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Le Praticien en anesthésie réanimation (2008) 9, hors-série 1, 1-2 Évolution dans le domaine de l’analgésie autocontrôlée La prise en charge de la douleur postopératoire a connu des avancées spectaculaires au cours des quinze dernières années. Une grande partie de cette évolution s’est faite au travers d’une meilleure organisation des soins qui a permis de rendre systématique la mesure de l’intensité de la douleur et qui a assuré une surveillance régulière et adaptée des traitements mis en œuvre et notamment de la prescription de morphine et de ses dérivés. Les progrès dans la prise en charge de la douleur postopératoire ont été en grande partie initiés par la mise à disposition des patients des systèmes d’analgésie autocontrôlée. Le principe de l’analgésie autocontrôlée, qu’il n’est plus nécessaire de rappeler, repose sur le fait que le patient est le mieux à même d’apprécier non seulement l’intensité de la douleur mais aussi le moment où il devient nécessaire de la soulager. De plus ce système court-circuite les étapes de la prescription classique et raccourcit ainsi considérablement le temps écoulé entre l’apparition du symptôme et son soulagement. Finalement, ce mode d’administration permet de tenir compte de la grande variabilité d’un individu à l’autre, mais aussi dans le temps, des besoins en antalgiques et de s’y adapter. Incidemment, l’analgésie autocontrôlée est devenue également le recours de tous les traitements antalgiques mis en œuvre et le moyen d’en apprécier, au travers de la consommation plus ou moins importante de morphine, l’efficacité lors des essais cliniques. La mise en place de l’analgésie autocontrôlée en postopératoire ne s’est pas effectuée du jour au lendemain mais progressivement, accompagnée par une pédagogie des équipes soignantes qui a fini par porter ses fruits. Cet accompagnement, plus que nécessaire, a permis en l’espace d’une quinzaine d’années de faire en sorte qu’un patient sur 5 à un patient sur 4, ayant subi une intervention chirurgicale, soit connecté en postopératoire à une pompe d’analgésie autocontrôlée délivrant dans plus de 90 % des cas de la morphine par voie intraveineuse. Cette constatation résulte des données de l’enquête nationale menée en 2006 sous l’égide du comité « douleur – anesthésie locorégionale » de la Société française d’Anesthésie Réanimation. Parallèlement aux développements des protocoles de soins et des techniques per- mettant un meilleur contrôle de la douleur postopératoire, l’idée s’est faite jour que la prise en charge de la douleur s’inscrivait dans un contexte de soins plus global qui visait à améliorer le confort des patients et à faciliter leur convalescence. Ce concept, théorisé par Henrik Kehlet à Copenhague sous le terme de réhabilitation postopératoire, associe au traitement de la douleur, celui des nausées et des vomissements, mais aussi une chirurgie moins invasive, une reprise plus rapide de l’alimentation orale et de la déambulation avec comme objectif de réduire la morbidité postopératoire et de rac- courcir la durée d’hospitalisation. Dans ce contexte, tout ce qui simplifie à la fois la ÉDITORIAL © 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Évolution dans le domaine de l’analgésie autocontrôlée

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Le Praticien en anesthésie réanimation (2008) 9, hors-série 1, 1-2

Évolution dans le domaine de l’analgésie autocontrôlée

La prise en charge de la douleur postopératoire a connu des avancées spectaculaires au cours des quinze dernières années. Une grande partie de cette évolution s’est faite au travers d’une meilleure organisation des soins qui a permis de rendre systématique la mesure de l’intensité de la douleur et qui a assuré une surveillance régulière et adaptée des traitements mis en œuvre et notamment de la prescription de morphine et de ses dérivés. Les progrès dans la prise en charge de la douleur postopératoire ont été en grande partie initiés par la mise à disposition des patients des systèmes d’analgésie autocontrôlée. Le principe de l’analgésie autocontrôlée, qu’il n’est plus nécessaire de rappeler, repose sur le fait que le patient est le mieux à même d’apprécier non seulement l’intensité de la douleur mais aussi le moment où il devient nécessaire de la soulager. De plus ce système court-circuite les étapes de la prescription classique et raccourcit ainsi considérablement le temps écoulé entre l’apparition du symptôme et son soulagement. Finalement, ce mode d’administration permet de tenir compte de la grande variabilité d’un individu à l’autre, mais aussi dans le temps, des besoins en antalgiques et de s’y adapter. Incidemment, l’analgésie autocontrôlée est devenue également le recours de tous les traitements antalgiques mis en œuvre et le moyen d’en apprécier, au travers de la consommation plus ou moins importante de morphine, l’effi cacité lors des essais cliniques.

La mise en place de l’analgésie autocontrôlée en postopératoire ne s’est pas effectuée du jour au lendemain mais progressivement, accompagnée par une pédagogie des équipes soignantes qui a fi ni par porter ses fruits. Cet accompagnement, plus que nécessaire, a permis en l’espace d’une quinzaine d’années de faire en sorte qu’un patient sur 5 à un patient sur 4, ayant subi une intervention chirurgicale, soit connecté en postopératoire à une pompe d’analgésie autocontrôlée délivrant dans plus de 90 % des cas de la morphine par voie intraveineuse. Cette constatation résulte des données de l’enquête nationale menée en 2006 sous l’égide du comité « douleur – anesthésie locorégionale » de la Société française d’Anesthésie Réanimation.

Parallèlement aux développements des protocoles de soins et des techniques per-mettant un meilleur contrôle de la douleur postopératoire, l’idée s’est faite jour que la prise en charge de la douleur s’inscrivait dans un contexte de soins plus global qui visait à améliorer le confort des patients et à faciliter leur convalescence. Ce concept, théorisé par Henrik Kehlet à Copenhague sous le terme de réhabilitation postopératoire, associe au traitement de la douleur, celui des nausées et des vomissements, mais aussi une chirurgie moins invasive, une reprise plus rapide de l’alimentation orale et de la déambulation avec comme objectif de réduire la morbidité postopératoire et de rac-courcir la durée d’hospitalisation. Dans ce contexte, tout ce qui simplifi e à la fois la

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charge de travail infi rmier mais aussi la réalisation des soins et celle du programme de réhabilitation, est bienvenu. La simplifi cation des dispositifs d’analgésie autocontrôlée a donc accompagné la réhabilitation en s’y adaptant. Cette adaptation est passée par l’utilisation d’une voie différente de la voie intraveineuse pour l’administration d’opiacé, à savoir la voie transdermique.

L’administration de fentanyl par voie transdermique est réalisée depuis plusieurs années et largement utilisée dans le domaine de la prise en charge de la douleur chronique où elle a constitué une avancée signifi cative. Toutefois, la diffusion passive du fentanyl par voie transdermique est inadaptée au traitement de la douleur aigue postopératoire car d’une part cette diffusion constante ne permet pas de couvrir les fl uctuations de l’intensité de la douleur et d’autre art, l’existence d’un réservoir cutané comporte un risque de dépression respiratoire du fait de la poursuite de la diffusion du fentanyl plusieurs heures après l’ablation du patch. Le système d’administration iontophorétique transdermique du fentanyl, dont le mécanisme est expli-qué dans un des articles de cette revue, est en revanche particulièrement adapté à la prise en charge de la douleur postopératoire. En effet ce système permet l’administration à la demande de bolus de fentanyl sans diffusion continue et comme les pompes utilisée pour la voie intraveineuse, ce système possède une période réfractaire qui évite la survenue de surdosage. Les essais cliniques comparatifs ont montré la « non infériorité » du système en termes de qualité du contrôle de la douleur par rapport à l’adminis-tration autocontrôlée de morphine par voie intraveineuse.

Au-delà de ce résultat, les études cliniques font apparaître la facilité d’utilisation et la satisfaction aussi bien des patients que des soignants. L’aisance avec laquelle il est possible de manier le dispositif et le peu de contrainte qu’il implique s’intègrent bien avec les pré-requis de la réhabili-tation postopératoire : contrôle de la douleur en préservant l’autonomie du patient. Il n’en reste pas moins qu’il s’agit de l’administration d’un opiacé dont les effets secondaires (nausées et vomissements) doivent être prévenus. De plus il faut se garder d’une impression de sécurité et maintenir un niveau de surveillance comparable à celui institué pour l’administration de morphine par voie intraveineuse. Dans le même ordre d’idée, il s’agit d’un dispositif à usage hospitalier exclusif pour le moment. Enfi n, l’administration iontophorétique de fentanyl doit s’intégrer dans le cadre d’une analgésie multimodale pour garantir un contrôle optimum de la douleur postopératoire.

Un pas supplémentaire a donc été franchi dans la qua-lité de la prise en charge de la douleur postopératoire et des soins délivrés aux patients dans ce contexte. Gageons cependant que d’autres améliorations sont encore possibles dans ce domaine avec comme objectif une amélioration continue des pratiques de soins.

Francis BonnetService d’Anesthésie–Réanimation,Hôpital tenon, 4, rue de la Chine,

75970 Paris cedex 20, France

Correspondance.Adresse e-mail : [email protected]