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UNIVERSITÉ LUMIERE LYON 2 Institut d'Etudes Politiques de Lyon Les Petites et Moyennes Entreprises face à leur responsabilité sociétale Mémoire de fin d’études présenté par Caroline FAUCONNET Séminaire « Entreprise et société » Sous la direction de Bernard BAUDRY Mémoire soutenu le 5 septembre 2007 Jury: Bernard BAUDRY et Christian MERCIER

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UNIVERSITÉ LUMIERE LYON 2Institut d'Etudes Politiques de Lyon

Les Petites et Moyennes Entreprises face àleur responsabilité sociétale

Mémoire de fin d’études présenté par Caroline FAUCONNETSéminaire « Entreprise et société »

Sous la direction de Bernard BAUDRYMémoire soutenu le 5 septembre 2007

Jury: Bernard BAUDRY et Christian MERCIER

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Table des matièresIntroduction . . 5Premiere partie : adopter une demarche de RSE ou comment repondre aux nouvellesattentes des partenaires de la PME . . 9

A. Les donneurs d’ordre privés : l’effet d’entraînement . . 91 Les grandes entreprises converties à la RSE . . 92. Le déferlement de la Responsabilité Sociétale sur la chaîne de valeur . . 113. L’accompagnement des PME par les donneurs d’ordre dans leur démarche deResponsabilité Sociétale . . 15

B . Les pressions exercees par les pouvoirs publics . . 161. Donneurs d’ordre publics et achat éco- responsable . . 162. La campagne Procura+ de l’Union Européenne . . 193. Entre contraintes légales et aides publiques . . 20

C. La pression des banques et assurances . . 211. Le secteur financier et le développement durable . . 212. Exemple de financement environnemental : Prevair . . 243. Des offres assurantielles liées aux engagements des PME en matière de RSE . . 26

Deuxieme partie : des benefices lies à la demarche de RSE pour les PME . . 28A. Etat des lieux de l’integration de la rse dans le management des PME . . 28

1. Les pratiques des PME sur le plan environnemental . . 282. Les pratiques des PME sur le plan sociétal . . 313. Les pratiques des PME sur le plan social . . 33

B. Des benefices identiques a ceux identifies par les tres grandes entreprises ? . . 341. La RSE : un enjeu stratégique pour les PME . . 352. Un enjeu économique pour les PME . . 373. Un enjeu de ressources humaines pour les PME . . 38

C. Etudes de cas . . 401. Procédure suivie pour les entretiens . . 402. Témoignage d’une entreprise « responsable » creusoise . . 413. Témoignage d’une entreprise auvergnate . . 43

Troisieme partie : des obstacles importants a l’adoption de la RSE par les PME . . 46A. Des difficultes liees a la specificite des PME . . 46

1. Des ressources difficiles à mobiliser pour les PME . . 472. Une organisation spécifique peu propice à une démarche de RSE . . 49

B. Des difficultes liees a la notation /evaluation de la rse dans les PME . . 511. Présentation des quelques outils d’évaluation disponibles pour les PMEfrançaises . . 522. Des outils encore peu expérimentés et imparfaits . . 55

C. Un probleme de definition de la RSE qui rend la reconnaissance des actions des PMEdifficile . . 59

conclusion . . 62Bibliographie . . 64

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Ouvrages : . . 64Périodiques : . . 64Articles de périodiques : . . 64Sites Internet de référence pour la RSE et les PME . . 65Articles électroniques . . 65Dossiers/Rapports électroniques (pdf) . . 66Comptes-rendus électroniques de colloques/séminaires . . 67Liste des sigles . . 68

Annexes . . 69Résumé . . 70

Mots-clefs . . 70

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Introduction

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Introduction

En ce début de XXIème siècle, les acteurs de la société civile sont de plus enplus conscients des problèmes auxquels notre planète est confrontée. L’épuisementprévisible des ressources en énergie, les effets des changements climatiques, l’extinctiondes espèces, la pauvreté, les migrations et tous les déséquilibres provoqués par lamondialisation ont conduit à élaborer le concept de développement durable. D’après lerapport Bruntland de 1987 il s’agit « d’un développement qui répond aux besoinsdu présent sans compromettre la capacité des générations futures à répondre auxleurs" » . Les modes de production et de consommation doivent donc respecterl’environnement humain ou naturel afin de permettre à tous les habitants de la terrede satisfaire leurs besoins fondamentaux : se nourrir, se loger, se vêtir, s’instruire,travailler, vivre dans un environnement sain…aussi bien aujourd’hui que demain. Ledéveloppement durable appelle donc un changement de comportement de chacun(citoyens, entreprises, collectivités territoriales, gouvernements, institutions internationales)face aux menaces qui pèsent sur les hommes et la planète. Les activités économiques sontparticulièrement montrées du doigt comme étant responsables de certaines destructions,parfois irréversibles, et les entreprises sont de plus en plus aux prises avec des acteurs quileur demandent des comptes. Elles sont maintenant appelées à prendre en considérationles retombées sociales et environnementales de leurs activités. Le souci du développementdurable a donc abouti à une autre notion, celle de responsabilité sociétale de l’entreprisequi s’est développée dans les années 1990. La responsabilité sociétale de l’entrepriseest en quelque sorte l’application aux entreprises du concept de développement durableou la contribution des entreprises au développement durable. Elle est aujourd’hui trèsprésente et les firmes se munissent de chartes éthiques, de codes de conduite, deprogrammes volontaires de responsabilité sociale. L’entreprise responsable est définie parles Nations Unies qui affirment que « les entreprises ont un rôle à jouer dans l’obtention d’undéveloppement durable et qu’elles peuvent gérer leurs opérations de manière à stimuler lacroissance économique et renforcer la compétitivité tout en garantissant la protection de

l’environnement et en promouvant la responsabilité sociale. 1 » Il s’agit donc de concilier

performances économiques, sociales et environnementales ; une entreprise ne peut doncplus se contenter de se soucier uniquement de sa rentabilité économique.

Il n’existe pas une définition stricte de la responsabilité sociétale de l’entreprise maisplusieurs ce qui ne facilite pas la compréhension Il y a tout d’abord un problème devocabulaire. Traduite directement de l’anglo-américain « corporate social responsability »,la formule française la plus courante est responsabilité sociale de l’entreprise ; or celle-cipeut laisser croire à une conception restreinte qui ne prend en compte que les relations entreles personnes au sein d’une collectivité ou ce qui est favorable au bien-être des individus.C’est pour cette raison que le français a souvent recours à l’expression « responsabilitésociétale » pour exprimer une dimension plus large. Mais d’après M.Capron « sous l’effet del’usage croissant de l’anglais, le terme français « social » a tendance à englober également

1 Glossaire du Livre Vert de l’Union Européenne, Promouvoir un cadre européen pour la responsabilité sociale des entreprises,Bruxelles, juillet 2001

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la dimension sociétale »2. Dans un but de clarté, l’abréviation RSE concernera, dans cemémoire, sauf mention contraire, les aspects sociaux au sens restreint, environnementauxet sociétaux de la responsabilité d’entreprise. Ensuite, en s’intéressant aux représentationsde la RSE que se font les différents acteurs sociaux, on constate que la conception etles implications de la RSE varient largement d’une catégorie d’acteurs à une autre. Il y aégalement confusion entre plusieurs termes : mécénat, philanthropie, démarche citoyenne,éthique… Le concept de RSE va plus loin que ces notions et implique un changementde culture au sein de l’entreprise; il ne s’agit alors pas d’actions ponctuelles. La RSE doits’inscrire au cœur de la stratégie d’entreprise.

Une définition claire et précise n’existe donc pas ; cependant, les différentes définitionsque j’ai lues ont le mérite de faire ressortir deux dimensions fondamentales du conceptde RSE. Tout d’abord, concrètement, la RSE recouvre plusieurs grands domaines :l’environnement, les ressources humaines, la performance économique, le gouvernementd’entreprise et l’impact sur la communauté en général : l’entreprise n’est pas seulementredevable envers ses actionnaires, mais doit également tenir compte des intervenants avecqui elle a des liens ou sur lesquels elle a un impact. Une des contributions théoriquesrécentes est donnée par l’approche « triple bottom line » (les trois axes du développementdurable), un terme inventé par John Elkington en 1997 : l’idée est que pour qu’uneorganisation soit durable, elle doit être financièrement solide, elle doit minimiser voireéliminer ses impacts environnementaux négatifs, et, finalement, elle doit agir en conformitéavec les attentes sociales3. Cette position contredit la phrase célèbre de Milton Friedman :« la responsabilité sociale de l’entreprise est d’accroître ses profits ». Ensuite, et c’estl’élément le plus important du concept de RSE, la responsabilité sociétale réside dansle fait d’aller au-delà de la loi et de la réglementation. C’est un engagement à respecterun ensemble de principes qui dépasse la simple application des dispositions légales.Une démarche de RSE se définit par l’application effective et dynamique des règles etdes normes existantes (législation sur le travail et l’environnement, sur la transparencefinancière…) et s’accompagne d’engagements volontaires allant au-delà.

La notion de RSE a progressivement émergé sur le devant de la scène à la suite durapport Brundtland de 1987 et de la Conférence de Rio de 1992. Cependant, cette notiona une histoire ancienne. Dès la fin du XIXè siècle, l’idée que les hommes d’affaires ontdes responsabilités sociales émerge aux Etats-Unis. Dès 1920, Weber, en développant lanotion d’ « esprit du capitalisme », avait montré la nécessité, pour que la logique capitalistepuisse perdurer, de lui adjoindre des justifications d’ordre religieux ou éthiques. La paternitédu concept moderne de RSE en management est attribuée à Howard Bowen dans sonouvrage intitulé Social Responsabilities for Businessman (1953). Cependant, ce conceptne connaîtra son émergence que 40 ans plus tard : en effet, dans les années 1990, lanotion va gagner en précision avec la formulation progressive de la notion de stakeholder(parties prenantes) qui va permettre selon la formule de Caroll, de « mettre des noms surdes visages »4. Cette notion est un jeu de mots par rapport à stockholder (actionnaires)et regroupe non seulement les parties prenantes classiques de l’entreprise (actionnaires,clients, salariés), mais plus largement, les associations, les ONG, les riverains, les éluslocaux… D’après Anne-Catherine Husson, directrice éditoriale de Novethic (filiale dela Caisse des dépôts et centre de recherche en RSE et investissements socialement

2 Capron M., Mythes et réalités de l’entreprise responsable, La découverte, Paris, 20043 Elkington, J. , Canniblas with forks: the triple bottom line of the 21th century business, Londres, 19974 Caroll A. B., The pyramid of corporate social responsibility: toward the moral management of organizational stakeholders,

Business Horizons, juillet 1991

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Introduction

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responsables) la RSE est « l’enfant des crises »5 : elle entend par là que le concept s’estdéveloppé avec la médiatisation de scandales concernant des firmes multinationales. Onpeut citer la marque Nike et l’exploitation des travailleurs sud-asiatiques dans les usines deses sous-traitants révélée au milieu des années 1990 ou le naufrage de l’Erika en 1999 qui aentaché l’image du groupe Total. Après l’irruption de ces crises qui ont défrayé la chronique,ces deux groupes ont adopté une stratégie RSE.

Aujourd’hui la plupart de multinationales et grandes entreprises ont intégré lesdimensions environnementales, sociales et sociétales dans leurs stratégies. Elles cherchentà obtenir des normes, des labels, de bonnes notations, et misent ensuite tout sur la qualitéde leur communication à ce sujet. Beaucoup d’études ont été réalisées sur la RSE dans cesgrandes entreprises : la quasi totalité de la littérature accessible de nos jours se concentre,en effet, sur ce type d’entreprise. Or pourquoi s’intéresser à seulement 2% des entreprises ?C’est comme si la RSE était réservée au monde de la grande entreprise, comme si lespetites et moyennes entreprises n’étaient pas concernées ou se tenaient à l’écart des débatsautour de la responsabilité sociétale.

Cependant, la responsabilité sociétale des entreprises n'est pas réservée aux grandsgroupes. Bien que pour l’instant les PME soient encore peu impliquées dans la RSE,elles commencent à améliorer leurs pratiques sociales et environnementales pour plusieursraisons. Un changement est en train de s’opérer à cet égard ; l’attention se porte maintenantsur les PME et le rôle clef qu’elles ont à jouer pour faire en sorte que la RSE soit appliquéepar le plus grand nombre d’entreprises afin d’obtenir de meilleurs résultats globaux. Lechef d’une PME doit de plus en plus se justifier vis-à-vis de l’extérieur, il est de plus enplus confronté aux exigences et questions des parties intéressées dans sa société. On nedispose encore que de peu de statistiques précises sur le sujet, mais plusieurs spécialistesaffirment que cette démarche de RSE intéresse de plus en plus les PME. Ainsi, NadiaBoeglin, responsable de l’éco-conception à l’agence de l’environnement et de la maîtrise del’énergie (ADEME) remarque qu’une proportion significative de PME est engagée dans desdémarches d’innovation en éco-conception. De plus, beaucoup sont engagées dans desdémarches responsables sans en avoir conscience : d’après une étude de la Commissioneuropéenne, 50% des PME interrogées sont impliquées dans des démarches socialementresponsables6.Cette implication varie en fonction de la taille de l’entreprise, les très petitesentreprises s’investissant moins que les petites et moyennes. Avant de poursuivre il estimportant de définir ce que l’on entend par PME. Selon le ministère des PME « il n’existepas de définition unique de la PME. Les critères retenus différent selon les textes législatifsou réglementaires instituant des dispositifs d’aides en direction des PME. ».On retiendradonc la définition de la recommandation de l’Union Européenne du 3 avril 1996: « sontconsidérées comme PME les entreprises ayant moins de 250 salariés, lesquelles sontdéclinées en « micro-entreprises » (0 à 9 salariés), en « petites » (10 à 49) et en « moyennes» (50 à 249) ».

La présente réflexion va porter sur les PME et la RSE. 98% des entreprises en Franceet en Europe sont des PME. En France, elles représentent 58% de l’emploi salarié, 63% del’emploi total, 53% de la valeur ajoutée et font preuve d’un élan entrepreneurial qui propulsetoute la machine économique. On comprend que leur implication dans une démarche deRSE soit très importante. Quels sont les enjeux pour les PME ? Leur engagement est-ilamené à s’intensifier ? Ont-elles un intérêt à adopter une démarche RSE ? Est-ce qu’intégrer

5 Dans Alternatives économiques, hors-série n°20, septembre 2005, page 106 Observatoire Européen des PME, Les petites et moyennes entreprises européennes et les responsabilités sociale et

environnementale, 2002, consultable sur http://europa.eu.int

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la RSE dans les PME va devenir un élément vital ou est-ce simplement une « fantaisiedu patron », une option qui finalement n’est que marginale ? Les solutions opérationnellesimaginées par les grands groupes sont-elles applicables par les PME ? Ont-elles des atoutset des faiblesses par rapport aux grandes entreprises dans ce domaine ? Finalement, LesPME vont-elles être les acteurs du développement durable de demain ? Beaucoup dequestions se bousculent…

Afin de répondre à cette problématique de la démarche RSE dans les PME, je vaism’appuyer sur des dossiers et ouvrages théoriques, mais également sur une enquête deterrain en exploitant les résultats des interviews et en étudiant deux cas précis de moyennesentreprises ayant intégré le concept de RSE dans leur stratégie.

Tout d’abord, dans une première partie, il nous faudra présenter trois facteurs dechangement qui devraient inciter les PME à s’engager pour devenir plus « responsables » :les nouvelles attentes des donneurs d’ordre privés (grands groupes), les pressions exercéespar les pouvoirs publics (Etat, collectivités, Union Européenne) et le changement d’attitudedes partenaires financiers. Les parties prenantes de la PME l’incitent de plus en plus,soit par des pressions, soit par des aides, à se préoccuper de leurs impacts sociaux,sociétaux et environnementaux. Ensuite, dans une seconde partie, nous montrerons, quecomme les grandes entreprises, les PME ont des bénéfices à attendre d’une telle démarche,bien qu’elles rencontrent plusieurs obstacles liés à leur spécificité de petites et moyennesentreprises (troisième partie).

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Premiere partie : adopter une demarche de RSE ou comment repondre aux nouvelles attentes despartenaires de la PME

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Premiere partie : adopter une demarchede RSE ou comment repondre auxnouvelles attentes des partenaires de laPME

Les évolutions des pratiques d’achat des grandes entreprises, des critères des marchéspublics et des attentes des partenaires financiers sont porteuses de nouvelles exigencespour les PME. Si elles n’anticipent pas ces attentes, elles risquent de perdre des marchésou des ressources financières. Pour être compétitives, les PME doivent être capables des’adapter à ces nouvelles pressions émanant du marché et de la société dans laquelle ellesopèrent.

A. Les donneurs d’ordre privés : l’effet d’entraînement

1 Les grandes entreprises converties à la RSELes grandes entreprises sont fortement incitées à adopter une attitude « responsable »,à la fois par la société civile, les marchés financiers et les investissements socialementresponsables, ainsi que par la loi française adoptée en mai 2001 sur les nouvellesrégulations économiques, dite loi NRE, qui impose aux entreprises cotées de publier desdonnées sociales et environnementales.

Grâce à une médiatisation croissante, les consommateurs sont de plus en plus aucourant des pratiques des grandes entreprises et de plus en plus critiques et réactionnaires.Le consommateur semble en effet de plus en plus en attente de transparence, s'agissantde la composition des produits comme des éléments humains ou écologiques entourantleur production. D’après un sondage IPSOS de 2004, 77% des européens prennent encompte les conditions de production du produit acheté, ne serait-ce que parfois. 87% desfrançais pensent que le consommateur peut avoir une influence sur la prise en compte parles entreprises de certaines règles éthiques7.

De plus, le boycott, arme largement utilisée aux Etats-Unis avec le mouvementconsumériste, commence à apparaître, bien qu’encore timidement en France. Ainsi desappels au boycott des produits de Danone / Lu suite aux licenciements dits « boursiers » en2001 et des stations service Total suite au naufrage de l’Erikaont été lancés par certainesassociations de consommateurs.

Les ONG jouent un rôle fondamental dans la RSE, en usant de la contestation ou dudialogue avec les multinationales et grandes entreprises. Les campagnes des ONG peuvent

7 Sondage sur la consommation éthique des européens, www.ipsos.fr - 28 avril 2004

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faire perdre de grosses parts de marchés aux entreprises. Prenons l’exemple récent deGreenpeace, qui en 2005 pour la fête des mères a lancé une campagne sur la toxicitédes parfums en publiant et distribuant devant les parfumeries un guide qui pointe du doigtcertains produits de beauté. D’après Anne Catherine Husson de Novethic « ceux identifiéscomme toxiques perdent rapidement des parts de marché significatives ».8

L’investissement socialement responsable est, aussi, l’un des instruments privilégiésd’intervention sur les choix des entreprises. Il rassemble toutes les démarches quiconsistent à intégrer des critères extra-financiers dans les décisions de placementset la gestion de portefeuilles . Si les actionnaires, disposant de suffisamment de capitalpour être entendus, font pression sur elles pour qu’elles tiennent compte du développementdurable et des facteurs sociaux et environnementaux, elles ne peuvent ignorer leurdemande. Il existe trois types de mécanismes : les fonds socialement responsablesou de développement durable, l’activisme salarial et les fonds d’exclusion. Les fondssocialement responsables ont la particularité d’être gérés en intégrant des critères sociauxet environnementaux qui sont croisés avec des critères financiers pour sélectionner lescompagnies les plus performantes d’un point de vue développement durable. La sélectionse fait à partir des notes attribuées par des agences spécialisées dans l’évaluation despolitiques sociales et environnementales des entreprises. En France, les encours de ce typede fonds avaient dépassé les 5 milliards d’euros fin 2004. Même si cela ne représente que1% de l’ensemble des fonds français, ce volume a augmenté de 24% en un an, d’aprèsNovethic. Cette tendance à la hausse force les grandes entreprises à être de plus en plus« responsables ». On trouve aussi les fonds d’exclusion, répandus dans les pays anglo-saxons, qui excluent, pour des raisons morales ou religieuses, certains secteurs commel’armement, le jeu, le tabac… Enfin, l’engagement actionnarial ou activisme actionnarialconsiste, pour les investisseurs, à exiger des entreprises une politique de responsabilitésociale plus forte par un dialogue direct, mais aussi par l’exercice des droits de vote enassemblées générales ou la participation à des coalitions d’actionnaires. L’exigence deresponsabilité sociale s’exerce, non plus dans le processus de sélection des titres duportefeuille, mais dans la relation avec les sociétés qui le composent.

Les entreprises sont donc de plus en plus amenées à apporter des preuves de leursbonnes conduites. Elles doivent rendre compte de manière claire et comparable d’unefirme à l’autre de leurs pratiques en matière sociale et environnementale. Pour cela, ellesadoptent des codes de bonne conduite en matière de RSE, cherchent à obtenir desnormes et certifications par des organismes indépendants ou encore des labels sociaux etenvironnementaux.

Depuis quelques années, les entreprises demandent de plus en plus à être notées :c’est ce que l’on appelle la « notation sollicitée ». Cette notation équivaut à un auditsocial et environnemental, donne lieu à une « notation déclarative » et est utilisée par lesentreprises pour faire un diagnostic de leur stratégie. En France, on peut citer l’agence denotation extra-financière Vigeo qui propose ce type d’analyses dont les résultats ne sontgénéralement pas rendus publics. Cependant, les entreprises utilisent volontiers ces notes,quand elles sont bonnes, dans leur communication RSE. Certaines entreprises vont plusloin et cherchent à être certifiées : il existe trois grandes familles de normes concernantla RSE : les normes ISO, SA 8000 et EMAS. Pour obtenir l’une de ces certifications, ilfaut payer un organisme extérieur qui vient auditer dans l’entreprise et qui, en fonction durespect ou non d’un certain nombre de critères établis par des organisations publiquesou privées, donne ou non la certification à l’entreprise. Aujourd’hui être certifiée est un

8 Dans Alternatives Economiques, Hors-série pratique n°20, septembre 2005

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Premiere partie : adopter une demarche de RSE ou comment repondre aux nouvelles attentes despartenaires de la PME

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avantage concurrentiel indéniable pour l’entreprise : les avantages et bénéfices retirés del’obtention d’une norme sont supérieurs aux coûts engendrés par la certification. Les normesles plus connues en matière de RSE sont la norme SA 8000 et la norme ISO 14001.La première, élaborée en 1997, s’appuie sur des grands textes tels que la DéclarationUniverselle des droits de l’homme de l’ONU, les conventions de l’OIT et la Conventionde l’ONU sur les droits des enfants et atteste du respect des droits fondamentaux destravailleurs. La seconde certifie qu’un système de management environnemental a étémis en place dans l’entreprise afin de limiter les atteintes à l’environnement des activitésde production, de distribution… Cette norme a vu le jour en 1996 et a été lancée parl’Organisation internationale de normalisation ; elle regroupe 148 instituts nationaux commel’Association française de normalisation connue sous le sigle Afnor. Entre 1996 et 2005,1340 entreprises en France ont été certifiées ISO 14001. L’Union Européenne a égalementcréé la norme Eco-Management and Audit Scheme (EMAS), encore peu connue en France,qui ressemble à la norme ISO 14001, mais qui est plus exigeante : elle oblige à publier unefois par an une déclaration environnementale attestant des progrès réalisés. D’autre part,les entreprises cherchent à augmenter leur compétitivité par l’obtention de labels pour leursproduits. Il existe encore peu de labels sociaux mais beaucoup de labels environnementauxou écolabels qui certifient que le produit par sa fabrication ou sa composition ne portepas (ou seulement de manière limitée) atteinte à l’environnement. On peut citer l’écolabelfrançais NF-Environnement, qui est attribué par l’Afnor aux entreprises qui en font lademande, et l’écolabel Européen qui fonctionne sur le même schéma. Le seul label à ce jourest le label social belge qui assure au consommateur que l’entreprise productrice a respectéles conventions de base de l’OIT en matière de liberté syndicale, lutte contre le travail desenfants, le travail forcé et les discriminations. Seules cinq entreprises ont aujourd’hui reçule label, d’après le site consacré au label.9

Les grandes entreprises et les multinationales utilisent massivement ces certificationspour rassurer les consommateurs de plus en plus exigeants. La réputation est, en effet,un élément important de la valeur et de la pérennité de l’entreprise. Ces Très GrandesEntreprises (TGE) ont des sous-traitants, qui très souvent sont des PME/PMI. Pour restercrédibles aux yeux de la société civile et dans un souci de transparence, ces TGE imposentà leurs sous-traitants de témoigner eux aussi de leurs comportements en matière deresponsabilité sociale. La vague de la RSE qui emporte les entreprises mondialisées,déferle le long de la chaîne de valeur et touche donc de plein fouet les PME/PMI soustraitantes. Ces petites et moyennes entreprises doivent donc non seulement être capablesd’intégrer dans leur organisation et stratégie les principes de la RSE, mais elles doiventégalement pouvoir le prouver en obtenant les certifications et normes précédemmentprésentées. Un écart se creuse, en effet, entre les sous-traitants et fournisseurs au profitde ceux susceptibles de moins porter atteinte à la réputation des grandes entreprises : lesPME certifiées.

2. Le déferlement de la Responsabilité Sociétale sur la chaîne devaleur

Le principal vecteur de la prise en compte de la RSE par la PME est la pression exercéepar les grands groupes. Plusieurs études ont été réalisées à ce sujet : ainsi, l’Observatoirede la Commission européenne sur les PME constate que :

9 www.label-social.be

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Les Petites et Moyennes Entreprises face à leur responsabilité sociétale

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« Les grandes entreprises sont de plus en plus considérées comme responsablesnon seulement pour leur propre réalisation en matière de RSE, mais égalementpour celle de leurs fournisseurs. Ce fait débouche sur un effet de cascade surtoute la chaîne d’approvisionnement, incitant les fournisseurs à adopter des

pratiques d’affaires plus socialement responsables. » 10

D’après le rapport SMEKEY, la manière dont les PME prennent en considération laproblématique de la responsabilité sociétale « influence la décision de leurs partenairesd’affaires quant à leur approvisionnement en matières premières et en produits finis.11 »Lesexigences des donneurs d‘ordre ont donc une grande efficacité pour diffuser le RSE dansles PME.

Il est important de rappeler que le décret d’application de l’article 116 de la loi NRE exigedes sociétés cotées qu’elles rendent compte de la façon dont elles promeuvent, auprès deleurs sous-traitants, le respect des conventions fondamentales de l’OIT. Le rôle des grandesentreprises multinationales est encore plus clairement précisé dans les principes directeursde l’OCDE. Elles doivent : « Encourager, dans la mesure du possible, leurs partenairescommerciaux, y compris leurs fournisseurs et leurs sous-traitants, à appliquer des principesde conduite des affaires conformes aux principes directeurs »12

D’après l’OCDE, les grandes entreprises prévoient dix fois plus souvent la surveillancedes fournisseurs que celle des services internes13. Les grandes entreprises imposent doncdes codes de conduites à leurs fournisseurs et sous-traitants, qui s’ils ne les respectentpas, risquent de perdre le contrat de sous traitance. L’OCDE dans une étude de 2001, s’estintéressée aux codes de conduite des grandes entreprises, et en particulier aux codes deconduite à l’intention des fournisseurs qui sont souvent des PME. D’après cette étude, « lescodes à l’intention des fournisseurs mettent en avant une série différente d’instruments demise en conformité. Le recours aux menaces – par exemple la suppression de la relationd’affaires – est chose fréquente dans ces codes »14

10 Observatoire de la Commision européenne, Les PME européennes et les responsabilités sociale et environnementale,

rapport de 2002, page 1311 Smekey.org

12 OCDE, Les principes directeurs de l’OCDE à l’intention des entreprises multinationales-révision 2000,13 OCDE, La responsabilité des entreprises : initiatives privées et objectifs publics, 200114 Ibid 7

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Premiere partie : adopter une demarche de RSE ou comment repondre aux nouvelles attentes despartenaires de la PME

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Graphique : Mesures d’application dans les codes de conduite à l’intention desfournisseurs (Pourcentage des codes mentionnant une mesure d’application particulière)

Source : OCDE73% des codes de conduite étudiés par l’OCDE mentionnent des mesures de sanctions

à l’encontre des sous-traitants ne respectant pas les mesures de développement durabledictées par la TGE.

Cette pression des donneurs d’ordre varie selon les secteurs d’activités ; les secteursqui exercent une forte contrainte sur leurs fournisseurs sont l'industrie pétrolière, la chimie,l'automobile, le transport, le BTP. Les PME et PMI de ces secteurs sont donc obligéesd’adopter des démarches de RSE pour survivre. Il s’agit pour celles-ci d’un enjeu vital.On peut prendre l’exemple des groupes Lafarge et Schneider Electric qui achètent à leurssous-traitants des biens et des services dont le montant équivaut à la moitié de leur chiffred’affaires. Schneider Electric s’est fixé pour objectif que 60% de ses fournisseurs signentla charte du Global Compact des Nations Unies d’ici 2008 : les entreprises signatairesdu Global Compact s’engagent à ne pas violer les droits de l’homme et du travailleuren particulier, à proposer des initiatives pour mieux tenir compte de leur responsabilitéenvironnementale et favoriser le développement de technologies et de produits respectueuxde l’environnement et enfin à lutter contre la corruption.

Nous allons maintenant étudier les cas concrets de deux grandes entreprises qui ontmodifié leurs pratiques d’achats en profondeur : Accor et AGF.

Le groupe Accor possède plus de 4000 hôtels dans le monde et le montant de sesachats totaux (dans les 15 pays qui disposent d’une structure “achats”), s’élève à 2,6milliards d’euros. En 2002, la direction France des achats du groupe a établi une charte,dite charte « achats durables » qui traduisait la volonté du groupe de ne travailler qu’avec

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des entreprise responsables. La Charte « achats durables » (voir annexe 2) a été élaborée« afin d’entraîner l’ensemble des fournisseurs dans un cercle vertueux »15. Cette politiquevise à responsabiliser les fournisseurs et permet de réduire les risques liés à d’éventuelsmanquements de ces entreprises. Cette charte a ensuite été envoyée en juin 2003 à tousles fournisseurs d’Accor. En 2003, le groupe a ensuite organisé un test auprès de 137fournisseurs pour évaluer leurs pratiques sociales et environnementales. En 2004, ce testa été étendu à l’ensemble des fournisseurs référencés en France, soit 433 fournisseursinterrogés en tout. Il s’agit d’un questionnaire (voir annexe 2) qui se réfère à 14 engagementssociaux et environnementaux : la note obtenue par la PME sous-traitante compte pour lerenouvellement de son contrat avec Accor.

Par exemple, on apprend sur le site Internet du groupe Accor que la sélection dufournisseur de haricots verts est renouvelée tous les trois ans. La sélection se fait en fonctionde plusieurs critères : les critères éliminatoires comme la viabilité financière de l’entreprise,les critères majeurs comme un engagement dans le Développement Durable et d’autrescritères mineurs. Le fournisseur retenu doit obligatoirement s’engager à respecterlesprincipes de la « Charte Achats Durables ». Les fournisseurs n’ont donc pas d’autre choixque de s’engager dans une démarche de RSE, s’ils ne veulent pas perdre leur client.

Le groupe AGF a introduit une clause « Ethique et Développement Durable» dans tousles contrats qui rappelle les obligations des fournisseurs d’AGF en matière de respect desdroits universels et des différentes législations sociales et environnementales (voir annexe3). Ainsi, pour le choix de ses partenaires, la Direction des achats d’AGF tient compte deleur engagement dans le Développement Durable. Dans tout appel d’offre, on trouve unerubrique qui permet aux fournisseurs d’exprimer leur implication dans la ResponsabilitéSociétale de l’Entreprise. Leurs réponses sont prises en compte dans la grille de choix finalde leurs prestataires. La direction des achats suit ensuite les fournisseurs. Le manquementau respect de la clause peut entraîner la résiliation du contrat sans indemnité. Parallèlement,la direction des achats assure la promotion du Pacte Mondial des Nations-Unies auprès deses fournisseurs. Elle encourage les non-signataires du texte à y adhérer et à en respecterles dix grands principes. Le schéma ci-dessous permet de mieux visualiser la procédured’achats responsables :

15 Rapport annuel 2004 d’Accor : http://www.accor.com/fr/upload/rapport_annuel/ra2004frdyn.htm?106

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Premiere partie : adopter une demarche de RSE ou comment repondre aux nouvelles attentes despartenaires de la PME

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Jean-Baptiste Boneu, ESCPFace à ces exemples, certaines PME préfèrent prendre les devants. D’après Sophie Us,

chargée des aides développement durable aux PME au sein de la direction environnementdu conseil régional du Nord-Pas-de-Calais, les PME agissent pour « anticiper un risqued’exclusion du marché dans les dix ans et assurer leur pérennité. »16 Ces proposcorrespondent à ceux de monsieur Martin, Président de la Chambre de Commerce etd’Industrie de la Creuse, qui a bien voulu répondre à mes questions : selon lui, une PME/PMI certifiée aujourd’hui a de bien meilleures chances d’obtenir un contrat avec une grandeentreprise qu’une entreprise non certifiée. Il pense que l’écart tend à se creuser entre lesdeux types d’entreprises et qu’une PME ne peut quasiment plus répondre à l’appel d’offresd’un grand groupe si elle n’est pas certifiée ISO 9001.

3. L’accompagnement des PME par les donneurs d’ordre dans leurdémarche de Responsabilité Sociétale

Depuis peu, certaines grandes entreprises ont décidé d’accompagner les PME/PMI dansleur démarche de RSE. En effet, les TGE qui observent le non respect de la démarchede RSE de la part de leurs fournisseurs ont deux possibilités : rompre toutes relationscommerciales et industrielles, comme nous l’avons montré dans la partie ci-dessus, ou lesassister pour les encourager à modifier leur comportement et à adopter un managementresponsable. La première possibilité est de plus en plus critiquée : les TGE ont donc intérêtà soutenir les PME plutôt qu’à les sanctionner.

Les Petites et Moyennes Entreprises ont parfois du mal à répondre aux exigencesdes donneurs d’ordre et ont besoin de conseils et d’aides financières. Des Très GrandesEntreprises proposent alors de les guider dans leur quête de « responsabilité ». Le montagede partenariats constructifs entre PME/TGE paraît être une bonne solution pour promouvoirla Responsabilité Sociétale auprès des PME. Pour les PME, c’est une opportunité à saisir.

Le groupe pharmaceutique Sanofi-Aventis s’est engagé depuis 1998 dans unedémarche de ce type. Il est possible de lire sur le site Internet du groupe : « Sanofi-aventis souhaite promouvoir, auprès de ses fournisseurs, co-contractants ou sous-traitants, l'application des règles de sécurité et de protection de l'environnement. »Concrètement, Sanofi-Aventis a décidé d’aider ses sous-traitants qui fabriquent des produitspharmaceutiques pour son compte (les façonniers), à adopter les mesures présentes danssa politique HSE (Hygiène, Sécurité, Environnement) : les façonniers sont en majorité desPME. Le groupe a tout d’abord engagé un dialogue avec les PME pour leur expliquer lesmesures contenues dans la politique HSE. Ensuite, il a organisé des rencontres chez lesfaçonniers afin de déterminer leurs difficultés à mettre en œuvre cette politique. En casde problème dans l’application d’un point de HSE, le groupe propose des conseils et desactions pour remédier au problème. Le groupe précise bien que cette visite n’est ni un audit,ni une inspection de donneur d’ordre à sous traitants mais une volonté d’accompagnementde la PME et de diffusion de bonnes pratiques en matière d’hygiène, de sécurité etd’environnement. Il s’agit avant tout d’une démarche de sensibilisation et d’entraînementde la PME.

Les TGE doivent non seulement aider les PME, mais elles doivent aussi adopterun démarche responsable dans leur relation avec les PME sous-traitantes : il s’agit parlà de s’assurer que son propre comportement ne nuit pas à la PME. En effet, les TGE

16 Propos publiés dans Alternatives Economiques, Hors-série pratique, numéro 20, septembre 2005

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exigent des PME sous-traitantes à la fois des prix compétitifs, une forte productivité etun engagement dans la RSE. Exiger des PME qu’elles mettent en place des dispositionsde responsabilités sociales et environnementales tout en baissant leurs prix, n’est pasviable. Ces deux injonctions sont contradictoires. La PME ne peut pas mettre en œuvre unedémarche de RSE constructive dans ces conditions. La médiatisation croissante fait étatdes pressions exercées par les TGE sur leurs fournisseurs ce qui peut porter atteinte à leurimage. Certaines grandes entreprises ont donc réagi en adoptant une attitude responsablepour éviter « d’étouffer » la PME. Celle-ci peut alors s’engager dans une démarche deRSE de manière plus efficace. D’après l’Observatoire sur la Responsabilité Sociétale desEntreprises (ORSE), on peut parler de « l’émergence d’une responsabilité sociale desdonneurs d’ordre »17 : des partenariats équilibrés se développent entre TGE distributriceset PME productrices.

Ainsi, le groupe Casino a lancé un contrat de croissance visant à construire unpartenariat avec ses sous-traitants. Les PME représentent 85% des fournisseurs du groupeet 75% des produits de marque Casino sont produits par des PME. Le contrat de croissanceest un engagement de deux ans signé entre Casino et une PME avec un objectif de20% de croissance du chiffre d’affaires sur la période. Le groupe s’engage donc à ne pasétrangler la PME fournisseur. Le contrat vise aussi à organiser un dialogue de qualité, àaccompagner les PME dans leur développement en France ou à l’étranger, à partagerl’expertise des équipes du groupe en organisant régulièrement des réunions thématiquessur des sujets d’actualité ou des préoccupations majeures et à améliorer la compréhensiondu fonctionnement et des contraintes des PME. Ce partenariat est largement bénéfique auxPME sous-traitantes qui bénéficient d’un accompagnement concret et personnalisé : ellessont portées vers plus de performances et de compétitivité. Au final, ces partenariats sontdes vecteurs de diffusion de la RSE dans les PME : une bonne rentabilité économique etla stabilité des contrats de sous-traitance sont la base pour que les PME soient en mesured’adopter une bonne démarche de RSE

Il ne faut cependant pas exagérer les conséquences en matière de diffusion de la RSEdans les PME de l’accompagnement des TGE. Pour l’instant, les partenariats dignes dece nom sont relativement rares dans ce domaine. La pression des politiques d’achats desgrands groupes reste la principale cause du déferlement de la RSE dans les PME.

Les donneurs d’ordre privés ne sont pas les seuls à exiger des PME des initiativesen matière de responsabilité sociale et environnementale. Les pouvoirs publics et l’UnionEuropéenne exercent aussi des pressions sur les PME.

B . Les pressions exercees par les pouvoirs publics

1. Donneurs d’ordre publics et achat éco- responsableDepuis la conférence de Rio de Janeiro (1992), les marchés publics sont considérés commeun moyen efficace pour promouvoir des modes de production et de consommation durables.Le terme « marchés publics » est celui qui est utilisé par les gouvernements et les pouvoirs

17 ORSE, L’accompagnement des PME par les Très Grandes Entreprises dans une logique de développement durable,septembre 2003

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publics lorsqu’ils achètent des biens et des services et mandatent des travaux ou desservices publics.

Dans cette optique, la France a récemment adopté plusieurs textes sur les achatspublics responsables : son but étant de devenir un « Etat exemplaire ».

En 2003, elle a adopté « la stratégie nationale de développement durable » quifait de l’« écoresponsabilité des administrations » une nécessité. Les administrationsdoivent ainsi assumer plusieurs responsabilités : une responsabilité environnementale,une responsabilité sociale et une responsabilité économique. Il s’agit, non seulement depréserver l’environnement, mais également de contribuer à l’amélioration des conditions detravail ainsi qu’à la réalisation d’économies budgétaires. Il s’agit également de convaincreles personnels de l’Etat et des collectivités et, au-delà, l’ensemble des usagers, de lanécessité d’adopter d’autres comportements au quotidien. « C’est un signal politiqueenvoyé aux entreprises, aux PME en particulier, pour les convaincre que le marché vademander de plus en plus de produits éco-conçus » a expliqué Christian Brodagh, déléguéinterministériel au développement durable. Ce texte évoque aussi le besoin d’ « améliorerla politique d’achats publics en favorisant l’achat de produits et de services intégrant ledéveloppement durable »18

Ensuite, en 2004, le Groupe Permanent d’Etude des Marchés « DéveloppementDurable, Environnement » placé auprès du Ministère de l’Economie, des Finances et del’Industrie, a publié un guide de l’ achat public éco-responsable, afin de guider les acheteursvers des achats responsables.

En vigueur depuis le 1er septembre 2006, le code des marchés publics renforceles possibilités pour les acheteurs publics de réaliser des achats durables. A traversses articles 5, 6, 14, 45, 50 et 53, le code autorise l’intégration de préoccupationsenvironnementales dans les marchés publics que l’on retrouve entre autres : lors dela définition des conditions d’exécution des marchés, au stade de l’examen du savoir-faire des candidats, lors de l’attribution du marché, notamment dans le cadre de lafixation des critères de choix. La conformité des normes ou .des labels peut être utilisée.L’introduction de considérations sociales ou environnementales dans les clauses d’unmarché public est donc autorisée.L’article 14 du Code des marchés publics 2006 précise :« Les conditions d'exécution d'un marché peuvent comporter des éléments à caractèresocial ou environnemental qui prennent en compte les objectifs de développement durableen conciliant développement économique, protection et mise en valeur de l'environnementet progrès social ».

Les achats publics responsables viennent d’être relancés par le gouvernementà travers un « Plan national d’action pour des achats publics durables » qui a pour objectif de faire de la France, d’ici 2009, l’un des pays de l’Unioneuropéenne le plus engagé dans la mise en oeuvre du développement durable au sein dela commande publique. Le plan représente une avancée puisqu’il définit l’achat durable :un achat « intégrant, à un titre ou à un autre, des exigences, spécifications et critères enfaveur de la protection et de la mise en valeur de l’environnement, du progrès socialet favorisant le développement économique ». Une définition qu’il oppose « à tous cesmarchés passés avec le seul souci de la dépense immédiate et qui s’avèrent, à terme,

générateurs de surcoûts dus à la mauvaise qualité des prestations » 19 .

18 Comité Interministériel pour le développement durable, Stratégie Nationale de Développement Durable, 3 juin 200319 Plan national d’action pour des achats publics durables, http://www.ecologie.gouv.fr/pnaapd.html

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Plusieurs villes et agglomérations se sont engagées dans ce sens. Ainsi, les marchésde travaux de la Communauté d’agglomération du Grand Dijon exigent que toute entreprisepassant un contrat s’engage à faire travailler des personnes en voie d’insertion à raison de10 % du temps de travail et de l’importance du chantier.Les commandes delacommune deLille contiennent des critères environnementaux et sociaux tels que l’utilisation de produitsécologiques ou recyclés et des clauses d’insertion.

Les entreprises souhaitant obtenir des marchés publics sont donc depuis quelquesannées, de plus en plus contraintes de faire des efforts en matière de RSE, dans la craintede perdre des marchés. Ces marchés ont, en France, un impact important sur l’économiepuisque, selon le site Internet du ministère de l’Économie, des Finances et de l’Industrie,« les différentes formes de commandes publiques » représentent 120 milliards d’euros,soit 10 % du PIB en 2003. Beaucoup de PME réalisent des travaux pour l’Etat ou lescollectivités locales. En effet, d’après les données du dernier recensement économiquepublié sur les marchés de l’année 1998, qui porte sur les marchés d’un montant supérieur à45000 euros, «les PME bénéficient de 30 % des marchés de l’État, et de 57 % des marchés

des collectivités locales » 20 , comme le montre le tableau ci-dessous :

Tableau : Recensement économique des marchés publics en 1998Source : - Ministère de l’Économie, des Finances et de l’Industrie.Critère retenu pour la PME : effectif inférieur à 250 salariés.Par ailleurs, d’après une enquête réalisée par la Banque de Développement des PME

en décembre 2002 auprès d’un échantillon représentatif des PME françaises, « 49 % desPME interrogées déclaraient travailler avec le secteur public, 28 % régulièrement et 21 %occasionnellement ». Ces chiffres risquent d’augmenter grâce à la réforme des marchéspublics de 2006 qui vise à permettre aux PME d’obtenir davantage ces marchés ensimplifiant les procédures. Les marchés publics représentent donc un enjeu économiqueimportant pour les PME. Elles sont largement concernées par le développement descommandes publiques « responsables » et sont ainsi fortement incitées à adopter unedémarche de RSE et à obtenir des certifications ou labels. Les conséquences pour les PMEde la réforme du Code des marchés publics ne sont pas encore importantes : il faudra dutemps avant que les habitudes changent. Aujourd’hui une entreprise n’a pas un avantagecompétitif flagrant grâce à sa politique de RSE. Cependant, le train est en marche et lesexigences en matière d’environnement risquent d’augmenter : les PME ont tout intérêt à s’ypréparer à l’avance et certaines l’ont déjà bien compris. Les pressions des donneurs d’ordrepublics devraient donc, dans un futur proche, avoir les mêmes effets que celles exercées

20 , Observatoire des PME, PME et marchés publics, Regards sur les PME, numéro 5, juin 2004

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par les grands groupes : inciter les PME à s’engager pour être plus responsables sur le plansocial et environnemental.

L’Union Européenne insiste elle aussi sur les achats publics éco-responsables, commenous allons le voir dans la partie suivante.

2. La campagne Procura+ de l’Union EuropéenneLes textes adoptés par l’Union Européenne depuis le traité de Maastricht intègrent ledéveloppement durable. Ainsi, le dernier texte en date, le Traité établissant une Constitutionpour l’Europe adopté par les gouvernements en juin 2004 (mais non ratifié par la Franceet le Danemark !) fait du développement durable l’un des principaux objectifs de l’UnionEuropéenne. En effet, ce texte stipule que :

« L'Union œuvre pour le développement durable de l'Europe fondé sur unecroissance économique équilibrée, une économie sociale de marché hautementcompétitive, qui tend au plein emploi et au progrès social, et un niveau élevé deprotection et d'amélioration de la qualité de l'environnement ».

L’Union Européenne a décidé d’adopter une attitude responsable concernant les achatspublics. Afin d’atteindre cet objectif, elle a lancé en 2004, la campagne Procura+ quivise à obtenir des engagements de la part des administrations à travers l’Europe pourl’application des règles de marchés publics durables. L’UE s’est donné quatre ans pourconvaincre de la faisabilité de l’achat responsable et créer une véritable dynamique danstous les pays membres. Cette campagne est relayée par plusieurs associations et un réseaud’acheteurs responsables s’est créé : The European Green Purchasing Network. L’UnionEuropéenne a également publié un guide en 2005 intitulé Acheter vert!: Un manuel sur lesmarchés publics écologiques . Ce guide précise les conditions de sélection et d’exclusiondes entreprises pour les marchés publics européens. Les directives 2004/17/CE et 2004/18/CE sur les marchés publics autorisent explicitement la prise en compte de considérationsenvironnementales dans les critères d’attribution.

Les acheteurs, dans leur choix, peuvent donc demander aux entreprises une preuvede leur engagement en matière d’environnement : norme ISO 14001 ou certification EMAS(système communautaire de gestion et d’audit environnementaux). Les entreprises noncertifiées sont donc dans une situation défavorable par rapport à celles qui ont obtenu unecertification environnementale.

Avant que la Communauté européenne ne légifère dans le domaine des marchéspublics, seul un très petit nombre de marchés était attribué à des entreprises d’un autreEtat membre que celui du pouvoir adjudicateur. Depuis l’ouverture du marché et la miseen concurrence des marchés publics, ceux-ci sont ouverts dans les mêmes conditions detransparence et d’égalité de traitement à toutes les entreprises présentes sur le territoirede l’Union. Les marchés publics représentent en Europe un montant annuel de 1 429milliards d’euros soit 16 % du PIB de l’Union européenne21, ce qui est une source d’activitétrès intéressante pour les entreprises. Les marchés publics européens comprennent : lesmarchés de travaux, fournitures et de services passés par les États membres et leurscollectivités territoriales et les marchés passés par les institutions européennes (Parlement,Commission…). Beaucoup d’entreprises y participent mais il est difficile d’établir clairementla place des PME dans les marchés publics européens, dans la mesure où il existe très peu

21 Observatoire des PME, PME et marchés publics, Regards sur les PME numéro 5, juin 2004, page 53

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de données complètes à ce sujet. Seules quelques enquêtes permettent de dégager lesgrandes tendances. Ainsi, une enquête a été réalisée par l’ ENSR (European Network forSME Research). C’est un réseau d’organismes reconnus, spécialisés en recherche PMEqui comporte au moins un représentant dans chaque Etat membre de l’Espace économiqueeuropéen. Cette enquête téléphonique de 1999 a été conduite auprès de 8 000 entreprisesdans les 19 pays membres de l’Espace économique européen de l’époque. Elle montre quepeu de PME participent à des marchés publics européens : environ 5% des PME seulement.Cependant, les choses risquent de changer puisque « l'Europe des 27 souhaite favoriserl'accès des PME aux marchés publics »22. En effet, le 12 février 2007 à Bruxelles, lesministres des affaires étrangères des Vingt-Sept se sont réunis pour évoquer la possibilitéde favoriser les PME dans l’accès aux marchés publics, comme le font les Etats-Unis. Ilsont, pour l’instant, adopté un texte de compromis entre les pays favorables à un traitementprivilégié pour les PME comme la France et les Etats opposés à de telles mesures. LeConseil a souligné la nécessité de "mener rapidement à bien la révision" en cours au sein del'Organisation Mondiale du Commerce de l'accord sur les marchés publics pour permettrede mettre en place cette réforme. Cela risque de prendre du temps, mais cette réunions’inscrit bien dans une volonté manifeste de soutenir les PME. Le monde des achats devraitdonc changer dans les années à venir : d’après l’ORSE, le secteur public évolue pluslentement que le secteur privé, mais les réformes engagées par l’UE devraient égalementavoir un effet d’entraînement sur les PME. Une fois encore, les PME ont intérêt à anticiperles changements.

3. Entre contraintes légales et aides publiquesComme nous l’avons vu en introduction, la RSE réside dans le fait d’aller au-delà de la loiet de la réglementation. C’est un engagement à respecter un ensemble de principes quidépasse la simple application des dispositions légales. Cependant, d’après Marie-NoëlleAuberger, consultante en RSE, interrogée dans la revue Alternatives Economiques, « pourune PME, la première forme de RSE est déjà de respecter la loi ! Boucler les fins demois tout en étant en règle avec la législation sociale et environnementale est la premièreétape». Il existe un grand nombre d’obligations sociales et en matière d’environnement àla fois au niveau international, européen et national. Si les entreprises ne les respectentpas, les sanctions pénales peuvent peser lourd dans leurs budgets. Cependant, on constatesouvent que les PME ne connaissent pas tous ces textes : ainsi, d’après une étuderéalisée par Natacha Gondran, maître de conférences à l’école des Mines de Saint-Étienne, en 2001, plus de 70% des PME interrogées ne connaissaient pas la législationen matière de rejets liquides ou atmosphériques23. Les PME ont une faible perceptiondes évolutions réglementaires. Cependant, le souhait de respecter la réglementationreste, pour les PME comme pour les grandes entreprises, la première motivation pourintégrer des préoccupations sociales ou environnementales dans leur management. Lespressions réglementaires sont d’autant plus fortes que l’Etat dispose d’agents chargés dela surveillance et de faire appliquer la loi; son non respect risque également d’aggraver laresponsabilité de l’entrepreneur en cas d’accident ou de procès. De ce fait, l’anticipationd’une évolution de loi ou de normes est pour les PME un levier important qui peut influencerles décisions d’investissements, notamment en matière environnementale.

22 Titre d’un article du Monde du 15 février 200723 Gondran, N., Rôle des partenaires des PME/PMI dans l'amélioration de leurs performances environnementales, RevueInternationale PME. Volume 16, n°2, 2003

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L’Etat a bien compris qu’il ne devait pas seulement contraindre les PME mais égalementles aider notamment par rapport aux problèmes de financement d’une démarche de RSE

dans une petite ou moyenne entreprise. Ainsi, depuis le 1er mars 2005, les directionsrégionales de l’industrie, de la recherche et de l’environnement disposent de 20 millionsd’euros pour aider les PME à recruter des ingénieurs ou des techniciens spécialisés surles questions environnementales et de développement durable. 50% des coûts salariauxpeuvent être pris en charge dans la limite de 30 000 euros par entreprise. Il ne s’agit passeulement d’un soutien financier mais également d’un soutien en terme d’information. Ainsi,la Drire d’Auvergne a lancé le programme Auvergne Développement durable qui comprend4 phases : une étape de sensibilisation et de mobilisation des PMI d’Auvergne dans lecadre d’ateliers d’information organisés par l’AFNOR, le déploiement d’une vingtaine depré-diagnostics de RSE dans les PMI d’Auvergne et un accompagnement approfondi de5 entreprises, souhaitant aller au delà du pré-diagnostic. Le coût par entreprise s’élève à1200 euros, le reste des frais étant pris en charge par l’Etat et la région.

Au-delà de l’Etat, ce sont souvent les collectivités locales qui participent le plusau financement du développement de la RSE dans les PME. Par exemple, le Conseilrégional de Rhône-Alpes accorde une subvention plafonnée à 160 000 euros aux PMEqui investissent dans des technologies moins polluantes, afin de réduire leurs déchets.Le Conseil régional du Nord-Pas-de-Calais a attribué en 2004 plus de 200 000 euros desubventions aux réseaux qui sensibilisent les PME au concept de RSE, comme Alliances,le Centre des Jeunes Dirigeants d’entreprises (CJD) et le Centre des Jeunes Dirigeants etacteurs de l’Economie Sociale (CJDES). Celui d’Ile de France subventionne les honorairesd’un consultant qui accompagne l’entreprise dans sa certification ISO 14000.

Les exigences des donneurs d’ordre incitent les PME à développer un managementresponsable. Cependant, depuis peu, les partenaires financiers des PME font égalementpression pour qu’elles s’engagent dans la RSE. L’accès au financement et à la couverturedes risques est de plus en plus conditionné par l’intégration du développement durable dansle management des entreprises.

C. La pression des banques et assurances

1. Le secteur financier et le développement durableLa majorité des PME européennes dépendent toujours des banques et l'on ne s'attendpas à ce que cela change dans le futur proche, d’après une étude publiée en 2002 par

l’observatoire européen des PME 24 . Les PME européennes n’ont pas accès au marchéet ont souvent des ressources en fonds propres limitées : elles doivent donc emprunterpour développer leurs activités ce qui les rend très dépendantes par rapport aux banques.Il semble qu'il y ait un manque de sources de financement alternatives. Dans la majoritédes Etats européens les PME ont principalement recours au financement bancaire, c'est-à-dire aux découverts et emprunts. On remarque que les plus petites entreprises recourentrelativement plus au financement bancaire que les grandes entreprises ; l'importance dela dette financière à court terme est généralement plus forte pour les PME que pour les

24 Observatoire des PME européennes, L’accès au financement pour les PME, No. 2, 2003,

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grandes entreprises, ce qui peut s’expliquer par les besoins des PME de relativement plusde besoins en fonds de roulement.

Graphique : Pourcentage de PME recourant au financementpar endettement dans l'UE-15, par pays (L'étude a été conduite sur

des entreprises indépendantes de taille moyenne (50-250 employés)Source : Observatoire des PME européenne: L’accès au financement des PME, 2003D’après ce graphique les PME européennes recourent massivement aux prêts

bancaires en général. En France, il s’agit de près de 65% d’entre elles. En plus des prêtsbancaires, les PME utilisent le découvert pour financer leurs activités, ce qui est le cas pour35% des PME françaises. En général, les découverts sont plus coûteux, mais sont souventpréférés par les entreprises du fait de leur plus grande flexibilité.

Les entreprises sont confrontées à de plus en plus de risques : en matièred’environnement, elles sont tenues responsables de la production de déchets, de la pollutiond’un sol ; elles sont également confrontées à une augmentation des plaintes des clientspar exemple. De plus, un certain nombre de PME n’arrivent pas à suivre l’évolution desréglementations et ne respectent donc pas les normes environnementales ou socialesen vigueur : ainsi, par exemple, d’après une étude de la Fédération de l’Imprimerie etde la Communication Graphique, 80% des imprimeries ne sont pas en règle avec laréglementation en vigueur en France. Les partenaires financiers des entreprises sontconcernés par cette augmentation des risques qui peuvent affecter la performance desentreprises, voire leur pérennité: il semblerait d’ailleurs que le financement des PMEcomporte de plus grands risques que celui des grandes entreprises, dans la mesure où lesPME ne fournissent pas toujours aux banques une information suffisante et de qualité. Uneentreprise qui ne tient pas compte de ses responsabilités écologiques et sociales présenteplus de risques qu’une entreprise irréprochable dans ces domaines. Du point de vue del’organisme financier, cette situation présente des risques accrus. Or, les banques n’aimentpas le risque et elles cherchent donc à les diminuer. En effet, les risques financiers pour un

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banquier peuvent aller jusqu’à la mise en cause de sa responsabilité en cas de défaillancedu créancier pollueur. Mais il y a aussi un risque pour son image et sa réputation. Lesassureurs eux aussi sont concernés : ils peuvent voir le montant des indemnités verséesaugmenter…Les partenaires financiers des PME s’intéressent donc de plus en plus à laRSE et en particulier à son volet environnement. L’année 1992 marque un tournant dansl’intégration par les banques des questions environnementales. Le Programme des NationsUnies pour l’Environnement a en effet lancé la Déclaration des institutions financières surl’environnement et le développement durable (voir annexe 3). Les banques signent cettedéclaration si elles le souhaitent : il ne s’agit que d’une adhésion volontaire de la part desbanques mais cela prouve que la tendance est lancée et que ce mouvement risque des’amplifier dans les années à venir. Dans ses grandes lignes, la déclaration (dont le textea été révisé en mai 1997) se compose : d’un engagement en faveur du développementdurable, de l’énoncé des principes de gestion de l’environnement par les acteurs financiers,d’un bloc de propositions consacrées à l’information du marché et de l’opinion publique.L’article 2.3 de la Déclaration précise clairement que les institutions financières peuventprendre en compte des considérations environnementales pour évaluer les risques liés àun prêt ou à un contrat d’assurances :

« Nous reconnaissons que l'identification et la quantification des risquesécologiques devraient faire partie intégrante du processus normal d'évaluationet de gestion des risques, dans les opérations tant intérieures qu'internationales.En ce qui concerne nos clients, nous considérons que le respect desréglementations écologiques applicables et le recours à de saines pratiquesécologiques sont des facteurs importants qui contribuent à prouver l'efficacité dela gestion de l'entreprise ».

En France, peu de banques ont signé cette déclaration : la Banque Populaire du Haut-Rhina été la première à la signer, Dexia-Crédit Local de France l’a rejointe en 1998 et le GroupeCaisse des Dépôts au printemps de l’année 2001. Contrairement aux banques françaises29% des banques allemandes l’ont signée !25

Au niveau européen, le Fond Européen d’Investissement a lancé le programme"Croissance et Environnement" qui facilite le financement des projets favorables àl'environnement. Le programme est particulièrement dirigé vers les PME puisqu’ il s’adresseaux entreprises de petite dimension (100 employés au maximum), et plus particulièrementà celles dont l’effectif est inférieur à 50 personnes. Il est intéressant puisque le FEI donnedes garanties aux institutions financières qui couvrent les prêts accordés à des PMEsouhaitant réaliser des investissements visant à réduire les effets négatifs de leurs activitéssur l’environnement. En effet, le FEI fournit une garantie résiduelle de 50% en cas de pertepour les crédits éligibles figurant dans le portefeuille de l'institution financière.

Cet intérêt grandissant du secteur financier vis-à-vis du comportement environnementalet social des petites et moyennes entreprises se traduit de deux manières : ledéveloppement d’outils permettant d’évaluer le risque social et environnemental et lamise à disposition d’offres dédiées à l’accompagnement des PME dans leur politique dedéveloppement durable.

Afin dévaluer les risques sociaux et environnementaux, les banques et les assurancescommencent souvent par un questionnaire envoyé à la PME. Ensuite, certains banquierschoisissent de compléter leur investigation par des visites sur site. Pour mener à bien cesenquêtes, il a fallu former des spécialistes et sensibiliser les chargés de clientèle à ces

25 Agence de rating social et environnemental sur les entreprises, Les banques et l’environnement : quel constat pour 2001 ?, 2001

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problématiques nouvelles. Certaines banques ont rédigé des fiches pratiques présentantles réglementations et les problèmes spécifiques à tel ou tel secteur d’activité, comme les« fiches environnement » de la Société Générale. Grâce à ces évaluations les banquespeuvent avoir une vision exhaustive des risques de leurs clients PME ; elles sont alorsen mesure de décider ou non de l’octroi d’un prêt, de son taux et du niveau de garantieà constituer. Les assurances évaluent également les risques et modulent le montant desprimes et des franchises en fonction de l’importance des effets sur l’environnement, d’autantplus qu’elles sont déjà, depuis quelques années, largement confrontées au risque de pertesliées à l’amiante.

Les banques et les assurances investissent également de plus en plus dans laprévention et le conseil pour orienter les comportements de leurs clients. Elles proposentdes offres spécifiques : des crédit à taux bonifiés pour faciliter la réalisation par leursclients PME de projets protecteurs de l’environnement pour les banques, et des contratsd’assurance couvrant spécifiquement les atteintes à l‘environnement.

Les banquiers et les assureurs ont donc la capacité d’influencer les choix dans d’autressecteurs économiques et de favoriser l’émergence de bonnes pratiques. « En refusant ouen acceptant un prêt, en couvrant ou non tel risque, en investissant sur un créneau plutôtqu’un autre, l’industrie financière est celle qui exerce l’effet d’entraînement le plus puissantsur l’environnement économique général », affirme l’économiste Christian de Perthuis, dansson ouvrage consacré au développement durable26. Les assureurs en sont bien conscientscomme le prouve ce témoignage de Caroline Desaegher, en charge du développementdurable d’AXA : « Notre métier d’assureur contribue fortement au développement durable,notamment par une politique de souscription responsable des risques d’entreprises, quirepose sur des diagnostics approfondis et des plans de prévention »27.

Les exigences des partenaires financiers des PME peuvent donc aussi être un levierpour une intégration des objectifs de la RSE dans les stratégies des PME. En effet, lesPME qui ne prennent pas encore suffisamment en compte le poids de leur impact social etenvironnemental seront de moins en moins bien placées pour obtenir un prêt bancaire ounégocier un contrat d’assurance. De plus, elles risquent de voir le montant des primes etles taux d’intérêt augmenter. Or, on l’a vu dans cette partie, les PME sont très dépendantesdes banques et ont peu d’alternatives de financement : elles vont donc être obligées defaire des efforts en matière de RSE. Nous allons maintenant étudier plusieurs exemplesconcrets de banques et assurances qui développent la prise en compte de critères sociauxet environnementaux dans leur politique de financement de projets menés par les PME.

2. Exemple de financement environnemental : PrevairL’accès au financement est de plus en plus conditionné à l’intégration de la RSE dans lemanagement des PME. L’exemple du prêt Prevair est ici intéressant.

La Banque Populaire d’Alsace a développé le premier financement environnementalil y a plus de quinze ans. Sous l'impulsion d'un de ses dirigeants, la Banque Populairea créé en 1989, la première SICAV verte, et en 1990, Prevair. C’est le premier prêt àtaux préférentiel destiné aux PME/PMI pour tout investissement améliorant l'impact d'uneactivité sur l'environnement. Le concept Prevair est l'une des 32 initiatives ayant

26 Christian de Perthuis, La génération future a-t-elle un avenir ?, Belin, 2003.27 In Ramadier S., Développement durable, la finance mise au défi, 11 février 2004, lesechos.fr

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obtenu le prix " sustainable development partnerships" attribué pendant le sommetde Johannesburg, en 2002, par la chambre de commerce internationale en partenariatavec le Programme des Nations Unies pour l’Environnement. Les ressources dePrevair viennent d’un livret d’épargne spécifique nommé Codevair. Les entreprisescandidates à ce prêt font l’objet d’une étude préalable à l’accord du crédit, qui,à la différence des autres banques, ne tient pas seulement compte des aspectsfinanciers : l’intérêt environnemental du projet est évalué par un comité constituéd'experts indépendants de la banque. Un tel comité d'experts est unique en France.Plusieurs critères de sélection sont passés en revue : la qualité de la démarche globale,la prise en compte par l'entreprise de tous les problèmes d'environnement : air, eau, bruit,énergie, matières, préservation des sites et des paysages et la qualité des choix techniques.

Ce prêt à taux préférentiel a fait ses preuves et a été lancé au plan national ily a un an. Sur les 850 PME financées, seules 3 ont connu une défection d’activité, cequi se révèle être un chiffre très faible : cela montre la pérennité des PME ayant unepolitique environnementale28. Pour Arnaud Berger, initiateur du projet et responsabledéveloppement durable de la Banque populaire d’Alsace , « ces données permettentde constater que le monde de l’entreprise a intérêt à intégrer l’environnement dans sonactivité. ».La Banque populaire cherche à prouver aux chefs de PME que les politiquesde RSE ne sont donc pas incompatibles avec la rentabilité des entreprises. En effet,« ces investissements coûtent certes plus cher, mais peuvent être rentabilisés deplus en plus rapidement, grâce notamment aux économies d’énergie et de matièrespremières qu’ils induisent » 29 .

La Banque populaire se considère être un outil de sensibilisation du réseau des PMEPMI aux questions environnementales, d’autant plus efficace qu’elle est une banque deproximité

D’autres banques ont suivi cette tendance : en 2004, la Caisse d’épargne a lancéun projet qui permet aux PME de l’Isère de réaliser gratuitement un autodiagnostic deleur activité au regard de la RSE. La Caisse d’épargne a travaillé en partenariat avec laChambre de Commerce et d’Industrie de Grenoble, la Confédération Générale des PME del’Isère, l’agence de natation Vigéo et des chefs d’entreprises pour créer un outil dimensionnépour les PME. Il s’agit de plusieurs questions regroupées en six domaines qui mesurent lacapacité du dirigeant à prendre en compte les incidences écologiques et sociales de sonentreprise et à mettre de l'ordre dans son fonctionnement, de manière libre. Ce projet a poursecond objectif de proposer une source de financement à taux préférentiels dans le cadred’investissements, matériels ou immatériels, permettant une amélioration de leurs pratiquessociales et environnementales. Le groupe entend ainsi influer sur toute la chaîne : desfournisseurs aux clients et écarter les risques d’image et de réputation.

Une des explications de cet intérêt croissant des banques pour la RSE pourrait être liéeaux accords de Bâle II. Ces derniers, dédiés au secteur bancaire, ont prévu le remplacementdu ratio Cooke par le ratio Mac Donough ; concrètement il s’agit d’une évolution du modede calcul des dangers liés au crédit, au marché mais surtout la prise en compte de risquesopérationnels. Le risque opérationnel est le risque lié au facteur humain, aux systèmes etprocédures ou à d’autres facteurs extérieurs, comme l’environnement. Certains banquierspensent que l’importance de ce concept de risque opérationnel doit être la principale raison

28 Berger, A., Banque Populaire du Haut-Rhin : retour de 13 ans d’expérience de la place de l’environnement dans l’activitébancaire, sur inaise.org (Association Internationale des Investisseurs dans l'Économie sociale)

29 Alternatives Economiques, Hors-série pratique numéro 20, septembre 2005

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de la prise en compte des facteurs du développement durable ou de la responsabilitésociétale de l’entreprise.

3. Des offres assurantielles liées aux engagements des PME enmatière de RSE

Beaucoup de sociétés d’assurance proposent des contrats couvrant la responsabilitécivile des entreprises à l’égard de l’environnement. Ces contrats visent à indemniser lestiers victimes d’un dommage résultant d’une activité industrielle ou commerciale : il peuts’agir d’une pollution accidentelle d’un site voisin de celui de l’industriel, d’une intoxicationalimentaire des clients… Le risque augmente dans la mesure où nos sociétés acceptentde moins en moins de supporter les nuisances produites par les industriels ; les risquesjuridiques encourus qui y sont liés peuvent être élevés. Le nombre des causes pouvantentraîner la mise en jeu de la responsabilité civile des industriels augmente ; de plus, lesmontants en jeu sont de plus en plus importants. Les compagnies d’assurance prennentdonc des précautions avant d’accorder un contrat à une entreprise : elles évaluent lerisque environnemental et demandent aux entreprises de s’engager dans une démarcheresponsable. Si le risque est trop grand, elles limitent la couverture ou excluent certainsrisques de l’assurance.

L’approche de l’assureur français Assurances Générales de France est intéressante.AGF a défini comme l’une de ses priorités la prise en compte de l’environnement. LesAGF cherchent à influencer les clients entreprises en matière de gestion environnementaleen contribuant activement à la prévention des sinistres, en encourageant l’utilisation detechnologies plus sûres et en publiant les résultats d’analyse des accidents pour les incluredans l’évaluation des problèmes possibles (donc des primes des contrats d’assurance).Les AGF ont développé des prestations de service d'audit des risques et de prévention.Les experts des AGF se rendent sur site, discutent avec les dirigeants des entreprisesafin d’identifier les risques possibles et leur impact sur l’environnement. L'assurance tientune place essentielle dans la diffusion de bonnes pratiques grâce à la prévention. Dansun deuxième temps, ils proposent des contrats d'assurance adaptés aux risques del'entreprise. Les AGF développent une approche centrée sur les différents champs de laRSE : en matière sociale, AGF réalise des audits “Sécurité au travail”afin d’évaluer labonne application des dispositions légales relatives à la sécurité et à la protection de lasanté des travailleurs. En 2006, 10 audits de prévention ont été réalisés afin de limiter lesrisques de pertes pécuniaires de l’employeur suite à un accident de travail ou une maladieprofessionnelle30. En matière environnementale, les AGF anticipent les conséquences dela Directive européenne sur la Responsabilité Environnementale, qui sera transposée enFrance fin avril 2007 et qui se fonde sur le «principe du pollueur payeur».Cette nouvelleréglementation se traduit, en effet, par de nouveaux risques pour les entreprises. Lacompagnie d’assurances s’attache tout particulièrement à détecter les sources de pollution,leurs vecteurs de propagation (eaux souterraines, cours d’eau à proximité) et les partiesprenantes pouvant être impactées (riverains, installation de captage d’eau potable…).

L’exemple de « l’assurance dépollution » d’AXA Corporate Solutions montreégalement que l’intégration d’une démarche respectueuse de l’environnement par uneentreprise peut être bénéfique pour ses contrats d’assurance.

30 Rapport de développement durable des AGF 2006, http://www.agf.fr/pdf/26/ra2006devdur.pdf, p. 14

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Premiere partie : adopter une demarche de RSE ou comment repondre aux nouvelles attentes despartenaires de la PME

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Ainsi, Axa Corporate Solutions (filiale du groupe français AXA) propose, depuis 2003,un contrat d’assurance qui garantit à l’industriel la prise en charge des dépassementsde frais de dépollution après un sinistre, dans la mesure où il peut être difficile d’estimerle coût total d’une telle opération. Pour délivrer sa garantie, Axa Corporate Solutions faitpratiquer un audit technique et environnemental par sa filiale spécialisée, Ecorisk ; le résultatconditionne l’octroi de la garantie par ACS, ainsi que son niveau (jusqu’à 100 % du coûtestimé).

Nous venons de montrer dans cette première partie que les PME sont plus dépendantesque les grandes entreprises à l’égard des apporteurs de ressources et notamment desbanques et des gros clients. Les PME sont donc amenées à prendre en compte les attentesde ceux-ci dans les domaines environnemental et social. Répondre aux exigences desdonneurs d’ordre privés et publics, ainsi qu’aux attentes des partenaires financiers, se révèleêtre, plus fortement que pour les grandes entreprises, une condition de pérennité de la PME.

Cependant, au-delà des exigences des différentes parties prenantes, il existe un certainnombre de bonnes raisons pour une PME de s’engager dans une démarche de RSE.

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Deuxieme partie : des benefices lies à lademarche de RSE pour les PME

Dans cette partie, nous nous attacherons tout d’abord, à établir un bilan préliminairede l’intégration de la RSE dans les PME. Ensuite, il conviendra de montrer que desbénéfices économiques découlent effectivement des initiatives de responsabilité sociétale.Enfin, j’illustrerai mon propos par les interviews que j’ai réalisées au cours de cette annéeuniversitaire auprès de dirigeants de moyennes entreprises.

A. Etat des lieux de l’integration de la rse dans lemanagement des PME

Tout d’abord, il convient de rappeler que le terme PME recouvre une grande diversitéd’entreprises ; l’intégration de la RSE dans les PME se fait donc de manières très variées.D’après une enquête de l’observatoire des PME européennes, la moitié de celles-ci sontimpliquées, à des degrés divers, dans des causes socialement responsables. Certainesentreprises sont plus actives sur le plan environnemental, tandis que d’autres s’investissentplus pour leurs salariés ou leur communauté. La personnalité et les convictions du chefd’entreprise influencent souvent l’implication de l’entreprise dans tel ou tel domaine de laRSE. Il gère la relation de son entreprise avec la société de manière intuitive, à la différencedes grands groupes. Il faut noter que les PME françaises ne sont pas parmi les plus activesdans le domaine du développement durable. Les chiffres qui suivent sont donc à minorerpour avoir une idée de la situation des PME françaises.

Bien souvent, l’intérêt des PME pour une démarche de RSE est proportionnelle à lataille de l’entreprise : 48% des très petites entreprises sont impliquées contre 65% et 70%respectivement pour les petites et les moyennes entreprises. Une différence existe entreles pays : 33% des PME françaises déclarent être engagées alors que 83% des PMEfinlandaises le sont31. De nombreuses PME feraient de la RSE sans le savoir.

1. Les pratiques des PME sur le plan environnementalOn pourrait penser que l’impact environnemental des activités des PME est faible :cependant, certaines d’entre elles sont très pollueuses. En outre, les effets cumulésde toutes les PME d’un pays sont importants : on estime que les déchets industrielset commerciaux qu’elles produisent sont équivalents à 50% des déchets totaux desentreprises. On comprend donc que la sensibilisation des chefs de petites et moyennesentreprises est capitale. En 2003, l’Observatoire des PME a réalisé une enquête surla vision qu’ont les dirigeants de petites et moyennes entreprises sur la protection de

31 Observatoire des PME européennes, Les PME européennes et les responsabilités sociale et environnementale, 2002

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Deuxieme partie : des benefices lies à la demarche de RSE pour les PME

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l’environnement. Il en ressort que 70% des sondés considèrent cette préoccupation commeimportante dans la gestion de leur entreprise. Cependant, une grande part de ces dirigeantsn’a pas mis en place de mesures concrètes pour le respect de l’environnement. De plus,on note souvent une connaissance insuffisante et des difficultés de compréhension dela législation environnementale s’appliquant aux entreprises. Ce sont les TPE qui ont leplus de problèmes pour respecter les textes. 35% des chefs d’entreprises de moins de 10salariés estiment qu’il n’est pas possible de mettre en œuvre cette réglementation dans leurentreprise.

Dans plus de 91% des cas la prise en compte de l’environnement est le résultat desconvictions personnelles du dirigeant ; celui-ci ne perçoit encore que très rarement lesbénéfices qu’il pourrait retirer d’une politique environnementale plus élaborée32.

Les actions engagées par les PME tournent autour de la gestion des déchets ou de laréduction de la consommation d’énergie. Cependant, peu d’entre elles ont un système demanagement environnemental : en effet, un peu plus de 1000 PME ont obtenu la normeISO 14001, qui certifie un management d’entreprise respectueux de l’environnement33.La norme ISO 14001 repose sur le principe d’amélioration continue de la performanceenvironnementale ; le principe de la norme ISO 14001 se divise en quatre parties : prévoir,faire, prouver et contrôler, corriger et réagir. L’engagement de la PME pour la protection del’environnement est proportionnel à la taille de l’entreprise. Peu d’études statistiques existentsur le sujet ; on peut cependant s’appuyer sur l’une d’entre elles, réalisée par l’Observatoiredes PME.

32 Observatoire des PME européennes, Les PME et l’environnement : enjeux et opportunités, in Regards sur les PME numéro4, octobre 2003.

33 Canfin P, La RSE dans les PME , in La responsabilité sociale des entreprises, Alternatives économiques hors série numéro20, septembre 2005

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Source : Observatoire des PMED’après ce graphique, on voit très clairement que le management environnemental est

un concept encore très peu connu des Très Petites Entreprises, auxquelles il n’est pasforcément adapté. Le taux d’implication varie aussi selon le secteur d’activité de l’entreprise :les PME de services ayant un fort impact sur l’environnement sont plus enclines à mettreen place un système de management que les entreprises d’autres secteurs.

L’environnement est également un secteur d’innovations : de nombreuses PME sontdes entreprises éco-industrielles qui exercent des activités dans le recyclage des déchets,la récupération d’eau, l’épuration d’eau… Le secteur de la récupération est très largementdominé par des PME qui représentent environ 60% du chiffre d’affaires et 55% deseffectifs salariés. Selon une étude de 2005 de la fédération professionnelle du recyclage(FEDEREC), 74% des entreprises de recyclage ont de 0 à 5 salariés et seulement 9% ontplus de 20 salariés34. Dans le secteur des services, l’activité de conseil en environnementaux entreprises est en plein essor : la plupart de ces sociétés de conseil sont des PME quiconseillent d’autres PME.

L’environnement est un domaine où les PME sont très présentes en terme de brevets,comme le montre le graphique suivant :

34 Observatoire statistique de Federec, Le marché du recyclage et de la valorisation en 2005, avril 2006, www. federec.org/docs/pdf/rapports-statistiques/2005/rapport-2005.pdf

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Deuxieme partie : des benefices lies à la demarche de RSE pour les PME

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Graphique : Les brevets par taille d'entrepriseSource : BDPMEDans le secteur de l’environnement, 41% des brevets sont détenus par des PME :

ce chiffre peut s’expliquer par le besoin de protection et de reconnaissance de leursinnovations, dans un contexte de forte concurrence avec les grands groupes. Ces PMEbrevetées sont en majorité des TPE et des petites entreprises : dans 49% des cas il s’agitd’entreprises de 10 à 49 salariés et dans 41% des cas il s’agit de TPE.

Les PME se sentent donc de plus en plus impliquées dans la gestion des ressourcesnaturelles et le respect de l’environnement ; cependant, peu ont adopté une véritablepolitique environnementale dans leur entreprise…Nous essayerons d’en comprendre lesraisons dans la troisième partie. Mais avant, nous allons nous intéresser aux pratiques desPME sur le plan sociétal.

2. Les pratiques des PME sur le plan sociétalLes PME agissent en priorité sur le volet social externe de la RSE, c'est-à-dire sur lesrapports qu’elles entretiennent avec le monde extérieur et notamment avec la communautélocale. Certains auteurs suggèrent que la connaissance par les PME de la situation localeles rend idéalement placées pour mener des actions au sein du monde qui les entoure. Làencore, les initiatives « sociétales » augmentent avec la taille de l’entreprise ; son âge aégalement une influence sur son implication sociale externe : ainsi, alors que 37% des PMEde moins de 2 ans ont adopté une politique de RSE, 52% des entreprises de plus de 6 ansl’ont fait35. Cette différence s’explique par le niveau d’intégration locale de l’entreprise.

35 Observatoire des PME européennes, Les PME et les responsabilités sociale et environnementale , 2002, page 24

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Graphique: Pourcentage des PME européennes impliquéesdans des activités sociales externes, par taille d’entreprise

Source : Enquête entreprise 2001, ENSR European Network for Social and EconomicResearch

L’engagement des PME dans le domaine social est dans la plupart des cas de portéelocale ; de plus, il s’agit généralement d’actions occasionnelles, détachées de toute stratégiecommerciale. Dans seulement 14% des cas, il s’agit d’actions régulières intégrées dans lastratégie de l’entreprise : le chiffre étant de 13% pour les TPE et de 21% pour les entreprisesde taille moyenne. 70 % des activités ne sont pas liées à la stratégie des affaires.

Source: Enquête enterprise 2001, ENSRLa participation aux manifestations sportives, aux activités culturelles et à celles

concernant la santé et le bien être représentent les interventions vis-à-vis de la communautéexterne les plus communément développées par les PME européennes. Le soutien aumonde du sport est de loin l’activité préférée parmi les PME de toute taille et presquedans tous les pays. Les activités environnementales, non liées aux propres opérations del’entreprise, sont beaucoup moins fréquentes (seulement 12%). Les PME réalisent aussi desactions citoyennes telles que l’embauche locale, la participation à des clubs ou associationsd’entreprises ou encore l’accueil de stagiaires issus des établissements scolaires desalentours. D’après une enquête réalisée en octobre 2006 par l’Assemblée des ChambresFrançaises de Commerce et d’Industrie, 83% des PME ont établi des partenariats avec desacteurs locaux comme les établissements scolaires ou les collectivités. Dans de nombreuxcas, ces démarches sont décidées par le chef d’entreprise dans le but de contribuer audynamisme local : elles ne font donc pas partie d’une stratégie commerciale définie. Onpeut alors s’interroger pour savoir si ces actions peuvent être comprises comme étant dela RSE ou comme étant seulement du mécénat.

La manière la plus courante pour les PME de s’impliquer dans des activités socialesexternes sont les donations en espèces ou en nature, de façon régulière ou non : 56%d’entre elles ont recours aux donations. Arrive en seconde position le sponsoring, pratiqué

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Deuxieme partie : des benefices lies à la demarche de RSE pour les PME

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par 45% des entreprises. A noter que les moyennes entreprises préfèrent le sponsoringaux donations ; les petites, elles, participent à la vie de la communauté par des donationsen priorité.

De part leur intégration locale, les PME participent ainsi fortement au développementlocal de leur communauté proche. Qu’en est-il de la responsabilité sociale des PME ?

3. Les pratiques des PME sur le plan socialPar responsabilité sociale, on entend les rapports entre l’entreprise et ses salariés. Il peuts’agir des conditions de sécurité, de l’amélioration de l’équilibre entre le travail et la famille,la formation continue, le respect du principe d’égalité de salaires entre hommes et femmes,la non discrimination à l’embauche, la participation des salariés aux bénéfices…

Il existe à ce jour très peu d’enquêtes sur le sujet.L’assemblée des chambres françaises de commerce et d’industrie a interrogé les

dirigeants de PME sur ce sujet. Il en ressort que les deux tiers des répondants affirmentavoir mené des actions visant à améliorer le dialogue social au sein de l’entreprise. 92%des dirigeants ont cité la mise en place d’un plan de prévention des risques, tandis que89% ont institué un plan de formation pour les salariés et 77% un dispositif de gestiondes compétences. Cette enquête a mis en lumière que la parité homme/femme et l’emploide personnes handicapées ne sont que très rarement recherchés36. Cependant, dansles petites entreprises il peut y avoir un manque de dialogue social lié au fait qu’il n’ya pas toujours d’institutions de représentations du personnel. Le dialogue est souventplus informel entre le chef d’entreprise et ses salariés. D’après Marie-Noëlle Auberger,consultante en RSE, la question de la RSE dans les PME est très peu traitée par lessyndicats : « dans les PME, les syndicats, comme les chefs d’entreprise, sont le plus souventle nez sur le guidon et traitent essentiellement des questions brûlantes à court terme :

l’emploi, les salaires et la formation » 37 . Il existe donc très peu de pressions syndicales

pour développer une démarche de responsabilité sociale sur le long terme.Comme dans le domaine du respect de l’environnement, il y a aussi un manque de

connaissances des réglementations en matière de sécurité ou d’hygiène par exemple.Les motivations des PME à l’égard de la RSE sont différentes de celles des grandes

entreprises. En effet, la plupart des PME ne mettent pas en valeur leur démarche etadoptent des comportements plus responsables non pas en espérant obtenir des bénéficesfinanciers, mais plutôt parce que les dirigeants croyaient tout simplement que c’était labonne chose à faire. Cependant, les enquêtes existantes prouvent que des bénéficeséconomiques découlent effectivement des initiatives de responsabilité sociétale, ce quiexplique notamment que les PME interrogées dans l’enquête de l’Observatoire des PMEeuropéennes déclaraient vouloir poursuivre dans la démarche, voire l’augmenter. En effet,les trois-quarts des entreprises interrogées étaient capables d’identifier des profits liés à cesactivités « responsables ». Nous allons maintenant voir, plus en détail, les avantages queles PME retirent d’une démarche de RSE.

36 Assemblée des chambres françaises de commerce et d’industrie, La prise en compte du développement Durable et de laResponsabilité Sociétale de l’Entreprise par les PME/PMI, octobre 2006

37 Auberger, MN, Respecter la loi, in La responsabilité sociale des entreprises, Alternatives Economiques, Hors série, numéro20, septembre 2005, page 112

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Les Petites et Moyennes Entreprises face à leur responsabilité sociétale

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B. Des benefices identiques a ceux identifies par lestres grandes entreprises ?

Engager une démarche de responsabilité sociétale n’est pas qu’un engagementphilosophique et désintéressé ; cela peut être un levier actif sur plusieurs grandsenjeux auxquels l’entreprise s’efforce de répondre pour assurer sa pérennité. Les grandesentreprises l’ont bien compris et sont capables d’évaluer précisément les bénéfices interneset externes qu’elles retirent de leur démarche de RSE. Elles citent souvent l’améliorationde leur image et de leur réputation auprès des consommateurs comme une des principalesmotivations. Plusieurs ouvrages économiques présentent ces avantages et les promoteursde la RSE auprès des PME évoquent les mêmes bénéfices économiques que ceux desgrandes entreprises; cependant, très peu d’auteurs ont tenté d’évaluer réellement les gainsqu’une PME peut espérer obtenir d’une telle démarche. Il est alors légitime de s’interroger :les PME peuvent – elle retirer les mêmes avantages de la RSE que les TGE ? Les dirigeantsde PME sont-ils conscients de ces opportunités aujourd’hui?

Dans cette partie du mémoire, nous allons essayer de présenter les différentsbénéfices que les dirigeants des PME ont observé après avoir mis en place unestratégie responsable. D’après l’enquête de l’observatoire des PME, les bénéfices seraientsuffisamment importants pour que la vaste majorité des PME qui se sont déjà engagéesdans des pratiques de RSE aient l’intention soit d’augmenter leur engagement (14%) soitde le maintenir au même niveau (73%).

Graphique : les bénéfices retirés d’une démarche responsable

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Deuxieme partie : des benefices lies à la demarche de RSE pour les PME

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Source : Assemblée des Chambres Françaises de Commerce et d’Industrie 38

D’après l’enquête publiée en 2006 par l’Assemblée des Chambres Françaises deCommerce et d’Industrie, les bénéfices retirés d’une démarche responsable les plussouvent cités par les dirigeants de PME/PMI sont liés à l’image, à la notoriété. Viennentensuite, le renforcement des liens avec les partenaires et l’amélioration du climat social del’entreprise. Les gains en terme de productivité n’arrivent qu’en quatrième position. Cetteétude ne présente cependant pas tous les types de bénéfices probables. Nous allons doncapprofondir le sujet, en nous intéressant dans un premier temps à l’enjeu stratégique quereprésente la RSE ; dans un deuxième temps, nous verrons qu’il s’agit aussi d’un enjeuéconomique pour les petites et moyennes entreprises. Enfin, nous montrerons que de nosjours la RSE est un enjeu de ressources humaines pour ces PME qui ont souvent desdifficultés à recruter, à motiver et à conserver les salariés.

1. La RSE : un enjeu stratégique pour les PMELa plupart des ouvrages présentent la RSE comme une démarche commerciale stratégique.Les grandes entreprises s’engagent dans la RSE avec un but défini à l’avance : il s’agit d’unevéritable stratégie. A contrario, nous avons vu que la motivation première des dirigeants dePME n’est pas les gains économiques, mais plutôt la conviction de « faire quelque chosede bien ». Or, certains dirigeants de PME constatent des bénéfices à une telle démarche : ils’agit donc plus d’une conséquence heureuse qu’une réelle stratégie. Il convient de nuancercette affirmation et de préciser tout de suite que ces bénéfices ne sont pas perçus partoutes les PME : un quart environ ne constatent aucun avantage retiré d’un engagementresponsable. De plus, certains dirigeants de PME, estiment que les bénéfices ne sont peutêtre pas seulement le résultat de la RSE. Les Très Petites Entreprises ont plus de difficultésà identifier les gains que les autres PME : d’après le tableau ci-dessous, 28% d’entre ellesn’ont observé aucun bénéfice. En effet, il s’agit souvent de gains sur le long terme queles petites entreprises ne perçoivent pas forcément. En effet, l’horizon temporel de la PMEest le plus souvent à court terme : les comportements stratégiques sont davantage réactifsqu’anticipatifs.

Tableau : Les bénéfices perçus par les PMEimpliquées dans une démarche sociale externe

Source ; Enquête entreprise de l’ENSR, 2001

La RSE est un enjeu stratégique dans la mesure où elle permet d’améliorer l’image et lanotoriété de l’entreprise, et ainsi la fidélité du consommateur : 35% des PME reconnaissent

38 Assemblé des Chambres Françaises de Commerce et d’Industrie, Résultats d’enquête : la prise en compte du développementdurable te de la responsabilité sociétale de l’entreprise par les PME/PMI, octobre 2006

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un effet positif sur la fidélité du consommateur. En effet, les consommateurs, s’ils restentsensibles aux arguments classiques de vente, comme le rapport qualité-prix, sont de plusen plus sensibles à l’image socialement responsable des entreprises. Cela peut contribuerà l’image d’une entreprise responsable, engagée, solidaire, voire innovante. De plus,s’engager dans une démarche de RSE peut être un moyen d’obtenir un meilleur ancrageau niveau local, qui peut favoriser la fidélisation des clients. En effet, les PME trouvent leursclients directement dans cette communauté de proximité; les ventes se réalisent le pluscommunément à l’échelle locale ou régionale. La réputation de l’entreprise est donc trèsimportante.

Ensuite, environ 30% des PME notent aussi une amélioration des relations avec lacommunauté qui les entoure. Tisser des liens avec la communauté et les autorité locales enparticipant aux activités sportives ou culturelles locales, en limitant les nuisances pour lesriverains, permet d’augmenter son capital social et ainsi de créer une relation de confianceentre la PME et la collectivité, qui ne peut qu’être positive pour l’entreprise. On entend parcapital social, l’ensemble des liens et réseaux qui unissent des groupes et des personnesau sein de la communauté. En effet, la réussite économique d’une PME dépend de soncapital social : d’après Olivier Torrès, spécialiste du management des PME,

« on peut dire que si la richesse d’une grande entreprise se mesure à l’épaisseurde son portefeuille (non seulement financier mais aussi en terme de produits,de technologies, de compétences foncières…), celle de la PME s’évalue plutôtà la taille du carnet d’adresses de son dirigeant. Le capital de la PME est

essentiellement relationnel. 39 »

Le capital social est considéré comme un facteur du développement économique de la PME.Il facilite les opérations commerciales et financières, permet de réduire les coûts liés auxlitiges par exemple… Une PME possédant un riche réseau social a l’avantage de pouvoirrégler de façon informelle un certain nombre d’opérations, ce qui réduit automatiquementles coûts. Les PME ont ici un avantage par rapport aux TGE, car elles sont plus à même degérer efficacement ces relations, dans la mesure où leurs activités sont une partie intégrantelargement visible de la communauté locale et qu’elles jouent un rôle de premier plan dansle dynamisme socio-économique régional. Adopter une démarche de responsabilité socialeexterne peut donc déboucher sur d’importants bénéfices pour les PME ; ce qui n’est pastoujours le cas pour les grandes entreprises.

D’après l’enquête publiée par l’Observatoire des PME en 200240, les deux bénéficesles plus souvent invoqués sont la fidélisation du client et l’amélioration des relations avecla communauté en général.

Il faut aussi noter qu’une entreprise responsable a de meilleures chances d’entretenirde bonnes relations avec ses partenaires d’affaires, dont les fournisseurs et éventuellementles sous-traitants. Etablir des liens durables de confiance peut faciliter les transactions, voireles accélérer. 16% des PME impliquées dans des activités tournées vers la communautésont conscientes de ce genre d’avantages : les entreprises de taille moyenne ressententces bénéfices davantage que les plus petites.

Le quatrième point important à souligner est que les exigences du développementdurable peuvent se transformer en directives ou en réglementations. Les entreprises cotéesen Bourse doivent déjà donner acte de leurs initiatives dans le cadre de la loi NRE. Les

39 Olivier Torrès, Les PME, Dominos Flammarion, 1999, page 71.40 Observatoire des PME européennes, Les PME et les responsabilités sociale et environnementale, 2002

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PME/PMI ont donc le choix entre attendre ou anticiper : pour beaucoup de spécialistesc’est une formidable occasion à saisir pour ces entreprises. Anticiper est donc un enjeustratégique d’une grande importance : les entreprises en avance dans les domaines sociauxet environnementaux, qui vont plus loin que le respect de la législation, se démarquentdes autres entreprises, ce qui facilite l’obtention de contrats et peut permettre de gagnerdes parts de marché. En outre, une démarche de RSE permet de mieux gérer les risquessociaux et environnementaux et de réduire les risques juridiques de mise en cause de laresponsabilité civile du chef d’entreprise. De plus, anticiper les attentes de la société estun atout de compétitivité ; la nature flexible d’un grand nombre de petites et moyennesentreprises leur confère une capacité de réaction rapide aux changements, car elles sontdavantage en mesure d’identifier le opportunités qui se présentent que beaucoup degrandes entreprises.

S’engager dans de bonnes pratiques a également des avantages économiques, enterme de réduction des coûts et d’amélioration de la productivité.

2. Un enjeu économique pour les PMEIl existe également des intérêts économiques à se lancer dans un programme dedéveloppement durable : réduction des coûts, notamment en terme de limitation dugaspillage et augmentation de l’efficacité de l’entreprise.

Une PME responsable sait maîtriser ses coûts environnementaux : la bonnemaintenance des installations, le management environnemental, les économies d’énergiesont le résultat d’une diminution des consommations de l’entreprise. L’exemple le plus intuitifest la chasse au gaspillage qui est mise en oeuvre pour des raisons écologiques de luttecontre la surconsommation : on observe qu’elle a un impact économique positif très rapide,ce qui est particulièrement recherché par les PME. Il existe le principe d’éco-efficacité quiincite les entreprises à « faire plus avec moins » : intégrer la notion de recyclage, créerdes produits ou des services avec le moins de ressources énergétiques possibles, limiter lapollution au maximum…on économise ainsi les frais de gestion des déchets par exemple.On s’est aperçu que l’éco-efficacité permet à la fois performance environnementale etrendements financiers. Une entreprise responsable peut en profiter pour négocier le prix deses assurances et ainsi faire des économies.

Le développement durable représente un autre avantage économique pour lesPME : en effet, le développement durable peut générer des activités nouvelles pour uneentreprises. Certaines PME ont su se placer sur de marchés porteurs, notamment enterme d’innovations environnementales : elles ont su être particulièrement innovantes et ontexploité des niches qui débouchent aujourd’hui sur des réussites économiques. Prenonsl’exemple de la PME Skywater, qui est l’une des pionnières françaises de la récupérationd‘eau de pluie, qui voit son activité décoller. Moins de deux ans après sa création, l’entrepriseaffiche 1 million d’euros de chiffre d’affaires ; d’après les estimations, ce chiffre devraitaugmenter rapidement. Le dirigeant de cette entreprise témoigne : « Au début, notreoffre faisait sourire. Maintenant, les collectivités territoriales, les bureaux d’études et lesentreprises s’intéressent beaucoup à nos systèmes de récupération d’eau de pluie à installersur les toits. 41»

S’engager dans une stratégie d’entreprise plus responsable aboutit souvent à la remiseen question de l’organisation même de l’entreprise. En effet, au cours du développement

41 Commerce éthique : un potentiel énorme, dans La tribune des entrepreneurs, numéro 5, juin 2007, Pages 74-75.

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d’une démarche de RSE, les acquis sont revisités : c’est particulièrement le cas pour lesPME qui souhaitent obtenir une certification ISO ou autre. En effet, avant d’être certifiéeet chaque année après la certification, l’organisation de l’entreprise est étudiée et remiseen question. Le chef d’entreprise est en mesure de noter les défaillances ; il peut alors yremédier, ce qui se révèle être souvent à l’origine de gains de productivité et de réductiondes coûts. La certification permet d’optimiser la performance économique d’une entreprise.Plus de 80% des entreprises certifiées ISO 14001 ont souligné sa rentabilité et plus de 60%d’entre elles déclarent un retour sur investissement de moins de 12 mois42.

Point très important : le développement durable est dès aujourd’hui une source decroissance et de valeur et il le sera de plus en plus à l’avenir. S’engager dans des actionsresponsables est en train de devenir un sésame indispensable pour accéder aux marchéslocaux et internationaux : il s’agit d’un avantage concurrentiel qui se développe rapidementaussi bien dans le cadre de la sous-traitance que dans le cadre de l’accès au marchéspublics, comme nous l’avons vu dans la première partie de ce travail.

3. Un enjeu de ressources humaines pour les PMED’après l’enquête publiée en 2006 par l’Assemblée des Chambres Françaises deCommerce et d’Industrie, 60% des PME impliquées dans des actions responsables ontperçu une amélioration du climat social dans l’entreprise. De nos jours, il est de plus en pluscompliqué pour une PME de recruter et de fidéliser les salariés : le montant des salaires etles responsabilités ne sont plus des arguments suffisants. Dans certains secteurs, le marchéde l’emploi est tendu et des départs massifs à la retraite s’annoncent : dans ce contexte,le recrutement et la fidélisation des meilleurs éléments représentent un enjeu crucial pourl’entreprise. Par exemple, le secteur du bâtiment souffre d’une mauvaise image : le taux dedémission parmi les départs en cours de carrière dans les PME du BTP est parmi les plusélevés : 39% contre 20% pour l’ensemble des secteurs43.

Le rapport à l’entreprise change et d’après de récentes études, les valeurs socialeset environnementales respectées par l’entreprise deviennent un critère déterminant pour lechoix d’un employeur et ce, surtout chez les jeunes. Alors qu’il y a 20 ans, 59% de nosconcitoyens considéraient que la première mission d’une entreprise était de se concentrersur son métier, de faire des profits et d’offrir des produits de bonne qualité, ils sont aujourd’hui60% à estimer que sa mission est aussi d’être attentive à l’effet de ses actions sur l’harmoniesociale de son personnel et sur l’environnement44. D’après un sondage Sofres de février2003, 83% des français estiment que l’entreprise a principalement des devoirs envers sessalariés, qu’ils placent bien avant les clients45. Aujourd’hui, il semble beaucoup plus facile demobiliser des gens autour du respect de l’environnement, du souci des générations futureset du contrat social qu’avec des objectifs économiques. La RSE dans une PME peut êtreun facteur de différenciation par rapport aux autres PME, pour une personne en recherched’emploi. Le recrutement peut être ainsi facilité.

Quand une entreprise s’engage dans la RSE, les salariés y adhèrent aussi, ils sesentent utiles, ce qui est un élément fort de motivation. En effet, si les politiques et actions

42 La certification ISO 14001, article publié sur le site de l’Afaq : www.afaq.org/web/afaqinstit.nsf/volfr/ser14cert143 Fédération Française du Bâtiment, dans Bâtiment Actualité numéro 14 du 24 juillet 2007, pages 10-11

44 IMS-Entreprendre pour la cité, Concevoir et piloter une démarche citoyenne dans l’entreprise,45 MEDEF, Développement durable et PME, juin 2003 www.medef.fr

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de développement durable sont bien diffusées au sein de l’entreprise, elles constituent unfacteur d’identification et renforcent la fierté d’appartenance: les différents acteurs dansl’entreprise partagent alors des valeurs communes. Un climat de confiance peut se créerqui va automatiquement avoir des conséquences positives sur l’engagement et la loyautédu personnel et ainsi accroître l’efficacité globale de la PME.

On reconnaît généralement aux patrons de PME d’être proches de leurs salariés dansla mesure où ils partagent les mêmes lieux et conditions de travail : il y a moins de distancehiérarchique. De plus, le patron connaît généralement ses salariés individuellement, il a lapossibilité de discuter plus souvent avec eux, il connaît leurs qualités, leurs points faibles…Cependant, une démarche de RSE peut renforcer encore davantage le dialogue entre ledirigeant et ses salariés : en effet, un dirigeant responsable doit permettre à ses salariés des’exprimer sur l’organisation du travail, de participer aux décisions concernant les conditionsde travail, par exemple. Une plus grande transparence est exigée au sein de l’entreprise.De cette manière, les salariés se sentent mieux pris en considération, ce qui limite lesconflits sociaux. De plus, la réorganisation de l’entreprise qui est souvent liée à la mise enplace de la RSE dans une PME peut contribuer à améliorer les conditions de travail pourl’ensemble du personnel et également à réévaluer les règles de sécurité appliquées dansl’entreprise. La satisfaction des salariés augmente, ce qui est bénéfique pour l’entrepriseen terme d’efficacité.

Autre facteur positif de la RSE : le développement de la formation continue pour lessalariés des PME. En effet, une entreprise responsable doit laisser le temps à ses salariésde se former, ce qui est facteur d’une amélioration des compétences et de la créativité. Cetargument est surtout vérifiable dans les grandes entreprises qui ont un service ressourceshumaines. Les PME n’ont pas de personne attitrée qui suit le personnel ; de plus, on observeun manque de temps disponible pour se former dans les PME.

Pour conclure cette partie consacrée aux bénéfices que peuvent retirer les PME, jevais prendre un exemple concret qui illustre bien la prise de conscience récente des PMEen ce qui concerne les gains liés à la RSE. Ainsi, les fédérations d’entrepreneurs ont biencompris que le concept de Responsabilité Sociétale de l’Entreprise pouvait se révéler êtreintéressant pour les entreprises françaises. Ainsi, l’organisation des artisans du bâtimentdu Cher vient de créer un espace de formation dédié à l’application des principes dedéveloppement durable dans les entreprises. Les artisans et leurs salariés peuvent seformer à diverses techniques respectueuses de l’environnement tels que la constructionbois, le solaire thermique, l’isolation…Ils apprennent aussi comment gérer de manièreresponsable les déchets par exemple. Mais cette formation concerne tous les aspects dela RSE : ainsi, une partie de la formation concerne la sécurité sur les chantiers, élémentà part entière d’une profession socialement responsable ; l’espace formation a égalementcomme objectif de véhiculer une image plus moderne des métiers du bâtiment en présentantdes facettes motivantes pour les jeunes et les demandeurs d’emploi. Ce sont, en effet,les artisans du bâtiment qui ont le plus de difficultés pour recruter du personnel : ils sontconscients que l’adoption d’une démarche de RSE peut être un atout de recrutement.

Certains économistes restent cependant sceptiques sur les bénéfices promis par lespromoteurs de la RSE dans les PME. Ainsi, Françoise Quairel, professeur à la Sorbonne etMarie-Noëlle Auberger, consultante en RSE, présentent ces avantages comme exagérés :selon elles, on oublie souvent de mentionner aux PME les coûts importants engendrés parles politiques de développement durable et la quantité d’investissements nécessaires qui nesont rentables qu’à long terme. Elles pensent que ce discours « trop parfait » n’encouragepas les entrepreneurs de petites et moyennes entreprises à se lancer dans une démarche

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de RSE. En effet, ils ont souvent l’impression que ce discours n’est que symbolique et enrien adapté aux préoccupations de leurs entreprises46.

Selon ces deux spécialistes il y a également un problème de définition de la RSE : est ceune réelle stratégie commerciale complète, comprenant à la fois des actions protectrices del’environnement, des implications envers les salariés et la communauté en général (commedans les grandes entreprises) ? Ou peut –on considérer les actions de la plupart des PME(déconnectées de toute stratégie d’entreprise) comme de la RSE ? La littérature n’est pasclaire sur ce point pourtant très important me semble t-il. Y a-t-il deux définitions applicablesselon le type d’entreprises, PME ou TPE ? En attendant des réponses à ces questions, onpeut considérer que si la RSE est définie comme une véritable stratégie, très peu de PMEsont concernées.

Dans la partie suivante, nous allons prendre des exemples concrets issus desentretiens que j’ai réalisés au cours de cette année universitaire.

C. Etudes de casAvant d’évoquer en détail les études de cas, je tiens tout d’abord à présenter la procéduresuivie pour la réalisation de ces entretiens.

1. Procédure suivie pour les entretiensAfin de rendre ce mémoire plus vivant et plus concret, j’ai décidé d’interroger plusieursdirigeants de PME sur le sujet. En effet, il existe peu d’études sur la RSE basées surdes témoignages de patrons de PME/PMI : la plupart recueillent les expériences degrandes entreprises ou de multinationales. J’ai donc trouvé utile de me confronter à laréalité sur le terrain pour mieux comprendre comment les patrons de petites et moyennesentreprises appréhendaient le sujet. J’ai tout d’abord élaboré un questionnaire (joint enannexe) en 4 parties : une partie générale sur la Responsabilité Sociétale de l’Entreprise,une partie concernant l’environnement, une portant sur les relations de l’entreprise avec lacommunauté locale et une sur les rapports avec les salariés.

N’ayant ni le temps, ni les moyens techniques d’interroger un échantillon représentatifde chefs de petites et moyennes entreprises afin d’en tirer des statistiques utilisables, j’aiprésenté mon questionnaire à trois dirigeants de PME. Le premier était un patron d’une trèspetite entreprise qui ne se préoccupait en rien du développement durable par manque detemps; il ne connaissait pas le concept de RSE. Il ne pensait pas être concerné et encoremoins pouvoir en tirer des bénéfices. Je me suis ensuite orientée vers des entreprises detaille moyenne en espérant avoir plus de chance.

J’ai pris contact avec la Chambre de Commerce et d’Industrie de la Creuse (mondépartement d’origine) afin d’identifier de manière plus précise des PME qui seraientsusceptibles d’être intéressantes pour mon mémoire. Le Président de la Chambre deCommerce et d’Industrie m’a accordé un entretien afin que je lui explique le sujet et ledéroulement de mon travail. Etant lui-même très intéressé par le sujet du développement

46 Quairel F et Auberger MN, Management responsable et PME : une relecture du concept de « responsabilité sociétale del’entreprise », 2005

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durable, il tente de sensibiliser les patrons de PME au problème, en organisant des réunionsregroupant des chefs d’entreprise et des spécialistes du sujet, notamment des responsablesde l’AFAQ-AFNOR. Le groupe AFAQ-AFNOR est le premier organisme certificateur enFrance et l’un des tous premiers organismes certificateurs au niveau mondial : son rôleest d’informer les entreprises sur les normes, de les inciter à les respecter grâce àdes formations précises et de délivrer des certifications aux entreprises. La Chambre deCommerce de la Creuse permet donc aux entreprises creusoises de s’informer et dedébattre sur le sujet de la RSE. Le Président m’a prévenue que peu de PME creusoisess’étaient déjà lancées dans une démarche de RSE et a évoqué une assemblée généralerécente de la CCI de la Creuse traitant de cette notion où les membres s’étaient montrésplus que réticents : certains patrons de PME appréhendent la RSE comme une chargesupplémentaire et non comme une opportunité. Il m’a cependant expliqué qu’étant lui-mêmepatron d’une PME il acceptait de répondre à quelques questions. Son entreprise est, eneffet, orientée vers le développement durable depuis plusieurs années. L’entretien a duréenviron 1H15 et s’est révélé très constructif. J’ai enregistré la conversation avec l’accord duchef d’entreprise, que j’ai ensuite retranscrite.

J’ai ensuite cherché une deuxième entreprise « responsable » ce qui n’a pas été facile.Dans le journal régional « La Montagne » est paru au mois de mars un article sur uneentreprise de Moulins (dans l’Allier) : d’après l’article le dirigeant de cette entreprise étaiten train de mettre en place une démarche RSE. J’ai donc pris contact avec la secrétairedu directeur général qui m’a tout d’abord demandé de lui envoyer le questionnaire pour letransmettre au directeur. Après l’avoir lu, le directeur a accepté de contribuer à la réalisationde ce mémoire en répondant à quelques questions. J’ai cependant était obligée de lerelancer à plusieurs reprises avant qu’il n’ait quelques minutes à accorder à mes questions.Ce n’est finalement qu’en juin que mon étude de cas sur cette entreprise a pu prendre forme

Je vais donc, maintenant, présenter les démarches sociales, environnementales etsociétales de ces deux entreprises.

2. Témoignage d’une entreprise « responsable » creusoiseMonsieur Jean-Yves Martin est Président de la CCI de la Creuse et PDG d’une entrepriseappartenant au secteur BTP, spécialisée dans la construction de lignes électriques et detélécommunications. Son entreprise emploie 200 salariés.

Ses convictions personnelles ont été le moteur de l’implication de son entreprisedans des actions sociales et environnementales responsables. Monsieur Martin considèrequ’avoir un comportement responsable est une « nécessité vitale » pour la planète ; iln’est plus possible de le nier. Cependant, d’après lui, il faut faire attention et ne pas allertrop loin, c'est-à-dire ne pas mettre en péril nos industries françaises par des normestrop contraignantes, alors que la France n’est pas une grosse pollueuse. La pollutionoccasionnée par les industries en France en un an correspondant à la pollution produite parles industries chinoises en dix jours ! C’est un enjeu planétaire et d’après lui la constitutiond’une organisation internationale de protection de l’environnement est inévitable : « on nepeut plus laisser ce genre de décisions aux seuls chefs de gouvernement. »

Il est persuadé que ses démarches de RSE sont favorables à sa société aussi bienen termes économiques qu’en terme d’efficacité de son personnel. Pour lui, les entreprises« responsables » et en particulier celles qui sont certifiées ISO bénéficient d’un avantageconcurrentiel incontestable. Son entreprise est certifiée ISO 9001 : c’est une norme qualité

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qui vise à évaluer les systèmes de management de la qualité. Elle prend en compte descritères de conception, de production, d’installation et de service après vente. L’objectifprincipal de cette démarche qualité est de mieux comprendre les besoins de ses clients etd’anticiper les évolutions de la demande. La première chose à faire est donc de mesurerla satisfaction des clients. Mais la norme ISO 9001 permet aussi de remettre l’organisationde l’entreprise en question et ainsi d’optimiser le rôle de chaque salarié et les méthodes deproduction et de vente utilisées. Pour Monsieur Martin, le bénéfice principal est interne àl’entreprise : cette démarche donne un but à l’entreprise et soude les salariés. De plus, cettecertification donne une crédibilité à l’entreprise auprès de ses clients et de ses salariés etfuturs salariés : en effet, l’organisme de certification réalise un audit tous les trois ans et retirela certification ISO à l’entreprise si elle ne respecte plus les conditions. Monsieur Martin estconscient que le coût de la certification est important pour une TPE : il faut effectivementprévoir un budget de 5000 à 20000 euros en fonction du recours ou non à des consultants.Mais d’après son expérience les bénéfices sont supérieurs aux coûts. Il évoque surtout unavantage concurrentiel dans le cas de la certification de son entreprise : il sait que dansson secteur, certaines entreprises non certifiées perdent des contrats de sous-traitanceaujourd’hui. De plus, la démarche permet de mieux satisfaire les clients et les salariés.

Monsieur Martin a engagé sa PME dans une démarche qu’il est possible de qualifierde RSE dans la mesure où les actions « responsables » de son entreprise concernent à lafois les aspects environnementaux, sociétaux et sociaux.

Les actions de l’entreprise SAS Socalec en matière d’environnement :Concrètement, Monsieur Martin a essayé de réduire les consommations énergétiques

de son entreprise. Il considère que l’intérêt financier est évident pour chaque entrepriseet qu’un changement organisationnel suffit souvent à réduire la facture énergétique. Ainsi,l’entreprise a rédigé des notes à l’intention de tous les salariés leur expliquant les mesuresà prendre pour économiser l’énergie. Peu à peu, les méthodes préconisées sont entréesdans les mœurs : aujourd’hui tous les salariés ont le réflexe d’éteindre le lumières en sortantd’une pièce, d’éteindre leur ordinateur le soir et de le mettre en veille à midi. MonsieurMartin est capable d’évaluer les économies réalisées grâce à une étude énergétiquefaite dans son entreprise : éteindre les ordinateurs la nuit a, par exemple, permis à sonentreprise d’économiser 25 000 euros par an. Monsieur Martin a également investi dans unsystème de régulation de chauffage : le chauffage se régule automatiquement en fonctionde l’occupation de la pièce.

Ensuite, l’entreprise Socalec s’est également lancée dans l’innovationenvironnementale : elle est actuellement occupée à développer une innovation techniquepermettant de limiter les atteintes à l’environnement de ses activités. L’entreprise Socalectravaille dans le BTP : elle s’occupe des liaisons électriques et de télécommunications.Dans le cadre de ces activités, l’entreprise est amenée à enfouir des câbles HTA 1 kilovolt :la norme impose d’enterrer ce genre de câbles dans du sable. Il faut donc creuser unetranchée, évacuer la terre ailleurs, transporter du sable sur le lieu du chantier en vue dereboucher. L’entreprise Socalec souhaite développer un nouveau type de pose de câbles enpleine terre : grâce à ce procédé, les pollutions liées à l’extraction de la terre, à son transportet à celui du sable pourraient être évitées.

L’engagement de l’entreprise Socalec envers ses salariés :Monsieur Martin considère qu’être responsable est également un moyen d’attirer et de

fidéliser les salariés : il en fait le constat dans son entreprise. En effet, il a compris qu’iln’était plus possible aujourd’hui d’intéresser le personnel uniquement avec le salaire ; il

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remarque que si la rémunération est toujours un critère important ce n’est plus l’élémentessentiel comme il y a quelques années. Les salariés sont plus exigeants : d’après lui,« une entreprise qui pollue une nappe phréatique n’attire plus les jeunes ! ». Les entreprisesimpliquées dans une démarche sociale responsable ont un atout supplémentaire pour attirerde nouveaux talents. L’entreprise de Monsieur Martin se situe dans un secteur d’activité quipeine à recruter les jeunes : sa démarche de RSE lui permet d’avoir un avantage en terme derecrutement par rapport aux autres entreprises des secteurs électricité/télécommunications.De plus, des salariés bien intégrés qui adhèrent au projet de l’entreprise sont plus motivéset donc plus productifs.

Dans la pratique, l’entreprise Socalec a mis en place des mesures de formation,de consultation du personnel et de non discrimination. Ainsi, un système documentaireécrit permet aux salariés d’exposer clairement les problèmes qu’ils rencontrent et leurssuggestions pour améliorer les méthodes de travail : cette procédure fait partie desconditions pour conserver la norme ISO 9001. Chaque problème est étudié, des solutionsappropriées sont recherchées et une réponse écrite revient au salarié concerné pourl’informer des décisions prises. D’après Monsieur Martin, cette méthode de consultation estplus efficace et plus simple que l’organisation de réunions où tous les salariés n’osent pasforcement exposer leurs revendications.

En terme de diversité du personnel, l’entreprise Socalec attache de l’importance à lamixité des cultures : ainsi, 6 nationalités sont présentes dans l’entreprise. De plus, MonsieurMartin souhaite trouver des solutions pour permettre aux femmes de travailler dans lesmétiers du bâtiment ; pour lui, la seule façon de réduire la pénurie de main d’œuvre dansson secteur est de les inciter à se lancer dans de nouveaux métiers. Il pense qu’ il s’agitjuste d’une question d’organisation : il faut adapter les méthodes et les moyens afin que lesfemmes puissent s’intégrer dans ces métiers.

Les implications de l’entreprise envers la communauté locale :Monsieur Martin tient à développer de bonnes relations avec les riverains pour éviter

tout conflit. En effet, son entreprise a un impact sur son milieu ; il est donc importantde légitimer l’action de l’entreprise auprès de la communauté locale. Son entreprise s’estnotamment engagée dans la réduction du bruit des engins, grâce à de nouvelles techniquesde travail. Etant également Président de la CCI, Monsieur Martin a également à cœur dedynamiser le tissu entrepreneurial de la Creuse et ainsi de rendre le département plus vivant.

3. Témoignage d’une entreprise auvergnateMonsieur Eric Tissot, directeur général de l’entreprise Desamais Distribution a uneconception de la RSE différente de celle de Monsieur Martin.

Desamais Distribution est une PME de 200 salariés dont l’activité est le commerce degros non alimentaire (produits de droguerie) depuis 1908. C’est une entreprise en pleineexpansion qui a créé 125 emplois depuis 2000 et qui prévoit d’embaucher 20 salariés deplus en 2008. L’entreprise Desamais a également un projet d’agrandissement de ses deuxsites de production et de stockage.

Monsieur Tissot semble être moins intéressé par le développement durable et laRSE que Monsieur Martin; il fait partie de ces chefs d’entreprises qui font de la RSEsans le savoir. En effet, Monsieur Tissot n’a jamais entendu parler de ResponsabilitéSociétale de l’Entreprise et ne connaît aucune institution qui aide les PME/PMI à devenir« responsables »; cependant, ses réponses à mes questions montrent que son entreprise

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s’est engagée dans plusieurs actions de management responsable. Monsieur Tissot n’estcependant pas en mesure d’évaluer les bénéfices de ses actions.

Tout d’abord, il est important de noter que l’entreprise Desamais a obtenu la certificationISO 9002 depuis une dizaine d’années, en 1998, date à laquelle la structure était beaucoupplus petite qu’aujourd’hui (75 salariés) ; cela montre bien l’intérêt de cette entreprise pourl’amélioration et le suivi de son management, ainsi que pour l’attestation de son systèmequalité. Cette certification n’existe plus aujourd’hui : elle a été intégrée dans la refonte deISO 9001 en 2000. L’entreprise Desamais est donc certifiée ISO 9001 aujourd’hui. ISO9002 était la norme réservée aux entreprises qui ne s’occupaient pas de la conception desproduits. Le tableau suivant permet de mieux comprendre les éléments pris en compte dansles certifications ISO 9002 et ISO 9001.

Eléments de la norme ISO 9000 ISO 9001 ISO 9002Responsabilité de la direction exigé exigéSystème qualité exigé exigéMaîtrise de la conception exigé non exigéeMaîtrise des documents et des données exigé exigéAchats exigé exigéMaîtrise du produit fini par le client exigé exigéIdentification et suivi du produit exigé exigéMaîtrise des processus exigé exigéContrôles et essais exigé exigéMaîtrise des équipements de contrôle et d’essais exigé exigéMaîtrise du produit non conforme exigé exigéMesures correctives et préventives exigé exigéManutention, stockage, manutention exigé exigéMaîtrise de la qualité exigé exigéVérifications Qualité internes exigé exigéFormation du personnel exigé exigéMaîtrise des techniques statistiques exigé exigé

Les 2 normes ont donc les mêmes exigences, excepté les exigences en matière deconception des produits. La norme ISO 9001 est donc plus complète : elle s’applique à touttype d’entreprise.

L’engagement de l’entreprise Desamais envers ses salariés :L’entreprise Desamais a mis plusieurs actions en œuvre afin que ses salariés se sentent

bien au sein de la structure : Monsieur Tissot revendique « une gestion paternaliste dupersonnel de son entreprise ». Il utilise les termes « groupe familial » pour évoquer lesrelations qui existent entre lui et ses salariés. Monsieur Tissot « fait tout pour que les salariésrentrent dans l’entreprise et y restent ». Concrètement, plusieurs actions sont menées enfaveur du personnel ; concernant la formation continue des salariés, l’entreprise Desamaisfavorise l’évolution sociale des salariés par le financement d’un plan de formation annuel.Monsieur Tissot organise des réunions d’expression des salariés et d’autres où il leurprésente les grandes orientations de l’entreprise : son but est d’intéresser les salariés àl’avenir de l’entreprise et ainsi de les fidéliser. Monsieur Tissot fait en sorte que la diffusion del’information soit la plus optimale possible. Dans le but d’améliorer les conditions de travaildu personnel, il a également fait aménager un réfectoire au sein de l’entreprise. MonsieurTissot constate que ces mesures sont favorables à la motivation des équipes.

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Deuxieme partie : des benefices lies à la demarche de RSE pour les PME

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L’engagement de l’entreprise Desamais envers ses clients et la communauté locale :Contrairement à la plupart des PME, l’entreprise Desamais ne pratique ni le don, ni

le sponsoring des associations locales. Le développement du tissu local fait cependantpartie des préoccupations de la direction de cette entreprise : « créer de la richesse etdes valeurs à Moulins (ville auvergnate) fait partie du plan de développement de DesamaisDistribution », dit-il. L’entreprise s’efforce, par exemple, d’effectuer ses achats localement etde faire réaliser les travaux par des entreprises de la région. De plus, Monsieur Tissot offrerégulièrement des postes de stagiaires aux jeunes issus des établissements scolaires desalentours. Monsieur Tissot constate qu’il entretient de bons rapports avec les élus locauxet les riverains.

L’entreprise Desamais a également développé des procédures de travail qui permettentde tenir compte des propositions et des réclamations des clients, dans le cadre de la normeISO 9001.Desamais Distribution s’est aussi doté d’un système d’information et d’exploitationqui permet une meilleure traçabilité des produits et une livraison en 24 ou 48h de ses clients.

Les pratiques environnementales de Desamais Distribution :Monsieur Tissot n’a jamais cherché à développer un management environnemental :

les actions menées sont plutôt intuitives. Ainsi, Desamais Distribution n’est pas capablede chiffrer les économies d’énergies qu’elle réalise, alors que l’entreprise s’est engagée àréduire son impact environnemental. Plusieurs politiques ont été mises en place : réductiondes déchets, économies d’énergie, sélection de fournisseurs proposant des produitsprotégeant l’environnement, investissements pour sécuriser le bâtiment de stockage desproduits à risque, l’entreprise est une « installation classée »et est donc consciente desimpacts sur l’environnement de ses activités … Cependant, ces actions ne semblent pasdépendre d’une démarche globale et organisée, c'est-à-dire qu’il n’y a pas de managementde l’environnement en temps que tel.

Les freins à une véritable démarche de RSE selon Monsieur Tissot :Il semble que l’entreprise Desamais n’ait pas beaucoup de temps à accorder au

développement durable dans l’entreprise. L’entreprise en pleine croissance se concentresur sa pérennité économique. Monsieur Tissot regrette aussi qu’aucune information, niformation ne lui ait été proposée par les organismes publics. En dehors des bénéfices enterme de motivation du personnel, il n’est pas convaincu qu’une démarche de RSE auraitdes bénéfices économiques dans son entreprise.

Ce dernier constat va nous permettre de faire la transition avec la partie suivantequi va traiter des obstacles rencontrés par les PME pour adopter ou intensifier unedémarche de RSE. En effet, la littérature sensibilisant les PME à la RSE oublie parfoisd’en mentionner les contraintes qui leur sont spécifiques. Bien que des bénéficessoient à attendre d’une telle démarche aussi bien pour les TGE que les PME (même sicomme nous l’avons vu certains avantages cités par les TGE ne sont pas perçus parles PME), on constate que les PME ont plus de difficultés que les grandes entrepriseset les multinationales dans leur mise en place d’un management responsable. A celaplusieurs raisons que nous allons tenter d’identifier à présent.

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Troisieme partie : des obstaclesimportants a l’adoption de la RSE par lesPME

Dans son étude sur les freins de l’engagement des PME dans un managementenvironnemental, Sandrine Berger-Douce, maître de conférence à l’IAE de Valenciennes,identifie deux obstacles majeurs : des freins d’origine interne et des freins d’origine externe.La structure spécifique des PME et la rareté des outils de management responsable dédiésaux PME47 limiteraient les initiatives des petites et moyennes entreprises.

A. Des difficultes liees a la specificite des PMEOn observe de grandes différences entre une PME et une TGE, aussi bien en termed’organisation et de gestion, de moyens financiers et humains, de relations entre la directionet les salariés, de pressions des syndicats et des actionnaires…Les PME possèdent doncleurs propres spécificités qui sont de nature à les handicaper dans leurs démarches deRSE. Voici les principaux freins cités par les chefs d’entreprises dans l’enquête réalisée enoctobre 2006 par l’Assemblée des CCI.

Graphique : les freins au développement d’une démarche RSE au sein des PMESource : Enquête ACFCI, octobre 2006D’après cette enquête, 85% des dirigeants de PME interrogés ont déclaré avoir

rencontré des difficultés dans la mise en place de la démarche. Le problème principal estlié au manque de temps (62%) ; viennent ensuite le manque de personnel dédié à ce projet

47 Berger-Douce Sandrine, Freins et moteurs de l’engagement des PME dans une démarche de management environnemental, inLettre du management responsable numéro 7, janvier 2007

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Troisieme partie : des obstacles importants a l’adoption de la RSE par les PME

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et le manque de moyens financiers. 16% évoquent également le manque d’outils et 15%une mauvaise information48. Il faut également rajouter que certaines petites entreprisesdéclarent simplement ne jamais avoir pensé à mettre en place une telle démarche etn’avoir aucune connaissance ou compréhension du concept de RSE. Une enquête réaliséepar des chercheurs britanniques a aussi abouti à un autre obstacle souvent cité par leschefs de petites et moyennes entreprises : la bureaucratie ou la « paperasserie » qui leseffraie. Enfin, surtout, comme nous l’avons précisé au cours de ce mémoire, beaucoup dePME considèrent la RSE davantage comme un coût qu’un investissement rentable. Si ons’attache plus particulièrement à la question de l’environnement, l’étude de l’Observatoiredes PME européennes de 2002 rapporte que la culture des PME peut être un frein à unmanagement d’entreprise plus responsable : les auteurs du rapport parlent « d’une cultured’entreprise négative vis-à-vis de l’environnement », c'est-à-dire que beaucoup de petitesentreprises considèrent que « l’action environnementale est quelques chose à éviter » àmoins de n’y être obligées49.

Nous allons étudier dans un premier temps les obstacles liés à un manque deressources dans les PME, pour ensuite aborder la spécificité organisationnelle des PME quine facilite pas forcement la mise en place d’une démarche de Responsabilité Sociétale.

1. Des ressources difficiles à mobiliser pour les PMECes ressources difficiles à mobiliser dans les PME sont de différents ordres : il ne s’agit passeulement des moyens financiers, mais également des moyens humains et des ressourcesen temps. A la différence de la grande entreprise, les PME et surtout les TPE doivent faireface à un manque de ces trois ressources, dans le cas où elles souhaitent s’impliquer dansle RSE.

Les difficultés en terme de financement sont proportionnelles à la taille de l’entreprise :les plus petites ont une marge de manœuvre financière plus limitée. Ainsi, la majorité desPME n’auraient pas les moyens suffisants pour supporter le coût d’initiatives importantesde RSE et donc pour mettre en place un système formel de management et de reportingde responsabilité sociale.

L’obtention d’une certification ISO par exemple présente un risque financier lié à soncoût et à son caractère irréversible. La partie visible du coût comprend le recours à descabinets de conseil, à un organisme certificateur et parfois à l’embauche d’un responsabledéveloppement durable. Cependant, Olivier Torrès rajoute à cela des « coûts cachés » quiregroupent les coûts liés à l’implication de tous les membres de l’entreprise et du dirigeant50.

Le tableau ci-dessous présente les coûts de mise en œuvre de la certificationenvironnementale ISO 14001 dans les entreprises par taille. On se rend facilement compteque le coût en pourcentage du chiffre d’affaires pour les petites entreprises est beaucoupplus important (2.7% du CA) que pour les entreprises de taille moyenne (0.3% du CA). C’estune des raisons qui expliquent que très peu de petites entreprises sont certifiées ISO 14001.

48 Assemblée des chambres françaises de commerce et d’industrie, La prise en compte du développement Durable et de laResponsabilité Sociétale de l’Entreprise par les PME/PMI, octobre 2006

49 Observatoire des PME européennes, Les PME et les responsabilités sociale et environnementale , 2002, pages 45-4650 Torrès O, PME : de nouvelles approches, Economica, 1998, page 136

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Tableau : coûts de mise en œuvre de l’ISO 14001 dans les entreprisesSource : Etude suédoise citée dans le rapport de l’Observatoire des PME européennesD’après Olivier Torrès, les dirigeants de petites entreprises ont souvent du mal

à mobiliser des ressources financières d’origine externe ; cela traduit leur volonté deconserver leur indépendance. Cependant, le fait d’adopter un modèle de RSE oblige laPME à modifier sa politique de financement en ne privilégiant plus systématiquementl’autofinancement : un tel changement n’est pas toujours facile à accepter et à mettreen œuvre dans de petites sociétés. Enfin, en raison de leur vulnérabilité économique,les investissements à long terme en faveur de la RSE non directement liés au cœurd’activité sont considérés comme secondaires par les PME. Les exigences des pratiques« responsables » ont parfois un coût financier important pour de petites structures : eneffet, comment adopter des conditions de travail protectrices et de bonnes rémunérationsdes salariés, alors que les exigences des clients (en particulier des grandes entreprisesdonneurs d’ordres) en terme de prix sont toujours croissantes ? C’est un engagement parfoistrès exigeant et financièrement coûteux pour une PME.

Au-delà des contraintes financières, il faut tenir compte du temps. En effet, d’aprèsMichel Marchesnay, maître de conférence en gestion et auteur d’un ouvrage intitulé Cas destratégie de PME, « la ressource la plus rare, susceptible de jouer le rôle de pivot sera letemps. ». Or, on sait que le processus de mise en place d’une politique RSE ou la procédurede certification demande du temps : entre 18 et 24 mois. De plus, les dirigeants n’ont souventpas le temps pour creuser la question et détecter les appuis et outils utiles. En effet, ils sontsouvent très polyvalents :

« il n’est pas rare de voir un patron dans la même journée prospecter denouveaux clients, répondre aux sollicitations d’un nouveau fournisseur, réparerune machine en panne et s’entretenir avec son banquier en fin d’après-midi avantde rejoindre en début de soirée un club de dirigeants »51.

Dans les petites entreprises, le dirigeant doit souvent tout gérer : le commercial,l’approvisionnement, les finances, les ressources humaines, les relations publiques… ; cesactivités font l’objet d’une gestion spécialisée dans les grandes entreprises mais rarementdans les PME. Les membres de l’entreprise ont souvent des fonctions variées, d’où unedifficulté parfois à différencier les tâches. Les gestionnaires des PME sont donc souventtrop absorbés par les tâches quotidiennes pour se soucier de la RSE. De plus, il n’y apas de personne responsable du développement durable dans les PME, ce qui ne facilitepas la mise en place d’une telle politique. C’est le dirigeant qui doit être le promoteurdu changement de culture de l’entreprise, qui doit expliquer les raisons qui l’ont pousséà engager l’entreprise dans une telle démarche ; il doit s’efforcer de faire comprendre àl’ensemble du personnel les nouvelles orientations à appliquer. Il doit donc à la fois assurer ladirection de son entreprise et participer activement à la mutation de l’organisation engendréepar la certification, par exemple. Cependant, un patron de PME a rarement la disponibiliténécessaire pour accomplir ces deux tâches en même temps. Le manque de temps est doncun obstacle majeur à une implication des PME dans la RSE.

51 Torrès, O., Les PME, Dominos Flammarion, 1999, page 65

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Autre frein, outre l’absence de temps et de personnel adapté, les dirigeants de PMEcitent aussi le manque de ressources en informations disponibles sur la RSE dans lesPME. En effet, la majorité de la littérature se base sur les expériences de très grandesentreprises ; les chefs de PME ne se sentent alors pas concernés par la RSE. Alorsqu’il semble que les pouvoirs publics se soient engagés à mieux intégrer la RSE dansl’univers des PME, leurs dirigeants disent être en manque de documentations et de conseilsdans le domaine. Les diverses organisations de soutien et conseil aux PME, comme lesChambres de Commerce et d’Industrie et les fédérations professionnelles, ont encore menépeu d’actions de sensibilisation à grande échelle : c’est la raison pour laquelle autant dedirigeants de PME n’ont jamais pensé à enclencher une démarche de RSE. La CommissionEuropéenne n’a lancé le programme de sensibilisation que fin 2004 : il faut donc du tempsavant que tous les chefs d’entreprises aient intégré la notion de RSE.

Les ressources limitées des PME constituent donc un frein au développement de laRSE dans les PME. De plus, leur organisation spécifique ne semble pas être adaptée à laRSE, comme nous allons le voir dans le paragraphe suivant.

2. Une organisation spécifique peu propice à une démarche de RSEL’organisation d’une PME est concentrée autour du chef d’entreprise ; c’est donc de luique vient la volonté de mettre en place au sein de l’entreprise une politique de RSE. Lespréférences personnelles du dirigeant représentent le facteur le plus influent qui détermineaussi bien l’étendue que le type d’actions responsables que la PME va développer. Lapropriété et la direction de l’entreprise étant souvent confondues dans une PME, le chefd’entreprise subit peu ou pas du tout la pression des actionnaires au sujet de la RSE :en effet, il arrive souvent que ceux-ci appartiennent tous à la même famille. Attention,cependant, cet argument est à relativiser : certains auteurs52 estiment, en effet, que cettestructure de propriété atypique des PME pourrait, à l’inverse, faciliter l’adoption de la RSE,dans la mesure où il n’y a pas d’actionnaires agissant pour accumuler le maximum debénéfices à court terme (en obligeant à limiter les coûts), comme dans les TGE.

De plus, la présence de syndicats dans les PME étant rare, aucune influence de ce cotélà n’incite le chef d’entreprise à s’engager dans une démarche de RSE. En effet, 81% desPME n’ont pas de délégué syndical et 67% des établissements de 20 à 50 salariés n’ont pasde représentants du personnel. Le taux de syndicalisation dans le privé en France est undes plus faibles d’Europe : 5%53. Or, il ne peut pas y avoir de RSE si les salariés n’ont pasla possibilité de s’exprimer. Les syndicats, et particulièrement la CFDT, la CGT e la CFTC,sont de plus en plus actifs dans le domaine de la RSE, notamment à travers la signatured’accords cadres spécifiques : il s’agit d’engagements réciproques négociés, qui fixent demanière contractuelle les dispositifs d’évaluation et de contrôle de la bonne application dela politique de RSE. Par exemple, un accord a été signé en janvier 2005 entre la directiond’EDF et les organisations syndicales sur la responsabilité sociale du groupe : les syndicatsont insisté pour que le groupe EDF fasse respecter les grands principes de la RSE comme lalutte contre les discrimination et la réduction de la pollution notamment. De telles pressionssyndicales n’existent pas ou peu dans le monde des PME, ce qui n’encourage pas audéveloppement des pratiques responsables.

52 Lapointe A, Gendron C., La responsabilité sociale d’entreprise dans la PME : option marginale ou enjeu vital ? octobre 2004,page 18

53 www.netpme.fr

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Les Petites et Moyennes Entreprises face à leur responsabilité sociétale

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En outre, les contraintes des autorités publiques seraient moindres sur les PME quesur les grandes entreprises, en particulier en matière d’environnement.

Tout repose donc sur les convictions personnelles du chef d’entreprise : or, d’aprèsJulien et Marchesnay54, il existe deux grandes familles de dirigeants de PME. Ils proposentune typologie des chefs de petites et moyennes entreprises fondée sur trois aspirations : lapérennité, l’indépendance et la croissance. Les travaux de ces deux auteurs ont abouti audirigeant de type PIC et au dirigeant de type CAP.

Le dirigeant de type PIC (Pérennité, Indépendance, Croissance) se place dans unelogique d’accumulation du capital : son but est de conserver le contrôle de son entreprise,c'est-à-dire son indépendance et de la transmettre à ses enfants. Il va donc tenter de limiterles investissements immatériels : on en déduit donc qu’il n’impliquera son entreprise dansune démarche RSE (ou tentera d’obtenir une certification) que lorsqu’il y sera contraint,par exemple, quand tous ses concurrents auront adopté cette démarche ou quand il seraconfronté à de fortes exigences de sa clientèle. Ce type de dirigeant n’est donc pas celuiqui permettra un développement de la RSE au sein des PME.

Le dirigeant de type CAP (Croissance, Autonomie, Pérennité) a pour objectif principald’obtenir une forte croissance de son entreprise. Il est donc à la recherche de toute activitécapable d’aboutir à une forte rentabilité à court terme. Tout en souhaitant conserver sonautonomie de décision, il est susceptible d’être intéressé par la RSE et la certificationd’entreprise dans la mesure où elles peuvent favoriser la croissance de la PME. Il neva pas attendre que d’autres entreprises adoptent une telle démarche : il cherche à êtredifférent et compétitif. Il est donc en mesure de prendre le risque d’engager les changementsnécessaires au sein de son entreprise, pour répondre aux exigences d’une certification, parexemple.

Beaucoup de petites entreprises sont dirigées par des responsables de type PIC quivont simplement s’adapter aux évolutions de la concurrence. Le fait que le dirigeant soit lepersonnage clé dans le processus de RSE et de certification peut donc être un obstacle àl’adoption de la RSE dans les PME.

Au-delà de l’organisation spécifique des PME centrée autour du chef d’entreprise, ilexiste un autre problème freinant la diffusion de la RSE dans les PME : leurs moyensde communication. A l’inverse des grandes entreprises, elles ne ressentent pas le besoinde médiatiser leurs actions « responsables ». De plus, la communication coûte cher auxPME. On peut également se demander si des rapports réguliers concernant leurs pratiquessociales et environnementales rencontreraient un lectorat suffisant justifiant les ressourcesfinancières et le temps investi, dans la mesure où ces PME ne sont visibles que sur la scènelocale.

En effet, la communication des PME, à la différence de celle des grands groupes, se faitsouvent de manière informelle avec peu d’écrits, à l’extérieur comme au sein de l’entreprise.Cette organisation spécifique de la diffusion des informations dans la PME rend plus difficilel’obtention de la certification ISO 9001, par exemple, qui exige l’utilisation d’un mode degestion planifié et le recours renforcé à des procédures écrites. La PME qui souhaite êtrecertifiée ISO doit prendre un risque en intégrant les changements : il n’est pas assuré queles modifications des habitudes de travail des salariés soient bien acceptées.

Pour Olivier Torrès, l’adoption de la RSE « modèle grande entreprise », entraîne uneremise en cause profonde du modèle classique de la PME. D’après lui, l’intégration despratiques de responsabilité sociale implique

54 Julien, PA., Marchesnay, M., La petite entreprise, Vuibert, 1988

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Troisieme partie : des obstacles importants a l’adoption de la RSE par les PME

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« la mise en place de modes de management qui substituent le formel àl’informel, la procédure au processus, la planification à l’intuition, l’écrit à l’oral,l’interdépendance à l’indépendance… c'est-à-dire des modes de management qui

sont souvent synonymes de perte de spécificité pour la PME. 55 »

Il évoque une tendance à la « dénaturation de la PME 56» qui pourrait être une desexplications des réticences d’un grand nombre de dirigeants de PME à se lancer dans unepolitique de RSE. C’est un engagement parfois trop complexe et exigeant pour une PME.

Il existe donc des spécificités des PME qui peuvent représenter des obstacles àl’adoption de la RSE. Cependant, nous pouvons aussi constater que les PME doiventégalement faire face à des difficultés liées à l’évaluation de leurs bonnes pratiques. Eneffet, le cas spécifique des PME a été très peu pris en compte et les moyens existantssont rarement conçus en fonction des particularités des PME. Dans ce domaine également,l’étude n’a été réalisée que pour les TGE. Ces outils d’autoévaluation sont pourtantimportants puisqu’ils servent à mesurer la situation et les performances de l’entreprise surun plan global (intégrant des éléments social, environnemental et sociétal) et permettentainsi d’améliorer ses performances.

B. Des difficultes liees a la notation /evaluation de larse dans les PME

D’après les conclusions du Livre Vert sur la RSE de la Commission Européenne en 2001,les PME ont besoin d’outils d’autoévaluation spécifiques, adaptés à leurs contraintes detaille et de moyens, pour évaluer et réformer leurs pratiques sociales et environnementales.Or, à ce jour, ne sont disponibles que très peu d’outils destinés aux PME. De plus, lesoutils existants sont souvent qualifiés d’imparfaits car peu expérimentés. Ce manque demoyens en destination des PME ne contribue pas à motiver les chefs de petites et moyennesentreprises. Ces derniers constatent, en effet, un manque généralisé d’appuis publics etprivés destinés aux PME.

55 Torrès O, Les PME, Flammarion, 1999, page 9956 Torrès O, PME : de nouvelles approches, Economica, 1998, page 138

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Les Petites et Moyennes Entreprises face à leur responsabilité sociétale

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Graphique : Pourcentage des PME européennes (par nombre de salariés) ayantbénéficié d’un appui public pour participer à des actions socialement responsables

Source : Enquête entreprise de l’ENSR, 2001

Ainsi, en moyenne, seules 8% des PME européennes ont bénéficié d’un soutien public(subventions, informations, initiation aux moyens d‘évaluation disponibles…) : les TPE sontles moins aidées.

Face au constat du besoin d’outils d’évaluation destinés aux PME, la Caisse des Dépôtset Consignations, qui agit en faveur des PME depuis plus de 10 ans, a demandé un rapportà Novethic permettant d’identifier les outils disponibles pour les PME françaises. Nous nousbaserons sur cette étude publiée en 200357.

1. Présentation des quelques outils d’évaluation disponibles pour lesPME françaises

Les PME ont peu de moyens humains et financiers pour évaluer leur RSE et mettre enoeuvre de bonnes pratiques : elles ont donc besoin d’outils spécifiques d’autodiagnostic afinde guider leurs dirigeants dans leur volonté de mettre en place une démarche RSE. C’estsouvent un préalable à la mise en place d’actions concrètes de RSE, voire à l’obtentiond’une certification.

Le schéma suivant permet d’expliquer l’utilité de l’évaluation :Evaluer les niveaux de responsabilité sociétale des entreprises=

57 Novethic, Benchmark européen des outils d’évaluation « Responsabilité sociale » utilisables par les TPE-PME, novembre2003, rapport disponible sur novethic.fr

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Troisieme partie : des obstacles importants a l’adoption de la RSE par les PME

Fauconnet - 2007 53

Evaluer le niveau de prise en compte, par le système managérial de l’entreprise, desattentes légitimes de ses parties prenantes

Identifier les risques et les enjeux associés et apprécier leur niveau de maîtrise(vulnérabilités, axes de progrès…)

Mettre en place les démarches RSE nécessaires pour aboutir à une améliorationCependant, on s’est peu intéressé aux spécificités des PME lors de l’élaboration de

ces outils. En France, il en existe seulement un petit nombre qui prennent en compte lescaractéristiques et les besoins des PME. Ils sont structurés différemment et se composentle plus souvent de plusieurs instruments ou documents : il peut s’agir de questionnaires,guides pédagogiques, formation ou accompagnement, consultation externe… Le panelétudié s’étend du simple questionnaire à l’évaluation externe.

En France, trois réseaux d’entreprises et un organisme certificateur se sont intéressésaux outils d’évaluation RSE pour les PME. Le Centre des Jeunes Dirigeants (CJD), quipropose le « guide de la performance globale », le Centre des Jeunes Dirigeants et desacteurs de l’Economie Sociale, qui a créé le « Bilan sociétal », le réseau Alliances qui a misen place un outil en coordination avec le réseau européen Corporate Social Responsabilityet l’AFNOR qui a mis au point le « guide SD 2001 ». Ces quatre dispositifs peuvent permettreaux PME de « passer à l’acte ».

Le CJD a été créé en 1938 et rassemble 2500 chefs d’entreprise qui ont pour pointcommun d’être conscients de leur « responsabilité citoyenne ». Le guide de la performanceglobale existe depuis 2002 : il a été conçu par et pour des PME uniquement. Il a ététesté sur 400 entreprises en 2002/2003 ; cette expérimentation a abouti à la révision dupremier guide en 2004, afin de mieux répondre aux attentes des PME. Cet outil est assezsimple et se compose de 100 questions réparties en huit chapitres, traitant des principesde gouvernance, des clients, salariés, fournisseurs, actionnaires, de la performanceéconomique, des actions envers l’environnement et la communauté. La volonté de faireconnaître cette démarche a d’ailleurs conduit à la publication de l’ouvrage La surprenantehistoire de Claude-Jean Desvignes, jeune dirigeant. Ce livre tente de répondre à plusieursinterrogations des patrons de PME : de quoi parle t-on exactement quand on évoque laRSE, comment faire adhérer les salariés au projet, comment réussir le changement ? Ladémarche « performance globale » prend deux à trois mois : le dirigeant participe pendantcette durée à un groupe de travail composé d’autres patrons de PME engagés dans unedémarche similaire. L’évaluation est assurée par un tuteur, qui est un dirigeant d’une autrePME ayant déjà suivi la méthodologie. La méthode du CJD est donc centrée sur le chefd’entreprise et peu sur les autres membres de l’entreprise. Le guide de la PerformanceGlobale est aujourd’hui opérationnel : pour le moment, seules 700 PME y ont eu recours.

Le Centre des jeunes dirigeants et des acteurs de l’économie sociale (CJDES)a été fondé en 1985 et compte un millier de membres. La naissance du Bilan Sociétalremonte à 1996 ; cet outil est le plus lourd mais également le plus ambitieux. En effet, sonobjectif est d’intégrer toutes les parties concernées (direction, salariés, élus locaux, clients,fournisseurs…) à la démarche. La mise en œuvre est basée sur le principe d’évaluationcroisée, c'est-à-dire que chaque partie prenante répond séparément aux mêmes questionsréparties en neuf domaines (320 questions maximum). Le nombre de questions varie enfonction de la taille de l’entreprise. Ensuite, un consultant réalise la synthèse des points devue : trois mois sont nécessaires avant la présentation des résultats. Le but n’est pas denoter l’entreprise mais plutôt de soulever des pistes de travail pour que celle –ci s’engagedans une démarche de progrès. Le Bilan Sociétal a été mis en œuvre par une dizaine de

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PME, notamment des sociétés coopératives ouvrières de production de Bretagne : cettefaible participation des PME s’explique par le coût important de l’utilisation de l’outil : 7000euros soit sept jours de conseil à 1000 euros.

L’outil de l’Afnor a été élaboré en 2003 : le SD 21000 est un fascicule dedocumentations qui ne donne lieu à aucune certification. Ce guide est peu coûteux (73euros) et s’adresse aux responsables d’entreprises quelque soit leur taille et leur activité.Le guide méthodologique présente tout d’abord les grands enjeux liés au développementdurable et les bonnes pratiques existantes. Le SD 21000 se décompose ensuite en troisparties : une première qui a pour but d’amener à une réflexion initiale (auto-diagnostic), unedeuxième qui traite de la mise en œuvre concrète de la démarche et qui tend à faciliter leschoix liés à la RSE. La troisième propose des recommandations pour adapter le systèmede management de l’entreprise à la RSE. L’auto-évaluation est ensuite complétée parl’intervention d’un consultant pour la mise en place de la démarche RSE. Cela représenteen moyenne deux jours de travail sur une période de quelques mois. D’après les derniersconstats, ce guide SD 21000 présente comme point fort de dresser un véritable état deslieux de la RSE. L’AFNOR revendique 500 utilisateurs d’après les données de septembre2005 rassemblées dans Alternatives 58Economiques.

Le guide CSR Europe-Alliances est l’adaptation pour les PME françaises de l’outildéveloppé par le réseau européen de grandes entreprises socialement responsables CSREurope : la SME Key, guide européen sur la responsabilité sociale et environnementaledes Petites et Moyennes Entreprises. C’est la Commission Européenne qui a permis ledéveloppement de cet outil ; la SME Key est un instrument dont le but est d’aider les PMEà accéder à une gestion socialement responsable en leur faisant prendre conscience quedes pratiques responsables peuvent améliorer leurs performances. C’est un outil d’aide enligne qui permet d’évaluer les actions déjà entreprises en matière de RSE, de pousser àl’intensification de ces actions et à faciliter la rédaction d’un éventuel « rapport sociétal».La SME Key ressemble au Bilan sociétal du CJDES : il s’agit d’un questionnaire de 250questions environ destiné au chef d’entreprise et aux parties prenantes de l’entreprise. Leguide étant en ligne, il n’y a pas de suivi pour remplir la grille et analyser les réponses : ils’agit surtout d’un outil pour inciter les PME à s’intéresser à la RSE. L’association loi 1901Alliances existe depuis 1994 et rassemble des entreprises citoyennes du Nord-Pas-De-Calais. Elle a été chargée de tester et d’adapter pour les PME françaises l’outil SME Key.Le guide d’Alliances a été lancé en 2002 : contrairement au SME Key, un accompagnementest assuré par l’association qui organise quatre entretiens avec le dirigeant de la PMEet rédige un rapport de synthèse. Pour aller plus loin, des consultants extérieurs peuventêtre associés à la démarche, notamment dans le cadre de formations complémentairesfacultatives. En terme de temps nécessaire, les conditions sont abordables pour une PME :deux jours de travail répartis sur quatre mois environ. A noter que ce diagnostic est gratuitpour toute entreprise de moins de 500 salariés (limite pour la définition française de la PME)si le dirigeant s’implique directement. D’après les informations d’Alternatives Economiques,seize PME du Nord-Pas-de-Calais et huit de la région Rhône-Alpes ont testé le guideAlliances59.

Cette typologie des outils d’évaluation disponibles pour les PME françaises montrebien qu’ils sont encore rares, mal connus et peu utilisés par les entreprises. Cela est du àun manque de sensibilisation des dirigeants de PME au sujet de la RSE mais égalementaux difficultés d’accès à ces moyens : prix pour le Bilan sociétal, temps à y consacrer,

58 Dans Alternatives économiques, hors-série n°20, septembre 2005, page 10259 Dans Alternatives économiques, hors-série n°20, septembre 2005, page 102

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instruments nouveaux dont la fiabilité est parfois contestée, disponibilité imparfaite desoutils…

2. Des outils encore peu expérimentés et imparfaitsCes quelques outils ne sont cependant pas encore parfaitement opérationnels et peu dePME y ont recours. Ainsi, à peine plus de 1000 PME françaises (sur un total de 2,4 millions)ont utilisé les instruments d’évaluation pour les PME actuellement existants, ce qui se révèleêtre minime. Au niveau européen, la situation n’est guère plus enviable, comme le montrele tableau suivant qui présente les différents outils en Europe et le nombre d’entreprisesutilisatrices.

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Les Petites et Moyennes Entreprises face à leur responsabilité sociétale

56 Fauconnet - 2007

Nom de l’outil Pays Disponibilité Avancement Nombred’entreprisesconcernées

DanemarkSocial Index

Danemark En ligne En vigueur Une centaine dePME

VastuunAskeleita

Finlande Sur commande En vigueur Quelquesdizaines de PME

Sigma Royaume-Uni En cours de mise àdisposition en ligne

Enconstruction

ND

IIPUK Royaume-Uni Sur commande En vigueur 34 000entreprisesengagées (pasde précision surla part des PMEdans ce chiffre)

CommunityMark

Royaume-Uni En ligne ND ND

UK goodcorporation

Royaume-Uni Audit maisquestionnairedisponible en ligne

En vigueur 70 entreprisesdont 10 PME

Q-Res Italie Sur commande Enconstruction

Une dizaine dePME

IMS Autriche Consultants,pas d’outilstéléchargeables

En vigueur 12 PME

Albatros Belgique CD Rom surcommande

En vigueur Une dizaine dePME

Foretica Espagne Audit, pas d’outilstéléchargeables

En vigueur Quelquesdizaines

ValueManagementSystem

Allemagne Sur commande En vigueur 4 petitesentreprises 30moyennes

SME Key CSR Europe Outil normalementdisponible en lignemais le site n’est plusvalide

ExpérimentationPlusieursdizaines

Global ReportingPME

International Outil disponible enligne uniquement enanglais (50 euros)

En vigueur ND

(Données de novembre 2003 de Novethic : pas d’étude plus récente)Outils français pour mémoire

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Troisieme partie : des obstacles importants a l’adoption de la RSE par les PME

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Bilan sociétal France Sommaire etméthodologie en ligne

En vigueur 100 dont unedizaine de PME

Performanceglobale

France Version pédagogiquedistribuée au seindu réseau Le guidede la performanceglobale aux Editionsd’Organisation

Opérationneldepuis 2005

300 + 400

Guide CSR France Sommaire en ligne Expérimentation30/anLignes SD 21000 France Vendues en ligne 57 € En vigueur 150 à 500

Sur tous les outils d’autoévaluation présentés ci-dessus, peu sont dédiés aux PME.La plupart comporte la mention « cet outil s’adresse à tout type d’entreprise et de toutestailles. » On compte seulement une dizaine de PME par outil en Europe. L’utilisation et laconnaissance ne concernent pour l’instant qu’un petit nombre de dirigeants de PME.

Seuls la SME Key, le guide CSR Europe (SME Key) et la démarche PerformanceGlobale du CDJ ont été mis en place exclusivement pour les besoins des PME. Surl’échantillon suivant, un seul a été créé pour ce type d’entreprise. Or, on sait que des outilsprenant en compte les spécificités des PME sont plus adaptés aux besoins des dirigeantsde petites et moyennes entreprises. Le manque d’outils dédiés aux PME est une desexplications du petit nombre de PME impliquées.

Tableau : destinataires de l’outilAutre phénomène freinant le développement de l’autoévaluation au sein des PME :

le caractère nouveau des outils. En effet, plusieurs acteurs (organismes publics ou privés,associations, entreprises…) sont engagés dans le développement d’outils d’autoévaluationRSE pour les PME : cependant, on constate que la plupart de ceux-ci sont encore enconstruction ou en phase d’expérimentation. Ils ne sont pas encore finalisés, et donc pasencore en vigueur dans certains cas. Des essais sont en cours mais ils ne touchent qu’untrès petit nombre de PME pour l’instant.

D’après l’étude de Novethic, les freins majeurs demeurent le coût et le manque dedisponibilité.

En effet, certaines évaluations sont très coûteuses pour de petites entreprises.La plupart des outils sont d’origine privée, c'est-à-dire « issus d’initiatives non-gouvernementales mais qui peuvent recueillir des aides publiques ou impliquer desorganismes publics comme des centres de recherche, des universités, des associations

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d’entrepreneurs, des consultants… » 60 : ils sont donc payants. Ainsi, l’instrumentd’évaluation anglais « UK Good Corporation » peut coûter jusqu’à 8000 euros. Cette sommeest importante pour un outil qui n’est bien souvent que le commencement d’une démarcheRSE. Les dirigeants de PME peuvent être effrayés par ce coût auquel il faut ajouter les fraisliés à la réorganisation de l’entreprise, voire ceux d’une certification. Le prix trop élevé seraitun obstacle à l’expansion de la RSE dans le mode des PME. Le coût et le temps alloué àdes formations ou à la participation à des groupes de travail dépassent souvent le « seuilacceptable » pour un dirigeant de PME ; surtout qu’il ne s’agit que de questions sans impactdirect sur l’économie de l’entreprise. Le soutien financier se révèle donc indispensable, sil’on souhaite qu’un plus grand nombre de PME se penchent sur la question de la RSE. Or,en réalité encore peu d’aides existent pour l’autodiagnostic RSE des PME. L’aide pour lesPME des fonds régionaux d’aide au conseil (FRAC) pourrait convenir : financée par l’Etatet les régions, elle vise à inciter les entreprise de moins de 250 salariés à avoir recoursaux conseils d’un spécialiste sur un sujet intéressant l’activité de l’entreprise (intelligenceéconomique, propriété industrielle, qualité…). Il est précisé qu’ « il ne peut en aucun cass’agir de conseil pour accompagner la mise en œuvre d’une obligation réglementaire ».LaRSE dans les PME pourrait donc entrer dans le champ de cette aide ; cependant, pourl’instant elle n’est pas clairement mentionnée comme champ éligible. Elle pourrait pourtantêtre très incitative puisqu’elle couvre 50% des dépenses liées à l’aide au diagnostic et 50%des frais de conseil. D’après Novethic, les promoteurs des outils français devraient s’adapterpour entrer dans les critères. Une autre aide existe mais est insuffisante puisqu’elle neconcerne que le volet de pré-diagnostic environnement de la RSE : il s’agit des aides del’ADEME dédiées aux PME qui représentent entre 50 et 70% des coût d’autoévaluation etde conseils.

Autre souci, le manque de disponibilité des moyens d’autoévaluation: en effet, lesdirigeants de PME ne savent pas où trouver ces instruments. En effet, tous ne sont pasdisponibles en ligne ; de plus ceux qui le sont, sont très difficiles à trouver. J’ai moi-même voulu télécharger le SME Key et je n’y suis jamais parvenue ! De plus, beaucoupne sont pas traduits en français. Ainsi, par exemple, depuis fin 2004, les PME disposentd’un outil international pour évaluer leur responsabilité sociale et environnementale etréaliser un rapport de développement durable : le « Global Reporting Initiative ». C’est uneadaptation de l’outil disponible pour les TGE. Cependant, cet outil présente une difficultéimportante pour les dirigeants de PME français: il n’existe qu’en anglais ! Aucun organismen’a pensé à le traduire pour qu’il soit accessible au plus grand nombre de PME ! On constateaussi que certains réseaux qui ont créé un outil se contentent de l’expérimenter et de ledélivrer uniquement à leurs propres membres : par exemple, le guide pédagogique de« Performance Globale » est distribué au sein du Centre des jeunes dirigeants. D’aprèsl’étude de Novethic, « La promotion [de ces outils] reste assez embryonnaire et l’ambitionmodeste 61 ». Les PME dont les dirigeants ne participent pas à ce genre de réseauxd’entreprises sont donc tenues à l’écart de l’existence de tels outils.

Les PME n’étant pas incitées à déclencher un processus visant une démarche RSE, lespouvoirs publics ont sans doute ici un rôle à jouer. En effet, sans cette première démarched’information et de sensibilisation, les dirigeants de PME ont du mal à évaluer les enjeux

60 Novethic, Benchmark européen des outils d’évaluation « responsabilité sociale » utilisables par les TPE-PME, novembre2003

61 Novethic, Benchmark européen des outils d’évaluation « responsabilité sociale » utilisables par les TPE-PME, novembre2003

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Troisieme partie : des obstacles importants a l’adoption de la RSE par les PME

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de la RSE pour leur entreprise. Le manque d’outils d’évaluation destinés aux PME est doncun obstacle à leur volonté d’adopter la RSE. L’autre problème, que nous allons abordermaintenant, est lié au manque de clarté de la RSE. Plusieurs auteurs se demandent si lesactions des PME correspondent bien à une politique RSE.

C. Un probleme de definition de la RSE qui rend lareconnaissance des actions des PME difficile

Comme nous l’avons déjà précisé au cours de ce mémoire, le concept de ResponsabilitéSociétale de l’Entreprise n’est pas clairement défini et certaines confusions avec d’autrestermes existent.

Tout d’abord, le champ de la responsabilité sociale n’est pas limité précisément : ilest plus ou moins large selon que l’on prend en considération un nombre plus ou moinsgrand de parties prenantes. Ainsi, dans certaines définitions, on se restreint au noyaudur des parties prenantes, c'est-à-dire les actionnaires et les salariés ; dans d’autres,cependant, on englobe les parties prenantes contractuelles (les fournisseurs et les clients).D’autres définitions élargissent aux membres de la communauté locale, nationale, voireinternationale. On observe aussi une confusion entre éthique des affaires et ResponsabilitéSociétale de l’Entreprise : en fait, les deux domaines sont distincts. Tout d’abord, l’éthiquedes affaires est une question de comportement individuel qui s’applique difficilement àune entreprise, en tant que collectivité. Ensuite, l’éthique des affaires revient à adopter uncomportement respectueux des réglementations, alors que la RSE a pour ambition d’allerau-delà des lois.

Ensuite, il est difficile de dire à partir de quand une action peut être considérée commede la RSE. Comme le précise M.Capron, il existe deux modèles opposés de responsabilitésociétale : un basé sur des actions de bienfaisance, de mécénat, de sponsoring qui n’ont pasd’effet sur le système de management, et un qui intègre dans ce dernier les préoccupationssociales et environnementales62. D’après les différentes enquêtes, les actions responsablesdes PME sont détachées de toute stratégie et ne sont pas intégrées dans une véritablepolitique de management. Doit-on alors les considérer comme de la RSE ?

De plus, certaines entreprises citées en exemple par les organisations de promotionde la RSE dans les PME, n’ont mis en place des actions responsables que dans uneseule des dimensions de la RSE (souvent l’environnement) : or, d’après la définition de laRSE, l’entreprise responsable doit réaliser l’équilibre le plus harmonieux possible entre troisdimensions (sociale/sociétale, économique et environnementale) afin de conjuguer troisobjectifs : prospérité économique, justice sociale et qualité environnementale. S’agit-il alorsde RSE ?

62 Capron, M, Mythes et réalités de l’entreprise responsable, 2004, page 114

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Les Petites et Moyennes Entreprises face à leur responsabilité sociétale

60 Fauconnet - 2007

Schéma : Les trois dimensions de la RSECe schéma montre bien que les trois dimensions de la RSE sont imbriquées les unes

dans les autres.Comme l’écrivent Quairel et Auberger,

« On est conduit à penser que « le syndrome de monsieur Jourdain » correspondà une vision particulièrement superficielle du développement durable et de laRSE dans laquelle envoyer quelques salariés en formation, subventionner le clubde football local ou diminuer les consommations d’énergie suffit à décerner unbrevet d’entrepreneur responsable. ».

En effet, il est légitime de s’interroger pour savoir si les chiffres présentés par les promoteursde la RSE concernant le nombre de PME impliquées et les bénéfices retirés ne sont passurestimés par rapport à la réalité. D’après ces deux auteurs « l'intégration effective despréoccupations sociales, sociétales et environnementales dans la stratégie entrepreneurialesont peu fréquentes et sont souvent le fait d’entrepreneurs militants. 63» Dans ces conditions,qui croire ? Utilisent-ils vraiment les mêmes définitions ?

En lisant les différents documents écrits sur le sujet, de nombreuses questions etincohérences apparaissent. La RSE dans les PME ne semble pas recouvrir les mêmesexigences que la RSE dans les grandes entreprises. En effet, les grandes entreprisesintègrent les éléments de la RSE dans leur organisation et dans leur communication : ellespublient des rapports, sont évaluées par des organismes indépendants… Ce n’est souventpas le cas dans les PME. De quelle responsabilité sociale parle t-on concernant les PME ?S’agit-il seulement de la RSE « utilitaire stratégique » qui domine dans le cercle des trèsgrandes entreprises ? La RSE des PME ne serait-elle pas en réalité moins stratégiqueet commerciale et plus éthique ? Il semble que des recherches plus approfondies soientnécessaires pour éclaircir toutes ces zones d’ombre. Cependant, pour l’instant peu dechercheurs s’y intéressent. Le rapport de l’Observatoire des PME note, en effet, qu’il y a

63 Quairel et Auberger, Management responsable et PME : une relecture du concept de « responsabilité sociétale de l’entreprise »,2005

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Troisieme partie : des obstacles importants a l’adoption de la RSE par les PME

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encore beaucoup de questions sans réponse autour du sujet de la RSE dans les PME,notamment quant à la place des valeurs personnelles du dirigeant.

Or, sans une définition claire, la pleine reconnaissance des actions responsables desPME reste difficile.

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Les Petites et Moyennes Entreprises face à leur responsabilité sociétale

62 Fauconnet - 2007

conclusion

Bien que plusieurs appels aient été lancés depuis déjà plusieurs années64, pour que desrecherches soient entreprises sur le sujet présenté dans ce mémoire, la littérature surl’intégration de la Responsabilité Sociétale de l’Entreprise dans les Petites et MoyennesEntreprises reste encore trop rare. Paradoxalement à ce manque d’intérêt des chercheurs,les acteurs politiques et notamment l’Union Européenne souhaitent élargir le champ desentreprises engagées dans des démarches de développement durable, en sensibilisant lesPME aux enjeux d’un tel sujet. Or, sans étude précise sur les réels bénéfices d’une politiquede RSE dans les PME, il paraît difficile de convaincre les dirigeants de ces entreprises. Eneffet, entre le scepticisme de certains auteurs (Quairel, Auberger) quant à la capacité deretirer des avantages d’une telle démarche pour les PME et les promoteurs de la RSE quiavancent d’importants avantages économiques et concurrentiels pour les PME pro-actives,il n’est pas facile de tirer des conclusions précises capables de convaincre les patrons desPME.

Ce qui semble être récurrent dans les différents ouvrages, articles, enquêtes…estqu’au-delà des engagements personnels des dirigeants, ce seront les pressions desdonneurs d’ordres privés et publics et les risques de perdre des marchés qui pousseront lesPME à adopter une politique « responsable ». En premier lieu, ce sont les injonctions de plusen plus fréquentes des TGE certifiées ou adhérant à un code de conduite, qui amènent lesPME à suivre le mouvement. Nous avons également noté que les intermédiaires financierssont de plus en plus préoccupés par le sujet : l’accès au marché financier, qui est déjàparfois compliqué pour les petites entreprises, risque de dépendre de plus en plus de lamise en place d’une démarche de RSE. L’étau se resserre donc autour des PME, qui vontprogressivement être « obligées » de s’intéresser à la RSE.

Aujourd’hui, beaucoup de PME ont mis en place des actions sociétales responsables :cependant, il s’agit le plus souvent d’actions ponctuelles, sans liens avec la stratégie del’entreprise. Seuls quelques dirigeants de PME militants ont vraiment intégré la RSE dansle management de leur société. Ces derniers disent en retirer des bénéfices à moyen etlong terme et sont prêts à persévérer dans leur engagement. Il est bien évident que deséconomies d’énergie, de meilleures relations avec la communauté locale ou les salariéspeuvent en découler. Cependant, les bénéfices pour les PME ne semblent pas être aussiélevés que pour les TGE qui basent leur communication sur ces actions. Les promoteursde la RSE qui souhaitent voir un maximum d’entreprises engagées, ont peut être tendanceà sous-estimer les coûts pour les petites structures.

En effet, nous avons compris que les PME avaient peu de moyens à consacrer à desinvestissements rentabilisés à long terme : le court terme prévaut dans ces entreprises.Ils sont donc réticents à s’engager dans une démarche susceptible d’être gourmandeen temps et en argent, dont ils ne sont pas assurés du résultat. De plus, l’organisationspécifique de ces PME ne correspond pas vraiment aux exigences d’une certificationISO, par exemple. Les dirigeants de PME sont également parfois désorientés face à ceconcept et n’ont pas forcément les interlocuteurs adéquates : ils sont confrontés à une

64 Un appel pour un effort de recherches sur le sujet a notamment été lancé il y a une quinzaine d’années par le Journal of SmallManagement mais est resté pratiquement sans suite.

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conclusion

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offre importante de méthodes, de référentiels, d’outils qui sont bien souvent inadaptés auxparticularités des PME. Ils sont donc hésitants quant à la marche à suivre et ont besoind’informations; or, on constate un manque de support et d’attention évident de la part desorganismes internationaux et nationaux. Ainsi, l’examen des textes de référence en matièrede responsabilité sociale et environnementale des entreprises montre que le cas des PMEn’est pas abordé. Par exemple, la Déclaration tripartite de l’Organisation Internationale duTravail sur les pratiques sociales ne prend pas en compte la dimension des PME, ce quiparaît être paradoxal, dans la mesure où une grande partie des salariés travaillent dansune PME !

Le Livre Vert de la Commission européenne précise q’une « large diffusion dela RSE ne peut se concevoir sans les PME 65» et demande aux acteurs nationaux(CCI, réseaux professionnels, syndicats, universitaires…) de répondre concrètement auxbesoins de dirigeants de PME. Ces sujets intéressent de plus en plus et des formationsspéciales commencent à être mises en place pour former des personnes spécialisées dansl’intégration du développement durable dans les entreprises. L’école de management del’université catholique de Lyon a ouvert en 2005 une chaire Management responsable desPME-PMI : des conférences sur ce thème sont organisées et l’Esdes cherche à concevoir età mettre en place des outils pour développer la RSE dans les PME. On peut donc s’attendreà une évolution positive et à une croissance de la prise en considération de la RSE par lesdirigeants de PME.

65 Commission Européenne, Livre vert, 2001, disponible sur : http://europa.eu.int/comm/employment_social/soc-dial/csr/csr_index.htm

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Les Petites et Moyennes Entreprises face à leur responsabilité sociétale

64 Fauconnet - 2007

Bibliographie

Ouvrages :

Capron M. et Quairel-Lanoizelée F., Mythes et réalités de l’entreprise responsable, LaDécouverte, Paris, 2004, 256 pages, ISBN 2707140953

Julien P.A. (sous la direction de), Les PME : bilan et perspectives, Economica, Paris,1993, 352 pages, ISBN 289441076X

Julien P.A. et Marchesnay M., La petite entreprise, Vuibert, Paris, 1988, 288 pages,ISBN 2711776409

Torrès O., Les PME, Dominos Flammarion, Paris, 1999, 127 pages, ISBN 2080355953

Torrès O., PME : de nouvelles approches, Economica, Paris, 1998, 187 pages, ISBN2717837507

Périodiques :

Alternatives économiques, La responsabilité sociale des entreprises, septembre 2005,Hors-série numéro 20, 136 pages

IMS-Entreprendre pour la Cité, Concevoir et piloter une démarche citoyenne dansl’entreprise, octobre 2005, 108 pages

Articles de périodiques :

Adami S., Les PME s’engagent dans le développement durable, La tribune, 29 juillet2005, page 30

Aggeri, F., Les entreprises françaises et le développement durable, Regards surl’actualité, juin-juillet 2004, numéro 302, pp 57-65

Bourdoiseau Y., Aujourd’hui gérer demain, L’interconsulaire, septembre 2006, numéro95, pp 20-27

Ferone G., Origines et enjeux de la notation sociale et environnementale, Problèmeséconomiques, 24 novembre 2004, numéro spécial 2863, pp 53-56

Godard O., Pourquoi seules certaines entreprises se soucient-elles du développementdurable ?, Problèmes économiques, 12 mars 2003, numéro 2800, pp 3-8

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Bibliographie

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Gondran N., Rôle des partenaires des PME/PMI dans l’amélioration de leursperformances environnementales, Revue international PME, 2003, volume 16,numéro 2, pp 35-59

Lechantre C., PME : des initiatives parfois dispersées, Les Echos, 2 juin 2005, numéro19426, p 36

Quairel F. et Auberger M.N., Management responsable et PME : une relecture duconcept de « responsabilité sociétale de l’entreprise », Revue des sciences degestion, 2005, numéro 211-212, p 111

Rubinstein M., Le développement de la responsabilité sociale de l’entreprise : uneanalyse en termes d’isomorphisme institutionnel, Revue d’économie industrielle,2006, numéro 113, pp 83-105

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Comptes-rendus électroniques de colloques/séminaires

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Liste des sigles1. RSE : Responsabilité Sociétale de l’Entreprise2. PME/PMI : Petites et Moyennes Entreprises/ Petites et Moyennes Industries3. ACFCI : Assemblée des Chambres Françaises de Commerce et d’Industrie4. ADEME : Agence de l’Environnement et de la Maîtrise de l’Energie5. AFNOR : Association Française de Normalisation6. BDPME : Banque de Développement des Petites et Moyennes Entreprises7. CJD : Centre des Jeunes Dirigeants d’entreprise8. CJDES : Centre des Jeunes Dirigeants et acteurs de l’Economie Sociale9. DRIRE : Direction Régionale de l’Industrie, de la Recherche et de l’Environnement

10. EMAS : Eco-Management and Audit Scheme (système communautaire de gestion etaudit environnementaux)

11. ENSR : European Network for Small and Medium-Sized Enterprises Research12. FEI: Fond Européen d’Investissement13. FRAC : Fonds Régionaux d’Aide au Conseil14. HSE: Hygiène, Sécurité, Environnement15. ISO: International Organization for Standardization16. NRE (loi) : loi sur les Nouvelles Régulations Economiques17. OCDE: Organisation de Coopération et de Développement Economique18. OIT : Organisation Internationale du Travail19. ORSE : Observatoire sur la Responsabilité Sociétale des Entreprises20. TGE : Très Grande Entreprise21. TPE : Très Petite Entreprise

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Annexes

Fauconnet - 2007 69

Annexes

A CONSULTER SUR PLACE AU CENTRE DE DOCUMENTATION CONTEMPORAINEDE L'INSTITUT D'ETUDES POLITIQUES DE LYON

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Les Petites et Moyennes Entreprises face à leur responsabilité sociétale

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Résumé

L’épuisement prévisible des ressources en énergie, les effets des changements climatiques,l’extinction des espèces, la pauvreté, les migrations et tous les déséquilibres provoqués parla mondialisation ont conduit à élaborer le concept de développement durable. Les activitéséconomiques sont particulièrement montrées du doigt comme étant responsables de cesdestructions et les entreprises sont de plus en plus souvent aux prises avec des acteursqui leur demandent des comptes. Le souci du développement durable a donc abouti à uneautre notion, celle de responsabilité sociétale de l’entreprise (RSE). La RSE est en quelquesorte l’application aux entreprises du concept de développement durable ou la contributiondes entreprises au développement durable. Aujourd’hui, la plupart des multinationales etgrandes entreprises ont intégré les dimensions environnementales, sociales et sociétalesdans leurs stratégies. Cependant, on parle peu du cas des petites et moyennes entreprises(PME) ; or, elles aussi sont concernées par le développement de la RSE. En effet, elles sontde plus en plus soumises à des pressions de leurs différents partenaires (donneurs d’ordreprivés et publics, banques et assurances) qui les incitent à s’engager dans une démarchede RSE. De plus, d’après les promoteurs de la RSE, elles pourraient comme les grandesentreprises retirer des bénéfices d’un tel engagement. Cependant, on constate que les PMEont plus de difficultés que les grandes entreprises dans leur mise en place d’un managementresponsable

Mots-clefsResponsabilité Sociétale de l’Entreprise (RSE), développement durable, Petites etMoyennes Entreprises (PME), parties prenantes, société, environnement, certifications,normes