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Le nouvel Economiste - n°1622 - Cahier n°2 - Du 19 au 25 juillet - Hebdomadaire 27 R endre joli, moderne. Travailler l’esthétique pour susciter le plaisir des yeux, du toucher, et ainsi mieux séduire une clientèle. Dans la conscience collective, le design se résume souvent à ces quelques mots. “A tort”, explique Antoine Fenoglio, cofondateur de la société Sismo, spécialisée dans le design et la concré- tisation d’innovations. “Son rôle dépasse largement ces critères.Il se situe au cœur du processus d’innovation.” Intégrer le design,c’est d’abord partir de l’observation des individus, des usages que ces derniers font des produits et services, pour adapter l’offre aux comportements, aux nécessités qui se manifestent. Historiquement, le design a souvent été la dernière étape du développe- ment d’une innovation,généralement négligée. Contrairement aux idées reçues, “le design ne constitue pas une approche cosmétique qui arrive en fin de parcours, pour un simple habillage du produit. Il s’agit avant tout d’une démarche créative qui part de l’analyse d’une réalité et des besoins” ,poursuit-il. Qui dit créativité ne dit pas art gratuit, facultatif.L’objectif est d’étudier tout objet en fonction des différents acteurs qui sont amenés à s’en servir. Il s’agit de trouver un équilibre optimal entre les préoccupations des uns et des autres, pour rendre le produit conforme aux attentes, plus ergonomique,plus sûr,et éventuelle- ment moins cher. “Le design occupe une place de plus en plus essentielle”, constate Ludovic Labidurie, PDG de Neolux, une société spécialisée dans les solutions d’éclairage innovantes à LED. “L’originalité et une meilleure réponse aux usages courants sont des concepts qui se généralisent sur notre marché, mais aussi dans bien d’autres domaines industriels.” Par le passé, et jusque dans l’histoire récente, le design intervenait après le processus d’innovation. “Il était souvent apporté par la direction du marketing et de la communication. Sous l’impulsion de grands groupes industriels et de distri- buteurs comme Décathlon, le design a été considéré différemment. On s’est aperçu qu’il pouvait être utile en amont de la réflexion avec les innovateurs,dans la mesure où il pouvait rendre tangible des idées et réflexions innovantes qui manquaient parfois de conception concrète. Grâce au design, les entrepre- neurs obtiennent une vision plus claire de la manière dont une innovation peut se traduire sur la réalité d’un marché”, décrit Antoine Fenoglio. Consciente de l’importance de cet aspect,l’entre- prise Saint-Gobain a fait appel à Sismo pour créer un lieu de dialogue entre l’activité de recherche du groupe et ses prescripteurs qui peuvent être des grands constructeurs, des architectes. Le secteur des télécommunications, à l’avant-garde en la matière, étudie également beaucoup ces questions. L’apport du design réside désormais dans la nécessité de proposer de nouveaux objets ou services, ou des services qui viennent compléter l’usage d’objets comme c’est le cas des vélos en libre accès qui se multi- plient dans les villes. Ce type d’offre est issu d’une réflexion globale inté- grant le design comme un élément fondamental. Une place devenue privilégiée Cette réalité s’impose de plus en plus sur les marchés.A tel point que, pour Anne-Marie Boutin, la présidente de l’APCI (Agence pour la promotion de la création industrielle), “on n’en est plus à parler du prix du design, mais plutôt de celui du non-design”. Les entreprises qui négligent ce volet auraient du souci à se faire,selon l’or- ganisation. “Sur le marché des lumi- naires, le design est tout simplement fondamental. Il faut désormais le prendre en compte systématiquement. Par le passé, ce n’était pas le cas. On se concentrait essentiellement sur l’aspect fonctionnel des produits. Aujourd’hui, une telle attitude est synonyme de perte de parts de marché” ,témoigne Ludovic Labidurie. Bon nombre de spécialistes remar- quent que la place du design a profon- dément changé. Les dirigeants d’entreprise commencent à réaliser qu’il n’est pas seulement affaire de style ou d’habillage final d’un projet, mais qu’il s’agit de créer de nouveaux produits ou services qui intègrent dès le départ la dimension de l’usage. Cette démarche de conception inno- vante,prise en compte très en amont, fait la force de certaines offres. L’iPhone, par exemple, n’est pas la conséquence d’un vaste programme de recherche.Il est le résultat de desi- gners qui ont assemblé de façon origi- nale,ergonomique et séduisante,des technologies déjà existantes.Le véri- table enjeu consiste donc à créer des concepts nouveaux de produits et services,en réponse aux évolutions de la demande. De nouvelles façons de travailler, de nouvelles idées et de nouveaux modes de pensée sont ainsi préconisés, en allant puiser dans les savoir-faire existants. C’est la raison pour laquelle l’Ensci (Ecole nationale supérieure de création industrielle) a inauguré il y a quelques années une antenne au sein du Leti, un centre de recherche appliquée du CEA,spécia- lisée en microélectronique et en tech- nologies de l’information et de la santé. Une autre antenne se déve- loppe actuellement au sein de l’institut List du plateau de Saclay,qui focalise ses recherches sur les systèmes numériques intelligents. L’objectif est de faire en sorte que la préoccupation des usages et de la mise en forme des technologies soit présente dès les premiers stades de la conception technologique. Tout comme l’Ensci, les écoles de design bénéficient logiquement de cette nouvelle perception, signe des temps qui changent.Elles tissent désormais de nombreux liens avec des parte- naires d’horizons variés.Elles tendent “Sous l’impulsion de grands groupes comme Décathlon, le design a été considéré différemment. On s’est aperçu qu’il pouvait être utile en amont de la réflexion avec les innovateurs” Le rôle et la place du design La cerise dans le gâteau Dans un contexte concurrentiel où se démarquer devient toujours plus difficile,le design intervient comme une bouffée d’oxygène.Il a longtemps été considéré comme la touche finale d’un processus,mais se place aujour- d’hui au cœur des démarches innovantes,et même à ses origines.Les entre- prises apprennent progressivement à donner au designer le rôle qu’il doit endosser au XXI e siècle: celui de chef d’orchestre, capable d’écouter les sensibilités différentes, d’intégrer les écueils et atouts d’une idée, de suggérer des orientations nouvelles.Une fonction délicate,où polyvalence et observation forment la base du travail. Désormais au coeur du processus d’innovation, et non plus en bout de chaîne Par Mathieu Neu Dossiers RECHERCHE & DÉVELOPPEMENT INNOVATION “Grâce au design, les entrepreneurs obtiennent une vision plus claire de la manière dont une innovation peut se traduire sur la réalité d’un marché.” Antoine Fenoglio, Sismo. SIPA

Extrait Nouvel Economiste - Juillet 2012

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Un article traitant du design pour les entreprises dans le Nouvel Économiste de Juillet... Et un petit encart publicitaire sympathique ! :)

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Page 1: Extrait Nouvel Economiste - Juillet 2012

Le nouvel Economiste - n°1622 - Cahier n°2 - Du 19 au 25 juillet - Hebdomadaire 27

Rendre joli, moderne.Travailler l’esthétiquepour susciter le plaisir desyeux, du toucher, et ainsi

mieux séduire une clientèle. Dans laconscience collective, le design serésume souvent à ces quelques mots.“Atort”, explique Antoine Fenoglio,cofondateur de la société Sismo,spécialisée dans le design et la concré-tisation d’innovations. “Son rôledépasse largement ces critères. Il se situeau cœur du processus d’innovation.”Intégrer le design, c’est d’abord partirde l’observation des individus, desusages que ces derniers font desproduits et services, pour adapterl’offre aux comportements, auxnécessités qui se manifestent.Historiquement, le design a souventété la dernière étape du développe-ment d’une innovation, généralementnégligée. Contrairement aux idéesreçues, “le design ne constitue pas uneapproche cosmétique qui arrive en finde parcours, pour un simple habillagedu produit. Il s’agit avant tout d’unedémarche créative qui part de l’analysed’une réalité et des besoins”, poursuit-il.Qui dit créativité ne dit pas art gratuit,facultatif. L’objectif est d’étudier toutobjet en fonction des différents

acteurs qui sont amenés à s’en servir.Il s’agit de trouver un équilibreoptimal entre les préoccupations desuns et des autres, pour rendre leproduit conforme aux attentes, plusergonomique, plus sûr, et éventuelle-ment moins cher. “Le design occupe uneplace de plus en plus essentielle”,constate Ludovic Labidurie, PDG deNeolux, une société spécialisée dansles solutions d’éclairage innovantes àLED. “L’originalité et une meilleureréponse aux usages courants sont desconcepts qui se généralisent sur notremarché, mais aussi dans bien d’autresdomaines industriels.”Par le passé, etjusque dans l’histoire récente, ledesign intervenait après le processusd’innovation. “Il était souvent apportépar la direction du marketing et de lacommunication. Sous l’impulsion degrands groupes industriels et de distri-buteurs comme Décathlon, le design aété considéré différemment. On s’estaperçu qu’il pouvait être utile en amontde la réflexion avec les innovateurs, dansla mesure où il pouvait rendre tangibledes idées et réflexions innovantes quimanquaient parfois de conceptionconcrète. Grâce au design, les entrepre-neurs obtiennent une vision plus clairede la manière dont une innovation peutse traduire sur la réalité d’un marché”,décrit Antoine Fenoglio. Conscientede l’importance de cet aspect, l’entre-prise Saint-Gobain a fait appel àSismo pour créer un lieu de dialogueentre l’activité de recherche dugroupe et ses prescripteurs quipeuvent être des grandsconstructeurs, des architectes. Lesecteur des télécommunications, àl’avant-garde en la matière, étudieégalement beaucoup ces questions.L’apport du design réside désormaisdans la nécessité de proposer denouveaux objets ou services, ou desservices qui viennent compléter

l’usage d’objets comme c’est le casdes vélos en libre accès qui se multi-plient dans les villes. Ce type d’offreest issu d’une réflexion globale inté-grant le design comme un élémentfondamental.

Une place devenue privilégiéeCette réalité s’impose de plus en plussur les marchés. A tel point que, pourAnne-Marie Boutin, la présidente del’APCI (Agence pour la promotion dela création industrielle), “on n’en estplus à parler du prix du design, maisplutôt de celui du non-design”. Lesentreprises qui négligent ce voletauraient du souci à se faire, selon l’or-ganisation. “Sur le marché des lumi-naires, le design est tout simplementfondamental. Il faut désormais leprendre en compte systématiquement.Par le passé, ce n’était pas le cas. On seconcentrait essentiellement sur l’aspectfonctionnel des produits. Aujourd’hui,une telle attitude est synonyme de pertede parts de marché”, témoigne LudovicLabidurie.Bon nombre de spécialistes remar-quent que la place du design a profon-dément changé. Les dirigeantsd’entreprise commencent à réaliserqu’il n’est pas seulement affaire destyle ou d’habillage final d’un projet,mais qu’il s’agit de créer de nouveauxproduits ou services qui intègrent dèsle départ la dimension de l’usage.Cette démarche de conception inno-vante, prise en compte très en amont,fait la force de certaines offres.L’iPhone, par exemple, n’est pas laconséquence d’un vaste programmede recherche. Il est le résultat de desi-gners qui ont assemblé de façon origi-nale, ergonomique et séduisante, destechnologies déjà existantes. Le véri-table enjeu consiste donc à créer desconcepts nouveaux de produits et

services, en réponse aux évolutions dela demande. De nouvelles façons detravailler, de nouvelles idées et denouveaux modes de pensée sont ainsipréconisés, en allant puiser dans lessavoir-faire existants. C’est la raisonpour laquelle l’Ensci (Ecole nationalesupérieure de création industrielle)a inauguré il y a quelques années uneantenne au sein du Leti, un centre derecherche appliquée du CEA, spécia-lisée en microélectronique et en tech-nologies de l’information et de lasanté. Une autre antenne se déve-loppe actuellement au sein del’institut List du plateau de Saclay, quifocalise ses recherches sur lessystèmes numériques intelligents.L’objectif est de faire en sorte que lapréoccupation des usages et de lamise en forme des technologies soitprésente dès les premiers stades de laconception technologique. Toutcomme l’Ensci, les écoles de designbénéficient logiquement de cettenouvelle perception, signe des tempsqui changent. Elles tissent désormaisde nombreux liens avec des parte-naires d’horizons variés. Elles tendent

“Sous l’impulsion de grands groupescomme Décathlon, le design a été considéré différemment. On s’est aperçu qu’il pouvait être utile en amont de la réflexionavec les innovateurs”

Le rôle et la place du design

La cerise dans le gâteau

Dans un contexte concurrentiel où se démarquer devient toujours plusdifficile, le design intervient comme une bouffée d’oxygène. Il a longtempsété considéré comme la touche finale d’un processus, mais se place aujour-d’hui au cœur des démarches innovantes, et même à ses origines. Les entre-prises apprennent progressivement à donner au designer le rôle qu’il doitendosser au XXIe siècle: celui de chef d’orchestre, capable d’écouter lessensibilités différentes, d’intégrer les écueils et atouts d’une idée, desuggérer des orientations nouvelles. Une fonction délicate, où polyvalenceet observation forment la base du travail.

Désormais au coeur du processus d’innovation, et non plus en boutde chaîne

Par Mathieu Neu

Dossiers RECHERCHE & DÉVELOPPEMENTINNOVATION

“Grâce au design, lesentrepreneurs obtiennent unevision plus claire de la manièredont une innovation peut setraduire sur la réalité d’un marché.”Antoine Fenoglio, Sismo.

SIPA

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à devenir un point de rencontre entreacteurs de disciplines différentes: entreles ingénieurs, managers, spécialistesdu marketing et créateurs, mais aussiles professionnels des scienceshumaines et sociales. Dans les textilesinnovants, les étudiants deviennent desintermédiaires entre les industriels etles écoles spécialisées du secteur. Tantôtmédiateurs, tantôt intégrateurs, lesécoles sont désormais perçues par lesindustriels comme des centres d’inno-vation. Par le passé, les entreprisess’adressaient à elles par le biais de leursservices marketing ou design. Ce sontaujourd’hui les services Recherche etDéveloppement ou les cellules dédiéesà l’innovation qui les contactent.Conséquence de cette évolution, levolume des contrats industriels a étémultiplié par quatre à l’Ensci depuis2007.La société 2&3 dimensions œuvre dansle conseil et la conception de packagingpour de grandes marques. “Nousexistons depuis 33 ans. Dans le secteuralimentaire, le design des produits concen-trait davantage de recherche il y a 20 ans.Les budgets sont en nette baisse dans cedomaine. Nos collaborations avec cesecteur sont devenues rares alors qu’ellesétaient fréquentes par le passé.L’importance du packaging est parfoissous-estimée, ce qui est bien dommage”,indique Marylise Hurand, directrice dela société. Mais hormis certains secteurset malgré le contexte économique diffi-cile, les entreprises sont de plus en plusnombreuses à modifier leurs approchespour placer le design au cœur desprocessus. “Dans le luxe, c’est l’inverse. Ily a de plus en plus de recherche et de créa-tivité. Nos clients de ce secteur demandentsouvent des conseils quant à la faisabilitéde certaines idées. Les grandes marques dela cosmétique ou des spiritueux montrentune volonté toujours plus marquée d’êtreinnovant”, poursuit-elle. Le recourscroissant à des sous-traitants qui pren-nent en charge le design des produitsinquiète quelque peu AntoineFenoglio: “Dans la cosmétique, ce sontsouvent de petits acteurs spécialisés qui sepenchent sur l’esthétique d’un tube derouge à lèvres, et non plus les marques elles-mêmes. Cette perte de maîtrise de l’inno-vation pose tout de même des questions.”

Le petit plus devenu essentielSe démarquer de la concurrence estl’une des grandes motivations àl’origine de ces évolutions. Le designpermet de se différencier de la concur-rence sur des gammes de produits quipeuvent être équivalentes, mais en s’in-téressant davantage à des besoins deniche, à l’image du fabricant de fdpro-duits de stockage numérique La Cie,qui commercialise des clefs USB enforme de pièces en euros, la valeurnominative indiquée sur le supportcorrespondant à sa capacité demémoire. La société Acor se démarqueaussi sur le marché de l’achat – revented’or par un autre concept atypique:proposer aux entreprises et particuliersune variété d’objets personnalisés inté-grant la célèbre valeur refuge, commeune carte de visite contenant un mini-lingot d’or (de 0,1 gramme ou davan-tage). L’idée paraît surprenante. Ceproduit particulier est pourtant loind’être le seul élément étonnant del’offre de cette entreprise. Elle proposepar exemple d’intégrer de l’or dans descartons d’invitation, des porte-clés ouune multitude d’autres outils decommunication ou de prospection, demanière à les personnaliser tout en leurdonnant de la valeur. “Le design peut êtreune solution alternative précieuse pour sedémarquer de concurrents, à l’heure où ilest difficile de se renouveler”, confirmeLudovic Labidurie. Le métier de desi-gner est ainsi devenu stratégique. Unnombre croissant d’entreprises l’intèg-

rent au cœur de leur développementcar il peut leur permettre d’imaginer denouvelles propositions pour l’avenir,d’être quelque peu visionnaire. Il estpar ailleurs un facteur de cohérence desobjets ou des services, et caractériseune certaine manière de faire qui signel’origine d’une création. “Il existe unevolonté toujours plus forte d’harmoniser

les esthétiques, de respecter des tendances.Aussi bien chez les particuliers que chez lesprofessionnels”, ajoute LudovicLabidurie. Antoine Fenoglio estimemême que “pour de nombreuses entre-prises, le design devient une nécessité pourconserver ou occuper une place sur unmarché, notamment dans la distribu-tion”.L’utilisation du design offre aussi lapossibilité de s’ouvrir plus facilementà l’international en adaptant desproduits aux diverses cultures. Lemarché des tasses à café, plus ou moinsgrandes selon les usages locaux, illustretrès bien ce point. A une époque où lesréductions de coûts sont particulière-ment importantes, l’argument de ladiminution des dépenses qu’apportel’intégration du design séduitégalement les dirigeants de PME. Caren tenir compte ne coûte pas plus cher.Bien au contraire. Le design peutpermettre de réduire les prix de revientet les prix de vente des produits, afin deles rendre accessibles à tous. De plus enplus de fabricants et de distributeursconçoivent les produits de cettemanière car cette démarche leurpermet par exemple de diminuer l’uti-lisation de certaines matièrespremières, de pièces, et de réduire parricochet leurs coûts de transports. Dansle domaine des équipements sportifspar exemple, l’Observeur du design, unévénement annuel du secteur, aplusieurs fois primé Décathlon pour sagamme de vélos B’Twin ou ses tentesQuechua, car il s’agissait d’objets dontla conception prenait en compte aussibien les usages et les coûts, que l’esthé-tisme. “Les évolutions techniques et tech-nologiques permettent aujourd’huidavantage de créativité pour des temps deréalisation souvent plus courts qu’il y a 20ans”, constate Marylise Hurand.Traditionnellement, certains secteursd’activité comme l’automobile, l’élec-troménager ou les équipementssportifs ont leurs propres ressourcesinternes. Mais, pour ceux qui font appelà une aide extérieure, l’important est àla fois d’en faire un enjeu stratégiqueplacé très en amont, et d’en faire letravail d’une équipe pluridisciplinairedont le designer sera un médiateur. Lebut est d’apporter du sens au produit,une valeur ajoutée à l’entreprise. Pourmieux accompagner les entreprisesdans leur démarche, la société Sismo aconçu des outils logiciels permettant devaloriser concrètement l’expérience dudesign en interne. “Avec ce type de solu-tions, des informations tangibles peuventainsi être transmises à tous les intéresséscomme le positionnement du design, lepositionnement de l’innovationconcernée, les messages adressés par ledesign, leurs cibles, les codes réutilisablesd’anciens produits, les raisons de l’échec decertains d’entre eux”, explique AntoineFenoglio.

Intelligences transversales recherchéesBien sûr, toutes les PME n’ont pas lesmoyens suffisants pour posséder unservice intégré. Adopter une démarcheconstructive dans ce domaine passe parla mise en place de profils adaptés, ce

qui peut s’avérer complexe. Le designerdoit être un médiateur capable d’inté-grer des problématiques denombreuses disciplines. Entre lesconnaissances issues des sciences durescomme celles de l’ingénierie, des maté-riaux, des process industriels, et lesdisciplines plus anthropomorphiquescomme l’ethnologie, la sociologie, la

psychologie, la polyvalence doit plusque jamais être la première desqualités. La capacité de créer du lienentre ces notions, de penser différem-ment apportera de la nouveauté dansles approches, de nouveaux marchés,ainsi qu’une motivationsupplémentaire en interne. PourLudovic Labidurie, “le designer doitavoir intégré des connaissances d’indus-trialisation du système. Le design ne doitpas porter atteinte à l’aspect fonctionnel,mais l’approche doit être très nouvelle.Ingénieurs et experts se mettent générale-ment autour de la table en amont et discu-tent des problématiques des uns et desautres pour trouver des solutions adaptéesà toutes les nécessités”.Plusieurs types decultures au sein de l’entreprise sontainsi amenés à se parler. “Le designtransmet ses projets au marketing, àl’usine, à la communication, aux forcescommerciales. Il constitue une réponseimpliquant tous les acteurs pourpermettre le bon usage d’un produit. Ledesigner se présente en quelque sortecomme un super-usager. Il doit être àl’écoute de la société. Son rôle est d’accom-pagner l’entreprise dans l’accessibilitéd’une innovation”, précise AntoineFenoglio.Le recours aux sous-traitants s’inscritégalement dans cette logique. “Il peutêtre intéressant de laisser la créativité à

une structure indépendante. Ce n’est pasprincipalement une question de coût. Leregard extérieur est important dans cedomaine. Il permet de confronter les pointsde vue, de multiplier les idées innovanteset apporte ainsi un renouveau”, assureLudovic Labidurie. Parmi les acteursextérieurs susceptibles de soutenir lesPME dans leur intégration du design,l’APCI forme un intervenantimportant. Créé dans les années 1980,sa mission est de promouvoir le designauprès des entreprises, du grand publicet des pouvoirs publics. Certains événe-ments comme ceux organisés par lesyndicat de l’innovation Synnov aidentaussi à obtenir des réponses concrètessur les mises en œuvre intéressantesdans ce domaine. �

L’objectif est de faire en sorte que la préoccupation desusages et de la mise en forme des technologies soit présen-te dès les premiers stades de la conception technologique.

Un vecteur incontournable de l’innovationpour les entreprises, un moyen de faire del’innovation de rupture, en partant d’unautre regard. C’est ainsi que l’APCI considè-re aujourd’hui le design. Un avis partagépar les pouvoirs publics, c’est pourquoi cer-taines dépenses qui y sont consacréesdans les PME sont éligibles aux divers régi-mes d’aide à l’innovation mis sur pied. Surle plan fiscal, deux dispositifs sectoriels decrédits d’impôt permettent aux entreprises

de bénéficier d’un crédit d’impôt relatif àdes dépenses en matière de création etdesign. Il s’agit des sociétés industriellesdu textile, de l’habillement et du cuir d’unepart (crédit d’impôt collection), et desentreprises industrielles évoluant dansl’horlogerie, la bijouterie, la joaillerie, l’orfè-vrerie, la lunetterie, les arts de la table, dujouet, de la facture instrumentale et de l’a-meublement d’autre part (crédit d’impôt“métiers d’art”). Les sociétés portant lelabel “entreprises du patrimoine vivant” etcelles des “métiers d’art”, sous certainesconditions, sont également éligibles à cedispositif.Des aides au design ont aussi été mises enplace par les conseils régionaux. Elles sontdestinées à la prise en charge d’une partiedes frais liés au recours à des consultantsextérieurs, en l’occurrence des designers.La subvention est variable selon lesrégions. Elle peut représenter jusqu’à 50 %

du coût hors taxe du diagnostic dans unelimite de 5 jours et 3800 euros, ou jusqu’à50 % du coût hors taxe d’une étude pluslongue dans la limite de 120 journées d’ex-pert et 30000 euros. Des aides financièressont également apportées par Oseo etl’Ademe qui proposent par ailleurs desoutils méthodologiques d’intégration dudesign.Pour entrer dans une démarche constructi-ve, les PME peuvent bénéficier de l’apport

de centres de ressources. C’est une desmissions de l’APCI, mais aussi d’autresorganismes comme l’association VIA(Valorisation de l’innovation dans l’ameu-blement), conçue comme une plateformed’échange entre designers, entreprises etdistributeurs. Elle fonctionne comme unvéritable centre de Recherche etDéveloppement.Bon nombre de professionnels du secteurfont part de la nécessité d’aller plus loinencore en termes de soutien. Une partimportante des moyens publics est desti-née en priorité aux formations d’ingénieurset aux écoles de gestion. En période de res-trictions budgétaires et de révision généra-le des politiques publiques, le design restequelque peu laissé pour compte.

M.N.

Sur le plan fiscal, deux dispositifs sectoriels permettent aux entreprises de bénéficier d’un crédit d’impôt relatif

à des dépenses en matière de création et design

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INNOVATION

RECHERCHE & DÉVELOPPEMENT Le rôle et la place du design

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Le designer doit être un médiateur capable d’intégrer des problématiquesde nombreuses disciplines

“Le designer doit avoir intégré desconnaissances d’industrialisationdu système. Le design ne doit pasporter atteinte à l’aspectfonctionnel, mais l’approche doit être très nouvelle.” Ludovic Labidurie, Neolux.

CHIFFRES REVELATEURS

InvestissementUn coût global faible

Les dépenses d’une démarche designvarient généralement de 0,01 % du prix derevient d’un produit, dans le cas d’uneproduction en grande série, à 1 % s’il s’agitd’une production en petite série.Environ 20 % des PME estiment que leretour sur investissement est inférieur àun an, et 65 % qu’il est inférieur à 3 ans.

APCI (Agence pour la promotion de lacréation industrielle) ; Ademe (Agencede l’environnement et de la maîtrise del’énergie) ; Ensci (Ecole nationale supé-rieure de création industrielle) ; CEA(Commissariat à l’énergie atomique etaux énergies alternatives) ; LED (Diodeélectroluminescente).

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