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Article original Évolution du traitement de sortie après hospitalisation pour syndrome coronaire aigu en France entre 1995 et 2000 : données des études Usik 1995, Prévenir 1 et 2 et Usic 2000 > Evolution of discharge prescription in patients hospitalised for acute coronary syndromes in France from 1995 to 2000. Data from the Usik 1995, Prevenir 1, Prevenir 2 and Usic 2000 survey N. Danchin *, G. Hanania, O. Grenier, L. Vaur, E. Amelineau, P. Guéret, D. Blanchard, J. Ferrières, N. Genès, J.-M. Lablanche, C. Cantet, J.-P. Cambou, pour les investigateurs Usik 1995, Prévenir 1, Prévenir 2 et Usic 2000 Département de cardiologie, hôpital européen Georges-Pompidou, 20, rue Leblanc, 75015 Paris, France Reçu et accepté le 5 décembre 2002 Résumé Ce travail compare l’évolution de la prescription des 4 grandes classes de traitement de prévention secondaire de la maladie coronaire entre 1995 et 2000, à travers 4 enquêtes nationales françaises. Les enquêtes Usik 1995 et Usic 2000 ont inclus des patients hospitalisés en unités de soins intensifs pour un infarctus de moins de 48 h et les enquêtes Prévenir 1 (janvier 1998) et Prévenir 2 (2 e trimestre 1999) ont inclus des patients hospitalisés pour syndrome coronaire aigu avec ou sans sus-décalage de ST. Pour l’aspirine et les antiagrégants, le taux de prescription passe de 91 % en 1995 à 93 % en 1998 et 1999 puis 96 % en 2000. Pour les bêtabloquants, les chiffres respectifs sont de 64 %, 68 %, 75 % et 76 %. Pour les inhibiteurs de l’enzyme de conversion (IEC), la prescription est de 46 %, 41 %, 41 % et 50 %. Enfin, l’évolution la plus importante est constatée pour les statines : 10 %, 36 %, 59 % et 64 %. En 1995, 8 % des patients recevaient un traitement associant antiagrégants, bêtabloquant et statine, dont 4 % recevant en plus un IEC ; en 2000, les proportions passent respectivement à 53 % et 27 %. Au total, les résultats des grandes études de prévention secondaire ont considérablement influencé les prescriptions lors de syndromes coronaires aigus et l’objectif de prévention secondaire paraît dorénavant constituer une des priorités des cardiologues français. © 2003 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés. Abstract The use of cardiovascular secondary prevention medications in patients with acute coronary syndromes was compared in 4 sequential observational surveys carried out in France from 1995 to 2000. The Usik 1995 and Usic 2000 surveys included patients admitted for acute myocardial infarction, while the 2 Prevenir surveys (1998 and 1999) assessed the medications prescribed in patients with acute coronary syndromes. Antiplatelet agents were prescribed in 91% of the patients in 1995, 93% in 1998 and 1999 and 96% in 2000; for beta-blockers, the respective figures were: 64%, 68%, 75% and 76%. ForACE-Inhibitors, the figures were: 46%, 41%, 41% and 50%. For statins, the prescription increased from 10% to 36%, 59% and 64%. In 1995, 8% of the patients received both antiplatelet agents, beta-blockers and statins (4% of them > Les études Usik 1995 et Usic 2000 ont été réalisées grâce au soutien des laboratoires Aventis et les études Prévenir 1 et Prévenir 2 grâce au soutien des laboratoires BMS. * Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (N. Danchin) Annales de Cardiologie et d’Angiologie 52 (2003) 1-6 www.elsevier.com/locate/ancaan © 2003 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés. DOI: 1 0 . 1 0 1 6 / S 0 0 0 3 - 3 9 2 8 ( 0 2 ) 0 0 1 8 1 - 6

Évolution du traitement de sortie après hospitalisation pour syndrome coronaire aigu en France entre 1995 et 2000 : données des études Usik 1995, Prévenir 1 et 2 et Usic 2000

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Article original

Évolution du traitement de sortie après hospitalisationpour syndrome coronaire aigu en France entre 1995 et 2000 :données des études Usik 1995, Prévenir 1 et 2 et Usic 2000>

Evolution of discharge prescription in patients hospitalised for acutecoronary syndromes in France from 1995 to 2000. Data from the Usik

1995, Prevenir 1, Prevenir 2 and Usic 2000 survey

N. Danchin *, G. Hanania, O. Grenier, L. Vaur, E. Amelineau, P. Guéret, D. Blanchard,J. Ferrières, N. Genès, J.-M. Lablanche, C. Cantet, J.-P. Cambou,

pour les investigateurs Usik 1995, Prévenir 1, Prévenir 2 et Usic 2000

Département de cardiologie, hôpital européen Georges-Pompidou, 20, rue Leblanc, 75015 Paris, France

Reçu et accepté le 5 décembre 2002

Résumé

Ce travail compare l’évolution de la prescription des 4 grandes classes de traitement de prévention secondaire de la maladie coronaire entre1995 et 2000, à travers 4 enquêtes nationales françaises. Les enquêtes Usik 1995 et Usic 2000 ont inclus des patients hospitalisés en unités desoins intensifs pour un infarctus de moins de 48 h et les enquêtes Prévenir 1 (janvier 1998) et Prévenir 2 (2e trimestre 1999) ont inclus despatients hospitalisés pour syndrome coronaire aigu avec ou sans sus-décalage de ST. Pour l’aspirine et les antiagrégants, le taux de prescriptionpasse de 91 % en 1995 à 93 % en 1998 et 1999 puis 96 % en 2000. Pour les bêtabloquants, les chiffres respectifs sont de 64 %, 68 %, 75 % et76 %. Pour les inhibiteurs de l’enzyme de conversion (IEC), la prescription est de 46 %, 41 %, 41 % et 50 %. Enfin, l’évolution la plusimportante est constatée pour les statines : 10 %, 36 %, 59 % et 64 %. En 1995, 8 % des patients recevaient un traitement associantantiagrégants, bêtabloquant et statine, dont 4 % recevant en plus un IEC ; en 2000, les proportions passent respectivement à 53 % et 27 %. Autotal, les résultats des grandes études de prévention secondaire ont considérablement influencé les prescriptions lors de syndromes coronairesaigus et l’objectif de prévention secondaire paraît dorénavant constituer une des priorités des cardiologues français.

© 2003 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Abstract

The use of cardiovascular secondary prevention medications in patients with acute coronary syndromes was compared in 4 sequentialobservational surveys carried out in France from 1995 to 2000. The Usik 1995 and Usic 2000 surveys included patients admitted for acutemyocardial infarction, while the 2 Prevenir surveys (1998 and 1999) assessed the medications prescribed in patients with acute coronarysyndromes. Antiplatelet agents were prescribed in 91% of the patients in 1995, 93% in 1998 and 1999 and 96% in 2000; for beta-blockers, therespective figures were: 64%, 68%, 75% and 76%. ForACE-Inhibitors, the figures were: 46%, 41%, 41% and 50%. For statins, the prescriptionincreased from 10% to 36%, 59% and 64%. In 1995, 8% of the patients received both antiplatelet agents, beta-blockers and statins (4% of them

> Les études Usik 1995 et Usic 2000 ont été réalisées grâce au soutien des laboratoires Aventis et les études Prévenir 1 et Prévenir 2 grâce au soutien deslaboratoires BMS.

* Auteur correspondant.Adresse e-mail : [email protected] (N. Danchin)

Annales de Cardiologie et d’Angiologie 52 (2003) 1-6

www.elsevier.com/locate/ancaan

© 2003 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés.DOI: 1 0 . 1 0 1 6 / S 0 0 0 3 - 3 9 2 8 ( 0 2 ) 0 0 1 8 1 - 6

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also had an ACE-Inhibitor); in 2000, the respective figures were 53% and 27%. The results of the recent trials of secondary preventionmedications have had a considerable impact on real-life practice in France during the late 1990s.

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Mots clés : Prévention secondaire ; Maladie coronaire ; Syndrome coronaire aigu ; Infarctus ; Statines ; Aspirine ; Bêtabloquants ; Inhibiteurs de l’enzyme deconversion

Keywords: Secondary prevention; Acute coronary syndrome; Myocardial infarction; Statins; Aspirin; Beta-blockers; Angiotension converting enzymeinhibitors

1. Introduction

Au cours des années 1990, le traitement médicamenteuxde prévention secondaire du coronarien, en particulier aprèsun infarctus du myocarde, a pu être précisé grâce aux résul-tats de nombreuses grandes études cliniques consacrées àcette question. Pour l’aspirine et surtout les bêtabloquants, ils’est agi avant tout d’une confirmation [1,2]. À l’ inverse,l’ importance du traitement par statines a été la véritablerévélation de cette période [3–6]. Enfin, le rôle des inhibi-teurs de l’enzyme de conversion (IEC), est devenu de mieuxen mieux apprécié [7–11]. En parallèle, des recommanda-tions de pratique ont été établies, au niveau européen, nord-américain et français [12]. Dans ce contexte, il est intéressantd’évaluer l’ impact de ces résultats scientifiques et de cesrecommandations sur la pratique effective des cardiologues,dans leur vie quotidienne. Ce travail a pour but d’évaluer lesprescriptions des grandes classes thérapeutiques de préven-tion secondaire en France dans la deuxième partie de ladécennie 1990, chez des patients hospitalisés pour infarctusou syndrome coronaire aigu.

2. Populations et méthodes

Pour ce travail, nous avons analysé les traitements deprévention secondaire utilisés, à partir de quatre registresd’observation établis en France entre novembre 1995 et no-vembre 2000 [13–19]. La méthodologie des différentes étu-des est résumée ci-dessous.

L’étude Usik 1995 a consisté en un registre prospectif detous les patients hospitalisés en unité de soins intensifs dansles 48 h suivant la survenue d’un infarctus du myocarde, danstous les établissements français participants (373 des 501unités de soins intensifs recensées). Parmi les 373 centresayant participé àla phase hospitalière du registre, 312 (84 %)ont également participé à l’enquête de suivi à un an. Laméthodologie de l’étude a été décrite en détail auparavant[13–17]. En bref, tous les patients admis dans les 48 h suivantle début des symptômes marquant la survenue d’un infarctusdu myocarde et admis au sein des centres participants entre le1er et le 30 novembre 1995 ont été inclus prospectivement.Les caractéristiques initiales et les données cliniques et thé-rapeutiques des 5 premiers jours d’hospitalisation ont été

relevées par un investigateur dans chaque centre. Les don-nées collectées incluaient les antécédents cardiovasculaires,les facteurs de risque (tabagisme, antécédent d’hypertensionou traitement pour hypertension, cholestérolémie > 2,5 g l–1

ou hyperlipidémie traitée, antécédents familiaux, antécé-dents personnels de diabète), les événements cliniques surve-nus au cours des 5 premiers jours et les traitements mis enœuvre au cours des 5 premiers jours. Dans cette étude, lesdonnées thérapeutiques concernent donc les traitementsprescrits à la phase initiale de la nécrose et non les traite-ments à la sortie de l’hôpital. Néanmoins, pour la plupart descatégories thérapeutiques de prévention secondaire, les chan-gements de traitement entre cette phase et la sortie hospita-lière sont le plus souvent rares et les données thérapeutiquesrecueillies reflètent donc probablement assez fidèlement letraitement de sortie.

L’étude Prévenir 1 a inclus tous les patients hospitaliséspour un syndrome coronaire aigu dans les 77 établissementsparticipants en janvier 1998. L’étude Prévenir 2 a inclus lespatients hospitalisés au cours du deuxième trimestre 1999dans 143 centres français. Les patients décédés au cours del’hospitalisation initiale n’ont pas été inclus dans les études,dont l’objectif premier était d’apprécier les prescriptionsmédicamenteuses à la sortie de la phase hospitalière. Enrevanche, la cohorte de 1998 a été suivie pendant 6 mois.

Les critères d’ inclusion, communs aux deux phases del’étude, étaient les suivants :

• infarctus du myocarde, caractérisé par au moins deuxdes éléments suivants : douleur typique de repos, d’unedurée d’au moins 30 min, non soulagée par la prise dedérivés nitrés, sus-décalage du segment ST ≥ 0,1 mVdans deux dérivations frontales adjacentes ou ≥ 0,2 mVdans deux dérivations précordiales adjacentes ; appari-tion de nouvelles ondes Q ; élévation des CPK-MB àplus de deux fois la limite supérieure de la normale pourle laboratoire ;

• angor instable défini par un des critères suivants : angorde repos d’apparition récente ou prolongée ; angor d’ef-fort d’aggravation récente ; angor d’effort de novo sé-vère.

Les caractéristiques initiales des patients (démographie,antécédents médicaux), les traitements en cours avant l’hos-pitalisation, les interventions mises en œuvre lors de l’hospi-talisation et les traitements prescrits à la sortie ont été colli-gés.

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Enfin, l’étude Usic 2000 a été construite sur le mêmeprincipe que l’enquête Usik 1995, àpartir du recueil prospec-tif des données de toute la phase hospitalière de patientsadmis en novembre 2000 pour un infarctus du myocarde dansune unité de soins intensifs. Sur les 443 centres prenant encharge des infarctus en 2000, 369 ont acceptéde participer àl’étude (83 %), avec une excellente représentativitéde toutesles formes d’hospitalisation (hôpitaux généraux, centre hos-pitalier universitaire et cliniques privées). Les modalités deprise en charge initiale, les complications hospitalières, lestraitements prescrits au cours des 48 premières heures et lestraitements prescrits à la sortie ont été colligés.

3. Résultats

3.1. Populations

L’étude Usik 1995 a inclus 2563 patients (âge moyen 67ans ; 67 % d’hommes) hospitalisés pour infarctus dans 373unités de soins intensifs, représentant 74 % des unités rece-vant des patients avec un infarctus à cette période. L’étudePrévenir 1, réalisée sur une population de patients admis dans77 établissements pour syndrome coronaire aigu en janvier1998 a inclus 1394 patients (57 % âgés de 65 ans et plus ;71 % d’hommes) ; 615 ont été admis pour angor instable et779 pour un infarctus du myocarde. L’étude Prévenir 2 a étéréalisée au cours du deuxième trimestre de 1999 et a inclus2527 patients (51 % ayant 65 ans et plus ; 74 % d’hommes),dans 143 centres ; 66 % d’entre eux avaient un infarctus et34 % un angor instable.

Enfin, l’étude Usic 2000, réalisée en novembre 2000, ainclus 2320 patients (âge moyen : 65 ans ; 73 % d’hommes)ayant tous présenté un infarctus du myocarde de moins de48 h ; le traitement à la sortie a été colligé chez les 2119survivants de la phase hospitalière. Les grandes classes médi-camenteuses utilisées dès la phase hospitalière au cours des 4enquêtes sont représentées sur la Fig. 1.

3.2. Aspirine et antiagrégants

La prescription d’aspirine et des autres antiagrégants pla-quettaires a relativement peu varié entre 1995 et 2000. En1995, 89 % des patients ont reçu de l’aspirine au cours des 5premiers jours et 91 % un traitement antiagrégant quel qu’ ilsoit. En 1998, l’aspirine est prescrite chez 90 % des patientset d’autres antiagrégants chez 36 %, essentiellement aprèspose de stent ; 93 % des patients ont reçu soit de l’aspirine,soit un autre antiagrégant. Dans l’enquête Prévenir 2, 87 %des patients reçoivent de l’aspirine à la sortie de l’hôpital et93 % un antiagrégant ou de l’aspirine. Enfin, dans Usic 2000,96 % des patients reçoivent un traitement antiagrégant paraspirine et/ou un autre médicament à la sortie de l’hôpital.

3.3. Bêtabloquants

En 1995, 64 % des patients reçoivent des bêtabloquants aucours des 5 premiers jours d’un infarctus. À la sortie del’hôpital, les bêtabloquants sont prescrits chez 68 % despatients en 1998, 75 % en 1999 et 76 % en 2000.

3.4. Inhibiteurs de l’enzyme de conversion

Parmi les patients de l’enquête Usik 1995, 46 % despatients ont reçu un traitement par IEC au cours des premiersjours. Le taux de prescription d’ IEC dans les enquêtes Pré-venir 1 et 2, chez des patients ayant été hospitalisés poursyndrome coronaire aigu avec ou sans infarctus, est de 41 %.Enfin, en 2000, 50 % des patients hospitalisés pour infarctusquittent l’hôpital sous IEC.

3.5. Statines

Les statines sont très peu utilisées au cours des premiersjours d’un infarctus en 1995 (10 %). À la sortie de l’hôpital,elles sont prescrites chez 36 % des patients en janvier 1998 etchez 59 % à la mi-1999. Enfin, en novembre 2000, 64 % despatients ayant fait un infarctus reçoivent des statines à lasortie de l’hôpital.

3.6. Association de traitements de prévention secondaireen postinfarctus : comparaison des données de 1995et 2000 (Fig. 2)

En 1995, 202 patients sur les 2563 inclus dans l’étudeUsik 1995 (8 %) recevaient à la fois un antiagrégant, unbêtabloquant et une statine, parmi lesquels 108 (4 %) rece-vaient en plus un IEC. Cinq ans plus tard, dans l’enquête Usic2000, les proportions de patients recevant ces associationscombinées de médicaments de prévention secondaire à lasortie de l’hôpital sont respectivement de 53 % et 27 %. Laprescription des traitements de prévention secondaire restefortement liée à l’âge, comme en attestent les résultats del’enquête Usic 2000 (Tableau 1).

Fig. 1. Évolution de la prescription des 4 grandes classes thérapeutiquesutilisées en prévention secondaire au cours des années 1995 à 2000. Lespourcentages représentent le taux de prescription àla sortie de l’hôpital, saufpour l’étude Usik 1995, où ils correspondent aux médicaments utilisés aucours des 5 premiers jours de l’hospitalisation.

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3.7. Prévention secondaire après syndrome coronaire aiguavec ou sans sus-décalage de ST

Les traitements de prévention secondaire ont pu être étu-diés en fonction du type de syndrome coronaire aigu dans lesétudes Prévenir et l’étude Usic 2000 (Tableau 2). Quelle quesoit la période, les traitements de prévention secondaires sontprescrits avec une plus grande fréquence en cas de syndromecoronaire aigu avec sus-décalage du segment ST ou d’ infarc-tus avec onde Q, qu’en cas de syndrome coronaire aigu sanssus-décalage.

4. Discussion

Chez les patients coronariens et particulièrement après uninfarctus du myocarde, le traitement de prévention secon-daire a pu être évalué au mieux au cours des années 1990grâce aux résultats de nombreuses études randomisées et à laméta-analyse de certaines d’entre elles (Fig. 3). Quatre gran-des classes thérapeutiques ont ainsi pu montrer leur effica-cité : les antiagrégants plaquettaires, les bêtabloquants, lesIEC et les statines. En ce qui concerne les IEC, leur efficacitéa d’abord été démontrée dans les suites d’ infarctus impor-tants, s’accompagnant d’ insuffisance cardiaque ou de dys-fonction ventriculaire gauche marquée [7–10], puis chez lecoronarien sans dysfonction ventriculaire gauche, avecl’étude Hope [11]. Nos différentes enquêtes, que l’on peutconsidérer comme très représentatives de la pratique cliniqueeffective en France dans la seconde partie des années 1990,montrent que l’évolution s’est faite rapidement vers unegénéralisation de l’utilisation de ces différents traitements.L’utilisation des antiagrégants était déjàlargement admise en1995, avec plus de 90 % des patients traités ; dans cesconditions et bien qu’ il ait étédifficile de beaucoup progres-ser, on constate une amélioration supplémentaire au fil desannées, avec 96 % des patients recevant des antiagrégants àlasortie de l’hôpital après un épisode d’ infarctus fin 2000. Les

Fig. 2. Proportion de patients recevant un traitement triple (antiagrégants,bêtabloquants et statines) ou quadruple (antiagrégants, bêtabloquants, stati-nes et IEC) dans les études Usik 1995 et Usic 2000.

Tableau 1Prescription des associations de traitements de prévention secondaire aprèsinfarctus en fonction de l’âge dans l’enquête Usic 2000. (IEC : inhibiteurs del’enzyme de conversion)

Age (ans) < 50 50–59 60–69 70–79 ≥ 80Antiagrégants, bêtabloquantset statines (%)

65 64 56 48 20

Antiagrégants, bêtabloquants,statines et IEC (%)

31 29 30 27 12

Tableau 2Prescription de médicaments de prévention secondaire àla sortie de l’hôpitalselon le type de syndrome coronaire aigu

Prévenir 1 Prévenir 2 Usic 2000Aspirine et antiagrégants :– avec sus-décalage 93 % 88 % 94 %– sans sus-décalage 86 % 86 % 96 %Bêtabloquants :– avec sus-décalage 70 % 79 % 78 %– sans sus-décalage 65 % 71 % 69 %IEC :– avec sus-décalage 52 % 53 % 53 %– sans sus-décalage 28 % 31 % 42 %Statines :– avec sus-décalage 35 % 63 % 66 %– sans sus-décalage 37 % 56 % 58 %

Fig. 3. Publication des grandes études randomisées de prévention secondaire par rapport aux 4 enquêtes.

4 N. Danchin et al. / Annales de Cardiologie et d’Angiologie 52 (2003) 1-6

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données de l’étude Caprie [20] ont permis d’établir la validitédu traitement par clopidogrel en prévention secondaire et lesquelques patients intolérants ou présentant des contre-indications à l’aspirine reçoivent vraisemblablement mainte-nant ce médicament. La démonstration de l’ intérêt des bêta-bloquants en postinfarctus existait déjàen 1995 ; les patientsavec dysfonction ventriculaire gauche sévère étaient cepen-dant exclus des essais thérapeutiques initiaux. Avec les essaisdémontrant l’ intérêt de ces médicaments dans l’ insuffisancecardiaque [21,22], la prescription semble avoir progressé etles résultats de l’étude Capricorn [23], réalisée spécifique-ment chez des patients ayant un infarctus avec dysfonctionventriculaire, renforcent maintenant la conviction des cardio-logues. Les contre-indications restent cependant plus fré-quentes que pour l’aspirine, expliquant sans doute en grandepartie un taux de prescription sensiblement plus faible. Néan-moins, plus de trois quarts des patients reçoivent des bêtablo-quants après un infarctus en 2000, contre un peu moins d’untiers en 1995. En ce qui concerne les IEC, le bénéfice apportéchez les patients ayant une dysfonction ventriculaire gaucheparaît admis dès 1995 ; les comparaisons entre syndromescoronaires aigus avec ou sans sus-décalage confirment cetteimpression, avec un taux de prescription sensiblement supé-rieur dans les syndromes coronaires avec sus-décalage.Néanmoins, l’ impact de l’étude Hope semble apparaître pourles syndromes coronaires aigus sans sus-décalage au cours dela dernière enquête : le taux de prescription est pratiquementsimilaire en 1998 et 1999, alors qu’ il augmente de plus de10 % entre 1999 et 2000. Enfin, les modifications les plusspectaculaires concernent les statines. Les résultats del’étude 4S [3] ont été publiés en 1994, avant la premièreenquête Usik qui a eu lieu fin 1995 ; néanmoins, deuxquestions principales restent alors en suspens : les statinesont-elles également un bénéfice chez les patients ayant uncholestérol normal et peut-on débuter le traitement dès lespremiers jours suivant l’ infarctus ? Les études parues aucours des années suivantes (Care, Lipid, Miracl) [4–6] ontpermis de répondre par l’affirmative à ces deux interroga-tions et les observations recueillies à partir de la premièreétude Prévenir ont montré que le traitement par statine avaitpeu de chances d’être instauréultérieurement, s’ il n’était pasprescrit dès la sortie de l’hôpital [24]. Les cardiologues ontadapté leurs habitudes en conséquence, avec plus de 60 %des patients recevant une statine à la sortie de l’hôpital dansl’enquête Usic 2000. La prescription de statines reste cepen-dant fortement liée à l’âge des patients ; à cet égard, lesrésultats de l’étude HPS [25] devraient dorénavant encoura-ger leur prescription aussi bien chez les malades âgés. Enfin,la première étude Prévenir, ainsi que d’autres enquêtes, apermis de montrer que la réalisation d’une angioplastie encours d’hospitalisation était associée à une plus large pres-cription de statines, confirmant ainsi que les cardiologuesn’opposaient pas, dans leur pratique de tous les jours, letraitement focal de la lésion responsable de l’accident coro-naire aigu et le traitement de fond de la maladie athérosclé-reuse [26–28].

5. Conclusion

Au bout du compte, l’évolution des prescriptions médica-menteuses en France après un syndrome coronaire aigu acontinué de progresser régulièrement au cours des dernièresannées de la décennie 1990, en conformité avec l’évolutiondes connaissances pendant cette période. La progression dutraitement par statines a été la plus spectaculaire et expliqueen large partie l’amélioration majeure de la proportion despatients recevant une combinaison triple par antiagrégants,bêtabloquants et statines. La place des IEC reste encore unpeu incertaine : largement utilisés en cas d’ infarctus avecdysfonction ventriculaire gauche, ils le sont nettement moinslorsque la fraction d’éjection est préservée [29], les cardiolo-gues paraissant attendre encore une confirmation de l’étudeHope avant de généraliser la prescription de cette catégoriede médicaments.

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