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Extrait de la publication… · Les partis et les développements européens dans les années 1990 L’opinion en Belgique et les traités européens des années 1990 9. L'Autriche

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Sous la direction de Dominique Reynié et BrunoCautrès

L'opinion européenne 2001

Espaces européens

2001

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Copyright© Presses de Sciences Po, Paris, 2012.ISBN numérique : 9782724688658ISBN papier : 9782724608502Cette œuvre est protégée par le droit d'auteur et strictementréservée à l'usage privé du client. Toute reproduction oudiffusion au profit de tiers, à titre gratuit ou onéreux, de toutou partie de cette œuvre est strictement interdite et constitueune contrefaçon prévue par les articles L 335-2 et suivantsdu Code de la propriété intellectuelle. L'éditeur se réserve ledroit de poursuivre toute atteinte à ses droits de propriétéintellectuelle devant les juridictions civiles ou pénales.

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TableLES ESPACES EUROPÉENS

1. Les projets de constitution européenne (Carole Bachelot)Repères historiquesLes enjeux du débatLe contenu des projets

2. La citoyenneté de l'Union : l'incertaine construction d'uncorps électoral européen (Sylvie Strudel)

Cadrage juridiquePassages à l’actePistes de recherche

3. Comment la défense des langues régionales est devenueune politique européenne (Christophe Scheidhauer)

Unir les languesUnir les défenseurs des langues régionales

PORTRAITS D'EUROPÉENS

4. Construction européenne : le mythe du grand projetmobilisateur (Bruno Cautrès et Dominique Reynié)

Les Européens et l’idée d’une constitution européenneSystèmes de confiance et cultures institutionnellesOù se loge l’enthousiasme politique des Européens ?

5. Évaluation économique et vote en France et enAllemagne (Bruno Jérôme et al.)

L’approche traditionnelle des modèles politico - économiqueseuropéens en France et en AllemagneEstimation de la fonction de vote politico - économiquetraditionnelle pour la France et l’AllemagneLa modification du modèle politico - économique traditionnel :

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la place de l’EuropeAttitudes et stéréotypes franco - allemandsEurope, concurrence franco - allemande et voteModèles politico-économiques européens et effets de laconcurrence franco-allemandePrévisions : les élections françaises de 1997 et les électionsallemandes de 1998

6. Les préoccupations environnementales en Europe (Jean-Paul Bozonnet)

Des craintes et des plaintesLes caractères socio-démographiquesÉtude comparative des préoccupations environnementalesdans les pays européens

TROIS PAYS FACE À L'EUROPE

7. La Suède en 2001 (Gilles IVALDI)À propos du système de partis suédoisLa Suède, la Scandinavie et l’Europe

8. La Belgique et l'Union européenne (Pascal Delwit)Aux sources de l’européanisme belgeLa population belge et les Communautés européennesLes partis et les développements européens dans les années1990L’opinion en Belgique et les traités européens des années 1990

9. L'Autriche face à la modernité (Gilles IVALDI)La démocratie consociative autrichienneLes transformations récentes du système de partisPerspectives

LES FRANÇAIS FACE À L'EURO

10. Les Européens face à l'euro en décembre 2000

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(Dominique Reynié)

11. Pourquoi les Français ont de bonnes chances de réussirle passage à l'euro (Pierre Giacometti)

12. Scepticisme populaire et enthousiasme d'élite. LesFrançais face à l'euro (Dominique Reynié)

Une inquiétude persistanteEspoirs et craintes face à l’euroL’apprentissage de l’euro : la stratégie des petits pasL’euro en portraits : confiants et sceptiquesL’euro, un soutien élitiste ?

LES GRANDES ENQUÊTES EUROPÉENNES

13. L'insatisfaction croissante des opinions publiqueseuropéennes (Romain Pache)

Une défiance de plus en plus importante à l’égard desinstitutions européennesUne perte de confiance dans l’euroLe souhait d’une plus grande intégration communautaire

14. La métamorphose du couple franco-allemand (BrunoJeanbart et Stéphane Rozès)

La permanence de l’amitié franco-allemandeRomantisme français et réalisme allemandLa métamorphose du couple franco-allemandL’état des relations franco-allemandes après le sommet deNice vu par les allemands et les français

15. Les Européens sont-ils agressifs au volant ? (NicoleJamar et Philippe Méchet)

La perception de l’agressivité au volantLa caractérisation de l’agressivitéLes comportements les plus irritantsLa fréquence des comportements agressifs

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La fréquence des accidentsL’agressivité au volant est un phénomène qui touchel’ensemble des pays interrogésLa courtoisie n’est pas toujours de mise sur nos routesLes comportements les plus irritantsPopulation de référenceLa technique d’enquête

16. Des opinions publiques européennes fortementmarquées par la crise de la vache folle (Romain Pache)

L'EUROPE EN FICHES ET EN SCHÉMAS PARFRANÇOIS-XAVIER PRIOLLAUD

L'Europe en fiches et en schémas (François-Xavier Priollaud)L’Europe est-elle suffisamment démocratique ?Qui décide en Europe ?L’Europe a-t-elle besoin d’une constitution ?Les dates clés de la construction européenneDes communautés européennes à l’Union européenneL’Europe monétaireGlossaireL’Europe en chiffresLe sommet de Nice : un compromis des Quinze pour répondreau défi de l’élargissement

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Les espaces européens

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1. Les projets de constitutioneuropéenne

(Un état des propositions)

Carole Bachelot

Doctorante à l’Institut d’études politiques de Paris.

Quo vadis Europa ? À la question qu’il avait lui-même posée le 12mai 2000, Joshka Fischer a répondu que seule une constitution,préalable indispensable à l’« achèvement du processusd’unification », pourrait montrer le chemin aux citoyens européensen quête de sens et de légitimité démocratique. Peu après, JacquesChirac reconnaissait à son tour la nécessité d’une premièreconstitution européenne qui permettrait de « réorganiser les traitésafin d’en rendre la présentation plus cohérente et pluscompréhensible pour les citoyens », ainsi que de « définir de façonclaire la répartition des compétences[1] ».Depuis environ deux ans, la question constitutionnelle fait les beauxjours du débat public européen. Un demi-siècle après la déclarationSchuman, la méthode communautaire, faite d’engrenages et desolidarités sectorielles, marque le pas ; d’après de nombreuxobservateurs, elle doit céder face au grand vent (re)fondateur des« moments constituants », synonymes d’avènement du politique etd’apogée de la démocratie. Le débat sur l’opportunité d’uneconstitution européenne n’est pourtant pas si nouveau, non plus queles interrogations suscitées par l’identité politique de l’Europe. Cetype de questionnement trouve sans doute son point nodal dans laconfrontation de l’Union européenne à l’article 16 de la Déclarationdes droits de l’homme et du citoyen de 1789 : « Toute société danslaquelle la garantie des droits n’est pas assurée, ni la séparation des

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pouvoirs déterminée, n’a point de constitution. »Rappeler que la floraison des projets actuels s’inscrit dans unecontinuité historique est donc nécessaire pour mieux comprendre lesenjeux du débat, et ainsi identifier les contenus des textes proposés àl’appréciation des citoyens et des institutions communautaires.

Repères historiques

Il faudrait d’abord rappeler que l’idée de constitution européenne, sielle n’est pas explicitement présente dans les grands textes des pèresfondateurs, ne contredit en rien l’esprit d’une méthodecommunautaire qui ne visait qu’à son propre dépassement en vue dela formation d’une Europe politique (et fédérale). Moins de deuxannées après l’ouverture du marché commun, le comité présidé parJean Monnet précisait ainsi que « c’est au fur et à mesure quel’action des communautés s’affirmera que les liens entre les hommeset la solidarité qui se dessinent déjà se renforceront et s’étendront.Alors, les réalités elles-mêmes permettront de dégager l’unionpolitique qui est l’objectif de notre communauté, à savoirl’établissement des États-Unis d’Europe[2] ».De manière plus générale, la réflexion sur les conditions d’émergenced’une Europe politique a souvent abouti au constat de la nécessitéd’une constitution. Le premier exemple est sans doute fourni parKant dans son Projet de paix perpétuelle de 1795 : la paix despeuples ne pourrait se réaliser qu’au moyen d’une constitutionpermettant, comme au plan national, de passer de l’état de nature àl’état de droit. Cette constitution « analogue à la constitution civile oùles droits de chacun pourraient être respectés » favoriserait ainsi lacréation d’une « fédération de peuples » ne formant pasnécessairement un État.Après la « fédération pan-européenne » proposée par R.Coudenhove-Kalergi, la fédération des États-Unis d’Europe affirméecomme objectif ultime par J. Monnet et R. Schuman (toutespropositions qui dessinaient des horizons politiques plus que desstratégies philosophico-institutionnelles dans lesquelles l’idée deconstitution pouvait trouver sa place), le premier vrai projet deconstitution surgissant dans un contexte européen a été celui élaboré

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en 1953 par Altiero Spinelli[3] sur mandat des Six, dans le cadre de laCommunauté politique européenne (CPE). Le Conseil de l’Europen’ayant pu être doté d’une véritable autorité politique, le Mouvementeuropéen, alors présidé par Paul-Henri Spaak, a constitué un Comitéd’études pour la constitution européenne, très influencé par lesfédéralistes italiens. Sur proposition d’A. de Gasperi, chef dugouvernement italien, et à la demande conjointe de l’Assembléenationale française, on inséra ainsi dans le traité de la Communautéeuropéenne de défense (CED) un article 38 qui exigeait l’élaborationpar l’Assemblée de la CED d’un projet de « structure fédérale ouconfédérale ». La commission constitutionnelle de la CED prévue àcet effet a donc donné lieu à un projet qui prévoyait une véritablerefonte de l’ingénierie institutionnelle de l’Union : une représentationbicamérale (une Chambre des peuples élue au suffrage universel et unSénat désigné par les parlements nationaux), un président élu par leSénat qui dirigerait un conseil exécutif aux pouvoirs étendus, et unorganisme de liaison avec les États membres sous la forme d’unConseil des ministres européens.Ce premier projet de constitution comporte des caractéristiques quel’on retrouvera dans la plupart des projets ultérieurs. La première estune montée en puissance du Parlement qui semble finalementindissociable de la démarche constitutionnelle, la plupart des projetslui accordant un pouvoir accru. La seconde est le renforcementcorollaire d’un pouvoir exécutif qui respecte un équilibre entresupranationalité (Chambre des peuples élue au suffrage universel) etsouveraineté des États (garantie par le Conseil des ministres).Cependant, le rejet par la France de la Communauté européenne dedéfense en 1954 a entraîné l’abandon du projet, alors même qu’ilavait déjà été ratifié par les pays du Benelux et par l’Allemagnel’année précédente.

Les projets du Parlement européenPlus récemment et à deux reprises, le Parlement européen a initié desprojets constitutionnels qu’il a ensuite adoptés ; ces projets n’ontcependant connu aucune application pratique. En 1984 a ainsi étéadopté le projet de « traité instituant l’Union européenne » sousl’égide, une fois encore, du fédéraliste A. Spinelli, et en 1994 le projetde « Constitution de l’Union européenne », plus connu sous le nom

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de « rapport Herman » (du nom de son rapporteur). Comme l’ont faitremarquer certains experts[4], il s’agissait plus de « traitésconstitutionnels » que de véritables « constitutions » dans la mesureoù ces textes étaient destinés à être ratifiés par les États membrescomme c’est le cas pour les traités internationaux (et non par uneprocédure associant plus étroitement les citoyens comme c’estgénéralement le cas pour les constitutions).Le premier projet est apparu dans un contexte de crise pour lesorganes européens supranationaux (instances dans lesquelles l’intérêtcommunautaire prévaut sur les intérêts particuliers des Étatsmembres). Précédant l’Acte unique et le traité de Maastricht, il a étéconçu à la demande d’un Parlement européen bénéficiant d’unenouvelle légitimité démocratique (les premières élections au suffrageuniversel ont eu lieu en 1979) et cherchant à affirmer sesprérogatives dans le domaine législatif face à un Conseil des ministrestrès présent. A. Spinelli était lui-même convaincu de l’inefficacité dela méthode intergouvernementale, faite de compro-mis diplomatiquesnécessitant l’accord de chaque État ; à ses yeux, cette méthode nepouvait aboutir qu’à des compromis plus ou moins délicats nivelantnécessairement par le bas les ambitions initiales[5]. De manière assezaudacieuse, le projet prévoyait donc de rassembler au sein de lamême entité juridique – l’Union européenne – les trois Communautés,le système monétaire européen, la coopération politique et lesnouvelles politiques communes ; le Parlement voyait son rôlerenforcé. Quant à la Commission, elle détenait la totalité descompétences exécutives. Dotée d’un véritable gouvernement, l’Uniondevait ainsi s’orienter vers un schéma fédéral. Le statut exact de cetexte était complexe : pour A. Spinelli, il ne pouvait en effet s’agird’une énième procédure d’amendements venant se superposer auxtraités existants ; une telle greffe n’aurait fait que rendre encore pluscomplexe un corpus déjà incompréhensible pour les citoyenseuropéens. Le projet devait donc aboutir à l’approbation d’unnouveau traité, même si ce dernier conservait la plus grande partie del’acquis communautaire.La décision de passer outre l’approbation des gouvernementsnationaux pour soumettre directement le projet à celle des parlementsdes États a sans doute causé sa perte. Cette stratégie a provoqué larésistance des gouvernements, qui n’entendaient pas être écartés de

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leur domaine réservé (c’est-à-dire la négociation et l’approbation destraités internationaux), et ne reconnaissaient pas de fonctionconstituante au Parlement européen. Le projet Spinelli n’a donc paseu de suite formelle, dans la mesure où non seulement lesgouvernements n’ont pas discuté le texte, mais où les parlementsnationaux eux-mêmes se sont montrés réticents, à l’exception notabledu Parlement italien. Cependant, le projet a eu un effet indirectcertain : il a contribué à la relance de l’Union européenne, inspirant,par ailleurs, l’Acte unique, notamment par sa référence à laprocédure de codécision, ainsi que le traité de Maastricht par unepremière formulation du principe de subsidiarité.Quant au projet Herman, il tendait « davantage à encadrer et àconsolider l’acquis communautaire marqué par deux révisionsimportantes des traités – Acte unique et traité de Maastricht – qu’àrelancer l’Union[6] ». La « constitution », proposée par le député belgeFernand Herman, se proposait d’« adapter le vocabulaire aux faits etles textes à la réalité[7] » afin de pallier aux lacunes politiques etjuridiques du traité de Maastricht : il s’agissait d’offrir un instrumentefficace à la puissance européenne en rationalisant le droitcommunautaire. Ce texte ne traitait pas des politiques de l’Union ; ilavait surtout pour ambition de proposer les moyens nécessaires à leurapprofondissement. Comme le projet précédent, il s’inscrivait dansune perspective fédéraliste et adoptait une forme classique. Unepremière partie concernait les droits des citoyens et leur garantie, etcomprenait, innovation notable, un catalogue détaillé des droits del’homme dans l’Union européenne. Une seconde partie contenait lesdispositions propres au « pouvoir européen » et à son systèmepolitique. On y constate, comme cela était prévisible, unaccroissement des pouvoirs du Parlement, auquel revient d’investir laCommission et d’élire le président de cette dernière. Une procédurede codécision généralisée (lois, traités, budgets) était égalementproposée, le pouvoir de décision politique étant ainsi partagé à partségales entre le Parlement et le Conseil des ministres, même si un rôlesouverain était encore reconnu au Conseil européen. Enfin, le projetprévoyait la possibilité d’une Europe à plusieurs vitesses : les Étatsmembres le souhaitant s’engageaient réciproquement à adopter desdispositions leur permettant d’aller plus loin et plus vite que les autresÉtats, tout en laissant ouverte pour ces derniers la possibilité derejoindre le premier groupe.

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En ce qui concerne la procédure d’adoption de cette « constitution »,la commission institutionnelle a tiré la leçon de l’expérienceprécédente. Le projet devait s’ajouter aux traités précédents. Desurcroît, il a, cette fois, été soumis à l’approbation d’une conférenceintergouvernementale ; mais les parlements nationaux pouvaientintervenir auprès de leurs gouvernements respectifs en amont (durantla phase d’élaboration) et en aval (lors de l’approbation finale). Enfin,la procédure de révision s’apparentait à celle d’une véritableconstitution, puisqu’elle était confiée à des organes communautaires(Conseil et Parlement européens), à l’exclusion de toute formationintergouvernementale.Des stratégies électorales divergentes ont cependant causé l’échecfinal du projet. Le 10 février 1994, soit à la veille des électionseuropéennes, le Parlement européen a lui-même refusé d’adopter cetexte à la majorité, le Parti socialiste européen (PSE) n’ayantapparemment pu se résoudre à conforter la position du Partipopulaire européen (PPE) qui soutenait massivement le projet.Depuis lors, le Parlement n’a repris d’initiative constituante qu’ennovembre 1999. Dans sa résolution du 18 novembre préparant laconférence intergouvernementale de l’an 2000, le Parlement a ainsidemandé le « lancement d’un processus constitutionnel qui passe parla simplification et la rationalisation des traités en vue de latransparence et de l’intelligibilité des traités pour les citoyens[8] ».Dans le projet soumis par l’Institut universitaire européen deFlorence, cette simplification passerait notamment par la distinctiondu traité sur l’Union européenne en deux parties, dont la première,proprement constitutionnelle, comporterait le préambule ainsi que lesdispositions relatives aux objectifs de l’Union, aux droitsfondamentaux, aux institutions et à la répartition des compétencesentre l’Union et les États membres. La deuxième partie, concernantles politiques particulières de l’Union, aurait simplement le statut detraité international et pourrait ainsi être modifié selon une procéduremajoritaire, sans que l’accord à l’unanimité des États membres soitrequis.Cette « détraitisation » des politiques communes reprend d’ailleurs lasuggestion du rapport que les trois « sages » (von Weizsäker,Dehaene et Simon) ont remis à la Commission le 18 octobre 1999 ausujet des « implications institutionnelles de l’élargissement ».

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Le débat actuel, résultat programmé deconvergences conjoncturellesCes dernières initiatives s’inscrivent dans un débat qui s’estextraordinairement animé depuis 1997-1998. Plusieurs facteursconjoncturels se sont en effet ajoutés au constat chronique desdysfonctionnements institutionnels et de la désaffection des citoyensà l’égard de l’Union. On peut citer pêle-mêle l’impressiond’inaboutissement laissé par le traité d’Amsterdam (notamment en cequi concerne la politique étrangère commune et les institutions encoreen manque d’efficacité et de transparence), la perspective del’élargissement (quelle Europe politique proposer aux candidats ?), laréaction des Quatorze face à la formation d’une coalitiongouvernementale comportant un parti d’extrême droite en Autriche(l’appartenance à l’Union signifie le respect de certains principes etvaleurs politiques), le lancement de l’euro en janvier 1999 et soncours incertain (l’Europe économique ne saurait être privée pluslongtemps d’une Europe politique qui seule pourrait lui donner lacohérence et le « sens » qui lui manquent encore), ou encorel’épisode de la guerre du Kosovo (l’Europe est-elle condamnée, depar ses faiblesses et ses divisions internes, à aligner sa politiqueextérieure sur celle des États-Unis, faute de capacité d’initiativepropre ?).La campagne des élections européennes en juin 1999 puis lapréparation et les travaux de la conférence intergouvernementaleouverte en février 2000 ont également mis la questionconstitutionnelle à l’ordre du jour communautaire. Les différentsprojets se sont multipliés et la polémique s’est intensifiée.

Le ballet des protagonistesL’identification des partisans et des adversaires de la constitutioneuropéenne montre tout d’abord un brouillage des clivages gauche/droite, et même de ceux qui distinguent d’ordinaire les partis plus oumoins favorables à l’intégration européenne. Des rapprochementstranspartisans ont lieu, des personnalités généralement qualifiées de« souverainistes » se prononcent en faveur d’une constitutioneuropéenne.

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En France, c’est M. Rocard, qui, le premier dans l’arène politiquefrançaise, a réclamé durant sa campagne pour les électionseuropéennes de 1994 l’élaboration d’une « constitutioneuropéenne[9] ». Sa revendication sera relayée dès novembre 1997 parF. Bayrou (UDF), puis en octobre 1998 de manière assez inattenduepar P. Séguin lors d’une convention pour l’Europe organisée par leRPR. En janvier 1999, c’est à F. Léotard et à J.-F. Poncelet del’UDF de se prononcer pour une Europe confédérale et pour l’utilitéd’un tel acte refondateur. En juin de la même année, F. Bayroucomme D. Cohn-Bendit (Verts) font, chacun de leur côté, campagnesur un projet de constitution européenne et d’un président de l’Unioneuropéenne élu au suffrage universel, à la tête d’une commission quiserait muée en gouvernement. Cette convergence trouvera sonaboutissement un an plus tard ; le 13 juin 2000, les deux leaders ontlancé leur « appel de Strasbourg », déclaration commune pour uneconstitution européenne.Sur la scène internationale, les prises de position officielles se sontmultipliées durant les deux dernières années, suivant les opportunitésoffertes par les voyages officiels. Les 3 et 4 novembre 1999,Johannes Rau (président de la République fédérale d’Allemagne) etMartti Ahtisaari (président de la Finlande) se sont ainsi prononcéspour une constitution européenne lors d’une conférence donnée àl’Institut français des relations internationales. Le débat s’est surtoutintensifié avec le lancement de la CIG en février 2000, à tel point quele thème de la constitution européenne est apparu indissociable deceux traités par la conférence. Il s’agissait en particulier des« reliquats » d’Amsterdam, problèmes non résolus lors desnégociations du traité : pondération des voix au Conseil, extension duvote à la majorité qualifiée, nombre de commissaires en casd’adhésion de nouveaux États, sans compter la délicate question del’application des coopérations renforcées (peut-on ou non concevoirune Europe à géométrie variable, comprenant un certain nombred’États allant plus vite et plus loin que les autres dans le processusd’intégration ?). La portée de ces problèmes, qui n’ont pas tous étérésolus à Nice, n’est pas que technique. On verra que, sur le dernierpoint notamment, les solutions proposées engagent des conceptionsparticulières de l’Europe et de ses finalités, conceptions généralementcohérentes avec une prise de position pour ou contre une constitutioneuropéenne.

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C’est surtout le débat franco-allemand qui s’est emparé des thèmesévoqués par la conférence. Le premier temps fort de cet échange asans doute été le discours de Joshka Fischer en mai 2000 àl’université Humboldt de Berlin. D’après le ministre allemand desRelations extérieures, ce discours était fait en son nom personnel etn’engageait donc pas la responsabilité du gouvernement. En prenantnettement position pour une Europe fédérale et une constitutioneuropéenne, il a néanmoins suscité des réactions officielles dans uncertain nombre d’États membres. En règle générale, celles-ci ont étéfavorables dans les piliers fondateurs de la construction européenne :France, Allemagne, Benelux, Italie ainsi qu’en Espagne (où lesnationalistes basques, galiciens, catalans, voient aussi dans ce type depropositions un moyen d’acquérir davantage d’autonomie aux dépensde l’État espagnol) mais, comme on pouvait s’y attendre, beaucoupplus mitigées en Grande-Bretagne et dans les pays scandinaves.Les réactions françaises de tous bords politiques ne se sont pas faitattendre : le 30 mai, J. Chirac répondait implicitement à J. Fischerlors d’une conférence à l’Institut des hautes études de la défensenationale. Durant le mois de juin, chaque jour ou presque a apporté samoisson de contributions : le 11 juin, c’était ainsi le tour de H.Védrine dans les colonnes du journal Le Monde. Le 16 juin, enréaction à l’appel de Strasbourg de F. Bayrou et D. Cohn-Bendit, A.Juppé et J. Toubon présentaient à la presse leur propre projet deconstitution[10]. Le 25 juin, le chancelier autrichien manifestait sonapprobation des réticences formulées par H. Védrine (contre laproposition de J. Fischer). Le 27 du même mois, J. Chirac répondaitofficiellement cette fois au ministre allemand. Lors d’un discours surla relance de l’Europe au Bundestag à Berlin, il reconnaît en quelquesphrases la nécessité d’une constitution, et semble approuver à motscouverts les visées fédérales de J. Fischer ; le lendemain, A. Juppé etJ. Toubon organisent un colloque au Sénat sur les valeurs et lesinstitutions européennes et présentent un projet détaillé (qui ne seranéanmoins totalement achevé qu’en décembre).Entre-temps, des rapports de « sages » et d’experts, commanditéspar des institutions communautaires, avaient nourri le débat. C’étaitchose faite pour le rapport Dehaene en octobre 1998 qui avait étéélaboré à la demande du président de la Commission, puis pour unpremier rapport de l’Institut universitaire européen (IUE) commanditépar le Parlement et portant sur les moyens de constitutionnaliser les

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traités (mai 1999)[11], et pour le rapport Quermonne (mandaté par leCommissariat général du Plan, lui-même sollicité par le Premierministre L. Jospin), intitulé L’Union européenne en quêted’institutions légitimes et efficaces[12]. Une seconde proposition de« réorganisation des traités » sous forme de « traité fondamental »rédigée par l’IUE a été présentée à Bruxelles par le commissairefrançais chargé des questions institutionnelles, Michel Barnier, en mai2000[13]. Une véritable communauté épistémique, principalementformée de juristes et de politistes, s’est constituée autour de cesquestions, en multipliant les échanges avec les hommes politiques etles organisations communautaires. Dominique Rousseau (professeurde droit à l’université de Montpellier), ardent défenseur de l’idéed’une constitution européenne, a également apporté sa pierre àl’édifice[14].Tous ces débats ont accompagné la préparation de la présidencefrançaise tournante de l’Union européenne, qui s’est ouverte le 1 erjuillet. Les Français avaient pour mission de mener à bien la fin de laCIG, qui devait se clôturer à Nice en décembre et de proposer, àl’issue de ses travaux, un nouveau traité ayant résolu les pointslaissés en suspens par celui d’Amsterdam. Durant ce sommet aégalement été promulguée une Charte des droits fondamentaux del’Union européenne. Les travaux préparatoires se sont accompagnésd’une réflexion sur la constitution européenne, dans la mesure où laplupart des partisans de cette dernière prévoyaient l’intégration d’unetelle charte dans son préambule ou sa première partie. L’élaborationde cette charte est ainsi apparue pour beaucoup comme la premièreétape de la rédaction d’une constitution encore à venir.

La Charte des droits : un apprentissage de laméthode constituante ?La manière dont cette charte a été élaborée est potentiellement riched’enseignements pour les partisans d’une constitution européenne. Leprojet en a été lancé sous présidence allemande, lors du sommet deCologne de juin 1999, qui estimait nécessaire pour l’Unioneuropéenne de procéder à une déclaration solennelle relative auxdroits fondamentaux d’« importance exceptionnelle ». Il s’agissait deles rendre plus apparents aux yeux des citoyens européens et

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d’améliorer les garanties juridiques offertes par un corpus presqueexclusivement jurisprudentiel, issu de la pratique de la Cour de justicedes Communautés européennes (CJCE). Le Conseil européen a doncinstitué une convention (terme qui accrédite la composanteconstitutionnelle du processus) composée de soixante-deuxpersonnalités, rassemblant seize membres du Parlement européen,trente membres des parlements nationaux (deux par État), quinzereprésentants des chefs d’État et de gouvernement, ainsi qu’unreprésentant du président de la Commission. Cette convention, quis’est tenue à Biarritz de novembre 1999 à octobre 2000, a adopté uneprocédure innovante à double titre. Du point de vue de la méthodetout d’abord, parce que, pour la première fois, société civile,parlementaires nationaux et européens ont œuvré de concert.Soixante-deux ONG ont ainsi été entendues lors d’une journéed’audition (le 27 avril), ce qui n’a certes pas permis de véritabledébat contradictoire, mais entendait manifester la volonté decontribuer à l’émergence d’un espace de discussion européen. Parailleurs, la convention a fait preuve d’un souci assez inédit detransparence, dans la mesure où le public avait accès à ses débats etoù tous les documents écrits qu’elle produisait, ainsi que lesmoutures successives des différents projets ont été mis à sadisposition sur le site Internet du Conseil de l’Union européenne[15].Mais l’innovation réside aussi et surtout dans le contenu. Le mandatde Cologne impliquait en effet de raisonner à droit constant. Ils’agissait non pas d’inventer des droits nouveaux mais de rendre« visibles » ceux qui existaient déjà dans la Convention européennedes droits de l’homme (CEDH) à laquelle tous les États membres del’UE ont adhéré, ou ceux qui pourraient se trouver dans d’autrestextes (comme « les droits fondamentaux qui résultent des traditionsconstitutionnelles communes aux États membres[16] », ou encore laCharte sociale européenne, la Charte communautaire des droitssociaux fondamentaux des travailleurs, la jurisprudence de laCJCE…). Si ces derniers droits n’avaient pas été intégrés, cettecharte aurait constitué une régression par rapport à la protectionjuridique déjà garantie par les États membres[17]. Cette entreprise decodification (rassemblement dans un texte unique des sources desdroits fondamentaux qui régissent déjà les institutions de laCommunauté européenne) a donc abouti, en octobre 2000, à larédaction d’un texte d’une dizaine de pages consacrant

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simultanément pour la première fois deux catégories de droits : desdroits civils et politiques, d’une part, des droits économiques etsociaux, d’autre part. Pour la première fois, les droits dits de« première » et de « seconde génération » coexistent au sein d’unmême texte[18]. En ce sens, la charte doit donc être perçue commefournissant des dispositions complémentaires aux textes existants, eten particulier à la CEDH (alors que les opposants à cette chartearguaient justement de ce que cette dernière ferait double emploi avecla Convention européenne). Ces droits économiques et sociaux ontd’ailleurs fourni l’occasion de vifs débats entre les syndicatsnationaux consultés à cette occasion et la Convention elle-même, quia d’abord hésité à les reconnaître comme des « droitsfondamentaux » ; une première mouture, qui n’en faisait pasmention, avait été unanimement refusée par les confédérationssyndicales en juillet. Les manifestations du contre-sommet de Niceont également montré que le texte final ne faisait pas l’unanimitéauprès des organisations de la Confédération européenne dessyndicats. Le DGB allemand, la CGT, la fédération italienne de laCGIL, certains Verts ont dénoncé ses insuffisances en matière dedroits sociaux (la charte reconnaît en effet le droit de grève et lesdroits syndicaux, mais pas le droit au logement ni le droit au travail),tandis que des syndicats plus radicaux ou des associations dumouvement antimondialisation (dont ATTAC) ont, pour leur part,dénoncé cette charte comme constituant une véritable régression auplan social.Du fait de l’opposition de la Grande-Bretagne, ce texte, quoiqueeffectivement proclamé au début du sommet de Nice, n’aura pas deforce juridique contraignante ; et ce, malgré les prises de positionrépétées du Parlement européen en faveur d’une inscription dans lestraités ou au moins d’une référence à cette charte dans l’article 6, quipose que l’Union « est fondée sur les principes de la liberté, de ladémocratie, du respect des droits de l’homme et des libertésfondamentales ainsi que de l’État de droit, principes qui sontcommuns aux États membres ». Une telle référence aurait permis delaisser à la charte une autonomie qui la rendrait directement utilisablepour l’élaboration d’un préambule à une éventuelle constitutioneuropéenne. Il est cependant probable que cette question sera ànouveau débattue dans les années à venir.Bien que ne consacrant pas une réelle européanisation (puisqu’on n’a

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