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EVIDENCES EXPERIMENTALES DE SYSTEMES PHYSIQUES NON GAUSSIENS
Pierre Delhaes, Centre de Recherche Paul Pascal
(Université de Bordeaux et CNRS, e-mail :[email protected])
Résumé :
L’observation de la marche au hasard d’une particule en suspension dans un fluide
a été le départ de l’étude quantitative du mouvement brownien. C’est l’équation d’Einstein
en 1905 en explicitant ce phénomène de diffusion naturelle (écart quadratique moyen du
déplacement proportionnel au temps) qui a été le déclencheur d’une approche
microscopique probabiliste. Elle est considérée comme une rupture épistémologique par
rapport aux lois phénoménologiques de diffusion et de transport établies au cours du XIX ème siècle. Cette équation a conduit notamment à la détermination du nombre d’Avogadro,
mettant en évidence le grand changement d’échelle de description. Un modèle probabiliste
de déplacement aléatoire des particules est alors justifié par une courbe de distribution en
cloche qui est une fonction gaussienne associée à l’entropie statistique de Boltzmann.
Cependant il est apparu ensuite qu’un tel comportement dit de loi normale n’est pas
toujours observé et que des lois statistiques plus générales existent. Ceux sont les lois
stables de Lévy ou des valeurs extrêmes, établies à vers 1930 et caractérisées par une longue
queue de distribution en loi de puissance (relation linéaire log-log). Depuis un grand nombre
de travaux théoriques sont venus étayés cette approche située au-delà du mouvement
brownien qu’il faut confronter à l’expérience. De plus en plus d’évidences expérimentales
existent en physique, chimie ou biologie. Nous les avons analysées et classées en fonction de
leur situation thermodynamique, proche ou loin d’un état d’équilibre pour un système qui
peut échanger avec l’environnement. Dans le cas de processus de diffusion ou de transport
massique, atomique ou moléculaire, l’importance des défauts structuraux et l’homogénéité
du milieu ambiant apparaissant comme des paramètres essentiels pour un comportement
qualifié de sous- ou sur-diffusif. Pour des particules quantiques (électrons, phonons,
photons) les régimes de transport sous champ externe sont variables et dépendant de la
taille (nanosystèmes) et de la nature du système considéré. En particulier le comportement
de ces systèmes dynamiques (fermés ou ouverts) peut se situer loin de l’équilibre
thermodynamique et se rapprocher d’un état chaotique déterministe. Le classement de ces
nombreuses situations expérimentales repose sur trois approches complémentaires qui
convergent vers une vue unifiée. D’une par les lois plus générales de distribution statistique
de type Lévy sont associées avec une description en géométrie fractale imaginée par
Mandelbrot. D’autre part une généralisation de la notion d’entropie statistique proposée par
Tsallis et associée au principe d’une production d’entropie maximale dans un système
évolutif complètent cette analyse. Nous montrons ainsi que la statistique gaussienne usuelle
n’est qu’une approche simplifiée d’une situation plus complexe. C’est une limite de validité
pour les grandes lois phénoménologiques qui apparait particulièrement dans les systèmes
mésoscopiques (nanomateriaux, macromolécules) et qui est présente dans beaucoup de
domaines scientifiques.
Abstract :
The observation of particles undergoing a random walk inside a fluid is the starting
point of a quantitative analysis of the Brownian motion. The explanation given by Einstein in
1905, where the mean square displacement is proportional to time, has been the keystone
for this microscopic and probabilistic approach. It has been considered later one, as an
epistemological breakdown from the phenomenological transport laws established during
the XIX th century including the determination of Avogadro number which underlines the
large difference of scale description. A probabilistic model for such random process gives a
bell shaped curved relevant of a Gaussian distribution which is related to the Boltzmann
statistics entropy. It appears nevertheless that such behavior known as the normal law is
not always applicable in practice and that more general statistical laws exist. They are known
as the stable Lévy laws for extreme displacements established around 1930 : they are
characterized by long-tailed distributions and a power law (log-log linear dependence). Since
that time a lot of theoretical works have been accomplished to justify a particle motion
beyond Brownian behavior. In parallel more and more experimental evidences have been
evidenced in Physics, Chemistry and Biology. We have reported and classified them in
relation with their thermodynamics situation, i.e. nearby or far from equilibrium in flux
exchange systems with the surroundings. In the case of mass diffusion or transport of atoms
or molécules, it turns out that disordered structures and inhomogeneous media play a
fundamental role in the processes associated with a sub- or sur-diffusion regime.
Considering quantum particles (electrons, phonons and photons) submited to different
external force fields, several transport regimes are present. They are function of the size
(nanosystems) and the nature of the considered system which could be out of equilibrium,
reaching eventually a chaotic state. The classification of numerous results are analysed
following three complementary approaches which are going towards an unified picture. On
one hand the distribution laws of Lévy type are associated with the fractal geometry
invented by Mandelbrot. On the other hand a generalisation of the statistical entropy
proposed by Tsallis and associated with the principle of maximum entropy production for an
evolutive system, completes the picture. Finally we show that the usual gaussian distribution
is just a simplified class of more complex situations. It induces a breakdown of the usual
phenomenological law appearing for example in mesoscopic systems (nanomaterials,
macromolecules) and occuring also in many scientific domains.
Sommaire :
Introduction
1. La loi normale des grands nombres et ses conséquences.
1.1. La statistique de Maxwell-Boltzmann.
1.2. Le phénomène de diffusion et l’équation de Langevin.
1.3. La naissance de la thermodynamique statistique.
2. Les lois statistiques généralisées.
2.1. Rappels à propos des lois stables de Lévy.
2.2. Caractéristiques des systèmes dynamiques.
2.3. Les modèles numériques de marche au hasard.
2.4. Fluctuations et corrélations d’une grandeur physique.
2.5. Comportement des nanosystèmes.
3. Applications aux systèmes physiques.
3.1. Présentation générale.
3.2. La distribution de Cauchy-Lorentz.
4. Diffusion de Lévy pour des particules classiques.
4.1. Situations en hydrodynamique.
4.2. Adsorption et diffusion interfaciales.
a) Diffusion en milieu poreux ou granulaire.
b) Couches adsorbées de polymères sur une surface solide.
c) Diffusion anormale de micelles.
4.3. Diffusion sur une surface évolutive.
a) Adatomes et agrégats à une interface.
b) Croissance fractale par mécanisme DLA (« Diffusion Limited
Aggregation »).
4.4. Extension en biophysique.
a) Cas en biologie moléculaire.
b) Cas des cellules vivantes.
4.5. Processus physico-chimique de compétition réaction-diffusion.
4.6. Caractéristiques générales de la diffusion massique.
5. Diffusion de Lévy avec des particules quantiques.
5.1. Transport électrique dans les solides.
a) Photoconductivité dans les solides amorphes.
b) Processus de conduction par sauts.
c) Transport électronique dans les milieux désordonnés.
d) Transport dans les systèmes mésoscopiques.
e) Conduction et magnétisme dans les verres.
f) Analyse du bruit en supraconductivité.
5.2. Transport de la lumière.
a) Refroidissement LASER à effet subreculet réseaux optiques.
b) Propagation dans les milieux amplificateurs aléatoires.
c) Transport optique dans les solides hétérogènes et les nanomatériaux.
5.3. Transport de la chaleur.
a) Cas de solides non-cristallins ou hétérogènes.
b) Situation dans les nanomatériaux.
c) Transport thermique dans les solides de basse dimensionnalité.
5.4. Récapitulatif sur les différents types de transport.
Encadré : Portrait de phase dans les systèmes dynamiques.
6. Comparaison avec l’approche thermodynamique.
6.1. Rappels de thermodynamique phénoménologique.
6.2. Entropie statistique généralisée.
6.3. Production d’entropie.
6.4. Liens avec les situations physiques.
7. Conclusion.
La naissance de la physique moderne à la fin du XIX ème siècle est associée aux preuves
d’existence des atomes et des molécules établies en Chimie. Cet essor a entrainé un profond
changement allant vers une échelle de description beaucoup plus approfondie. Une analyse
au niveau microscopique, impliquant un développement de la physique statistique, a ainsi vu
le jour. C’est aussi le passage de la physique déterministe de Newton vers une description
microscopique de nature probabiliste impliquant la notion de fonction de distribution. La
découverte de la mécanique quantique au début du XX ème siècle a complété en l’étendant,
ce changement de paradigme. L’avancée historique s’est alors concrétisée par la définition
de loi de probabilité pour un ensemble de particules identiques formant un système
physique défini qui peut dépendre d’une ou plusieurs variables aléatoires. Le système
considéré est dans un état physique supposé initialement à l’équilibre ou bien généralisé à
des situations hors équilibre, stationnaire ou dynamique, quand une contrainte extérieure
ou un stimulus lui est imposée. Un processus microscopique dit stochastique peut alors
rendre compte de l’évolution temporelle d’un tel système.
Historiquement les grands noms de la physique à cette époque, comme Maxwell,
Boltzmann, Gibbs, Lorentz et Einstein notamment, sont associés à ce changement de
représentation et à leurs conséquences [1]. Un développement simultané de la
thermodynamique phénoménologique présentant un caractère fédérateur s’est déroulé au
cours du XIX ème siècle : ceux sont en particulier les travaux de Carnot et Clausius. Les
notions fondamentales d’énergie et d’entropie associées à une température ont permis de
définir un système dit thermodynamique. L’énoncé de principes pour ces fonctions d’état
dans un tel système ont été un apport fondamental au niveau macroscopique. L’introduction
de la formule de Boltzmann exprimant une entropie statistique avec son caractère réversible
dans le temps, a été le point d’achoppement entre les deux niveaux de description [2].
Comme nous le verrons cette interprétation probabiliste à partir d’une fonction de
distribution a été le virage fondamental pour la compréhension thermodynamique au niveau
microscopique. L’extension à des situations physiques dynamique est ensuite
progressivement apparue en développant une mécanique statistique hors équilibre [3]. Cela
concerne en particulier les phénomènes de diffusion contrôlée et l'interprétation
microscopique des grandes lois phénoménologiques de transport d’une grandeur physique :
la masse (Fick), la chaleur (Fourier) ou les charges électriques (Ohm), que nous allons
considérer. Il est apparu ensuite qu’en situation hors équilibre des phénomènes de transport
anormaux sont observés qui ne sont plus décrits par les méthodes de probabilité standards
développées initialement [4].
Dans ce contexte notre propos est de rappeler dans un premier temps les fondements de
cette approche statistique basée sur la fonction de distribution de Maxwell- Boltzmann et les
propriétés induites par cette description continue dite de loi normale ou gaussienne.
L’équivalence entre une description microscopique et un comportement macroscopique du
système considéré est la clé de voute de cette approche. La difficulté inhérente provient de
l’analyse de processus à l’échelle microscopique au travers d’observables physiques en
général macroscopiques. Progressivement au cours du XXème siècle les limites et
insuffisances, concernant cette loi de distribution standard pour un ensemble d’objets
identiques, sont alors apparues. Des fonctions de distribution plus générales sont alors
nécessaires : elles sont fournies par les lois générales de Lévy. Cet auteur a montré qu’il
existe d’autres solutions possibles autres que la fonction de Gauss [4]. Alors arrive la
question fondamentale : comment reconnaitre expérimentalement des systèmes physiques
dynamiques (ou d’autres systèmes apparentés) présentant un comportement non-
gaussien ? L’évidence expérimentale d’une telle situation est l’enjeu essentiel que nous
allons aborder. Pour cela nous allons rappeler les principaux modèles basiques pour ensuite
recenser les exemples physiques, chimiques ou biologiques les plus significatifs. De fait ces
cas de transports anormaux vont apparaître plus nombreux qu’initialement supposé. La
notion intuitive de système thermodynamique demande alors d’être approfondie.
Pour ce faire nous reviendrons sur l’approche microscopique en liaison avec la
thermodynamique statistique et la signification élargie de l’entropie de Boltzmann en
incluant son évolution temporelle, la production d’entropie. Les situations étudiées proche
de l’équilibre sont alors étendues loin de l’équilibre, pouvant aller jusqu’à une situation
chaotique [2]. Dans le cas de diffusions anormales une nouvelle formulation introduite pas
Tsallis [5] permet alors de généraliser cette approche : elle sera présentée dans la sixième
partie. Enfin signalons que l’ensemble des notations, des sigles et symboles utilisés est
donné dans un lexique à la fin de l’article avec un encadré rappelant les causes déterministes
de l’évolution d’un système dynamique.
1. La loi normale des grands nombres et ses conséquences.
Nous allons rappeler la fonction de distribution de Maxwell-Boltzmann, elle-même issue des
travaux antérieurs de Moivre, Laplace et Gauss sur la théorie des probabilités en lui
attribuant un sens physique. Elle est aussi appelée loi des grands nombres car elle permet
une description moyennée à partir d’un échantillonnage suffisant dans le système considéré.
Le processus physique prototype est le phénomène de diffusion de la matière à partir du
mouvement brownien d’une particule observé dans un milieu fluide. Il va induire la notion
microscopique de fluctuations d’une grandeur physique associée à une marche au hasard.
Initialement appliquée aux atomes et molécules elle a été étendue aux particules quantiques
soumises à un champ extérieur. C’est notamment le cas des électrons libres dans un solide
conducteur de l'électricité. A partir du phénomène de diffusion l’influence d’une force
appliquée sur les particules en mouvement dans un système a été expliquée à partir du
modèle continu de Langevin [6].
1.1. La statistique de Maxwell-Boltzmann.
Dans un gaz constitué d’un grand nombre de particules indépendantes en théorie cinétique
la distribution des vitesses et celle de l’énergie associée obéissent à la loi proposée par
Maxwell vers 1850. En effet en présence d’un grand nombre de particules indiscernables la
loi de distribution P(x) peut être considérée comme continue et la densité de probabilité
d’une variable dite gaussienne est définie par la fonction suivante :
P(x) = 1/ σ 2π. exp-1/2 (x-x0/ σ) 2 (1)
Où x0 est la valeur moyenne de la variable aléatoire x et σ appelé l’écart type de la fonction.
C’est une courbe symétrique en cloche présentant un maximum pour la valeur optimale x0.
En effet la loi des grands nombres montre qu’un échantillonnage d’observations
discontinues de cette variable aléatoire converge vers une valeur moyenne (x1 +x2 + …xn /n)
en accord avec cette fonction continue (figure 1a). En outre le théorème de la limite centrale
permet de quantifier la probabilité de convergence vers la moyenne idéale. Cette approche
est basée sur l’hypothèse ergodique énoncée par Boltzmann affirmant que la moyenne sur
un ensemble de particules et celle effectuée dans le temps pour une seule particule sur des
temps très longs, sont identiques. L’évolution dynamique est alors représentée par les
valeurs statistiques du processus (valeur moyenne, écart quadratique) qui obéissent à des
lois simples et reproductibles quand on l’analyse à une échelle de temps appropriée [3].
Cependant l’hypothèse ergodique va apparaitre insuffisante pour des systèmes plus élaborés
ou situés loin d’un équilibre thermodynamique [7].
La distribution gaussienne apparait comme la distribution statistique de toute quantité
physique représentée par la somme d’un grand nombre de petites contributions
indépendantes. Elle a été largement employée notamment en l’étendant au comportement
d’un gaz réel où les particules voisines sont en interactions faibles. Ces particules peuvent
présenter un comportement quantique avec des niveaux énergétiques discrets : ceux sont
les statistiques dérivées de Fermi-Dirac et de Bose-Einstein, pour des particules quantiques
indiscernables obéissant ou pas au principe d’exclusion de Pauli. La statistique antérieure de
Planck donne également une expression dérivée quand le nombre de particules dans le
système ne se conserve pas.
1.2. Le phénomène de diffusion et l’équation de Langevin.
Le mouvement brownien de diffusion des particules dans un milieu fluide de densité voisine
est à la base de ce phénomène. C’est un processus aléatoire décrivant le trajet d’une
particule colloïdale en suspension dans un liquide et soumise à des collisions élastiques avec
les molécules voisines. Observé par Brown au début du XIX ième siècle, il a été interprété
grâce aux travaux d’Einstein et de Smoluchowski en 1905. Cette validation de l’hypothèse
atomique montre le rôle des fluctuations thermiques dans un processus de diffusion
massique. Il est explicité par le concept de marche au hasard de la particule considérée qui
est soumise à des chocs aléatoires. Un flux de particules qui varie proportionnellement à la
différence de concentration permet de calculer une constante de diffusion D. La solution est
une courbe de Gauss avec une valeur moyenne du déplacement et un écart quadratique
moyen ou variance défini comme le second moment de la variable x :
σ = xt2 - xt 2 = 2Dt (2)
Ce comportement proportionnel au temps a été ensuite vérifié expérimentalement par
Perrin en 1908 qui a suivi les déplacements d’un ensemble de petites particules sphériques
animées d’un mouvement brownien. Il a pu mesurer le nombre d’Avogadro grâce à
l’expression de D fournie par Einstein :
D = υ.kBT (3)
où υ est la mobilité de la particule à la température T et kB la constante de Boltzmann. Un
lien entre les descriptions microscopique et macroscopique (c’est la loi phénoménologique
de Fick) a ainsi été établi. En prenant un point de vue dynamique, la description numérique
d’une marche au hasard, fonction de la dimensionnalité de l’espace réel décrit le
phénomène (voir paragraphe 2.3). Il est relié à un processus de Markov défini comme une
succession d’évènement indépendants satisfaisant à l’hypothèse ergodique et à l’équation
dynamique de Fokker-Planck classique quand le temps d’observation est largement plus
grand que celui du phénomène observé [3].
L’équation de Langevin également proposée en 1908 décrit la vitesse d’une particule dans
un fluide visqueux soumise à une force aléatoire du point de vue mécanique [6]. La viscosité
engendre une force macroscopique de frottement qui dépend de la viscosité du fluide et des
chocs au hasard avec les molécules environnantes. Par ces interactions l’énergie du
mouvement est dissipée en chaleur ce qui engendre des fluctuations thermiques dans le
fluide environnant. La généralisation de cette approche permet de décrire différents
situations dynamiques, en particulier l’influence d’un potentiel périodique sur le mouvement
des particules et la définition des propriétés de transport sous l’action d’une force
extérieure. Deux types de situations en résultent [3], soit l’évolution temporelle d’un
processus diffusif (équation type Fokker-Planck), soit un état stationnaire indépendant du
temps et résultant d’une moyenne spatiale. Les relations linéaires d’Onsager, exprimant par
exemple les flux de chaleur et d’électricité, définissent alors les conductivités thermique et
électronique et les coefficients de diffusion associés.
1.3. La naissance de la thermodynamique statistique.
Boltzmann en 1872 relie la thermodynamique à la mécanique statistique par l’intermédiaire
du théorème H : il existe une grandeur H(t) en théorie cinétique des gaz qui varie au cours
du temps de façon monotone en relaxant vers l’état d’équilibre du système. Celui-ci est alors
caractérisé par la fonction entropie statistique qui mesure le désordre du système :
S = kB . Log Ω (4)
Où Ω représente le nombre total d’états microscopiques et équiprobables du système et kB
est la constante de Boltzmann permettant de retrouver la dimensionnalité physique de
l’entropie phénoménologique exprimée dans le deuxième principe d’évolution. Elle
complète l’approche de Maxwell qui avait fait le lien entre les énergies cinétiques des
particules et le premier principe de la thermodynamique ou principe de conservation de
l’énergie E.
Cette démarche s’appuie sur l’hypothèse ergodique posée par Boltzmann. Notons que le
changement de niveau de description présente une difficulté que nous ne traitons pas ici. La
fonction phénoménologique entropie possède un caractère irréversible symbolisé par la
flèche du temps qui n’est pas contenu dans les lois fondamentales de la mécanique
statistique, invariantes par rapport au temps (cf. le paradoxe de Loschmidt).
Ces résultats s’appliquent in extenso pour des systèmes physiques dits isolés, ne présentant
aucun échange avec l’extérieur. Dans les situations réelles il y a des échanges d’énergie et
même de matière avec l’environnement (systèmes fermés et ouverts) qui engendrent des
situations de non-équilibre. Ce passage du microscopique au macroscopique a été largement
développé par Gibbs à la même époque en utilisant le modèle des ensembles dans le cadre
de l’hypothèse ergodique et le concept d’espace des phases (combinaison de l’espace des
positions et de l’espace des moments). Il a défini les fonctions statistiques micro-canonique,
canonique et grand-canonique correspondant respectivement aux systèmes isolés, fermés et
ouverts. Proche de l’équilibre le comportement d’un gaz de particules en présence d’une
force ou champ extérieur a été décrit par l’équation de transport de Boltzmann qui permet
de démontrer le théorème H notamment. D’une manière plus générale le théorème de
fluctuation-dissipation [3] permet de relier l’intensité des fluctuations thermiques à
l’équilibre avec sa réponse linéaire à une force extérieure pour des situations proches de
l’équilibre (voir paragraphe 2.4). Enfin des situations plus loin de l’équilibre, en régime non-
linéaire dit dissipatif, sont caractérisées par la présence d’instabilités avec des points de
bifurcation pour une fonction dynamique représentative. Après passage par un point dit de
bifurcation elles engendrent une instabilité et des structures dissipatives qui peuvent
conduire par rupture de symétries, vers des nouvelles structures organisées spatio-
temporelles, et même au-delà vers des situations chaotiques déterministes [2]. Elles sont
décrites par un comportement dynamique spécifique dans l’espace des phases avec le
concept d’un attracteur qui borne le volume ou la surface accessible (voir encadré).
2. Les lois statistiques généralisées.
L’approche statistique classique consiste à ramener le phénomène examiné à une somme de
petites contributions indépendantes. Ce n’est pas toujours le cas mais la difficulté est
d’observer expérimentalement les variations microscopiques d’une grandeur physique
donnée. Ceci a entrainé une trop grande confiance des statisticiens pour utiliser la
distribution gaussienne [8]. Une revue historique sur l’évolution de la théorie des
probabilités et la généralisation de la loi de Maxwell-Gauss au cours du XX ème siècle
permet de la situer dans un contexte plus général [9].
Sur un plan plus concret l’exemple historique souvent cité vient de l’économie avec la
distribution statistique utilisée par Bachelier dès 1900 à propos des fluctuations de
spéculations financières. Ensuite l’économiste italien Pareto a étudié au début du XX ème
siècle la distribution des richesses dans son pays. Il a constaté que 20% des plus riches d’une
population détenaient 80% de la richesse totale. Cette situation inégalitaire n’est pas bien
représentée par une distribution gaussienne. Pareto a proposé une distribution plus réaliste
avec une loi en puissance qui permet de décrire des phénomènes présentant une invariance
d’échelle. C’est une relation du type y = a.xn où n est l’exposant déterminé par la pente de
la droite observée en coordonnées logarithmiques. Cet indicateur rend compte de la
présence de grands évènements qui ont peu de chance de se produire mais ont une
importance prépondérante. A partir des années 1930 plusieurs auteurs (Lévy, Feller,
Kolmogorov entre autres) ont reconsidéré le théorème de la limite centrale reposant sur
l’existence d’une évolution de la valeur quadratique moyenne qui peut être mise en défaut
[9]. Lévy a montré qu’il existe d’autres solutions mathématiques globales en introduisant des
fonctions continues de probabilité plus générales qu’il a défini comme des lois stables [4]. Il
remarqua que dans ces conditions la valeur moyenne et l’écart type ou variance, n’ont plus
forcément de sens. Nous allons en rappeler les résultats essentiels dans un cadre limité
permettant de classer les phénomènes physiques, biologiques ou encore économiques. Dans
ce contexte nous évoquerons les travaux ultérieurs de Mandelbrot qui a éclairé l’approche
de Lévy en particulier en introduisant les notions de géométrie fractale et d’autosimilarité
[10]. Il a également explicité ces différents comportements en les qualifiant de hasard sage
pour une loi gaussienne étroite et de hasard sauvage dans le cas contraire d’une fonction de
distribution bien plus large.
2.1. Rappels à propos des lois stables de Lévy.
Lévy a établi une fonction générale exprimant la densité de probabilité pour un système
soumis à des variables aléatoires sans contraintes spécifiques. Elle conduit à une famille de
lois de distributions continues et stables car pour deux variables indépendantes leur somme
ou leur combinaison linéaire conserve la même fonction [4,11]. Ces lois dépendent
essentiellement de deux paramètres, l’index de Lévy µ et un coefficient de symétrie. Nous
allons nous intéresser seulement aux fonctions de distributions symétriques à l’état
stationnaire qui présentent trois cas particuliers. Elles possèdent une forme générale de
courbes en cloche plus ou moins étroites, données sur la figure 1a. Il faut distinguer les cas
où µ est un entier, égal à 1 ou 2, ou pas :
• La distribution gaussienne ou normale est trouvée pour µ = 2 ; elle est déjà
donnée par l’équation (1).
• La distribution de Cauchy-Lorentz établie pour µ = 1. Il faut noter que Cauchy
avait été le premier à réaliser au milieu du XIX éme siècle qu’une autre
solution existait pour un ensemble de variables aléatoires :
P (x) = 1/π [a/ (x-x0)2 + a2] (5)
Où a est une constante ajustable et la valeur x0 de la variable situe le maximum de la
fonction.
C’est une loi de probabilité pathologique pour laquelle la loi des grands nombres ne
s’applique pas ainsi que le calcul de la moyenne et de la variance pour un ensemble
d’observations. Nous allons cependant voir que cette loi de distribution introduite
physiquement par Lorentz en optique [1] est expérimentalement souvent présente et
significative.
• La distribution de Lévy dans le cas général où µ n’est plus forcément un
entier. Une formule analytique explicite n’est pas donnée et il faut avoir
recours à des algorithmes. Comme nous l’avons indiqué c’est une loi de
distribution large avec un comportement en loi de puissance pour les ailes.
Une décroissance asymptotique du type suivant doit être observée:
P (x) = C(µ)/ x 1+µ pour x (6)
Où C(µ) est une constante calculable dépendante de l’index de Lévy.
C’est dans une représentation en coordonnées logarithmiques qu’une loi en puissance
permet de définir une pente qui est cet index de Lévy. En effet la loi de Gauss avec une
décroissance plus rapide et celle de Cauchy-Lorentz qui est moins rapide ne sont pas
linéarisées dans cette représentation (voir figure 1b).
Figure 1. a) Formes des lois symétriques pour différentes distributions statistiques centrées
sur zéro (x0 = 0) : gaussienne correspondant à la distribution de Maxwell- Boltzmann,
lorentzienne pour la distribution de Cauchy-Lorentz et de type Lévy à queue large pour une
valeur de l’indice µ égal à 3/2 (adapté de [4]). b) Comportement de ces lois en coordonnées
logarithmiques confirmant bien que leurs différences essentielles se situent sur les ailes
pour de grandes valeurs de x, où seule la loi de Lévy présente une région logarithmique
linéaire correspondant à une loi de puissance donnée par l’équation (6) avec une pente
égale à l’index µ choisi.
Remarque : Dans le cas où le paramètre de symétrie n’est pas nul, différentes fonctions de
distributions asymétriques sont obtenues. Ceux sont des lois de valeurs extrêmes qui
permettent d’estimer des situations de risque pour des évènements encore plus rares
relevant toujours d’un hasard sauvage. Plusieurs types de lois d’extremum généralisées ont
été développés en fonction de contraintes supplémentaires pour en rendre compte [8].
2.2. Caractéristiques des systèmes dynamiques.
Sur le plan expérimental c’est le processus discret d’une marche au hasard qui est examiné
en fonction de la variable temps. Différents comportements dynamiques ont été analysés
que nous allons résumer en nous référant aux différentes lois de distribution cinétiques
P(x,t) (fonction propagateur) de la densité de particules. La somme de tous les temps de
déplacements des sauts individuels détermine l’écart quadratique moyen d’une particule.
Elle peut s’exprimer par la relation suivante qui est une généralisation de l’équation de
diffusion d’Einstein:
σ = x2. t ν (7)
Où ν est un exposant lié à une statistique de Lévy ; différentes relations avec l’exposant µ
ont été établies en fonction des régimes de diffusion observés [12].
Cet exposant est égal à un dans le cas d’une diffusion normale (voir équation (2)). Dans le
cas contraire nous sommes en présence d’une diffusion anormale relevant d’une marche
aléatoire spécifique. Diverses situations ont été recensées que nous allons rappeler :
• ν c’est un comportement sous-diffusif correspondant à une marche de
Lévy avec éventuellement des pauses.
• ν comportement sur-diffusif qui peut être rapproché du modèle d’un vol
de Lévy.
• ν = 2 comportement spécifique appelé balistique que nous expliciterons.
• ν dans le cas d’un système dit turbulent ou chaotique (voir paragraphe
sur le comportement en hydrodynamique) ; c’est un régime super-balistique
qui suppose une vitesse des particules variables [11].
La différence de comportement dynamique est liée à la mobilité des particules comme
représenté schématiquement sur la figure 2 dans un référentiel espace-temps. Usuellement
deux modèles sont distingués : les marches de Lévy pour une vitesse finie des particules et le
vol de Lévy quand leur vitesse tend vers l’infini [11].
- Une marche de Lévy est une marche au hasard où le déplacement entre deux
collisions nécessite un intervalle de temps fini. La durée de vol pour une particule est
alors supposé proportionnelle à la longueur du vol (voir figure 2a). La vitesse est
supposée constante pour une application physique donnée (temps de vol et longueur
de saut reliés) mais elle peut être variable dans des modèles plus élaborés. Noter
qu’une variante est un modèle de marche alternant avec des pauses de durées
aléatoires qui obéissent à une loi de puissance (équation 6). Un régime de sous-
diffusion (ν
- Dans un vol de Lévy la particule se situe soit au départ soit à l’arrivée du saut qui peut
être très long et il n’y a pas d’intervalle de temps durant les sauts; La variance
associée à cette vitesse infinie est elle-même infinie : il n’y a plus d’écart quadratique
moyen calculable. Comme l’a montré Mandelbrot [10] c’est un processus auto-
similaire présentant une dimension fractale dynamique (df) reliée à un index de Lévy
non-entier. Le temps n’est pris en compte que pendant des pauses (figure 2b). Le
temps de piégeage peut présenter alors une longue queue de distribution suivant
une loi en puissance du type donnée par l’équation 6 qui va conditionner le
processus de diffusion. Pour pallier à cet inconvénient de variance infinie dans un
modèle de vol de Lévy une approche a été de donner une vitesse élevée mais finie
pour des particules de haute mobilité. Tronquer la queue de distribution permet
également de retrouver une diffusion normale, ce qui est un procédé de coupure
arbitraire car éliminant les situations très rares mais significatives [11].
-
Figure 2. Modèle de marche au hasard d’une particule dans un référentiel espace-temps.
a) A droite c’est une marche de Lévy, la particule se déplace avec une vitesse supposée
constante v durant un intervalle de temps variable puis à un point donné change de
direction en gardant la même vitesse ; elle se déplace dans un cône balistique tel
que x =+/- v.t (traits pointillés) qui définit la fonction propagateur P(x,t) tronquée.
b) A gauche c’est le cas d’un vol de Lévy où la particule effectue des sauts instantanés
dans le temps (flèches courbes) alternant avec des pauses où elle se trouve immobile
(segments droits). Les sauts et les pauses sont des variables indépendantes et la
probabilité de distribution globale est représentée par une fonction propagateur
P(x,t). (Schémas adaptés de [11]).
- Le cas limite est un régime balistique où la trajectoire n’est plus modifiée par des
collisions internes comme dans un mouvement brownien mais seulement par les
limites géométriques du système .Tel est le cas pour un gaz raréfié dans un enclos fini
où les particules se trouvent dans un régime moléculaire de Knudsen. Sous ces
conditions dites balistiques, quand le processus de diffusion peut être contrôlé par
une contrainte géométrique la loi de distribution opérationnelle est celle de Cauchy-
Lorentz [11]. Nous aurons l’occasion d’y revenir notamment lors de l’examen des
propriétés physiques de nanomatériaux. Enfin ce régime peut devenir super-
balistique quand la vitesse des particules n’est plus une constante comme nous le
verrons pour des situations hydrodynamiques particulières [14].
Le point essentiel associé à ces différents régimes est celui de la validité de l’hypothèse
ergodique énoncée par Boltzmann. En effet les progrès en nanotechnologies ont permis de
développer des méthodes expérimentales permettant de suivre les trajectoires d’une seule
particule et d’effectuer une moyenne dans le temps. Ainsi la trajectoire x d’une particule
peut être suivie pendant une durée T et l’écart quadratique temporel est égal à [15] :
δx2 = 1/ T- τ
τ) – x(t)]2. dt (8)
où τ est un décalage lié à la mesure (τ . Cette valeur est à comparer avec la moyenne
sur un ensemble de particules à un instant donné (équation 7). Pour les systèmes
markoviens obéissant à la statistique de Maxwell-Boltzmann les deux moyennes sont égales.
Ce qui n’est plus le cas pour un ensemble statistique qui suit une distribution de Lévy. Il a été
démontré que la rupture du comportement ergodique est lié la présence d’une loi en
puissance sur les ailes de la fonction de distribution [16]. Ce comportement est plus ou
moins général, présent notamment en régime sous-diffusif [15]. Comme nous le verrons un
cas particulier est celui des chaines de Markov présentant un effet mémoire lié à un
vieillissement ou à un obstacle dans un système physique ou biologique.
2.3. Les modèles numériques de marches au hasard.
Pour approfondir ces situations des simulations numériques, en général unidimensionnelles
ou bidimensionnelles, ont été développées en liaison avec des situations expérimentales qui
dépendent de la dimensionnalité physique du problème. Deux grands types de modèles ont
été proposés.
Tout d’abord l’image d’une particule empruntant un chemin aléatoire est représenté par un
mouvement discret le long des arêtes d’un réseau (carré ou hexagonal) ; il modélise le
mouvement brownien [17]. Cette marche au hasard après un grand nombre n de pas sera
caractérisée par une distance moyenne à partir de l’origine égale à correspondant à la
variance dans la formule d’Einstein (voir équation 2). Elle rend compte d’un mouvement
brownien classique mais pour simuler certaines situations physiques une condition a été
ajoutée. La particule ne peut repasser au même nœud du réseau et initie une trajectoire
auto-évitante ou du premier passage. Dans ce cas le système ne relève plus d’un processus
de Markov car il tient compte du passé de la particule : c’est un effet mémoire. Ce processus
largement développé a été introduit par Flory il y a un demi-siècle pour rendre compte de la
conformation d’un polymère dans un solvant [13]. L’objectif de Flory était de déterminer la
distance moyenne entre le début et l’extrémité d’une chaine macromoléculaire. Dans ce cas
la distance moyenne associée à ce processus est supérieure à , résultat qui est précisé par
des modèles de simulations numériques [17]. Une généralisation de la trajectoire d’une
particule dans un milieu hétérogène a été examinée grâce à la technique de calcul Monte
Carlo [18]. La notion de position inaccessible après un passage, ou la présence d’obstacles
fixes ou encore d’une possible fixation chimique labile introduisant un temps de rétention
variable, introduit la diffusion d’une particule entravée. Un comportement sous-diffusif est
attendu, fonction de la concentration en obstacles quand on se rapproche du seuil de
percolation dans un réseau discret donné (la constante de diffusion s’annule au seuil de
percolation suivant une loi de puissance [13]). Ces situations se retrouvent dans les
problèmes relatifs à des macromolécules, des interfaces évolutives également et dans les
milieux physiques désordonnés ou encombrés présents en biophysique, ce que nous
verrons ultérieurement.
Une généralisation en géométrie fractale du mouvement brownien entraine des sauts auto-
similaires. Un exemple de simulation est donné sur la figure 3 montrant la présence
d’agrégats séparés par de longs sauts qui peuvent expliquer des dynamiques pouvant aller
jusqu’à une situation turbulente ou chaotique [14].
Figure 3. Simulation numérique bidimensionnelle d’une marche au hasard où la longueur du
saut le plus long est limité par la taille du système ; le processus aléatoire est auto-similaire
ou fractal car il se reproduit à différentes échelles (cf. MIT open course ware).
Pour aller au-delà du mouvement brownien d’autres types de modèle numérique ont été
développés avec des sauts de longueur quelconque qui ne prennent en compte que les
premiers passages sur les nœuds d’un réseau périodique. Ainsi dans le cadre d’une marche
aléatoire continue dans le temps, le modèle CTRW (« Continuous Time Random Walk »)
associe des sauts stochastiques de longueur aléatoire et des pauses variables durant un
temps t défini par l’équation 6 (voir figure 2a). Introduit par Montroll et Weiss en 1965 [19]
c’est un modèle dynamique général de marche de Lévy pour rendre compte de la
compétition entre les statistiques du temps de piégeage et de longueur des sauts. Si le
premier l’emporte on observera une sous-diffusion et si c’est le second une sur-diffusion.
Cependant un équilibre fortuit entre les deux peut conduire à une diffusion apparente qui
apparait normale pour l’expérimentateur [20].
Alternativement des travaux théoriques se sont intéressés à une équation de Langevin
généralisée notamment fractionnaire [6]. Dans un cadre plus général l’équation de Fokker-
Planck est une équation dynamique aux dérivées partielles linéaires applicable pour un
système de Markov [11]. Une approche non-linéaire décrivant une équation cinétique aux
dérivées fractionnaires a été développé pour des systèmes où les particules suivent une loi
générale de Lévy [21]. Cette équation de diffusion fractale associée à l’index de Lévy peut
être généralisée pour une propriété de transport en ajoutant un potentiel périodique ou un
champ extérieur. C’est la notion de temps fractal qui a été introduite dans cette méthode
qui est à comparer avec le modèle CTRW. Pour rendre compte des expériences nous
utiliserons ce concept de marche au hasard plutôt que celui d’équation différentielle
stochastique [22].
2.4. Fluctuations et corrélations d’une grandeur physique.
C’est un rappel concernant les principaux acquis obtenus en physique statistique hors
équilibre thermodynamique, en relation avec les résultats expérimentaux présentés par la
suite. Les systèmes hors équilibre sont caractérisés par une dissipation énergétique sous
forme de chaleur, associée aux échanges avec l’environnement (voir modèle de Langevin).
Comme nous l’avons vu les relations dites de fluctuation-dissipation permettent de relier les
fluctuations spontanées à l’équilibre avec des processus se produisant en dehors de
l’équilibre comme dans le cas de l’énergie [3,23]. Rappelons que les fluctuations d’une
grandeur physique dynamique sont associées avec un écart à la valeur d’équilibre et que
l’apparition des fluctuations usuelles présente alors un caractère régressif. Elles sont
modifiées par des effets de corrélations à courte ou longue distance dues notamment à un
désordre structural ou des contraintes géométriques particulières [13]. Dans le cas de
modèles géométriques la longueur lk parcourue par une particule après k sauts devient en
passant de k à n sauts aléatoires égale à lk+n. Une fonction d’autocorrélation de position
permet de définir la corrélation dans un parcours géométrique ou celle généralisée pour un
signal physique; pour un système dynamique une relation équivalente sur les vitesses est
utilisée. Elle est ainsi définie à l’état stationnaire:
Cn = lk . lk+n - lk lk+n (8)
La signification de la fonction de corrélation qui doit disparaitre pour un temps infini, est
révélée par le théorème de Khintchine qui explicite cette condition dans le cadre d’un
processus ergodique. Elle peut être étendue sous certaines conditions au cas des vols de
Lévy qui présentent un second moment infini et ne satisfont plus à l’hypothèse ergodique
[24].
Cependant si cette fonction dépend du temps d’observation elle peut être liée à un
phénomène de vieillissement (« aging process ») dans certains systèmes métastables (par
exemple des verres) qui présentent une évolution plus longue que les temps
caractéristiques de relaxation et d’observation. C’est alors une situation non ergodique qui
est présente [25]. Elle sera analysée après avoir recensé les principales situations
expérimentales en particulier des solides à l’état vitreux et en biophysique (voir paragraphe
6.4)
Les corrélations géométriques sont liées à la taille caractéristique du système ou bien à la
présence d’une structure désordonnée répétitive impliquant un effet mémoire à longue
distance. A courte distance Cn converge et ne change pas leur comportement gaussien
permettant de définir un écart quadratique moyen et une valeur moyenne xn. A longue
distance Cn décroit comme 1/n ou un peu plus lentement. Le comportement de xn est alors
modifié et le processus de diffusion est amplifié. Quand les corrélations tendent vers un
comportement optimal, toutes les variables ln tendent à devenir égales, le comportement
est alors balistique et sa variance n’est plus définie.
Pour expliciter l’importance des fluctuations et le rôle des corrélations plusieurs points sont
à rappeler:
- L’origine des fluctuations, thermique et quantique : les fluctuations thermiques
présentes dans les expériences de diffusion d’une particule sont reliées à la
probabilité de la trouver dans un état microscopique donné pour un système fermé.
C’est la fonction de partition de Gibbs qui permet d’exprimer l’énergie libre du
système et son comportement spécifique au voisinage de l’équilibre. Pour les
fluctuations d’origine quantique les fluctuations de position sont reliées aux
fluctuations d’impulsion par le principe d’incertitude d’Heisenberg. Leur description
globale s’effectue alors dans l’espace des phases qui décrit la dynamique de la
particule considérée. Elles sont effectives à très basse température et dans les nano-
systèmes présentés ci-dessous.
- Le théorème de fluctuation-dissipation [23] : il permet de relier l’intensité des
fluctuations thermiques au voisinage de l’équilibre avec sa réponse à un potentiel ou
un champ extérieur. L’énergie apportée par cette force sera dissipée en chaleur au
niveau microscopique et le comportement d’un système hors d’équilibre est obtenu
en examinant ses propriétés à l’état stationnaire. Cette problématique a été
développée par Onsager dans les années 1930 en établissant des relations linéaires
entre forces et flux pour les propriétés de transport proches de l’équilibre. Ce
principe de régression est valable pour un système stationnaire qui relève de la
statistique de Maxwell-Boltzmann [3]. Cette approche a été étendue à des situations
loin de l’équilibre en régime non-linéaire quand les fluctuations ne sont plus
forcément régressives : le théorème de fluctuation-dissipation doit être alors
reconsidéré [25].
- Ensuite la relation généralisée de Green-Kubo : elle exprime le lien entre un
coefficient de diffusion macroscopique et les corrélations de vitesse entre particules
dans ce milieu proche de l’équilibre thermodynamique [3]. A l’état stationnaire la
fonction d’autocorrélation ne dépend pas du temps mais ce n’est plus vrai pour un
système vieillissant qui nécessite une généralisation de la formule de Green-Kubo.
Ceci est en relation avec le défaut d’hypothèse ergodique démontré par le théorème
de Khintchine dans des systèmes plus compliqués [26]. Ils présentent une queue de
loi de distribution en puissance associée à un vieillissement pour les systèmes sur-
diffusifs [27].
- Le théorème de Nyquist : c’est une généralisation pour l’énergie électromagnétique
du théorème de fluctuation-dissipation, formalisé notamment par Callen et Welton
pour les fluctuations de voltage [28]. L’analyse s’effectue par une fonction de
transfert comme une transformée de type Fourier-Laplace permettant une analyse
en fréquence. La corrélation d’un signal électrique ou magnétique permet de
détecter des irrégularités dans un signal périodique perturbé par un bruit. Il exprime
l’énergie des fluctuations de tension par unité de bande de fréquence ou bien les
fluctuations d’aimantation induisant des variations de flux magnétique.
- Le théorème de Wiener-Khintchine : dans un état stationnaire, la transformée de
Fourier de la fonction d’autocorrélation d’un signal physique est égale à sa densité
spectrale en puissance (définie comme le carré du module de la transformée de
Fourier divisé par la largeur de la bande spectrale explorée). Pour un circuit
électrique c’est une densité spectrale énergétique et dans le cas magnétique une
densité spectrale d’aimantation qu’il faut considérer. La densité spectrale de
puissance est inversement proportionnelle à la fréquence f du bruit électrique. C’est
une loi de puissance qui est l’expression d’une relation générale des bruits associés à
plusieurs signaux indépendants:
S (f) 1/ f σ (9)
Dans une résistance électrique la circulation du courant électrique engendre des fluctuations
de voltage et un bruit électrique en 1/f (bruit blanc pour σ = 0)). Proche de l’équilibre c’est le
bruit de Johnson associé au phénomène de fluctuation-dissipation classique. Dans des
situations plus compliquées différentes sources de bruits existent qui jouent sur la valeur
non nulle de l’exposant σ correspondant à des bruits de couleur. Cet exposant est mesuré
variable autour de l’unité, usuellement entre 0.5 et 1.5 ; il renseigne sur le type de fonction
de distribution sous-jacente qui peut être de type Lévy [29]. Ainsi dans un bruit électronique
normal la densité spectrale est inversement proportionnelle de la fréquence (σ = 1) ce qui
n’est plus vrai pour des bruits de Lévy, en présence d’inhomogénéités et de corrélations à
longue portée dans le milieu. L’analyse stochastique sur plusieurs ordres de grandeurs
permet de tester différents mécanismes de bruits montrant une origine commune pour
l’exposant du spectre de puissance et les lois de Lévy sans qu’il n’existe une relation
analytique générale entre les deux coefficients µ et σ. De fait il apparait une corrélation
entre la valeur du coefficient σ et le degré d’homogénéité du milieu parcouru par une
particule [30].
2.5. Comportement des nano-systèmes :
Rappelons qu’un système est dit mésoscopique quand la taille de l’objet, dans au moins une
direction de l’espace est inférieure ou au plus de l’ordre de grandeur de la longueur de
cohérence d’une onde quantique associée à la particule (exemples : puits et fils quantiques,
super-réseaux). Le nombre de particules, de petite dimension par rapport au système et en
nombre fini, entraine une quantification des niveaux d’énergie présents. Ils sont caractérisés
par des fluctuations amplifiées présentant des effets spécifiques en particulier électroniques
[31]. Dans un tel système des fluctuations universelles (thermiques et quantiques) de
conductance sont liées à des perturbations sur la cohérence de la fonction d’onde associée.
Ce phénomène est lié à une diffusion élastique des particules dépendante d’un désordre de
positions atomiques dans un conducteur ou bien influencé par l’application simultanée d’un
champ magnétique. Il entraine un effet de localisation, dite forte découvert par Anderson
(voir paragraphe 5.1), ou bien faible d’origine purement quantique. Dans ce dernier cas une
diffusion arrière, par interférence constructive de l’onde associée, entraine une faible
diminution de conductivité par rapport au processus classique de Drude.
Plus généralement le transport quantique dans des nanostructures devient balistique, les
collisions ne surviennent qu’au bord du nano-objet. Il est alors affecté différemment par des
champs extérieurs appliqués et les propriétés de transport électronique reflète ce
comportement particulier [32] (voir paragraphe 5.1.d).
Quand les dimensions d’un système diminuent les fluctuations énergétiques hors équilibre
augmentent et un écart significatif à la moyenne spatiale apparaît, correspondant à une
fonction de distribution qui n’est plus gaussienne [33]. Le cas limite est celui d’une particule
unique pour laquelle l’observation d’une trajectoire individuelle peut être effectuée grâce à
des techniques de micromanipulation. Elle est ensuite intégrée sur un temps long pour être
comparée à la moyenne spatiale (voir équation 7). Le développement des nanotechnologies
a permis de tester ces effets dépendants de la taille de l’échantillon pour un système hors
équilibre comme par exemple la vérification de l’équation de Jarzynski ou la description des
moteurs moléculaires [23]. Cette équation permet de quantifier la différence d’énergie libre
entre deux structures moléculaires stables en mesurant le travail fourni mesurable pour
passer de l’une à l’autre sous l’action d’une force externe. L’étude de machines moléculaires
comme des protéines est associée au mouvement brownien des particules avec un bruit
thermique transformé en un mouvement dirigé [34]. Ces deux exemples sur des petits
systèmes hors équilibre relèvent de la thermodynamique stochastique qui a permis
d’étendre les concepts généraux pour des systèmes hors équilibre. Ils sont associés à une
dissipation d’énergie car ils convertissent ou transfèrent de l’énergie ou de l’information
comme dans les exemples juste cités [35]. Ainsi l’étude de nano-systèmes, comme des
macromolécules ou des nanomatériaux, apparait comme une voie possible pour faire le pont
entre la notion macroscopique d’irréversibilité, associée à une dégradation d’une autre
forme d’énergie en chaleur. Cette approche microscopique basée sur une invariance
temporelle est alors considérée comme réversible mais disparaissant progressivement avec
l’accroissement en taille du système ; elle est interprétée à partir de la notion de vitesse de
production d’entropie (voir paragraphe 6.3) [31].
3. Applications aux systèmes physiques.
Nous souhaitons identifier et recenser les situations physiques où une diffusion anormale est
présente à cause d’une loi de distribution à queue large. Pour cela il faut rechercher des
comportements en loi de puissance valide sur plusieurs ordres de grandeur dans un système
en régime conservatif ou bien dissipatif car situé loin de l’équilibre. Du point de vue
expérimental deux types de situations expérimentales existent. En premier l’évolution
temporelle d’un système isolé soumis à un gradient de concentration avec des fluctuations
naturelles ou bien consécutives à un stimulus ponctuel et dont on analyse le retour à
l’équilibre par relaxation. Elle est fournie par l’équation 7 qui peut s’appliquer également aux
systèmes subissant un effet de vieillissement. En second un système se trouvant dans un
état stationnaire dans le temps, et soumis à des échanges énergétiques ou massiques
(systèmes thermodynamiques fermés et ouverts). Sous l’action continue d’un potentiel ou
un champ externe la réponse est donnée par l’équation 6 et des indications indirectes sur
une propriété macroscopique, constante de diffusion ou coefficient de transport
directement liée à la fonction propagateur P (x,t). Après une présentation générale nous
analyserons le cas particulier de la loi de distribution de Cauchy-Lorentz [12].
3.1. Présentation générale.
Les approches théoriques succinctement présentée utilisent plusieurs notations
diversement appliquées sur les résultats expérimentaux. Une présentation unifiée des
probabilités de distributions des positions peut être utilisée pour les vols de Lévy. Pour un
processus de diffusion dynamique isotherme la probabilité spatio-temporelle s’écrit:
P (x,t) t 2/ϒ (10)
Avec ϒ égal à la dimension fractale df.
A l’état stationnaire sa transformée de Fourier s’écrit [36] :
P(k) exp (bkϒ) (11)
où k est le vecteur d’onde associé, avec b et 0 ϒ 2 (valeur limite ϒ = 2 pour une
distribution gaussienne) qui sous certaines conditions est à rapprocher de l’index de Lévy µ.
Pour un système de dimensionnalité physique variable d, Zanette dans une approche
pragmatique reposant sur la thermodynamique statistique [37], propose une formule
généralisée dans l’espace réel correspondant à des longueurs de sauts qui divergent :
P (x) 1/ x d+ϒ (12)
Comme nous l’avons indiqué dans l’introduction les évidences expérimentales pour analyser
ces fonctions de distribution de type Lévy semblent a priori assez rares [4]. Il faut utiliser par
exemple des techniques locales détectées très rapidement (marqueurs de diffusion) pour
observer les mouvements des particules et mettre directement en évidence des régimes en
loi de puissance. Une approche alternative est à travers l’analyse fréquentielle des bruits
associés au phénomène étudié (voir paragraphe 2.4). Les méthodes plus récentes de
simulations numériques de dynamique moléculaire (modèles type CTRW) ont permis de
conforter cet aspect expérimental et de montrer que des systèmes non-gaussiens sont sans
doute beaucoup plus nombreux que généralement supposé. C’est ce que nous allons faire
en examinant le cas spécifique de la statistique de Cauchy-Lorentz (correspondant à ϒ = 1)
souvent appliquée aux particules quantiques. Ensuite nous examinerons le cas plus général
relevant des fonctions stables et symétriques de Lévy en nous focalisant sur leurs évidences
expérimentales. Pour cela nous distinguerons entre régimes sur- et sous- diffusionnels en
incluant leurs éventuelles transitions en fonction du temps d’un régime vers un autre.
Pour ce faire nous allons classer les différents cas expérimentaux en trois catégories
principales :
- La dynamique des fluides, fonction d’un transport de matière progressif, est
caractérisée par un nombre de Rayleigh croissant avec passage vers une situation
turbulente correspondant à un régime hydrodynamique très loin de l’équilibre et
pouvant aller jusqu’à un chaos de type déterministe [14]. En outre dans une situation
hors équilibre impliquant simultanément des réactions chimiques non-linéaires, leur
compétition sera également abordée.
- La diffusion interfaciale de particules dans un milieu hétérogène (présence de deux
ou plusieurs phases au sens thermodynamique classique) et présentant des
contraintes géométriques en particulier dans des systèmes poreux, granulaires ou
encore mésoscopiques. Ces comportements dynamiques de marches au hasard sont
en général liés à une structure locale désordonnée du milieu, et en présence de
corrélations géométriques à longue distance [13].
- Le cas de vol de Lévy pour les particules quantiques décrites par la dualité onde-
corpuscule. Des pauses et des sauts aléatoires conditionnent un processus anormal
de diffusion (voir figure 2b) [37]. C’est par exemple le cas historique du
refroidissement laser par effet subrecul concernant des photons condensés à très
basse température. Plus généralement les parcours de photons ou de phonons dans
différents milieux structurés sont examinés. Le régime de conduction électrique par
sauts électroniques ou ioniques dans un solide désordonné ou encore son équivalent
magnétique dans un verre de spin doivent également être considérés dans ce cadre.
3.2. La distribution de Cauchy-Lorentz.
C’est Lorentz qui a fourni un sens physique à cette fonction de distribution déjà établie par
Cauchy (ce n’est pas une fonction exponentielle comme le montre la transformée de Fourier
inverse de l’équation 11 pour ϒ = 1). En introduisant le modèle d’un oscillateur qui simule
l’interaction matière-champ électromagnétique (ou photons) les propriétés optiques d’un
solide ont été décrites par Lorentz [1]. L’expression de l’indice de réfraction, la grandeur
observable, passe par le calcul de la constante diélectrique complexe comme réponse
linéaire du système choisi. La partie imaginaire de cette réponse, correspondant à
l’absorption ou l’émission d’une onde, est un processus représenté par une fonction de
Cauchy-Lorentz (voir équation 5). C’est une résonance entre deux états correspondant à
une corrélation énergétique spécifique à longue portée pour un système quantique
possédant des niveaux discrets interactifs (avec des règles de sélection pour les transitions).
Ce phénomène se traduit par un pic d’énergie échangée par absorption ou émission entre le
système et son environnement Dans un milieu homogène les exemples les plus communs
sont les raies d’absorption en spectroscopie infra-rouge ou les phénomènes de diffusion
Raman et Brillouin ainsi que dans les résonances magnétiques ou encore l’effet Mössbauer.
En effet aussi bien en RPE (résonance paramagnétique électronique) qu’en RMN (résonance
magnétique nucléaire) c’est la probabilité de transitions entre deux états quantiques
modulées par les fluctuations, dont la dégénérescence est levée par l’effet Zeeman, qui
définit le phénomène. Le paramétrage des courbes expérimentales correspond à la partie
imaginaire de la fonction réponse du système de spins. Dans le cas idéal c’est une fonction
lorentzienne permettant de quantifier les observations (position spectrale, phénomènes de
relaxation, largeur de la raie et intensité par intégration). Le profil d’une raie
spectroscopique, qui est la transformée de Fourier d’une fonction de corrélation (cf. le
théorème de Wiener-Khintchine paragraphe 2.4), est soumis à l’influence de son
environnement dans le milieu physique considéré. Cet environnement entraine la présence
d’une résonance stochastique formalisée par la théorie de Kubo-Anderson pour des
systèmes inhomogènes. Une inhomogénéité provoque un élargissement et une déformation
de la raie de résonance qui peut être également soumise à un effet de rétrécissement par
mouvement et échange [38]. L’analyse de la forme de cette raie lorentzienne renseigne sur
le milieu environnant: elle est basée sur la présence d’un système markovien se trouvant
dans un état stationnaire mais un pas supplémentaire peut être franchi. Ainsi l’observation
d’une molécule unique à très basse température qui est dispersée dans une matrice
vitreuse, met en évidence une forme particulière de la raie de fluorescence. Celle-ci est due
à des interactions dipolaires aléatoires s’exerçant à longue distance par effet tunnel et
obéissant à la statistique de Lévy [39]. Un autre exemple concerne les spectroscopies
mettant en jeu des nanostructures : c’est l’observation d’une fluorescence intermittente
entre deux états d’énergie dans un puits quantique [40]. La distribution des temps de séjour
dans les deux états suit alors une loi de puissance (voir paragraphe 5.2.c).
Une autre famille de phénomènes régie par cette fonction de distribution est liée à un effet
de corrélations géométriques dans des nano-systèmes, des milieux lamellaires ou dits en
« peignes » [13]. Dans ce cas c’est une résonance dimensionnelle et non plus énergétique
qui se produit. Comme nous l’avons déjà indiqué le cas prototype est celui obtenu pour la
diffusion de particules atomiques ou moléculaires en milieu confiné comme les pores
calibrées d’un solide dans un régime gazeux raréfié de Knudsen. Rappelons que dans cette
situation les particules se déplacent dans un régime balistique sans subir aucune déviation
interne. Une collision survient seulement quand le libre parcours moyen devient égal ou
supérieur à la dimension critique de l’échantillon.
Cette situation privilégiant l’espace réel, se produit par exemple dans des phases carbonées
moléculaires et conductrices électriquement telles que les nanotubes monofeuillets et les
rubans de graphène [41]. Les porteurs de charge (électrons et trous) subissent seulement
une collision inélastique au bord du nano-carbone. Ils présentent un comportement
électronique balistique uni ou bidimensionnel associé au concept de quantum de
conductance. Les porteurs se comportent comme des ondes quantiques se propageant à
grande vitesse (description de Dirac) et relevant d’un vol de Lévy dont la probabilité de
distribution doit suivre la loi de Cauchy-Lorentz. Cette situation est générale pour toutes les
particules quantiques présentes dans un système mésoscopique [32]. Quand la température
des nano-objets augmente l’influence des collisions élastiques avec les vibrations du réseau
cristallin et celle avec d’éventuels défauts structuraux deviennent importantes. Un effet de
localisation faible est alors observé et le régime de propagation apparait comme
statistiquement diffusif. Une distribution des longueurs caractéristiques des libres parcours
moyens des porteurs peut alors relever d’une fonction gaussienne classique. Ce point de vue
sera repris dans le cadre général du transport électronique (voir paragraphe 5.1).
Pour conclure, ce régime balistique est fortement corrélé (voir équation 8). Il correspond à
un comportement limite ou même va au-delà dans plusieurs situations expérimentales et
appelé super-balistique (voir la turbulence d’un fluide ci-dessous). C’est un cas singulier qui
correspond à une violation du théorème de fluctuation-dissipation et une déficience de
l’hypothèse ergodique [42].
Remarque : en physique relativiste des hautes énergies une probabilité de distribution
analogue dite de Breit-Wigner est utilisée pour modéliser des phénomènes de résonance
nucléaire.
4. Diffusion de Lévy pour des particules classiques.
L’utilisation du modèle de marche au hasard montre que la fonction propagateur P(x, t) peut
correspondre à une version généralisée de la loi phénoménologique de Fick [11]. Ainsi
différentes expériences de diffusion massique effectuées dans l’espace réel permettent de
mesurer l’exposant de Lévy ou une dimension fractale associée à partir de la détection d’une
loi de puissance.
4.1. Situations en hydrodynamique.
Depuis l’expérience sur la diffusion de Perrin et améliorée par la suite, l’analyse des
mouvements de particules dans un fluide est un terrain privilégié des approches
expérimentales. La technique de marqueurs ou traceurs, à l’aide de colorants par exemple
permettent de suivre un processus de diffusion mais également un transport de matière
sous contrainte mécanique comme un écoulement. Rappelons que ce dernier est régit par la
viscosité du fluide considéré, traduisant une résistance au mouvement imposé qui entraine
une dissipation d’énergie transformée en chaleur (voir équation de Langevin). Dans les
écoulements fluides sous contrainte croissante il se produit une transition d’un écoulement
régulier laminaire vers un écoulement turbulent d’abord faible qui devient instable avec
l’apparition de régimes transitoires [43]. Ce régime turbulent est caractérisé par l’apparition
d’un mouvement de convection et la formation de rouleaux ou vortex (la convection de
Raylegh-Bernard). Des inhomogénéités dynamiques dans le fluide surviennent pour un
nombre de Reynolds critique, se développent et peuvent aller jusqu’à un état chaotique.
Dans ce cadre une description en termes de marche de Lévy [14] a été proposée à partir des
travaux anciens de Richardson et l’existence de plusieurs régimes de transport massique.
Dans le modèle de Richardson l’écart quadratique moyen entre deux particules croit comme
t3 dans un fluide turbulent où les particules ne sont plus considérées comme se déplaçant à
vitesse constante. C’est alors un régime super-balistique (ν .
Une analyse expérimentale a été développée à partir du dispositif annulaire rotationnel de
Couette où une solution aqueuse isotherme forme une zone de vortex stables (de symétries
4 ou 6) [44]. Grâce à un traceur optique la marche aléatoire d’une particule témoin est alors
suivie. Elle montre que la trajectoire se passe en deux étapes, d’abord piégée dans un
vortex puis passant rapidement à un autre vortex, grâce à un saut long, typique d’un
processus de Lévy. L’analyse quantitative de ces trajectoires montre que les deux phases,
collage et déplacement, sont caractérisées par des lois de puissance spécifiques
correspondant à une situation sur-diffusive avec une variance du déplacement quadratique
moyen qui croit avec le temps pour un index de Lévy supérieur à 1 [44]. C’est une
observation expérimentale directe dans le cas d’une instabilité rotationnelle
bidimensionnelle de type Couette-Taylor. En s’éloignant encore plus de l’équilibre, la
dynamique non-linéaire conduit à une situation pleinement turbulente qui n’est plus sur-
diffusive avec l’existence de structures de Cantor à invariance d’échelle, dues à la présence
d’un attracteur étrange (voir encadré) : ceux sont alors des objets fractals [14]. Dans cette
situation Kolmogorov en particulier a analysé la dissipation de l’énergie cinétique dans un
écoulement turbulent avec un mécanisme en cascade intermittent [45]. Il conduit vers une
situation chaotique qui peut se produire naturellement en géosciences pour des ondes de
surface turbulentes dans les océans ou encore dans l’atmosphère et donc influer sur le
climat.
4.2. Adsorption et diffusion interfaciales.
Nous allons citer les principaux travaux relatifs à des situations d’adsorption et diffusion sur
différentes surfaces déjà observées depuis longtemps [46]. Nous examinons en particulier le
rôle d’une géométrie confinée (milieux poreux ou granulaire), d’un milieu colloïdal ou d’une
interface statique sur la dynamique moléculaire. Pour cela nous allons citer des travaux
relatifs à des mesures de temps de relaxation en RMN, des observations optiques ou bien
résultant de simulations numériques.
a) Diffusion en milieu poreux ou granulaire :
La technique RMN de mesure du temps de relaxation spin-réseau (T1) du proton (« Field
cycling NMR relaxometry ») en fonction de la fréquence de résonance est une technique
dynamique de choix. Elle permet de mesurer la relaxation des spins nucléaires et déterminer
ainsi la vitesse de déplacement et la fonction de corrélation dynamique de molécules d’eau
superficielles. Cette vitesse de déplacement peut varier en loi de puissance sur plusieurs
ordres de grandeurs [47]. Bychuk et O’Shaughnessy ont interprété une diffusion de surface
anormale, dans le cas d’une adsorption moléculaire forte (liquides polaires), par un
mécanisme de couplage et d’orientation avec échange des molécules d’eau se trouvant dans
le volume qui joue le rôle de réservoir [48]. Ce cycle de désorption, passage en volume puis
ré-adsorption peut être identifié à une marche de Lévy avec des pauses et le propagateur
associé est alors identifié à une distribution de Cauchy-Lorentz. Si l’adsorption moléculaire
s’affranchi du passage en volume une distribution classique gaussienne redevient
opérationnelle. Des mesures des temps de relaxation en RMN du proton sur un liquide
polaire dans un verre poreux confirment que la diffusion de surface peut obéir dans un cas
limite à une situation balistique bidimensionnelle [49].
Plusieurs situations similaires dans des milieux poreux, colloïdaux et biologiques ont
été répertoriées avec ce modèle d’adsorption forte ou chimisorption [47]. Une application
concrète est la perméabilité dans un milieu poreux qui devrait suivre la loi empirique de
Darcy. Ce n’est pas le cas dans un milieu à porosité ouverte constitué de grains de charbons
actifs [50]. A l’aide d’un marqueur il a été montré que le long temps de rétention sur les
parois inhomogènes et rugueuses suit une loi de puissance caractéristique d’un régime de
sous diffusion mis en évidence dans le cadre d’un modèle CTRW. Ce comportement joue un
rôle essentiel dans la purification de liquides usagés par chromatographie en phase liquide
ou dans l’extraction assistée du pétrole provenant de roches mères en géologie.
Un problème connexe est celui des milieux granulaires examinés à partir du modèle du tas
de sable alimenté régulièrement. Il est soumis à des avalanches caractérisées par une loi de
puissance (voir équation 9) avec un bruit fonction de la taille des amas et proportionnel à
l’inverse de leur fréquence [51]. Par la suite l’étude d’un flux bidimensionnel d’un milieu
granulaire confiné sous une contrainte de cisaillement quasi-statique a permis de montrer
un comportement de Levy pour la loi de distribution des vitesses. Une modélisation
numérique d’un tel système planaire permet d’analyser les fluctuations de vitesses des
particules qui sont analogue aux tourbillons observés dans l’expérience hydrodynamique de
Couette-Taylor [52]. Une loi de puissance entre le déplacement quadratique moyen (σ) et le
temps écoulé est calculée montrant un comportement sur-diffusif (figure 4). Une validation
expérimentale avec des bâtonnets cylindriques disposés dans un plan a été réalisée [53]. Elle
a permis de mesurer les déplacements moyens en fonction du temps pour un cisaillement
contrôlé et de valider sous certaines conditions une loi de diffusion anormale obéissant à
une statistique de Lévy.
Figure 4. Variation en coordonnées logarithmiques de la racine carrée de l’écart
quadratique moyen σ calculé suivant les directions x et y du plan de cisaillement
en fonction du temps t ; la loi de puissance obtenue correspond à un exposant
0,9 supérieur à celui de la loi diffusion normale (σ t 1/2) (adapté d’après [52]).
b) Couches adsorbées de polymères sur une surface solide :
Le point de départ est l’approche de Flory qui a modélisé la conformation d’un polymère
dans un solvant comme une marche au hasard. Les étapes élémentaires montrent une
corrélation à longue distance avec un processus d‘auto-évitement [18]. Ce point a été
introduit au paragraphe 2.3 dans le cadre des modèles de simulations numériques. La
structure d’un polymère adsorbé, qui présente différents points de contacts sur un plan
atomique attractif et séparée par de larges boucles de taille variable, est un problème
dérivé. De Gennes a montré que la taille des boucles dans un bon solvant décroit comme
une loi en puissance et que ces fluctuations ne peuvent pas être décrites par un modèle
classique de champ moyen [54]. C’est le cas pour des polymères linéaires, flexibles et
neutres qui diffusent à la surface du solide (modèle de reptation) et qui présentent une
structure de couche auto-similaire. Ceci est en accord avec les résultats expérimentaux,
obtenus par ellipsométrie optique ou par diffraction des neutrons [13].
c) Diffusion anormale de micelles :
La diffusion d’un marqueur fluorescent dans un système micellaire dit « vivant », formé de
molécules amphiphiles et d’un surfactant ionique, a montré que pour des concentrations
assez élevées leur marche au hasard est augmentée. Le coefficient de diffusion se trouve
alors dans un régime sur-diffusif; ceci est due à la reptation accrue des petites micelles crées
par ruptures et reformations qui deviennent prépondérantes [55]. Des simulations
numériques confirment cette approche quand les molécules adsorbées exécutent de longs
déplacements à l’interface, associés à des effets de corrélations à longue portée.
Un résultat expérimental quantitatif est donné pour une microémulsion, solution micellaire
comprenant de la lécithine, molécule amphiphile dans un mélange eau-cyclohexane. En
fonction de la fraction micellaire Ф et du rapport molaire entre l’eau et le surfactant W0 , des
organisations supramoléculaires différentes de ces micelles sont observées. Des expériences
de mesure de diffusion moléculaire sont réalisées grâce aux techniques d’échos de spin en
RMN du proton (« Pulsed field gradient spin-echo technique ») permettant de suivre la
variation du temps de relaxation T1 et de la diffusion de la lécithine utilisée comme
surfactant [56]. Un exemple significatif est fourni sur la figure 5 où le carré moyen du
déplacement d’une molécule est porté en fonction du temps pour un jeu particulier des
compositions chimiques. Il correspond à une transition continue d’un régime de sous-
diffusion vers un autre de sur-diffusion en passant par un régime apparent de diffusion
normale. Ce changement de comportement en loi de puissance est caractérisé par
différentes valeurs du paramètre β (valeur moitié de l’index ν défini dans l’équation 7). Ainsi
passe-t-on d’un régime sous-diffusif pour de grandes micelles à un comportement plutôt
sur-diffusif en présence de petites micelles montrant bien l’influence de la modification
géométrique du milieu hétérogène sur la diffusion massique. Signalons cependant que le
changement de régime de diffusion a été interprété : il peut conduire à un comportement
normal apparent [20].
Figure 5. Evolution en coordonnées logarithmiques du carré du déplacement moyen du
surfactant en fonction du temps expérimental de diffusion. Ces expériences sont réalisées
pour différentes valeurs du rapport molaire entre l’eau et la lécithine (W0 = 4-10) pour une
fraction volumique micellaire constante (Ф = 0,02). La pente des droites (ν =2β) montre bien
les différents changements de régime représentés à partir de l’équation 7 (d’après [51]).
Une autre approche expérimentale significative est basée sur le suivi d’une seule molécule
au cours du temps dans un milieu micellaire [57]. Des billes de polystyrène microscopiques
sont suivies individuellement grâce à la technique des pinces optiques avec un
enregistrement vidéo permettant de faire une moyenne dans le temps. La comparaison de
leur marche aléatoire dans l’eau pure et dans une solution de micelles sous forme de
spaghetti qui est un milieu viscoélastique montre un comportement différent. Une diffusion
anormale sous-diffusive (ν est trouvée dans les micelles pour un temps d’observation
de la milliseconde qui évolue ensuite aux temps longs vers un comportement diffusif ou
même sur-diffusif.
4.3. Diffusion sur une interface évolutive.
a) Adatomes et agrégats à une interface :
La diffusion d’atomes adsorbés sur une surface atomique et soumis ainsi à un potentiel
périodique bidimensionnel a été expérimentalement étudiée. C’est le cas notamment des
atomes de Sodium sur une surface de Cuivre (001) [58]. L’analyse théorique du mouvement
en surface de ces adatomes montre la présence d’un régime de diffusion anormal qui se
comporte comme un vol de Lévy [59]. Par ailleurs un processus de diffusion par glissement
d’agrégats d’or tridimensionnels à la surface d’un plan de graphite a été analysé. A partir de
ces expériences, des simulations numériques ont permis de montrer une loi de distribution
en puissance caractérisant les temps respectifs de vol et d’immobilisation de l’agrégat et
conduisant sous certaines conditions à un exposant ν = 1,1 [60]. Il faut noter que les
problèmes de chimisorption et preméabilité en milieu poreux (voir paragraphe 4.2.a) sont
apparentés [50]. Une réaction chimique interfaciale va dépendre de l’apport des réactifs et
du départ des produits de réactions en milieu confiné. Elle est alors contrôlée par leur
diffusion massique dans les pores.
b) Croissance fractale par mécanisme DLA (« Diffusion Limited Aggregation ») :
C’est encore l’analyse d’une interface chimique qui évolue dans le temps. En présence de
fluctuations importantes dans une situation hors équilibre une forme de croissance limitée
par la diffusion et l’adsorption chimique locale a été proposée : c’est le modèle de Witten et
Sander [61]. En partant d’une description microscopique du mouvement brownien, les
particules sont fixées par une diffusion de surface localement contrôlée. Les processus de
croissance, de ramification et arborescence sont déterministes et obéissent à une loi de
puissance de nature fractale [62]. Des expériences par épitaxie sous faible flux ou par
électrodéposition en couche mince effectuées sous certaines conditions expérimentales, ont
confirmé ce type de modèle. Une dimension fractale dynamique df correspondant à une
diffusion de surface peut être déterminée. Elle est variable suivant les conditions
expérimentales et pour les simulations numériques développées en parallèle [63]. Elle est en
général située vers df =1,6-1,7. Ce comportement correspond à un
que contrôle la cinétique de collage sur une surface [64].
4.4. Extension en biophysique :
C’est le domaine essentiel où la microtechnique des marqueurs de fluorescence a permis de
suivre directement le trajet d’une simple molécule biologique et de déterminer la moyenne
de son déplacement intégré dans le temps (voir équation 8). Ces observations conduisent à
un comportement non ergodique ne correspondant plus à un mouvement brownien, ce que
nous allons montrer sur quelques exemples. Cette approche dynamique a été appliquée
principalement dans deux domaines concernant le mouvement de macromolécules, comme
la double hélice d’ADN et en biologie moléculaire, et celui d’entités vivantes.
a) Cas en biologie moléculaire :
L’ADN est un hétéro-polymère chargé qui peut être séparé par électrophorèse, une diffusion
sous champ électrique. Ce processus peut être modélisé par la technique CTRW qui tient
compte de la taille des brins d’ADN [65]. Le rôle de l’ADN pour la production des autres
biomolécules dans une cellule vivante peut ainsi être précisé. L’étude du repliement facilite
la diffusion et la formation de boucles d’ADN pour l’optimisation d’une cible spécifique
concernant des protéines [66]. Au niveau intracellulaire le mouvement de molécules
individuelles dans une cellule procaryote de la bactérie E. Coli a été observé par
fluorescence. La diffusion d’un ARN marqué dans le cytoplasme est sous-diffusif dans une
échelle de temps allant de la seconde à plus de la minute. C’est un processus lié à un
confinement due à un environnement encombré dans la cellule de la bactérie [67].
Un autre exemple de diffusion transitoire anormale dans une cellule eucaryote de
mammifère a été détecté par caméra de fluorescence sur un télomère d’ADN [68]. Un
télomère est l’extrémité non-codante d’un chromosome qui se déplace dans le noyau
cellulaire, un milieu limité et encombré. Sur la figure 6 le coefficient de diffusion divisé par le
temps est porté en coordonnées logarithmiques en fonction du temps. Aux temps courts
l’écart quadratique moyen montre un caractère sous-diffusif expliqué par un modèle de
reptation comme dans les polymères [54]. Aux temps plus longs, supérieurs à 100 secondes
la diffusion transitoire tend vers un processus apparemment normal ; il est sujet à un
mécanisme de périodes aléatoires de fixation entre sauts type modèle CTRW.
Figure 6. Loi de puissance de l’évolution de l’écart quadratique moyen du déplacement
d’une particule divisé par le temps en fonction du temps. La dynamique des télomères se
caractérise par trois périodes présentant un exposant ν croissant : égal à 0,32 puis 0,51 au-
dessous de 100 secondes et atteignant 1,15 au-delà (adapté de [68]).
Un autre exemple est celui des filaments d’actine formant un réseau enchevêtré qui
constitue le squelette filamenteux dans le cytoplasme. Cette protéine se comporte comme
un polymère semi-flexible dont la dynamique individuelle montre un comportement
également sous-diffusif [69]. Sur un plan général une modélisation en fonction de ces
contraintes géométriques internes et environnementales, a été développée par Sokolov
pour différents milieux biologiques encombrés [70].
b) Cas de cellules vivantes :
Enfin à des échelles de taille et de temps supérieures la migration de cellules entières peut
montrer un comportement hydrodynamique anormal [71]. Le parcours d’une cellule d’un
mammifère dans un milieu physiologique étalé sur un substrat et suivi par microscopie
optique à contraste de phase, est retracé sur la figure 7. Les trajectoires observées pendant
quelques heures, qui sont associées à des changements de forme de la cellule, montrent un
comportement ressemblant au modèle numérique présenté sur la figure 3. A partir de
l’analyse de la fonction d’autocorrélation des vitesses un changement de régime apparent
est détecté de type sur-diffusif : il est dû à une probabilité de distribution P(x,t) non
gaussienne.
Figure 7. Observation de la migration d’une cellule montrant le caractère de marche au
hasard associé à une déformation cellulaire (d’après [71]).
Une preuve supplémentaire est amenée avec l’étude de la migration bactérienne dans un
milieu poreux 3D formé par un hydrogel [72]. La bactérie E-Coli introduite dans le milieu
poreux est observée par microscopie confocale ; elle se déplace par sauts et piégeage
aléatoires et son suivi montre une loi de puissance de la distance quadratique moyenne aux
temps longs. La migration dépend de la taille moyenne des pores avec une loi de puissance
dont la pente décroit avec le confinement (0 ν 1).
Ces exemples sélectionnés montrent que dans les milieux vivants l’observation de
moyennes temporelles sur une macromolécule remet en question la validité et la
reproductibilité expérimentale des mesures individuelles. Ils confirment l’observation
globale d’un comportement non-ergodique en régime sous-diffusif où la moyenne dans le
temps pour une particule (équation 8) n’est plus équivalente à la moyenne sur un ensemble
(équation 7) [73].
4.5. Processus physico-chimiques de compétition réaction-diffusion.
Les réactions chimiques en milieu fluide dans un système dissipatif loin de l’équilibre sont
associées à la compétition entre vitesses de réactions chimiques avec une boucle rétroactive
et constante de diffusion de ces espèces réactives. Ce régime non-linéaire peut entrainer
l’apparition d’instabilités (points de bifurcation) et un processus d’auto-organisation. Il en
résulte des réactions chimiques oscillantes (horloge chimique) et des structures spatio-
temporelles variées (structure de Turing). Elles sont réalisées grâce à la technique du
réacteur alimenté en continu et agité [74]. En présence d’une diffusion anormale des
espèces chimiques l’introduction mathématique d’une équation cinétique fractionnaire type
Fokker-Planck, apparait alors une approche essentielle pour généraliser ce phénomène [21].
En effet la diversité des collisions et réactions moléculaires ioniques responsables d’étapes
redox élémentaires en milieu homogène, se trouvent dans un régime fractionnaire sur- ou
sous-diffusionnel qui contrôle l’apport de matière. Sous certaines conditions, en particulier
pour un régime réactionnel limité par la sous diffusion, la propagation de fronts de transition
entre deux états possibles du système hors équilibre peut conduire à une nouvelle
organisation spatio-temporelle. La diffusion d’une ou plusieurs espèces chimiques est alors
le facteur clé qui détermine la distribution spatiale des réactifs et la vitesse de réaction
résultante [75]. Les récents développements de cette dynamique de front et ses
conséquences ont été analysés en fonction des différents régimes de diffusion et de vitesses
de réaction qui sont en compétition [76]. En particulier les présences d’instabilités
temporelles d’ondes chimiques et de structures de Turing chimique ou biologique ont été
proposées en comparant aux études classiques impliquant une statistique gaussienne [77].
Différents modèles ont été développés en biologie comme par exemple le modèle
mécanique de Murray-Oster qui quantifie les interactions au niveau cellulaire [78]. D’autres
approches ont été proposées, basées sur la compétition gènes activateurs et inhibiteurs ou
en écologie avec le modèle proie-prédateur. Ce dernier modèle a été étendu au cas d’une
cible ou d’une trappe immobile [79] montrant la supériorité d’une marche de Lévy employé
pour les stratégies de recherche de nourriture chez les animaux. En définitive ils montrent
une optimisation de la probabilité de rencontre des entités interactives, fixes ou mobiles, par
rapport à une stratégie classique de marche au hasard [80].
4.6. Caractéristiques générales de la diffusion massique:
Comme nous l’avons déjà indiqué Bouchaud et Georges [13] ont effectivement développé
des modèles physiques impliquant des structures topologiques particulières comme des
labyrinthes, des peignes ou bien la présence d’un désordre atomique ou moléculaire
positionnel. La généralisation de ces modèles en introduisant la notion d’environnement
encombré où l’optimisation des sauts est conditionnée par des corrélations à longue
distance a été mise en évidence. Différents modèles associés à une situation sous-diffusive
sont analysés, ils correspondent à un milieu encombré considéré comme inhomogène ou
comportant plusieurs phases. Il faut rappeler à ce propos qu’une phase au sens
thermodynamique est macroscopiquement homogène quand sa densité est localement
constante en tout point. En présence de modifications continues de la densité, la phase est
appelée inhomogène et enfin hétérogène quand il y a une discontinuité de densité
correspondant à une interface séparant des zones de nature ou composition chimique
différente (voir paragraphe 6.1).
Une situation inhomogène liée à une auto-organisation du milieu est observée loin de
l’équilibre thermodynamique en régime non-linéaire. C’est le cas en hydrodynamique des
fluides turbulents (paragraphe 4.1) ou bien pour des milieux granulaires (paragraphe 4.2) ou
encore dans un réacteur chimique ouvert et isotherme avec apparition d’oscillations
temporelles ou d’états bistables [74]. Dans les deux cas le milieu fluide devient inhomogène
avec apparition d’instabilités spatio-temporelles. Ainsi l’environnement spatial variable
d’une particule joue un rôle essentiel dans le processus de diffusion comme pour l’efficacité
des réactions chimiques possibles (paragraphe 4.5).
Les mécanismes d’adsorption, de diffusion interfaciale et de croissance fractale par
mécanisme DLA (paragraphe 4.3) correspondent à la présence d’un milieu hétérogène avec
différents régimes sous ou sur-diffusionnel à l’interface. Dans ces exemples le processus est
entretenu par une diffusion en volume jouant le rôle de réservoir et entrainant un régime
variable (voir figure 5). Il y a en général sous-diffusion quand le temps de diffusion à la
surface est conditionné par son temps de rétention en volume. Un modèle type CTRW est
valable pour ces exemples, avec des déplacements atomiques ou moléculaires en surface
importants, modèle qui apparait encore applicable dans le cas du mécanisme DLA.
5. Diffusion de Lévy avec des particules quantiques.
Nous allons nous intéresser aux mouvements aléatoires de particules quantiques
considérées principalement sous leur aspect corpusculaire mais dont la durée de vie peut
être limitée. Le libre parcours moyen entre deux collisions, ou leur mobilité associée, est la
variable microscopique permettant une mesure physique qui est en général une diffusion
macroscopique découlant d’une moyenne spatiale. En effet la durée de vie de la particule
considérée (intervalle de temps entre les processus de création et d’annihilation par
collisions), en particulier pour les photons et phonons peut être inférieure au temps
d’observation et une moyenne temporelle formelle n’existe plus. Elle suit une marche au
hasard qui est considéré comme un vol de Lévy, déplacement instantané avec des pauses ou
localisations spatiales dans des trappes énergétiques (voir figure 2b).
La nature de la particule quantique impliquée et le phénomène de transport associé vont
dépendre du champ extérieur appliqué : électrons sous un champ électrique et spins en
présence d’un champ magnétique, photons lors de l’interaction avec une onde
électromagnétique enfin phonons en présence d’un gradient thermique. En mécanique
statistique la description des trajectoires s’effectue alors dans l’espace des phases comme
nous allons le voir sur plusieurs exemples. Pour cela la technique dynamique des portraits de
phase et les principaux développements associés sont rappelés dans l’encadré.
5.1. Transport électronique dans les solides.
Le point de départ de la loi d’Ohm est la mesure du flux électrique se propageant dans un
solide cristallin conducteur soumis à un champ électrique. Au niveau microscopique la
conductivité électrique s’exprime par la relation simple :
Ϭ = Σ l.n.υ (13)
Où e est la charge de l’électron prise en valeur absolue, n le nombre de porteurs et υ leur
mobilité, reliée au coefficient de diffusion électronique par la relation d’Einstein (équation
3). Cette mobilité donc la vitesse de déplacement, sont élevées mais en toute rigueur ne
sont pas forcément constantes.
La physique du solide classique nous indique qu’en présence d’un potentiel périodique créée
par le réseau cristallin les porteurs de charges (électrons et trous) sont délocalisés dans tout
le volume. Ils sont caractérisés par une fonction d’onde de Bloch et l’existence de bandes
d’énergie, continuum d’états d’énergies quantiques. Le remplissage des bandes de valence
et de conduction, caractérisé par la position du niveau de Fermi, définit le caractère
conducteur ou pas du solide. En présence de défauts structuraux perturbant la symétrie de
translation du réseau cristallin un phénomène d’interférence et localisation par diffractions
multiples de cette fonction d’onde se produit. Il est lié à la présence de puits de potentiel
statique de profondeur variable pour certains états d’énergie : c’est le phénomène de
localisation forte proposé par Anderson en 1958 [81]. Si ce potentiel fluctue dans le temps,
par des vibrations du réseau ou un champ électrique alternatif, le processus de transport
peut être restauré. Ce confinement des ondes de Bloch induit un caractère isolant dans un
conducteur car la périodicité de translation est détruite à courte distance. Au voisinage du
niveau de Fermi dans la bande de conduction il apparait un seuil de mobilité avec l’existence
d’états d’énergie localisés. Ce seuil est à l’origine d’une transition métal-isolant qui dépend
fortement de la dimensionnalité électronique du système [82]. Ainsi à titre d’exemple un
nanotube de carbone monofeuillet conducteur montrant un comportement balistique
unidimensionnel et soumis à l’irradiation contrôlée d’ions Argon provoquant des défauts
ponctuels, devient un isolant présentant une localisation forte d’Anderson [83].
a) Photoconductivité dans des solides amorphes :
La réponse transitoire à un flash de lumière est la photoconductivité qui se produit dans des
semi-conducteurs amorphes comme l’arséniure de sélénium ou un polyvinyl-carbazole,
matériaux employés pour les machines à photocopier ou bien l’impression Laser. Le
mécanisme de transport des charges électriques situées dans des pièges, après excitation
par un rayonnement (absorption de photons) dans ces solides non-cristallins, a été étudié et
analysé par Scher et Montroll dès 1975 [84] : ceux sont eux qui ont appliqué les premiers le
modèle continu CTRW [19]. La mesure du photo-courant de relaxation I(t) dans ces
matériaux amorphes montre une loi de puissance avec un changement de régime pour une
intensivité I (tτ) se produisant à un temps caractéristique tτ (figure 8). Il indique une variation
passant aux temps courts d’une pente de -0,55 vers une autre aux temps longs de -1,45.
C’est alors une décroissance dispersive, pas exponentielle, caractéristique d’une longue
queue de distribution du photo-courant. En coordonnées logarithmiques normalisées ce
phénomène présente une invariance en fonction de l’épaisseur de l’échantillon et de
l’adsorption du flash lumineux à la surface de l’échantillon ainsi que la valeur du champ
électrique appliqué. Ce résultat est montré sur la figure 8 où les coordonnées sont
exprimées en coordonnées logarithmiques, par l’existence d’une courbe maitresse.
Figure 8. Courbe unique en coordonnées logarithmiques réduite portant l’intensité
normalisée I(t)/ I(tτ) en fonction du temps réduit (t/ tτ) sur un échantillon de As2Se3
d’épaisseur 91 microns soumis à différents champs électriques et durées de flash lumineux
(d’après [84]).
Les auteurs ont proposé un modèle dans lequel le mouvement des porteurs de charges est
décrit comme une séquence de sauts aléatoires interrompus par des périodes de piégeage
dans un puits de potentiel obéissant à une loi de Lévy. Rappelons que dans le cas classique il
existe un temps moyen de piégeage et le déplacement global suit une loi de diffusion
normale où le coefficient de diffusion et la mobilité moyenne des porteurs sont
proportionnels (relation d’Einstein). Dans la situation décrite ci-dessus ce temps moyen de
piégeage diverge et correspond à un processus de transport sous-diffusif qui n’est plus
ergodique car l’information obtenue sur une particule unique au cours du temps n’est plus
celle donnée en faisant une moyenne sur celles-ci. Le formalisme du modèle CTRW
généralisé pour différents processus de pièges et de sauts a permis de rendre compte de ces
photo-courants dans divers solides désordonnés [85].
Un exemple complémentaire est celui de la photoluminescence dans un semi-conducteur
dopé (n-InP). Le transport électronique des porteurs minoritaires par photoluminescence est
stimulé : c’est un cas particulier de vol de Lévy [86]. En analysant ces résultats il a été montré
que le déclin de l’intensité de luminescence présente une loi de puissance. Cette
photoluminescence se produit sans changement de la forme du spectre observé mais
dépend de la température et du taux de dopage dans le semi-conducteur c’est à dire du
désordre positionnel qu’il induit. Enfin des électrons excités optiquement par Laser dans un
ruban de graphène suivent un processus de relaxation en cascade régit par une diffusion
anormale de particules quantiques de type Dirac [87]. En effet ces particules sans
masse apparente situées près d’un point de Dirac, présentent un comportement
superdiffusif du type vol de Lévy [88].
b) Processus de conductivité électrique par sauts :
Dans les semi-conducteurs dopés ou désordonnés les porteurs sont piégés dans des puits de
potentiel fixes et spatialement désordonnés : leur conductivité intrinsèque peut s’en trouver
modifiée. Certains états d’énergie du système correspondent alors à des localisations fortes
d’Anderson et à l’état stationnaire le mécanisme de conduction est alors différent. Il y a un
demi-siècle Mott a proposé un processus de saut à distance variable [82] où la probabilité de
saut est liée à un effet tunnel assisté par les vibrations de réseau, des phonons. Les
fluctuations temporelles sur les puits de potentiel électroniques détruisent au moins
partiellement l’effet de localisation forte. Ce modèle local lui a permis d’établir une loi qui
présente une dépendance en température particulière de la conductivité:
Ϭ = Ϭ0 exp. (T0/T) 1/1+d (14)
où d est la dimensionnalité physique du système électronique et T0 la température
caractéristique de Mott, constante qui dépend principalement du rayon de localisation des
porteurs liée au confinement de la fonction d’onde associée.
De nombreuses expériences sur des semi-conducteurs amorphes (C, Si, Ge, alliages par
exemple) présentent ce comportement linéaire semi-logarithmique pour la variation
thermique de la conductivité électrique. Une loi en T1/n+1 fonction de la dimensionnalité
électronique du matériau, pour de larges domaines de température est vérifiée (à très basse
température d’autres mécanismes de corrélations entre particules peuvent intervenir). En
effet ce comportement est souvent lié à la présence d’ une transition isolant –conducteur
qui se produit quand le niveau de Fermi passe des états d’énergie localisés vers des états
étendus correspondant à une fonction d’onde de Bloch classique : c’est un seuil de mobilité.
Un cas particulier est celui des films minces de carbones graphitiques amorphes qui
montrent une transition allant d’une loi de Mott bidimensionnelle en T 1/3 vers un
comportement en T1/4 tridimensionnel en fonction de l’épaisseur du film déposé. Un
changement de régime du flux électrique est mis en évidence en passant d’une résistivité de
surface à celle de volume [89]. Sur la figure 9 la variation thermique de la résistivité est
portée en fonction de T-1/3 pour des échantillons fabriqués par pulvérisation réactive d’une
cible carbonée et déposés à 77K pour éviter un effet de recuit. L’analyse de cette résistivité
qui dépend de l’épaisseur variant de 150 à 1200 Angströms, montre un changement de
régime qui se produit au-dessus de 600 Angströms.
Figure 9. Variations thermiques de la résistivité électrique ρ en fonction croissante de
l’épaisseur (échantillons de 1 à 9) ; elles montrent d’une part la décroissance de la résistivité
en fonction de l’épaisseur observée pour une température donnée et d’autre part une
relation quasi-linéaire quand le logarithme de ρ est porté en fonction de T-1/3 ce qui permet
de déterminer la température T0 de MOTT définie par la relation 14 (adapté de [89]).
La probabilité de ces sauts activés thermiquement (« Variable range hopping process »)
dépend de l’agitation thermique du solide et des paramètres liés au champ électrique
appliqué. L’intensité et la fréquence en courant alternatif (présentant une dépendance non
linéaire), éventuellement l’application d’un champ magnétique appliqué (et la présence
d’une magnétorésistance négative voir ci-dessous) sont les paramètres de cette marche au
hasard [82]. Le modèle physique correspond à une modulation du système interférentiel : la
charge localisée dans un puits de potentiel grâce à ce champ extérieur fait un saut aléatoire
assisté par des phonons vers un autre puits en optimisant les paramètres distance du saut et
hauteur de la barrière de potentiel à franchir [90]. Un modèle de vol de Lévy avec pièges de
durées aléatoires devrait lui correspondre comme pour la photoconductivité induite par
l’apport de photons (voir figure 8). Il impliquerait des fluctuations de courants électriques et
la présence supposée d’une loi de puissance associée mais sans évidence expérimentale
directe [91].
c) Transport électronique dans les milieux désordonnés:
Dans une approche plus générale rappelons que la loi d’Ohm (équation 13) définie la
conductivité électrique à l’état stationnaire (cf. la relation linéaire flux-force d’Onsager). Elle
est basée sur les processus de collisions, élastiques ou inélastiques, en régime diffusif avec
un libre parcours moyen plus ou moins grand des porteurs de charges dont la distribution
est supposée gaussienne. Cependant à basse température un phénomène de faible
localisation peut apparaitre lié à un effet d’interférence quantique provoquant une
rétrodiffusion cohérente (voir paragraphe 2.5). Ce phénomène dépend des dimensions de
l’échantillon et de la nature du désordre présent. Il donne naissance à une croissance
logarithmique de la résistivité en fonction de la température qui est perturbée par
l’application d’un champ magnétique avec l’apparition d’une magnétoresistance transverse
négative [32]. Plus généralement les effets galvanomagnétiques sont des révélateurs de ces
comportements dynamiques. Rappelons qu’en théorie classique sous l’action conjuguée de
champs extérieurs, électrique et magnétique perpendiculaires créant la force de Lorentz
dans la troisième direction, une courbure de la trajectoire des porteurs est provoquée. Un
potentiel transverse de Hall apparait ainsi qu’une variation relative de la résistance
électrique longitudinale appelée magnétorésistance. Cette dernière ne peut être que nulle
ou positive en physique du solide classique basée sur la périodicité du réseau cristallin. Une
valeur négative correspond à une augmentation de la constante de diffusion par rapport à sa
valeur initiale dans un régime de sous-diffusion, qui est récupéré partiellement en présence
d’un champ magnétique. Il a été associé depuis longtemps à un caractère désordonné ou
inhomogène présent dans un solide conducteur [92].
Dans le cas spécifique des carbones graphitiques en fonction de leur degré de cristallinité
trois régimes successifs de diffusion sont observés relevant de différentes lois statistiques
[41]. Pour les échantillons les plus désordonnés en présence d’une localisation forte
d’Anderson c’est une conduction par sauts assistés par des phonons. Comme nous l’avons vu
c’est la loi de Mott devant relever d’un modèle de marche au hasard avec pauses (voir figure
9). Ensuite pour des échantillons plus cristallisés se comportant comme des semi-
conducteurs classiques, les porteurs sont soumis à des collisions avec les phonons
thermiques et les défauts-impuretés donnant un régime normal de conduction obéissant à la
loi d’Ohm usuelle. Enfin un régime balistique est présent pour des carbones moléculaires
tels que des nanotubes monofeuillets ou des rubans de graphène qui peut être détruit par
irradiation contrôlée [83]. En l’absence de dissipation à l’intérieur du matériau ce
comportement justifiable de la statistique de Cauchy-Lorentz devient particulier comme
nous allons le voir pour des systèmes mésoscopiques
d) Transport dans les systèmes mésoscopiques:
Le comportement quantique des petits systèmes de basse dimensionnalité présente des
spécificités que nous allons détailler (voir paragraphe 2.5). Ainsi ces propriétés de transport
électrique sont relevables d’un régime balistique dont l’étude est approfondie par
l’application d’un champ magnétique orthogonal. En effet pour un porteur, dans un solide
cristallin à basse température dont le libre parcours moyen est grand, sous l’influence de la
force de Lorentz une orbite électronique complète peut exister : c’est la résonance
cyclotronique. Ce phénomène quantique caractérisé par la présence de niveaux de Landau
quantifiés à la place d’un continuum énergétique dans une bande d’énergie, dépend de la
topologie d’une surface de Fermi. Il a été largement étudié en physique du solide classique
et montre des spécificités pour des super-réseaux périodiques (« Antidot superlattices »).
Dans une hétérojonction GaAs-AlGaAs à la température de l’Helium liquide, une réponse en
fonction de la valeur du champ appliqué présente des pics de magnétorésistance et une
résistance de Hall bloquée avec des plateaux [93]. Ces nouveaux phénomènes ont été
observés dans plusieurs systèmes bidimensionnels présentant des porteurs de grande
mobilité, considérés comme des particules relativistes de Dirac. Par exemple un plan de
graphène modulé par un fort potentiel répulsif présente des effets balistiques spécifiques
dont des pics de magnétorésistance commensurables associés à des orbites fermées
encerclant un nombre fini et variable de puits de potentiels [94]. Le transport électronique
dans ces super-réseaux périodiques a été analysé, montrant la robustesse de ce régime
balistique vis-à-vis des défauts présents [95]. Le mécanisme proposé est une
interdépendance entre des dynamiques régulières et chaotiques des trajectoires des
porteurs dans l’espace des phases accessible, avec la présence de zones de vortex
quantifiées comme défauts topologiques. Enfin cette signature expérimentale a été
également observée à la surface de nouveaux matériaux isolants topologiques présentant
des résonances géométriques analogues [96].
e) Conduction et magnétisme dans les verres :
Concernant les verres il faut rappeler que ceux sont des matériaux amorphes gelés se situant
en dehors d’une situation d’équilibre thermodynamique qui peuvent évoluer et vieillir
(« aging process»). Certains liquides quand ils sont rapidement refroidis peuvent rester dans
un état métastable de liquide surgelé en l’absence du phénomène classique de
cristallisation. Ils présentent une transition vitreuse sous l’influence d’un recuit ultérieur qui
se manifeste par un pic dans l’analyse thermique différentielle mettant en évidence une
réorganisation structurale progressive. Un grand nombre de matériaux soumis à une trempe
conduisent à cet état vitreux désordonné, par exemple des silicates, borates, alliages de
Germanium ou encore des dispersions organiques colloïdales. La dynamique des transitions
vitreuses est associée à un déplacement important des atomes ou molécules. Elle apparait
différente en 2 ou 3 dimensions comme le montre la présence de fluctuations à longue
portée uniquement dans les systèmes bidimensionnels [97]. Nous allons juste rapporter
quelques exemples de diffusions anormales sur des verres conducteurs ou magnétiques.
Concernant le transport de charges électriques il faut rappeler l’existence de semi-
conducteurs électroniques amorphes qui ont déjà été cité pour leur comportement
photoconducteur particulier (voir figure 8). Ainsi l’effet Ovshinsky basé sur un changement
de structure d’alliages désordonnés Ge-Sb-Te passant réversiblement, en fonction du champ
électrique appliqué et de la température, d’un état amorphe à un autre cristallisé, est une
autre manifestation éminente d’un état vitreux potentiellement conducteur [98].Un
changement du mécanisme de conduction (processus par sauts et porteurs de charge
diffusifs) fournit un état bistable qui est à l’origine de mémoires permanentes employées en
informatique.
- Verres ioniques conducteurs :
Dans un verre ionique il y a conjointement diffusion massique et électrique de petits ions
mobiles : c’est un phénomène de transport classique caractérisé par la relaxation
diélectrique du matériau. L’étude générale de la fonction réponse en régime linéaire de la
conductivité complexe donne une dépendance en fonction de la fréquence qui suit une loi
de puissance [99]. Dans ce contexte nous allons citer un cas particulier concernant la
dynamique d’ions Li+ en cage dans un metasilicate (Li2 SiO3) [100]. Une étude expérimentale
de la mobilité de ces ions avec une simulation de leur dynamique moléculaire montre la
présence de deux types de mouvement par sauts qui suivent une loi de Lévy. Une
dynamique lente obéit à des sauts localisés avec des temps de piégeage long, en présence
d’une barrière d’activation variable, et une dynamique rapide causée par des sauts groupés
de type vol de Lévy avec des intervalles d’arrêts brefs. Le calcul de l’écart quadratique
moyen de la position de ces ions à 700°C par simulation numérique montre la présence de
plusieurs régimes en s’appuyant sur une fonction de corrélation spatio-temporelle
particulière (fonction de Van Hove).
Figure 10. Ecart quadratique moyen ( des ions Li+ en fonction du temps (exprimé
en secondes) en coordonnées logarithmiques, et montrant la présence de plusieurs régimes
de diffusion caractérisés par différents exposants (d’après [100])
La figure 10 montre, aux temps très courts un régime balistique éphémère est détecté suivi
d’un intervalle allant jusqu’à tx1 avec ν = 0,1 régime proche d’une localisation d’Anderson
des ions encagés. Ensuite un régime sous-diffusif à partir de tx2 apparait caractérisé par une
valeur ν = 0,64 quand les ions se déplacent par sauts ; ensuite aux temps longs un
comportement normal stationnaire (pente égale à 1) est retrouvé.
Enfin signalons le cas d’autres solides unidimensionnels tels que les conducteurs super-
ioniques et désordonnés, type Hollandite. Ils présentent une conductivité par saut des ions
K+ qui dépend d’une barrière énergétique aléatoire. La dépendance de la conductivité
complexe en fonction de la fréquence de l’excitation est une loi de puissance qui a été
attribuée à un processus de diffusion anormal [101].
- Magnétisme de verres de spins :
Parmi ces systèmes un verre de spin est un ensemble présentant des moments magnétiques
électroniques désordonnés interagissant entre eux par énergie magnétique. Cette énergie
est associée à la fonction d’échange quantique entre spins qui dépend de leurs distances
respectives. Pour abaisser l’énergie magnétique en présence d’un champ extérieur il faut
réorienter les spins proches puis lointains. Un temps très long est nécessaire pour atteindre
l’équilibre ce qui est prouvé par la violation du théorème de fluctuation-dissipation dans ces
systèmes soumis au vieillissement [102]. Des modèles ont été proposés pour rendre compte
de la dynamique de spin présentant une hiérarchie de couplages reflétant le désordre
structural. Ceux-ci présentent des valeurs d’échanges magnétiques à longue portée (J)
possédant une distribution de Lévy ( 1/J 1+µ ) et une queue de distribution importante
qui obéit à une loi de puissance [103].
f) Analyse du bruit en supraconductivité :
Nous allons utiliser l’analyse des bruits en fonction de la fréquence en examinant la loi de
puissance associée, introduite au paragraphe 2.4 (voir équation 9). Les développements
théoriques récents ont permis de relier la valeur de l’exposant σ, compris entre 0 et 2, avec
les lois de Lévy quand plusieurs signaux stochastiques se superposent à l’état stationnaire ou
pas [104]. Nous allons simplement examiner le cas de l’effet tunnel électronique sur des
matériaux supraconducteurs.
Concernant l’état supraconducteur il convient de rappeler l’effet Josephson qui est l’effet
tunnel d’une paire d’électrons (les paires de Cooper, quasi particules inhérentes à l’état
supraconducteur).C’est un effet tunnel quantique à l’interface entre deux supraconducteurs
séparés par une couche mince d’un isolant ou d’un métal. Il existe un effet Josephson direct
et un autre alternatif en fonction du type de potentiel électrique utilisé. Dans ce type de
jonction court-circuité par une résistance et présentant une self-inductance, des régions de
résistance négative ont été mises en évidence. Expérimentalement le spectre de puissance
est associé à une diffusion anormale correspondant à un écart quadratique du déplacement
croissant plus vite que linéairement [105]. Les bruits associés en 1/f (ou ω) confirment ce
comportement chaotique. Pour cela les spectres de puissance des vitesses sont calculés par
simulation numérique en utilisant en dynamique non linéaire la technique des portraits de
phase (voir encadré) [106]. Sur la figure 11 les spectres de puissance S (ω) calculés sont
portés en fonction de la fréquence d’observation des fluctuations de phase. Ainsi une pente
correspondant à une loi de puissance est caractérisée par un paramètre d’universalité z relié
à l’exposant σ comme dans une situation hors équilibre d’un fluide en régime turbulent [12].
Une relation linéaire logarithmique est observée, soit classique celle d’un bruit blanc (z=2)),
soit caractéristique d’un état chaotique avec intermittences (z = 3) qui est due à l’addition
d’un bruit supplémentaire de type Lévy. Il y a alors présence simultanée de ce bruit créé par
la dynamique de la jonction avec des fluctuations thermiques gaussiennes usuelles [107].
Figure 11. Spectres de puissance des vitesses calculés numériquement S (ω), en fonction de
la pulsation ω =2πf, et portés en coordonnées logarithmiques (la pente z est relié à
l’exposant ν = (z-1) -1) ; ils montrent qu’en régime chaotique le carré moyen du déplacement
des charges à travers une jonction Josephson peut décroitre plus vite que linéairement
(pente -3/2 comparée à -1) comme dans le modèle classique d’Einstein (d’après [106]).
Des expériences ont confirmé cette sur-diffusion liée à l’effet tunnel de paires d’électrons.
Plus récemment l’existence d’un bruit électrique non-gaussien a été mis en évidence à basse
température dans un supraconducteur de type II, c’est à dire présentant un comportement
inhomogène avec des régions de vortex. En régime de courant faible le mouvement d’un
réseau de vortex piégé est associé à des fluctuations de voltage présentant un
comportement de type vol de Lévy [108]. C’est une situation analogue à celle déjà
rencontrée en hydrodynamique des fluides turbulents avec un dispositif de Couette-Taylor
[44].
5.2. Transport de la lumière.
La diffusion anormale des photons est observée dans des vapeurs atomiques ou bien dans
des matériaux spécifiques non-cristallins ou encore nanostructurés. Nous allons examiner
séparément le cas historique des vapeurs atomiques à très basse température puis une
situation de diffusions multiples dans des milieux gazeux, ensuite les situations en phase
solide. La description de la propagation aléatoire de photons dans un milieu diffusant est un
problème général lié à la localisation d’Anderson et associé aux phénomènes de
multidiffusions résonantes et de piégeage radiatif. L’interaction entre un photon et la matière
atomique s’effectue par des mécanismes élastiques (diffusions de Mie et Rayleigh) ou
inélastiques (processus Brillouin et Raman) qui sont dissipatifs. Associés au phénomène
global de transmission-absorption d’une onde électromagnétique, plusieurs exemples de vols
de Lévy ont été expérimentalement démontrés.
a) Refroidissement Laser à effet subrecul et réseaux optiques :
Cette technique cryogénique sur des atomes froids a permis de mettre en évidence un des
premiers exemples significatifs sur les vols de Lévy. En effet le refroidissement de vapeurs
atomiques (Na, Cs par exemple) confinées par Laser utilise les échanges d’impulsions entre
les atomes et les photons pour réduire l’agitation thermique des atomes et obtenir une
température équivalente descendant jusqu’à des micro- et même des nano-Kelvins [109]. Le
mécanisme de refroidissement, appelé technique subrecul, est basé sur le contrôle d’une
fluorescence, absorption d’un photon suivie d’une réémission spontanée, phénomène qui
est présenté sur la figure 12 (110]. Pour cela il faut supprimer le phénomène de fluorescence
pour une classe d’impulsions atomiques p proche de zéro. Le taux de fluorescence F(p)
s’annule au voisinage d’une zone critique pour obtenir une résonance appelée noire. (Figure
12a). En général le taux de fluorescence est important car de nombreux photons sont émis
engendrant des variations aléatoires de l’impulsion atomique (figure 12b). Cette marche au
hasard en impulsion peut mener l’atome au voisinage de la valeur p = 0. L’atome reste alors
piégé dans ce qui est indiqué comme un état noir (domaine +pc à -pc) pour une durée de
l’ordre de 1/ F(p) entre deux émissions spontanées. L’interprétation de ce processus
dissipatif quantique est basée sur une description ondulatoire privilégiant l’espace des
impulsions dans une description globale de l’espace des phases (phénomène allant vers une
condensation quantique de Bose-Einstein). L’observation d’une marche au hasard dans cet
espace des impulsions est un phénomène non ergodique qui relève de la statistique de Lévy
avec un index µ= ½. En effet le temps de piégeage le plus long domine l’évolution de chaque
atome.
Figure 12. Principe du refroidissement à effet subrecul : a) Variation du taux de fluorescence
F(p) en fonction de l’impulsion p montrant la zone des états noirs de + pc à -pc. b) Marche au
hasard en impulsion des atomes qui sont piégés et s’accumulent au voisinage de p = 0
(d’après [110]).
Ce phénomène a été associé à une localisation d’Anderson sur un condensat de Bose-
Einstein des atomes très froids et soumis à un certain niveau de désordre par irradiation
Laser [111]. Cette technique d’interaction atome-photon a été généralisée pour créer un
réseau optique qui est formé par l’interférence de faisceaux Lasers se propageant en sens
inverse [109]. Ils créent ainsi un potentiel optique périodique ajustable qui présente des
similarités avec celui d’un réseau cristallin et influe sur le processus de transport [11]. Ce
transport atomique à très basse température dans un réseau optique est associé à un effet
tunnel quantique qui dépend de la profondeur du puits par rapport à l’énergie cinétique. En
effet une onde optique induit un désordre spatial fluctuant dans le temps qui peut détruire
le phénomène de localisation statique. Ce désordre dynamique initié par la diffraction d’un
Laser peut provoquer un transport de lumière sur-diffusif et même super-balistique (ν
[112]. L’examen théorique considérant l’aspect ondulatoire d’un paquet d’ondes
unidimensionnelles montre l’existence d’un exposant ν compris entre 2 et 3 [113]. Ainsi
comme pour la conduction électronique la présence d’une localisation d’Anderson est
démontrée avec un potentiel modulable induit par une onde électromagnétique. Différents
régimes de transport ont été trouvés et analysés dans ces réseaux optiques dissipatifs : ils
présentent un caractère fractal [114].
b) Propagation dans les milieux amplificateurs aléatoires :
Un autre exemple significatif est celui du fonctionnement d’un Laser où la lumière se
propage suivant une marche au hasard par diffusion dans un matériau inhomogène
(« Random laser process »). Il a été montré expérimentalement que quelques fluctuations
du spectre d’émission de la lumière se traduisent par l’apparition de pics (ou « spikes ») dans
le spectre d’intensité observés sous certaines conditions expérimentales. Ils sont dus à des
modes rares correspondant à de long parcours entre collisions pour certains photons créés
par émission stimulée qui suivent alors une distribution de Lévy [115]. Ce phénomène est
l’analogue de l’effet de localisation faible pour des électrons et présentant une fonction de
corrélation dynamique dans un milieu colloïdal. C’est l’équivalent optique des fluctuations
universelles de conductance déjà introduites au paragraphe précédent [116]. Le point le plus
nouveau est l’existence de différents régimes de fluctuations de la lumière émise en
fonction de l’énergie pulsée de pompage. Un régime gaussien est d’abord observé, suivi d’un
régime de Lévy puis d’un retour à la statistique gaussienne quand l’énergie de pompage
croît. L’augmentation du processus de diffusion est caractérisée par l’apparition d’une loi de
puissance sur l’intensité émise. Cette approche expérimentale est confirmée par des
simulations numériques montrant bien le changement de statistique en fonction des
contraintes appliquées (flux d’énergie) pour un système se trouvant plus ou moins loin de
l’équilibre [117].
Un autre exemple de diffusion non-gaussienne concerne la propagation de la lumière dans
des vapeurs atomiques à température ambiante [118]. Quand le milieu est quasi-résonant,
les photons incidents, de fréquence proche de celle d’une transition atomique (fonction
lorentzienne forme a priori suivie pour la courbe d’absorption), sont absorbés par les
atomes qui se trouvent dans un état excité et réémettent un nouveau photon. La
propagation de la lumière est alors perturbée par un piégeage radiatif en suivant une
marche au hasard. Un photon se trouve de façon répétée par multidiffusion, absorbé puis
réémis dans le milieu diffusif à différentes fréquences. L’observation expérimentale d’un vol
de Lévy a été réalisée sur des vapeurs thermiques de Rubidium illuminées avec un laser de
résonance où les photons émis sont détectés par une caméra CCD. Dans un régime
particulier le transport de la lumière présente un caractère sur-diffusif associé à un spectre
des fréquences émises : c’est une inhomogénéité spectrale donc de nature énergétique. Un
exemple significatif est celui de la diffusion multiple tridimensionnelle de la lumière dans des
vapeurs d’atomes de Rubidium [118]. Pour mesurer les vols de Lévy des photons après
collisions un faisceau Laser traverse une cellule source avec création des photons par
multidiffusions. Une observation orthogonale sélective d’un signal de fluorescence grâce à
une seconde cellule détermine la longueur de vol. La queue de leur fonction spatiale de
distribution P(x) x1+µ (voir équation 6) est déterminée avec l’exposant µ = 1.41
correspondant à un régime de super-diffusion sans variance définie. Ce type de signature de
vol de Lévy est confirmé par l’examen de la diffusion dans une tranche d’une vapeur de
Rubidium à haute température présentant un désordre atomique complet. La transmission
diffuse d’une onde monochromatique en fonction de l’opacité du milieu est une loi de
puissance qui ne suit pas la loi d’Ohm, en accord avec les résultats présentés ci-dessous
figure 13 [119].
Remarque : signalons des situations analogues en physique des plasmas ou en
astrophysique concernant l’étude des étoiles. Dans ces milieux ioniques situés loin de
l’équilibre thermodynamique, des cas d’instabilités similaires à ceux existants dans un Laser
et la présence d’un vol de Lévy de photons, ont été observés.
c) Transport optique dans les solides hétérogènes et les nanomatériaux :
Un autre cas expérimental est celui des phases hétérogènes dans lesquels la diffusion des
photons est liée aux distributions en taille des phases thermodynamiques présentes et aux
processus d’interaction aux interfaces. Un premier exemple est celui d’une mousse
composée de bulles dispersées dans un surfactant liquide. La lumière peut être piégée et un
phénomène d’absorption forte des photons soumis à une marche au hasard est observé
[120].
Pour contrôler une diffusion type vol de Lévy il est apparu que la création de matériaux
diffusifs auto-similaires, appelés verres de Lévy, était la bonne approche [121]. C’est le cas
d’une suspension colloïdale à caractère fractal, présentant de grosses particules sujettes à
une diffusion résonante et des petites qui à la limite ne vont pas beaucoup diffuser.
Expérimentalement ceci a été proposé avec des particules d’oxyde de Titane présentant un
indice de réfraction élevé dans une matrice de verre sous forme de couche mince incluant
des microsphères présentant une distribution en diamètres suivant une loi de Lévy. La
transmission optique du milieu a été étudiée en fonction de l’épaisseur du matériau
montrant la présence d’un mode de transport anormal. L’évolution de l’intensité transmise
en fonction de l’épaisseur de la couche mince est présentée sur la figure 13. En régime de
sur-diffusion le total de l’intensité transmise (T) suit l’équation suivante :
T = 1/1+c.L ϒ /2 (15)
Avec c une constante, L l’épaisseur de la couche traversée et l’exposant ϒ défini par
l’équation 12. Sur l’exemple donné ϒ = 0.948, valeur proche de l’unité correspondant à une
distribution de Cauchy-Lorentz.
Figure 13. Variation de l’intensité transmise d’un faisceau monochromatique (source Laser
He-Ne) en fonction de l’épaisseur. La ligne continue qui est le résultat du paramétrage à
partir de l’équation 15 montre une décroissance plus lente que dans le cas d’un système
diffusif normal (traits pointillés), analogue de la loi d’Ohm pour la conductivité électrique
(d’après [121])
Pour rendre compte du comportement dynamique du phénomène optique des simulations
numériques type Monte Carlo bidimensionnelle sur le processus de marche au hasard dans
un milieu hétérogène auto-similaire, ont confirmé ce résultat expérimental [122]. Un cas
similaire est obtenu avec une membrane constituée de nanofibres blanches de cellulose. La
diffusion anormale liée à la morphologie et la porosité de cette membrane entraine un effet
de surbrillance particulier [123]. Ainsi le contrôle de l’environnement local et le caractère
fractal de ces verres de Lévy offrent la possibilité de fabriquer des méta-matériaux
présentant des propriétés optiques particulières.
Enfin l’émission intermittente de photons par fluorescence dans un nanocristal semi-
conducteur (CdSe par exemple) est un nouvel exemple significatif [95]. La taille de la
nanoparticule allant de 2 à 6 nm, stabilisé par une enveloppe de surfactant, contrôle la
couleur d’émission dans le visible. Quand le matériau colloïdal est illuminé par un Laser
continu une émission intermittente est observée [124]. Il se comporte comme un puits
quantique avec des transitions entre niveaux énergétiques discrets qui ne correspondent
plus au phénomène usuel de fluorescence continue. Le nanocristal se trouve
alternativement dans un état illuminé, émettant des photons, et dans un état sombre sans
émission. La distribution du temps de séjour de ces états suit une loi de puissance commune
donnée par l’équation 7 avec un exposant ν = 1,65 (voir figure 14). Cet effet intermitent ne
correspond plus à une décroissance exponentielle donnée par la probabilité aléatoire d’une
distribution de Poisson. Le mécanisme physique détaillé basé sur la stabilité et la dissociation
d’une paire électron-trou apparait assez complexe comme le montre l’étude en fréquence
du spectre de puissance (voir équation 9). Il confirme la présence de corrélations pour les
temps de clignotement dans un système qui est non-ergodique [125].
Figure 14. Emission de fluorescence intermittente détectée par imagerie confocale d’un seul
nanocristal en fonction du temps. A gauche détection des états sombres « off » et illuminés
« on » par rapport au seuil de sensibilité expérimental (ligne horizontale) et à droite en
coordonnées logarithmiques le nombre d’états illuminés et sombres se produisant en
fonction du temps. La ligne continue démontre une loi en puissance avec une pente ν = 1,65
(d’après [124]).
5.3. Transport de la chaleur.
Nous nous intéressons aux transferts de chaleur uniquement dans les solides. Il faut
rappeler que la diffusion thermique phénoménologique Dth pour un solide homogène est
définie par la relation suivante à une température donnée :
Dth = K /ρ. Cv (16)
Avec K la conductivité thermique de réseau pour un solide cristallin et obéissant à la loi de
Fourrier, ρ la masse spécifique du solide impliqué et Cv sa chaleur spécifique à volume
constant.
Au niveau microscopique ces propriétés sont associées aux vibrations de réseau ou phonons
qui quantifient l’agitation thermique inhérente au milieu. Comme pour les électrons en
présence d’un solide cristallin et d’un potentiel périodique de réseau les phonons sont des
quasi-particules possédant un libre parcours moyen et une longueur d’onde caractéristique
(branches de phonons acoustiques et optiques). Grace à différents types de collisions
inélastiques elles transfèrent la chaleur dans un solide isolant électrique, phénomène que
nous allons considérer au niveau microscopique (en présence d’un conducteur électrique les
porteurs de charges participent également au transfert de chaleur et donnent naissance aux
effets thermoélectriques).
a) Cas de solides non-cristallins ou hétérogènes :
Rappelons que des comportements spécifiques de la conductivité thermique et de la chaleur
spécifique à basse température ont été mesurés depuis plus d’un demi-siècle sur des solides
vitreux comme par exemple la silice amorphe [126]. En particulier l’existence d’un terme
linéaire additionnel de chaleur spécifique à basse température implique la présence d’un
excès d’entropie lié au désordre positionnel. La présence de phonons localisés au sens
d’Anderson est associée à ce désordre. Il conduit à une valeur très basse de la conduction
thermique et du coefficient de diffusion thermique (voir équation 16). Un plateau de
conductivité thermique dans la zone 1-30K est observé où le libre parcours moyen des
phonons correspond à leur longueur d’onde contrôlée par la présence de défauts [127].
C’est un comportement d’isolant thermique trouvé dans les verres ou par exemple pour des
carbones graphitiques microcristallins semi-conducteurs et inhomogènes. Ces derniers
échantillons présentent également une conduction électronique par sauts dont la variation
thermique est en accord avec la relation de Mott (voir équation 14) [128].
Plus récemment dans le cas de solides hétérogènes, l’examen du rôle de l’interface aide à
comprendre le transfert de chaleur (mécanisme de Kapitza). Des observations
expérimentales montrent qu’une diffusion au sens de Lévy est observée à temps court pour
des alliages désordonnés semi-conducteurs (SiGe, InGaAs). L’analyse de la marche au hasard
des phonons en termes de distribution de Lévy tronquée, permet d’interpréter ces résultats
dans le cadre d’une équation de transport de Boltzmann (utilisée dans l’approximation des
temps de relaxation) et conduit à un transport super-diffusif [129]. Un résultat significatif
est celui de nanoparticules enrobées pour différentes concentrations dans ces alliages semi-
conducteurs qui se comportent comme un verre de Lévy [121].Une dimension fractale
moyenne df = 1,55 a été déterminée dans ce régime quasi-balistique [130].
b) Situation dans les nanomatériaux :
A l’échelle nano et même micrométrique la propagation des flux de chaleur ne suit plus la
loi phénoménologique de Fourier. La comparaison des dimensions caractéristiques des
phonons avec l’échelle de mesure du transport de la chaleur et celle du gradient thermique
associé, conditionne le phénomène local. L’analyse spectroscopique en termes de phonons
montre que lorsque leur libre parcours moyen atteint et dépasse le micron, il devient plus
grand que la dimension caractéristique d’un matériau mésoscopique relevant alors d’un
régime balistique non dissipatif, analogue de celui de Knudsen pour les gaz raréfiés. Un
exemple récent est celui de super-réseaux non périodiques qui présentent une localisation
d’Anderson mais aussi une destruction de la cohérence des phonons de basse fréquence
entrainant une faible conductivité thermique [131].
De nouvelles techniques spectroscopiques ont permis de visualiser les états stationnaires à
l’échelle nanométrique ainsi que la dynamique des états transitoires [132]. Ceux-ci résultent
d’un comportement non diffusif quasi-balistique qui peut être interprété quand le libre
parcours moyen des phonons est équivalent à celui du champ thermique. Un exemple
significatif est donné figure 15. Sur un ruban de graphène suspendu de 300 nm de long la
variation thermique de la conduction thermique a été mesurée par la méthode du pont
thermique [133]. La conductivité par unité de surface suit une loi en T1,5 comparable avec la
valeur théorique calculée en régime balistique pour le spectre des phonons de basse
fréquence.
Figure 15. Variation thermique de la conductivité thermique (K) expérimentale par unité de
surface (A) : les points expérimentaux se rapprochent à 30% de la limite balistique idéale
(traits pointillés) et présente le même comportement en T1,5 (d’après [133]).
Ainsi le facteur limitant dans des systèmes mésoscopiques est l’effet la taille de l’objet et le
mécanisme des flux thermiques aux interfaces que nous avons abordé au paragraphe
précédent. A cette échelle la distribution locale de la chaleur est bien différente de celle
donnée par la loi de Fourier comme le montre la technique de grille thermique où un
transport radiatif est créé par interférence entre deux faisceaux Laser. L’imagerie thermique
de thermo-réflectance est une technique de choix pour observer ces effets transitoires sur le
transfert d’énergie [134]. Ce résultat est essentiel dans le développement des
nanotechnologies comme cela a été souligné dans un article de revue [135]. Plusieurs
conséquences pratiques en découlent : elles concernent le rôle des interfaces notamment le
couplage avec des excitations électroniques et photoniques et la création et l’évacuation de
la chaleur dans les nano-circuits électroniques. Une amélioration des rendements de
conversion en thermoélectricité est également attendue ce qui est un progrès pour mieux
réutiliser la chaleur générée lors d’un phénomène irréversible.
c) Transport thermique dans les solides de basse dimensionnalité :
Le transport de chaleur dans un solide uni ou bidimensionnel présente des caractéristiques
spécifiques dont un accroissement avec la taille du système [136]. Expérimentalement les
mesures de conduction thermique sur des nanotubes individuels et des rubans de graphène
(figure 15) présentent des valeurs plus élevées que pour le monocristal de graphite [41].
Différents modèles sont proposés pour rendre compte d’un comportement non-gaussien
comme par exemple l’introduction d’interactions entre phonons optiques dans un système
unidimensionnel [137].
Ce comportement thermique particulier est observé dans les composés lamellaires
bidimensionnels (graphite, nitrure de bore ou molybdénite) ou dans un ruban de graphène
[138]. Il a été interprété dans une description hydrodynamique par la propagation amortie
d’une onde thermique appelée second son et l’existence de plusieurs régimes
hydrodynamiques semblables à ceux observés en conductivité électrique (voir paragraphe
5.1.c). Pour expliquer ce comportement la présence d’une onde collective de phonons
(appelée relaxon) a été proposée [139]. Cette interprétation cinétique est basée sur la
résolution de l’équation de transport de Boltzmann dans une statistique classique.
Néanmoins la présence d’un régime sur-diffusif ou quasi-balistique (voir figure 15) qui
relèverait d’une statistique de Lévy pourrait s’avérer plus pertinente. C’est la distribution des
libres parcours avec la présence de valeurs extrêmes situées en dehors de la moyenne
gaussienne qui assurerait plutôt l’optimisation du transport de la chaleur.
5.4. Récapitulatif sur les différents types de transport.
Ainsi dans les structures mésoscopiques et les milieux amorphes ou hétérogènes en général,
une analogie de comportement dynamique pour le transport des électrons, photons et
phonons est clairement établie. En particulier le phénomène de localisation forte
d’Anderson se trouve généralisé en présence de milieux désordonnés. Quand il y a diffusion,
un modèle de vol de Lévy avec des pauses (voir figure 2b) constitue la trame générale pour
des particules à grande vélocité. Ceux sont des puits de potentiels électroniques, des pièges
radiatifs ou des phonons localisés avec un temps d’attente aléatoire dans un piège qui
conditionne le régime de diffusion effectif. Comme pour la conductance électrique en
utilisant le formalisme de Landauer, un quantum d’énergie thermique a été proposé pour
une nanostructure unidimensionnelle se trouvant en régime balistique [140]. La différence
essentielle réside dans la durée de vie limitée des quasi-particules, photons et phonons, qui
sont des bosons. Ainsi la détermination d’une fonction de distribution P(x,t) s’avère plus
délicate et ce n’est que l’analyse inverse à partir de la mesure des différentes propriétés de
transport qui permet de déduire une fonction de Lévy sous-jacente.
Nous retrouvons pour ces phénomènes de transport en présence d’un champ extérieur des
origines identiques à celles observées pour la diffusion massique classique. Deux types
principaux de situations existent pour un transport non-gaussien en présence de corrélations
à longue distance imposées par le milieu. D’une part celles liées à la présence de défauts
structuraux et un caractère hétérogène de la matière mettant in fine en jeu le rôle des
interfaces ; c’est la situation mise en avant par Bouchaud et Georges [13]. D’autre part des
situations hydrodynamiques turbulentes apparaissant loin d’un équilibre thermodynamique
(ex. vortex en supraconductivité ou instabilités optiques Lasers) décrite par Klafter,
Shlesinger et Zumofen [14]. Ces dernières sont explicitées dans l’approche de l’encadré en
considérant les trajets individuels des particules dans l’espace des phases.
Une présentation résumée de ces approches est donnée sur le tableau 1 : l’aspect
dynamique du phénomène de diffusion se manifeste par une loi de diffusion généralisée.
A l’état stationnaire ceux sont les conséquences sur des lois de puissance pour les valeurs
quadratiques moyennes du déplacement et les fluctuations de bruits induits sur une
propriété. Alternativement l’approche géométrique fractale basée sur un caractère
fractionnaire des équations dynamiques fondamentales, est mise en avant, induisant la
notion de structure auto-similaire. Enfin une troisième voie complémentaire est ajoutée,
celle de la thermodynamique statistique généralisée [5], qui va être abordée dans la
prochaine partie.
RELATIONS LIEES AUX DISTRIBUTIONS STATISTIQUES DE LEVY
COMPORTEMENT DYNAMIQUE : Probabilité de diffusion d’une variable aléatoire x :
LOI DE DIFFUSION : x 2 t ν
Avec 0 ν (ν = 1, relation d’Einstein)
GEOMETRIE FRACTALE COMPORTEMENT STATIONNAIRE THERMODYNAMIQUE
(Mandelbrot) Pour x grand, queue de distribution: GENERALISEE
Dimension fractale : P(x) /x 1+µ avec µ index de Lévy Entropie statistique
df = 2 / ν (µ = 2 : distribution de Maxwell-Gauss, de Tsallis :
Invariance d’échelle et µ = 1 : distribution de Cauchy-Lorentz) Sq = k (1 – pqi / q -1)
Système autosimilaire LOI EN FREQUENCE (f) DU BRUIT avec q
Densité spectrale : S (f) / fσ avec σ grandeur
Homogénéité du milieu et corrélations non-extensive
Tableau 1 : Récapitulatif des lois de distributions et des propriétés caractéristiques des
systèmes non-gaussiens a priori unidimensionnels (voir le lexique définissant les différents
sigles et symboles).
Encadré : Portrait de phase dans les systèmes dynamiques.
Dans l’espace des phases la trajectoire d’une particule est définie par ses variables
dynamiques, position et quantité de mouvement. Ses coordonnées sont données par la
mécanique de Hamilton pour un système conservatif et peut être extrapolé à un système
dissipatif. Un portrait de phase est la représentation géométrique des trajectoires dans un
plan particulier qui permet de définir le phénomène d’attraction [141]. Un attracteur est une
forme géométrique qui caractérise l’évolution à long terme du système. Quel que soit
l’incertitude présente sur les conditions initiales du système dynamique les trajectoires
aboutissent dans un bassin d’attraction présentant une figure géométrique caractéristique
(points fixes, cycles limites, tores) pour obtenir un état stationnaire. Cependant il est apparu
des comportements plus étranges très sensibles aux conditions initiales et conduisant à des
trajectoires divergentes. En effet en régime dissipatif le volume ou la surface accessible dans
l’espace des phases se contracte. La stabilité dans un bassin d’attraction devient plus
compliquée avec l’apparition de la notion d’attracteur étrange présentant un caractère
fractal (voir la théorie de Ruelle-Takens). Le premier exemple connu est l’attracteur de
Lorentz proposé pour les prévisions météorologiques mais plusieurs exemples de jeu
d’équations non-linéaires sont connus à ce jour. Elles permettent d’interpréter l’apparition
de la turbulence dans les fluides et les instabilités qui leur sont associées [43]
A titre d’exemple la dynamique d’un tel système a été étudiée par l’approche numérique de
Chirikov dans le cadre des instabilités de systèmes oscillants [142]. On peut considérer une
coupe de Poincaré avec le jeu suivant d’équations unidimensionnelles itératives pour les
coordonnées (x) et les impulsions (p) d’une particule :
pi+1 = pi –к sinxi et xi+1 = xi + pi+1 (16)
où к est une constante de couplage associée avec un coefficient de Liapounov non-nul qui
quantifie mathématiquement la stabilité mécanique ou pas d’un tel système [141]. Dans un
portrait de phase pour к petit on observe seulement des ilots de stabilité alors qu’une
situation chaotique apparait progressivement quand il croit et coexiste avec ces ilots (figure
16). Ces deux domaines correspondent à des particules obéissant à une distribution
statistique de Maxwell-Boltzmann allant vers une autre de type Lévy [143]. Plus
généralement après différentes transitions dynamiques plusieurs solutions sont possibles,
amenant des trajectoires régulières vers une situation de diffusion anormale. Un état de
chaos déterministe est observé, représenté par une figure caractéristique dans la
représentation des portraits de phase : c’est un attracteur étrange.
Figure 15. Exemple de portrait de phase standard (x, p) pour une valeur intermédiaire du
paramètre de couplage к = 2 ; la partie noire correspond à la région chaotique et les zones
claires (avec des trajectoires dessinées) à des îlots de stabilité (d’après [143]).
Il en existe plusieurs types présentant des caractéristiques géométriques spécifiques qui sont
répertoriés en hydrodynamique des fluides, en optique (Lasers), pour des réactions chimiques
oscillantes ou des compétitions proie-prédateur. La transition vers un chaos déterministe
s’effectue en passant par des points dits de bifurcations, avec l’apparition de plusieurs états
possibles (une bistabilité spatiale en général). Différents scénarii de transitions de phase
dynamique sont décrits en mécanique statistique [144]. Les routes vers le chaos [2] se
caractérisent par l’apparition de quasi-périodicités, de cascades sous-harmoniques ou
encore un régime d’intermittence (les trajectoires chaotiques n’entrent plus dans les ilots de
stabilité), en fonction des situations expérimentales rencontrées. Dans notre contexte les
principales conséquences sont [141,144] :
- La présence de zones confinées sous forme de tores où se trouvent les trajectoires
dans l’espace des phases qui n’est plus totalement accessible : c’est le théorème de
Kolmogorov-Arnold-Moser.
- La définition de l’entropie dynamique de Kolmogorov-Sinaï qui est non nulle quand
les trajectoires des particules ne sont plus prévisibles (reliée aux coefficients de
Lyapounov) ; c’est une quantité dépendante du temps similaire à une production
d’entropie par unité de temps et caractérisant le degré de complexité d’un système
dynamique.
- La caractérisation d’une dimension fractale au sens de Mandelbrot pour un type
donné d’attracteur étrange.
6. Comparaison avec l’approche thermodynamique.
La problématique envisagée repose essentiellement sur les liens avec la
thermodynamique phénoménologique basée sur les principes de conservation de
l'énergie et d'évolution de l'entropie. Cette approche a vu le jour au XIX ème siècle
comme nous l'avons signalé dans l’introduction. Au cours du XX ème siècle elle a été
complétée par l'examen des situations hors équilibre avec échanges d'énergie et/ou de
matière dans les systèmes fermés et ouverts. Ceux sont notamment les travaux
d'Onsager en régime linéaire puis ceux de l'école de Prigogine au-delà [145].
Une approche microscopique dynamique en liaison avec le comportement en lois de
puissance trouvées dans certains systèmes physiques est liée au choix a priori d’une
fonction de distribution statistique. Dans ce contexte le lien avec la thermodynamique
statistique gaussienne, introduite au paragraphe 1.3, est le point de départ. Les notions
généralisées d'entropie et de production d'entropie, variation d’entropie par unité de
temps, apparaissent alors fondamentales. Cette approche va être présentée en
s'appuyant sur la définition de Tsallis concernant l’entropie statistique généralisée [5] qui
entre dans le cadre des fonctions de distributions stables de Lévy. Nous allons rappeler
les résultats essentiels pour ensuite comparer avec les évidences expérimentales
présentées dans les quatrième et cinquième parties.
6.1. Rappels de thermodynamique phénoménologique.
Les notions fondamentales que nous avons déjà utilisées, sont récapitulées [145] :
- Un système thermodynamique est une représentation simplifiée de la réalité prenant
en compte des paramètres mécaniques, thermiques et chimiques. Il est constitué d’un
ensemble de petites particules identiques à une température définie en interactions
éventuelles à courte portée dans un ensemble géométrique spatialement défini (par
exemple une ligne, surface ou volume).
- Il est supposé se trouver dans un état stable ou proche, définissant une phase
thermodynamique dite homogène. Au niveau macroscopique il est alors caractérisé par
des grandeurs physiques énergétiques appelées fonctions d’états (énergie, énergie libre,
entropie…) qui rendent compte de la réponse du système. Ces fonctions sont le produit
d’une grandeur extensive (proportionnelle à la surface ou au volume) par une grandeur
intensive comme la température, la pression ou le potentiel chimique (équilibres
thermique, mécanique et chimique). Ainsi la variation d’entropie dS est associée à la
dissipation d’énergie sous forme de chaleur dQ par la relation dQ T.dS (signe égal
seulement pour un processus idéal dit réversible).
- En présence d’échanges d’énergie et/ou de matière les notions de flux et de réservoir
sont introduites (systèmes fermés et ouverts). Tant que le système peut rester au
voisinage de l’équilibre l’hypothèse d’un équilibre local permet de conserver la définition
des fonctions d’états. Une réponse linéaire entre flux et forces en présence de champs
extérieurs est valable incluant le théorème de fluctuation-dissipation (théorie
d’Onsager). Elle est ensuite étendue loin de l’équilibre pour des réponses devenues non-
linaires.
- Au-delà d’un seuil dit de bifurcation où apparaissent plusieurs solutions possibles, des
processus non-linéaires apparaissent avec des ruptures de symétrie spatiale. De
nouvelles organisations spatio-temporelles à caractère dissipatif sont créées. La
dynamique de ces systèmes est alors caractérisée par un principe variationnel de
production d’entropie avec l’apparition possible d’un chaos déterministe (voir
paragraphe 6.3).
Rappelons que le système idéal est supposé homogène, compte tenu des fluctuations
naturelles, ce qui n’est pas toujours le cas réel. Un état thermodynamique peut être
stable ou métastable quand la fonction d’état énergie libre du système présente un
minimum primaire ou secondaire, situé dans un puits énergétique profond par rapport à
l’agitation thermique (E kBT). C’est le cas en présence de variétés polymorphiques
cristallines d’un composé, par exemple du diamant vs graphite. Alternativement un état
gelé peut exister, l’ordre local perdant la symétrie de translation du réseau cristallin (état
vitreux ou microcristallin), et être sujet à un vieillissement [97]. A plus grande échelle des
fluctuations de composition ou d’organisation peuvent se produire dans une phase
inhomogène qui peut être aussi limitée en dimensions dans un système polycristallin ou
mésoscopique. En définissant une interface caractérisée par une discontinuité de
densité, un milieu hétérogène, ou polyphasique, est créé. In fine c’est la comparaison
entre le libre parcours moyen d’une particule (ou le temps nécessaire pour son trajet à
vitesse définie) entre deux chocs consécutifs qui est comparé aux dimensions de l’objet
allant jusqu’au régime balistique pour un nanosystème. Comme nous l’avons vu ces
caractéristiques structurales et texturales vont influencer les corrélations spatiales de ces
phénomènes dynamiques.
6.2. Entropie statistique généralisée.
La notion d'entropie statistique a évolué depuis son énoncé par Boltzmann (voir
équation 4). Elle a dans un premier temps été généralisée, à la suite des travaux de Gibbs
et porte le nom d'entropie de Boltzmann-Gibbs:
S B-G = - kB . pi. Log pi (17)
Où pi est la probabilité d’occupation maximale d’un état microscopique i sommé sur tous
les états possibles dans un système en équilibre ou presque. C’est une quantification du
désordre présent dans un système thermodynamiquement isolé.
Au milieu du siècle dernier en théorie de l’information une formule analogue en
physique statistique a été proposée par Shannon pour exprimer le degré de
connaissance dans un système statistique. Pour des situations hors équilibre Jaynes a
énoncé un principe d’évolution maximale (« Maxent principle ») englobant les
formulations de Boltzmann-Gibbs et de Shannon et s’étendant au domaine quantique. La
généralisation de la seconde loi pour des processus en dehors de l’équilibre devient alors
le principe de la production d’entropie maximale (MEPP « Maximum Entropy Production
Principle »). Pour un système stochastique hors équilibre [35] Jaynes a proposé une
approche statistique simplifiée. L’observation des trajectoires individuelles dans l’espace
des phases permet de relier l’information au théorème de fluctuation-dissipation et à la
production maximale d’entropie pour un système à l’état stationnaire [146]. Une revue
historique de ce principe décrit les évolutions de la notion d’entropie et de son
comportement hors équilibre [147]. Ainsi les structures dissipatives s’auto-organisent
pour maximiser le flux d’entropie qui les traversent et la vitesse à laquelle l’énergie se
dissipe en chaleur.
Ces définitions de l’entropie statistique et leur évolution dans le temps apparaissent
restrictives à une classe de systèmes où la statistique de Maxwell-Boltzmann s’applique
mais elles ne tiennent pas compte de situations plus complexes. Une généralisation de
cette notion a été proposée à partir de 1988 par Tsallis en élargissant le domaine de
validité de la thermodynamique classique [5]. Cet auteur a introduit une extension dans
un formalisme de physique statistique hors équilibre (introduction des exponentielles q,
de nouvelles fonctions de partition et fonctions thermodynamiques généralisées). Une
présentation globale de la thermodynamique statistique à partir des propriétés
physiques à l’équilibre, du théorème de fluctuation-dissipation et des processus de
diffusion a été élaborée [37]. D’autres formulations ont été proposées pour l’entropie
comme celle de Havdra et Charvat qui est équivalente ou bien celle de Renyi,
développée pour l’analyse fractale, qui apparait similaire. Dans la formulation de Tsallis
la plus générale l’entropie s’écrit:
Sq = k (1 – pqi / q -1) (18)
Où q appelé index entropique ou de Tsallis est un paramètre réel, pqi la probabilité
d’occupation d’un état i pour la valeur q dans un système présentant une énergie totale
E = pqi . Ei
- Quand q = 1 nous retrouvons la formule de Boltzmann-Gibbs (équation [17]) et la
statistique de Maxwell-Gauss; la constante k redevient alors la constante de
Boltzmann kB.
- Pour q 1 les évènements rares sont privilégiés (voir le hasard sauvage de
Mandelbrot) distribution statistique de Tsallis présente une queue en loi de
puissance car elle appartient à la classe des fonctions de Lévy. L’analyse de cette
queue de distribution pour un vol de Lévy permet de relier une diffusion anormale
avec une approche thermodynamique.
Ainsi la relation de Tsallis-Buckmann [148] permet d’obtenir des solutions qui relient le
paramètre de diffusion cinétique ν avec l’index q pour des systèmes de basse énergie:
ν = 2/3- q (19)
Pour q= 1 on retrouve bien le mouvement brownien. Un exemple d’application déjà cité est
celui des milieux granulaires [53].
Le développement d’un formalisme en mécanique statistique permet également d’établir
une relation entre l’index entropique q supposé positif et l’exposant ϒ (voir équation 10)
[149] :
q = 1 +2/d+ϒ (20)
Ce résultat est généralisé pour une dimensionnalité physique d variable. Il confirme les
relations existantes entre les différentes descriptions complémentaires répertoriées dans le
tableau 1. Un exemple de diagramme de phase dans le plan (d-q) présenté sur la figure 16
distingue différents régimes de diffusion. Des cas concrets, dépendant de la dimensionnalité
physique du système sont indiqués, montrent la présence d’une zone de sur-diffusion
correspondant à q Cette région se situe entre une zone de diffusion normale et une
autre interdite d’après les relations établies (avec en particulier une divergence du
coefficient de diffusion massique pour q = 5/3 correspondant à un changement de bassin
d’attraction). En plus d’une situation de turbulence hydrodynamique déjà décrite [14]
pouvant se passer en trois dimensions, le cas du vol des albatros au-dessus des océans en
recherche de nourriture [150] et un modèle de marche au hasard sur une chaine de Markov
avec corrélations pour mettre en évidence les séquences de nucléotides dans un brin d’ADN
[151]. Ils montrent le caractère général de cette relation par la diversité des phénomènes
impliqués, reliant le formalisme de Tsallis avec une diffusion anormale [37].
Figure 16. Diagramme d’existence montrant les différentes régions possibles dans le
plan dimensionnalité physique d et index entropique q. Les points noirs correspondent à
trois situations types de sur-diffusion : un fluide turbulent (d = 3), le vol des albatros (d =
2) et l’analyse génomique des séquences d’ADN (d = 1) (adapté d’après [37]).
Pour résumer, cette approche plus globale a permis de rendre compte de propriétés
essentielles suivantes [152]:
- Non –extensivité de la grandeur entropie statistique (ou de l’énergie du système).
- Abandon de l’hypothèse ergodique dans un système dynamique.
- Présence d’interactions à longue portée induisant des corrélations spécifiques.
- La dimension géométrique associée présente une invariance d’échelle (caractère
fractal).
En thermodynamique classique l’énergie thermique est reliée au produit de la température
par la variation d’entropie, une grandeur extensive. Dans un système plus complexe
l’entropie devient une grandeur non extensive (mais additive) comme l’a montré Tsallis dans
son approche en mécanique statistique [5]. Plus généralement un terme énergétique n’est
plus directement associé au produit d’une variable intensive par une autre extensive dans un
système en présence d’interactions à longue portée.
6.3. Production d’entropie.
Décrire comment un système évolutif échangeant de la chaleur, éventuellement de la
matière, et pouvant dissiper intrinsèquement de l’énergie, est associé au concept de
production d’entropie Ps. C’est une généralisation du théorème H de Boltzmann (voir
paragraphe 1.3) qui rend compte de l’évolution vers un état d’équilibre dans le cadre de la
théorie cinétique des gaz et de l’équation de Langevin. L’analyse des équations cinétiques de
Fokker-Planck non-linéaires [11] en présence d’une force externe montre que l’état
stationnaire correspond à un maximum d’entropie. Comme nous l’avons vu au paragraphe
précédent, il y a ainsi une connexion générale entre la dynamique stochastique des
particules et la production maximale d’entropie qui est reliée au processus fluctuation-
dissipation du système [146].
Au niveau phénoménologique la loi d’évolution possible de l’entropie présente un caractère
temporel introduite par De Donder vers 1930 :
Ps = dS/dt = diS/dt + deS /dt (21)
Dans cette définition la variation entropique dS par unité de temps est divisée en deux
termes, de source et de flux, caractérisant respectivement la production interne d’entropie
(dSi et la contribution du milieu extérieur échangeant
un flux entropique deS [153].
- Si dans Ps chaque terme est nul: c’est un système isolé stable ou complètement
métastable (en l’absence d’un effet de vieillissement qui entrainerait une évolution
interne et un terme diS non nul).
- Si dans Ps : c’est un régime stationnaire dans un
système fermé ou bien ouvert échangeant avec un réservoir approprié supposé
grand.
- Si Ps et variable dans le temps, le système est évolutif et doit suivre le principe
de production maximale d’entropie [147].
Diverses formulations ont été développées pour exprimer l’entropie statistique et son
évolution à l’échelle microscopique. Ces descriptions sont basées sur l’analyse des
trajectoires dans l’espace des phases de particules qui se rapprochent d’une situation
stationnaire ou d’équilibre. Dans le cas classique, où une statistique de Maxwell-Boltzmann
s’applique, la conjecture de Cercignani établie dans le cadre de la résolution de l’équation de
transport de Boltzmann pour un gaz raréfié, postule une inégalité linéaire formelle :
dS/dt t) – S(τ)} (22)
S(τ) est l’entropie à l’équilibre au temps τ pour une distribution gaussienne et S(t)
correspond à une distribution des vitesses hors équilibre. Cette conjecture qui montre une
convergence vers l’équilibre, a été analysée et améliorée [154]. Elle représente des trajets,
avec des collisions entre particules dans l’espace des phases, qui conditionnent aux temps
longs le retour vers l’équilibre et l’optimisation de l’entropie finale du système.
Dans le cas de ces systèmes dits complexes situés loin de l’équilibre, ils ne sont plus
considérés comme ergodiques contrairement à la situation usuelle quand la statistique de
Maxwell-Boltzmann s’applique (voir paragraphe 1.2). Leur évolution temporelle n’est plus
représentée par une moyenne spatiale à un instant donné. En effet un système dynamique
va tendre vers un état stationnaire ou stable définie par la présence d’un attracteur
spécifique [141].
Loin de l’équilibre le système dynamique explore les états microscopiques dans l’espace des
phases pour aller normalement vers une situation stationnaire. Cette approche stochastique
est définie par la production d’entropie généralisée Pq (pour un index de Tsallis q donné) et
intégré sur un intervalle de temps t long, tel que [155]:
Pq. t = Sq (t) – Sq (0) (23)
Où Sq (t) est l’entropie au temps t par rapport à sa valeur à l’origine S(0). Pour q =1 on
retrouve l’entropie classique obéissant à la statistique de Maxwell-Boltzmann : cette
expression est alors équivalente à la relation 22.
Dans le cas général (q la production d’entropie est analogue à l’entropie de
Kolgomorov-Sinai qui peut être identifiée à l’aide des coefficients de stabilité de Lyapounov
(voir encadré). Elle est régit en admettant le principe de production maximale qui dépend
des vitesses d’échange avec l’extérieur. Au niveau microscopique elle est décrite par la
technique des portraits de phase, évolution des trajectoires des particules, sensibles aux
conditions initiales et pouvant aller vers le chaos, en présence de différents types
d’attracteurs étranges et de transitions dynamiques induites en régime dissipatif [155]. Pour
résumer, cette approche non linéaire, reposant sur le formalisme du la production
d’entropie maximale, est une généralisation loin de l’équilibre du second principe [5]. Elle
permet de classer les différentes situations expérimentales en fonction des régimes
transitoires conduisant au chaos [144]. Cette situation se produit pour des systèmes
présentant des obstacles et des corrélations à longue distance alors que l’approche de
Boltzmann proche d’une situation d’équilibre n’est valide que dans un domaine d’application
restreint d’interactions locales dans un milieu supposé homogène.
6.4. Lien avec les situations physiques.
Il faut revenir aux nombreuses expériences répertoriées pour considérer l’apport de la
thermodynamique généralisée et son lien avec un comportement dynamique. Comme nous
l’avons rappelé l’hypothèse ergodique est le pilier de cette comparaison (voir paragraphe
2.4). Elle est satisfaite quand la moyenne effectuée sur une particule pour un temps
suffisamment long fournie un déplacement quadratique égal à la moyenne effectuée sur
l’ensemble des particules à un instant donné. Cette supposition a été remise en question
pour des systèmes subissant un effet de vieillissement qui modifie leur fonction de
corrélation [27]. Comme nous l’avons présenté la notion de vieillissement d’un système est
lié à un état thermodynamique métastable qui n’est plus stationnaire comme dans les
verres, les micelles, les milieux granulaires ou encore les systèmes vivants. Le système est
préparé à un instant t mais les mesures débutent postérieurement : cet intervalle de temps
ainsi que le temps total d’observation jouent un rôle dans la mesure physique [11]. Cette
notion de brisure ergodique faible (divergence des trajectoires plus petite que pour une loi
exponentielle) a été introduite par Bouchaud (« weak ergodicity breaking ») pour les
systèmes denses désordonnés subissant un vieillissement [156]. Elle est différente d’une
situation non-ergodique forte qui se produit quand une région de l’espace des phases n’est
plus accessible (voir encadré).
Cette approche correspond à des systèmes présentant des sauts alternant avec des pauses
décrites dans le modèle CTRW par Montroll et Weiss [19] quand le temps de séjour dans un
piège tend vers l’infini. Dans cette situation le comportement diffusionnel est plutôt sous-
diffusif et la statistique de Lévy s’impose [157]. Les principaux cas expérimentaux relevant de
ce modèle se trouvent dans les verres de spin, les milieux granulaires, les semiconducteurs
électriques désordonnés, le refroidissement laser, les réseaux optiques, le clignotement
fluorescent de puits quantiques ainsi qu’en biophysique [158]. Nous avons présenté tous ces
exemples au cours de notre revue. Le point expérimental crucial relève de l’observation de
la trajectoire d’une seule particule grâce aux nanotechnologies en particulier appliquées sur
des cellules vivantes (voir figures 6 et 7) qui montre une dépendance dans le temps de
l’exposant ν. La moyennisation sur un ensemble de particules n’a plus de signification dans
un système non-ergodique c’est-à-dire situé au-delà de l’approche linéaire d’Onsager [73].
Nous nous intéressons ici aux différentes situations expérimentales en liaison avec la
modélisation d’un système thermodynamique, introduite au début de cette partie. Le
modèle initial d’un ensemble isolé et homogène de particules identiques en interactions à
courte portée devient caduc. Nous sommes en présence de systèmes fermés ou bien ouverts
inhomogènes et situés en dehors de l’équilibre. Ainsi pour des particules classiques ou
quantiques, la présence de contraintes géométriques ou énergétiques impose une certaine
distribution des sauts aléatoires et de leur fréquence. Dans des situations proches de
l’équilibre thermodynamique ceux sont des désordres atomiques ou moléculaires (verres,
microcristaux, milieux colloïdaux dans un état métastable) ou à une échelle plus grande des
interfaces ou des dimensions de nanoparticules entrainant un caractère de phase
hétérogène qui met en avant le rôle des interfaces [13]. Ce sont les notions
d’encombrement et confinement en biophysique entrainant généralement un
comportement sous-diffusif [70]. Loin de l’équilibre, dans le cas d’une réponse non-linéaire
du système soumis à une forte contrainte extérieure, il y a apparition de tourbillons ou
vortex allant vers un état chaotique (turbulences en hydrodynamique des fluides, vortex
dans une phase supraconductrice, compétition spatio-temporelle entre vitesses de réactions
chimiques et diffusion des espèces réactives) [12,14]. Ceux sont alors des inhomogénéités
spatiales induites notamment par convection dans une phase turbulente qui sont à l’origine
d’une diffusion anormale.
7. Conclusion.
Notre intention a été de répertorier les comportements non-gaussiens dans des systèmes
physico-chimiques relevant essentiellement de la matière condensée. Pour cela nous les
avons classés en nous basant sur le type de particule impliqué dans les différents processus
de diffusion ou de transport. Nous avons vu que pour un nombre d’exemples croissants la
statistique de Maxwell-Gauss n’est qu’une approximation pas toujours valable dans des
situations réelles. L’examen de ces propriétés physiques montre les limites des grandes lois
phénoménologiques en particulier pour les systèmes mésoscopiques (par exemple
nanomatériaux et macromolécules biologiques). De fait il est apparu qu’une amélioration de
ces propriétés se dessine en créant de nouveaux systèmes adaptés à une fonction de
distribution particulière comme les verres de Lévy des métamatériaux, ou plus généralement
des matériaux topologiques.
Notre démarche a été de supposer a priori une distribution statistique, basée sur le modèle
des fonctions de distribution symétriques de Lévy, et d’en rechercher les évidences
expérimentales sans traiter le problème inverse théorique qui est d’en déduire par inférence
une fonction de distribution sous-jacente [11]. C’est une approche restrictive qui ne prend
pas en compte d’autres situations rencontrées. C’est le cas pour un produit (pas une somme)
de variables aléatoires impliquant une relation type Log-normale et montrant une parenté
entre elles [159]. Un autre exemple est celui des lois de distribution dissymétriques portant
sur les valeurs extrêmes d’un phénomène que nous n’avons pas traité [8]. Enfin il existe
d’autres fonctions de distribution non exponentielles (type Pareto-Durr par exemple) pour
expliquer une relation logarithmique. Les rappels théoriques non exhaustifs rappelés dans la
deuxième partie, ont servi de cadre pour le dénombrement et la classification de faits
expérimentaux. A l’état dynamique c’est le comportement en loi de puissance ou bien
l’analyse des bruits en fonction de l’inverse de la fréquence d’un phénomène: ils permettent
de prouver la présence d’une loi de diffusion anormale. Tel est le cas des phénomènes de
relaxation non-exponentiels après une perturbation ponctuelle, observés par
photoconductivité ou par fluorescence. Dans un état stationnaire en présence d’un champ
extérieur, ceux sont seulement des preuves indirectes sur des propriétés de transport
massique ou de nature quantique, électronique, photonique ou phononique.
En prenant un point de vue épistémologique, comme nous l’avons rappelé dans
l’introduction c’est le passage d’une description phénoménologique vers une analyse
microscopique qui a été l’élément moteur. Cette démarche a confirmé l’hypothèse
atomique au début du vingtième siècle grâce au développement des outils de la mécanique
statistique. Le concept d’un ensemble de particules obéissant à des lois statistiques de
distribution a entrainé un changement de niveau de description conforté par la mesure du
nombre d’Avogadro et la découverte de la mécanique quantique avec ses conséquences
actuelles.
Les principales conclusions de cette analyse sont les suivantes :
- Classement des régimes de diffusion :
Le point de déclenchement a été la théorie des fluctuations proposée en particulier par
Einstein en 1905 pour relier une grandeur macroscopique la diffusion massique aux
mouvements des entités atomiques ou moléculaires. Ensuite sa généralisation à l’ensemble
des grandeurs observables a progressé tout au long du siècle écoulé. Les lois de probabilités,
basées sur la statistique de Maxwell-Boltzmann et ses formulations dérivées qui prennent en
compte la nature quantique des particules, ont conforté cette approche. Cependant des
évidences expérimentales liées au progrès technologiques d’observations ont permis de
montrer que dans des situations de plus en plus nombreuses cette approche n’était pas
suffisante. Des diffusions anormales ou non-gaussiennes sont apparues, caractérisées par
une loi de puissance dues à des queues de fonction de distribution larges. L’utilisation des
lois de Lévy à distribution symétrique entraine un comportement en loi de puissance
dynamique en particulier dans le cas de systèmes hors équilibre associés avec le concept de
bassin d’attraction (voir encadré). Sur la figure 18 une vue imagée des trajectoires de
particules dans un bassin d’attraction montre comment la statistique de Maxwell-Boltzmann
ne représente qu’un cas limite optimal pour le bassin considéré. Il correspond à une valeur
entière de l’index µ = 2.
Figure 18. Vue imagée de trajectoires de particules dans un bassin d’attraction pour
différentes fonctions de distributions de Lévy et caractérisées par plusieurs valeurs de
l’index µ avec au centre la distribution limite gaussienne (µ = 2) (adapté d’après
Bouchaud et Georges [13]).
De fait l’analyse de l’ensemble des situations expérimentales conduit au tableau 2
récapitulatif qui est basé sur l’exposant dynamique de diffusion (voir équation 7).
Notons que ces situations dépendent également de la dimensionnalité du système
physique : soit unidimensionnel, critique pour un phénomène de localisation et souvent
utilisé pour les simulations numériques, soit bidimensionnel largement développée
expérimentalement dans le cas de composés à structure lamellaire.
Exposant dynamique (ν) Régime de diffusion Exemples physiques
ν = 0
Localisation d’Anderson
Solides désordonnés : localisation de particules quantiques (électrons, photons et phonons).
0 1 Régime sous-diffusif de Lévy
Milieux biologiques confinés et encombrés (cf. modèle CTRW).
ν = 1 Distribution normale gaussienne
Particules en interaction locale dans un système homogène (type gaz réel).
1 Régime sur-diffusif de Lévy
Dynamique massique aux interfaces et milieux hétérogènes.
ν = 2
Distribution de Cauchy- Lorentz
Résonances optiques (interaction ondes électromagnétiques) et comportement balistique dans des nanostructures.
2
Régime super-balistique
Systèmes loin de l’équilibre : tourbillons de fluides, vortex supraconducteurs, réseaux optiques dissipatifs.
Tableau 2. Classification des différents régimes de diffusion.
Il faut souligner les cas spécifiques pour les valeurs entières de ν : nulle, absence de diffusion
pour une localisation d’Anderson généralisée, égale à 1 quand la statistique normale de
Maxwell-Gauss s’applique et à 2 pour la statistique particulière de Cauchy-Lorentz. Cette
dernière survient quand se produit un phénomène de résonance entre deux états d’énergie,
ou dit balistique pour des particules présentant alors un caractère quantique ondulatoire
(paragraphe 3.2). Par ailleurs cet exposant ν peut prendre des dimensions non-entières
correspondant à des équations de diffusion fractionnaires. Des régimes de sur- ou sous-
diffusion existent avec une dimension fractale associée à la sur-diffusion qui décrit comment
l’objet emplit la surface ou l’espace autorisé [10]. Enfin il peut également exister un régime
super-balistique (ν 2) dans des situations turbulentes proches d’un état chaotique.
En particulier l’hypothèse ergodique n’est plus satisfaite en régime sous diffusif (situation
non-ergodique faible) qui est présent dans les solides désordonnés ou en biologie cellulaire.
La nature du système conditionne la profondeur du piégeage et les longueurs de sauts. Le
milieu se trouve dans une situation figée (défauts ou limites fixées) soit évolutif. Dans ce
dernier cas les obstacles peuvent être mobiles, ou liés à une situation d’un seul passage
possible, ce qui engendre une situation encore plus délicate (voir paragraphe 6.4).
- Rôle central de la thermodynamique statistique :
Nous avons considéré une approche thermodynamique plutôt que mécanique qui est basée
en particulier sur la théorie mathématique des bifurcations et les critères de stabilité des
systèmes (voir encadré). Dans ce contexte l’action de modélisation pour un système
thermodynamique est un concept essentiel (voir paragraphe 6.1). La méthode utilisée a été
de définir cet objet d’étude dans un environnement contrôlé. Cette approche
phénoménologique a été étendue au niveau microscopique depuis les travaux de Boltzmann
sur l’entropie statistique. En effet le passage à la thermodynamique statistique a conduit à
définir au niveau microscopique un système idéal, a priori isolé et homogène. Au cours du
siècle écoulé ce concept a volé en éclats avec d’un côté la présence d’échanges avec
l’environnement et de l’autre la définition précise de l’homogénéité du milieu. Un système
réel échange avec son environnement de l’énergie et/ou de la matière : c’est la notion de
réservoirs et de flux dans un système fermé ou bien ouvert. Proche de l’équilibre une
réponse linéaire peut rendre compte de l’évolution du système (l’approche d’Onsager). En
présence de contraintes et de flux plus importants une réponse non-linéaire est observée
avec l’apparition d’instabilités pouvant aller jusqu’à un chaos déterministe. Le point
important est l’absence initiale d’homogénéité du milieu ou bien induite par l’apparition de
tourbillons ou vortex liés à des mouvements de convection. Pour en rendre compte
l’approche en thermodynamique statistique de Tsallis propose une formulation généralisée
de l’entropie (voir équation 18) reliée à une fonction de distribution de type Lévy.
Finalement dans un système hors équilibre c’est l’application du principe de production
d’entropie maximale, indiquant comment il évolue vers une situation stationnaire ou
éventuellement chaotique, qui devient la grandeur physique essentielle. Il est relié à la
résolution de l’équation de Fokker-Planck non linéaire dans une approche fractionnaire [36].
- Extensions à d’autres domaines :
L’ubiquité de ce phénomène peut être étendue à d’autres domaines en particulier un
proche, celui de la physique des hautes énergies (plasmas, astrophysique). Une difficulté
supplémentaire est alors de définir précisément le système étudié, son périmètre et son
contenu, l’importance d’un flux en incluant l’environnement interactif jouant le rôle de
réservoir ce qui est généralement le cas en physique, chimie et biologie classiques. Tous ces
systèmes sont constitués d’entités propres présentant des corrélations à longue distance et
des effets mémoires. La hiérarchisation est alors une caractéristique propre aux systèmes
organisés réellement complexes possédant des sous-systèmes interactifs [160]. Ils
nécessitent dans cette dernière situation plusieurs niveaux de description pour les fonctions
thermodynamiques générales qui peuvent correspondre à un caractère non-extensif et
éventuellement non-additif en fonction des interactions à longue portée présentes dans un
système de taille et dimensionnalité variables [161].
Beaucoup de phénomènes naturels se situent à différentes échelles allant de grandes
dimensions vers de très petites et ils obéissent à des lois de puissance. C’est le passage
d’une invariance de translation à une invariance d’échelle, argument développé par Bak à
partir de l’étude dynamique du tas de sable [51] et généralisé au concept de système
critique organisé [162]. Dans une approche thermodynamique ce comportement est
analogue à la création d’instabilités et d’une nouvelle organisation spatio-temporelle
survenant loin de l’équilibre après une ou plusieurs bifurcations [163].
Ce concept a été étendu à de nombreuses situations comme par exemple les modèles de
mobilité animale et humaine [164] ; ainsi les stratégies de recherche optimale de nourriture
ou les propagations d’épidémies relèvent de modèles de marches aléatoires de type Lévy. Il
présente en effet un caractère plus général élucidé dans divers domaines [165]:
- La loi empirique de Pareto en économie et l’analyse fractale de Mandelbrot qui
débouchent sur les approches économétriques actuelles.
- La loi de Gutenberg-Richter relative aux tremblements de terre en géologie.
- Les travaux de Zipf sur la distribution en taille des villes ou la fréquence des mots
dans un texte.
- L’évolution des espèces et leur espérance de vie dans une approche darwinienne.
Une relation logarithmique existe entre la taille des objets et leurs propriétés
caractéristiques dans de nombreuses situations, généralisant ce concept d’invariance
d’échelle.
Lexique des signes et symboles utilisés.
A surface d’un objet ou d’un système
Cv chaleur spécifique à volume constant
D constante de diffusion d’une grandeur physique
d dimensionnalité physique d’un système
E énergie d’un système
e charge de l’électron
F taux de fluorescence
f fréquence d’un phénomène
J énergie magnétique d’échange
K conductivité thermique
k vecteur d’onde
kB constante de Boltzmann
n nombre de porteurs de charges
Ps production d’entropie
Pq production d’entropie généralisée
p impulsion d’une particule
Pi probabilité d’occupation d’un état microscopique i
Q énergie calorifique ou chaleur
q Indice de Tsallis
S entropie statistique
S fonction de densité spectrale
T température exprimée en Kelvin
T1 temps de relaxation spin-réseau en RMN
t le vecteur temps
u mobilité d’une particule
x variable (distance) aléatoire
z exposant d’universalité relié à ν
β demi-exposant temporel de la diffusion
ϒ (ou df) dimension fractale d’un système
σ écart type ou quadratique d’une variable
σ exposant fréquentiel d’un bruit
Ϭ conductivité électrique d’un solide
µ index de Lévy
ν exposant temporel de la diffusion
ω pulsation d’un signal périodique
К constante de couplage dans un portrait de phase
Ω nombre d’états microscopique dans un système
Ø concentration micellaire
ρ masse spécifique
τ temps final à l’équilibre (ou dans un état stationnaire)
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