39
Extrait de la publication

Extrait de la publication · 2018. 4. 13. · La collection Culture et publics réunit des ouvrages originaux sur la culture et ses publics. Plus précisément, elle s’intéresse

  • Upload
    others

  • View
    1

  • Download
    0

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: Extrait de la publication · 2018. 4. 13. · La collection Culture et publics réunit des ouvrages originaux sur la culture et ses publics. Plus précisément, elle s’intéresse

Extrait de la publication

Page 2: Extrait de la publication · 2018. 4. 13. · La collection Culture et publics réunit des ouvrages originaux sur la culture et ses publics. Plus précisément, elle s’intéresse
Page 3: Extrait de la publication · 2018. 4. 13. · La collection Culture et publics réunit des ouvrages originaux sur la culture et ses publics. Plus précisément, elle s’intéresse
Page 4: Extrait de la publication · 2018. 4. 13. · La collection Culture et publics réunit des ouvrages originaux sur la culture et ses publics. Plus précisément, elle s’intéresse

La collection Culture et publics réunit des ouvrages originaux sur la culture et ses publics. Plus précisément, elle s’intéresse au champ des médiations culturelles, c’est-à-dire à l’analyse des pratiques profes-sionnelles des acteurs, aux méthodes qu’ils mobilisent et à leurs effets sur les différentes catégories de publics. Toutes les formes de la culture sont concernées, du spectacle vivant en passant par le patrimoine et les musées. L’emploi délibéré du mot publics au pluriel permet de souligner que cette collection accorde un intérêt particulier à toutes les formes innovantes de médiation de la culture qui se proposent de contribuer à la démocratisation de la culture élaborée. En contexte muséal, la notion de médiation culturelle inclut bien évidemment celle d’éducation non formelle, c’est-à-dire les différentes formes de médiation des savoirs en dehors de l’école. Il s’agit notamment de celles mises en œuvre dans le patrimoine et les musées connues sous le nom d’éducation muséale.

La collection Culture et publics publie des ouvrages qui analysent les dispositifs originaux de médiation, d’interprétation et de communica-tion, ou qui prennent appui sur des études de fréquentation ou d’autres enquêtes sur les pratiques culturelles et la muséologie. Elle propose des investigations théoriques, empiriques, historiques et conceptuelles ancrées dans les sciences humaines et sociales avec un intérêt particulier pour les approches proposées par les sciences de la communication, les sciences de l’éducation et la muséologie.

Sous la direction de Anik Meunier et Jason Luckerhoff

Extrait de la publication

Page 5: Extrait de la publication · 2018. 4. 13. · La collection Culture et publics réunit des ouvrages originaux sur la culture et ses publics. Plus précisément, elle s’intéresse

LA MuséoLogie, chAMp de théories et de prAtiques

Page 6: Extrait de la publication · 2018. 4. 13. · La collection Culture et publics réunit des ouvrages originaux sur la culture et ses publics. Plus précisément, elle s’intéresse

La Loi sur le droit d’auteur interdit la reproduction des œuvres sans autorisation des titu-laires de droits. Or, la photocopie non autorisée – le « photocopillage » – s’est généralisée, provoquant une baisse des ventes de livres et compromettant la rédaction et la production de nouveaux ouvrages par des professionnels. L’objet du logo apparaissant ci-contre est d’alerter le lecteur sur la menace que représente pour l’avenir de l’écrit le développement massif du « photocopillage ».

Presses de l’Université du Québec Le Delta I, 2875, boulevard Laurier, bureau 450, Québec (Québec) G1V 2M2 Téléphone : 418 657-4399 − Télécopieur : 418 657-2096 Courriel : [email protected] − Internet : www.puq.ca

Diffusion / Distribution :Canada et autres pays : Prologue inc., 1650, boulevard Lionel-Bertrand,

Boisbriand (Québec) J7H 1N7 – Tél. : 450 434-0306 / 1 800 363-2864

France : Sodis, 128, av. du Maréchal de Lattre de Tassigny, 77403 Lagny, France Tél. : 01 60 07 82 99

Afrique : Action pédagogique pour l’éducation et la formation, Angle des rues Jilali Taj Eddine et El Ghadfa, Maârif 20100, Casablanca, Maroc – Tél. : 212 (0) 22-23-12-22

Belgique : Patrimoine SPRL, 168, rue du Noyer, 1030 Bruxelles, Belgique – Tél. : 02 7366847

Suisse : Servidis SA, Chemin des Chalets, 1279 Chavannes-de-Bogis, Suisse – Tél. : 022 960.95.32

Mem

bre

de

Page 7: Extrait de la publication · 2018. 4. 13. · La collection Culture et publics réunit des ouvrages originaux sur la culture et ses publics. Plus précisément, elle s’intéresse

LA MuséoLogie, chAMp de théories et de prAtiques

Sous la direction d’Anik MeunierAvec la collaboration de Jason Luckerhoff

Préface d’Yves Jeanneret

Page 8: Extrait de la publication · 2018. 4. 13. · La collection Culture et publics réunit des ouvrages originaux sur la culture et ses publics. Plus précisément, elle s’intéresse

2012-1.1 – Tous droits de reproduction, de traduction et d’adaptation réservés © 2012 Presses de l’Université du Québec

Dépôt légal – 2e trimestre 2012 Bibliothèque et Archives nationales du Québec / Bibliothèque et Archives Canada Imprimé au Canada

Les Presses de l’Université du Québec reconnaissent l’aide financière du gouvernement du Canada par l’entremise du Fonds du livre du Canada et du Conseil des Arts du Canada pour leurs activités d’édition.

Elles remercient également la Société de développement des entreprises culturelles (SODEC) pour son soutien financier.

Mise en pages : Alphatek

Conception graphique : Michèle Blondeau

Photographie de la couverture : Adad Hannah, Mirroring the Musée, 2008, vidéogrammes numériques 1 / 1, collection du Musée national des beaux-arts du Québec. Photo : Courtoisie de l’artiste et de Pierre-François Ouellette art contemporain.

Catalogage avant publication de Bibliothèque et Archives nationales du Québec et Bibliothèque et Archives Canada

Vedette principale au titre :

La muséologie, champ de théories et de pratiques

Comprend des réf. bibliogr.

ISBN 978-2-7605-3403-2

1. Muséologie. 2. Musées - Aspect éducatif. 3. Musées - Innovations. 4. Patrimoine historique. I. Meunier, Anik, 1968- . II. Luckerhoff, Jason.

AM7.M8724 2012 069 C2012-940181-1

Extrait de la publication

Page 9: Extrait de la publication · 2018. 4. 13. · La collection Culture et publics réunit des ouvrages originaux sur la culture et ses publics. Plus précisément, elle s’intéresse

PréfacePar-delà le désir de disciPlinarité

Yves JeanneretUniversité Paris-Sorbonne, Celsa

Ce n’est pas un mystère que la question identitaire se pose avec une acuité variable d’une discipline à l’autre. Certaines s’en dispensent aisément et d’autres en dépendent, lesquelles se trouvent souvent en situation de double bind. Sans affirmer cette identité, elles n’existent simplement pas dans l’ordre naturel des savoirs qui « repousse, de l’autre côté de ses marges, toute une tératologie du savoir » : elles sont au nombre « des monstres [qui] rôdent [et] dont la forme change avec l’histoire du savoir » (Foucault, 1971, p. 35). Mais à peine ce souci iden-titaire est-il exprimé qu’il sera taxé de remplacer des enjeux intellec-tuels par une préoccupation narcissique paralysante. De fait, aucune « inscription » disciplinaire ne garantit la qualité d’un travail, qui se définit toujours singulièrement dans ce « dialogue entre théorie et empirie [qui] est toujours une négociation complexe et partiellement opaque » propre à toute intelligence du social (Berthelot, 1990, p. 11).

Ce type de paradoxe est propre à tout groupe minoritaire qui dès qu’il revendique une identité renforce sa marginalité. Pour Baudouin Jurdant, la notion même de scientificité relève du paradoxe : les sciences humaines ont élaboré cette notion pour revendiquer une dignité égale à celle des sciences de la nature, se plaçant ainsi dans la dépendance de définitions hétéronomes de leur travail (Jurdant, 2006, p. 131-143). Le physicien ne se demande jamais si son travail est scientifique, mais seulement s’il est exact. Ce sont le sociologue qui ne veut pas être pris pour un philosophe ou le sémiologue qui met à distance l’écrivain qui reven diquent leur scientificité. Je connais bien cette histoire, ayant été formé dans le projet d’une science de la littérature.

Page 10: Extrait de la publication · 2018. 4. 13. · La collection Culture et publics réunit des ouvrages originaux sur la culture et ses publics. Plus précisément, elle s’intéresse

Tel est le poids des croyances dans l’ordre des savoirs. Lors d’un atelier de la Société française des sciences de l’information et de la communication (SFSIC) en 1998, j’avais questionné le sens de ce fameux désir de disciplinarité et fait remarquer que les disciplines les plus légitimes de l’université comme la philosophie, la littérature ou l’histoire n’avaient guère de canon méthodologique ni d’objet claire-ment conceptualisé. J’ai alors entendu un collègue me dire : « Mais ça, ce ne sont pas de vraies disciplines ! » L’adjectif « vraies » marque une conception idéologique de la scientificité. Il ne faut jamais oublier l’his-toricité de ce type de croyance, notamment dans le dialogue avec les disciplines qui nous regardent de haut – ce n’est pas un mystère – alors qu’elles ont eu à affronter autrefois le présupposé d’inexistence. Ainsi, Durkheim était-il professeur de science de l’éducation en Sorbonne et Tarde occupait-il la chaire de philosophie moderne au Collège de France.

Ce type de question se pose intensément à tous les projets scienti-fiques collectifs qui ont prétendu s’institutionnaliser au cours du dernier siècle, notamment ce qu’on appelle en France des « interdisciplines » – catégorie administrative associée à la création de disciplines récentes. Cette terminologie a l’avantage de désigner le caractère multidimen-sionnel de ces projets : sciences de la communication/de l’informa tion et de la communication/de l’information et de la documenta tion ; sciences de l’éducation/de la formation ; histoire et épistémologie des sciences et des techniques, etc.

Et, de fait, ces projets scientifiques ont trois caractéristiques qui expliquent qu’elles soient souvent ainsi renvoyées à un espace interdis-ciplinaire : d’abord, leur développement se fait d’un pays à l’autre selon des catégories différentes – l’union de l’information et de la communica-tion est, par exemple, forte en France alors qu’ailleurs on distinguera nettement media studies, information and library science, cultural studies, communication sciences, scienze della cultura, memoria social, etc. – ; ensuite, des échanges très structurants se développent avec d’autres communautés, par exemple entre analystes des médias et sciences du langage, entre spécialistes des usages des télécommuni-cations et sociologie, entre théoriciens de la médiation des savoirs et épistémologues ; enfin, l’existence de ces disciplines tient aux pratiques et aux institutions plutôt qu’à la décision conceptuelle.

Or on sait bien, par le même Foucault (1966, p. 7-16), que les régimes historiques de mise en ordre des savoirs, comme l’encyclopédie chinoise de Borges, cumulent des principes de classement incompa-tibles. Si l’on m’autorise à prendre mon cas, je suis un enseignant de sciences de l’information et de la communication – c’est l’identité que je revendiquerai le plus spontanément à la différence de collègues qui se diront plutôt sociologues, anthropologues ou linguistes –, mais j’appartiens à la communauté des science studies, je communique dans

VIII | La mUSéoLogie, ChamP de théorieS et de PratiqUeS

Page 11: Extrait de la publication · 2018. 4. 13. · La collection Culture et publics réunit des ouvrages originaux sur la culture et ses publics. Plus précisément, elle s’intéresse

des colloques de sémiotique et j’ai publié des livres dans une collection de philosophie, sans qu’il me soit utile ni de renoncer à aucun de ces attachements ni de les assembler en un puzzle. Et l’exercice peut se faire aisément je crois pour les auteurs de ce livre. Umberto Eco distingue deux types de listes, celles qui se présentent comme l’inventaire d’un tout et celles qui reposent sur le principe de l’etcetera (Eco, 2009). Je pense que la production intellectuelle dans les sciences humaines et sociales relève de l’etcetera.

Toutes ces considérations font que les chercheurs en sciences de l’information et de la communication – auxquels j’oserai par hypothèse associer sur ce point les muséologues – ont déconstruit les catégories par rapport auxquelles ils ont à se définir. Pourtant, ces communautés ont le sentiment de partager quelque chose de fort. Et ce bien commun n’est ni une frontière ni l’accumulation de résultats, mais un dialogue partagé, une conscience commune de certaines questions et les acquis de lectures croisées. C’est ce qui fait que, comme il est écrit dans ce livre, leur façon de poser les questions est d’une nature particulière, que j’aurais tendance à nommer après Barthes « saveur ». Pour exister, ce bien commun n’exige nullement que tous pensent de même, utilisent les mêmes méthodes, hiérarchisent pareillement les appartenances : il suffit, et ce n’est pas rien, qu’ils soient tous sensibles à une série d’exi-gences qui conditionnent leurs prétentions épistémiques.

C’est à quoi tient pour moi le dialogue structurant entre ceux qui se disent d’abord « muséologues », d’abord « chercheurs en communica-tion », d’abord « spécialistes de la médiation ». Ces trois catégories font une liste à la Borges, car on peut être l’un ou l’autre, ou l’ensemble de ces catégories. Pour ma part, je suis surtout chercheur en communica-tion, plus précisément analyste de la circulation des savoirs dans la société, et s’il m’est arrivé de travailler sur les musées, je ne me dirais pas muséologue. C’est bien la raison pour laquelle cet ouvrage me passionne, car j’y vois les auteurs s’y débattre – si l’on m’autorise ces termes – avec les problèmes que pour ma part je ne parviens pas à résoudre.

Nous changeons alors de monde. Les prétentions, respectables et importantes, de l’Homo academicus font place à un regard porté en proximité et même in medias res sur les enjeux et contradictions d’une pratique. Le livre est incroyablement riche de ce point de vue, grâce à la pluralité des points de vue rassemblés mais aussi, il faut le dire, à la grande franchise avec laquelle ces auteurs exposent leur perplexité. Baudouin Jurdant, déjà cité, avait ouvert un congrès de la SFSIC en posant qu’un collectif scientifique arrive à maturité lorsqu’il se sent assez convaincu de son projet pour rechercher le dissensus et analyser ses difficultés.

PréfaCe | IXExtrait de la publication

Page 12: Extrait de la publication · 2018. 4. 13. · La collection Culture et publics réunit des ouvrages originaux sur la culture et ses publics. Plus précisément, elle s’intéresse

Le premier point qui me frappe est l’importance de la question des relations entre pratiques scientifiques, pratiques pédagogiques et pratiques sociales. J’aime bien l’analyse de Paolo Fabbri qui récuse la disjonction entre sémiotique théorique et sémiotique appliquée, une différence parfois « institutionnellement utile » mais toujours « concep-tuellement vide » (Fabbri, 2008, p. 162). Et de fait, l’analyse que nous pouvons faire des phénomènes de communication et de culture est totalement tributaire de l’histoire des pratiques qui constituent ces derniers. Il n’y a pas d’un côté un processus qui pourrait se penser philosophiquement ou se modéliser et de l’autre des champs dans lesquels s’appliqueraient ces catégories. D’ailleurs nous savons bien que l’idée de « science appliquée », triomphante au xixe siècle, a surtout servi à impenser la technique. Les études sur la communica-tion et la culture appartiennent au versant « historique1 » des sciences humaines et sociales : le savoir y dépend d’un examen des pratiques, dispositifs et institutions plutôt que de relever de l’effort pour abstraire des entités ou des systèmes. En effet, nous travaillons sur du déjà construit et du déjà interprété, et la prise en compte de ces catégories interprétatives héritées est essentielle. C’est ce qui fait que l’entrée d’un visiteur dans un musée ne s’interprète pas seulement à partir d’un dispositif d’interaction observable mais convoque un monde utopique (Davallon, 2000).

C’est aussi ce qui explique que des conceptions différentes de la communication s’affrontent au sein des musées, comme c’est le cas évidemment pour les médias d’information ou les plateformes d’échange sur l’Internet. La bataille pour définir ce qu’est un public est une réalité historique et politique dans laquelle les chercheurs sont impliqués eux-mêmes (Le Marec, 2007). Les objets sur lesquels nous travaillons, productions de discours, dispositifs de médiation, stratégies institution-nelles, croyances et valeurs d’un métier, représentations sociales des publics, sont gorgés de pensée dans leur existence matérielle et sociale.

Nous voyons ces objets changer mais sans que l’héritage de leur passé disparaisse. Le livre, le journal, la bibliothèque, le musée, le guide touristique ne sont pas seulement des objets techniques. Ces formes matérielles et symboliques sont gorgées de la mémoire sociale des formes et des valeurs. Chacune incarne des faits institutionnels et surtout des conceptions larges de ce qu’est la culture, qui renvoient à ce que Wittgenstein nomme des « formes de vie ».

C’est ainsi qu’il faut comprendre, par exemple, le poids que prennent certaines références disciplinaires très récurrentes, qui valent aussi signes d’appartenance, comme le sont dans ma discipline les catégories d’« espace public » ou d’« usage » pour prendre deux exemples. En muséo-logie apparaissent aussi de ces catégories, qui sonnent étrangement pour

1. au sens donné à ce terme par Jean-Claude Passeron dans Le raisonnement sociologique : un espace non popperien de l’argumentation (1996).

X | La mUSéoLogie, ChamP de théorieS et de PratiqUeS

Page 13: Extrait de la publication · 2018. 4. 13. · La collection Culture et publics réunit des ouvrages originaux sur la culture et ses publics. Plus précisément, elle s’intéresse

celui qui n’est pas familier. Elles sont nées de cette conceptualisation située à la croisée des métiers, des engagements politiques et des acquis conceptuels. Ainsi du sens très particulier du mot « interprétation », des idées de « vraies choses » et de « patrimoine immatériel ». Un chercheur étranger à cette communauté peut se demander : comment certaines choses seraient-elles plus vraies que d’autres ? Une pratique musicale ou culinaire est-elle immatérielle ? C’est ne pas comprendre que c’est le véritable « droit d’entrée » qui est requis pour se déclarer muséologue : trouver l’ajustement pertinent entre exigence théorique et catégories d’acteurs. Le musée affirme les vraies choses comme le livre incarne la pensée auctoriale, le journal l’espace public et le réseau Internet la participation.

Le point important est donc de voir comment la recherche, l’enseigne-ment, l’étude peuvent trouver leur place vis-à-vis d’objets qui changent tout en étant porteurs de leur passé. Or les catégories académiques elles-mêmes sont héritières de cette histoire. Je prends un exemple dans mes recherches. Le texte est associé au livre parce qu’il a été théorisé dans un espace où le livre était à la fois une unité intellec-tuelle, la définition d’un certain type de rapport à la culture et un construit sémio-technique. Penser le texte en dehors du livre est donc une question extrêmement délicate et on aura compris que si on parle d’hypertexte, par exemple, on ne sera pas sorti du double jeu entre mettre à distance ce régime de la culture et le revendiquer (au super-latif de surcroît).

La question est très difficile pour le livre, comme pour le musée, avec l’arrivée d’un média, le réseau, qui prétend à la fois offrir une nouvelle opérativité et cumuler toutes celles qui existent. C’est l’une des raisons qui expliquent l’extension et d’une certaine manière la dilution de la notion de musée, ou plutôt la recherche du lieu institutionnel capable de définir désormais ce dernier, telle qu’elle est menée dans tout l’ouvrage. Sur des questions comme celles-ci, le savoir spécifique des muséologues est précieux, mais le sera d’autant plus qu’il entrera en dialogue avec les chercheurs qui travaillent avec les éditeurs, les biblio-thécaires, les journalistes, les éducateurs et s’ouvrira plus générale-ment à la circulation sociale des savoirs.

L’un des risques dans ce contexte, précisément souligné par le livre, est de vouloir en quelque sorte surjouer l’identité professionnelle ou institutionnelle des acteurs en faisant de la muséologie une théorie du musée – ou en faisant des sciences de la communication la théorie d’une société de communication. Tous les champs de pratique ont leur corps de croyance, et c’est bien sûr le cas des musées. C’est pourquoi le point fort de nos disciplines, le lien serré entre observation des pratiques et théorisation, peut se retourner si l’on renforce trop la question identitaire, qui est un point de passage important mais ne constitue pas le cœur de la question. J’ai été frappé en lisant les

PréfaCe | XIExtrait de la publication

Page 14: Extrait de la publication · 2018. 4. 13. · La collection Culture et publics réunit des ouvrages originaux sur la culture et ses publics. Plus précisément, elle s’intéresse

épreuves du livre de voir combien est clairement pointé ce danger. Par exemple, dans ma discipline, la notion d’information est ainsi investie de valeurs et d’évidences. L’information est d’évidence pour le techno-logue une affaire de données, pour le journaliste une affaire d’actualité et pour le bibliothécaire une affaire de documentation. C’est pour cela qu’il ne peut être question pour le chercheur de faire une théorie de l’information, encore moins de la technologie, du journal ou de la bibliothèque. Ou du musée.

J’aimerais ouvrir pour finir deux perspectives. D’abord, il me semble que nous pouvons prolonger l’effort pour nous demander où nous mènent les revendications identitaires dans notre travail. On a vu la montée au cours des dernières décennies de trois termes associés, mais malgré tout séparés par des régimes différents d’usage : la discipline, la science et la recherche. Au xixe siècle on parlait plus volontiers de matière, de connaissance et de pensée. Je ne suggère aucune nostalgie, mais il me semble qu’il faut aussi rapporter ces évolutions à l’histoire du gouvernement des activités intellectuelles. La notion de recherche, qui évoquait un certain nombre de connotations valorisantes à l’époque où j’ai été formé, a permis depuis deux décennies un alignement crois-sant des normes de la production et de la circulation de savoirs dans le domaine des études portant sur l’homme en société sur le critère de la recherche et développement industrielle (R-D). Je pense qu’il est temps de discuter ce qu’on a perdu et ce qu’on a gagné par rapport à l’heure des « humanités ». Je vais choquer : je suis sûr que nos disciplines produisent des savoirs, mais je ne peux dire aujourd’hui s’il faudra continuer à nous revendiquer « chercheurs », en fonction de la tournure que prendra la notion de recherche dans la gestion des pouvoirs sociaux. Il faudra peut-être un jour dire que de cette recherche-là, nous n’en sommes pas.

Je me permets de rattacher cette réflexion à un projet de recherche que je suis en train de développer avec Joëlle Le Marec. La tension évoquée plus haut, lien entre pratique et théorie d’un côté, fétichisation des catégories institutionnelles de l’autre, ne peut être dépassée que par une activité réflexive, de retour constant sur les relations entre les divers types de savoir qui circulent, à la croisée des questions de communication et de culture : les savoirs ordinaires que les sujets sociaux mobilisent dans leur relation quotidienne à la culture, les savoirs académiques que les chercheurs élaborent à partir de l’histoire de leurs questionnements, et les savoirs experts que le marché, les institutions et les métiers opérationnalisent, instrumentalisent et exploitent, tant au sein des dispositifs que dans le conseil, la production médiatique et la gouvernance. C’est peut-être le bénéfice essentiel du travail scrupuleux mené dans ce livre que d’apporter un concours à l’analyse de ces enjeux-là qui concernent l’ensemble des sciences de

XII | La mUSéoLogie, ChamP de théorieS et de PratiqUeSExtrait de la publication

Page 15: Extrait de la publication · 2018. 4. 13. · La collection Culture et publics réunit des ouvrages originaux sur la culture et ses publics. Plus précisément, elle s’intéresse

l’homme en société. Pour éviter finalement que notre prétention, quelle qu’elle soit, en termes de discipline, de science ou de recherche, ne serve avant tout une instrumentalisation de nos savoirs.

réFérences BERThELOT, J.-M. (1990). L’intelligence du social, Paris, Presses universitaires de France.

DAvALLON, J. (2000). L’exposition à l’œuvre : stratégies de communication et médiation symbolique, Paris, L’harmattan.

ECO, U. (2009). Vertige de la liste, Paris, Flammarion.

FABBRI, P. (2008). Le tournant sémiotique, Paris, hermès-Lavoisier.

FOUCAULT, M. (1971). L’ordre du discours, leçon inaugurale des cours au collège de France, 2 décembre 1970, Paris, Gallimard.

FOUCAULT, M. (1966). Les mots et les choses, Paris, Gallimard, préface, p. 7-16.

JURDANT, B. (2006). « Écriture, réflexivité, scientificité », entretien avec Joëlle Le Marec, Sciences de la société, no 67, p. 131-143.

LE MAREC, J. (2007). Public et musées : la confiance éprouvée, Paris, L’harmattan.

PASSERON, J.-C. (1996). Le raisonnement sociologique : un espace non popperien de l’argumentation, Paris, Albin Michel, préface, « Défense des sciences historiques considérées comme sciences », p. 27-72.

PréfaCe | XIII

Page 16: Extrait de la publication · 2018. 4. 13. · La collection Culture et publics réunit des ouvrages originaux sur la culture et ses publics. Plus précisément, elle s’intéresse
Page 17: Extrait de la publication · 2018. 4. 13. · La collection Culture et publics réunit des ouvrages originaux sur la culture et ses publics. Plus précisément, elle s’intéresse

TaBLe des MaTIÈres

Préface Par-delà le désir de disciplinarité .............................................................................. Vii

Yves Jeanneret

Introduction Le musée et le partage social du savoir ................................................................... 1

anik meunier et Jason Luckerhoff

ParTIe 1 À propos du musée, de la muséologie et de l’éducation muséale ................ 17

1. Le musée et le patrimoine Une histoire de contextes et d’origines .............................................................. 19

dominique Poulot

L’ancien régime des collections et des patrimoines ............................. 20

Une nouvelle intelligence du passé matériel : le musée contre le patrimoine ? ................................................................................................. 22

des œuvres libérées de leur contexte ? .......................................................... 26

Le nouveau discours du musée ............................................................................. 29

Les musées aujourd’hui : une relation sociale ............................................ 35 références ................................................................................................................................ 37

2. Le Musée national des beaux-arts du Québec est-il condamné à séduire ? ............................................................................................................................... 41Jason Luckerhoff

méthode ............................................................................................................................... 45

Les musées sont-ils condamnés à séduire toujours plus de visiteurs ? ........................................................................................................... 48

Le musée national des beaux-arts du québec et ses fondations paradoxales .............................................................................. 52

Premier tableau : l’exposition qui efface la collection ........................... 54

deuxième tableau : la course à l’audience ..................................................... 58

Extrait de la publication

Page 18: Extrait de la publication · 2018. 4. 13. · La collection Culture et publics réunit des ouvrages originaux sur la culture et ses publics. Plus précisément, elle s’intéresse

troisième tableau : le public et l’entrée en scène des visiteurs ....... 60

quatrième tableau : l’invention d’un récepteur fictif ............................ 62

Cinquième tableau : le devenir d’un média et de ses usages ........... 65

Conclusion ............................................................................................................................... 69 références ................................................................................................................................ 75 Sources ....................................................................................................................................... 77

3. La muséologie Un domaine de recherches .......................................................................................... 79

Bernard Schiele

Sisyphe à l’œuvre .......................................................................................................... 80 Une première définition : la muséologie

comme science du musée .............................................................................. 80 La muséologie comme attitude spécifique

de l’homme à la réalité ..................................................................................... 82 des définitions qui reflètent les valeurs du musée ...................... 83

La muséologie : un domaine de recherches .................................................. 87 Les tentatives pour faire de la muséologie

une discipline n’ont pas abouti .................................................................. 87 Un champ hétérogène ...................................................................................... 89 des recherches multidisciplinaires « orientées objet » ............... 89 des recherches menées en contexte d’application ...................... 92

La formation en muséologie ................................................................................... 94 références ................................................................................................................................ 98

4. L’éducation muséale fragment d’une muséologie inachevée ? ......................................................... 101

anik meunier

Le rapport entre patrimoine et musée ........................................................ 102

Les musées, reflet de la configuration du savoir dans une société .......................................................................................................... 104

faire de la recherche en muséologie ? .......................................................... 109

La muséologie, son champ et ses méthodes ............................................. 111

L’éducation muséale comme composante d’une muséologie à caractère scientifique ? ............................................. 114

références ............................................................................................................................. 117

5. Le parcours et les perspectives du champ et de la recherche en éducation muséale .................................................................................................... 121michel allard

L’axe social ....................................................................................................................... 122

L’axe économique ....................................................................................................... 123

L’apport des nouvelles technologies de la communication ............ 123

Le visiteur ....................................................................................................................... 124

XVI | La mUSéoLogie, ChamP de théorieS et de PratiqUeS

Page 19: Extrait de la publication · 2018. 4. 13. · La collection Culture et publics réunit des ouvrages originaux sur la culture et ses publics. Plus précisément, elle s’intéresse

La fonction éducative du musée ....................................................................... 125

Les expositions thématiques .............................................................................. 126

Les sites internet ......................................................................................................... 128

Conclusion ............................................................................................................................ 129 références ............................................................................................................................. 129

ParTIe 2 des transformations des musées aux formations en muséologie ........... 131

6. La muséologie et les transformations des musées .................................... 133daniel Jacobi

Le tournant communicationnel des musées et la naissance de la muséologie universitaire française ..................................................... 134 Le musée : une institution d’éducation non formelle ............... 135 L’exposition, dispositif de monstration

et de communication .................................................................................... 137 L’exposition temporaire : un média coûteux

qui transforme l’institution ....................................................................... 138

La crise de croissance des institutions patrimoniales et muséographiques propulse les médiations au centre de la scène ...................................................................................................................... 140 ingénierie culturelle et évaluation ou production

de connaissance ? ............................................................................................. 140 La médiation : concept ou notion polysémique ? ........................ 141 Les médiations entre dispositifs et médiateurs ........................... 142

du musée sans fin à la fin du musée ? ............................................................ 144 Politique culturelle et accélération ....................................................... 145 Les musées, repères inamovibles d’un monde sans fin ............ 146 Le musée au rythme d’un nouveau média ........................................ 146 Le cœur battant de la postmodernité ............................................... 147

épilogue : fin du musée ou début des formes de résistance ? ............. 148 références ........................................................................................................................... 150

7. Les mutations muséales Pour une compréhension élargie de la fonction des musées .............. 151

élise dubuc

La professionnalisation des musées et l’autonomisation des programmes d’enseignement ................................................................... 153

de l’autodéfinition muséale à l’apport des autres disciplines : proposition de huit métafonctions ..................................... 156 Conservatoire ..................................................................................................... 157 Culturelle .............................................................................................................. 157 Sociale ...................................................................................................................... 158 économique.......................................................................................................... 159 Scientifique ........................................................................................................... 159

taBLe deS matiÈreS | XVIIExtrait de la publication

Page 20: Extrait de la publication · 2018. 4. 13. · La collection Culture et publics réunit des ouvrages originaux sur la culture et ses publics. Plus précisément, elle s’intéresse

Politique .................................................................................................................. 160 éducative .............................................................................................................. 161 Symbolique ........................................................................................................... 161

Conclusion ............................................................................................................................ 162 références ............................................................................................................................. 163

8. La médiation dans les musées d’art Comment former les étudiants ? ........................................................................... 165

marie-émilie ricker

La notion de médiation muséale : quels enjeux ? .................................. 167 La médiation muséale : d’une vision globale

aux particularités disciplinaires .............................................................. 170

Le médiateur muséal et culturel : les défis de la professionnalisation ? ........................................................................... 172 Baliser la profession de médiateur ........................................................ 173 quelle éthique pour la médiation muséale ? .................................. 175 Pour éduquer, il faut du temps… ........................................................... 177 relever le défi de former des praticiens réflexifs

et d’établir un lien avec les sciences de l’éducation .................. 178

initier les étudiants à piloter la médiation : concevoir, expérimenter, évaluer et discuter.................................................................... 180

Conclusion ............................................................................................................................ 184 références ........................................................................................................................... 185

ParTIe 3 des études de cas dans les musées et sites patrimoniaux ............................ 187

9. réel versus virtuel enjeux et perspectives liés à l’utilisation de technologies mobiles au sein d’un musée d’histoire ............................................................... 189

marie-Claude Larouche, hugues Boily et Nicole Vallières

Le contexte technologique : essor des technologies mobiles ...................................................................................... 190 La technologie mobile : bientôt le premier mode

d’accès à internet .............................................................................................. 190 Le boom des applications ............................................................................ 191

Le développement d’applications pour technologies mobiles comme aide à l’interprétation ........................................................ 192 de l’audioguide au guide multimédia ................................................. 192 La variété des stratégies communicationnelles ........................... 193

Le projet imcCord du musée mcCord ............................................................ 195 Les objectifs du projet imcCord .............................................................. 196 La description du prototype, contenu

et arborescence ................................................................................................. 197

XVIII | La mUSéoLogie, ChamP de théorieS et de PratiqUeSExtrait de la publication

Page 21: Extrait de la publication · 2018. 4. 13. · La collection Culture et publics réunit des ouvrages originaux sur la culture et ses publics. Plus précisément, elle s’intéresse

La méthodologie de l’évaluation formative .............................................. 200 Une étude de type « terrain » .................................................................... 200 L’environnement de test et le déploiement technique ............. 201 L’échantillon ......................................................................................................... 202 Le déroulement ................................................................................................. 203 Les outils d’enquête ........................................................................................ 204

Les principaux résultats ......................................................................................... 205 Le portrait des participants ....................................................................... 205 L’utilisabilité du prototype ......................................................................... 205 L’appréciation par les visiteurs ................................................................ 208 L’identification des ajustements ........................................................... 211

Conclusion ............................................................................................................................ 212 références ............................................................................................................................. 214

10. entre mobilité et virtualité enjeux et défis d’un cybermusée de la diaspora arménienne au québec ................................................................................................ 217

marie-Blanche fourcade

Les enjeux de conservation du patrimoine migrant ............................ 219

L’alternative cybermuséale ................................................................................... 223

entrer dans le monde virtuel .............................................................................. 224 références ............................................................................................................................. 228

11. Les collaborations en contexte muséal Le « discours d’exposition polyphonique » et ses faces cachées ..... 231

Virginie Soulier

Le mot d’ordre est : il faut collaborer avec les autochtones ................................................................................................ 234

Le « discours d’exposition polyphonique » versus « le discours monophonique » ............................................................................. 237

Les modalités du discours d’expositions polyphoniques et leur instance auctoriale ................................................................................... 240 La focalisation interne ................................................................................. 241 La focalisation externe ................................................................................ 242 La focalisation mixte ...................................................................................... 244

références ............................................................................................................................. 248

12. La place de la mémoire dans la patrimonialisation de l’ancienne dynamiterie Nobel à Paulilles .................................................................................. 249audrey quintane

Paulilles 1870-2008 : l’histoire paradoxale d’une usine de fabrication de dynamite devenue « site classé » ouvert aux publics ....................................................................................................................... 250 Un patrimoine industriel et une identité ouvrière

spécifiques de la dangerosité d’un type d’industrie ................. 250

taBLe deS matiÈreS | XIXExtrait de la publication

Page 22: Extrait de la publication · 2018. 4. 13. · La collection Culture et publics réunit des ouvrages originaux sur la culture et ses publics. Plus précisément, elle s’intéresse

La fermeture de l’usine et les premiers enjeux de patrimonialisation ..................................................................................... 251

Le patrimoine industriel : complexité et multiplicité des approches ........................................................................ 251

Les étapes caractérisant le processus de patrimonialisation propre au site de Paulilles ................................... 253 Les intentions variées et les tensions émergentes ................... 253 La mémoire ouvrière : une composante sociale

enchevêtrée au processus de patrimonialisation ...................... 254 Un « déficit d’interprétation volontaire » .......................................... 255

La place de la mémoire dans le processus de patrimonialisation du site de Paulilles .................................................. 257 Un épisode de mémoire collective ........................................................ 258 La distinction de deux types de patrimonialisation .................. 259 L’archive comme reste ? ............................................................................... 260 L’épreuve cathartique ................................................................................... 261

Conclusion ............................................................................................................................ 262 références ............................................................................................................................. 262

conclusion La muséologie entre pratique professionnelle experte et champ scientifique ................................................................................ 265

anik meunier et audrey quintane

Notices biographiques .................................................................................................. 273

XX | La mUSéoLogie, ChamP de théorieS et de PratiqUeSExtrait de la publication

Page 23: Extrait de la publication · 2018. 4. 13. · La collection Culture et publics réunit des ouvrages originaux sur la culture et ses publics. Plus précisément, elle s’intéresse

INTroducTIoNle musée et le Partage social du savoir

anik Meunier et Jason Luckerhoff

Le temps demeure le même parce que le passé est un ancien avenir et un présent récent, le présent un passé prochain et un avenir récent,

l’avenir enfin un présent et même un passé à venir, c’est-à-dire parce que chaque dimension du temps est traitée ou visée comme

autre chose qu’elle-même […]

merleau-Ponty, 1994, p. 482.

Cet ouvrage a deux buts qui ont partie liée. Le premier est de marquer un temps d’arrêt pour réfléchir aux transformations et aux mutations des musées et des institutions patrimoniales. Le second but est de réflé-chir à la muséologie comme champ de théories et de pratiques. Quels sont les fondements de la muséologie ? Quelles sont les formes émer-gentes de médiation des savoirs et le devenir des fonctions d’éducation et de diffusion propres aux musées1 ?

L’ouvrage est découpé en trois parties. Il fait le point sur la question de la muséologie comme discipline scientifique et tente au-delà d’en déterminer l’avenir ; il revient sur les missions et les orientations de la recherche dans le champ de la muséologie et de l’éducation muséale ; enfin, il présente quelques projets de partenariat et des modes de colla-boration entre chercheurs et professionnels dans des musées.

1. des auteurs intéressés par ces questions, dont certains ont participé au colloque L’avenir de la muséologie organisé au sein de l’association francophone pour le savoir (acfas), ont accepté de partager leurs observations. Ce colloque qui portait sur la muséologie, la médiation des savoirs et la fonction éducationnelle s’est tenu à l’Université de montréal en mai 2010.

Extrait de la publication

Page 24: Extrait de la publication · 2018. 4. 13. · La collection Culture et publics réunit des ouvrages originaux sur la culture et ses publics. Plus précisément, elle s’intéresse

Confrontés à un monde où les innovations techniques et les créations technologiques les plus récentes ont infléchi un rapport à l’espace, au temps et à la culture, les musées sont en pleine mutation. Que devient, face à ces transformations, la muséologie et avec elle sa composante essentielle : l’éducation muséale, une des « fonctions du musée », sinon la principale ? La muséologie est-elle susceptible de proposer de nouvelles approches ou de les renouveler ? N’est-elle pas par essence axée sur une analyse identitaire accédant à une certaine forme d’uni-versalité par la transposition muséographique de contenus scienti-fiques et leurs diverses médiations ?

Dans un contexte de globalisation impliquant un rétrécissement de l’espace et un aplanissement des cultures, comment la muséologie peut-elle repenser ses rapports avec le monde professionnel ? Dans cette perspective, la muséologie doit-elle être considérée comme une discipline autonome, une science appliquée ou un champ profes-sionnel ? Et de quelle façon la composante éducationnelle gagnerait-elle à être infléchie ou transformée ? À partir d’une démarche réflexive, ou analytique, ces questions sont abordées suivant diverses approches. Les analyses diffèrent selon que la muséologie se positionne comme une discipline autonome ou que sa définition s’examine en rapport aux fonctions qu’on a traditionnellement attribuées aux musées : recherche, conservation, diffusion et éducation. Les observations seront certes autres si on s’intéresse aux divers types de musées – arts, histoire, sciences et technologie, société – ou à leurs activités. Enfin, les études seront spécifiques si on regarde plus avant la formation universitaire en questionnant sa pertinence scientifique ou sociale, ou les deux, et ses retombées sur les pratiques professionnelles.

On sait que les chercheurs en communication et en éducation s’inté-ressent tout particulièrement au rapport entre médias et savoirs puisque ces derniers jouent, sans aucun doute avec l’école, un rôle prépondérant dans la formation des connaissances des citoyens. Quels sont les apports des musées, de leur composante éducationnelle et de la communication à la question du partage social des savoirs ? Les diffé-rentes modalités d’éducation mises en œuvre en contexte muséal consistent à familiariser avec le patrimoine, à apprendre à visiter et à conduire à la délectation. Ces modalités sont-elles susceptibles de conférer une nouvelle légitimité au champ de la muséologie et à celui de l’éducation non formelle ? Quelles sont les nouvelles orientations de l’éducation muséale – museum education – dont le Canada, ces dernières années, a affirmé et assuré un certain leadership ?

Dans la muséologie comme dans l’éducation muséale, la notion de médiation se définit différemment selon les contextes. De manière plutôt consensuelle et pour la plupart des auteurs, la médiation implique le rapport entre un sujet (l’apprenant) et un objet (les savoirs). La médiation correspond aux dispositifs ou aux médias pensés et utilisés

2 | La mUSéoLogie, ChamP de théorieS et de PratiqUeS

Page 25: Extrait de la publication · 2018. 4. 13. · La collection Culture et publics réunit des ouvrages originaux sur la culture et ses publics. Plus précisément, elle s’intéresse

pour permettre aux publics d’accéder aux divers contenus exposés ou exhibés. Le médiateur – l’enseignant ou tout autre acteur – qui souhaite rendre accessibles et compréhensibles les savoirs exhibés peut s’aider d’un support, d’un dispositif, d’une méthode afin de favoriser la compréhension, voire l’appropriation de ces savoirs.

Les observations les plus récentes du travail réalisé par les média-teurs à l’endroit des publics indiquent que certaines tendances se déga-gent de leurs actions. La première orientation concerne le travail de conception lié à ce savoir – produire le contenu scientifique à trans-mettre au visiteur à partir des expôts ou des collections. La deuxième a trait aux publics destinataires du savoir – se préoccuper du public et impliquer les différentes catégories de visiteurs. La troisième relève des instruments avec lesquels ce savoir sera transmis et appréhendé – conce-voir des outils, des méthodes ou des dispositifs qui permettront aux visiteurs de s’approprier effectivement les contenus de l’exposition –, le tout composant ce qu’il est convenu d’appeler le discours de médiation. Les intentions de la médiation sont susceptibles de diverger selon le contexte : il peut être celui de l’éducation formelle ou celui de l’éducation non formelle.

Déjà en 1990, Jacobi et Schiele en s’intéressant à la vulgarisation scientifique proposent « de la séparer du champ de l’éducation dite formelle par exemple en utilisant un concept anglo-saxon : informal education (Lucas, 1983) dont la traduction littérale serait éducation informelle ». Ils considèrent que « […] qualifier cette “école parallèle” (Friedman, 1964) d’informelle pourrait laisser croire qu’elle n’est pas structurée, ni organisée, institutionnellement sans réelle consistance, ni moyens financiers… » Mais, tel n’est pas le cas des équipements culturels qui proposent notamment la communication et la divulgation de divers contenus scientifiques. Pour eux, il paraît « […] préférable de retenir le concept d’éducation non formelle (vs formelle) ». De plus, en poursuivant leur analyse relative à la vulgarisation scientifique, ils soutiennent que « [s]ous d’autres formes, dans d’autres lieux, avec d’autres moyens et d’autres méthodes, la vS [vulgarisation scientifique] se propose de contribuer à l’acculturation scientifique du public des non spécialistes (Lucas, 1983) » (Jacobi et Schiele, 1991, p. 84).

Les musées et leurs expositions ne sauraient être confondus avec l’école. Ils appartiennent sans ambiguïté au champ de l’éducation non formelle (informal education). Mais qu’est-ce que l’éducation non formelle ? Selon Jacobi (2001), « le poids attribué à l’école et à l’appareil d’éducation formelle dans la genèse des conduites et des intérêts des adultes insérés socialement et professionnellement a complètement fait perdre de vue une donnée pourtant très connue et, par ailleurs, parfois dénoncée par les professionnels de l’enseignement : il existe d’autres sources de diffusion et d’acculturation dans une société moderne » (p. 2). À cet égard, l’expression éducation non formelle est préférable à

iNtrodUCtioN | 3

Page 26: Extrait de la publication · 2018. 4. 13. · La collection Culture et publics réunit des ouvrages originaux sur la culture et ses publics. Plus précisément, elle s’intéresse

celle d’éducation informelle qui représente une traduction littérale de l’expression anglo-saxonne informal education et qui correspond en français au milieu informel, à celui que procure l’expérience quoti-dienne, la vie de tous les jours. Or, ce n’est pas de cela dont il s’agit lorsqu’on visite une exposition ou quand on s’intéresse à l’impact des différents médias : livre, disque, presse, radio, cinéma, télévision et musées. Jacobi délimite volontairement l’éducation non formelle de façon ouverte puisqu’elle se définit en rapport avec son double. Elle désigne « toutes les interventions à caractère éducatif qui sont mises en œuvre par des institutions ou des acteurs autres que l’appareil scolaire officiel » (Jacobi, 2001, p. 3). Une encyclopédie, un livre documentaire, une émission de télévision, un site Internet, un film et bien sûr un musée ou une exposition peuvent avoir des buts éducatifs même si à l’évidence il ne s’agit pas de leur seule vocation. Dans ce cas, leurs publics apprendront quelque chose sans même se rendre compte qu’ils se cultivent. « [S]i un traçage distinguant l’éducation formelle vs non formelle est effectivement possible, cela ne signifie pas pour autant que ces deux domaines s’ignorent. Les acteurs-producteurs d’éducation non formelle choisissent leurs créneaux et leurs stratégies en fonction du public […] que l’éducation formelle ne peut satisfaire » (Jacobi et Schiele, 1991, p. 85-86).

Mais qu’en est-il des visites scolaires dans les musées ? S’agit-il d’éducation formelle ou non formelle ? Si un enseignant donne le contenu qui devait être enseigné en classe dans un musée, il s’agit d’éducation formelle délocalisée. Si l’enseignant accompagne les élèves qui seront pris en charge par un responsable des services éducatifs au musée et qui se donnera comme objectif de les faire apprendre, de s’amuser et de se détendre, il s’agira peut-être alors d’éducation non formelle. Le lieu et le contexte de l’apprentissage ne déterminent donc pas à eux seuls le caractère formel ou non de l’éducation, et les fron-tières entre le formel et le non formel sont assez poreuses. Bien que cette distinction n’oppose pas seulement des lieux, il est évident que la majorité des apprentissages formels se font à l’école. L’environnement, le contexte et le lieu dans lesquels se réalisent les intentions d’éduca-tion peuvent avoir une incidence sur le projet d’éduquer qui prend place dans l’école comparativement à celui qui se déroule hors de l’école. À cet effet, heimlich, Diem et Farrell (1996) opposent l’appren-tissage scolaire formel à l’apprentissage en milieu non formel. Cette opposition, péremptoire à première vue, nous engage à réfléchir aux distinctions entre l’école et le musée avant d’y adhérer. Déjà en 1990, Jacobi et Schiele esquissent une description qui schématise les traits les plus saillants pour distinguer les oppositions entre éducation formelle et non formelle « […] : elle choisit ses contenus, ses méthodes et ses objectifs en dehors des contraintes des instructions officielles. Elle s’adresse à un public non captif. Elle ne participe pas au jeu des certi-fications sociales que confèrent les diplômes » (p. 84). Dans la poursuite

4 | La mUSéoLogie, ChamP de théorieS et de PratiqUeS

Page 27: Extrait de la publication · 2018. 4. 13. · La collection Culture et publics réunit des ouvrages originaux sur la culture et ses publics. Plus précisément, elle s’intéresse

de cette réflexion, on tente aussi de marquer les nuances entre les deux formes d’éducation, spécifiant ce que recouvre le milieu scolaire – l’école et la classe – et distinguant les particularités de lieux d’éducation non formelle tels le musée et les expositions :

L’école a pour objet premier d’instruire et d’éduquer ou l’inverse selon les écoles de pensée. Le musée a pour objet de recueillir, de conserver, d’étudier et d’exposer des témoins matériels de l’homme et de son environnement. L’école est obligatoire. elle compte sur une clientèle captive et stable. La clientèle du musée est libre d’y aller ou non. elle est plus ou moins passagère. L’école s’adresse à une clientèle structurée en fonction de l’âge ou de la diplomation. Le musée s’adresse à tous les groupes d’âges, sans distinction de formation. Le musée possède sa collection propre et accueille aussi des expositions itinérantes. on ne peut lui demander d’organiser des activités pédagogiques qui ne tiennent pas compte de sa collection. L’école doit tenir compte d’un programme qui lui est imposé. Certes, elle peut intégrer quelque peu, mais elle doit dans l’ensemble y rester fidèle. elle est aussi conçue pour des activités de groupe (classe). Le musée est organisé pour une activité qui, habituellement, se déroule individuellement ou par petits groupes. L’école reçoit sa clientèle pour au moins un an, le visiteur du musée n’y séjournera qu’une heure ou deux. L’activité scolaire se fonde d’abord sur la parole et sur le livre… L’activité muséologique se fonde d’abord sur l’observation et sur l’objet. dans l’élaboration d’une pédagogie propre au musée, il s’avère essentiel de tenir compte de ces distinctions (allard, Larouche, Lefebvre, meunier et Vadeboncœur, 1995, p. 3).

Selon Allard et Boucher (1998), l’éducation muséale détient une dimension muséologique, une dimension éducative et une dimension sociale. La dimension muséologique réfère évidemment à l’expérience du musée telle que vécue par les visiteurs et aux interactions entre les publics et les œuvres. La dimension éducative réfère aux choix du musée qui présente des objets artistiques, historiques, scientifiques ou autres. Finalement, la dimension sociale correspond aux caractéristiques spécifiques et aux demandes des visiteurs en tant que groupe social.

Les dimensions tripartites attribuées à l’éducation muséale n’obli-tèrent en rien la dualité éducation/communication présente dans toute forme de diffusion des savoirs en contexte d’éducation non formelle. Au surplus, on ne peut ignorer que les deux paramètres (éducation et communication) existent aussi bien dans l’éducation formelle que dans l’éducation non formelle. C’est probablement le poids relatif de l’un par rapport à l’autre qui varie et qui est modifié. Dans l’éducation formelle,

iNtrodUCtioN | 5

Page 28: Extrait de la publication · 2018. 4. 13. · La collection Culture et publics réunit des ouvrages originaux sur la culture et ses publics. Plus précisément, elle s’intéresse

le volet éducation est plus important que la communication qui est souvent secondaire. Dans l’éducation non formelle, c’est l’inverse, on admet le primat de la communication, et l’éducation se trouve en arrière-plan.

Dans une approche en éducation, tout comme dans l’approche communicationnelle, la notion de public se déploie au centre de toute action. Qu’est-ce qui distingue, donc, la perspective communication-nelle de la perspective éducationnelle pour l’étude du musée, des visi-teurs ou de la relation entre des visiteurs et des objets exposés ? En effet, la notion de médiation renvoie autant à la notion d’éducation non formelle en contexte muséal qu’à l’approche communicationnelle des faits culturels. Cette perspective bi-disciplinaire est aussi présente dans les institutions muséales : « De nombreuses actions de communication et de diffusion, voire d’éducation, de la culture et du patrimoine sont conçues et développées par les différents acteurs de la muséologie. […] Les deux modes de communication privilégiés par lesquels ils s’adres-sent aux visiteurs sont le média exposition et/ou les programmes éducatifs développés au sein du musée et, idéalement, à partir des diverses ressources disponibles, notamment des collections » (Meunier, 2008, p. 3).

L’approche communicationnelle, tout comme l’approche éducation-nelle, propose d’étudier les publics, les organisations et les dispositifs dans leur contexte d’échanges. Ainsi, en communication, le chercheur ne s’intéresse pas spécifiquement à l’œuvre (histoire de l’art), aux publics (sociologie), aux organisations (gestion) ou aux dispositifs techniques (ingénierie de la culture), mais bien à la situation de communication qui existe à partir du moment où un visiteur va à la rencontre d’une œuvre. En d’autres mots, l’approche communicationnelle diffère des travaux des littéraires, des sémiologues ou des historiens de l’art en ce que l’œuvre n’est pas étudiée ontologiquement sur le plan de ses seules caractéristiques formelles. Plusieurs chercheurs, dont Jean Davallon, Daniel Jacobi, Bernard Schiele et Paul Rasse, ont développé une approche communicationnelle qui a permis d’attribuer le statut de média à l’exposition. Selon Davallon (1999), on peut considérer l’expo-sition comme un média parce qu’elle place des codes sémiotiques en circulation dans l’espace public et propose des relations entre des publics, ces registres sémiotiques et les acteurs de la production. C’est la dimension symbolique des phénomènes de communication – ce que Davallon appelle l’« opérativité symbolique » – qui attire alors l’atten-tion des chercheurs. Le média exposition est un « dispositif résultant d’un agencement de choses dans un espace avec l’intention (constitu-tive) de rendre celles-ci accessibles à des sujets sociaux » (Davallon, 1999, p. 11).

6 | La mUSéoLogie, ChamP de théorieS et de PratiqUeSExtrait de la publication

Page 29: Extrait de la publication · 2018. 4. 13. · La collection Culture et publics réunit des ouvrages originaux sur la culture et ses publics. Plus précisément, elle s’intéresse

Les sciences de l’éducation et les sciences de l’information et de la communication accordent donc une importance similaire à la relation qui s’établit entre le visiteur et l’œuvre. Dans un cas, on s’intéresse davantage à ce qui est retenu lors de la démarche d’apprentissage en contexte d’éducation non formelle et, dans l’autre à l’exposition comme fait médiatique et sémiotique capable de communiquer et de signifier. Ces deux perspectives écartent donc la possibilité d’étudier l’œuvre pour et par elle-même, c’est-à-dire ontologiquement et dans une dyna-mique purement esthétique. Nombre de chercheurs considèrent que, pour ce faire, ils doivent adopter une approche interdisciplinaire.

À ce titre, la muséologie et la communication sont deux domaines pour lesquels certains auteurs revendiquent une légitimité de sciences à part entière alors que d’autres considèrent qu’ils se définissent par leur caractère interdisciplinaire. Loin de voir cette intégration lente et partielle des connaissances comme une lacune, des chercheurs verront l’interdisciplinarité comme une force ou une richesse (Jeanneret et Ollivier, 2004). La spécificité de la muséologie et de la communication dans les recherches sur les musées et leurs publics n’est pas évidente. Les méthodes et savoirs produits dans ces deux champs pourraient-ils être construits dans et à partir d’autres disciplines des sciences humaines et sociales ? Un sociologue, un psychologue, un anthropo-logue réaliseraient-ils des travaux différents de ceux d’un chercheur en muséologie ou en communication ? La réponse semble évidente à toute personne qui œuvre dans ces deux champs, et pourtant la spécificité de ces approches pour l’étude du musée, des publics et des relations entre les publics et ce qui est présenté n’est pas suffisamment affirmée.

L’ouvrage La muséologie, champ de théories et de pratiques se propose d’étudier ces questions. Il se divise en trois parties et présente en un premier temps des analyses à propos du musée, de la muséologie et de l’éducation muséale2.

Dominique Poulot, professeur à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, signe un texte intitulé « Le musée et le patrimoine : une histoire de contextes et d’origines ». Selon une approche qui articule sa réflexion à partir des différents faits historiques, Poulot s’intéresse à la constitution et à la caractérisation de la notion de patrimoine tout en relevant comment, à diverses périodes de l’histoire, le patrimoine a été constitué en relation avec les musées. À cet effet, il suggère : « que le patrimoine était le fruit de reconstructions fondées sur des tris et des choix, d’oublis sélectifs comme de commémorations volontaristes : la situation des musées en fait à cet égard un objet remarquable » (p. 20). Poulot questionne aussi la figure du visiteur qui se construit au fil des définitions et des considérations liées à l’objet que représente le patri-moine. Ainsi, « [l]e musée édifie, en chaque visiteur, le législateur grâce

2. tous les textes publiés dans le présent ouvrage ont été soumis à une évaluation à l’aveugle par un comité éditorial scientifique.

iNtrodUCtioN | 7

Page 30: Extrait de la publication · 2018. 4. 13. · La collection Culture et publics réunit des ouvrages originaux sur la culture et ses publics. Plus précisément, elle s’intéresse

au savoir des origines historiques qu’il peut mobiliser à son bénéfice en face de chaque œuvre » (p. 26). Enfin, il relève que « [l]’une des questions centrales de l’histoire culturelle du patrimoine est alors de savoir comment négocier entre l’Ancien Régime des objets de mémoire et de leurs civilités et les nouveaux partages » (p. 35). C’est ce qu’il nomme en conclusion, la relation sociale des musées aujourd’hui qui engage sur une « structure universelle minimale de la construction des passés » (p. 36).

Jason Luckerhoff, professeur en communication sociale et en études culturelles à l’Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR) signe le texte « Le Musée national des beaux-arts du Québec est-il condamné à séduire ? » et s’intéresse à la tension que vivent les gestionnaires de nombreuses organisations culturelles entre la valorisation par les critères culturels et de marché. Une étude des rapports annuels du Musée national des beaux-arts du Québec (MNBAQ), de 1933 à 2010, lui a permis de mettre au jour comment le tournant communicationnel et commercial a été pris au sein de cet établissement. Il a constaté que dans les changements de la mission du musée, la communication et l’éducation ont pris de plus en plus d’importance au détriment de la conservation et de la recherche. Selon lui, « la tension entre la recherche d’excellence en matière de conception d’expositions et la nécessité d’élargir le public a provoqué une ambivalence quant à l’importance qui doit être accordée à la recherche, à la conservation et à l’acquisition de nouvelles œuvres, d’une part, et à celle qui doit être impartie à l’édu-cation, à l’exposition et aux publics, d’autre part » (p. 73). Les nombreuses réorganisations de l’organigramme ont accordé un statut changeant aux services éducatifs.

Bernard Schiele, professeur au Département de communication de l’Université du Québec à Montréal (UQAM), est chercheur au Centre interuniversitaire de recherche sur la science et la technologie (CIRST). Il propose le chapitre « La muséologie : un domaine de recherches ». Pour lui, le débat sur le statut de la muséologie est indissociable de celui sur la formation en muséologie. Il nous rappelle que les termes muséo-graphie et muséologie sont apparus, respectivement, en 1727 et en 1839. Ils ont cessé d’être utilisés indifféremment lorsque Rivière définit la muséologie comme « la science ayant pour but d’étudier la mission et l’organisation du musée » et la muséographie comme « l’ensemble des techniques en relation avec la muséologie » en 1958 (cité dans Mairesse et Desvallées, 2005). Cette définition initiale sera ensuite enrichie afin, notamment, d’affirmer le caractère scientifique de la muséologie au moment de l’arrivée des formations universitaires au début des années 1970. Or, les musées changent, et la définition de Rivière correspond à l’idée qu’on se faisait d’un musée à cette époque. Schiele considère que les évidences du champ muséal sont transposées

8 | La mUSéoLogie, ChamP de théorieS et de PratiqUeSExtrait de la publication

Page 31: Extrait de la publication · 2018. 4. 13. · La collection Culture et publics réunit des ouvrages originaux sur la culture et ses publics. Plus précisément, elle s’intéresse

dans la théorie en muséologie, rendant les définitions intuitives ou réflexives. La muséologie, les museum studies ou les études muséales se sont généralisées, mais les définitions sont restées, selon lui, confuses et les appellations multiples.

Directrice du Groupe de recherche sur l’éducation et les musées (GREM) de l’UQAM, Anik Meunier est professeure en sciences de l’édu-cation et en muséologie à l’Université du Québec à Montréal (UQAM). Elle a organisé le colloque de l’Acfas L’avenir de la muséologie et dirige ce collectif. Dans son chapitre, « L’éducation muséale : fragment d’une muséologie inachevée ? », Meunier fait référence à un débat, qui n’est pas propre à la muséologie, qui est de déterminer si le champ ou le paradigme au sein duquel des chercheurs œuvrent peut être considéré comme une science, une discipline, une interdiscipline, un champ disciplinaire ou une perspective. Ce débat n’est évidemment pas sans rappeler celui qui a cours au sein des sciences de l’information et de la communication. La communication comme le musée peuvent être réduits à l’état d’objet d’étude appréhendé par de nombreuses disci-plines comme la sociologie, la psychologie et l’administration. Mais il y a bien une spécificité dans le regard que portent les chercheurs qui ont institutionnalisé la muséologie et les sciences de l’information et de la communication. Meunier se demande par conséquent si l’éducation muséale est une science déjà constituée. De plus, elle considère que la muséologie produit des connaissances à propos du musée comme phénomène social (et non pas seulement comme objet d’étude), comme dispositif de communication et comme lieu d’éducation non formelle.

Michel Allard, professeur associé au Département d’éducation et pédagogie à l’Université du Québec à Montréal (UQAM) et fondateur du Groupe de recherche sur l’éducation et les musées (GREM), propose un texte intitulé « Le parcours et les perspectives du champ et de la recherche en éducation muséale ». Selon lui, le rôle des musées au sein de la société est mouvant. Les musées seraient passés du patrimoine d’hier et de la conservation, au patrimoine d’aujourd’hui et à la rela-tion avec le visiteur, en s’engageant, notamment, politiquement dans des débats. Les musées multidisciplinaires sont de bons exemples de cette « nouvelle » identité muséale. Allard affirme même que puisque le musée s’inscrit dans le champ des industries culturelles, il devient ainsi un agent de développement économique. L’espace qui était aupa-ravant dédié aux bibliothèques et aux réserves est dorénavant partagé avec les boutiques, les restaurants et les aires de repos. Allard invite aussi les institutions muséales à prendre en compte l’éducation muséale dès le début de la conception de l’exposition. Il s’agit, pour lui, d’une forme d’engagement envers le visiteur qui se trouve, de plus en plus, au centre des préoccupations et des finalités des actions des musées et des intentions de médiation poursuivies par les profes sionnels de la muséologie.

iNtrodUCtioN | 9

Page 32: Extrait de la publication · 2018. 4. 13. · La collection Culture et publics réunit des ouvrages originaux sur la culture et ses publics. Plus précisément, elle s’intéresse

La deuxième partie cerne certaines des transformations des musées et en trace les incidences quant aux formations en muséologie.

Daniel Jacobi, professeur au Centre Norbert-Elias, UMR CNRS 3865, Équipe Culture et communication, à l’Université d’Avignon et des pays de vaucluse, signe un chapitre intitulé « La muséologie et les transfor-mations des musées ». Il aborde en première partie de son texte des thèmes tels le tournant communicationnel des musées et la naissance de la muséologie universitaire française dans laquelle il traite les questions suivantes : le musée comme institution d’éducation non formelle ; l’exposition comme dispositif de monstration et de commu-nication ; l’exposition temporaire considérée comme un média qui transforme l’institution. En deuxième partie de son texte, Jacobi soulève la crise de croissance des institutions patrimoniales et muséo-graphiques et suggère qu’elle propulse les médiations au centre de l’analyse. Il propose comme outils de réflexion et concepts d’analyse les notions suivantes : l’ingénierie culturelle, l’évaluation des connais-sances, la médiation, les dispositifs et les médiateurs. Dans la troi-sième partie de ce chapitre, Jacobi s’intéresse à une analyse du musée lui-même en proposant la fin du paradigme de l’exposition temporaire « Comme si on avait épuisé tout son potentiel d’innovation et d’entraî-nement » (p. 149). Il soulève alors un ensemble de questions : « Que sera la muséologie dans ce nouveau contexte ? Et quelles voies pour les formations universitaires ? » (p. 149).

Élise Dubuc, professeure au Département d’histoire de l’art et d’études cinématographiques de l’Université de Montréal, affirme avec son texte « Les mutations muséales : pour une compréhension élargie de la fonc-tion des musées » que l’adéquation de l’institution muséale à la société est aujourd’hui fortement remise en cause. Elle aborde cette question en s’intéressant à la professionnalisation des musées et l’autonomisation des programmes d’enseignement. Puis, elle avance que la définition de la formation en muséologie est déterminée par huit fonctions ou méta-fonctions des musées qui s’articulent autour de dynamiques qui leur sont propres. Il s’agit des fonctions : conservatoire, culturelle, sociale, écono-mique, scientifique, politique, éducative et symbolique. Enfin, Dubuc conclut sur ceci : « Les huit métafonctions que j’ai présentées ici sont une proposition qui va en ce sens. L’apport critique des autres disciplines a permis de faire avancer nos connaissances, de mieux comprendre cette institution si multiple. Mieux vaut englober cette complexité que de la mésestimer. L’impact de cette nouvelle compréhension sur le monde de l’enseignement pousse à la réflexion. Le champ est aujourd’hui si large que l’on peine à pouvoir l’englober en un seul programme » (p. 162). La réflexion demeure donc ouverte.

Marie-Émilie Ricker, professeure en histoire de l’art à l’Université catho-lique de Louvain (UCL), explique qu’il n’existe pas de formation spéci-fique en muséologie ni en médiation muséale en Belgique francophone.

10 | La mUSéoLogie, ChamP de théorieS et de PratiqUeS

Page 33: Extrait de la publication · 2018. 4. 13. · La collection Culture et publics réunit des ouvrages originaux sur la culture et ses publics. Plus précisément, elle s’intéresse

Elle revient sur l’opposition théorie/pratique en montrant l’importance des rencontres avec des professionnels du milieu et des visites des musées dans une formation théorique. Toutefois, assez rapidement, l’opposition théorie/pratique peut être réfutée puisque la théorie résulte d’une étude approfondie de la pratique et émerge du terrain. Elle nous rappelle l’importance du souci constant de la synergie entre la forma-tion théorique et la formation pratique. La notion de médiation muséale, qui a pris beaucoup d’importance dans la francophonie, est mobilisée tant par les professionnels que par les chercheurs. Sa définition recoupe partiellement celle d’interprétation, mais sa spécificité vis-à-vis de la notion de guidance n’est pas toujours systématiquement établie. Selon Ricker, « [l]es médiateurs sont des spécialistes chargés de la relation entre toutes les formes d’art, de culture, de patrimoine et les popula-tions. Leur rôle consiste à susciter une satisfaction (si ce n’est du plaisir) et à inciter le visiteur à s’approprier des outils de lecture de l’œuvre d’art, tout en ouvrant à la découverte et à l’envie de connaître davan-tage » (p. 172-173).

La troisième partie aborde des recherches et des études de cas conduites dans les musées et à propos de sites patrimoniaux.

Marie-Claude Larouche, professeure en sciences de l’éducation à l’Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR), signe quant à elle, avec deux coauteurs, hugues Boily et Nicole vallières, le texte « Réel versus virtuel : enjeux et perspectives liés à l’utilisation de technologies mobiles au sein d’un musée d’histoire ». Une évaluation formative d’un proto-type de technologies mobiles a été conduite par son équipe et lui permet d’affirmer que l’utilisation des technologies interagissant avec le Web et d’autres ondes radio est plus adéquate en contexte de visite au sein d’un musée que ne l’est la technologie téléchargeable. Consi dérant le fait que le musée est un lieu de sociabilité, Larouche et al. rappellent l’importance de prendre en compte le contexte social de la visite. Les visiteurs, en effet, utilisent les technologies afin de s’orienter, de suivre un parcours, d’être guidés, de localiser des objets, d’avoir accès à du contenu et à des modes d’emploi, par exemple. Selon Larouche et al., certaines précisions doivent toutefois être apportées à l’utilisation des technologies en salle d’exposition. De ce fait, les auteurs suggèrent que l’approche documentaire se différencie de l’approche ludique en ce que la première propose des contenus multimédias en lien avec la théma-tique de l’exposition alors que la deuxième propose d’interagir avec l’environnement mis en valeur par l’entremise d’un jeu. voilà une avenue riche en questionnements.

Marie-Blanche Fourcade, professeure associée au Département de l’histoire de l’art de l’Université du Québec à Montréal (UQAM), par son texte « Entre mobilité et virtualité : enjeux et défis d’un cybermusée de la diaspora arménienne au Québec », considère que la mobilité et la virtualité repoussent de manière radicale les limites de la forme, de la

iNtrodUCtioN | 11Extrait de la publication

Page 34: Extrait de la publication · 2018. 4. 13. · La collection Culture et publics réunit des ouvrages originaux sur la culture et ses publics. Plus précisément, elle s’intéresse

fonction et du sens muséal. Le musée virtuel serait apparu dans les années 1990 à titre de vitrine publicitaire des musées traditionnels. Les musées « nés numériques » se seraient affranchis des musées tradition-nels en constituant des collections virtuelles, composées par exemple d’images numériques et de divers documents sonores et textuels. Un peu plus tard, certains cybermusées vont proposer une nouvelle défini-tion du musée mettant l’accent sur la diffusion et la gestion du savoir. En ce sens, le développement de ces formes virtuelles de musées appelle à la redéfinition du musée sous sa forme actuelle. À cet égard, Fourcade ne considère pas que le musée virtuel ou le cybermusée sont l’avenir de la muséologie. Elle a plutôt l’intuition que le musée en ligne, en tant qu’outil, aidera l’institution muséale à se réinventer : « Le cybermusée remplit conséquemment son rôle à titre de médiateur en se faisant l’outil d’une action de sensibilisation qui, à la manière de poupées gigognes, s’infiltre au plus près des individus par l’entremise des communautés, des groupes d’intérêt et des familles pour qu’un réflexe de conservation puisse se mettre en place » (p. 228).

virginie Soulier, doctorante au programme international en muséo-logie, médiation et patrimoine à l’Université du Québec à Montréal (UQAM) et à l’Université d’Avignon et des pays de vaucluse (UAPv), dans son texte intitulé « Les collaborations en contexte muséal : le “discours d’exposition polyphonique” et ses faces cachées », s’intéresse à la mise en valeur par les musées des objets ethnologiques créés par ou appartenant à d’autres cultures dans un contexte d’amplification de la diversité culturelle. Selon elle, les professionnels de la muséologie considèrent que lorsqu’on prend en compte les points de vue des peuples à l’origine des collections ethnologiques s’ensuivent de meilleures expositions et une appropriation différenciée du patrimoine autochtone. Soulier a conduit des observations de terrain et une série d’entretiens avec des professionnels de musées canadiens qui l’amènent à considérer qu’il serait pertinent de réaliser des observations plus pous-sées afin de déterminer si ce qui est prétendu dans et par le discours des professionnels s’avère dans l’appropriation de l’exposition par les visiteurs. « Ce sont par contre les interactions des différents êtres de discours qui se nouent dans le dispositif expositionnel et qui produisent du sens et des valeurs qui sont à analyser. Il demeure à savoir comment les visiteurs, tant autochtones qu’allochtones, s’approprient ce type d’exposition et quelle reconnaissance du patrimoine ethnologique en émerge » (p. 247).

Audrey Quintane, doctorante en cotutelle au sein du programme de sciences humaines appliquées (ShA) de l’Université de Montréal et du Département de sociologie de l’Université de Perpignan, signe le texte « La place de la mémoire dans la patrimonialisation de l’ancienne dynamiterie Nobel à Paulilles » à propos du rôle des acteurs sociaux dans la constitution et la transmission de la mémoire collective dans la

12 | La mUSéoLogie, ChamP de théorieS et de PratiqUeS

Page 35: Extrait de la publication · 2018. 4. 13. · La collection Culture et publics réunit des ouvrages originaux sur la culture et ses publics. Plus précisément, elle s’intéresse

démarche de patrimonialisation d’un site industriel. Le texte relate les diverses étapes de reconnaissance du site, dorénavant « classé », de l’ancienne usine de dynamiterie Nobel implantée à Paulilles dans le sud de la France. La problématique du patrimoine industriel y est traitée tant du point de vue des citoyens que des promoteurs ou des décideurs politiques. Les différents acteurs sont invités à se pencher sur l’histoire de l’industrie afin d’en révéler les spécificités et de faire ressurgir certaines des pratiques sociales qui l’ont façonnée. Cet article présente dans un premier temps, un bref survol de l’historique de l’usine de dynamite. Dans un deuxième temps, il questionne l’impact des acteurs sociaux dans le processus de mise en valeur du patrimoine et de la mémoire. Puis, il interroge le phénomène de l’émergence de la mémoire dans le processus de patrimonialisation, propre au site de Paulilles, selon une perspective sociologique.

Les fonctions de diffusion, de communication et d’éducation propres aux équipements patrimoniaux et muséographiques rejoignent ce qui avait été esquissé il y a plus d’une trentaine d’années. Mais, elles tendent à se définir et à se manifester plus clairement. Si l’école demeure toujours le lieu déterminant de transmission des acquis de la société, la vocation éducationnelle des musées est de plus en plus mani-feste. La composante communicationnelle et éducationnelle de la muséologie n’est-elle pas en train de s’affirmer et surtout d’accéder à une véritable reconnaissance sociale ?

Si, dans une société moderne, il existe d’autres sources de diffusion et d’acculturation des contenus scientifiques que les établissements scolaires, on reconnaît aussi depuis quelques années une autre manière de penser l’éducation. Les nombreuses réformes éducatives qui se sont récemment généralisées dans les pays occidentaux accordent une atten-tion idiopathique à la dimension sociale des apprentissages. Les para-digmes et les approches pour penser l’éducation formelle se sont structurés, à tort ou à raison, autour du socioconstructivisme. Par exemple, la coopération entre les élèves représente une activité d’appren tissage qui aspire à une intégration et à une socialisation dans, mais aussi en dehors des écoles. On s’appuie de plus en plus sur l’instruction par des méthodes renouvelées dites actives qui ne sont pourtant ni nouvelles ni récentes puisqu’elles apparaissent dès les années trente sous le courant pédagogique de l’école nouvelle. Ces quelques éléments rapidement esquissés ont induit des transformations au sein des milieux d’éduca-tion formelle et reconnaissent progressivement une valeur pédagogique aux institutions situées en dehors de l’école. Celles-ci sont susceptibles d’intéresser un plus grand nombre et de stimuler l’intégration sociale. En effet, les établissements extrascolaires et les équipements culturels comme les centres de sciences, les maisons de la culture, les musées et

iNtrodUCtioN | 13

Page 36: Extrait de la publication · 2018. 4. 13. · La collection Culture et publics réunit des ouvrages originaux sur la culture et ses publics. Plus précisément, elle s’intéresse

les expositions sont autant de lieux, de contextes et d’occasions d’apprendre. Les frontières entre l’éducation formelle et non formelle sont donc dorénavant de moins en moins définitives.

Un concept qui connaît un certain regain d’intérêt, le lifelong learn - ing – ou l’apprentissage tout au long de la vie, traduction généralement acceptée de ce terme anglo-saxon (en France dans les années 1970 éducation permanente) –, mérite d’être rappelé. Il a été utilisé dans les années soixante, notamment par l’UNESCO à propos de l’éducation des adultes. La notion de lifelong learning converge avec l’opposition éducation formelle et éducation non formelle. En effet, cette manière d’appréhender le savoir ne délimite plus, ni dans le temps ni dans l’espace, les apprentissages d’un individu au cours de sa vie. C’est ce que démontre John Falk (2002) qui propose une nouvelle interpréta-tion du processus d’apprentissage en contexte d’éducation non formelle en s’intéressant à la dynamique communicationnelle et éducationnelle des musées et des expositions.

Peut-on considérer que les formes émergentes de médiation des savoirs et le devenir des fonctions d’éducation et de diffusion propres aux musées sont déjà stabilisées et même institutionnalisées ? Les formes de transmission du savoir et les modalités de ses médiations sont-elles spécifiques et originales ? Les problématiques des publics deviennent de plus en plus complexes lorsqu’on tente de définir les contextes communicationnels et éducationnels dans lequel s’inscrivent les pratiques des visiteurs et des apprenants. Où en sont aujourd’hui la médiation et l’éducation muséale ? Certes, ils demeurent des champs d’investigation, sinon à problématiser, en tout cas dans lesquels les pratiques et les diverses connaissances produites gagneraient à être formalisées. Le travail développé par la médiation construit des disposi-tifs de plus en plus sophistiqués et qui, pour certains au moins, proposent une diversification des situations et des conduites d’apprentissage. C’est en cela, à la croisée de l’éducation et de la communication, que les acteurs continuent d’innover et que les chercheurs au cœur de l’inno-vation sociale s’efforcent de produire de la connaissance.

14 | La mUSéoLogie, ChamP de théorieS et de PratiqUeS

Page 37: Extrait de la publication · 2018. 4. 13. · La collection Culture et publics réunit des ouvrages originaux sur la culture et ses publics. Plus précisément, elle s’intéresse

réFérences ALLARD, M. et S. BOUChER (1998). Éduquer au musée, Montréal, Éditions hMh.

ALLARD, M., M.-C. LAROUChE, B. LEFEBvRE, A. MEUNIER et G. vADEBONCœUR (1995). « La visite au musée », Réseau, vol. 27, no 4, p. 14-19.

DAvALLON, J. (1999). L’exposition à l’œuvre : Stratégies de communication et de médiation symbolique, Paris, L’harmattan.

FALk, J. (2002). Lessons Without Limits. How Free-choice Learning is Transforming Education, Walnut Creek, AltaMira Press.

hEIMLICh, J.E., J. DIEM ET E. FARRELL (1996). « Adult learning in non-formal institutions », Eric Digest, vol. 173, <http://www.ed.gov.databases/ERIC_Digests /ed399412.html>.

JACOBI, D. (2001). « Les formes de l’intervention éducative dans les expositions et ses conséquences sur la formation des personnels des musées », dans M. Allard et B. Lefebvre (dir.), La formation en muséologie et en éducation muséale à travers le monde, Québec, MultiMondes, p. 125-136.

JACOBI, D. et B. SChIELE (1991). « La vulgarisation scientifique et l’éducation non formelle », Revue française de pédagogie, no 91, p. 81-111.

JEANNERET, Y. et B. OLLIvIER (2004a). « Introduction. L’invention problématique d’un champ », Hermès, no 38, p. 27-29.

JEANNERET, Y. et B. OLLIvIER (2004b). « Introduction. Faire des Sic : praxis, méthodes, pratiques », Hermès, no 38, p. 130-132.

JEANNERET, Y. et B. OLLIvIER (2004c). « Introduction. Champ scientifique et enjeux sociaux », Hermès, no 38, p. 172-174.

MERLEAU-PONTY, M. (1994). La phénoménologie de la perception, Paris, Grasset.

MEUNIER, A. (2008). « L’éducation muséale, d’une pratique professionnelle à la constitution d’un champ de recherche », dans A. Landry et A. Meunier (dir.), La recherche en éducation muséale : actions et perspectives, Québec, MultiMondes, p. 1-13.

iNtrodUCtioN | 15

Page 38: Extrait de la publication · 2018. 4. 13. · La collection Culture et publics réunit des ouvrages originaux sur la culture et ses publics. Plus précisément, elle s’intéresse
Page 39: Extrait de la publication · 2018. 4. 13. · La collection Culture et publics réunit des ouvrages originaux sur la culture et ses publics. Plus précisément, elle s’intéresse

Extrait de la publication