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Sujet.

La sociologie a-t-elle vocation à expliquer ou à comprendre ?

« La sociologie a-t-elle vocation expliquer ou à comprendre ? » est une question qui renvoie à une controverse méthodologique (procédés, démarches et outils utilisés) et épistémologique (réflexion sur la démarche scientifique, ses résultats et leur portée) importante en sciences sociales et plus particulièrement en sociologie. Etymologiquement, le verbe expliquer provient du latin « explicare » ou « plicare » qui signifie plier alors que comprendre trouve son origine dans le mot latin « comprehendere » qui veut dire saisir. On peut donc établir une première distinction : comprendre c’est saisir le sens d’une action ou d’une décision, l’expliquer c’est en rendre compte. Une nuance apparaît : comprendre suppose que l’on fasse nôtres les arguments qui sont intervenus dans l’action ou la décision du sujet social – on comprend de l’intérieur lorsque l’on « se met à la place de …» – alors qu’une explication peut être apportée par un observateur extérieur. Conséquemment, celui qui se « met à la place de… » peut saisir des raisons tandis que celui qui se contente d’observer de l’extérieur ne peut que chercher des causes ayant agi sur le sujet et expliquant son comportement ou sa décision.

L’« accroche » propose une « entrée » dans le sujet. Elle doit être pertinente, il faut qu’elle mette en perspective le sujet. Elle est suivie par la définition des principaux termes du sujet. C’est à partir de cette BASE que la problématique et le plan sont élaborés.

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La querelle méthodologique dont il est ici question concerne le rapport entre le sujet et l’objet de la connaissance sociologique. Dans les sciences de la nature, il existe de fait une distance entre le sujet – le scientifique –, et son objet – la digestion chez la grenouille, la photosynthèse ou la réaction nucléaire. Mais, dans les sciences sociales, cette distance est souvent ténue : le sociologue va étudier un mouvement social (le mouvement des sans-papier, le mouvement ouvrier, un mouvement révolutionnaire ou un mouvement réactionnaire par exemple) dont les idées ne le laissent pas totalement indifférent. D’autres fois, le sociologues analysera des comportements (l’échec scolaire, la violence, l’amitié, l’amour conjugal ou l’homosexualité…) qui auront pour lui une signification immédiate. Il en sera partie prenante, auteur et artisan, victime, promoteur et défenseur ou bien opposant plus ou moins virulent. Bref, le sociologue est inéluctablement impliqué dans les interactions de la vie sociale, pour le meilleur et pour le pire. La naissance de la sociologie est marquée par d’âpres débats relatifs aux méthodes qu’elle doit privilégier compte tenu des difficultés – et des incertitudes – propres à son objet. Deux voies principales se dessinent alors : celle de l’explication et celle de la compréhension. Alors que la première défend une approche calquée sur le modèle qu’offrent les sciences de la nature la seconde milite pour une méthode d’analyse singulière. Mais cette alternative reste schématique et ne fait pas justice aux efforts déployés par chacune des parties pour concilier à la fois la recherche de causalités et la prise en compte de la spécificité de l’objet sociologique. Le pluralisme des méthodes et des paradigmes en semble être le résultat.

Nous verrons d’abord que si l’on peut envisager à partir de l’opposition entre expliquer et comprendre, deux voies d’analyses pour la sociologie, il reste que leur opposition repose sur une fausse querelle, car la pratique sociologique montre la nécessité d’allier explication et compréhension.

Il faut inscrire le sujet dans les grands débats de fond propres à la discipline (lorsque cela est possible).

La problématique présente la démonstration que l’on va développer.

Le plan est toujours clairement annoncé

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I. Expliquer ou comprendre ?

1/ une querelle méthodologique ancienne… a) C’est en Allemagne dans la 2e moitié du 19e siècle que le débat se développe à la suite des réflexions de Dilthey (1833-1911) qui conduisent à distinguer les sciences de l’esprit des sciences de la nature. Alors que dans les premières il s’agit de procéder par la voie de la compréhension, les secondes requièrent que l’on procède par celle de l’explication mettant au jour des causes et des lois. Cette discussion vise à dépasser un obstacle épistémologique propre aux sciences humaines et sociales. En effet, les succès des sciences de la nature incitent au développement des méthodes positives fondées sur l’expérimentation, la recherche de causalités, l’élaboration de modèles abstraits, la quantification des phénomènes et de leurs relations. Mais dans quelle mesure cette démarche peut-elle être étendue à l’homme ? On peut bien sûr prendre les phénomènes humains comme objets de connaissance mais cela implique deux difficultés :

- d’une part, la distance entre le sujet de la connaissance et son objet est annulée et pose le problème de l’objectivité ;

- d’autre part, l’individu ou les hommes sont des sujets et en conséquence, du fait de leur liberté, ils échappent en partie aux causalités naturelles ce qui rend difficile l’application des méthodes utilisées par ces dernières. La spécificité de l’action humaine la rend rétive à la recherche de lois qui la détermineraient de l’extérieur.

Bref, pour Wilhelm Dilthey (Introduction aux sciences de l’esprit, 1883) il s’agit de prendre acte d’une singularité radicale des sciences de l’esprit par rapport aux sciences de la nature et de leur adjoindre une méthode propre. L’objectivation des faits sociaux et humains s’avère donc incomplète, car elle laisse dans l’ombre l’originalité même de ces faits à savoir leur caractère signifiant pour les agents. Aussi, faut-il s’efforcer de les comprendre en retrouvant de façon intuitive mais raisonnée, les mobiles et les motivations de l’acteur social. Cette approche rejette toute rupture entre sociologie et psychologie. b) Ces partis pris sont en opposition avec les conceptions qui se développent dans d’autres pays européens. D’une part, Adolphe Quételet (Essai de physique sociale, 1ère édition 1835, puis la 2nde en 1869) défend l’idée d’une science sociale qui gagnerait à appliquer les méthodes de la science de la nature. Il s’agit alors d’accumuler un grand nombre de données statistiques sur les phénomènes sociaux (criminalité, démographie etc.) afin de dégager des lois à partir de l’observation de régularités (concept de « l’homme moyen »). D’autre part, Auguste Comte élabore une doctrine générale, le positivisme (contraction du terme politique positive) qui désigne en première approximation toute théorie qui se réclame de la pure et simple connaissance des faits et qui prétend s’appuyer sur des certitudes

Le plan doit être structuré de façon à ce que les arguments s’enchaînent de façon logique

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expérimentales. Seules les vérités scientifiques c’est-à-dire démontrées ou encore positives sont acceptées. Les réflexions de Comte donnent ainsi une orientation clairement nomologique à la sociologie (terme qu’il forge lui-même en remplacement de celui de physique sociale utilisé initialement par Quételet) : elle vise à mettre au jour des lois générales comparables à celles qu’élaborent les sciences de la nature. L’opposition entre les deux conceptions apparaît de façon nette. Les partisans de la première dénonceront le scientisme des seconds alors que ces derniers railleront le psychologisme de leurs contradicteurs.

L’analyse recoure à des arguments de validité qui sont d’ordre logique (raisonnement abstrait ou formel) mais aussi d’ordre empirique, factuel et historique, ainsi que sur des arguments d’autorité qui mobilisent auteurs, thèses et théories que l’on s’efforce d’adapter à la discussion présente en montrant leur fécondité heuristique.

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2/ Une querelle … longtemps vivace dans la tradition sociologique.

a) C’est sur ces bases que les deux principaux fondateurs de la sociologie vont bâtir leur œuvre. Durkheim s’efforce d’abord de mettre au jour des lois générales relatives à l’évolution des sociétés. Le processus de division du travail (De la division du travail social, 1893) induit des transformations des formes de solidarité sociale et provoque une montée de l’individualisme qui, en fragilisant le lien social, accroît les risques d’anomie. Par ailleurs, il s’attache à préciser les « règles de la méthode sociologique » (1895) en s’inspirant des sciences de la nature. L’autonomie de la sociologie comme science à part entière suppose que l’on « explique le social par le social » compte tenu de la spécificité du fait social (manières de faire, d’agir et de sentir qui existent en dehors des consciences individuelles et qui sont douées d’un pouvoir de coercition). Il convient alors de « traiter les faits sociaux comme des choses ». Cette mise à distance (comparable à celle du physicien par rapport à son objet) est une garantie d’objectivité et permet d’éviter les prénotions. Ainsi armé le sociologue peut alors envisager de rechercher les causes qui rendent compte des faits observés et substituer en guise de vérification le raisonnement expérimental à l’expérimentation irréalisable en sociologie. C’est grâce à la méthode des variations concomitantes et au recours à la comparaison qu’il peut examiner et confirmer l’existence des causes efficientes qu’il a décelées. C’est « Le suicide » (1897) qui mettra en application, de façon exemplaire, cette méthode. Dans une autre perspective, Max Weber arrête une définition différente de la sociologie. « Nous appelons sociologie […] une science qui se propose de comprendre par interprétation l’activité sociale […] nous entendons par activité un comportement humain […] quand et pour autant que l’agent ou les agents lui communiquent un sens subjectif. Et par activité sociale, l’activité qui, d’après son sens visé par l’agent ou les agents, se rapporte au comportement d’autrui, par rapport auquel s’oriente son déroulement » (Economie et société). Ainsi, selon un exemple connu, un accident entre deux cyclistes ne constituera pas une action sociale intéressant le sociologue ; en revanche, les relations qui s’ensuivront –règlement à l’amiable, altercation, discussion, bagarre – relèveront de son analyse. Weber préconise ainsi une sociologie compréhensive dont le cœur réside dans la saisie des motifs qui guident l’action. b) Si l’opposition précédente est pour partie justifiée, elle reste très schématique. En effet, Weber lui-même a formulé des lois sociologiques à caractère général. Le processus de rationalisation des activités sociales et le désenchantement du monde qui l’accompagne en sont un exemple. De plus Weber n’a pas renoncé à une simple explication causale des faits humains et sociaux parce qu’il les considérait comme trop rebelles, mais bien parce que cette approche lui semblait insuffisante face à leur complexité. C’est une modalité supérieure de causalité qu’ils requièrent selon lui. Car pour Weber c’est parce que l’action humaine a un sens qu’il faut s’intéresser à ce dernier pour comprendre l’action et qu’on ne

Les enchaînements des titres et sous-titres doivent être soignés

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peut se contenter des causes qui agissent extérieurement sur elle. Extrêmement subtile, la méthode webérienne va encore au-delà. Les intentions que les hommes donnent à leurs actions ne conditionnent pas pour autant le sens de l’histoire. En effet, « L’éthique protestante et l’esprit du capitalisme » montre comment des individus guidés par leur ethos puritain et donnant un sens religieux et moral à leurs actions ont précipité l’apparition d’un système économique nouveau dans lequel leurs comportements ont changé de nature (de la rationalité en valeur à la rationalité en finalité). Donc, bien qu’il s’intéresse aux intentions subjectives des agents, le sociologue ne les confond jamais avec le sens de l’action. De la même façon, chez Durkheim la seule prise en compte de forces extérieures agissant sur les comportements des agents se révèle trop fruste et peu appropriée à la finesse des raisonnements du fondateur de l’école française de sociologie. Ainsi, dans « Le suicide », il repère une corrélation positive entre le cycle économique et l’évolution du taux de suicide et l’explique à partir du sens donné par les individus à la situation. C’est parce qu’ils nourrissent des ambitions exagérément optimistes dans un contexte fortement incertain – transformations rapides du contexte économique – qu’ils se retrouvent en manque de repères.

Au total, l’opposition entre la voie de l’explication et celle de la compréhension se révèle être une fausse querelle.

Le contenu de l’exposé est DENSIFIE par la mobilisation des concepts appropriés et par un niveau d’analyse suffisamment approfondi.

Une conclusion intermédiaire (et/ou transition) est toujours la bienvenue.

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II. Comprendre et Expliquer.

Explication et compréhension sont deux étapes nécessaires et complémentaires dans la connaissance sociologique. En tant que science humaine et/ou sociale, la sociologie ne peut compter sur le dualisme réel (mais non pas strict) qui prévaut dans les sciences de la nature entre l’observateur et son objet. Dans « Anthropologie structurale » (1965), Lévi-Strauss désigne la conscience comme « l’ennemie secrète des sciences de l’homme ». En effet, d’une part la conscience du savant est en relation avec l’objet qu’il étudie et celui-ci est porteur de sens pour lui. D’autre part, les sujets observés ont eux-mêmes conscience de l’être et modifient ainsi leur point de vue et leurs conduites. Le savant peut en avoir conscience mais cela ne lui permet d’apprendre que peu de choses finalement : les individus observés auraient pu agir autrement s’ils ne l’avaient pas été.

1/ la singularité de la sociologie rend nécessaire la complémentarité de l’explication et de la compréhension… a) À l’instar de n’importe quelle autre science, la sociologie ne peut se passer d’une recherche causale. Dès lors la recherche de régularités statistiques est, chez Durkheim, la première étape de l’analyse qu’il convient ensuite de compléter. Il faut alors citer complètement l’auteur et rappeler que « si nous considérons les faits sociaux comme des choses, c’est comme des choses sociales » (conclusion des Règles de la méthode). L’analogie avec les sciences de la nature n’est que partielle. En sociologie, il est nécessaire de prendre en compte les représentations sociales et individuelles pour comprendre

On veille toujours à la cohérence des parties.

Le développement suppose des connaissances que le cours à lui seul ne peut fournir. Les lectures exigées sont censées donner ces connaissances. La lecture du manuel et des dossiers fournit la matière nécessaire à la réflexion. Sans cette matière, la réflexion reste pauvre.

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pourquoi les mêmes causes (un contexte économique qui connaît des bouleversements rapides et profonds) produiront des effets socialement différenciés. Il en va de même chez Weber. Le recours à l’idéaltype est un moyen pour repérer des éléments relevant d’une même causalité. Il s’agit d’un outil conceptuel qui systématise la réalité afin de mettre en exergue les éléments déterminants. Il n’a qu’une validité heuristique et provisoire en tant que modèle approchant la réalité historique trop complexe à démêler. Il pense procéder de la même façon que les économistes marginalistes qui à son époque construisaient des modèles formels relatifs au fonctionnement des marchés. Mais, contrairement à eux, il se prémunit contre toute tentation consistant à prendre le modèle pour la réalité. Son approche nominaliste, espèce de prudence méthodologique, ressort ici. b) C’est bien cette lecture ouverte des sociologues classiques que les grands sociologues contemporains ont privilégié en France. Ainsi tant le courant de l’individualisme méthodologique incarné par Raymond Boudon que Pierre Bourdieu et son constructivisme structuraliste, se sont-ils efforcés de les faire dialoguer et de combiner leurs apports. Dans cette perspective, même si la sociologie de Raymond Boudon reste essentiellement préoccupée par le problème de la rationalité individuelle – qu’il s’agit de comprendre – elle ne nie pas, loin de là la présence de causalités issues du contexte. Ainsi, dans « L’inégalité des chances » (1973), il est nécessaire de considérer les écarts objectifs de chances de réussite pour comprendre les choix d’orientation des élèves issus de familles modestes. Le choix rationnel ou stratégique des familles et des élèves ne peut être expliqué et compris qu’au regard du contexte. Il s’agit donc, dans la sociologie de R. Boudon, de distinguer plusieurs formes de rationalité. La rationalité utilitaire ou la rationalité en finalité de Weber ne sont que des cas types particuliers. Dans « L’idéologie ou l’origine des idées reçues » (1986), R. Boudon évoque également une rationalité située liée à des effets de position ou effets de disposition. Analysant le problème des croyances magiques dans les sociétés primitives, il dénonce la tentation fréquente des observateurs de mettre ces croyances sur le compte de l’irrationalité des primitifs. C’est à cause du savoir diffus qu’ils tiennent de leur propre culture que les observateurs sont amenés à considérer comme irrationnels les croyances et actes magiques dans les sociétés primitives. Ainsi, leur explication suppose non seulement une compréhension de la mentalité du primitif qui a des raisons rationnelles de procéder ainsi, mais aussi une compréhension de l’état d’esprit de l’observateur qui a de bonnes raisons – compte tenu de son éducation et de sa culture – de croire à des idées fausses comme l’irrationalité des croyances magiques. Refusant l’étiquette réductrice de holisme souvent appliquée à sa sociologie, Pierre Bourdieu s’est efforcé lui aussi de combiner les apports de Durkheim et de Weber afin de construire une sociologie qui donne à comprendre la réalité sociale tout en l’expliquant. « La distinction » (1979) privilégie encore une approche explicative et largement « causaliste » des comportements des pratiques sociales et des comportements de consommation comme en témoigne l’importance accordée aux conditionnements. Le caractère systématique des styles de vie s’explique par les appartenances sociales puisque des conditions de vie homogènes produisent des systèmes de dispositions homogènes qui entraînent des pratiques elles-mêmes homogènes. En revanche, P. Bourdieu tendra par la suite à donner à l’habitus une plus grande souplesse. Dans « Raisons pratiques » (1994), la prise en compte du point de vue du sujet, pour comprendre son action, apparaît évidente. Il faut considérer le « sens pratique » des agents « systèmes acquis de préférences, de principes de vision et de division, […] de structures cognitives durables, […] et de schèmes d’action qui orientent la perception de la situation et la réponse adaptée ». L’habitus, condensé de tous les conditionnements sociaux, devient un sens pratique. P. Bourdieu donne comme exemple le cas de l’école où la diversification des voies et des filières rend l’information prépondérante et force les

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individus « à placer au mieux leurs investissements scolaires et tirer le meilleur profit de leur capital culturel ».

2/ …et justifie l’existence d’un pluralisme méthodologique. a) La recherche d’explications en sociologie rejoint pour l’essentiel les démarches constructivistes que résume parfaitement le principe de Bachelard (1884-1962) : « le fait scientifique est conquis, construit, constaté ». - il est conquis contre le sens commun et la connaissance spontanée qui ne contrôle pas les préjugés ou les idées reçues ; - il est construit, car il est nécessaire de disposer d’une méthode d’investigation pour en rendre compte ; - seule l’efficacité et le succès d’une théorie confrontée aux faits constituent des critères qui la rendent recevables. Ce programme de recherche défend une sociologie quantitative et objective dont le principal représentant au 20e siècle est sans doute Paul Lazarsfeld (1901-1976 université de Columbia, « Vocabulaire des sciences sociales » 1965). Bien qu’opposé sur de nombreux points Pierre Bourdieu, Jean-Claude Chamboredon et Jean-Claude Passeron y souscrivent largement dans « Le métier de sociologue » tout en apportant des réponses à la question aux problèmes posés par la spécificité de la sociologie. Ils soulignent ainsi la nécessité de se livrer à une sociologie de la sociologie pour neutraliser les obstacles qui jalonnent la pratique sociologique. Le sociologue poursuit des intérêts particuliers (reconnaissance académique, certaines recherches sont plus nobles que d’autres, certains thèmes plus porteurs …) et en tant qu’agent social il a des convictions et des valeurs qui peuvent perturber le travail scientifique (engagements personnels). « Objectiver l’objectivation » c’est donc contrôler tous les biais propre à la démarche heuristique en sociologie et c’est aller au-delà d’une simple et un peu naïve recherche de « neutralité axiologique ». On le voit, la recherche d’explication requiert une compréhension fine du métier de sociologue. Au contrôle exercé par la communauté des pairs – cher à Bachelard – s’ajoute un exercice de vigilance épistémologique. On retrouve l’alliance entre l’explication et la compréhension au sortir des réflexions que J-C Passeron a consacré à la connaissance sociologique dans Le raisonnement sociologique publié en 1991. Selon lui, les sciences sociales ne relèvent pas du principe poppérien selon lequel c’est la falsifiabilité et non la vérificabilité d’un énoncé ou d’un système qu’il faut prendre comme critère de scientificité. La fasifiabilité ou réfutabilité se définit comme l’aptitude d’un énoncé ou d’une théorie d’être soumis à un test empirique négatif. Pour Passeron, la sociologie relève d’un espace assertorique qu’il faut comprendre par référence à Kant comme celui des propositions contingentes car toujours liées à un contexte changeant. Les

Le développement doit suivre une progression. Il doit nous conduire à

une meilleure intelligence (sinon totale) du problème analysé et des

enjeux qui lui sont liés.

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explications causales ne peuvent donc déboucher sur des lois universelles ou générales. b) Pour d’autres courants de la sociologie, la recherche de causes qui agiraient sur les individus est un exercice un peu vain. L’interactionnisme (avec Herbert Blumer, 1900-1987 et Erving Goffman, 1922-1982) va insister sur deux aspects fondamentaux : l’action des individus suppose qu’ils se livrent sans cesse à des interprétations qui prennent en compte le caractère symbolique de la réalité sociale. Toute interaction implique que les individus se mettent d’accord sur la situation, c’est cet accord et cette coopération finalement qui sous tendent l’ordre social. Il faut donc partir de l’interaction au niveau le plus microsociologique pour « comprendre » la construction de l’ordre social au niveau macrosociologique. Dans la même optique, le courant de l’ethnométhodologie (Etats-Unis années 1960) dont Aaron Cicourel et Harold Garfinkel sont les principaux représentants, va radicaliser cette approche. Les agents sociaux qui nécessitent de s’orienter dans le monde dans lequel ils évoluent ont besoin de connaissances (ordinaires) à l’aide desquelles ils ne cessent d’interpréter la réalité sociale. C’est en effet à partir du sens qu’ils perçoivent que les agents prennent leurs décisions. Cette analyse issue Les réflexions du sociologue autrichien Alfred Schütz (1899-1958) a constitué la principale inspiration des ethnométhodologues. Selon eux, le sociologue doit centrer sa recherche sur les façons dont les individus interprètent les situations sociales dans lesquelles ils sont engagés. Selon leur mot célèbre, il s’agit de ne plus considérer les agents sociaux comme des « idiots culturels » prisonniers des normes sociales et de prendre acte de leur réflexivité.

Pour traiter efficacement le sujet, des connaissances sont nécessaires, elles supposent un important travail personnel d’acquisition.

Il faut non seulement maîtriser les raisonnements et les méthodes de la discipline, mais aussi connaître son histoire et être capable de rapporter les analyses à n’importe lequel des faits sociaux ou des comportements individuels que les sciences sociales désirent …expliquer ET comprendre.