Extrait de la publication...5 converties à l ’ islam Parcours de femmes au Québec et en France Les Presses de l’Université de Montréal Géraldine Mossière Femmes et Islam.indd

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La conversion de femmes occidentales à l’islam est un phénomène

intrigant, même s’il reste relativement marginal. Le peu que nous

en connaissons est déformé par les préjugés et l’incompréhen-

sion. Mais qu’en est-il en réalité ?

L’anthropologue Géraldine Mossière, qui s’intéresse aux com-

portements religieux actuels et à ce qu’ils révèlent des sociétés

modernes, a tenté de percer le mystère de Québécoises et de

Françaises converties qui se sont confiées à elle au cours d’une

enquête passionnante.

Dans cet ouvrage, elle invite le lecteur à découvrir les trajec-

toires personnelles et singulières de femmes converties, mais

aussi à mieux comprendre la démarche de l’ethnographe dans cet

univers exclusivement féminin.

Géraldine Mossière est anthropologue et professeure adjointe à la Faculté

de théologie et de sciences des religions de l’Université de Montréal.

isbn 978-2-7606-3186-134,95 $ • 31 e Photo : © lubilub/iStockphoto.com

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Converties à l’islamParcours de femmes au Québec et en France

Converties à l’islam Parcours de femmes au Québec et en France

Les Presses de l’Université de Montréal

Gér a ldine Mossière

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Extrait de la publication

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converties à l’islam



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converties à l’islamParcours de femmes au Québec et en France


Géraldine Mossière



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Catalogage avant publication de Bibliothèque et Archives nationales du Québec et Bibliothèque et Archives Canada

Mossière, Géraldine, 1975-Des femmes converties à l’islam en France et au Québec : religiosités d’un nouveau genrePrésenté à l’origine par l’auteur comme thèse (de doctorat – Université de Montréal), 2009.Comprend des réf. bibliogr. et un index.ISBN 978-2-7606-3186-11. Chrétiens convertis à l’islam - France. 2. Chrétiens convertis à l’islam - Québec (Province).

3. Musulmanes - France. 4. Musulmanes - Québec (Province). 5. Conversion - Islam. 6. Religiosité. I. Titre.BP170.5.A1M67 2013 297.5’74082 C2013-940343-4

ISBN (papier) : 978-2-7606- 3186-1ISBN (pdf) : 978-2-7606- 3187-8ISBN (epub) : 978-2-7606- 3188-5

Dépôt légal : 3e trimestre 2013Bibliothèque et Archives nationales du Québec© Les Presses de l’Université de Montréal, 2013

Les Presses de l’Université de Montréal reconnaissent l’aide financière du gouvernement du Canada par l’entremise du Fonds du livre du Canada pour leurs activités d’édition. Les Presses de l’Université de Montréal remercient de leur soutien financier le Conseil des arts du Canada et la Société de développement des entreprises culturelles du Québec (SODEC).

Imprimé au Canada

Cet ouvrage a été publié grâce à une subvention de la Fédération des sciences humaines de concert avec le Prix d’auteurs pour l’édition savante, dont les fonds proviennent du Conseil de recherches en sciences humaines du Canada.



À Victor, mon grand rayon de soleil qui me transmet joie, espoir et un brin de conscience…




L’Orient fournit aux penseurs un regard nouveau et critique sur l’Occident : Montesquieu choisit la satire dans

Les Lettres persanes (1721), Diderot dissèque sans complaisance la civilisation européenne au miroir de l’Orient,

Voltaire opte pour le conte moral avec Zaïre (1731) et Candide (1759). Il compose même une tragédie intitulée Mahomet.

Jack Goody





avant-propos

Une « ethnographie rapprochée » de la conversion à l’islam

Les événements du 11 septembre 2001 semblaient avoir reconfiguré la bipolarité du monde autour d’une nouvelle dichotomie islam – Occident, validant ainsi les prédictions manichéennes de Huntington. Pourtant, sur le terrain, l’augmentation des conversions à l’islam suggérait la présence de dynamiques moins binaires…

Marie-Ève est une jeune Québécoise de trente ans, originaire d’une petite ville de région. Elle a été éduquée dans la foi catholique, mais depuis quelques années elle s’est engagée dans l’islam dont elle respecte scrupu-leusement toutes les prescriptions et pratiques sociales et religieuses. Au moment de notre rencontre en 2005, elle vivait chez ses parents qui sem-blaient avoir accepté sa nouvelle identité religieuse même si sa mère ris-quait de temps à autre quelques commentaires : « Pourquoi dans l’islam, les hommes et les femmes prient-ils séparément ? Ne peuvent-ils pas prier en famille ? » C’est pourtant auprès de la famille de son fiancé d’origine tunisienne que sa religiosité engendre, ironiquement, le plus de tensions… Hassan est issu d’une famille tunisienne à la fois traditionnelle et sécula-risée. Aucun des membres de la famille ne pratique l’islam même si les valeurs et pratiques familiales sont fortement imprégnées de cette culture. Par exemple, les hommes refusent que leurs femmes reçoivent seules un homme dans l’espace privé, fût-il un proche ami de la famille. J’ai




rencontré Marie-Ève par l’entremise de Hassan, son fiancé, qui est aussi parent de mon compagnon. Dès notre première rencontre, elle m’avait impressionnée par la délicatesse de son geste, doux et retenu, l’élégance de sa toilette, le raffinement des tissus choisis pour couvrir son corps et ses cheveux, sa démarche mesurée et altière à la fois, une féminité assumée. Pour la jeune femme imprégnée à la fois de culture laïque et d’éducation catholique que j’étais, Marie-Ève incarnait l’étrangeté d’une vie intérieure pieuse et mystérieuse. C’est le jour de sa présentation aux parents de son fiancé que j’ai fait sa connaissance, la scène à laquelle j’assis-tais était pour le moins inattendue.

Le déjeuner a lieu chez nous, parmi les convives, les parents de mon compagnon et la mère du fiancé de Marie-Ève, Marie-Ève et moi-même. Marie-Ève se présente en compagnie de son fiancé, elle arbore un foulard de couleur lilas, assorti à sa robe longue avec manches trois-quarts. Son arrivée provoque immédiatement un malaise palpable. Hassan avait préféré, en effet, ne pas avertir ses parents que Marie-Ève portait le voile. Surpris, ces derniers se montrent très froids, voire désagréables envers la jeune femme, ne lui adressant que très peu la parole, ne la regardant même pas. Mon propre compagnon est relativement distant et, sans mot dire, lui porte des regards critiques. Il ne manque d’ailleurs pas de prendre son cousin à part pour lui adresser de sévères reproches : « Es-tu fou ? Pourquoi t’as choisi une fanatique ? » Par la suite, il m’explique que c’est précisément ce type de comportement de « fanatiques » qui contribue à construire une vision erronée de l’islam et, par ricochet, à stigmatiser les musulmans. Quelques mois plus tard, j’apprends que, lors d’une visite de Marie-Ève et de Hassan en Tunisie, la mère de ce dernier a tenté de dissuader Marie-Ève de porter le foulard, en recourant aux stratégies les plus diverses et créatives, comme invoquer des raisons de sécurité, ou l’em-mener chez le coiffeur… Interloquée, je cherche à m’entretenir avec Marie-Ève qui m’expose sa démarche selon une vision tout autre, celle d’une profonde piété qui, d’abord manifestée dans la religion catholique, transmise par ses parents, trouve aujourd’hui dans l’islam des outils d’expression plus adaptés à ses aspirations : « Quand j’étais plus jeune, j’étais tellement pratiquante que j’ai voulu être religieuse, mais je voulais me marier, ça n’allait pas ensemble. Les religieuses portaient d’ailleurs aussi un foulard, elles étaient pudiques dans leur habillement. Alors c’est comme si je suis une religieuse mais, en plus, je peux me marier. […] Le


U n e « eth nogr a phie r a pprochée » de l a con v ersion à l’isl a m 13

foulard, c’est une soumission à Dieu, il me le demande et c’est pour lui que je le fais, je ne le ferais jamais si un homme me le demandait. »

C’est à la découverte des trajectoires personnelles et singulières de femmes converties à l’islam, mais aussi de la démarche de l’ethnographe dans cet univers exclusivement féminin que j’invite le lecteur. Comment comprendre en effet le décalage perçu entre la signification subjective et individuelle attribuée au processus de conversion, d’une part, et la lourde charge politique et sociale que porte un tel mouvement vers l’islam, d’autre part ? Des citations rapportées, tendances observées et analyses proposées transpire ma propre expérience d’une enquête de terrain, menée durant deux ans auprès de femmes, à la fois sujets de piété et sujettes aux affres de la contemporanéité. C’est leur monde clos, et pourtant profondément imprégné des enjeux éthiques de leur temps, que cette étude tente de péné-trer, afin de saisir un phénomène de toute évidence socialement signifiant, autant par les stigmates qu’il porte que par le portrait de la contemporanéité qu’il révèle. Avec leur consentement, j’ai voulu dévoiler les parcours de ces converties, leur quête de reconstruction d’elles-mêmes, mais aussi leur expérience de femme, épouse, mère, Française ou Québécoise, ainsi que le sens qu’elles leur attribuent. En comparant ces parcours dans des environ-nements qui se distinguent par leurs structures sociales, leur gestion du religieux et le statut attribué à la femme, cette étude prend le parti de situer le geste de conversion dans son historicité, lui reconnaissant ainsi une portée identitaire tant individuelle que collective. Ainsi, la démarche réflexive des converties à l’islam porte à la réflexion.

Si les mouvements vers l’islam ont toujours existé, ils affichent actuel-lement une nette croissance, tout en restant relativement marginaux. En attestent certains indicateurs informels : afflux d’Occidentaux dans les mosquées, augmentation du nombre d’inscriptions aux cours d’arabe, croissance des ventes du Qu’ran en librairie. Ces mouvements de conversion s’inscrivent dans un contexte plus global d’individualisation du religieux, de marginalisation des institutions religieuses tradition-nelles, et d’accroissement des possibilités de bricolage individuel. Ils participent donc du nouvel élan religieux que connaissent les sociétés contemporaines, et traduisent les formes de mobilité inédites, hybrides et innovatrices que prennent les religiosités actuelles. De fait, les institu-tions sociales qui, jusqu’ici, assuraient la continuité des identités perdent de leur autorité au profit des nouvelles ressources religieuses, culturelles



et symboliques qui circulent sur la scène globale. Symptômes d’une « crise de la transmission » (Hervieu-Léger, 1999), de telles innovations répondent à une logique moderne qui conduit l’homme à revisiter son individualité en l’orientant vers des formes de sociabilité choisies de façon volontaire et spontanée, en fonction d’affinités subjectives et d’expériences vécues. Figure archétypique de ce moment religieux contemporain, le converti adhère à un dogme ou à une éthique de vie qui ne lui a pas été transmis par son groupe social, et dont il adopte les croyances, comportements religieux, et rituels quotidiens. De ce changement de religion découle une réorganisation aussi graduelle que complète du comportement social et réflexif de l’acteur religieux. En ce sens, certains auteurs n’hésitent pas à parler de transformation du soi (Ullman, 1989). Dans les pays occidentaux, on observe un nouvel engouement pour les religions qualifiées d’exotiques, par exemple pour l’islam. L’attrait pour l’islam soufi en particulier s’expli-querait, entre autres raisons, par la quête d’exotisme d’une partie de la population qui se dit indisposée par le matérialisme des sociétés sécula-risées. Pour d’autres, le succès de l’islam repose sur sa logique et sa scien-tificité convaincantes, la rationalité du Qu’ran et l’accès direct à Dieu promettant un cheminement clair et rassurant.

Il est relativement aisé de se convertir à l’islam : prononcer l’acte de foi (shahada) suffit pour devenir musulman. La présence de témoins n’est pas même obligatoire puisque le certificat de conversion n’est pas néces-saire pour les femmes qui s’unissent avec un partenaire né dans l’islam, l’inverse n’étant pas vrai pour les hommes. Recenser le nombre de nou-veaux musulmans s’avère par conséquent un exercice ardu, d’autant plus que, le concept de conversion n’existant pas dans l’islam, la définition même du converti est sujette à débat. Une femme qui prononce la shahada dans le but d’épouser un musulman est-elle considérée comme convertie ? L’enfant d’une union mixte entre deux partenaires, chrétien et musulman, qui choisit l’islam est-il un converti ? S’il est impossible de départager les motifs de conversion liés à une union mixte de ceux participant d’une trajectoire religieuse, justifier une telle distinction sans y reconnaître une quelconque dimension arbitraire m’apparaît encore plus complexe. Ici, j’adopte une définition large du phénomène de conversion, qui inclut tout mouvement d’adhésion à l’islam quels qu’en soient les motifs, intentions, ou antécédents, sans ignorer toutefois les dynamiques historiques, sociales et politiques, sous-jacentes au processus.



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bibliogr a phie 259

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Table des matières

Avant-propos Une « ethnographie rapprochée » de la conversion à l’islam 11

1. La conversion à l’islam : anthropologie d’un champ miné 35

2. Des récits de conversion : dits et non-dits 65

3. Des trajectoires d’entrée dans l’islam : herméneutique du soi et sujet de piété 97

4. La femme convertie à l’islam : l’archétype du sujet musulman féministe 125

5. Entre soi et société, entre foi et communauté 159

6. Reconnue par l’autre et respectée chez soi 191

7. L’islam et les identités de la marge 227

Bibliographie 253

Annexe 261


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Con

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ièr

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La conversion de femmes occidentales à l’islam est un phénomène

intrigant, même s’il reste relativement marginal. Le peu que nous

en connaissons est déformé par les préjugés et l’incompréhen-

sion. Mais qu’en est-il en réalité ?

L’anthropologue Géraldine Mossière, qui s’intéresse aux com-

portements religieux actuels et à ce qu’ils révèlent des sociétés

modernes, a tenté de percer le mystère de Québécoises et de

Françaises converties qui se sont confiées à elle au cours d’une

enquête passionnante.

Dans cet ouvrage, elle invite le lecteur à découvrir les trajec-

toires personnelles et singulières de femmes converties, mais

aussi à mieux comprendre la démarche de l’ethnographe dans cet

univers exclusivement féminin.

Géraldine Mossière est anthropologue et professeure adjointe à la Faculté

de théologie et de sciences des religions de l’Université de Montréal.

isbn 978-2-7606-3186-134,95 $ • 31 e Photo : © lubilub/iStockphoto.com

Disponible en version numériquewww.pum.umontreal.ca

Converties à l’islamParcours de femmes au Québec et en France

Converties à l’islam Parcours de femmes au Québec et en France


Gér a ldine Mossière

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