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EXAMEN FINAL français DAEU 2014-2015 15/06/2015 Vous traiterez au choix : - Le sujet de type 1 : l’argumentation . Vous veillerez à répondre aux questions sur le texte et à rédiger le sujet de réflexion - Le sujet de type 2 : le commentaire . Votre devoir sera intégralement rédigé. - Le sujet de type 3 : la dissertation. Votre devoir sera entièrement rédigé. Durée de l’épreuve = 4 heures Documents autorisés : Rhinocéros, IONESCO L’Ecume des jours, VIAN

EXAMEN FINAL – français – DAEU – 2014-2015 15/06/2015 Vous

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EXAMEN FINAL – français – DAEU – 2014-2015

15/06/2015

Vous traiterez au choix :

- Le sujet de type 1 : l’argumentation. Vous veillerez à répondre aux

questions sur le texte et à rédiger le sujet de réflexion

- Le sujet de type 2 : le commentaire. Votre devoir sera

intégralement rédigé.

- Le sujet de type 3 : la dissertation. Votre devoir sera entièrement

rédigé.

Durée de l’épreuve = 4 heures

Documents autorisés :

Rhinocéros, IONESCO

L’Ecume des jours, VIAN

Sujet 1 : l’ ARGUMENTATION

1 5 10 15 20 25 30 35 40

Les Français espèrent parfois, sans trop y croire, qu'une figure providentielle parviendra à redonner de la vie, à ranimer ce désir d'avancer qui semble les avoir quittés. Ce rêve annoncé, toujours introuvable, de quoi donc devrait-il être composé ? L'inventaire manque. Personne ne connaît ni la recette à suivre ni ses ingrédients. Tentons de les envisager.

Le rêve français devrait pouvoir rassembler, attirer, mobiliser, mais sans être pour autant irréaliste, passéiste ou déphasé. Il lui faudrait conjuguer création d'emplois et société de loisirs, croissance économique et protection sociale, indépendance nationale et mondialisation. On rétorquera que ces éléments sont difficilement compatibles, mais nos concitoyens n'en ont cure(1). Ils sont à la fois désireux d'en finir avec le malheur des crises et de conserver la totalité de leurs avantages acquis. Fermement décidés à s'en sortir, à condition que rien ne change. Prêts à toutes les réformes, si elles ne touchent à rien. Avides de prospérité et de statu quo, avec obstination.

Il faudrait donc leur concocter un nouveau rêve capable de combiner opulence garantie sans risque, croissance certifiée sur mesure, changement assuré sans modification. Toutefois, chacun sait aussi qu'à ce rêve-là manquerait encore une dimension essentielle. Se désendetter en gardant l'Etat providence, augmenter le pouvoir d'achat en instaurant le développement durable ne sont encore qu'objectifs médiocres. Il faudrait ajouter du faste, de la grandeur, des idéaux, du panache, de l'enthousiasme, même s'ils s'accompagnent de tranquillité bonhomme et de sieste prolongée. On ajouterait des leçons universelles à donner au monde sans en recevoir, de la gastronomie à sveltesse intégrée, d'insolites alliances d'innovation et de ruralité, de high-tech et de vieilles pierres, de haute couture et d'égalité sans-culotte... et tout ce folklore d'irréductibles Gaulois dévoreurs de baguettes choisies sur iPad.

Supposons ces mille dissonances(2) enfin harmonisées par un extraordinaire génie, capable de proposer un rêve qui satisferait à tant d'exigences contraires. Las ! Cette hypothétique grande vision - où l'économie solidaire aurait enfin partie liée avec la culture populaire, le divertissement permanent avec le commerce équitable, le beurre avec l'argent du beurre et les charmes de la crémière - ne serait pas encore la solution ! Il manquerait cette dimension essentielle, finalement décisive, du rêve collectif : l'avenir. Pas de mobilisation profonde ni de dépassement de soi sans horizon à atteindre, lendemain à construire, futur à édifier. Or c'est justement cela qui nous fait cruellement défaut. En France, c'est le temps qui est en crise.

Sans doute le passé est-il trop lourd, chargé de tant de grands rêves anciens. Il n'est pas simple, évidemment, d'avoir dans ses placards la perruque de Louis XIV et le gilet de Napoléon, la guillotine de la Terreur et les barricades de la Commune, le Front populaire et la Résistance. Mais les Français, du XVIIe au XXe siècle, semblaient régulièrement aspirés par la société du lendemain, les horizons à construire. Ceux de 2013 semblent ne plus avoir l'idée d'aucun futur. Ils vivent dans le clapot(3) du présent, dans un «présentisme», comme dit l'historien François Hartog, qui les anesthésie. Au lieu de porter un rêve collectif - politique, moral, social -, qui suppose à la fois de connaître le monde et de vouloir le transformer, ils semblent réfugiés dans une torpeur nocturne, celle du dormeur isolé se protégeant du monde. L'ultime paradoxe, le voilà donc : pour recommencer à rêver, il serait nécessaire que les Français se réveillent ! Qu'ils regardent vraiment autour d'eux, découvrent et le monde et leur place. Est-il permis de l'espérer ?

Roger-Pol Droit, « La quadrature du rêve français », 17 mai 2013, in « Les Echos »

(1) n’en ont cure : ne s’en préoccupent pas (2) la dissonance : la rupture d’harmonie (3) le clapot : agitations provoquées par de fortes vagues

QUESTIONS (8 points) 1. Reformulez la thèse défendue par l’auteur. [1 point] 2. Dans les lignes 5 à 21 (« Le rêve français devrait … baguettes choisies sur iPad. »), l’auteur se livre à une critique : vous direz quel est l’objet de cette critique et vous analyserez les divers procédés utilisés pour la mener. [3,5 points] 3. Dans les lignes 22 à 40 (« Supposons ces mille dissonances … permis de l'espérer ? »), vous étudierez les références au temps et vous indiquerez en quoi elles illustrent la pensée de l’auteur. [3,5 points]

DISCUSSION (12 points) Sujet : Anatole France (1844–1924) écrit dans Le jardin d’Epicure : « L’existence serait intolérable si l’on ne rêvait jamais. » Que peut-on en penser ?

Sujet 2 : le COMMENTAIRE COMPOSE

EXTRAIT DE L’ACTE III DE RHINOCEROS D’EUGENE IONESCO

Vous commenterez l’extrait suivant selon deux axes :

1) Dudard, un personnage détaché ; une logique démonstrative qui témoigne de sa lâcheté 2) Bérenger : un humaniste _____________________________________________________________________________________________________

Bérenger Cela en avait bien l'air pourtant. Si vous aviez vu dans quel état… l'expression de sa figure… Dudard 5

C'est parce que c'est vous qui vous trouviez par hasard chez lui. Avec n'importe qui cela se serait passé de la même façon. Bérenger Devant moi, étant donné notre passé commun, il aurait pu se retenir. 10

Dudard Vous vous croyez le centre du monde, vous croyez que tout ce qui arrive vous concerne personnellement ! Vous n'êtes pas la cible universelle ! 15

Bérenger C'est peut-être juste. Je vais tacher de me raisonner. Cependant le phénomène en soi est inquiétant. Moi, à vrai dire, cela me bouleverse. Comment l'expliquer ? Dudard 20

Pour le moment, je ne trouve pas encore une explication satisfaisante. Je constate les faits, je les enregistre. Cela existe, donc cela doit pouvoir s'expliquer. Des curiosités de la nature, des bizarreries, des extravagances, un jeu, qui sait ? Bérenger 25

Jean était très orgueilleux. Moi, je n'ai pas d'ambition. Je me contente de ce que je suis. Dudard Peut-être aimait-il l'air pur, la compagne, l'espace… peut-être avait-il besoin de se détendre. Je ne dis pas ça pour l'excuser… 30

Bérenger Je vous comprends, enfin j'essaye. Pourtant, même si on m'accusait de ne pas avoir l'esprit sportif ou d'être un petit-bourgeois, figé dans un univers clos, je resterais sur mes positions. 35

Dudard Nous resterons tous les mêmes, bien sûr. Alors pourquoi vous inquiétez-vous pour quelques cas de rhinocérite ? Cela peut-être aussi une maladie. 40

Bérenger

Justement, j'ai peur de la contagion. Dudard Oh ! N'y pensez plus. Vraiment, vous attachez trop d'importance à la chose. L'exemple de 45

Jean n'est pas symptomatique, n'est pas représentatif, vous avez dit vous-même que Jean était orgueilleux. A mon avis, excusez-moi de dire du mal de votre ami, c'était un excité, un peu sauvage, un excentrique, on ne prend pas en considération les originaux. C'est la moyenne qui compte. 50

Bérenger Alors cela s'éclaire. Vous voyez, vous ne pouviez pas expliquer le phénomène. Eh bien, voilà, vous venez de me donner une explication plausible. Pourtant, il avait des arguments, il semblait avoir réfléchi à la question, mûri sa décision… Mais Bœuf, Bœuf, était-il fou lui aussi ?... et les autres, les autres ?... 55

Dudard Il reste l'hypothèse de l'épidémie. C'est comme la grippe. Ça c'est déjà vu des épidémies. Bérenger 60

Elles n'ont jamais ressemblé à celle-ci. Et si ça venait des colonies ? Dudard En tout cas, vous ne pouvez pas prétendre que Bœuf et les autres, eux aussi, ont fait ce qu'ils ont fait, ou sont devenus ce qu'ils sont devenus, exprès pour vous ennuyer. Ils ne 65

se seraient pas donné ce mal. Bérenger C'est vrai, c'est sensé ce que vous dites, c'est une parole rassurante… ou peut-être, au contraire, cela est-il plus grave encore ? (On entend des rhinocéros galoper sous 70

la fenêtre du fond.)Tenez, vous entendez ? (Il se précipite vers la fenêtre.) Dudard Laissez-les donc tranquilles ! (Bérenger referme la fenêtre.) En quoi vous gênent-ils ? Vraiment, ils vous obsèdent. Ce n'est pas bien. Vous vous épuisez nerveusement. Vous 75

avez eu un choc, c'est entendu ! N'en cherchez pas d'autres. Maintenant, tâchez tout simplement de vous rétablir. Bérenger Je me demande si je suis bien immunisé. 80

Dudard De toute façon, ce n'est pas mortel. Il y a des maladies qui sont saines. Je suis convaincu qu'on en guérit si on veut. Ça leur passera, allez. 85

Bérenger Ça doit certainement laisser des traces ! Un tel déséquilibre organique ne peut pas ne pas en laisser… Dudard 90

C'est passager, ne vous en faites pas. Bérenger Vous en êtes convaincu ? 95

Dudard Je le crois, oui, je le suppose. Bérenger Mais si on ne veut vraiment pas, n'est-ce pas, si on ne veut vraiment pas attraper ce mal 100

qui est un mal nerveux, on ne l'attrape pas, on ne l'attrape pas !... Voulez-vous un verre de cognac ?

Sujet 3 : la DISSERTATION

F. Beigbeder, Dernier inventaire avant liquidation, a écrit à propos de L’Ecume des jours :

« Il existe sûrement des gens qui n’aiment pas L’Ecume des jours, qui trouvent ce livre

nunuche ou puéril, et je voudrais ici dire, solennellement, à ces gens que je les plains, parce

qu’ils n’ont pas compris ce qui est le plus important en littérature. Vous voulez savoir ce que

c’est ? Le charme. »

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