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La protection des plus vulnérables : L’évolution des lois de la protection de l’enfance au Québec et en Ontario Soumis par : Genna Evelyn (111 113 398) À l’attention de : Professeure Julie Desrosiers Dans le cadre du cours : DRT-7001 : Cours individualisé Université Laval Faculté de Droit Travail remis le 28 avril 2015

Evelyn, Genna - DRT 7001 - Travail de la fin de la session

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La protection des plus vulnérables :

L’évolution des lois de la protection de l’enfance au Québec et en Ontario

Soumis par :

Genna Evelyn (111 113 398)

À l’attention de :

Professeure Julie Desrosiers

Dans le cadre du cours :

DRT-7001 : Cours individualisé

Université Laval

Faculté de Droit

Travail remis le 28 avril 2015

Page 2: Evelyn, Genna - DRT 7001 - Travail de la fin de la session

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Table des matières

Introduction ........................................................................................................... 3

Première partie ........................................................................................................... 5

1. L’évolution de la législation de la protection de la jeunesse en Ontario et au

Québec ......................................................................................................................... 5

1.1 La genèse des lois de protection de la jeunesse (les années 1800) .............................. 5 1.1.1 Ontario; « l’enfance » apparaît au Haut-Canada .................................................................. 6 1.1.2 Québec; l’Église et les enfants « errants » ........................................................................... 8 1.1.3 Communautés autochtones; Les séquelles de la colonisation ............................................... 9

1.2 L’histoire de la législation actuelle (fin du 19e siècle jusqu’au début des années

2000) ................................................................................................................................. 11 1.2.1 Des années 1870 aux années 1960 .................................................................................... 12

1.2.1.1 Ontario — Des écoles industrielles à la législation sur la protection ......................................... 12 1.2.1.2 Québec — Trois pas en avant, deux pas en arrière ................................................................... 15 1.2.1.3 Communautés autochtones — La période de l’assimilation ...................................................... 19

1.2.2 Des années 1960 aux années 1980 .................................................................................... 21 1.2.2.1 Ontario — Les réponses aux progrès de la recherche ............................................................... 22 1.2.2.2 Québec — Des réformes radicales ........................................................................................... 24 1.2.2.3 Communautés autochtones — La période de la protection de la jeunesse .................................. 25

1.2.3 Des années 1980 au début des années 2000....................................................................... 29 1.2.3.1 Ontario — Développement de la Loi sur les services à l’enfance et à la famille ........................ 29 1.2.3.2 Québec — Développement de la Loi sur la protection de la jeunesse ........................................ 30 1.2.3.3 Communautés autochtones — Progression vers l’autodétermination ........................................ 32

1.3 Résumé de première partie ....................................................................................... 36

Deuxième partie .........................................................................................................38

2. Quelques aspects particuliers au Québec et à l’Ontario dans leurs approches

actuelles ......................................................................................................................38

2.1 L’accent mis sur la famille au Québec ...................................................................... 39 2.1.1 Les besoins des parents sont prioritaires ........................................................................... 39 2.1.2 La prise en compte des ressources de la famille ................................................................ 41 2.1.3 Droits de familles d’accueil .............................................................................................. 41

2.2 L’accent mis sur l’enfant en Ontario ......................................................................... 43 2.2.1 Augmentation du nombre des motifs d’intervention .......................................................... 43 2.2.2 Des dispositions plus fortes liées à la déjudiciarisation...................................................... 45 2.2.3 Une exception notable : la non-protection des enfants âgés de 16 à 18 ans ........................ 45

2.3 Les protections spécifiques à la protection des enfants autochtones au Québec et en

Ontario ............................................................................................................................. 46

2.4 Résumé de la deuxième partie ................................................................................... 47

Conclusion ........................................................................................................... 49

Bibliographie ....................................................................................................... 50

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3

Introduction

Au Canada, les divers paliers de gouvernement ont tenté de plusieurs façons de lutter contre les

sévices et contre la négligence à l’endroit des enfants au cours des années. Alors que le

gouvernement fédéral a un rôle à jouer à cet égard (élaboration de dispositions du Code criminel,

lutte contre la négligence des enfants sur les réserves indiennes), il est aussi reconnu que les

législations provinciales traitent de la protection de la jeunesse ; elles constituent le moyen

juridique le plus important pour faire face à la problématique des enfants maltraités au Canada1.

C’est en raison d’une longue histoire de partage des pouvoirs entre les provinces et le

gouvernement fédéral du Canada que la protection des enfants est devenue de compétence

provinciale2.

Les systèmes de protection de la jeunesse développés dans chaque province partagent de

nombreuses similitudes en ce qui concerne la compétence, la procédure et la structure de

financement3. Il est clair que ces systèmes de protection de la jeunesse ont comme objectif

principal la promotion de la sécurité et du bien-être des enfants4. Au-delà de ces principes de

base, cependant, une analyse comparative de la législation actuelle révèle de nombreuses et

importantes différences d’une province à l’autre. Des différences notamment au chapitre des

définitions, des niveaux de protection accordée et de l’autorité relative de l’État quant à son

implication dans les affaires privées des familles.

1 Brian R. Howe, « Implementing children's rights in a federal state Canada's child protection system », (2001) 9 Int'l

J. Child. Rts. 361 (HeinOnline) à la page 361 ; Code criminel, LRC 1985, c C-46 [Code criminel].

2 Commission to Promote Sustainable Child Welfare, « Jurisdictional comparisons of child welfare system design:

working paper no. 2 », (2010), en ligne : Sustaining Child Welfare

<http://www.sustainingchildwelfare.ca/assets/jurisdictional-comparisons-child-welfare-system-design-

20100721.pdf>, à la page 19.

3 Ibid.

4 Pamela Gough, « Ontario’s child welfare system », (2005), en ligne : Centre of Excellence for Child Welfare,

Information #31E <http://cwrp.ca/sites/default/files/publications/en/OntChildWelfareSystem31E.pdf> à la page 1.

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4

Il y a eu des recherches et des publications portant sur le développement des systèmes de

protection de la jeunesse au Canada. Plusieurs auteurs et spécialistes ont écrit sur les différentes

méthodes (en travail social) utilisées par les provinces, ainsi que sur les différences entre les

réponses législatives apportées par les gouvernements provinciaux. Toutefois, une revue fine de

la littérature indique que les causes et les effets possibles de ces variations législatives entre les

provinces ont peu été explorés. On reconnaît néanmoins que les nombreuses lois régissant le

bien-être des enfants reposent sur des hypothèses dissemblables quant aux obligations des parents

et quant aux lignes directrices suivies par les gouvernements (quand et comment l’État doit-il

s’impliquer ?)5. Une analyse comparative et historique est pertinente pour expliquer les tendances

actuelles et pour mettre en évidence les préjugés possibles. Elle aidera à prévoir les

développements futurs en matière de législation englobant la protection de la jeunesse.

Ainsi, dans les parties qui suivent, le cadre historique et les fondements de la législation

québécoise actuelle concernant la protection de l’enfance seront comparés à ceux de l’Ontario. La

première partie examinera la législation de ces provinces à des périodes précises de leur histoire,

et elle prendra en considération le développement d’une législation particulière visant les enfants

autochtones dans les deux provinces. L’objectif de cette première partie est de vérifier si la

trajectoire législative de chaque province en matière de protection de la jeunesse repose sur des

fondements théoriques distincts (en fonction desquels chacune tend à ancrer ses approches

législatives ad hoc). La deuxième partie mettra quant à elle en évidence certaines des différences

actuelles entre les lois de ces provinces, et ce, à la lumière des fondements historiques identifiés

au départ.

5 Brian Wharf, Rethinking child welfare in Canada, Toronto, McClelland & Stewart Inc., 1993 à la page 13.

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5

Première partie

1. L’évolution de la législation de la protection de la jeunesse en Ontario et au

Québec

Cette comparaison des lois québécoises et ontariennes sur la protection de la jeunesse commence

par un aperçu de leurs origines respectives et de leurs fondements législatifs. Afin de faciliter le

comparatif, la présente partie examine d’abord l’époque d’avant les premiers projets de loi, pour

ensuite se centrer sur l’époque suivant l’introduction de la législation. Cette deuxième période est

elle-même divisée en trois sous-périodes : les années 1870 aux années 1960, les années 1960 aux

années 1980, et les années 1980 au début des années 2000. Cette subdivision reflète les virages

majeurs qui se sont produits dans la législation de la protection de la jeunesse en Ontario et au

Québec (incluant les milieux autochtones).

1.1 La genèse des lois de protection de la jeunesse (les années 1800)

Il semble qu’il n’y ait jamais eu d’« Âge d’or » en ce qui a trait aux relations familiales.

L’analyse historique démontre, en effet, qu’il y a toujours eu un certain nombre d’enfants au

Canada qui ont dû affronter des moments difficiles, voire très pénibles, et qui en ont souffert. Au

Canada, comme dans d’autres pays développés, le soutien et la sécurité des enfants ont été

historiquement dépendants d’indicateurs comme la santé, l’intégration, le sexe, la race, la

capacité, la rareté des ressources et le classement social relatif (des enfants et de leurs tuteurs

potentiels)6.

Malheureusement, à l’époque du Canada naissant, les durs hivers, le taux de mortalité

infantile élevé, la montée de l’industrialisation et l’urbanisation rapide ont aggravé la détresse

vécue par les familles de chaque côté de la frontière7. Les systèmes de protection de l’enfance du

Québec et de l’Ontario ont été créés dans ce contexte. Les législateurs et les divers intervenants

6 Brian Wharf, Community work approaches to child welfare, Peterborough, Broadview Press, 2002 [Wharf, « Community »] aux pages 30-31.

7 Ibid à la page 30.

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6

d’alors ont tenté d’apporter des mesures palliant les rigueurs sociales et économiques touchant les

Canadiens du 19e siècle

8. Cette période, quant à notre objet, peut être vue comme une sorte de

genèse ; il n’y avait pas de législation ni au Québec ni en Ontario traitant directement des

questions de négligence envers les enfants.

1.1.1 Ontario; « l’enfance » apparaît au Haut-Canada

Au début des années 1800, dans le Haut-Canada (aujourd’hui l’Ontario), le placement en

apprentissage était la principale façon de prendre en charge les orphelins et les enfants

abandonnés. La législation sur l’apprentissage se focalisait sur le succès du placement d'enfants à

charge alors que le bien-être des enfants a été considéré comme une préoccupation secondaire. À

la même période, l’Ontario a mis en place un système d’orphelinats ; ceux-ci s’occupaient des

orphelins et des enfants abandonnés, mais pas des enfants négligés ou maltraités. Dans les années

1850, les orphelinats ontariens ont été jumelés au système du placement en apprentissage ; les

orphelinats ont recherché des placements en apprentissage adaptés à leurs pupilles et ont tenté de

placer tous leurs enfants avec succès. On souhaitait ainsi s’attaquer à la problématique de tous les

enfants négligés. Les enfants encore trop jeunes pour être apprentis et ceux qui étaient handicapés

restaient dans les orphelinats à long terme. Par conséquent, les adoptions sont devenues la priorité

seulement dans les cas où le placement en apprentissage n’était pas adapté au problème vécu par

l’enfant9.

Dans les années 1870, le développement industriel de l’Ontario s’est accéléré et la

population a rapidement augmenté. La pauvreté s’est étendue, les conditions de logement dans

certaines zones se sont beaucoup dégradées et le taux de chômage a continué de grimper en dépit

de l’arrivée incessante de nouvelles manufactures10

. Malgré cela, le gouvernement a refusé

d’adopter le système législatif européen visant à aider les personnes pauvres (« Elizabethan Poor

Law »)11

. Le gouvernement jugeait que les familles canadiennes étaient aptes à trouver des

8 Neil Gilbert, Combatting child abuse : international perspectives and trends, New York, Oxford University Press,

1997 [Gilbert, « Combatting »] à la page 38.

9 Andrew Jones et Leonard Rutman. In the children’s aid : J.J. Kelso and Child Welfare in Ontario, Toronto,

University of Toronto Press, 1981 [Jones, « Kelso »] à la page 27.

10 Ibid à la page 16.

11 Wharf, « Community », supra note 6 à la page 30.

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7

moyens de faire face à la détresse et qu’elles pouvaient suivre des principes d’autosuffisance et

compter sur l’aide des organismes privés de bienfaisance12

. Une citation d’un article de journal,

paru à Toronto en 1874, résume l’attitude qui prévalait à l’époque :

Promiscuous alms giving is fatal […] it is the patent process for the

manufacture of paupers out of the worthless and improvident. A poor law is

a legislative machine for the manufacture of pauperism. It is true mercy to

say that it would be better that a few individuals should die of starvation than

that a pauper class should be raised up […]13

.

Malheureusement, une telle attitude, et le manque de soutien social qui en est le

corollaire, ont eu une conséquence tout aussi dramatique : les asiles et les hôpitaux sont devenus

des refuges pour ceux et celles qui souffraient, qui vivaient dans des conditions sordides et dans

le froid des hivers canadiens14

. L’augmentation des cas de négligence et de maltraitance à

l’endroit des enfants découle également de ces circonstances15

.

Dans les années 1880, la classe moyenne ontarienne était « en santé » ; les gens avaient

plus de temps libre et d’aucuns eurent des préoccupations sociales. Les enfants de cette classe

n’avaient pas à participer aux revenus de la famille et les parents veillaient davantage à bien les

nourrir. Simultanément, toutefois, des problèmes sociaux comme la délinquance, les sévices et la

négligence envers les enfants devenaient plus visibles dans les grands centres urbains où

affluaient les familles d’origine rurale. En raison de ces bouleversements, il se développa un

intérêt pour le concept d’« enfance » et pour le rôle que devaient jouer les familles dans le bien-

être des enfants16

.

L’environnement dans lequel les enfants étaient élevés devint peu à peu un enjeu. La vie

émotionnelle des enfants prit de l’importance. Le besoin de familles stables, sûres et affectueuses

était souligné. À cette époque, en outre, de plus en plus de personnes tendent à croire que la

12 Ibid.

13 Jones, « Kelso », supra note 9 à la page 16.

14 Wharf, « Community », supra note 6 à la page 31.

15 Jones, « Kelso », supra note 9 à la page 27.

16 Ibid à la page 26.

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prévention de la négligence chez des enfants est efficace pour prévenir la criminalité. Le lien

direct entre la maltraitance, la délinquance juvénile et la criminalité adulte est senti ; on en

discute. Ainsi, à la fin du siècle, un grand intérêt s’est développé en Ontario pour la prévention

des troubles sociaux à partir d’une sensibilisation aux problèmes de négligence envers les

enfants17

.

1.1.2 Québec ; l’Église et les enfants « errants »

Au Québec, la préoccupation grandissante du public quant au sort des enfants maltraités est à

l’image de celle de l’Ontario à plusieurs égards18

. Jusqu’à 1850, les problèmes familiaux sont

considérés comme relevant (en ordre) des parents, des membres de la famille, des voisins et des

communautés paroissiales19

. Les interventions par des tiers hors de cet univers de proximité

étaient rares20

. Cependant, la densification des centres urbains, à Montréal et à Québec, ainsi que

l’arrivée continue de nouvelles populations d’immigrants ont complexifié la problématique de la

négligence et de la maltraitance ; les cercles familiaux et la paroisse n’étaient plus en mesure de

faire face à la situation21

.

En raison de sa culture distincte, quelques différences sont à relever dans la manière dont

on s’est occupé des enfants maltraités au Québec22

. Ainsi, comparativement à l’Ontario où

l’organisation étatique de la charité (à l’européenne) a été rejetée, le Québec n’a pas relégué les

soins aux pauvres et aux maux pris dans la sphère privée. L’influence de la France et du reste de

l’Europe s’y est manifestée en ce qui a trait aux œuvres de bienfaisance et, plus globalement, à la

17 Ibid aux pages 26-27.

18 Gilbert, « Combatting », supra note 8 à la page 5.

19 Renée Joyal, L'évolution de la protection de l'enfance au Québec : Des origines à nos jours, Montréal, Les Presses

de l’Université du Québec, 2000 [Joyal, « L’évolution »] à la page 1 ; Desrosiers, Julie et Lucie Lemonde. « Les

centres de réadaptation : protéger les uns et punir les autres (1869 - ) », (2000) 34 R.J.T. 409. Page 442.

20 Joyal, « L’évolution », supra note 19 à la page 1.

21 Ibid aux pages 1-2 ; Desrosiers, « Les centres », supra note 19 à la page 441.

22 Gilbert, Neil et coll., Child protection systems : international trends and orientations, Oxford, Oxford University

Press, 2011 [Gilbert, « Child »] à la page 5.

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9

lutte contre l’augmentation des problèmes sociaux liés à l’industrialisation23

. L’Église catholique

a eu une influence et un pouvoir considérable dans le développement des « services sociaux » au

Québec24

. Si l’accent a été mis du côté ontarien sur l’autosuffisance familiale (qui visait le

dépassement de soi par le placement en apprentissage et par la valorisation des familles

d’accueil), au Québec, l’insistance a plutôt été mise sur la notion de « charité chrétienne ». Dans

ce contexte, le rôle de l’Église catholique s’est accru ; dans sa bienveillance, l’Église venait

naturellement en aide aux enfants négligés25

.

Alors qu’au 19e siècle tant l’Ontario que le Québec utilisent en somme les orphelinats et

les placements en apprentissage pour s’occuper des enfants négligés, l’Ontario démontre une

préférence pour le placement en famille d’accueil des pupilles. Au Québec, l'Église catholique a

favorisé le modèle institutionnel et a préféré garder les enfants maltraités dans des orphelinats26

.

1.1.3 Communautés autochtones ; les séquelles de la colonisation

Même s’il existe peu de documents traitant du bien-être des enfants autochtones avant la

colonisation du Canada, il n’y a pas de raison de supposer que les enfants autochtones aient été

complètement à l’abri de la maltraitance et de la négligence parentales. Les communautés

autochtones ne formaient pas une culture homogène. Les traditions et les pratiques des tribus

étaient variées, y compris à l’égard de la hiérarchie sociale, du sexe et des relations entre adultes

et enfants27

. Bien qu’il existe des preuves montrant, dans de nombreuses traditions précoloniales,

que des autochtones avaient des pratiques éducatives plus douces que celles issues des cultures

européennes, il y a aussi des indices qui suggèrent que les enfants autochtones n’étaient pas

toujours traités avec tendresse. Aucune société n’est parfaite. Dans n’importe quelle

communauté, certains membres, parfois les plus vulnérables, sont plus à risque que d’autres de

23 Joyal, « L’évolution », supra note 19 à la page 2.

24 Desrosiers, « Les centres », supra note 19 à la page 441.

25 Gilbert, « Child », supra note 22 à la page 5.

26 Ibid.

27 Wharf, « Community », supra note 6 à la page 31 ; Paula Weightman, First Nations child welfare in Québec,

mémoire de MSW, 2012 [non publié] [Weightman, « First Nations »] à la page 11.

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10

souffrir de mauvais traitements, a fortiori lorsque des problèmes (rareté des ressources, conflits,

etc.) touchent l’ensemble de la communauté28

.

Cela dit, il est clair que les communautés autochtones ont élaboré leurs propres solutions

pour régler les problèmes associés à la négligence et pour s’occuper des orphelins, et ce bien

avant l’arrivée des colons européens. « L’adoption traditionnelle » et la « tutelle traditionnelle »

chez les communautés autochtones sont des exemples bien documentés de services de garde

archaïques, pour ainsi dire. Ces formes de prise en charge ont depuis lors été formalisées dans

certaines des lois canadiennes sur la protection des enfants29

.

Les données sur les communautés autochtones avant la colonisation sont souvent

difficiles à obtenir. Les informations disponibles portant sur l’époque suivant la colonisation, par

contre, révèlent clairement qu’à bien des égards la condition des enfants dans les communautés

autochtones s’est détériorée après l’arrivée des colons européens30

. Compte tenu des visées

« normales » du colonialisme, la chose n’est pas surprenante ; créer une dépendance par tous les

moyens permettait aux colonisateurs d’exploiter davantage les autochtones31

. Les monographies

et documents historiques révèlent aussi que suite à la colonisation, de nouvelles maladies ont

frappé les populations autochtones, provoquant une hausse considérable du nombre de

handicapés et d’orphelins32

.

En même temps, l’épuisement des ressources accéléré par l’immigration coloniale a

conduit à la malnutrition. Les guerres et les offensives « civilisatrices » des Blancs ont

interrompu les schémas sociaux traditionnels des communautés autochtones, schémas parmi

lesquels figuraient ceux liés à l’éducation des enfants, à leur sécurité, etc. La capacité des

familles autochtones de s’occuper des enfants en a été diminuée. Il faut préciser, toutefois, que

l’attention étatique et institutionnelle portée aux enfants négligés ontariens et québécois

28 Wharf, « Community », supra note 6 à la page 31.

29 Weightman, « First Nations », supra note 27 à la page 12.

30 Wharf, « Community », supra note 6 à la page 31.

31 Ken Levitt, The challenge of child welfare, Vancouver, UBC Press, 1985 à la page 130.

32 Wharf, « Community », supra note 6 à la page 31.

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11

n’englobait pas, au cours du 19e siècle, les enfants autochtones. Ces derniers subirent les excès de

ces deux systèmes plus tard dans l’histoire des deux provinces33

.

1.2 L’histoire de la législation actuelle (fin du 19e siècle jusqu’au début des années 2000)

Deux traditions différentes ont exercé une influence sur la création de la législation portant sur la

protection de l’enfance au Canada. En Ontario, la tradition était la doctrine britannique du parens

patriae, laquelle considérait l’État comme le parent de la nation, ce qui justifiait l’intervention

étatique dans la famille (privée) quand la protection des enfants était nécessaire. Au Québec, à

l’inverse, l’héritage culturel français a donné lieu à une tradition selon laquelle les enfants sont la

propriété de leurs parents. Il en découle que les droits parentaux ont eu une influence beaucoup

plus forte dans l’histoire législative du Québec que dans celle de l’Ontario34

.

La « préoccupation » menant au développement d’une législation englobant la protection

des enfants autochtones, par ailleurs, ne se situe ni dans la tradition du parens patriae (Ontario),

ni dans la tradition des droits parentaux (Québec). L’encadrement des enfants autochtones a été le

fruit du désir de « civiliser » les Premières Nations du Canada, un désir qui s’est rapidement vicié

en un penchant pour l’éradication de ce qu’il y avait de « Savage Indian » dans ces enfants35

. En

somme, on visait l’assimilation des peuples autochtones, comme en témoignent les propos d’un

surintendant des Affaires indiennes tenus à la Chambre des Communes en 1920 :

Our object is to continue until there is not a single Indian in Canada that has

not been absorbed into the body politic and there is no Indian question and

no Indian department36

.

Trois voies, donc, trois manières de gérer la problématique de l’enfance malheureuse dans

trois contextes différents. Ces orientations permettent d’expliquer certaines des grandes décisions

législatives prises au Québec et en Ontario en ce qui concerne la protection de l’enfance. Nous

33 Ibid.

34 Gilbert, « Combatting », supra note 9 à la page 39.

35 Sonia Harris-Short, Aboriginal child welfare, self-government and the rights of indigenous children : protecting

the vulnerable under international law, Surrey, Ashgate Publishing Limited, 2012 [Harris-Short, « Aboriginal »] à la

page 34.

36 Ibid.

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12

allons voir l’évolution des lois visant cette protection. Afin de faciliter la comparaison entre les

contextes, un examen séparé des lois et des mesures prises (Ontario, Québec, Communautés

autochtones) sera fait pour chaque période historique.

1.2.1 Des années 1870 aux années 1960

Entre les années 1870 et 1960, les préoccupations du public et la réponse gouvernementale aux

questions liées à l’enfance et au bien-être des enfants ont donné lieu à divers projets de loi visant

à s’attaquer au problème de la négligence envers les enfants au Québec et en Ontario. Cette partie

examine les environnements sociopolitiques dans lesquels la question du bien-être des enfants a

été débattue, ce qui inclut une revue des réponses législatives de Québec et Ontario.

1.2.1.1 Ontario — Des écoles industrielles à la législation sur la protection

Les efforts visant à protéger « l’enfance » en Ontario ont véritablement été mis quand il a été

déterminé que quelque chose devait être fait pour accroître le nombre d’enfants à l’école, pour les

sortir des manufactures et pour réduire la délinquance juvénile. L’Ontario est devenu, en 1871, la

première province canadienne à imposer une scolarité obligatoire. La législation visant à interdire

le travail des enfants dans certaines industries date de 189037

.

En 1874, l’Ontario a adopté une loi, la première du genre, qui traite directement des

enfants négligés : An Act respecting Industrial Schools38

. Cette dernière donnait aux magistrats

scolaires le pouvoir de confier un enfant négligé à une école industrielle si cet enfant était réputé

vivre sans contrôle parental ou dans des circonstances pouvant l’encourager à mener une vie

« idle and dissolute »39

. En 1884, la législation a été modifiée pour permettre aux magistrats

scolaires de déléguer ce pouvoir à une société philanthropique incorporée. Toutefois, la loi

n’indique pas qui était chargé d’enquêter sur les cas de négligence des enfants, pas plus qu’elle ne

spécifiait qui était responsable de retirer les enfants des milieux néfastes. De telles omissions

législatives ont conduit à l’incapacité de résoudre de nombreux cas de négligence envers des

37 Robert McIntosh, Boys in the pits: child labour in coal mining, Montréal, McGill-Queen's University Press, 2000

[McIntosh, « Boys »] aux pages 32-33.

38 An Act respecting Industrial Schools, SO 1874, c 29.

39 Jones, « Kelso », supra note 9 à la page 28.

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13

enfants ontariens. Elles ont d’ailleurs consterné J.J. Kelso, un homme sensible à cette

problématique et qui a fondé la Toronto Humane Society40

.

En 1887 et 1888, Kelso travaille en étroite collaboration avec un avocat de Toronto afin

de rédiger un projet de loi pour accroître la responsabilité du gouvernement provincial envers les

enfants négligés41

. Il en résulte, en 1888, la promulgation de l’Act for the Protection and

Reformation of Neglected Children42

. Cette loi réaffirme l’autorité des tribunaux pour envoyer les

enfants maltraités ou négligés dans les écoles industrielles43

. Elle permet également aux tribunaux

de confier les enfants négligés à des foyers dédiés et qualifiés. Ces foyers étaient financés par les

gouvernements municipaux ; ils pouvaient prendre soin d’un enfant jusqu’à ses 18 ans44

.

Après l’adoption de l’Act for the Protection and Reformation of Neglected Children,

Kelso a continué ses efforts pour améliorer les cadres législatif et politique. Il a été influencé par

les progrès réalisés aux États-Unis. Les sociétés américaines d’aide à l’enfance avaient le pouvoir

de retirer aux parents négligents la garde de leur(s) enfant(s), de même que le pouvoir de rompre

définitivement les liens légaux et sociaux entre ces parents et leurs enfants45

.

D’une certaine manière, Kelso pensait comme ceux qui considéraient les pensionnats

comme la meilleure solution pour les enfants autochtones. Il croyait fortement que c’était inutile

de fournir une éducation et une protection temporaires aux enfants négligés, car ceux-ci

tendaient, selon lui, à retourner vivre avec leurs parents « inaptes »46

. Par contre, Kelso estimait

que les enfants trop « institutionnalisés » étaient également désavantagés. Il proposa donc la

création d’une société (bénévole) encadrant les enfants négligés. Des intervenants seraient ainsi

40 Ibid.

41 Ibid à la page 29.

42 An Act for the Protection and Reformation of Neglected Children, SO 1888, c 40.

43 McIntosh, « Boys », supra note 37 à la page 36.

44 Jones, « Kelso », supra note 9 à la page 29.

45 Ibid à la page 50.

46 Ibid.

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14

chargés d’examiner les circonstances ayant mené les enfants devant les tribunaux, et ce, afin de

mieux conseiller les autorités quant au meilleur plan d’action à suivre47

.

Certaines des suggestions de Kelso ont été bien reçues, car elles étaient faisaient écho au

sentiment populaire selon lequel la négligence à l’endroit des mineurs entraînait chez eux, une

fois adultes, une propension à la criminalité48

. Par conséquent, en 1891, les commissaires de la

réforme pénitentiaire provinciale ont demandé une transformation complète des systèmes

correctionnels pour mineurs, ainsi que celle des systèmes de protection de l’enfance. Les

recommandations incluaient les écoles industrielles ; celles-ci devaient être utilisées comme

mesure temporaire (pour apprentis ou pour pensionnaires) menant au placement des enfants dans

des résidences privées. Plus tard cette année-là, Kelso mit sur pied la première société d’aide à

l’enfance du Canada, à Toronto, et il en est devenu le président49

.

Kelso continue ensuite de plaider en faveur de la cause des enfants de sorte que, en 1893,

l’Ontario adopte l’Act for the Prevention of Cruelty to, and better Protection of Children50

. Par

« cruauté », on entend la négligence et les sévices corporels, de même que l’incitation à la

mendicité, aux spectacles de rue et au trafic de marchandises (dans certaines circonstances). Les

adultes commettant des actes de cruauté envers les enfants pouvaient être condamnés à une

amende allant jusqu’à 100 $ ou à un emprisonnement pouvant aller jusqu’à trois mois. De plus,

un nouveau Bureau du surintendant des personnes à charge et des enfants abandonnés était

chargé de l’inspection des écoles industrielles, des maisons et des accueils, et de l’organisation

des sociétés d’aide à l’enfance. La première personne à occuper ce poste a été J.J. Kelso51

.

À cette époque, le travail social en Ontario et la législation sur la protection de l’enfance

ont été axés sur la délinquance juvénile, le contrôle comportemental, les mères célibataires et

l’adoption. On considérait toujours la famille comme l’endroit le plus approprié pour les enfants,

une famille d’accueil étant vue comme la meilleure solution quand il n’était pas possible pour

47 Ibid à la page 51.

48 Ibid.

49 Ibid à la page 52 ; Gilbert, « Combatting », supra note 8 à la page 39 ; Jones, « Kelso », supra note 9 à la page 57.

50 An Act for the Prevention of Cruelty to, and better Protection of Children, SO 1893 (56 Vict), c 45 ; Gilbert,

« Combatting », supra note 8 à la page 39.

51 McIntosh, « Boys », supra note 37 à la page 36 ; Jones, « Kelso », supra note 9 à la page 66..

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15

l’enfant de rester dans sa propre famille. De nouvelles lois (Child Welfare Acts) ont été adoptées

en Ontario en 1921, 1954 et 196552

. En ce qui concerne le mandat de la protection de l’enfance,

toutefois, une grande partie de l’esprit et de la lettre de la législation de 1893 est restée inchangée

jusqu’au milieu du 20e siècle

53.

1.2.1.2 Québec — Trois pas en avant, deux pas en arrière

À certains égards, l’évolution de la législation québécoise portant sur la protection de l’enfance

ressemble à l’ontarienne. Initialement, les préoccupations concernant les enfants laissés sans

surveillance toute la journée (leurs parents travaillant) ont été à l’origine des lois sur la

délinquance juvénile. La première loi, l’Acte concernant les écoles d’industrie de 1869, a permis

aux juges d’envoyer des orphelins, des enfants errants et des enfants incontrôlables dans ces

écoles industrielles54

. Alors qu’il y avait plusieurs autres lois traitant de la délinquance juvénile et

de la prestation des services sociaux, l’Acte concernant les écoles d’industrie était la seule loi en

vigueur au Québec visant à faire face directement aux enfants négligés, et ce jusqu’aux années

194055

.

Québec a adopté, en 1892, une loi pour limiter le travail des enfants, soit en même temps

que le reste du pays56

. Or, la législature québécoise était beaucoup plus réticente à imposer la

scolarité obligatoire qu’on ne l’a été dans le reste du pays. Par exemple, ce fut une réalité 70 ans

après l’Ontario, soit en 194357

. De même, alors que l’Ontario se dotait dès 1893 d’une législation

visant la protection de l’enfance et mettait en place des sociétés d’aide à l’enfance, ce n’est pas

52 An Act for the Protection of the Children of Unmarried Parents, SO 1921, c 54 ; Child Welfare Act, SO 1954, c 8 ;

Child Welfare Act, SO 1965, c 14 [Child Welfare Act 1965].

53 Gilbert, « Combatting », supra note 8 aux pages 39-40 ; Ontario Association of Children’s Aid Societies, « History

of Child Welfare », (aucune date), en ligne : Ontario Association of Children’s Aid Societies

<http://www.oacas.org/childwelfare/history.htm> [Ontario Associatio of Children’s Aid Societies, « History »].

54 Acte concernant les écoles d’industrie, SQ 1869, c 17 [Acte concernant les écoles d’industrie] ; Joyal,

« L’évolution », supra note 19 aux pages 2, 36,37 et 132.

55 Joyal, « L’évolution », supra note 19 à la page 132 ; Desrosiers, « Les centres », supra note 19 à la page 439.

56 McIntosh, « Boys », supra note 37 à la page 33 ; Loi des mines de Québec : acte de 1892, (55-56 Vict), c 20.

57 McIntosh, « Boys », supra note 37 à la page 33 ; Loi concernant la fréquentation scolaire obligatoire, LQ 1943 c

13.

Page 16: Evelyn, Genna - DRT 7001 - Travail de la fin de la session

16

avant les années 1970 que les premiers bureaux régionaux dédiés à la protection des enfants

furent créés au Québec58

.

Malgré un tel retard, il ne faut pas penser que durant toutes ces années les besoins des

enfants négligés du Québec ont été ignorés. Comme dit précédemment, au Québec, l’Église

catholique prenait le relais lorsque les parents étaient incapables de s’occuper de leurs enfants,

lorsqu’ils étaient négligents ou lorsqu’ils décédaient. L’Église a continué de jouer un rôle

prédominant en ce qui a trait au bien-être de ces enfants jusqu’au début des années 196059

.

En parallèle de l’implication de l’Église, l’opinion publique a été influencée par le

mouvement social de défense des indigents qui, en Europe, était en expansion depuis 1900. Cette

préoccupation croissante pour le sort des pauvres a forcé le gouvernement québécois à s’engager

et à reconnaître sa responsabilité dans le financement et la mise en place de certains services

essentiels à la population. Par exemple, en 1908, Québec adopte la Loi sur les jeunes délinquants

pour s’assurer que la criminalité juvénile est traitée différemment de celle des adultes60

. En 1921,

autre exemple, le régime d’assistance publique est créé61

.

Entre 1933 et 1943, le gouvernement québécois a réalisé des études portant sur la

protection de l’enfance. Elles ont accouché de plusieurs propositions controversées de réforme,

notamment celle voulant que les services de protection de l’enfance soient offerts par une entité

séparée de l’Église. Dans la foulée, le gouvernement Godbout décida de mettre en marche

l’instauration d’une législation révolutionnaire pour l’époque à ce chapitre62

.

La Loi concernant la protection de l’enfance proposée par Godbout, et adoptée en 1944,

aurait remplacé l’ancien Acte concernant les écoles d’industrie de 186963

. Elle visait les enfants

négligés, les orphelins, les enfants abandonnés et les jeunes délinquants (âgés de 16 ans et

moins). Selon cette nouvelle loi, des organismes communautaires de protection de l’enfance, à

58 McIntosh, « Boys », supra note 37 à la page 36.

59 Gilbert, « Combatting », supra note 8 à la page 39.

60 Loi concernant les jeunes délinquants, SC 1908, c 40.

61 Joyal, « L’évolution », supra note 19 à la page 2.

62 Gilbert, « Combatting », supra note 8 à la page 39 ; Joyal, « L’évolution », supra note 19 aux pages 133, 138.

63 Loi concernant la protection de l’enfance, SQ 1944, c 33 ; Acte concernant les écoles d’industrie, supra note 54.

Page 17: Evelyn, Genna - DRT 7001 - Travail de la fin de la session

17

but non lucratif et liés aux institutions religieuses locales, devaient être créés. Ces organismes

seraient autorisés par le lieutenant-gouverneur à enquêter, arrêter et amener les enfants négligés

devant les tribunaux. La loi aurait également instauré un Conseil supérieur composé de 12

membres (incluant obligatoirement deux protestants, un juge et une femme). Un tel Conseil serait

chargé d’étudier toutes les questions concernant le bien-être des enfants, de conseiller le

lieutenant-gouverneur en ces matières, et d’entreprendre les enquêtes portant sur des

établissements chargés de l’encadrement des pupilles64

.

Trois mois après l’adoption de la Loi concernant la protection de l’enfance, le

gouvernement Duplessis revient au pouvoir au Québec. La nouvelle loi ne sera jamais appliquée.

La commission qui, en 1943, a étudié la question de la protection des enfants sera même

démantelée par le gouvernement. L’Acte concernant les écoles d’industrie est donc demeuré en

vigueur. Il faut attendre les années 1950 avant qu’une réforme législative dans le domaine de la

protection de l’enfance soit de nouveau proposée65

.

Malgré l’échec de la Loi concernant la protection de l’enfance de 1944, des organismes

de protection des enfants ont été en activité dans certaines régions de la province66

. Cependant,

comme ils dédoublaient le rôle de l’Église déjà bien impliquée à ce chapitre, et comme ils ne

bénéficiaient pas d’un soutien législatif, ces organismes n’avaient dans les faits aucune autorité

réelle pour mener leurs actions67

. Du reste, la suspicion entretenue par l’Église concernant

l’ingérence de l’État, son contrôle quasi absolu sur les activités de bienfaisance et sa préférence

pour l’institutionnalisation nuisaient considérablement au travail des organismes

communautaires68

.

En 1950, la Loi relative aux écoles de protection de la jeunesse a été adoptée69

. Elle était

beaucoup moins révolutionnaire que la loi de 1944, envisagée par l’administration Godbout, mais

64 Joyal, « L’évolution », supra note 19 aux pages 138-139.

65 Ibid à la page 153.

66 McIntosh, « Boys », supra note 37 à la page 36.

67 Ibid ; Gilbert, « Combatting », supra note 8 à la page 39.

68 McIntosh, « Boys », supra note 37 à la page 36.

69 Loi relative aux écoles de protection de la jeunesse, SQ 1950, c 11.

Page 18: Evelyn, Genna - DRT 7001 - Travail de la fin de la session

18

c’était une nette amélioration par rapport à la Loi des écoles d’industrie de 186970

. Cette nouvelle

loi cherchait à protéger les enfants (âgés de 6 à 18 ans) qui étaient à risque moralement ou

physiquement en raison de l’environnement dans lequel ils vivaient, et elle permettait de les

« placer » dans des écoles spécialisées71

. Les Centres Jeunesse ont été établis et les magistrats de

ces tribunaux étaient autorisés à enquêter et à examiner la preuve concernant les enfants à risque,

et de recommander à la ministre du Bien-être social et de la Jeunesse qu’un enfant soit pris en

charge72

. Toutefois, seul un placement dans une école institutionnelle appropriée était autorisé73

.

En 1951, la Loi relative aux écoles de protection de la jeunesse a été modifiée pour

permettre au magistrat de prendre des décisions qu’il estime être dans l’intérêt supérieur de

l’enfant concerné, notamment la décision de placer l’enfant dans des organismes

communautaires74

. Ainsi, la plupart des groupes et associations de protection des enfants créés

dans les années 1940 ont finalement reçu la reconnaissance juridique nécessaire pour fonctionner

plus efficacement. Cette reconnaissance, toutefois, n’était pas à la hauteur des pouvoirs qu’ils

auraient pu obtenir en vertu de la loi de 1944 (Godbout). Leur capacité à fournir efficacement des

services aux enfants n’a pas pu dès lors se développer librement75

.

En 1960, la Loi relative aux écoles de protection de la jeunesse devient la Loi de la

protection de la jeunesse76

. Simple changement de nom. L’absence de nouvelles dispositions

dans cette loi et l’influence continue de l’Église en matière de protection de l’enfance ont fait en

sorte que les « solutions institutionnelles » (au problème des enfants maltraités) ont continué

d’être favorisées au Québec, et ce jusqu’aux années 197077

.

70 Joyal, « L’évolution », supra note 19 aux pages 153-154 ; Acte concernant les écoles d’industrie, supra note 54.

71 Joyal, « L’évolution », supra note 19 aux pages 153-154.

72 Ibid à la page 154.

73 Marcel Trahan, « Protection judiciaire de l'enfance », (1966) 1 R.J.T. n.s. 7 (HeinOnline) aux pages 18-19.

74 Joyal, « L’évolution », supra note 19 à la page 154 ; Loi modifiant la Loi des écoles de protection de la jeunesse,

SQ 1950-51, c 56.

75 Joyal, « L’évolution », supra note 19 à la page 154.

76 Loi de la protection de la jeunesse, SQ 1959-1960, c 42 [Loi de la protection de la jeunesse, 1960].

77 Joyal, « L’évolution », supra note 19 à la page 154 ; McIntosh, « Boys », supra note 37 à la page 36.

Page 19: Evelyn, Genna - DRT 7001 - Travail de la fin de la session

19

1.2.1.3 Communautés autochtones — La période de l’assimilation78

À la fin du 19e siècle, les affaires autochtones étaient en grande partie régies au Canada par l’Acte

des Sauvages, adopté en 187679

. Cette loi était la consolidation de diverses lois antérieures

concernant les communautés autochtones à travers le Canada, et elle contenait une série de

politiques visant à simplifier la création des réserves, à prévoir des systèmes d’éducation pour des

« Sauvages » et, globalement, à transformer les peuples autochtones en Canadiens « normaux »80

.

La protection de l’enfance fait partie de la compétence des provinces canadiennes. Par

contre, l’article 91 (24) de la Loi constitutionnelle de 1867 prévoit que le gouvernement fédéral

détient le monopole législatif en ce qui concerne les « Indiens et les terres réservées aux

Indiens »81

. Par conséquent, les autochtones des réserves n’ont pas été admissibles aux services

provinciaux de protection de l’enfance, et ce jusqu’aux années 1960. Or, le gouvernement fédéral

n’a pas voulu ouvrir les structures des provinces (protection de l’enfance) aux collectivités

autochtones regroupées dans des réserves. Il ne s’est donc pas spécifiquement préoccupé du bien-

être des enfants autochtones, encourageant plutôt un système de scolarité obligatoire pour ceux-ci

dans tout le pays82

.

Un peu avant l’utilisation, en Ontario, des écoles industrielles comme façon de prendre en

charge les enfants négligés (de descendance européenne), le journaliste américain Nicholas Davin

insistait fortement pour que les jeunes autochtones négligés suivent le chemin de la scolarisation.

C’était en 1879. Selon Davin, les autochtones sortiraient ainsi de l’influence malsaine de parents

« non civilisés » et cela contribuerait à l’assimilation des communautés autochtones83

.

78 Gary Cameron et coll., Moving toward positive systems of child and family welfare : current issues and future

directions, Waterloo, Wilfrid Laurier University Press, 2007 [Cameron, « Moving »] à la page 122.

79 Acte pour amender et refondre les lois concernant les Sauvages, LC 1876, c 18 [l'Acte des Sauvages].

80 Christopher Walmsley, Protecting Aboriginal children, Vancouver, UBC Press, 2005 [Walmsley, « Protecting »]

aux pages 8-9.

81 Loi constitutionnelle de 1982, constituant l’annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada (R-U), 1982, c 11 [Loi

constitutionnelle de 1982].

82 Gilbert, « Combatting », supra note 8 à la page 48 ; Walmsley, « Protecting », supra note 80 aux pages 8, 10, 13 et

98.

83 Harris-Short, « Aboriginal », supra note 35 à la page 34.

Page 20: Evelyn, Genna - DRT 7001 - Travail de la fin de la session

20

Quatre pensionnats (école et résidence) opéraient déjà en Ontario en 1879. Le rapport

produit par Davin pour le gouvernement américain en 1879 eut des échos au Canada, et l’idée y a

fait son chemin. Aussi, entre 1879 et 1946, les « écoles résidentielles » sont devenues le cœur de

la politique fédérale d’assimilation des autochtones84

. Deux types d’écoles ont été développés :

des pensionnats situés sur les réserves (ou à proximité), et de grandes écoles industrielles situées

dans les centres urbains. L’objectif prioritaire de ces deux types d’écoles était de civiliser, de

christianiser et de socialiser les enfants autochtones afin de les préparer à devenir des

contributeurs productifs à l’économie du Canada85

.

Au départ, la politique gouvernementale de prise en charge des communautés autochtones

était basée sur la persuasion plutôt que sur la coercition et les premiers avis d’internement relayés

par les institutions religieuses n’ont pas été suivis. En 1894, le Ministère des Affaires indiennes a

permis aux agents d’utiliser la force, si nécessaire, pour contraindre les enfants autochtones

négligées à entrer au pensionnat. Toutefois, l'usage de ce pouvoir a été déconseillé. Les autorités

se sont alors concentrées sur les parents autochtones, les incitant à voir les avantages de la

scolarisation pour leurs enfants, et à considérer les écoles résidentielles comme la réalisation de

certaines promesses officielles (Traité) faites par le gouvernement aux communautés autochtones.

Alors que certaines familles ont été séduites, d’autres ont résisté aux campagnes de recrutement

de leurs enfants. Les autorités scolaires et les agents chargés des Indiens ont alors dû, parfois,

avoir recours à des mesures « spéciales » (pots-de-vin, kidnappings). En 1920, l’Acte des

Sauvages a été modifié pour rendre obligatoire la fréquentation scolaire de tous les enfants

autochtones âgés entre 7 et 1586

.

Les exactions commises à l’endroit de nombreux enfants autochtones dans les

pensionnats canadiens sont maintenant bien documentées. Ces abus incluaient le

conditionnement à la honte de la culture autochtone (avec glorification des civilisations

colonisatrices) et des formes variées de punition pour les enfants autochtones pris à parler leur

84 Ibid à la page 35 ; Walmsley, « Protecting », supra note 80 aux pages 8-9.

85 Harris-Short, « Aboriginal », supra note 35 aux pages 34-35 ; Walmsley, « Protecting », supra note 80 aux pages

8-9.

86 Harris-Short, « Aboriginal », supra note 35 aux pages 35-36.

Page 21: Evelyn, Genna - DRT 7001 - Travail de la fin de la session

21

langue maternelle87

. Les renseignements rendus publics depuis les années 1990 montrent aussi

qu’une proportion importante d’enfants autochtones fréquentant les pensionnats ont été victimes

de sévices sexuels réguliers impliquant le personnel enseignant88

. En outre, nombre de ces écoles

étant sous-financées, l’éducation y était déficiente, sans compter les manques au chapitre de la

nourriture, des vêtements et de l’hygiène. Des carences qui ont souvent conduit à la maladie et à

la mort89

.

Au total, 80 institutions de ce genre ont été en activité au Canada. En 1936, 36 % des

enfants autochtones de l’Ontario y étaient inscrits, comparativement à 3 % seulement des enfants

autochtones au Québec. Québec a créé six « écoles résidentielles » pour enfants autochtones, des

écoles de jour plutôt que des pensionnats90

.

Après 1945, il y eut un changement de politique important. Le gouvernement fédéral a en

effet estimé que le moment était venu pour les enfants autochtones d’être intégrés au système

scolaire des provinces ; les pensionnats devaient être fermés. Toutefois, en partie à cause des

visées des politiques en place, il s’est avéré difficile de retourner les enfants autochtones dans

leur famille en raison de la probabilité, pour plusieurs d’entre eux, d’être à nouveau victimes de

négligence. Certaines écoles résidentielles ont par conséquent été transformées en foyers

d’accueil pour les nombreux enfants autochtones jugés être à risque de maltraitance91

.

1.2.2 Des années 1960 aux années 1980

Alors que la législation sur la protection de l’enfance a été relativement lente à se développer aux

19e et 20

e siècles, la période comprise entre les années 1960 et les années 1980 a été ponctuée de

diverses réformes législatives importantes, et ce, tant en Ontario qu’au Québec. Les

87 Ibid à la page 36.

88 Walmsley, « Protecting », supra note 80 à la page 11.

89 Harris-Short, « Aboriginal », supra note 35 à la page 36.

90 Ibid à la page 35 ; Weightman, « First Nations », supra note 27 à la page 43 ; Cameron, « Moving », supra note 78

à la page 123.

91 Harris-Short, « Aboriginal », supra note 35 à la page 35 ; Walmsley, « Protecting », supra note 80 à la page 11.

Page 22: Evelyn, Genna - DRT 7001 - Travail de la fin de la session

22

communautés autochtones ont également été touchées. Ces réformes, qui ont conduit à l’adoption

de lois qui sont encore en vigueur aujourd’hui, sont examinées ici.

1.2.2.1 Ontario — Les réponses aux progrès de la recherche

À la suite de la « découverte » du syndrome de l’enfant battu dans les années 1960, de nombreux

aspects de la législation englobant la protection de l’enfance ont été modifiés en Ontario92

.

L’obligation de signaler la maltraitance des enfants a été ajoutée au Child Welfare Act de 196593

.

Les personnes en mesure de noter des signes de maltraitance étaient maintenant tenues de le

signaler. De plus, la loi n’avait plus comme objectif principal de protéger les enfants, mais de

veiller à leurs « meilleurs intérêts ». Dès lors, la protection de l’enfance n’allait plus se résumer à

un travail social auprès des enfants négligés ; elle engloberait maintenant la maltraitance. En fait,

même si la « négligence » était la catégorie la plus importante parmi les cas traités par les

organismes canadiens de protection de l’enfance, la « maltraitance » est devenue le concept phare

de la législation ontarienne portant sur ce sujet. La négligence est devenue une sous-catégorie de

la maltraitance94

.

En 1982, la Charte canadienne des droits et libertés est entrée en vigueur, ce qui a

beaucoup renforcé les droits des Canadiens vis-à-vis du traitement administratif de leur dossier95

.

La capacité des travailleurs sociaux d’appréhender des enfants sans mandat a été limitée. Des

précautions administratives étaient dorénavant requises. On garantissait également aux parents le

droit d’obtenir une audience judiciaire dans un délai raisonnable après l’appréhension de leur(s)

enfant(s). Cela a conduit à une plus grande « judiciarisation » du bien-être des enfants au pays96

.

En plus des changements induits par la Charte canadienne des droits et libertés, il y a eu dans

les années 1980 des modifications aux lois fédérales, modifications qui ont eu des effets

92 Gilbert, « Combatting », supra note 8 à la page 39.

93 Child Welfare Act 1965, supra note 52.

94 Gilbert, « Combatting », supra note 8 aux pages 39-40.

95 Ibid à la page 40 ; Charte canadienne des droits et libertés, partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, supra note 81.

96 Gilbert, « Combatting », supra note 8 à la page 40.

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23

importants sur la compétence des provinces relativement à la protection de l’enfance et aux droits

des travailleurs sociaux :

En 1984, la Loi sur les jeunes contrevenants (fédérale) a soulagé les autorités de

protection de l’enfance de la responsabilité directe des actes des jeunes délinquants97

;

En 1988, le projet de loi fédérale C-15 a modifié les dispositions du Code criminel portant

sur les agressions sexuelles ; les enfants qui témoignent dans des cas d’agression sexuelle

devaient souvent être pris en charge pendant le processus par un travailleur social98

.

Bien qu’importants, ces changements furent progressifs. Cela dit, la plus décisive évolution

du système de protection de l’enfance en Ontario dans les années 1980 a été la mise en

application de la Loi sur les services à l'enfance et à la famille en 1984 (« LSEF »)99

. Cette

nouvelle loi était une réponse législative à un débat en cours portant sur la compétence des

travailleurs sociaux chargés de la protection de l’enfance100

.

C’est que, depuis les années 1960, il y avait mésentente sur la définition législative de

« maltraitance » et sur l’autorité des travailleurs sociaux de s’immiscer dans les affaires

familiales. Aussi le gouvernement de l’Ontario a-t-il lancé un processus de consultation publique

dans le cadre de ses efforts (années 1980) visant à réformer la législation concernant la protection

de l’enfance. Les travailleurs sociaux consultés ont fait valoir qu’ils étaient formés pour évaluer

les risques au sein d’une famille, et que toute limitation du sens donné à la « maltraitance » dans

la loi n’était pas nécessaire. Une restriction pourrait même restreindre leur capacité d’intervenir

auprès des familles ciblées. Cependant, les avocats et les groupes de pression ont fait valoir que

l’absence de définition pouvait donner lieu à des abus de la part de l’État, que seules des

définitions précises pouvaient prémunir les familles contre ce genre d’excès. En fin de compte,

c’est cette position qui a prévalu. La LSEF de 1984 fit donc référence à des principes de

« moindre intrusion » et elle s’est basée sur une définition étroite de la maltraitance, axée sur les

97 Ibid à la page 39 ; Loi sur les jeunes contrevenants, LRC 1985, c Y-1 [Loi sur les jeunes contrevenants].

98 Gilbert, « Combatting », supra note 8 aux pages 40 et 45 ; Code criminal, supra note 1.

99 Loi sur les services à l'enfance et à la famille, SO 1984, c 55, abrogée par la Loi sur les services à l'enfance et à la

famille, LRO 1990, c C 11 [LSEF].

100 Gilbert, « Combatting », supra note 8 aux pages 40-41.

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24

notions de « préjudice » et de « risque substantiel de préjudice ». Bien qu’ayant subi plusieurs

révisions depuis 1984, cette loi est toujours en vigueur en Ontario (2015) 101

.

1.2.2.2 Québec — Des réformes radicales

Malgré l’échec de la réforme de la protection de l’enfance au Québec dans les années 1940 (en

raison d’un changement de gouvernement), les organismes communautaires de protection de

l’enfance ont continué à se développer, et ce, un peu partout dans la province jusqu’aux années

1970. Leur influence a continué d’augmenter et leur philosophie était de plus en plus fondée sur

des études scientifiques portant sur les causes de la négligence et ses effets sur l’enfant. Ces

organismes, de concert avec de nombreux défenseurs des causes sociales, ont systématiquement

revendiqué une réforme législative afin d’améliorer le système de protection de l’enfance et pour

forcer l’Église et les tribunaux à partager leur pouvoir dans ce domaine avec les intervenants

sociaux102

.

La Loi sur la protection de la jeunesse (« LPJ ») est entrée en vigueur en 1979 après

beaucoup de débats et de projets de loi rejetés103

. Au Québec, c’était la première fois que les

enfants étaient reconnus comme des « sujets de droit », et que toute la responsabilité de la

protection des enfants incombait à des instances étatiques (au lieu d’être partagée avec les

institutions religieuses)104

.

Alors que le nom était semblable à la loi antérieure (1960)105

, la LPJ était très différente dans

son contenu. Ses fondements rappelaient ceux des réformes que l’administration Godbout avait

tenté d’atteindre en 1944. La LPJ a créé 14 zones dans la province, chacune servie par un centre

101 Ibid aux pages 40-41.

102 Joyal, « L’évolution », supra note 19 aux pages 2et 155.

103 Gilbert, « Combatting », supra note 8 à la page 39 ; Loi sur la protection de la jeunesse, LQ 1977, c 20, abrogée

par la Loi sur la protection de la jeunesse, RLRQ c P-34.1 [LPJ].

104 Gilbert, « Combatting », supra note 8 à la page 39.

105 Loi de la protection de la jeunesse, 1960, supra note 76.

Page 25: Evelyn, Genna - DRT 7001 - Travail de la fin de la session

25

de services sociaux (CSS) ayant un directeur régional de la protection de l’enfance106

. Les

nouvelles priorités sous-tendant cette loi étaient :

a) la déjudiciarisation des situations de protection ;

b) la reconnaissance et le respect des droits de l’enfant (et non simplement leurs « meilleurs

intérêts ») ;

c) la reconnaissance et le respect des droits des familles ;

d) une limitation du pouvoir discrétionnaire de l’État et l’augmentation de la clarté à l’égard

de l’autorité de l’État d’intervenir dans la vie des familles et des enfants ;

e) une priorité à l’intervention sociale au lieu de l’intervention judiciaire ; et

f) la reconnaissance de l’importance de l’environnement familial dans le développement et

dans le bien-être des enfants107

.

L’accent traditionnel du Québec mis sur les solutions institutionnelles à la problématique de

la protection de l’enfance a continué d’influencer les décisions, même après l’introduction de la

LPJ. Cependant, son adoption a changé radicalement la façon dont les enfants du Québec ont été

considérés et traités tant par la société que par l’État108

.

1.2.2.3 Communautés autochtones — La période de la protection de la jeunesse109

Les écoles résidentielles pour les enfants autochtones ont commencé à être éliminées dans les

années 1960 alors que le Plan d’assistance publique du Canada était approuvé. Ce plan

comprenait un partage des coûts des services sociaux entre le gouvernement fédéral et les

gouvernements provinciaux110

. Les Indiens non inscrits, les Métis et les Indiens inscrits hors

106 Les centres jeunesse du Québec, « Avec l’énergie du premier jour : Bilan des directeurs de la protection de la

jeunesse / directeurs provinciaux 2014 », (2014), en ligne : Association des centres jeunesse du Québec

<http://www.acjq.qc.ca/public/a14178bc-45b5-4a12-b27e-

38017be2da39/mes_documents/bilans/acj1402_bilan_2014_rev2.pdf> [Les centres jeunesse du Québec,

« L’énergie »] aux pages 9-10.

107 Joyal, « L’évolution », supra note 19 aux pages 180, 183, 190 et 192 ; Édith Deleury et coll., « La protection de

l’enfant en droit comparé », (1980) 21 C. de D. 87 (HeinOnline) [Deleury, « Droit comparé »] aux pages 6, 7, 18, 19

et 23.

108 Gilbert, « Combatting », supra note 8 à la page 61.

109 Cameron, « Moving », supra note 78 à la page 122.

110 Gilbert, « Combatting », supra note 8 à la page 48.

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26

réserve ont été placés sous la juridiction des services provinciaux. Or, il y avait toujours des

chicanes de compétence entre les provinces et le gouvernement fédéral quant à la fourniture des

services sociaux aux autochtones inscrits dans les réserves. À cause de ces disputes, beaucoup de

services sociaux n’ont pas été donnés dans les réserves. Par conséquent, la pauvreté, l’insalubrité,

de mauvaises conditions de logement et la malnutrition s’y sont répandues. Des travailleurs

sociaux provinciaux ont été obligés de sortir les enfants de leurs déplorables conditions de vie. À

cause d’un manque de fonds, les interventions se résumaient toutefois à l’extirpation des enfants

autochtones de leur famille et de leur communauté111

.

À cette époque, le financement fédéral pour les services de protection de l’enfance était

limité au coût des enfants pris en charge par l’État. Il n’y avait donc pas d’incitatifs, pour les

travailleurs sociaux provinciaux, à consacrer des ressources aux services de prévention ou à

travailler avec les familles autochtones en vue du retour de leur(s) enfant(s)112

. Une enquête

menée en 1983 par les services de protection des enfants autochtones a indiqué que ces derniers

ont été pris en charge dans des proportions qui, relativement, étaient beaucoup plus grandes. Il a

aussi indiqué que la plupart des enfants ont été placés pour adoption dans des familles non

autochtones, et ce à l’extérieur de la province, voire du pays. Cette situation a été appelée

« Sixties Scoop » et, selon de nombreuses communautés autochtones, elle a fait (se) perdre une

génération113

.

Entre 1964 et 1966, le gouvernement fédéral a mené une enquête sur les services sociaux

problématiques dans les communautés autochtones. Il en résulta la recommandation selon

laquelle ces services doivent être gérés et développés par les peuples autochtones, à tout le moins

avec leur participation. La recommandation n’a pas été suivie. À l’inverse, des services conçus

pour les communautés urbaines (anglo-saxonnes) ont été transférés dans les communautés

autochtones rurales, ce qui a entraîné une augmentation du nombre d’enfants appréhendés, placés

dans des familles d’accueil non autochtones ou adoptés (malgré eux)114

.

111 Walmsley, « Protecting », supra note 80 aux pages 13-14.

112 Cameron, « Moving », supra note 78 à la page 124.

113 Gilbert, « Combatting », supra note 8 à la page 48.

114 Cameron, « Moving », supra note 78 aux pages 123-124.

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27

En 1965, une entente a été conclue entre l’Ontario et le Ministère des Affaires indiennes

et du Nord Canada en ce qui a trait au bien-être des Indiens. En vertu de cette entente, le

ministère rembourserait la province à hauteur de 93 cents pour chaque dollar dépensé en services

de protection de l’enfance dans les réserves115

. Puis, dans les années 1970, de nombreuses

collectivités des Premières Nations de l’Ontario ont commencé à exprimer leur volonté d’avoir

plus de pouvoir quant à la gestion de leurs services sociaux ; ils étaient mécontents des services

donnés par la province116

.

Dans les années 1970, les politiques discriminatoires des provinces en matière de

protection de l’enfance autochtone ont fait l’objet de batailles politiques et juridiques. Une

modification apportée en 1951 à la Loi sur les Indiens exigeait que toute loi d’« application

générale » en vigueur dans une province s’applique dans les réserves, sauf si elles étaient en

conflit avec une loi fédérale ou un traité117

. Comme il n’existait ni loi fédérale ni traité portant sur

le bien-être des enfants, cet amendement exigeait que les services de protection de l’enfance

provinciale soient fournis aux enfants autochtones (que ce soit sur les réserves ou hors

réserve)118

. Cependant, puisqu’il n’y avait pas de sommes supplémentaires venant du

gouvernement fédéral pour soutenir cet amendement, les provinces ont continué d’invoquer la

division constitutionnelle des pouvoirs à l’appui de leur réticence à fournir des services de

115 Vandna Sinha et Anna Kozlowski. « The structure of Aboriginal child welfare in Canada », (2013) 4: 2 The

International Indigenous Policy Journal 2 [Sinha, « Structure »] aux pages 9 et 13.

Toutefois, cet accord est particulier à l'Ontario. Les autres provinces ont été financées en vertu de la formule

nationale du gouvernement fédéral nommé la Directive 20-1. Selon cette directive, le gouvernement fédéral

fournissait des fonds en vertu du nombre des enfants dans la province et des frais d'entretien par enfant pris en

charge. En 2007, le gouvernement fédéral a remplacé cette formule de financement avec une nouvelle formule

nommée « l'approche améliorée axée sur la prévention ». Cette formule a ajouté un nouveau volet de financement : le

financement des programmes de prévention de la maltraitance des enfants ; Voir : Sinha, « Structure », infra aux

pages 12-13.

116 Anna Kozlowski et coll., « First Nations child welfare in Ontario (2011) », (2012), en ligne : Canadian Child

Welfare Research Portal Information sheets No. 100E <http://cwrp.ca/infosheets/first-nations-child-welfare-

ontario> [Kozlowski, « First Nations child welfare »]

117 Walmsley, « Protecting », supra note 80 à la page 13 ; Nicholas Bala et coll., Canadian child welfare law :

children, families and the state, 2e éd, Toronto, Thompson Educational Publishing Inc., 2004 [Bala, « Canadian »] à

la page 206 ; Loi sur les Indiens, RSC 1985, C I-5, [Loi sur les Indiens] art 88.

118 Bala, « Canadian », supra note 117 à la page 206.

Page 28: Evelyn, Genna - DRT 7001 - Travail de la fin de la session

28

protection de l’enfance dans les communautés autochtones, et ce malgré l’amendement119

. Par

conséquent, les services de protection de l’enfance n’ont pas été donnés dans les réserves par les

provinces, sauf lors d’urgences120

.

Cette bataille de compétence entre les paliers de gouvernement s’est finalement terminée

en 1975. La Cour suprême du Canada a statué que les lois provinciales de protection de l’enfance

sont des lois « d’application générale » dans le sens de l’article 88 de la Loi sur les Indiens121

. Par

conséquent, les provinces devaient fournir des services de protection de l’enfance aux Indiens et

aux autres enfants autochtones, peu importe s’ils vivaient dans une réserve. Mais, en réponse à

cette décision, beaucoup de provinces ont seulement modifié leurs politiques afin de fournir des

services de base dans les réserves, tout en offrant une gamme complète de services dans le reste

de la province122

.

En 1979, la politique des provinces en matière de services de protection des enfants

autochtones a été contestée devant un tribunal provincial (Manitoba). L’affaire concernait une

mère qui avait besoin de conseils et d’autres services de soutien, lesquels étaient disponibles dans

le reste de la province, mais pas dans sa réserve. La politique du gouvernement du Manitoba a été

jugée discriminatoire, et la cour a conclu que l’article 88 de la Loi sur les Indiens signifiait que

les Indiens inscrits sont en droit de recevoir des services équivalents, en fonction des mêmes

critères que ceux qui prévalent pour les autres résidents de la province123

.

Le jugement du Manitoba, suivi de décisions similaires dans d’autres juridictions, a initié

un changement de politique par les gouvernements et les agences de protection de l’enfance à

travers le pays. Il a également incité les gouvernements provinciaux et les groupes de défense des

droits des Autochtones à continuer de demander au gouvernement fédéral de fournir des fonds

pour soutenir les services de protection de l’enfance dans les réserves. Le mécontentement et la

119 Cameron, « Moving », supra note 78 à la page 124 ; Bala, « Canadian », supra note 117 à la page 206.

120 Walmsley, « Protecting », supra note 80 à la page 13.

121 Parents Naturels c. Superintendent of Child Welfare et al., [1976] 2 RCS 751, 60 D.L.R. (3e) 148 (CSC) ; Bala,

« Canadian », supra note 117 à la page 217 ; Loi sur les Indiens, supra note 117.

122 Bala, « Canadian », supra note 117 à la page 217.

123 Director of Child Welfare for Manitoba v. B., [1979] 6 W.W.R. 229, [1981] 4 C.N.L.R. 62 (Man. Prov. Ct.) ;

Bala, « Canadian », supra note 117 à la page 217 ; Loi sur les Indiens, supra note 117.

Page 29: Evelyn, Genna - DRT 7001 - Travail de la fin de la session

29

critique soutenue de la condition des enfants autochtones ont conduit à une autre réforme

législative et politique dans les années 1980124

.

1.2.3 Des années 1980 au début des années 2000

Il y a longtemps eu des différences notables entre les approches législatives du Québec et celle de

l’Ontario. Or, en ce qui concerne leurs systèmes respectifs de protection de l’enfance, un examen

attentif des réformes législatives faites entre 1980 et 2000 montre de plus en plus de similitudes.

Durant cette période, il y a également eu des changements importants du côté de la protection de

l’enfance autochtone ; les nouvelles approches législatives reconnaissaient mieux les besoins

spécifiques des collectivités autochtones dans les deux provinces.

1.2.3.1 Ontario — Développement de la Loi sur les services à l’enfance et à la famille

Après la promulgation de la LSEF en 1984, de nombreux organismes qui avaient fourni des

services en santé mentale infantile et des services de protection de l’enfance, et ce à l’échelle de

la province, ont été autorisés (en tant qu’« agences » de l’enfance et de la famille) à fournir des

services en vertu de la loi125

. L’organisation provinciale de ces services a représenté un

changement majeur par rapport à l’ancien système (services bénévoles). Le réseau allait être plus

cohérent et professionnel126

.

Dans les années 1990, de nouvelles réformes législatives ont été réclamées afin que les

dispositions reflètent mieux l’objectif de la loi, soit de promouvoir la protection, l’intérêt

supérieur et le bien-être des enfants. La LSEF a été modifiée en 2000 afin d’ajouter la

« négligence » et le « préjudice émotionnel » dans la liste des motifs particuliers de protection, et

pour mieux définir l’obligation de chacun de signaler les cas possibles de négligence envers les

124 Bala, « Canadian », supra note 117 à la page 218.

125 LSEF, supra note 99 ; Ontario Association of Children’s Aid Societies, « Your children’s aid : child welfare

report 2009-10 », (2010), en ligne : Ontario Association of Children’s Aid Societies

<www.oacas.org/pubs/oacas/papers/oacaschildwelfarereport2010.pdf> [Ontario Association of Children’s Aid

Societies, « Your children’s aid »] à la page 52.

126 Ontario Associatio of Children’s Aid Societies, « History », supra note 53.

Page 30: Evelyn, Genna - DRT 7001 - Travail de la fin de la session

30

enfants. Les délais des placements temporaires ont également été redéfinis afin d’assurer une

stabilité aux enfants, et l’on a insisté davantage sur les services préventifs127

.

Finalement, en 2006, le ministre de l’Enfance et des Services à la jeunesse a présenté le

projet de loi 210, fruit d’une vaste consultation auprès des intervenants du domaine de la

protection de l’enfance128

. Le projet de loi 210, ou Loi modifiant la Loi sur les services à

l’enfance et à la famille, s’arrime au Child Welfare Transformation Agenda du ministère et ajoute

de la flexibilité et de nouvelles options en vue d’une plus grande stabilité chez les enfants129

. Des

options de placement notamment, comme le placement dans la famille élargie, et des ententes de

« soins coutumiers »130

. Le projet de loi 210 correspond aux dernières modifications majeures

apportées à la législation ontarienne concernant la protection de l’enfance.

1.2.3.2 Québec — Développement de la Loi sur la protection de la jeunesse

La LPJ de 1977 a été le premier projet de loi dans l’histoire du Québec à rompre complètement

avec la tradition selon laquelle les enfants étaient considérés comme la propriété de leurs

parents131

. Cette nouvelle loi faisait des enfants des citoyens ayant des droits propres, distincts de

ceux de leurs parents. Ce changement était important, car la reconnaissance des droits de l’enfant

signifiait que l’État avait dorénavant la responsabilité de protéger activement ces droits, même si

cela pouvait diminuer le pouvoir discrétionnaire des parents d’élever leurs enfants132

.

En 1982, la Commission Charbonneau s’est prononcée sur le système de protection de

l’enfance ; elle a insisté sur l’importance de donner priorité au maintien des enfants en milieu

127 Ontario Association of Children’s Aid Societies, « Your children’s aid », supra note 125 à la page 52 ; Ontario

Associatio of Children’s Aid Societies, « History », supra note 53.

128 Ontario Association of Children’s Aid Societies, « Your children’s aid », supra note 125 à la page 53.

129 PL 210, Loi de 2006 modifiant des lois en ce qui concerne les services à l'enfance et à la famille, Ontario, 2006

(sanctionné le 28 mars 2006), LO 2006, c 5 [Loi de 2006 modifiant des lois] ; Ontario Association of Children’s Aid

Societies, « Your children’s aid », supra note 125 à la page 53 ; Ontario Associatio of Children’s Aid Societies,

« History », supra note 53.

130 Ontario Associatio of Children’s Aid Societies, « History », supra note 53.

131 LPJ, supra note 103 ; Gilbert, « Combatting », supra note 8 à la page 39.

132 Les centres jeunesse du Québec, « L’énergie », supra note 106 aux pages 5 et 9.

Page 31: Evelyn, Genna - DRT 7001 - Travail de la fin de la session

31

familial et de marginaliser les placements à l’extérieur de la maison. La Commission a également

souligné la nécessité de séparer les interventions faites pour aider les enfants ayant besoin de

protection de celles faites auprès des enfants délinquants. Il en a découlé la Loi sur les jeunes

contrevenants, entrée en vigueur en 1984, et, dans la LPJ, l’abrogation de l’article portant sur la

délinquance juvénile133

.

En 1994, à la suite de la publication de plusieurs rapports portant sur les questions reliées

à l’enfance, diverses modifications ont été apportées à la LPJ. Ces modifications ont clarifié les

objectifs de la loi. L’accent est mis sur la participation des parents dans les décisions, sur la

nécessité de la confidentialité, sur la disponibilité des services volontaires et l’atténuation des

délais administratifs134

. Des dispositions ont également été introduites afin de coordonner la LPJ,

le Code civil du Québec et la Loi sur les services de santé et les services sociaux et pour éviter les

chevauchements135

.

En 2004, un rapport rédigé par plusieurs experts dans le domaine de la protection de

l’enfance a eu un impact important sur les législateurs provinciaux, ce qui a entraîné les plus

récentes modifications à la LPJ (effectives en 2006). De nouvelles formes de mauvais traitements

y ont été recensées et définies, notamment les « mauvais traitements psychologiques », le

« risque de violence physique », le « risque d’abus sexuel » et le « risque de négligence ». En

outre, dans le cas où le Directeur de la protection de l’enfance décide qu’aucune autre

intervention n’est nécessaire dans un cas particulier, les nouveaux amendements exigent de lui

qu’il accompagne ou dirige l’enfant et sa famille vers des ressources sociales appropriées et

disponibles dans leur communauté136

.

Ces récentes modifications de la LPJ font écho à la reconnaissance de la responsabilité de

la province, et de celle de la communauté dans son ensemble, de répondre aux besoins des

enfants et de leurs familles. Des modifications qui correspondaient aussi aux nouvelles réalités

rencontrées par les enfants et leurs familles, mieux comprises grâce aux progrès scientifiques

133 Loi sur les jeunes contrevenants, supra note 97 ; Les centres jeunesse du Québec, « L’énergie », supra note 106

aux pages 5 et 9.

134 Les centres jeunesse du Québec, « L’énergie », supra note 106 aux pages 9-10.

135 Ibid ; Loi sur les services de santé et les services sociaux, RLRQ, c S-4.2.

136 Les centres jeunesse du Québec, « L’énergie », supra note 106 aux pages 9-10.

Page 32: Evelyn, Genna - DRT 7001 - Travail de la fin de la session

32

dans le domaine. Les concepts de sécurité, de stabilité et de continuité ont ainsi été intégrés, ainsi

que la réaffirmation de l’importance de garder (si possible) les enfants dans leur famille et de les

encourager à maintenir le contact avec les personnes importantes dans leur vie durant les

interventions137

.

1.2.3.3 Communautés autochtones — Progression vers l’autodétermination138

Alors que jusqu’aux années 1960, il y avait eu des similitudes entre le Québec et l’Ontario dans

le développement de la politique de protection de l’enfance autochtone (et dans la législation ad

hoc), des contextes et des événements régionaux ont amené les politiques des deux provinces à se

différencier à partir des années 1970.

Québec

Au Québec, l’Accord de la Baie-James et du Nord québécois (1975) a eu beaucoup d’influence

sur le développement du système de protection de l’enfance autochtone dans la province. Cet

accord se voulait une réponse aux revendications territoriales des Cris et des Inuits du Québec.

Plus tard, les nations naskapies furent entendues (Accord du Nord-est québécois, 1978). Outre les

questions foncières et économiques, ces accords ont permis la création d’organismes officiels

responsables de certains aspects sociaux des communautés autochtones139

. Dès lors, et ce

contrairement à l’Ontario où le bien-être des enfants autochtones dans les réserves a été considéré

comme relevant du palier fédéral, beaucoup d’enfants autochtones du Québec ont reçu du

gouvernement québécois des services de protection de l’enfance140

.

Les années 1980 ont apporté encore plus de changements en ce qui concerne les affaires

autochtones. En vertu de principes établis par le Conseil des ministres en 1983 et de résolutions

adoptées par l’Assemblée nationale en 1985 et 1989, le droit à l’autonomie gouvernementale

137 Ibid.

138 Cameron, « Moving », supra note 78 à la page 125.

139 Ibid.

140 Weightman, « First Nations », supra note 27 à la page 43 aux pages 43-44. Toutefois, pour les communautés

autochtones qui ne faisaient pas partie de ces accords, les systèmes de protection de l'enfance ont développé de la

même manière que le reste des provinces.

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33

pour les 11 nations autochtones du Québec a été ont officiellement reconnu. Ce qui comprend le

droit de diriger les institutions répondant aux besoins des communautés autochtones dans des

domaines tels que la culture, l’éducation, la langue, la santé et les services sociaux. Par ces

changements, seize communautés autochtones du Québec ont pris en charge la prestation de

services de protection des enfants dans leurs communautés. Des accords bipartites impliquant

divers degrés de responsabilité partagée ont été négociés avec les centres jeunesse dans leur

région. Huit organismes de protection de l’enfance gérés par de Premières nations du Québec ont

eu pour mandat de mener leurs propres enquêtes (liées à la protection de l’enfance), tandis que

huit autres fournissaient d’autres services de protection de l’enfance et s’appuyaient sur le centre

jeunesse régional pour mener des enquêtes141

.

À l’origine, la LPJ exigeait de l’enquêteur qu’il soit un employé du Directeur de la

protection de la jeunesse142

. Par conséquent, les communautés autochtones qui, à l’époque,

menaient leurs propres enquêtes devaient envoyer leurs travailleurs sociaux vers l’un des centres

provinciaux de la jeunesse pour qu’ils puissent y travailler à temps partiel, et ce, afin d’être en

mesure de mener des enquêtes pour les organisations de protection de l’enfance des autochtones.

En 2009, le Projet de loi 24 a modifié la LPJ pour permettre au Directeur de la protection de la

jeunesse d’autoriser des non-salariés à mener des enquêtes concernant le bien-être des enfants. Ce

changement a éliminé la procédure de contournement que les travailleurs sociaux devaient

suivre143

.

Pour certaines communautés autochtones du Québec, il n’était pas économiquement

réaliste de devenir autonomes dans le domaine de la protection de l’enfance144

. Pour les

communautés qui n’assuraient pas leurs propres services sociaux, l’option possible était de signer

des accords tripartites entre la communauté, le centre régional de la jeunesse et le ministère des

141 Weightman, « First Nations », supra note 27 aux pages 45-47 ; Gilbert, « Combatting », supra note 8 à la page

48.

142 LPJ, supra note 103.

143 Weightman, « First Nations », supra note 27 aux pages 46-47 ; PL 24, Loi modifiant diverses dispositions

législatives en matière de santé, 1re sess, 39e lég, Québec, 2009, art 8, (sanctionné le 19 novembre 2009), LQ 2009, c.

45.

144 Gilbert, « Combatting », supra note 8 à la page 63.

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34

Affaires autochtones et du Développement du Nord Canada (AADNC). Par ces accords, des

services sociaux étaient offerts aux communautés autochtones par le centre régional de la

jeunesse, mais financés directement par l’AADNC145

.

La version de 2006 de la LPJ contient diverses dispositions visant à assurer que des

services culturellement pertinents soient disponibles pour les communautés autochtones146

. Par

exemple, l’article 2.4 exige que les interventions tiennent compte des caractéristiques des

communautés autochtones. De la même façon, l’article 37.5 permet l’établissement d’accords

pour créer des programmes spéciaux de protection de la jeunesse qui reflètent les réalités de la

vie des autochtones, et ce, afin de protéger les enfants autochtones dont la sécurité et le

développement sont à risque147

.

Ontario

Du côté ontarien, les groupes autochtones ont commencé durant les années 1970 et 1980 à

dénoncer les effets néfastes du pouvoir croissant de l’État dans leurs communautés. La législation

englobant la protection de l’enfance était ciblée148

. La demande pour la création d’agences

autochtones ayant compétence en ce domaine a commencé au milieu des années 1970 ; elle est

devenue plus pressante après l’adoption aux États-Unis de l’Indian Child Welfare Act (1978)149

.

Des groupes de défense des autochtones ont fait valoir que, concernant les abus et la négligence,

les avis des Blancs de la classe moyenne n’avaient aucune pertinence culturelle dans leurs

communautés. Ils auraient même eu un effet dévastateur sur les enfants et les familles150

. En

1981, par voie de résolution, des chefs de bande de l’Ontario et du Manitoba ont interdit aux

provinces de retirer les enfants autochtones des réserves, exigé le retour des enfants qui avaient

été précédemment retirés, et déclaré leur intention de créer leurs propres services de protection de

145 Weightman, « First Nations », supra note 27 à la page 46-47 ; Gilbert, « Combatting », supra note 8 à la page 48.

146 Weightman, « First Nations », supra note 27 à la page 45.

147 Ibid ; LPJ, supra note 103 art 2.4, 37.5 ; Sinha, « Structure », supra note 115 à la page 9.

148 Gilbert, « Combatting », supra note 8 à la page 41.

149 Indian Child Welfare Act (1978), 25 U.S.C. ; Cameron, « Moving », supra note 78 à la page 125.

150 Gilbert, « Combatting », supra note 8 à la page 41.

Page 35: Evelyn, Genna - DRT 7001 - Travail de la fin de la session

35

l’enfance autochtone dans leurs communautés151

. En réponse à ces inquiétudes grandissantes, les

systèmes de protection de l’enfance dans les réserves ont été profondément restructurés afin de

mieux répondre aux besoins des communautés autochtones.

En Ontario, les demandes des communautés autochtones s’accumulaient. En 1979, une

initiative voit le jour et implique des communautés autochtones et une Société d’aide pour

enfants locale152

. Cette initiative a été financée par la province et a mené à l’embauche des

premiers agents autochtones chargés du bien-être des enfants dans deux communautés

autochtones du Nord de l’Ontario153

. Peu de temps après, le programme a été étendu à toutes les

communautés autochtones de l’Ontario154

.

En 1984, le gouvernement a inclus dans la nouvelle LSEF des dispositions visant à

soutenir le droit des peuples autochtones à développer leurs propres agences de protection de

l’enfance155

. Les dispositions ont reconnu les droits des enfants autochtones et elles ont permis au

lieutenant-gouverneur d’exempter les communautés autochtones de certaines exigences de cette

loi afin que ces droits soient respectés156

.

À l’heure actuelle, il y a 12 agences qui offrent des services de protection dédiés aux

communautés autochtones de l’Ontario. Elles fonctionnent en suivant soit le « modèle délégué »,

soit le « modèle pré-mandat »157

. Les cinq agences « déléguées » ont conclu des ententes avec la

province qui leur fournit le pouvoir d’appliquer la LSEF, y compris le pouvoir de mener des

enquêtes concernant la protection de l’enfance. Les six agences « pré-mandat » ne peuvent quant

à elles mener des enquêtes, appréhender les enfants, appliquer les dispositions de la LSEF ou

151 Cameron, « Moving », supra note 78 à la page 126.

152 Ibid.

153 LSEF, supra note 99 ; Cameron, « Moving », supra note 78 à la page 126.

154 Ibid ; Kozlowski, « First Nations child welfare », supra note 116.

155 Cameron, « Moving », supra note 78 à la page 126 ; Kozlowski, « First Nations child welfare », supra note 116.

156 Kozlowski, « First Nations child welfare », supra note 116 ; Sinha, « Structure », supra note 115 à la page 9.

157 Nancy Freymond et Gary Cameron, Towards positive systems of child and family welfare : international

comparisons of child protection, family service and community caring systems, Toronto, University of Toronto Press,

2006 à la page 218.

Page 36: Evelyn, Genna - DRT 7001 - Travail de la fin de la session

36

s’appeler « sociétés d’aide à l’enfance ». Cependant, elles peuvent offrir tous les autres services

liés à la protection de l’enfance158

.

Le fait que la majorité de la population autochtone ontarienne vit à l’extérieur des

réserves continue de créer des difficultés juridictionnelles en matière de protection de l’enfance

en Ontario. En réponse à cela, la communauté autochtone dans la région de Toronto a créé, en

1986, Native Child and Family Services. Unique, cette agence « déléguée » opère dans la zone

urbaine la plus peuplée du Canada, et non dans une réserve. Elle offre une gamme complète de

services aux enfants et aux familles (des Indiens inscrits et non-inscrits, des Métis et des Inuits de

Toronto). Toutefois, cette solution n’a pas encore été reproduite dans d’autres centres urbains de

l’Ontario159

.

Le principe de base qui sous-tend les articles de la LSEF (visant les communautés

autochtones) est que les peuples autochtones ont le droit de donner des services culturellement

pertinents à leur propre peuple, et qu’ils doivent être impliqués dans toutes les décisions à cet

égard160

.

1.3 Résumé de première partie

Même s’il existe des différences dans l’évolution législative englobant la protection de l’enfance

en Ontario et au Québec, il semble qu’après les années 1960, les grands événements, les progrès

et les réformes s’y sont produits à peu près aux mêmes périodes, notamment les réformes visant

les enfants autochtones. Il est également clair que les changements législatifs propres à chacune

de ces deux provinces ont suivi une même direction, amenant une certaine similitude dans les

approches législatives. Ce phénomène est compréhensible étant donné que les législateurs de

l’Ontario et du Québec étaient possiblement instruits par les mêmes études et rapports issus des

158 Kozlowski, « First Nations child welfare », supra note 116.

159 Bala, « Canadian », supra note 117 à la page 205 ; Kozlowski, « First Nations child welfare », supra note 116 ;

Native Child and Family Services of Toronto, « About Us », (2011), en ligne : Native Child and Family Services of

Toronto <http://www.nativechild.org/about-us>.

160 Sinha, « Structure », supra note 115 à la page 8.

Page 37: Evelyn, Genna - DRT 7001 - Travail de la fin de la session

37

sciences sociales, et qu’ils étaient influencés par des théories dominantes concernant la

négligence des enfants et les besoins des enfants vulnérables.

Il y a de plus en plus de points de concordance entre la législation du Québec et celle de

l’Ontario. Le contexte historique des législations québécoise et ontarienne examiné dans cette

section peut néanmoins expliquer quelques-unes des différences entre la LPJ et la LSEF161

.

Certaines de ces différences vont être décrites dans la section suivante.

161 LPJ, supra note 103 ; LSEF, supra note 99.

Page 38: Evelyn, Genna - DRT 7001 - Travail de la fin de la session

38

Deuxième partie

2. Quelques aspects particuliers au Québec et à l’Ontario dans leurs approches

actuelles

Nous avons vu précédemment de nombreuses similitudes entre le Québec et l’Ontario en ce qui a

trait à l’évolution de leur législation (protection de l’enfance). Le chercheur Neil Gilbert a noté,

en 1997, qu’il existe aussi des similitudes dans les principes de base sous-tendant la LPJ du

Québec et aussi la LSEF de l’Ontario162

, par exemple :

les enfants ont des droits qui doivent être protégés ;

les familles sont responsables de la garde, de la surveillance et de la protection de leurs

enfants ;

les gouvernements sont responsables de la protection des enfants contre la maltraitance ;

« l’intérêt supérieur » de l’enfant est un principe important ; et

la forme d’intervention la moins intrusive doit être privilégiée163

.

Les deux provinces ont également des définitions similaires de ce qu’est un enfant ayant

besoin de protection. Des articles analogues énumèrent en outre les critères servant à établir s’il y

a un risque pour la sécurité et le développement de l’enfant164

.

Au cours des années, l’Ontario et le Québec ont accordé une importance croissante à la

concordance de leur système de protection des enfants, aidées en cela par la recherche la plus à

jour sur les besoins des enfants à risque. Par conséquent, il semble logique de supposer, puisque

les barrières linguistiques et géographiques au partage des connaissances ne résistent plus aux

progrès technologiques et aux recherches transfrontalières, qu’il y aurait une augmentation des

similitudes législatives. Une comparaison de certains aspects de la LPJ du Québec avec d’autres

de la LSEF de l’Ontario montre cependant des divergences. Certains de ces aspects suggèrent

162 LPJ, supra note 103 ; LSEF, supra note 99.

163 Gilbert, « Combatting », supra note 8 à la page 41.

164 Ibid.

Page 39: Evelyn, Genna - DRT 7001 - Travail de la fin de la session

39

qu’au Québec la préférence va au soutien des familles tandis qu’en Ontario l’accent est mis sur ce

qui est bon pour les enfants.

2.1 L’accent mis sur la famille au Québec

Même si les lois québécoises de la protection de l’enfance ont cherché à innover par rapport à la

« tradition institutionnelle », leur comparaison avec la législation de l’Ontario semble indiquer

que la LPJ du Québec n’est pas complètement détachée de ses origines165

. Dans la tradition

ontarienne, nous l’avons vu en première partie, il était attendu que les pauvres résolvent leurs

propres problèmes ; cette tradition peut avoir influencé l’évolution de la législation puisque cette

province insiste maintenant davantage sur les intérêts des enfants avant le soutien des familles. Le

Québec, pour sa part, a une longue histoire d’aide aux familles dans le besoin, de « charité

chrétienne ». Cette autre tradition peut en partie expliquer l’accent législatif actuel mis (au

Québec) sur le soutien aux familles et aux communautés comme stratégie de protection de

l’enfance.

À l’inverse de l’Ontario, la LPJ du Québec accorde de l’importance aux besoins et aux

droits des parents. Elle tient compte particulièrement des ressources matérielles des familles qui

font l’objet d’une enquête du Directeur de la protection de la jeunesse. Le fait que de récentes

modifications législatives aient permis aux familles d’accueil québécoises de se syndiquer illustre

aussi, sans doute, cette volonté de la province de répondre aux besoins des familles qui

s’investissent dans la protection des enfants.

2.1.1 Les besoins des parents sont prioritaires

De nombreux aspects de la LPJ soulignent l’importance de la famille dans le bien-être d’un

enfant. Ils expriment l’idée qu’il faille examiner attentivement les situations des familles puisque

leurs besoins sociaux peuvent être à la fois une partie du problème et une partie de la solution en

ce qui concerne la protection des enfants166

. Cette insistance a été confirmée par la Cour

165 LPJ, supra note 103.

166 Ibid.

Page 40: Evelyn, Genna - DRT 7001 - Travail de la fin de la session

40

supérieure du Québec167

. Celle-ci a vu dans la LPJ l’impératif suivant : à l’exception du cas où

les parents d’un enfant représentent un danger réel pour ce dernier, le devoir de la Cour est de

toujours envisager la possibilité que l’enfant reste avec sa famille168

. En substance, cela signifie

que cette loi, dans sa version actuelle, veut s’assurer que le retrait des enfants de leur famille est

l’exception plutôt que la règle169

.

De même, l’analyse des modifications les plus récentes à la LPJ (2006) révèle l’intention

du législateur d’encourager l’autonomie des parents dans la lutte contre la maltraitance des

enfants170

. Cette intention du législateur se manifeste dans les nouvelles exigences envers la

coordination des services sociaux fournis par les Centres jeunesse et les Centres de santé et de

services sociaux (CSSS)171

, ainsi que dans le fait qu’il est exigé des parents qu’ils soient

pleinement impliqués dans la prise de décision et qu’ils soient autorisés, autant que possible, à

maintenir des relations stables avec leurs enfants tout au long du processus d’intervention172

.

En outre, la LPJ prévoit l’utilisation de diverses voies de règlement extrajudiciaire des

conflits pour aider les parents à éviter le processus judiciaire. Bien que ces dispositions ne soient

167 Protection de la jeunesse-222, [1986] RJQ 2541 (CS) [Protection de la jeunesse-222].

168 Claire Bernard et coll., « ‘Best interests of the child’ exposed : a portrait of Quebec custody and protection law »,

(1992-1993) 11 Can. J. Fam. L. 57 (HeinOnline) à la page 95 ; Protection de la jeunesse-222, supra note 243 à la

page 2548.

169 Josephine Wouango et Daniel Turcotte. « The Support of Children by the Family and the State: Institutional

Configurations in a Comparative Perspective in the North and South », (2013) diaporama, 12th Sociology of

Childhood Days, Halifax (Nova Scotia), 27-29 June 2013, en ligne :

<http://www.centrejeunessedequebec.qc.ca/recherche/RC/Publications%20de%20la%20recherche/The%20Support%

20of%20Children%20by%20the%20Family%20and%20the%20State%20-

%20Institutional%20Configurations%20in%20a%20Comparative%20Perspective%20in%20the%20Nort.pdf> à la

page 12.

170 Daniel Turcotte et coll. « Les impacts de la nouvelle Loi sur la protection de la jeunesse : un premier bilan »,

(2011) Centre de recherche JEFAR, en ligne :

<http://www.fss.ulaval.ca/cms_recherche/upload/jefar/fichiers/les_impacts_de_la_nouvelle_lpj_2011.pdf > aux

pages 41-48 et 56 ; Loi de 2006 modifiant des lois, supra note 129.

171 LPJ, supra note 103, art 45.1, 50, 57.2.

172 Laurence Ricard, « Le rapport entre le juridique et la clinique dans l’application de la Loi sur la protection de la

jeunesse : une perspective relationnelle », (2013) 43 : 1 Revue générale de droit 49 [Ricard, « Le rapport »] à la page

66 ; LPJ, supra note 103, art 2.3(b), 4-10.

Page 41: Evelyn, Genna - DRT 7001 - Travail de la fin de la session

41

pas obligatoires, elles fournissent aux familles d’autres options, créatives et moins

contradictoires, pour régler leur différend avec l’État173

.

2.1.2 La prise en compte des ressources de la famille

Un deuxième exemple de l’accent mis par le Québec sur les besoins sociaux de la famille plutôt

qu’exclusivement sur l’intérêt de l’enfant se trouve dans l’article 38 (b) (i) de la LPJ. Y figure en

effet dans la définition de la « négligence », en tant que non-assurance des besoins fondamentaux

de l’enfant, l’inclusion des ressources parentales174

. Dès lors, cette disposition de la loi permet à

un travailleur social de prendre en considération les moyens ($) de la famille et les ressources

communautaires disponibles de façon réaliste lors de l’évaluation des efforts familiaux mis à la

protection des enfants175

.

En revanche, en Ontario, la définition de « négligence », et l’énumération des droits de

l’enfant quant à ses besoins fondamentaux, ne font aucune distinction en ce qui a trait aux

ressources de la famille et à celles de la communauté176

. L’approche ontarienne crée à cet égard

la possibilité que la pauvreté ou le manque de ressources communautaires puisse conduire à une

conclusion de négligence tandis que l’approche québécoise peut encourager des interventions

moins discriminatoires envers les familles pauvres.

2.1.3 Droits de familles d’accueil

Une troisième évolution (propre au Québec) dans le système de protection des enfants est digne

d’intérêt : la syndicalisation des familles d’accueil, et ce depuis 2012 en vertu de la Loi sur la

représentation des ressources de type familial et de certaines ressources intermédiaires et sur le

régime de négociation d’une entente collective les concernant177

.

173 Les centres jeunesse du Québec, « L’énergie », supra note 106 à la page 16.

174 LPJ, supra note 103 , art 38(b) (i).

175 Gilbert, « Child », supra note 22 à la page 7.

176 LSEF, supra note 99, art 37(2) (a), 105(2).

177 Megan Simpson et coll., « Quebec’s child welfare system », (2014), en ligne : Canadian Child Welfare Research

Portal Information sheets No. 136E <http://cwrp.ca/sites/default/files/publications/en/QC_final_infosheet_0.pdf> à la

Page 42: Evelyn, Genna - DRT 7001 - Travail de la fin de la session

42

De nombreuses juridictions ont examiné et ont rejeté la notion de syndicalisation des

familles d’accueil. La syndicalisation est traditionnellement associée à des demandes d’avantages

et de compensation bonifiée, à des grèves, à des négociations houleuses, et même à une limitation

de l’accès au marché du travail178

. À cet égard, des inquiétudes ont déjà été manifestées au

Québec par rapport à la possibilité que la syndicalisation des familles d’accueil entraîne des effets

négatifs sur le nombre de familles autochtones optant pour cette « profession ». On a émis

l’hypothèse, par exemple, que l’augmentation des qualifications qu’un syndicat est susceptible

d’exiger peut empêcher de nombreuses familles autochtones d’être admissibles179

.

À l’inverse, la syndicalisation des familles d’accueil peut, selon ceux qui l’appuient,

augmenter le pouvoir de négociation des familles d’accueil et les aider dans leur plaidoyer en vue

de la reconnaissance de leur niveau de compétence et de dévouement (parents d’accueil). La

coordination et l’organisation des familles d’accueil par le biais d’un syndicat pourraient

également bonifier la relation entre les familles d’accueil et les fournisseurs de services sociaux

de la province. Des représentants des familles d’accueil pourraient ainsi mieux communiquer

leurs besoins à tous les intervenants180

.

Bien que la syndicalisation des familles d’accueil du Québec ne soit pas, au sens strict,

liée à la législation provinciale sur la protection de l’enfance, cette réalisation progressiste semble

appuyer l’hypothèse de l’accent législatif mis au Québec sur les besoins des familles et des

communautés, et sur l’importance de préserver les ressources de la communauté par rapport aux

enfants à risque. La décision de protéger les familles d’accueil par la syndicalisation va dans le

sens d’une compréhension large de leurs besoins. Les familles d’accueil constituent une ressource

importante dont il faut tenir compte quand il est question de la protection des enfants.

page 2 ; Loi sur la représentation des ressources de type familial et de certaines ressources intermédiaires et sur le

régime de négociation d'une entente collective les concernant, RLRQ c R-24.0.2.

178 Sunny Harris Rome, Wendy Whiting Blome et Miriam Raskin, « An Examination of Foster Parent

Unionization », (2011) 19: 3 Journal of Community Practice 292 [Rome, « Examination »] aux pages 292-307 ;

Weightman, « First Nations », supra note 27 à la page 71.

179 Weightman, « First Nations », supra note 27 à la page 71.

180 Rome, « Examination », supra note 178 aux pages 292-307.

Page 43: Evelyn, Genna - DRT 7001 - Travail de la fin de la session

43

2.2 L’accent mis sur l’enfant en Ontario

L’évolution de la législation ontarienne (protection de l’enfance) au cours des trente dernières

années semble indiquer une intention de s’éloigner de son ancienne tradition qui permettait les

appréhensions brutales, la discrimination envers les pauvres et envers les communautés

autochtones. Cependant, un examen de la LPJ et la LSEF montre que l’Ontario a conservé

certains éléments traditionnels, comme celui de donner la priorité à l’intérêt (perçu) de l’enfant,

avant toutes autres considérations181

. Contrairement à la direction prise au Québec, cette

approche axée sur l’enfant a donné lieu à une protection « musclée » qui donne un plus grand

pouvoir discrétionnaire aux travailleurs sociaux (de la protection de l’enfance) dans leurs

enquêtes et leurs interventions. Cela dit, l’Ontario n’a pas étendu les protections législatives aux

enfants âgés entre 16 et 18 ans. Il semble que cette restriction va à l’encontre de l’engagement de

la province à se préoccuper de l’intérêt supérieur des enfants.

2.2.1 Augmentation du nombre des motifs d’intervention

Un examen de la définition ontarienne d’un enfant ayant besoin de protection, comprise dans

l’article 37 (2) de la LSEF, avec celle de l’article 38 de la LPJ du Québec révèle que les deux

définitions couvrent essentiellement le même thème : les abus physiques, sexuels et

psychologiques ; l’abandon ; l’échec à fournir des soins de santé requis182

. Or, dans la législation

ontarienne, la définition est beaucoup plus détaillée, laissant moins de questions en suspens quant

à savoir quelle situation équivaut à des problèmes de protection. La chose est importante puisque

cette définition est au fondement de toutes les interventions des travailleurs en protection de

l’enfance183

. Une plus grande clarté en ce qui concerne la compétence de l’État (ingérence dans

les affaires de la famille) pourrait réduire les batailles juridiques ; les travailleurs sociaux seraient

aussi mieux conseillés sur la légitimité de leurs interventions.

Une autre différence importante (quant aux motifs d’intervention) entre l’Ontario et le

Québec est celle qui touche les seuils à partir desquels il est autorisé de procéder à des opérations

181 LPJ, supra note 103 ; LSEF, supra note 99.

182 LSEF, supra note 99, art 37(2) ; LPJ, supra note 103, art 38.

183 Bala, « Canadian », supra note 117 à la page 18.

Page 44: Evelyn, Genna - DRT 7001 - Travail de la fin de la session

44

préventives184

. Aux fins de cette comparaison, les versions anglaises des deux lois sont

présentées ici :

Ontario;

37 (2). A child is in need of protection where,

[…]

(b) there is a risk that the child is likely to suffer physical harm inflicted by

the person having charge of the child […] [nos italiques]185

.

Québec;

38. For the purposes of this Act, the security or development of a child is

considered to be in danger if the child is […] subjected to […] physical

abuse, […].

[…]

(e) “physical abuse” refers to

[…]

(2) a situation in which the child runs a serious risk of becoming the victim

of bodily injury […] [nos italiques]186

.

La différence entre ces deux seuils peut sembler négligeable à première vue. Mais le

niveau de preuve nécessaire pour établir un simple « risque » en Ontario est inférieur à celui

nécessaire pour établir un « risque sérieux » au Québec. La même différence est présente (à

l’égard du « risque » en Ontario et du « risque sérieux » au Québec quand il est question des abus

émotionnels et sexuels187

. Cette dissemblance n’est pas sans conséquence puisque le seuil qui

doit être atteint avant qu’un travailleur social puisse prendre la décision d’appréhender un enfant

est plus bas en Ontario qu’au Québec. Bien que cette position législative fasse sens en Ontario,

où l’on tient à orienter les interventions préventives dans l’intérêt supérieur de l’enfant, elle

184 Gilbert, « Child », supra note 22 à la page 6.

185 LSEF, supra note 99, art 37(2).

186 LPJ, supra note 103, art 38.

187 Curieusement, un examen de la version française des deux lois révèle une différence plus petite en utilisant

« risque vraisemblablement de subir » en Ontario et « risque sérieux » au Québec.

Page 45: Evelyn, Genna - DRT 7001 - Travail de la fin de la session

45

favorise aussi l’accroissement du pouvoir discrétionnaire des travailleurs sociaux et, par le fait

même, de l’État.

2.2.2 Des dispositions plus fortes liées à la déjudiciarisation

Les modifications apportées aux lois de la protection de l’enfance de l’Ontario et du Québec au

cours des vingt dernières années témoignent d’un effort de déjudiciarisation de la protection de

l’enfance. Toutefois, ce sont les dispositions ontariennes qui assurent davantage que des mesures

sont effectivement prises à cet égard. Si, par exemple, l’article 76.2 de la LPJ et l’article 85 du

Code de procédure civile du Québec prévoient les méthodes de règlement extrajudiciaire des

différends, en revanche ces mécanismes ne sont pas obligatoires188

. On constate qu’ils sont

rarement utilisés par les parties en dépit de leur haut niveau de succès, c’est-à-dire de créer des

solutions durables pour les familles et de permettre aux enfants et aux familles d’éviter le

processus judiciaire189

.

En Ontario, l’article 20.2 de LSEF exige plutôt que, dans chaque cas, la Société d’aide à

l’enfance doive se demander « […] si une méthode prescrite de règlement extrajudiciaire des

différends pourrait aider à régler les questions qui se rapportent à l’enfant […] »190

. Bien que

cette formulation ne garantisse pas que la voie extrajudiciaire soit empruntée dans tous les cas où

elle devrait l’être, au moins montre-t-elle aux travailleurs sociaux l’insistance mise par le

législateur sur les moyens de déjudiciariser le processus de protection des familles.

2.2.3 Une exception notable : la non-protection des enfants âgés de 16 à 18 ans

Alors que de nombreux aspects de la législation de l’Ontario semblent progressifs et efficaces au

chapitre de la protection des intérêts des enfants, une importante exception se manifeste par les

limites d’âge fixées pour ce qui est des interventions.

188 LPJ, supra note 103, art 76.2.

189 Ricard, « Le rapport », supra note 172 à la page 84.

190 LSEF, supra note 99, art 20.2.

Page 46: Evelyn, Genna - DRT 7001 - Travail de la fin de la session

46

L’article 37 (1) de la LSEF de l’Ontario précise que, aux fins de la protection de

l’enfance, la définition d’un « enfant » est limitée aux personnes de moins de seize ans191

.En

comparaison, l’article 1 (c) de la LPJ du Québec définit un « enfant » comme une personne de

moins dix-huit ans192

.

Un tel plafond (16 ans) dans la législation de l’Ontario est peut-être basé sur des

considérations financières ou sur des problèmes pratiques liés à la tentative d’imposer des

services aux enfants plus âgés193

. D’autres explications ne sont pas exclues. Il n’en reste pas

moins que les défenseurs de la protection de l’enfance de l’Ontario, notamment l’Association des

sociétés d’aide à l’enfance de l’Ontario, ont noté un criant manque de soutien pour les enfants

vulnérables âgés de 16 à 18. Ces défenseurs ont d’ailleurs fait des recommandations à plusieurs

reprises afin que des modifications législatives soient adoptées à cet égard194

.

2.3 Les protections spécifiques à la protection des enfants autochtones au Québec et en

Ontario

En première partie, nous avons souligné certaines des différences dans l’histoire de la législation

portant sur la protection des enfants autochtones en Ontario et au Québec. Souvent, cependant,

les deux chemins historiques ont conduit à une destination similaire. Cela dit, il reste des

différences notables dans les lois actuelles de ces deux provinces en matière de protection de

l’enfance autochtone. Elles méritent d’être relevées.

Le Québec et l’Ontario ont introduit des modifications à leur législation afin de fournir

des services culturellement appropriés et de qualité aux enfants autochtones. Par exemple, les

deux lois prévoient maintenant que la parenté doit être une priorité et que la bande (ou la tribu)

191 LSEF, supra note 99, art 37(1).

192 LPJ, supra note 103, art 1(c).

193 Bala, « Canadian », supra note 117 à la page 19.

194 Ontario Association of Children’s Aid Societies, « Ontario child welfare report 2014 », (2014), en ligne : Ontario

Association of Children’s Aid Societies

<http://www.oacas.org/newsroom/releases/2014/2014_child_welfare_report.pdf> à la page 10 ; Ontario Association

of Children’s Aid Societies, « Ontario child welfare report 2012 », (2012), en ligne : Ontario Association of

Children’s Aid Societies <http://www.oacas.org/newsroom/releases/04nov2013_CWR_2012.pdf> à la page 10.

Page 47: Evelyn, Genna - DRT 7001 - Travail de la fin de la session

47

d’un enfant autochtone a le droit d’être impliquée dans la planification et la prestation des

services à l’enfant. Cependant, au-delà des dispositions de base, qui sont similaires au Québec et

en Ontario, le législateur ontarien reconnaît plus fermement les droits des enfants autochtones.

Par exemple, il affirme le droit de la communauté d’un enfant autochtone d’être avisée de tout

entretien impliquant l’enfant ainsi que toutes décisions de placement. Il dit également que la

communauté a le droit d’être impliquée dans la gestion des cas et d’être invitée à présenter un

plan de soins permettant à l’enfant de maintenir son lien culturel avec la bande au fil de

l’intervention. En outre, la législation de l’Ontario reconnaît expressément que le maintien d’un

lien à sa culture est dans l’intérêt supérieur de l’enfant autochtone. Il n’y a aucune reconnaissance

similaire dans la loi québécoise195

.

Il y a néanmoins dans les deux lois une reconnaissance de l’importance des services

culturellement pertinents pour les collectivités autochtones196

. La loi ontarienne contient des

dispositions plus précises à cet égard, mais cela n’entraîne pas nécessairement de meilleurs

services pour les enfants autochtones. Toutefois, il semble raisonnable de penser que des

dispositions encore plus détaillées donneraient aux intervenants le soutien législatif dont ils ont

besoin pour améliorer les services aux communautés autochtones.

2.4 Résumé de la deuxième partie

La législation de l’Ontario est beaucoup plus détaillée et précise dans ses dispositions que celle

du Québec. Il en résulte une augmentation importante du pouvoir des travailleurs sociaux dédiés

à la protection de l’enfance. Cette autorité accrue va dans le sens de l’hypothèse selon laquelle la

législation ontarienne met davantage l’accent sur les droits des enfants par rapport au Québec.

Cependant, cette approche législative implique un abaissement du « seuil d’appréhension » et une

plus grande discrétion pour les travailleurs sociaux ontariens. L’arbitraire et le côté

discriminatoire de certaines décisions d’intervention y sont potentiellement plus présents. Cette

195 Comparer LPJ, supra note 103 art 2.4(c), 32(c), 37.5 avec LSEF, supra note 99 art 39(1) (4), 54(3) (f), 57(5) (b),

58(2) (b), 58(4) (d), 61(2) (d), 61(7) (b) (i), 61(7) (b) (ii), 67(8.1), 67(8.4) (3), 64(4) (d), 64(5) (e), 65.1(4) (f), 65.1(6)

(f), 69(1) (e), 80(4) (f) ; Sinha, « Structure », supra note 115 à la page 10.

196 Ibid.

Page 48: Evelyn, Genna - DRT 7001 - Travail de la fin de la session

48

situation peut en outre nuire aux efforts de l’Ontario pour accroître les « soins à domicile » et

pour augmenter le soutien aux familles.

Par ailleurs, le législateur québécois semble être plus soucieux des familles que celui de

l’Ontario. Des protections insuffisamment détaillées dans la loi et l’accent mis sur les droits et les

intérêts des familles peuvent cependant réduire l’efficacité des mesures et ne pas atteindre

l’objectif principal de la législation : la protection des enfants à risque.

Aucune de ces approches législatives n’est parvenue à la perfection en ce qui concerne l’aide

aux enfants maltraités. Cette analyse a permis de confirmer que les législations actuelles de

l’Ontario et du Québec ont des forces et des faiblesses.

Page 49: Evelyn, Genna - DRT 7001 - Travail de la fin de la session

49

Conclusion

Globalement, cette étude voulait mettre en évidence les fondements historiques des lois de

protection de l’enfance en Ontario et au Québec, et ce, dans le but d’aider à comprendre certaines

des différences importantes qui existent actuellement entre ces deux provinces dans ce domaine.

Il existe, certainement, d'autres façons dont les différences entre les lois de protection de l'enfance

de l'Ontario et du Québec pourraient être classées. Toutefois, saisir l’objet par le biais de

l’influence de l’histoire s’est révélé heuristique. La manière d’évoluer de chacune des deux

législations aide à expliquer, du moins partiellement, leur teneur respective actuelle.

Comme la législation concernant la protection de l’enfance continue de se développer, il

est possible que des similitudes reviennent ou s’amplifient entre l’Ontario et le Québec à cet

égard. Mais il est également possible que les contextes historiques de ces deux provinces

persistent à influer sur les interprétations futures. Ce qui ferait en sorte de maintenir les points de

divergence encore présents dans leurs manières de faire face à la problématique des enfants

négligés ou à risque.

Quand il est question de législation et de protection de l’enfance, l’une des difficultés

principales est, et ce peu importe si les réformes tentent de rendre le processus moins

traumatisant et perturbateur pour les enfants et les familles, que des procédures contradictoires

soient présentes. Des procédures qui tendent à opposer enfants et parents (familles) et qui les

confrontent à l’État dont le pouvoir et les ressources sont immensément plus grands. Un domaine

de recherche intéressant serait de mesurer les effets des diverses réformes législatives à cet égard.

L’effort général de minimiser le caractère contradictoire de la procédure de protection de

l’enfance en est-il bonifié ? Évidemment, il serait être utile d’élargir le champ de la recherche

pour y inclure les données spécifiques aux autres provinces du Canada, voire celles d’autres pays,

dans une tentative d’explorer à fond l’efficacité relative des diverses approches choisies.

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50

Bibliographie

Législation

Canada Fédérale :

Acte pour amender et refondre les lois concernant les Sauvages, LC 1876, c 18.

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1982, c 11.

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Ontario :

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An Act for the Prevention of Cruelty to, and better Protection of Children, SO 1893 (56 Vict), c

45.

An Act for the Protection and Reformation of Neglected Children, SO 1888, c 40.

An Act for the Protection of the Children of Unmarried Parents, SO 1921, c 54.

Child Welfare Act, SO 1954, c 8.

Child Welfare Act, SO 1965, c 14.

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Québec :

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Loi concernant la fréquentation scolaire obligatoire, LQ 1943 c 13.

Loi concernant la protection de l’enfance, SQ 1944, c 33.

Loi concernant les jeunes délinquants, SC 1908, c 40.

Loi de la protection de la jeunesse, SQ 1959-1960, c 42.

Loi des mines de Québec : acte de 1892, (55-56 Vict), c 20.

Loi modifiant la Loi des écoles de protection de la jeunesse, SQ 1950-51, c 56.

Loi relative aux écoles de protection de la jeunesse, SQ 1950, c 11.

Loi sur la protection de la jeunesse, LQ 1977, c 20.

Loi sur la protection de la jeunesse, RLRQ c P-34.1.

Loi sur la représentation des ressources de type familial et de certaines ressources

intermédiaires et sur le régime de négociation d'une entente collective les concernant,

RLRQ c R-24.0.2.

Loi sur les services de santé et les services sociaux, RLRQ, c S-4.2.

PL 24, Loi modifiant diverses dispositions législatives en matière de santé, 1re

sess, 39e lég,

Québec, 2009, art 8, (sanctionné le 19 novembre 2009), LQ 2009, c. 45.

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Internationale :

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