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Extrait 2 "Comment devenir une rockstar (ou pas)"

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Sortie du Percin, Saison 3

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– C’est pas ma faute s’ils sont un peu surreprésentés dans ma life. Imagine : je monte un groupe, il faut que le batteur soit flic ! Ça n’arrive qu’à moi !

– Ils ont bien le droit de vivre, quand même, les flics. Et puis, c’est pas tous des sales types…

– Tu ne connais pas Stéphane. C’est un killer.– Bah, t’exagères toujours. Bon, allez, habille-toi,

je vais péter de la faïence pendant ce temps. J’ai la taupe qui pointe au guichet.

(Kévin, des fois, on croirait qu’il a été élevé par mon Papy Gérard.)

Pendant qu’il se dirigeait vers les W.C., je suis allé voir Alice dans sa chambre pour lui reprendre le sweat noir à capuche qu’elle m’avait piqué pour frimer à ses cours de hip-hop. Elle s’y est accrochée comme une moule à son rocher, et il a fallu l’intervention de notre mère pour que je puisse rentrer en possession de mon bien. Mais, mue par un sinistre besoin de vengeance, Alice a profité du moment où je l’enfilais pour l’asper-ger de parfum girly.

Je suis revenu dans l’entrée, où Kévin réajustait sa ceinture militaire sous les yeux éberlués de ma mère, à qui il a fait voir au passage ses abdominaux dignes d’une planche à repasser.

– Ha ! Ben voilà, t’es mieux comme ça ! a-t-il fait en me voyant, tout de noir vêtu.

Je l’ai entraîné sur le palier et j’ai claqué la porte pour échapper à la menace de ma sœur qui se faufilait à ma suite avec son vaporisateur.

vu qu’ils ne changent pas d’année, mais ils t’offrent quand même un splendide calendrier en bambou avec ton horoscope).

Cette année, je me voyais bien m’enfermer dans la cave de Mamie avec Christian (en guettant, trem-blant, un appel de notre vénéré batteur). Mais Kévin avait d’autres projets.

– On se fait un décrochage de Pernos ?J’ai cru qu’il me proposait une murge géante à l’ani-

sette, ce qui doit être à peu près la pire chose qu’on puisse faire au nouvel an.

Mais je n’y étais pas du tout :– T’as déjà entendu parler du Front de libération des

nains de jardin ? m’a-t-il demandé. Eh ben, on va faire pareil avec les pères Noël qui pendent aux fenêtres.

Ça me tentait déjà plus que le pastis.

Pour une opération de ce calibre, il fallait s’habil-ler en conséquence, m’a prévenu Kévin. Quand il est passé me chercher à Ivry le 31, j’ai pu constater qu’il n’avait pas mégoté. Veste de treillis, pantalon battle-dress, baskets, balaclava*.

– T’es sûr que t’en fais pas trop, là, Kév ? On va se faire choper par la brigade antiémeute.

– Arrête ta mytho, Max ! Je te jure, t’es parano avec les keufs ! T’en vois partout !

* Cagoule intégrale avec trous pour les yeux – ne pas confondre avec le baklava, qui est un délicieux dessert grec à base de beurre, de sucre, de noix, de… Rhaa ! J’ai faim !

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– C’est pas ma faute s’ils sont un peu surreprésentés dans ma life. Imagine : je monte un groupe, il faut que le batteur soit flic ! Ça n’arrive qu’à moi !

– Ils ont bien le droit de vivre, quand même, les flics. Et puis, c’est pas tous des sales types…

– Tu ne connais pas Stéphane. C’est un killer.– Bah, t’exagères toujours. Bon, allez, habille-toi,

je vais péter de la faïence pendant ce temps. J’ai la taupe qui pointe au guichet.

(Kévin, des fois, on croirait qu’il a été élevé par mon Papy Gérard.)

Pendant qu’il se dirigeait vers les W.C., je suis allé voir Alice dans sa chambre pour lui reprendre le sweat noir à capuche qu’elle m’avait piqué pour frimer à ses cours de hip-hop. Elle s’y est accrochée comme une moule à son rocher, et il a fallu l’intervention de notre mère pour que je puisse rentrer en possession de mon bien. Mais, mue par un sinistre besoin de vengeance, Alice a profité du moment où je l’enfilais pour l’asper-ger de parfum girly.

Je suis revenu dans l’entrée, où Kévin réajustait sa ceinture militaire sous les yeux éberlués de ma mère, à qui il a fait voir au passage ses abdominaux dignes d’une planche à repasser.

– Ha ! Ben voilà, t’es mieux comme ça ! a-t-il fait en me voyant, tout de noir vêtu.

Je l’ai entraîné sur le palier et j’ai claqué la porte pour échapper à la menace de ma sœur qui se faufilait à ma suite avec son vaporisateur.

vu qu’ils ne changent pas d’année, mais ils t’offrent quand même un splendide calendrier en bambou avec ton horoscope).

Cette année, je me voyais bien m’enfermer dans la cave de Mamie avec Christian (en guettant, trem-blant, un appel de notre vénéré batteur). Mais Kévin avait d’autres projets.

– On se fait un décrochage de Pernos ?J’ai cru qu’il me proposait une murge géante à l’ani-

sette, ce qui doit être à peu près la pire chose qu’on puisse faire au nouvel an.

Mais je n’y étais pas du tout :– T’as déjà entendu parler du Front de libération des

nains de jardin ? m’a-t-il demandé. Eh ben, on va faire pareil avec les pères Noël qui pendent aux fenêtres.

Ça me tentait déjà plus que le pastis.

Pour une opération de ce calibre, il fallait s’habil-ler en conséquence, m’a prévenu Kévin. Quand il est passé me chercher à Ivry le 31, j’ai pu constater qu’il n’avait pas mégoté. Veste de treillis, pantalon battle-dress, baskets, balaclava*.

– T’es sûr que t’en fais pas trop, là, Kév ? On va se faire choper par la brigade antiémeute.

– Arrête ta mytho, Max ! Je te jure, t’es parano avec les keufs ! T’en vois partout !

* Cagoule intégrale avec trous pour les yeux – ne pas confondre avec le baklava, qui est un délicieux dessert grec à base de beurre, de sucre, de noix, de… Rhaa ! J’ai faim !

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fille auxquels ma fragrance rose bonbon leur fai-sait penser. Les quelques mecs présents ont aussitôt changé d’attitude envers moi.

– Hé, t’es autoreverse ? a fait l’un d’eux.Ça m’a fait marrer, mais apparemment, rire

n’était pas la réponse appropriée. Je suppose qu’être soupçonné de gayitude est censé être insultant. Du coup, ils s’en sont pris à Kévin :

– C’est quoi, ton bonnet ? Ça se met pas là, les capotes…

– Et ton treillis, là ? C’est la mode dans le Marais ?– Tu me prêtes ton cow-boy ? On va jouer à

Brokeback Mountain*. Ne comprenant toujours pas ce qu’on lui vou-

lait, et parvenu à bout d’imagination, Sa Kévinerie a ouvert de grands yeux et a couiné :

– Hé mec, je vous suis pas, là ! Vous arrêtez pas de passer du Coca-Light.

Grosse poilade. J’aurais pu rire pendant une heure de sa nouvelle invention langagière, mais son désarroi me faisait un peu pitié. Déjà que Kévin a les fils qui se touchent… Fallait pas qu’ils me le fassent disjoncter, non plus. Je l’ai rassuré :

– T’inquiète, Kévouille. Ils croient juste qu’on est dep, à cause de mon parfum.

– Ah ! C’est que ça !

* Je soupçonne fortement Alexandra d’avoir contaminé sa bande de copains avec ses références gay friendly. Ce genre de films, c’est comme certaines stations-service, on n’y vient pas par hasard…

– C’est toi qui sens la rose ? m’a demandé Kévin dans l’ascenseur.

– Et ta mère, elle mange des chips ?Il m’a suivi en rigolant. Dans la rue, il riait encore.

On est passés à Vitry, chez Alex, pour la convier à notre petite sauterie. À peine arrivés devant son immeuble, on l’a vue en pleine conversation devant l’entrée avec une bande inconnue de nous : ceux de sa cité. Il y a eu un échange de salutations distinguées, à base de Wesh wesh, tandis que ses petits copains nous détaillaient des pieds à la tête. La balaclava de Kévin ainsi que ma capuche de métalleux désespéré semblaient inspirer un certain respect intimidé. Ça n’a pas duré longtemps.

Avisant une belle brochette de meufs, Kévin leur a jeté son célèbre : « Salut les moufles », assorti d’un clin d’œil avec capuche relevée sur le front. Ça a dégelé l’ambiance.

– Vas-y, comment tu dépotes, toi ! a remarqué une fille qui s’est approchée pour me renifler le cou.

Ahem... Merci, sister.– Tu t’es parfumé pour le réveillon, mon biquou-

net ? a jeté Alex.Je lui ai adressé une grimace censée tout expli-

quer, mais notre amitié ne va pas jusqu’à la télépa-thie, et elle a continué à se foutre de moi avec les autres, énumérant les noms de parfums pour jeune

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fille auxquels ma fragrance rose bonbon leur fai-sait penser. Les quelques mecs présents ont aussitôt changé d’attitude envers moi.

– Hé, t’es autoreverse ? a fait l’un d’eux.Ça m’a fait marrer, mais apparemment, rire

n’était pas la réponse appropriée. Je suppose qu’être soupçonné de gayitude est censé être insultant. Du coup, ils s’en sont pris à Kévin :

– C’est quoi, ton bonnet ? Ça se met pas là, les capotes…

– Et ton treillis, là ? C’est la mode dans le Marais ?– Tu me prêtes ton cow-boy ? On va jouer à

Brokeback Mountain*. Ne comprenant toujours pas ce qu’on lui vou-

lait, et parvenu à bout d’imagination, Sa Kévinerie a ouvert de grands yeux et a couiné :

– Hé mec, je vous suis pas, là ! Vous arrêtez pas de passer du Coca-Light.

Grosse poilade. J’aurais pu rire pendant une heure de sa nouvelle invention langagière, mais son désarroi me faisait un peu pitié. Déjà que Kévin a les fils qui se touchent… Fallait pas qu’ils me le fassent disjoncter, non plus. Je l’ai rassuré :

– T’inquiète, Kévouille. Ils croient juste qu’on est dep, à cause de mon parfum.

– Ah ! C’est que ça !

* Je soupçonne fortement Alexandra d’avoir contaminé sa bande de copains avec ses références gay friendly. Ce genre de films, c’est comme certaines stations-service, on n’y vient pas par hasard…

– C’est toi qui sens la rose ? m’a demandé Kévin dans l’ascenseur.

– Et ta mère, elle mange des chips ?Il m’a suivi en rigolant. Dans la rue, il riait encore.

On est passés à Vitry, chez Alex, pour la convier à notre petite sauterie. À peine arrivés devant son immeuble, on l’a vue en pleine conversation devant l’entrée avec une bande inconnue de nous : ceux de sa cité. Il y a eu un échange de salutations distinguées, à base de Wesh wesh, tandis que ses petits copains nous détaillaient des pieds à la tête. La balaclava de Kévin ainsi que ma capuche de métalleux désespéré semblaient inspirer un certain respect intimidé. Ça n’a pas duré longtemps.

Avisant une belle brochette de meufs, Kévin leur a jeté son célèbre : « Salut les moufles », assorti d’un clin d’œil avec capuche relevée sur le front. Ça a dégelé l’ambiance.

– Vas-y, comment tu dépotes, toi ! a remarqué une fille qui s’est approchée pour me renifler le cou.

Ahem... Merci, sister.– Tu t’es parfumé pour le réveillon, mon biquou-

net ? a jeté Alex.Je lui ai adressé une grimace censée tout expli-

quer, mais notre amitié ne va pas jusqu’à la télépa-thie, et elle a continué à se foutre de moi avec les autres, énumérant les noms de parfums pour jeune

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