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Magie, superstition et irrationnel sont de vieilles compagnes. Les luttes pour s’en dégager continuent. Nous ignorons pour quelles raisons, au fond de certaines grottes comme celle de Lascaux, dans le Périgord, des artistes peignaient des animaux, tout comme pourquoi 8 000 ans avant notre ère environ, certains groupes d’hommes commencèrent à cultiver des blés sauvages, à domestiquer des chèvres, des moutons, des vaches… Cette mémoire archaïque s’est perdue, mais nous en portons l’héritage. Depuis l’avènement de l’art et les premiers balbu- tiements de la civilisation scientifique et technique, nous nous sommes accoutumés à l’idée que, d’étape en étape, nous progressons. Cela se traduit par une qualité de vie meilleure, une plus grande espérance de vie, traduction de progrès techniques et scientifiques. C’est aussi la prise de conscience de l’homme comme individu singulier, doté de raison, de liberté et d’autonomie, lui permettant de s’extraire des carcans ethniques, tribaux ou familiaux. Cette évolution ne se fait pas sans heurts. La difficulté des hommes à se dégager de la gangue des superstitions et de la magie, à ne pas se contenter des apparences est révélatrice. Certains, comme Giordano Bruno, le paieront de leur vie en 1600. Le XVII e siècle est un moment charnière : avec Galilée s’ouvre l’ère scientifique moderne ; en Angleterre, la mise en place d’une monarchie parlementaire et la création de l’habeas corpus, garantie la liberté individuelle, fondent les prémices de la démocratie moderne. Lascaux l ’art Les peintures de Lascaux font partie des premières œuvres d’art créées par l’homme, illuminant les cavernes obscures où elles sont gravées. Âgées de plus de 15 000 ans, elles n’ont pas vieilli. 1 Giordano Bruno Ce moine avait imaginé que les étoiles pouvaient être d’autres soleils, contredisant les dogmes de l’époque. L’Inquisition le condamnera à être brûlé vif. Ennedi Tchad La longue histoire de l’homme a commencé en Afrique. Ces gravures rupestres du Tchad en sont l’un des premiers témoignages. L’Inquisition la terreur de la pensée Entre les XII e et XVIII e siècles, l’Église catholique combat violemment toutes les hérésies — cathare, protestante, etc. — qui la menacent au moyen de l’Inquisition (l’enquête). Interrogatoires, tortures, châtiments, expéditions militaires… cet arsenal ne fera que retarder les évolutions. Contraindre l’Homme à penser contre ses opinions est — sur la long terme — impossible. Galilée « Et pourtant, elletourne » Grâce à sa lunette, l’un des premiers instruments scientifiques, Galilée démontre que la Terre « n’est pas le centre du monde et qu’elle se meut ». Pourtant à la fin de sa vie, il doit affirmer l’inverse, sous peine d’être brûlé vif. Une brève victoire de l’obscurantisme. LA LUTTE CONTRE L’OBSCURANTISME, UNE LONGUE HISTOIRE…

Exposition "Obscurantisme et illettrisme"

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Magie, superstition et irrationnelsont de vieilles compagnes. Les luttespour s’en dégager continuent.Nous ignorons pour quelles raisons, au fond de certaines grottes comme celle de Lascaux, dans le Périgord, des artistes peignaient des animaux,tout comme pourquoi 8 000 ans avant notre èreenviron, certains groupes d’hommes commencèrentà cultiver des blés sauvages,à domestiquer des chèvres,des moutons, des vaches… Cette mémoire archaïques’est perdue, mais nous en portons l’héritage.

Depuis l’avènement de l’art et les premiers balbu-tiements de la civilisation scientifique et technique,nous nous sommes accoutumés à l’idée que, d’étapeen étape, nous progressons. Cela se traduit par une qualité de vie meilleure, une plus grande espérance de vie, traduction de progrès techniqueset scientifiques. C’est aussi la prise de conscience del’homme comme individu singulier, doté de raison,de liberté et d’autonomie, lui permettant de s’extraire des carcans ethniques, tribaux ou familiaux.

Cette évolution ne se fait pas sans heurts. La difficultédes hommes à se dégager de la gangue des superstitions et de la magie, à ne pas se contenterdes apparences est révélatrice.Certains, comme GiordanoBruno, le paieront de leur vieen 1600.

Le XVIIe siècle est un momentcharnière : avec Galilée s’ouvrel’ère scientifique moderne ;en Angleterre, la mise enplace d’une monarchie parlementaire et la créationde l’habeas corpus, garantie la liberté individuelle,fondent les prémices de la démocratie moderne.

Lascaux l’artLes peintures de Lascauxfont partie des premièresœuvres d’art créées parl’homme, illuminantles cavernes obscures où elles sont gravées.Âgées de plus de 15 000ans, elles n’ont pas vieilli.

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Giordano BrunoCe moine avait imaginéque les étoiles pouvaientêtre d’autres soleils,contredisant les dogmesde l’époque. L’Inquisitionle condamnera à êtrebrûlé vif.

Ennedi TchadLa longue histoire del’homme a commencé enAfrique. Ces gravuresrupestres du Tchad ensont l’un des premierstémoignages.

L’Inquisition la terreur de la penséeEntre les XIIe et XVIIIe siècles,l’Église catholique combatviolemment toutes les hérésies — cathare,protestante, etc. — qui la menacent au moyen de l’Inquisition (l’enquête).Interrogatoires, tortures,châtiments, expéditionsmilitaires… cet arsenal ne fera que retarder les évolutions. Contraindrel’Homme à penser contreses opinions est — sur la long terme — impossible.

Galilée « Et pourtant,elle tourne »Grâce à sa lunette, l’undes premiers instrumentsscientifiques, Galiléedémontre que la Terre « n’est pas le centre dumonde et qu’elle se meut ».Pourtant à la fin de sa vie, il doit affirmer l’inverse, sous peine d’êtrebrûlé vif. Une brève victoirede l’obscurantisme.

LA LUTTE CONTRE L’OBSCURANTISME,UNE LONGUE HISTOIRE…

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Les livres et la culture gênent, car ils autorisent la liberté de penséepour chacun.En mai 1933, les nazis mettent à sac l’InstitutHirschfeld de Berlin. Dix mille livres sont brûlés.C’est le coup d’envoi d’une politiquesystématique de contrôle des esprits.D’ailleurs, la première action d’Hitlerlors de son accession au pouvoir avaitété de nommer un ministre de laPropagande. Pendant la guerre froide,les États-Unis et l’URSS interdiront,détruiront et censureront. Encoreaujourd’hui, des auteurs commeSalman Rushdie sont menacés demort pour leurs écrits.

Les régimes autoritaires interdisent systématiquementle libre accès à la culture, entravent la diffusion detélévisions étrangères, limitent Internet… Il s’agitd’écraser la pensée, de brider les individualités et d’obliger chacun à penser selon un même moule.

Les sectes ne font pas autre chose. Elles assoientleur domination sur des personnes vulnérables.Le fanatisme peut conduire au suicide collectif,comme ce fut le cas avec les membres de l’organisation du Temple solaire en Suisse.

LES LIVRES AU BÛCHER

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Le Ku Klux KlanLe Ku Klux Klan estouvertement raciste.Cette organisation américaine a été fondéeaprès la guerre de Sécession,en 1865, pour empêcher,par la terreur, les Noirs de voter. Un moyen deprolonger l’esclavage.

Mandaro mDans les sectes, commecelle du Mandarom,les adeptes subissentun véritable lavage de cerveau.

Ray Bradbury,le visionnaireDans le film Fahrenheit 451,de l’auteur de science-fiction Ray Bradbury,les livres sont brûlés.Des robots traquentdes hommes qui ontappris par cœur desouvrages. Il s’agit dedétruire toute forme de culture.

Raëlou la science détournéePropagande ou réalité ? Le mouvement raëlienaffirme avoir réussi le clonage d’un être humain.Il utilise la recherchescientifique pour détruireles individualités : tous les clones ne sont-ils pascensés se ressembler ?

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L’enseignement est l’un des moyens d’accéder à la culture, instrumentd’émancipation de l’homme.An 476. À la fin de l’Empire romain, en Occident,pratiquement plus personne ne sait lire et écrire.Les monastères deviennent les derniers refugesd’une culture qui continue de se développerailleurs, notamment en Asie et dans le mondearabe.

Vers les XIe et XIIe siècles, l’Europe s’ouvre à laconnaissance. L’enseignement se répand ; le moineGuibert de Nogent prétend même que « le nombredes écoles met celles-ci à la portée des plus pauvres ».L’enseignement se développe sur le continent. Desmilliers de personnes savent lire et de grandesuniversités, comme la Sorbonne ou Montpellier,sont créées. La mécanique intellectuelle s’enclenchede nouveau même si les lettrés restent une minorité.

En France, dès la Révolution de 1789, est émise l’idéed’un enseignement primaire gratuit et obligatoire.Très rapidement — dès 1816 — chaque communeaura l’obligation d’ouvrir une école pour les pluspauvres. Résultat : au milieu du siècle, 3,5 millionsd’élèves fréquentent l’école primaire, qui ne seragénéralisée qu’après 1870, sous la IIIe République.

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LA CULTURE POUR TOUS, UNE LENTE CONQUÊTE

Homère,le premier écrivain ?Au VIIIe siècle avantJésus-Christ, les poètesgrecs improvisaient surune trame connue detous. L’Iliade et l’Odyssée,attribués tous deux à Homère, seront les premiers de ces poèmesfigés dans l’écriture.La parole commence àcéder la place à l’écrit.Une révolution. On cessede dépendre de la mémoire,il est possible de s’appuyersur des analyses logiques,des preuves détaillées…Bref, cela autorise les formes contemporainesde penser le monde.

Les bibliothèques1338 : la bibliothèque de la Sorbonne compte 1728ouvrages. Celle d’Alexandrie,dans l’antiquité, abritaitplus de 700 000 ouvrages,avant d’être détruite parle feu.

Les premiers pas de l’écritureIl y a 5 500 ans, versBagdad, l’écriture estinventée. Les premierssignes sont inscrits dansl’argile tendre des tablettes.Beaucoup plus tard,les Phéniciens inventerontl’alphabet, facilitantl’apprentissage de l’écritureet de la lecture par tous.

L’éducation populaireFernand Pelloutier,un des fondateurs de la Vie ouvrière, fut aussiun des promoteurs del’éducation populaire.Le XIXe siècle a été marqué par un foisonne-ment d’initiatives dans ce domaine. L’un desenjeux était l’accès de tous — en particulierdes ouvriers — à la culture,clé de l’émancipation etfacteur d’intégration.

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Tabous, mythes,traditions,préjugés… les femmes parviennent à desserrer le carcan qui les entrave.L’histoire de l’accès des femmes à la culture estcelle du long combat de leur émancipation.Cette lutte, qui n’est pas encore achevée, exige decombattre certains mythes, comme une supposéefaiblesse physique et intellectuelle, et d’abattre de nombreux tabous sociaux ou sexuels.

Le poids du carcan juridique et social installé au fildes générations est tel qu’il faut attendre le débutdu XIXe siècle pour qu’il commence à se desserrerréellement. Les femmes se révolteront contre la condition qui leur est faite : les ouvrières contreles bas salaires, le chômage, la dureté des tâches,

et toutes contre la privation de tout droitpolitique et économique. Par leur engagementdans le mouvement social et dans le féminisme,grâce à l’action de quelques pionnières,la situation des femmes va progressivements’améliorer.

L’accès à l’école en sera l’une des clés. C’est en 1861seulement qu’une femme, Julie-Victoire Daubié,obtient le baccalauréat à la suite d’un parcours ducombattant qui dura de longs mois. Aujourd’hui,les filles ont su creuser l’écart. 80,9 % de celles qui présentent cet examen le réussissent, contreseulement 76 % des garçons.

ArchaïsmesDans de nombreux pays,dont la France, les femmessont encore victimes de l’intégrisme religieuxet de traditions socialesarchaïques, voire, commedans l’Afghanistan destaliban, sont complètementniées dans leur être.

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Marie Curie,une femme prix Nobel Scientifique d’exception,Marie Curie, est la seulefemme à se voir attribuerà deux reprises le prixNobel pour la qualité de ses travaux, en 1903(Physique, avec son mariPierre) et en 1911 (Chimie).Sa fille, Irène, égalementprix Nobel en 1935,ne pourra jamais entrer à l’Académie des Sciences,un des derniers bastionsmasculins à tomber,en France.

George Sand, le souci de l’indépendanceDans un siècle, le XIXème,où le seul destin de la femme était de se soumettre, « dans la dépendance cupide de l’homme », GeorgeSand (1804-1876) incarnapar sa farouche volontéd’indépendance la femmeémancipée moderne.L’amoureuse romantiquede Musset et de Chopindémonta, dans sesromans, les préjugés tenacespar lesquels les hommesdéniaient alors l’intelligenceaux femmes et leur refusaient l’instruction.

LE DIFFICILE COMBAT DES FEMMES

Le droit de voteEn 1944, les femmes françaises obtiennentle droit de vote.Les Anglaises votaientdéjà depuis 1918 etles Finlandaises depuis1906…

Jacqueline Auriol,une pionnièreProgressivement les femmesvont s’approprier des métiers et des domainesque les hommes s’étaientréservés. Jacqueline Auriol,par son talent, sut entrerdans le cercle fermé des pilotes d’essai, ouvrantla voie du ciel aux femmes.

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Pour les philosophes du siècle desLumières,la raison et la connaissancesont essentielles.Le XVIIIe, siècle des Lumières, est celui où les philosophes, dans toute l’Europe, tournent ledos à la foi et s’appuient sur la raison pour conduireet étayer leur argumentation et leur démonstration.Ces penseurs du « concret », Kant en Allemagne,Voltaire, Rousseau, Diderot, Montesquieu en France,s’ils s’affrontent — parfois violemment — sur le terrain des idées, sont en revanche tous d’accord :le savoir est préférable à l’ignorance ; les dogmes(religieux) sont un obstacle à la connaissance ;la recherche et l’analyse sont préférables à la prière ;le débat et la discussion s’opposent au fanatisme.Bref, pour eux, la raison ouvre le chemin du progrès.

La plupart d’entre eux étaient des aristocrates oude grands bourgeois qui conservaient les préjugésde leur classe sociale. Mais dans la société de l’époque, il fallait un grand courage pour défier l’Église et s’attaquer aux fondements d’une sociétéoù l’ignorance permettait de perpétuer les inégalités.Ils seront le levain de la future Révolution de 1789.

1789, la révolutioncitoyenneEn proclamant la libertéet l’égalité de tous les citoyens ouvraientla voie à la généralisationde l’enseignement.Il s’agissait de préparer le « citoyen éclairé ».

L’Encyclopédie« Tout remuer sansménagement »L’entreprise del’Encyclopédie, dirigée debout en bout par Diderot,pût paraître insensée à l’époque. Il fallait, écritd’Alembert dans sonDiscours préliminaire,« tout examiner, toutremuer sans exception etsans ménagement ».L’ouvrage, outre qu’il constitue une somme deconnaissances considérables,permit de traduire l’idéeque le bonheur de l’hommeest entre ses propresmains, à condition d’êtrelibéré de ce qui l’entrave.

Voltairele philosophe engagé

Voltaire est un écrivainengagé. Défenseur pacifistede la liberté de pensée,il s’attachera avec sa philosophie, à « désarmerles enfants du fanatisme,le Mensonge etla Persécution». Loin de cultiver tranquillementson jardin, il se mêla des affaires du monde,n’hésitant pas à descendredans l’arène quand il le fallait. S’il n’étaitréellement un savant,il ne négligea ni les sciences ni les arts.

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« LE SAVOIR EST PRÉFÉRABLE À L’IGNORANCE »

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La science accumule les succès tout au long d’un siècle qui connaît unbouleversement économique et social.La fin du XIXe et le début du XXe siècle est la périodereine des savants.Dans le monde entier les découvertesse succèdent et les Français ne sont pas en reste :Poincaré fait progresser les mathématiques,Becquerel, Pierre et Marie Curie s’illustrent dans ledomaine de la radio-activité…

Ce progrès scientifique et technique se diffuse dansune société marquée par le scientisme. La sciencesemble alors pouvoir tout expliquer et être une sourceinépuisable de bonheur et de progrès. L’ensemblede la population est appelée à partager cette vision ;les courroies de transmission sont nombreuses.Par exemple, les idées mathématiquesde Poincaré sont reprises par le philoso-phe Bergson, vulgarisées par l’éditeurFlammarion puis par Jules Verne… Bref,il y a toujours un romancier pour exalterle progrès et ce romancier rencontrerade nombreux lecteurs, car cette périodeest aussi celle de la généralisation de l’enseignement primaire — c’estle temps des instituteurs, « hussards noirs » de la République — et d’un déve-loppement rapide du secondaire : 100 000 élèvesdans les lycées en 1850, 300 000 en 1914.

AU XIXe SIÈCLE, LE PROGRESSISME TRIOMPHANT

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Auguste Comte,la science optimisteL’inventeur de la sociologie,sent encore le souffre.Auguste Comte expliquaitque l’homme n’avaitplus besoin de religion,la science la remplaçantet permettant d’expliquerla réalité. Les lois pouvaientdonc être établies sur le modèle scientifique.

Louis Pasteur,le modèle du savantLouis Pasteur est l’archétypedu savant du XIXe sièclepar l’ampleur de ses travaux,qui touchent en particulierà l’étude des maladiesinfectieuses et à la vaccination. Il donnel’impression que la médecinepermettra de tout soigner.

La révolution industrielleLe développement industrielau XIXe siècle est vertigineux.Le pays se couvre d’immensesusines comme au Creusot.Ce bouleversementéconomique s’accompagned’une terrible régressionsociale. Il faudra desdécennies pour la rattraper.

Des universités populairesAu XIXe siècle, les anarchistes,les socialistes etles syndicalistes travaillerontà l’instauration d’un projet social d’éducationpopulaire. Pour eux,le savoir permettraitl’émancipation du peuple.Plus de 200 Universitéspopulaires seront crééesvers 1900.

Louise Michel,la passion de l’instructionLouise Michel (1830-1905)fut l’une des figures de la Commune de Paris qui fitbeaucoup en peu de tempspour l’éducation et la promotion des femmes.Cette révolutionaire ne renierajamais ses convictions, endépit des condamnations.Elle s’efforcera de toujourspartager son instruction que ce soit avec les Canaques,lors de son exil en Nouvelle-Calédonie, ou en ouvrant desécoles en France et à Londres.

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Il faut inventer un nouveau mode depensée pour comprendre notre mondecontemporain.Comprendre et agir dans un monde complexe,tels sont les défis auxquels est confronté l’hommecontemporain. Pour ce faire, il est mal outillé : l’écoles’essouffle à suivre des savoirs qui évoluent en permanence ; la science ne parvient plus, commeelle le fit au XIXe siècle, à expliquer le monde età entraîner une amélioration automatique de la situation de chacun. Tout cela peut provoquer desréactions irrationnelles ou conduire à s’abriter dansun immobilisme conservateur.

Ce sont de nouveaux savoirs, un nouveau mode de pensée et d’appréhension du monde qu’il faut

construire et utiliser dans un univers où la globalisation des échanges économiques,

politiques, scientifiques devient chaquejour plus réelle.

L’IRRATIONNEL ET LE COMPLEXE

AbracadabraDans un monde qui se veut rationnel, la magie a conservé son importance.Elle permettrait, croit-on,de « révéler des secrets »ou de « lire l’avenir ».Surtout, elle entretientl’illusion d’un avenir automatiquementmeilleur.

Trop d’informationstue l’informationPlus de 3 500 journauxdistribués chez les kiosquiers ;plus de cent chaînes detélévision accessibles parle satellite et des millionsde sites via Internet….Dans le monde moderne,il faut savoir chercherpour trouver l’informationsans se laisser submerger.

L’image scientifique,le mentir vraiLes images scientifiquescréent souvent, avec l’aidedes moyens d’observationmoderne (laser, rayons X,microscopes électroniques…)et de l’informatique,une réalité — trou noir,gène, atome, surface de la planète Mars (ci-dessus)— que nous pouvons concevoir mais que nosyeux d’êtres humains ne pourraient voir sansces instruments.

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La puceet la mondialisationDepuis l’invention du transistor en 1948,l’informatique augmentevertigineusement ses performances. Aujourd’hui,une « puce » rassembledes milliers de circuitsimprimés. Cette mutationtechnologique a permis la mondialisation de l’information et de la communication.

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L’accès à la culture n’est pas égalitaireen France. Cela commence à l’école.En France, alors que nous entrons de plain pied dansce que certains appellent la « société du savoir »,le combat pour que tous accèdent à la culture n’estpas achevé. Certes, 80 % d’une classed’âge atteint désormais le niveaubac et la France compte quelquedeux millions d’étudiants. Maisencore aujourd’hui, 15 % des élèvesentrant en 6ème éprouvent des difficultés de lecture. C’est encore lecas pour un jeune homme sur dix,lors des Journées d’appel à la préparation à la défen-se (les anciens « trois jours ») organisées par l’armée.

Surtout, la France reste un pays profondémentinégalitaire. Un enfant d’ouvrier sur quatre a unechance d’obtenir le bac, contre trois sur quatre pour un enfant de cadre !

L’école, primaire ou secondaire, ne permet pas decorriger ces inégalités, à quelques exceptions près.C’est ensuite à chacun de le faire à travers son parcourset la construction de ses centres d’intérêts, maisaussi grâce à la formation permanente ou à la miseen place de lieux de culture ouverts à tous, commel’Université de tous les savoirs, ou encore grâce auxpolitiques menées par les Comités d’entreprise.

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LE PAYS DES INÉGALITÉS

Capital culturelLes grandes expositionsdrainent une foule considérable mais le portrait robot du visiteur des musées restecelui d’un homme jeune,diplômé, riche et… cultivé.L’accès à cette forme de culture est loin d’êtreentièrement démocratisé.Le sociologue PierreBourdieu a montré quedes pans entiers de l’artont été captés par les classes dominantes et font partie de ce qu’ilappelle leur « capital culturel ».La démocratisation del’accès à toutes les formesd’art est donc un enjeucrucial aujourd’hui.

La science pour tousE=mc2 : à l’exception des physiciens, qui saitce que signifie réellementla célèbre formuled’Einstein ? Faute deconnaissances suffisantes,la plupart des recherchesscientifiques échappentaux profanes. En revanche,ils doivent en comprendreles enjeux : faut-il accepterle clonage humain ? Doit-on se nourrir avecdes aliments fabriqués à partir d’Organismesgénétiquement modifiés(OGM) ? Etc.

Une affaire de familleLes gros lecteurs, c’est-à-dire lisant plus d’un livrepar mois, sont originairesde familles de gros lecteurs.Un décalage que ne parvientpas à corriger l’école.

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Le fossé séparant les pays industrialisésdes pays en voie de développement secreuse.Aujourd’hui, dans le monde, environ 110 millionsd’enfants ne vont pas à l’école primaire. Un nombreen diminution régulière. Un résultatd’autant plus satisfaisant que la popu-lation augmente et, donc, que le nombred’enfants en âge d’être scolarisé necesse de croître.

Mais apprendre à lire, à écrire et àcompter ne suffit pas. Comme lesenfants des pays occidentaux, ceux despays en voie de développementdevraient avoir accès également à l’enseignementsecondaire et universitaire. Sur ce plan, les distor-sions sont considérables : un adolescent chinois ouindien a dix fois moins de chance qu’un français desuivre des études supérieures.

Mais le savoir est aussi affaire de techniquescomme le téléphone ou Internet. Des continentsentiers, comme l’Afrique, sont mal raccordés au « village mondial ». Leurs habitants sont doncécartés des flux d’informations qui irriguentle globe, handicapant lourdement leur accès auxconnaissances. Une fracture numérique qui vagrandissant.

Les ciseaux de la censureLa censure est l’une desplus vieilles compagnes de l’Homme. Elle marquela différence entre ceuxqui ont le droit de savoiret ceux auquel ce droitest refusé. En ce sens, elleest profondément anti-démocratique. Parfois,elle s’habille des oripeauxde la morale, de la religionou de la raison d’État,pour masquer la réalité,brider l’imagination,interdire les échanges,limiter et tenter decontrôler la liberté d’expression.Avec la censure, le ridicule le dispute d’autant plus à l’odieux, que ce qui estinterdit hier est autorisédemain.

La discrimination positiveDans les années 50, auxEtats-Unis, les minorités – indienne et en particuliernoire – étaient victimes degraves discriminations. Parexemple, leurs membresn’avaient pas accès de « manière équitable » à des institutions culturellescomme les universités.Dans ce pays, la solution a donc été de reconnaître la spécificité de ces groupes, puis de créer une discrimination positivepour essayer de rétablirl’équilibre.

La culture et la techniqueCertaines civilisations sontencore majoritairementorales. Cela explique, parexemple, qu’en Afrique,le téléphone mobile sedéveloppe avant Internet.C’est simplement le rappelqu’un outil technique estau service d’une culture et non l’inverse.

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LA FRACTURE NUMÉRIQUE DU MONDE

Le continent oubliéL’Afrique est le continentoublié de la révolutionInternet, avec moins de 12 millions d’utilisateurscontre plus de 450millions dans le monde(chiffres 2002). L’écartne cesse de se creuser.

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L’illettrisme est une réalité. Il peutconduire certains à s’isoler et à sedévaloriser.Vivre et travailler dans un monde que l’on ne comprend pas — ou mal — faute de posséder lesoutils nécessaires (culture, maîtrise de l’écrit, etc.)est une situation qui peut être vécue comme handi-capante. Elle peut conduire certains à se replier sureux-mêmes ; ils veulent éviter le risque d’être prisen défaut dans des situations qu’ils ne maîtrisentpas. Cette gêne et ce désagrément peuvent remettreen cause l’estime qu’ils ont d’eux-mêmes et entraînerune véritable souffrance.

En réalité, tout dépend du parcours personnel et professionnel ainsi que de l’entourage social,

familial, amical qui peut soitaider et épauler ou, au contraire,dénigrer et dévaloriser.

L’alphabet de l’imageLa télévision est devenuele principal moyen de distraction, d’informationvoire d’apprentissage.Le monde se découvremaintenant grâce au petitécran. Mais qui apprend àlire les images, à comprendreleurs enchaînements, à endéchiffrer l’alphabet et àen déjouer les pièges ?

Les premiers pasvers la lectureLa multiplication desbibliothèques de prêtjoue un rôle majeur pour l’accès au livre.Être familiarisé avec les ouvrages dès le plusjeune âge permet auxenfants de trouver plusfacilement le chemin de la lettre à l’esprit.

Les chiffres de l’illettrismeÀ l’entrée en 6ème, 4,3 %des élèves sont en trèsgrande difficulté, vis-à-visde la lecture et 10,6 %éprouvent de sérieuses difficultés. Le linguisteAlain Bentolila constateque 11,6% des jeunesFrançais entre 17 et 25 anscomprennent difficilementun texte court, un moded'emploi ou un documentadministratif et ne saventpas utiliser un plan et quele taux d'illettrés atteintplus de 30% parmi lesallocataires du RMI.

Savoirs et savoir-faireSavoir discuter savammentde Platon ou résoudre une équation est bien peuutile lorsqu’il faut réglerson magnétoscope, seconnecter à Internet ouencore ouvrir un capot etchanger les bougies oufaire la vidange. La culturemoderne est aussi affairede savoir-faire.

L’oral,un oublié bien présentNotre civilisation est encoreessentiellement orale.Débats télévisés,informations à la radio,passage de consignesdans les entreprises,enseignement : la paroleest partout. D’ailleurs,quand il s’agit de demandersa direction, le plus simplen’est-il pas de demander ?

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LIRE SANS COMPRENDRE

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Nous vivons entourés de symboles etde signes.Ils constituent une nouvelleécriture.Il y a quelques 4 000 ans, les Égyptiens inventèrentles hiéroglyphes (l’écriture des dieux). Cette écriturecomplexe mais magnifique mêle plusieurs systèmes :des pictogrammes, des dessins stylisés (oiseaux,signes de pouvoir, etc.) et le système du rébus :des dessins représentent des sons et les lire à voixhaute permet de reconstituer la phrase.

Ces systèmes symboliques sont abondammentutilisés aujourd’hui, dès qu’il est nécessaire d’êtrecompris par tous, sans risques d’erreur. Dans lesmusées, les aéroports ou les gares, la signalétique,c’est-à-dire tous les moyens qui permettent de sediriger, est travaillée avec des couleurs différentesselon les directions (rouge pour les arrivées, jaunepour les départs, par exemple) et des symbolescompréhensibles. Cette forme d’écriture, pourlaquelle il n’est pas besoin de savoir lire, est utiliséepartout, aujourd’hui. Les marques commerciales en utilisent d’ailleurs abondamment une formeparticulière : les logos permettent d’identifier trèsrapidement leurs produits.

Cette forme d’écriture contemporaine est pauvre :elle ne renvoie qu’à des objets précis et ne permetpas d’exprimer des idées. Mais déjà des chercheursproposent de créer un langage idéographique quise fondrait sur les images et non sur des lettres.

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LIRE SANS LIRE

La force du symboleLe pictogramme est unsigne que nous savonsimmédiatement interpréter.Silhouette d’homme oude femme sur la porte destoilettes, forme grossièred’avion indiquantla direction de l’aéroportsur l’autoroute, petitepompe à essence styliséesur le tableau de bord des voitures qui clignotepour indiquer qu’il fautfaire le plein… nous vivonsau milieu de ces symboles,qui peuvent être comprisquelque soit la langue de celle ou de celui qui le voit.

Comprendre les cartes et les plansLe plan posé bien à plat,les pièces du meuble tout juste déballées etsoigneusement disposées…Le bricoleur du dimanchen’a plus qu’à donnerquelques coups de tourne-vis et en deux trois tempstrois mouvements,la bibliothèque sera montéesi… il a compris et suinterpréter le plan. Mêmeproblème pour le touriste :s’il sait lire sa carte,il saura rapidement trouverl’hôtel, la plage, ou le musée qu’il cherche.

Des signes et des clicsPour communiquer plus vite, les utilisateursd’Internet et ceux quis’envoient des SMS partéléphone mobile, utilisentun langage codé, les smileys.Quelques signes pour en dire beaucoup enquelques clics :

:-) je souris, je suis heureux:-( je suis malheureux:-{) j’ai une moustache*< :-( j’ai trop fait la fête:-X n’en parlons plus

Un rébus *Parfois l’écrit se déchiffre,c’est le rébus. Devinettedont la suite fantaisistede signes et de dessins fait le plaisir.

* Il f

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Page 12: Exposition "Obscurantisme et illettrisme"

L’irrationnel fait encore partie de la vie quotidienne.Fabien Barthez incline la tête. Laurent Blanc s’approche et dépose un baiser sur le crâne rasé dugardien de but de l’équipe de France de football.Le même rituel se déroule avant chaquematch. Il est devenu sacré, car à chaquefois qu’il est respecté, les tricoloresgagnent jusqu’à ce qu’ils perdent ou queLaurent Blanc ne soit plus sélectionné.La superstition s’éteindra alors d’elle-même.

Les êtres humains confrontés à l’inconnu,inquiets face à l’avenir, s’inventent cetype de rituel, en réunissant des facteursn’ayant rien de commun, pour calmerleur crainte. Ce faisant, ils ne fontqu’accroître encore leur peur de l’avenir,ces fausses certitudes les enfermant dans l’ignorance.Elles empêchent d’expliquer et de comprendrerationnellement les événements, les causes etles raisons d’un échec.

Certaines superstitions peuvent être l’héritage decroyances passées. Les sept ans de malheur dumiroir brisé ne sont que la traduction contemporained’une crainte des populations primitives : leur âmeétant absorbée par le miroir, si celui-ci se brise,l’âme aussi est brisée. Elles peuvent aussi reposersur un fond de vérité car s’appuyant sur l’observationde phénomènes de nature. « En avril ne te découvrepas d’un fil », illustre simplement le fait que des gelées sont encore à craindre.

Ne jamais passersous une échelle !Passer sous une échelleporterait malheur.La raison tient sans douteà une menace rationnelle— la peur de recevoir unobjet — mais aussi au faitqu’une échelle posée contreun mur compose un triangle,un symbole mystique positif.Mais le triangle délimiteaussi un espace au seinduquel on ne doit paspénétrer sous peine de se perdre. C’est le cas du triangle des Bermudes,d’où les bateaux sontcensés ne pas revenir.

Le 13 porte malheurPas de siège n°13 dans les avions, pas d’étagenuméroté 13 dans denombreux hôtels etimmeubles. Le 13 porteraitmalheur. Cette traditionvient de Babylone.Pendant les fêtes, treizehommes tenaient le rôledes dieux, mais à la findes festivités, l’un d’euxétait sacrifié.Avant la Pâques juive,le Christ était attablé avecdouze convives, dontJudas, le traître.Il n’empêche que le Loto batdes records le vendredi 13.Logique ?

Lire l’avenir ?Une boule de cristal, dumarc de café, des tarots,des signes du zodiaque :tout est bon pour ceuxqui prétendent savoirdécrypter l’avenir etsurtout la crédulité des clients.

Histoires de lapinJamais de lapin à bordd’un bateau. Il est mêmeinterdit de le nommer :le navire risquerait alorsles pires malheurs.Et pourtant, si le lapin estréduit à une de ses pattes,voilà qu’il devient symbolede chance. Mieux, portéau bras gauche, la pattede lapin prévient des dangers. Dommage pourles marins…

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LES RITUELS DE LA SUPERSTITION