Les resultats ne met-tent pas en evidence une reprise significative de l’expansioncausee par la production d’ettringite, puisque, d’une part,l’amplitude de la deformation n’est pratiquement pas affec-tee par la duree de murissement initiale et, d’autre part, lacontraction subie lorsque le materiau est a nouveau exposea 50 % H.R. est d’amplitude a peu pres egale a l’expansionprealable. Ainsi, il semble que l’expansion a long terme soitessentiellement associee a la re-saturation du materiau. Surles graphiques de la figure 6, les courbes lissees de sechagesans cycle de mouillage sont presentees a titre comparatif etont ete obtenues en extrapolant avec la fonction de lissage apartir de 200 jours.

Durabilite au gel

Essais de gel–degelLa figure 7 presente l’evolution de la valeur relative du

module et des deformations au cours des essais de gel–degelpour les quatre melanges. Les resultats du melange BO-10sont consideres normaux pour un beton de cette classe avecun reseau d’air entraıne adequat. Si l’on ne considere que lesmesures de deformation, le melange BRC-K n’est pas du-rable, puisque sa deformation excede la limite de 0,06 %.Or, l’interpretation des resultats de l’essai gel–degel pourles betons a retrait compense doit etre faite en tenant comptede leur caractere expansif. En effet, cette deformation est lasomme des deformations dues a la poursuite de l’expansionchimique et, le cas echeant, des deformations associees auxdommages internes causes par le gel. La figure 8 presenteles resultats d’un essai supplementaire ou, parallelement al’essai de gel–degel, une eprouvette temoin du meme me-lange a ete conservee en conditions de saturation continue a23 8C. La presque superposition des courbes demontre que

Tableau 2. Formulation des betons et resultats des essais sur beton frais.

Constituant ou propriete du beton frais BO-10 BO-SF BRC-K BRC-KSCiment type 10 (kg/m3) 400 368 — —Ciment type K (kg/m3) — — 400 368Eau (kg/m3) 160 160 160 160Sable (2,5–10 mm) (kg/m3) 735 735 855 855Pierre (5–10 mm) (kg/m3) 974 974 893 893Superplastifiant (L/m3) 3,2 4,0 7,3 8,0Agent entraıneur d’air (mL/m3) 100 92 100 91Affaissement (mm) 140 130 150 110Teneur en air (%) 5,4 5,5 7,4 6,0

Tableau 3. Proprietes mecaniques des betons a 28 jours.

Substrat Materiaux de reparation

Propriete* BO-10 BO-10 BO-SF BRC-K BRC-KSResistance en compression (MPa) 52,5 60,7 70,8 76,9 78,4Resistance en fendage (MPa) — 4,1 4,3 3,5 3,7Module elastique (GPa) 32,8 32,8 40,0 34,5 40,0

*Eprouvettes cylindriques 100 mm � 200 mm muries dans de l’eau saturee de chaux et surfacees surmeule a diamant.

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l’expansion mesuree dans les corps d’epreuve soumis auxcycles de gel–degel est essentiellement due a la poursuitede l’expansion d’origine chimique (a la faveur des condi-tions d’essai), et non a cause du gel. Les cycles de gel–degeln’ont donc pas provoque d’endommagement significatifpour le melange BRC-K, comme en temoigne d’ailleurs lefacteur de durabilite de 100 %.

Les resultats obtenus avec les deux melanges incorporantde la fumee de silice sont quant a eux insatisfaisants, vrai-semblablement en raison de reseaux d’air entraıne deficients(voir le tableau 4). Dans le cas du melange BRC-KS, on nesaurait mettre ici en cause le mecanisme de compensation,car l’expansion enregistree au terme de la periode de muris-sement humide etait significativement moins prononcee que

celle du melange BRC-K (caractere inhibiteur de la fumeede silice).

Essais d’ecaillageOn observe sur la figure 9 que les deux melanges de

beton a retrait compense se comportent bien a l’ecaillage etque, comme le beton de reference BO-10, ils rencontrentlargement le critere d’une perte de masse inferieure a 1 kg/m2

apres 50 cycles. Ainsi donc, meme si l’expansion a pu se pour-suivre dans les corps d’epreuve des BRC avec un apport d’eauconstant en periodes de degel, cela n’a pas eu de consequenceapparente sur la resistance a l’ecaillage. Il peu paraıtre eton-nant de constater le bon comportement a l’ecaillage du me-lange BRC-KS, compte tenu des resultats inadequats obtenus

Fig. 3. Resultats des essais de retrait axial sur eprouvettes50 mm � 100 mm � 500 mm exposees sur deux faces longitudi-nales (w = 100 mm) apres differents regimes de murissement al’eau (12 h, 3 jours, 7 jours) et exposition a 50 % H.R. et 23 8C(28 jours : immersion continue) : (a) melange beton a retraitcompense (BRC)-K; (b) melange BRC-KS.

Fig. 2. Resultats des essais de retrait axial sur eprouvettes40 mm � 40 mm � 160 mm apres differents regimes de murisse-ment a l’eau (12 h, 3 jours, 7 jours) et exposition a 50 % H.R. et23 8C : (a) melange BRC-K; (b) melange BRC-KS.

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dans l’essai de resistance aux cycles de gel–degel. Pours’assurer de la viabilite d’un BRC de reparation fait avec duciment type K et de la fumee de silice, des verifications appro-fondies devront etre realisees, en s’assurant la mise en oeuvred’un reseau d’air entraıne adequat.

L’effet de precontrainteOn retrouve sur la figure 10, les resultats des essais de re-

trait flexionnel sur poutrelles bi-couches effectues pour lesquatre betons de reparation consideres. Au cours des 7 pre-miers jours, les eprouvettes ont ete maintenues a 100 %H.R. Dans le cas des eprouvettes resurfacees avec les betonsde reference (BO-10 et BO-SF), il est normal que la defle-xion enregistree au cours de cette periode soit presque negli-geable, car l’expansion causee par le murissement continuest relativement faible. Les deux eprouvettes recouvertes

avec des BRC affichent quant a elles une contre-courbureinitiale importante induite par l’expansion du materiau dereparation. La cinetique d’expansion des eprouvettes de cha-cune des deux series est sensiblement la meme jusqu’a envi-ron 3 jours. Au-dela de cette duree, il y une stabilisation del’expansion dans les eprouvettes reparees avec le melangeBRC-KS. C’est le phenomene de controle de l’expansiondiscute precedemment qui en est responsable.

Ces resultats demontrent que l’expansion du beton dereparation engendre une precontrainte significative tres rapi-dement en debut d’hydratation. De plus, il ne semble pas yavoir de perte d’adherence appreciable entre les deux cou-

Fig. 6. Resultats des essais de retrait axial sur eprouvettes 50mm � 100 mm � 500 mm exposees sur deux faces longitudinales(w = 100 mm) apres differents regimes de murissement a l’eau (12h, 3 jours, 7 jours) et soumises a des cycles mouillage–sechage(100 % H.R. et 23 8C; 50 % H.R. et 23 8C) : (a) melange BRC-K;(b) melange BRC-KS.

Fig. 5. Influence de l’ajout de fumee de silice sur l’expansion enimmersion continue.

Fig. 4. Expansion enregistree selon le type de murissement (de-moulage a 24 h) pour le melange a retrait compense BRC-K. H.R.,humidite relative.

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ches de beton. En effet, en comparant les resultats de retraitaxial (fig. 3) et de retrait flexionnel (fig. 10) des melangesBRC-K et BRC-KS, on observe que le rapport de leursfleches est approximativement egal au rapport de leurs de-formations axiales (rapport de l’ordre de 2). Sur la figure11, les amplitudes et cinetiques de cambrement similairesaffichees en phase de sechage (fleches comptees a partir dumoment ou les corps d’epreuve sont exposes a l’air) par lesquatre materiaux etudies temoignent egalement de lapreservation de l’integrite du lien. De facon systematique,on remarque sur la meme figure que la portion de la flecheattribuable uniquement au gradient de sechage est legere-ment plus importante dans les betons fabriques avec leciment type K et diminue quelque peu avec l’introductionde la fumee de silice.

Les resultats precedents confirment donc qu’il est possibledans un systeme repare de mobiliser par adherence la res-

triction necessaire pour exploiter adequatement le potentielde compensation (caractere expansif) des BRC, en induisantdes efforts de precontrainte des les premiers instants dumurissement. Pour les systemes consideres (materiaux,geometrie des corps d’epreuve, duree du murissement, etc.),des diminutions de l’ordre de 65 % a 85 % de la fleche resi-duelle ont ete obtenues avec les BRC par rapport aux betonsde reference. En tenant compte de la portion initiale de laphase expansive qui n’est pas detectee par les mesures(premieres 10 a 18 h), il est vraisemblablement possible deprevenir completement les efforts de traction decoulant dugradient d’humidite. Ceci pourrait suffire a justifierl’utilisation des BRC dans le domaine des reparations, car,comme le demontrent des resultats de simulations surmodele (Bissonnette et Pigeon 2000), une portion tres signi-ficative, voire determinante, des efforts de traction induitsdans un element expose au sechage sur une seule face estattribuable au gradient de retrait et au tuilage gene.

Durabilite de l’adherenceSans une adherence durable, l’effet essentiel de precon-

trainte ne pourrait etre mobilise et maintenu, et le ciment ex-pansif n’aurait pas veritablement d’utilite pour le typed’applications concerne par cette etude.

Evolution de l’adherence — essais de traction directeL’evolution de l’adherence dans le temps a ete caracteri-

see au moyen d’essais de traction directe sur des eprouvettescylindriques forees dans des elements composites. Les resul-tats compiles dans le tableau 5 indiquent de facon generaleque les resistances en traction a l’interface sont similairespour les quatre materiaux consideres et qu’elles augmententavec la maturite. Le seul resultat discordant est celui obtenupour le melange BRC-KS a 28 jours, vraisemblablementattribuable a un defaut dans le dosage de l’adhesif epoxy-dique, puisque pour la plupart des eprouvettes testees a cette

Fig. 8. Evolution comparative des deformations axiales pour lemelange BRC : cycles de gel–degel versus immersion dans l’eau a23 8C.

Fig. 7. Resultats des essais de gel–degel [ASTM C666 (ASTM2003a)] : (a) evolution du module; (b) evolution de l’expansion.

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echeance, la rupture est survenue au joint colle–beton. Ainsi,la valeur indiquee de 2,56 MPa n’est pas representative,mais elle fournit a tout le moins une limite inferieure. Enanalysant d’un peu plus pres les resultats, il apparaıt que laphase expansive des BRC ne nuit pas au developpement desforces d’adhesion et de cohesion dans la zone interfaciale.

Les valeurs en general un peu plus elevees enregistreespour les deux betons expansifs (BRC-K et BRC-KS) tendentau contraire a demontrer que l’expansion du materiau dereparation, genee de facon particulierement efficace auvoisinage de l’interface, induit une forme de precontraintefavorable dont l’effet semble se maintenir dans le temps.

Comme on peut l’observer dans le tableau 5, les valeursd’adherence en traction directe enregistrees varient entre2,34 et 3,65 MPa, ce qui est relativement eleve par rapportaux valeurs rapportees usuellement (en pratique, des valeursoscillant plutot entre 0,5 et 1,5 MPa sont rapportees). De telsresultats s’expliquent probablement, d’une part, par une pre-paration de surface de qualite (sablage et etat SSS) pratiqueedans des conditions bien controlees et, d’autre part, par laplus grande fiabilite de l’essai de traction directe sur carottepar rapport a l’essai d’arrachement CSA A23.2–6B (CSA2004) (defauts d’alignement moins importants).

Adherence en fendageLe tableau 5 presente les resultats obtenus pour les quatre

betons de l’etude apres un regime 7 jours de cure humide et21 jours de sechage a 50 % H.R. et 23 8C. Dans l’ensemble,ces resultats confirment ceux obtenus dans les essais detraction directe. On remarque notamment que la resistanceen fendage mesuree a 28 jours dans le cas du melangeBRC-KS est superieure a celle obtenue avec le melangetemoin correspondant (BO-SF), ce qui est coherent avec lesresultats des essais de traction directe a 7 jours. En accordavec ce qui est generalement rapporte dans la documentation

Fig. 11. Resultats des essais de retrait flexionnel sur poutrellescomposites pour les quatre melanges apres un murissement a l’eaude 7 jours; fleche comptee depuis le debut du sechage.

Fig. 9. Resultats des essais d’ecaillage en presence de sels degla-cants [ASTM C672 (ASTM 2003b)].

Fig. 10. Resultats des essais de retrait flexionnel sur poutrellescomposites pour les quatre melanges apres un murissement a l’eaude 7 jours; fleche comptee depuis le demoulage.

Tableau 4. Caracteristiques du reseau de bulles d’air mesurees sur beton durci [ASTMC457 (ASTM 2006b)].

Caracteristique BO-10 BO-SF BRC-K BRC-KSTeneur en air (%) 4,4 4,7 7,4 4,1Surface specifique des bulles d’air (mm–1) 17,9 15,4 14,1 13,4Facteur d’espacement des bulles d’air (mm) 278 317 242 414

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scientifique, les resultats en fendage sont plus eleves queceux obtenus en traction directe (en moyenne de 42 %).

ConclusionL’utilisation de ciment expansif type K dans la formula-

tion des betons de reparation montre un potentiel fort inte-ressant. Les principaux points qui se degagent de l’etudesont les suivants :. Outre les precautions fondamentales relatives au murisse-

ment, la mise en œuvre des BRC n’entraıne pas de diffi-cultes particulieres, du moins sur la base de l’experienceen laboratoire.

. Le comportement au gel et a l’ecaillage des BRC sembleadequat, mais il importe d’analyser adequatement les re-sultats en regard de la procedure d’essai.

. Du fait de la precontrainte generee pendant l’expansioninitiale, l’utilisation de BRC comme materiau de repara-tion permet de compenser presque entierement la ten-dance au tuilage et, implicitement, les efforts de tractionqui en resultent dans le resurfacage. Il est donc envisage-able de mettre en œuvre des reparations exemptes de fis-sures.

. L’adherence du BRC sur un support de beton ancien n’estpas affectee par l’expansion initiale et, dans les conditionsde l’etude, des resistances a l’arrachement particuliere-ment elevees ont ete mesurees.

. L’utilisation de la fumee de silice en remplacement dansle ciment type K n’a pas resulte en l’effet attendu quanta la cinetique initiale d’expansion, mais elle permetclairement de limiter l’expansion maximale en conditionsde murissement continu et d’attenuer les variationsvolumiques sous l’effet de cycles repetes de mouillage–sechage.Pour valider le potentiel des BRC, comme materiaux de

reparation, il faudra proceder a des essais in situ avec desplanches experimentales de taille reelle. De plus, certains as-pects demeurent a preciser ou encore a etudier en labora-toire. On devra notamment se pencher sur la celerite de lamesure de deformation axiale afin de mieux evaluer le bilanvolumetrique effectif. De meme, des essais complementairesdevront etre conduits en relation avec les ajouts mineraux, lecomportement volumetrique a long terme et le comporte-ment au gel des BRC avec fumee de silice. Par ailleurs, larobustesse des BRC en fonction des couplages liant–adjuvants doit etre etudiee de facon approfondie, car lesperformances sur le terrain peuvent en etre considerable-ment affectees (Bedard et Mailvaganam 2006). Enfin, ilest necessaire d’evaluer de la meme facon le potentiel debetons a retrait compense fabriques avec un ciment Port-land et un agent expansif ajoute (p. ex. agent expansif de

type CaO), compte tenu de la souplesse offerte par cetype de systeme.

RemerciementsCette etude a ete supportee financierement par le Conseil

de recherches en sciences naturelles et en genie du Canada(CRSNG), le Fonds quebecois de la recherche sur la natureet les technologies (FQRNT) et les partenaires de la Chaireindustrielle sur la reparation durable et l’entretien optimisedes infrastructures en beton de l’Universite Laval (CimentSt-Laurent, BASF Building Systems, Euclid, Hydro-Que-bec, Lafarge, Materiaux King, Ministere des Transports duQuebec, Ville de Montreal, Ville de Quebec et W.R.Grace).

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Tableau 5. Caracterisation et evolution de l’adherence.

EssaiEcheance(jours) BO-10 BO-SF BRC-K BRC-KS

Resistance en traction directe (MPa) 7 2,88 2,34 2,91 2,8228 3,54 >3,60* >3,65* >2,56*

Resistance en fendage (MPa) [ASTM C496(ASTM 2004a)]

28 3,58 3,62 3,83 4,40

*Ruptures survenues au joint adhesif–beton.

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