22
Extrait de la publication

Extrait de la publication · 2018-04-12 · de plateau, de mon fils philippe et de berger, assassinÉs, aux commissaires des camelots du roi; je dÉdie, de l'exil, ces images de notre

  • Upload
    others

  • View
    0

  • Download
    0

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: Extrait de la publication · 2018-04-12 · de plateau, de mon fils philippe et de berger, assassinÉs, aux commissaires des camelots du roi; je dÉdie, de l'exil, ces images de notre

Extrait de la publication

Page 2: Extrait de la publication · 2018-04-12 · de plateau, de mon fils philippe et de berger, assassinÉs, aux commissaires des camelots du roi; je dÉdie, de l'exil, ces images de notre

Extrait de la publication

Page 3: Extrait de la publication · 2018-04-12 · de plateau, de mon fils philippe et de berger, assassinÉs, aux commissaires des camelots du roi; je dÉdie, de l'exil, ces images de notre
Page 4: Extrait de la publication · 2018-04-12 · de plateau, de mon fils philippe et de berger, assassinÉs, aux commissaires des camelots du roi; je dÉdie, de l'exil, ces images de notre

Extrait de la publication

Page 5: Extrait de la publication · 2018-04-12 · de plateau, de mon fils philippe et de berger, assassinÉs, aux commissaires des camelots du roi; je dÉdie, de l'exil, ces images de notre

Extrait de la publication

Page 6: Extrait de la publication · 2018-04-12 · de plateau, de mon fils philippe et de berger, assassinÉs, aux commissaires des camelots du roi; je dÉdie, de l'exil, ces images de notre

Tous droits de traduction, de reproduction et d'adaptationréservés pour tous les pays, y compris l'U.R.S.S.

© Éditions Gallimard, 1969.

Extrait de la publication

Page 7: Extrait de la publication · 2018-04-12 · de plateau, de mon fils philippe et de berger, assassinÉs, aux commissaires des camelots du roi; je dÉdie, de l'exil, ces images de notre

DE PLATEAU, DE MON FILS PHILIPPE

ET DE BERGER, ASSASSINÉS,

AUX COMMISSAIRES DES CAMELOTS DU ROI;

JE DÉDIE, DE L'EXIL,

CES IMAGES DE NOTRE PARIS

A

LA MÉMOIRE

QUE NOUS AIMONS

LÉON DAUDET

Décembre 1928.

Extrait de la publication

Page 8: Extrait de la publication · 2018-04-12 · de plateau, de mon fils philippe et de berger, assassinÉs, aux commissaires des camelots du roi; je dÉdie, de l'exil, ces images de notre

Extrait de la publication

Page 9: Extrait de la publication · 2018-04-12 · de plateau, de mon fils philippe et de berger, assassinÉs, aux commissaires des camelots du roi; je dÉdie, de l'exil, ces images de notre

INTRODUCTION

AUX ASPECTS ET SOUVENIRS

C'était en l'an 19. qui suivit la grand-guerre, un soir defévrier doux et blanc. Celle qui gouverne et éclaire ma vieet mes travaux depuis de longues années, depuis le jour radieux

de notre mariage dans ce petit village de Touraine, me dit qu'ilfallait voir et reconnaître l'éveil du printemps sur la Seine.Nos enfants dormaient. La maison était silencieuse, le quartierdivinement paisible. Nous descendîmes notre rue provincialeet déserte jusqu'au pont, que l'on traversa. La Seine était à lafois brillante et noire comme un poème de Villon. Le « jardindes Rois » comme disait Marguerite, la servante des Bainville,était devant nous silhouettes d'arbres dépouillées; vaguesformes de statues fantômales sous deux tiers d'une lune couleur

citron. Environnés de la perfection du silence (beaucoup plusproche de la musique que le bruit), nous étions parfaitementbien, et devant un secret entrevu, lequel concernait la grandeville, où nous sommes nés, l'un et l'autre, à de longues annéesde distance, dans un même quartier le Marais.

Assis sur un banc, tels deux purotins, nous nous demandionsen quoi réside le charme unique, extraordinaire de Paris.

Est-ce la Seine?

Elle y est pour beaucoup par son frisson, ses moires, ses

Extrait de la publication

Page 10: Extrait de la publication · 2018-04-12 · de plateau, de mon fils philippe et de berger, assassinÉs, aux commissaires des camelots du roi; je dÉdie, de l'exil, ces images de notre

PARIS VÉCU

reflets. Mais elle n'est pas tout et, quand on pense de loin àParis, ce n'est pas elle qu'on voit immédiatement.

Est-ce le centre luxueux et brillant la rue Royale, la placede la Concorde, les Champs-Elysées, la rue de la Paix?

Certainement non. La partie luxueuse de Londres, Picca-dilly, Saint-James, Hyde Park, donnent une impression derichesse et de fête supérieure à celle de Paris.

Est-ce le mélange de vieux et de neuf, le maintien de pans,

somptueux ou haillonneux, d'histoire, Notre-Dame et Saint-Séverin, ce conglomérat de villages, de gros bourgs qu'on appelleles faubourgs de Paris?

Nous approchons de la vérité. Paris est beau comme uneeau-forte, où il y a des noirs et des blancs, des noirs du passé,

des blancs de l'heure. Méryon l'a buriné à merveille, Baudelaireaussi, Alphonse Daudet également, et, après ces trois graveursde Paris, il y a quelques bonnes lithographies de Victor Hugodans Les Misérables. Ensuite, au loin, on peut citer honorable-

ment la Bièvre d'Huysmans, le quartier de la Goutte d'Or deZola et le Belleville de Geffroy. C'est à peu près tout. Ah!pardon, Drumont, bien qu'assez peu poète a écrit Mon Vieux

Paris qui, moins didactique, eût été un chef-d'œuvre. Quant à

l'ouvrage de Maxime du Camp, c'est un compendium, un réper-

toire et rien de plus.Nous convenions ensuite que Paris était comme l'inclusion

d'une foule de romans l'histoire des familles qui l'habitentdans un très grand drame, son histoire à lui. C'est une ville

ardente et menacée. Elle garde des amours et des haines quipeuplent ses nuits, des travaux qui peuplent ses jours. Elleest menacée par les peuples voisins et sous des formes trèsdifférentes, qui vont du bombardement à l'immigration.Elle est menacée par la politique et, comme la France, parle régime républicain qu'elle s'est donné. Elle est menacée parses gueux, ses avides, ses révoltés, ses rôdeurs, ses souteneurs

Extrait de la publication

Page 11: Extrait de la publication · 2018-04-12 · de plateau, de mon fils philippe et de berger, assassinÉs, aux commissaires des camelots du roi; je dÉdie, de l'exil, ces images de notre

INTRODUCTION

et ses filles. Elle est menacée par ses vices, issus de ses plaisirs.C'est de cette causerie nocturne aux Tuileries qu'est né le

projet que je consacre aujourd'hui à ma ville, à notre villeraconter Paris, où je suis né, à travers mes souvenirs et ceux des

miens. L'exil, qui fait de la distance et donc une certaine objec-

tivité, m'a paru propice à sa réalisation.

Page 12: Extrait de la publication · 2018-04-12 · de plateau, de mon fils philippe et de berger, assassinÉs, aux commissaires des camelots du roi; je dÉdie, de l'exil, ces images de notre
Page 13: Extrait de la publication · 2018-04-12 · de plateau, de mon fils philippe et de berger, assassinÉs, aux commissaires des camelots du roi; je dÉdie, de l'exil, ces images de notre

Rive Droite

Page 14: Extrait de la publication · 2018-04-12 · de plateau, de mon fils philippe et de berger, assassinÉs, aux commissaires des camelots du roi; je dÉdie, de l'exil, ces images de notre

Extrait de la publication

Page 15: Extrait de la publication · 2018-04-12 · de plateau, de mon fils philippe et de berger, assassinÉs, aux commissaires des camelots du roi; je dÉdie, de l'exil, ces images de notre

CHAPITRE PREMIER

DU MARAIS AU PÈRE-LACHAISE

Je suis né au Marais et j'y ai passé mon enfance heureuse,lumineuse, sans un pli, où je n'aperçois aucune mauvaise pensée,ni même trouble, aucune inquiétude, aucune contrariété, sice n'est quand mon père, jeune marié, et qui avait gardé des

habitudes de café, rentrait en retard pour le dîner. Ma mère,qui a formé mon enfance au labeur régulier et à la franchise,ne lui faisait aucun reproche, mais son regard, dirigé alternati-vement sur lui et sur moi, refoulant mes larmes et reniflant,

était une leçon suffisante. Alors Alphonse Daudet, pour fairediversion, racontait une histoire de Paul Arène, ou de Bénassis,

ou d'André Gill, qui, peu à peu, nous déridait. Plus tard je

demandais à mon père « Quel diable d'agrément pouvais-tutrouver au café? Il n'y a rien de plus maussade. » Il me répon-dait « C'était l'habitude de mon temps. » Un de ces paradisétait, je crois, le café de Suède, sur le boulevard, près des

Variétés. Arène, grand découvreur de telles merveilles, et qui

tarabustait son estomac à coups d'apéritif d'où son impuis-sance à achever avait dégoté une petite brasserie de la rueBlondel, voie étroite et noire du même Marais. Mon père et lui

rapportaient de là des petits pains salés, craquants et recourbésen 8 de chiffre, dits « prachtel ».

Nous habitions 24, rue Pavée, au Marais, l'hôtel Lamoignon,

Extrait de la publication

Page 16: Extrait de la publication · 2018-04-12 · de plateau, de mon fils philippe et de berger, assassinÉs, aux commissaires des camelots du roi; je dÉdie, de l'exil, ces images de notre

PARIS VÉCU

ancienne demeure du dix-septième siècle, de somptueuse appa-rence, divisée en plusieurs appartements, amusants, comme

on dit, mais malcommodes. Nous occupions l'un de ces appar-tements. Là se réunissaient le mercredi soir, presque chaquesemaine, dans notre modeste salle à manger, Flaubert, Zola,Tourguéneff, Edmond de Goncourt, que j'appelais « les géants »à cause de la haute taille de Flaubert et de Goncourt « Maman,

est-ce le jour des géants? » Flaubert et mon père animaient toutde leurs blagues, de leurs rires, de leurs récits. Régulièrement,dès l'arrivée, Flaubert disait à mon père « Bonjour Alphonse,comment me trouves-tu?. Toujours jeune, n'est-ce pas? »Ce « toujours jeune » précipitait « les géants » dans des cascadesde rigolade, auxquelles je m'associais de toute mon âme. Ma

mère m'avait fait apprendre par cœur le début de Salammbô.« C'était à Mégara, faubourg de Carthage, dans les jardinsd'Hamilcar. » Je récitais cette belle prose à son auteur, qui mesaisissait et m'élevait dans ses bras solides, et je voyais de toutprès alors sa moustache à la Vercingétorix et ses joues largeset luisantes.

Derrière notre hôtel Lamoignon se trouvait une fabrique deproduits chimiques. Elles abondaient alors dans le Marais,

ainsi que les maisons de produits pharmaceutiques en gros.Il en est encore de même aujourd'hui. Les jouets d'enfants, les

produits chimiques et pharmaceutiques, les passementeries etétoffes de laine et de coton entreposées, les bijouteries en groset en toc, les pièces détachées, les zincs et les bronzes d'art,

les installations dentaires et de menuiserie remplissaient, duhaut en bas, ces anciennes demeures seigneuriales, où devisaientles beaux et les belles de la Cour de Louis XIII et de Louis XIV,

où tenaient conciliabule les précieux et les précieuses et quigardent comme un parfum de Molière mêlé aux odeurs des

acides et du cuir. Alphonse Daudet a rendu cela à merveilledans Fromont jeune et Risler aîné, son premier grand roman.

Extrait de la publication

Page 17: Extrait de la publication · 2018-04-12 · de plateau, de mon fils philippe et de berger, assassinÉs, aux commissaires des camelots du roi; je dÉdie, de l'exil, ces images de notre

RIVE DROITE

Voici un de mes bons souvenirs d'enfance. Mon père dit à ma

mère « Je vais voir où en est mon bouquin. » Ce bouquin c'étaitprécisément Fromont. Il me prend par la main, nous suivons larue de Rivoli, qui était notre débouché, à nous villageois duMarais, sur le vaste univers, et nous arrivons sur les quais, à

la librairie Charpentier d'alors, près d'un marchand d'oiseaux,

qui n'a jamais bougé. Georges Charpentier, extasié, jeune, bril-lant, moustachu, ouvre la porte de son cabinet « C'est unimmense succès, mon ami! Nous avons retiré déjà deux fois,

nous retirons une troisième, et c'est parti pour au moins 20 000. »

Mon père était ravi. Il demanda, ce qui aujourd'hui semble fan-tastique, à être payé en or. Ses poches gonflées, nous revînmesà la maison. On grimpa les escaliers de pierre quatre à quatre.Ma mère travaillait à son petit bureau, proche de celui de monpère, dans son cabinet de travail. Alphonse Daudet entre en dan-sant et jetant des louis sur le tapis, où ils roulaient et crépitaienten trébuchements étincelants. Dans les annales de la famille, cela

s'appela « le pas de l'or ». Charpentier était un éditeur commeon en voit peu. Devant l'immense succès, il déchira le traité et

en refit un autre, quatre fois plus avantageux pour l'auteur.Une autre fois mon père m'emmena avec lui au Bien Public,

situé rue Coq-Héron, près des Halles, afin de se faire payer, parune caisse récalcitrante (parce que vide) le prix d'un feuilleton.

La rue Coquillière, aujourd'hui coupée en deux par la rue du

Louvre, offre une partie alimentaire et claire celle qui regarde

les Halles et un tronçon commerçant et sombre, celui quimène à la Banque de France et au dédale de rues animées et

sales, aboutissant au sanctuaire le plus impressionnant et efficacede Paris, « Notre-Dame des Victoires ». Le Bien Public était

situé dans l'obscur tronçon. Les bureaux du journal, minables

et noirs, étaient au second. Quand nous entrâmes, un garçonde bureau somnolait entre un saucisson et un coffre-fort quel'on devinait vide, et qui devint celui de Passajon, dans Le Nabab.

Page 18: Extrait de la publication · 2018-04-12 · de plateau, de mon fils philippe et de berger, assassinÉs, aux commissaires des camelots du roi; je dÉdie, de l'exil, ces images de notre

PARIS VÉCU

Ces Messieurs sont en conseil. dit cet homme, montrant

une porte à tambour, dont le cuir, crevassé, pendait.Justement, dit mon père. Et à moi « reste là ».

Il entra délibérément, réclama son dû « touxondu » comme

disait Millerand après la Grande Guerre, et, comme il avaitune certaine autorité gaillarde, en dépit de son monocle et deses cheveux longs, il se fit payer, par « ces messieurs » ébaubis,séance tenante « Rappelle-toi, ajouta-t-il en descendant le

colimaçon gluant, qu'il faut toujours réclamer le paiement deson travail. » Je me suis souvenu de cette leçon.

Mais c'est sur le tronçon clair de la rue Coquillière que jeveux maintenant attirer l'attention. Là, en effet, se trouvent

deux sites gastronomiques de Paris, ville moins gourmandeque Lyon, mais où, à l'aide d'une maîtresse de maison habile

et d'une bonne cuisinière, on peut encore offrir un gentil petitbalthazard à des amis. L'un de ces sites est Daudens presque

mon homonyme qui vend des jambons, des truffes et autresproduits de premier ordre, sans aucune erreur, ni mistoufle

possible, parce qu'il n'a rien de second ordre dans sa boutique.L'autre est Battendier, merveilleux et l'on peut dire unique,quant à la hure, quant aux pâtés, quant aux escargots, quantau boudin noir et blanc, quant aux simples pieds pannés,honneur de la purée de pois cassés. En vain chercherez-vous,

dans cette savoureuse demeure, quelque chose d'un peu passé,ou d'imparfait. Vous ne trouveriez pas. Connaissant ma passionquasi morbide pour les escargots de Battendier, mes amis m'enapportent à Bruxelles, au grand étonnement des douaniers,flairant là c'est le cas de le dire à cause de l'ail fondant et

suave quelque supercherie bizarre. Et je n'aurai garde d'ou-blier Nortier, paisible au milieu de ses monticules de beurre

frais, où sont fichés des couteaux brillants, ainsi que dans unrite d'Indiens Sioux.

Quant aux Halles mêmes, je les ai parcourues maintes fois,

Extrait de la publication

Page 19: Extrait de la publication · 2018-04-12 · de plateau, de mon fils philippe et de berger, assassinÉs, aux commissaires des camelots du roi; je dÉdie, de l'exil, ces images de notre

RIVE DROITE

jeune enfant, avec mon père, qui y achetait des coquillages(Prunier n'existait pas en ce temps-là) et, dans la saison, desmelons. Il m'a légué son plaisir à trimbaler ce fruit ou légumeexquis, dont on espère toujours qu'il sera parfait, après l'avoirtâté dans tous les sens, et qui l'est, avouons-le, rarement. Rienn'est secret comme un melon, si ce n'est une jolie femme, et

l'appui classique du pouce sur sa petite couette arrière n'estpas un argument décisif.

Lorsque j'étais « bénévole », puis « externe » à l'Hôtel-Dieu,dans le service du bon papa Tillaux chirurgien à la moded'autrefois, très consciencieux, pas maladroit et excellent homme

il nous arrivait de remplacer un interne « en bombe », ou

malade, et de passer la nuit. En ce cas, vers les trois heures dumatin, on se permettait un petit tour aux Halles, un verre devin blanc et une omelette aux champignons dans un de cescaboulots des rues avoisinantes qui demeurent ouverts toute

la nuit. Il y avait là des coltineurs, des grossistes, des apaches,de pauvres filles en savates et en paletots d'homme et des« originaux », des déclassés, venus du quartier Latin, de Mont-martre, d'un peu partout. Ces gens nous montraient leurs bobos,leurs ulcères, leurs chancres, leurs rhumatismes crasseux et

noueux et nous demandaient un conseil. Il n'est pas à Paris de

meilleur passe-partout qu'un titre et accoutrement d'élève deshôpitaux, qu'une blouse blanche sous le paletot à la hussarde,et qu'une petite calotte. Avec cela vous pouvez braver les pirescompagnies; et celles des tapis-francs voisins des Halles sontréellement très mauvaises. En été l'odeur est fâcheuse Zola

qui avait l'olfactif développé et aussi les aperçus sommaires duchien, l'a décrite à merveille mais l'aube tiède et pluvieuse,

sur ce « ventre de Paris» transporte, je ne sais trop pourquoi,

en plein moyen âge, à l'époque des truands. Plus tard dans la vie,étant déjà un monsieur et non plus un « petit jeuneume»

comme on dit à Paris j'ai conduit en ces lieux de char-

Extrait de la publication

Page 20: Extrait de la publication · 2018-04-12 · de plateau, de mon fils philippe et de berger, assassinÉs, aux commissaires des camelots du roi; je dÉdie, de l'exil, ces images de notre

PARIS VÉCU

mantes personnes en quête du petit frisson classique entre lesjolies épaules. Une fois cela faillit tourner mal. Nous soupions

au premier en haut de l'escalier en tourne-vis classique, quandune coterie de ces messieurs et de leurs demoiselles éteignit le

gaz composant tout le luminaire. Aussitôt, sans perdre uneseconde, car nous savions ce que parler veut dire, nous grattions

des allumettes, tirions de nos poches nos rigolots, ou pétards oufeux, et, prenant chacun notre chacune par le bras, sortions envitesse et en bon ordre, salués de ricanements et de « non mais

alors n'y a plus d'amour ». Je regrettai ma blouse et ma calotteprotectrices de naguère.

A ceux qui vont dans les églises, pour y prier ou y méditer,je recommande l'église Saint-Eustache. Elle est spacieuse, silen-cieuse, ancienne, pleine de pensées reposantes, réconfortantes,après le labeur et la peine. C'est une des haltes de la vieille ville,avec ce bric-à-brac de statues, de tableaux de sainteté, de vitraux

modernes qui faisait grincer Huysmans, mais qui, personnelle-ment, ne me déplaît pas. Je ne tiens pas à ce qu'une église soitun musée. Il me suffit qu'elle soit un sanctuaire, qu'on y sentepalpiter un peuple d'anciennes oraisons. La foi n'a pas besoindu goût, ou du moins de ce goût qui consiste à comprendre etsentir la beauté d'ici-bas. La foi a son beau à elle, qui est pure-ment spirituel, hors des formes et de la couleur. Du moins ilme paraît qu'il en est ainsi.

La rue Montmartre part des Halles pour monter aux boule-

vards, puis, de là, à Saint-Pierre de Montmartre et au Sacré-Cœur. Elle est ancienne, sale et d'un grand caractère, par un

grouillement commercial qui commence aux fruits et primeurs,

pour continuer par un dédale de rues haillonneuses (Saint-Sauveur, Croissant, etc.) où gîtent les imprimeries à odeurd'encre et d'urinoirs. Au-delà des boulevards, il y a encore, rue

du Faubourg-Montmartre, quelques imprimeries installées dansde vieilles turnes infectes, puis des cafés, des dancings, des

Extrait de la publication

Page 21: Extrait de la publication · 2018-04-12 · de plateau, de mon fils philippe et de berger, assassinÉs, aux commissaires des camelots du roi; je dÉdie, de l'exil, ces images de notre
Page 22: Extrait de la publication · 2018-04-12 · de plateau, de mon fils philippe et de berger, assassinÉs, aux commissaires des camelots du roi; je dÉdie, de l'exil, ces images de notre

Extrait de la publication