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III.980 EXPROPRIATION INDEMNISATION – ÉVALUATION – PAIEMENT Mots clés . ACCORD AMIABLE AMÉLIORATION SPÉCULATIVE ASSAINISSEMENT CARTE COMMUNALE CASSATION CESSION AMIABLE CONSIGNATION DATE DE RÉFÉRENCE DÉCLARATION DUTILITÉ PUBLIQUE DÉPENS DROIT DE PRÉEMPTION EMPLACEMENTS RÉSERVÉS ENQUÊTE PARCELLAIRE ENQUÊTE PUBLIQUE EXPROPRIATION INDEMNITÉS ACCESSOIRES INDEMNITÉ PRINCIPALE JUGE DE LEXPROPRIATION MUTATION RÉCENTE ORDONNANCE OUVRAGE PUBLIC PLAN DOCCUPATION DES SOLS PLAN LOCAL DURBANISME PLUS-VALUES PRÉJUDICE RÉEMPLOI (INDEMNITÉ DE) RELOGEMENT RÉSEAUX SERVITUDES DURBANISME TERRAIN À BÂTIR TRAVAUX PUBLICS TRÉFONDS VOIE PUBLIQUE c La contrepartie de l’expropriation est le versement à l’exproprié et à l’ensemble des titulaires de droits portant sur l’immeuble exproprié d’une indemnité. Il faut souligner qu’il s’agit d’une indemnité et non pas du versement du prix de l’immeuble dans la mesure où il s’agit de réparer le préjudice subi par l’exproprié. Cela implique qu’à l’indemnité principale calculée en fonction de la valeur de l’immeuble s’ajoutent des indemnités accessoires. L’indemnité versée doit ainsi réparer l’intégralité du préjudice subi sous la condition qu’il soit directement lié à la procédure d’expropriation et non à la réalisation ou au fonctionnement de l’ouvrage public qui sera réalisé sur l’emprise. Le préjudice doit également être d’une réalisation certaine et non pas seule- ment éventuel. c En principe, l’indemnité principale est fixée en fonction de la valeur de l’immeu- ble telle qu’elle est déterminée par le juge à la date du jugement de première instance. La mise en œuvre de ce principe a, toute- fois, été très fortement encadrée par le Code de l’expropriation dans le but d’évi- ter que les indemnités accordées à l’expro- prié lui laissent le bénéfice de plus-values injustifiées. C’est ainsi, tout d’abord, que la consistance matérielle (nature, état et importance de l’immeuble) et juridique (location ou non, etc.) de l’immeuble est définie à la date de l’ordonnance d’expro- priation mais que ne sont pas prises en compte les améliorations spéculatives, c’est-à-dire apportées par l’exproprié en vue de bénéficier d’une indemnité plus élevée. Sont présumées comme telles les améliorations réalisées après l’ouverture de l’enquête publique. c Par ailleurs, la valeur de l’immeuble est estimée en fonction de ce qu’était son usage effectif à la date de référence, c’est-à-dire, en règle générale, un an avant l’ouverture de l’enquête publique. Cette date de référence doit également être retenue par le juge. S’agissant de qualifier un terrain de terrain à bâtir, c’est à cette date qu’il doit être à la fois desservi par des voies et réseaux et classé en zone constructible par le règlement d’urba- nisme. La date de référence s’impose égale- ment au juge pour apprécier les servitudes d’urbanisme et d’utilité publique : celles qui existent à cette date doivent être prises en compte pour évaluer les immeubles expropriés. c Dans le but également de purger l’indemnité principale de toute spécula- tion, le code de l’expropriation impose au juge la prise en compte d’un certain nom- bre d’autres règles. Ainsi, il doit tenir compte ou prendre pour base les accords amiables passés dans le périmètre expro- prié ainsi que les déclarations et évalua- tions fiscales dont le bien exproprié a fait l’objet. c À l’indemnité principale s’ajoutent diverses indemnités destinées à réparer le préjudice subi par le propriétaire ou les titulaires de droits réels ou non portant sur l’immeuble. La principale de ces indem- nités accessoires est l’indemnité de rem- ploi versée à l’exproprié afin de couvrir les frais engagés pour éventuellement acqué- rir un bien de remplacement. c L’indemnité est en principe calculée et versée en espèces. Elle peut exceptionnel- lement être en nature et prendre la forme notamment de l’attribution d’un bien de remplacement. L’indemnité doit être ver- sée préalablement à la prise de possession de l’immeuble par l’expropriant. En cas d’empêchement, elle peut être consignée. Le retard dans le paiement de l’indemnité peut également donner lieu à une indem- nité complémentaire. c La recodification du droit de l’expropria- tion opérée par l’ordonnance du 6 novem- bre 2014 et le décret du 26 novembre 2014 n’ont pas apporté de modifications subs- tantielles aux règles de détermination de l’indemnité même si elle a abrogé un certain nombre de dispositions obsolètes telles que celles concernant la récupération des plus- values TEXTES CODIFIE ´ S Code de l’expropriation v Art. L. 231-1 v Art. L. 312-1 v Art. L. 321-1 et suiv. v Art. L 322-1 et suiv. v Art. L. 323- 1 v Art. L. 331-1 v Art. R. 322-1 et suiv. v Art. R. 323-1 et suiv. Code de l’urbanisme v Art. L. 111-1-2 v Art. L. 123-1 8° v Art. L. 123-17 v Art. L. 213-4 v Art. L. 213-6 v Art. L 215-5 v Art. L. 314-2 = v Art. L. 230-3 v Art. L. 314-5 v Art. R. 123-56 Code rural et de la pêche maritime v Art. L. 123-3 Code général des collectivités territoriales v Art. L. 2223-1 TEXTES NON CODIFIE ´ S Ordonnance n° 2014-1345 du 6 novembre 2014 Décret n° 2014-1635 du 26 novembre 2014 . Ce qu’il faut retenir DA EXPROPRIATION – DROIT DE PRÉEMPTION – INTERVENTION FONCIÈRES III.980 v EXPROPRIATION – INDEMNISATION – ÉVALUATION – PAIEMENT Yves Jégouzo 1 © GROUPE MONITEUR DA Décembre 2015 Mise à jour n o 25 v

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III.980 EXPROPRIATIONINDEMNISATION – ÉVALUATION – PAIEMENT

Mots clés .

●ACCORD AMIABLE

●AMÉLIORATION SPÉCULATIVE

●ASSAINISSEMENT

●CARTE COMMUNALE

●CASSATION

●CESSION AMIABLE

●CONSIGNATION

●DATE DE RÉFÉRENCE

●DÉCLARATIOND’UTILITÉ PUBLIQUE

●DÉPENS

●DROIT DE PRÉEMPTION

●EMPLACEMENTS RÉSERVÉS

●ENQUÊTE PARCELLAIRE

●ENQUÊTE PUBLIQUE

●EXPROPRIATION

●INDEMNITÉS ACCESSOIRES

●INDEMNITÉ PRINCIPALE

●JUGE DE L’EXPROPRIATION

●MUTATION RÉCENTE

●ORDONNANCE

●OUVRAGE PUBLIC

●PLAN D’OCCUPATION DES SOLS

●PLAN LOCAL D’URBANISME

●PLUS-VALUES

●PRÉJUDICE

●RÉEMPLOI (INDEMNITÉ DE)●RELOGEMENT

●RÉSEAUX

●SERVITUDES D’URBANISME

●TERRAIN À BÂTIR

●TRAVAUX PUBLICS

●TRÉFONDS

●VOIE PUBLIQUE

c La contrepartie de l’expropriation est leversement à l’exproprié et à l’ensemble destitulaires de droits portant sur l’immeubleexpropriéd’une indemnité. Il fautsoulignerqu’il s’agit d’une indemnité et non pas duversement du prix de l’immeuble dans lamesure où il s’agit de réparer le préjudicesubi par l’exproprié. Cela implique qu’àl’indemnité principale calculée en fonctionde la valeur de l’immeuble s’ajoutent desindemnitésaccessoires.L’indemnitéverséedoit ainsi réparer l’intégralité du préjudicesubi sous la condition qu’il soit directementlié à laprocédured’expropriationetnonà laréalisation ou au fonctionnement del’ouvrage public qui sera réalisé surl’emprise. Le préjudice doit également êtred’une réalisation certaine et non pas seule-ment éventuel.c En principe, l’indemnité principale estfixée en fonction de la valeur de l’immeu-ble tellequ’elleestdéterminéepar le jugeàla date du jugement de première instance.La mise en œuvre de ce principe a, toute-fois, été très fortement encadrée par leCode de l’expropriation dans le but d’évi-terqueles indemnitésaccordéesà l’expro-prié lui laissent le bénéfice de plus-valuesinjustifiées. C’est ainsi, tout d’abord, quela consistance matérielle (nature, état etimportance de l’immeuble) et juridique(location ou non, etc.) de l’immeuble estdéfinie à la date de l’ordonnance d’expro-priation mais que ne sont pas prises encompte les améliorations spéculatives,c’est-à-dire apportées par l’exproprié envue de bénéficier d’une indemnité plusélevée. Sont présumées comme telles lesaméliorations réalisées après l’ouverturede l’enquête publique.c Par ailleurs, la valeur de l’immeuble estestimée en fonction de ce qu’était son usageeffectif à la date de référence, c’est-à-dire,enrèglegénérale,unanavant l’ouverturedel’enquête publique. Cette date de référencedoit également être retenue par le juge.S’agissantdequalifierunterraindeterrainàbâtir, c’est à cette date qu’il doit être à la fois

desservi par des voies et réseaux et classé enzone constructible par le règlement d’urba-nisme. La date de référence s’impose égale-ment au juge pour apprécier les servitudesd’urbanisme et d’utilité publique : cellesqui existent à cette date doivent être prisesen compte pour évaluer les immeublesexpropriés.c Dans le but également de purgerl’indemnité principale de toute spécula-tion, le code de l’expropriation impose aujuge la prise en compte d’un certain nom-bre d’autres règles. Ainsi, il doit tenircompte ou prendre pour base les accordsamiables passés dans le périmètre expro-prié ainsi que les déclarations et évalua-tions fiscales dont le bien exproprié a faitl’objet.c À l’indemnité principale s’ajoutentdiverses indemnités destinées à réparer lepréjudice subi par le propriétaire ou lestitulairesdedroits réelsounonportantsurl’immeuble. La principale de ces indem-nités accessoires est l’indemnité de rem-ploi versée à l’exproprié afin de couvrir lesfrais engagés pour éventuellement acqué-rir un bien de remplacement.c L’indemnité est en principe calculée etversée en espèces. Elle peut exceptionnel-lement être en nature et prendre la formenotamment de l’attribution d’un bien deremplacement. L’indemnité doit être ver-sée préalablement à la prise de possessionde l’immeuble par l’expropriant. En casd’empêchement, elle peut être consignée.Le retard dans le paiement de l’indemnitépeut également donner lieu à une indem-nité complémentaire.c Larecodificationdudroitde l’expropria-tion opérée par l’ordonnance du 6 novem-bre 2014 et le décret du 26 novembre 2014n’ont pas apporté de modifications subs-tantielles aux règles de détermination del’indemnitémêmesielleaabrogéuncertainnombre de dispositions obsolètes telles quecelles concernant la récupération des plus-values

TEXTES CODIFIES

Code de l’expropriationv Art. L. 231-1v Art. L. 312-1v Art. L. 321-1 et suiv.v Art. L 322-1 et suiv.v Art. L. 323- 1v Art. L. 331-1v Art. R. 322-1 et suiv.v Art. R. 323-1 et suiv.

Code de l’urbanismev Art. L. 111-1-2v Art. L. 123-1 8°v Art. L. 123-17v Art. L. 213-4v Art. L. 213-6v Art. L 215-5v Art. L. 314-2 =v Art. L. 230-3v Art. L. 314-5v Art. R. 123-56

Code rural et de la pêche maritimev Art. L. 123-3

Code général des collectivitésterritorialesv Art. L. 2223-1

TEXTES NON CODIFIES

Ordonnance n° 2014-1345 du6 novembre 2014

Décret n° 2014-1635 du 26 novembre2014

. Ce qu’il faut retenir

DA EXPROPRIATION – DROIT DE PRÉEMPTION – INTERVENTION FONCIÈRES III.980v

EXPROPRIATION – INDEMNISATION – ÉVALUATION – PAIEMENTYves Jégouzo

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III.980-1 Généralités

1 | Présentation générale des règlesd’indemnisation

Le préjudice subi par les expropriés du fait de l’emprise dontils font l’objet doit être intégralement indemnisé par l’expro-priant et ceci sous le contrôle du juge de l’expropriation(v. supra, dossier III.960). La mise en œuvre de ce principe a,toutefois, été très fortement encadrée par le code de l’expro-priation à la fois dans le but d’éviter que les indemnitésaccordées à l’exproprié lui laissent le bénéfice de plus-valuesinjustifiées (règles relatives à la détermination de la consis-tance du bien et à l’évaluation des biens expropriés), maisaussi en vue d’assurer la réparation intégrale du préjudicesubi et le paiement effectif de l’indemnité.

Cela explique l’intervention fréquente du législateur en vuede fixer de manière détaillée les règles qui précisent la quali-fication des biens expropriés, la date à laquelle il faut enapprécier la consistance ou les évaluer, la détermination desdroits indemnisables et, notamment, des indemnités acces-soires à la privation du bien. Depuis 1985, ces règles se sonttoutefois stabilisées, à l’exception de celles qui sont à mettreen relation avec l’évolution des règles d’urbanisme quipèsent fortement sur la détermination de la valeur des bienset des évolutions réalisées sous l’impulsion de la juris-prudence de la CEDH.

III.980-2 Préjudice indemnisable

1 | Principes

● Principe de la réparation intégrale du préjudice subi. —L’article L. 321-1 du code de l’expropriation (ancien articleL. 13-13) pose le principe selon lequel « les indemnitésallouées couvrent l’intégralité du préjudice direct, matériel etcertain, causé par l’expropriation ». Il résulte clairement decette disposition que l’exproprié a droit à l’indemnisationintégrale du préjudice subi du fait de la privation de propriétéet non au seul versement d’une indemnité correspondant à lavaleur du bien exproprié. Ce principe est également retenupar la CEDH mais avec une formulation différente : pour laCour de Strasbourg, une expropriation ne peut intervenirsans le paiement d’une indemnité « raisonnablement en rap-port avec la valeur du bien » (CEDH 4 novembre 2010, Der-

vaux, AJDA 2010, 2493 note R. Hostiou ; voir aussi CEDH8 janvier 2013, n° 40961/07, Lapchin).

● Mise en œuvre du principe. — En application du principede la réparation intégrale du préjudice subi, l’indemnitéd’expropriation doit permettre à l’exproprié de « retrouverune situation identique à celle qu’il avait avant l’expropria-tion » (CA Toulouse 17 décembre 2001, Casellas-Llabresc/Maire de Toulouse, Gaz. Pal. 21-23 mars 2003, p. 23) et,tout particulièrement, s’agissant de terres agricoles, qu’il doitêtre tenu compte non seulement de leur superficie mais ausside leurs caractéristiques agronomiques (CA Rennes1er juillet 2011, J. David c/ Département du Morbihan,n° 2011 035254). Si cette règle implique que l’indemnitédoit, sous réserve des règles particulières fixées par le code del’expropriation (infra, dossier III.980-5 et 6), correspondre àla valeur vénale du bien, elle ne signifie pas, par contre, quel’exproprié ait droit d’obtenir une somme correspondant aucoût de reconstitution de ce dernier (Cass. 3e civ. 20 avril1968, Hautin c/Ville de Paris, Bull. civ. III, n° 171, p. 135 –CA Paris 17 mars 1995, Plescoff c/Département du Val-de-Marne, Gaz. Pal. 7-8 février 1996, note A. B.).

Le principe de l’indemnisation intégrale du préjudice a éga-lement comme conséquence l’indemnisation des droitsaccessoires au droit de propriété qui pèseraient sur le bienexproprié. Il en est ainsi pour la perte d’un droit à l’usage del’eau reconnu antérieurement à la loi sur l’eau du 3 janvier1992 (Cass. 3e civ. 12 février 2003, Synd. intercommunald’adduction des eaux de la source d’Entraigues c/Maurel,AJDI 2003, p. 286 ; Bull. civ. III, 33, p. 33). De même, unlocataire peut, en cas de résiliation anticipée de son bailconsécutive à une expropriation, exiger une indemnisationpour les constructions régulièrement édifiées sur le terrainexproprié pendant la durée de la location et dont il avait lapropriété pendant la durée de la location, le bailleur ne repre-nant la propriété de ces constructions qu’au terme du bail(Cass. 3e civ. 4 avril 2002, Bull. civ. III, n° 82 ; AJDI 2002,p. 542). La prise en compte de ces droits accessoires peutsoulever de nombreuses difficultés lorsqu’elle entre en conflitavec d’autres règles spécifiques à la fixation de l’indemnitételles que la règle de l’usage effectif (infra, dossier III-980-4)qui spécifie que la valeur du bien est fixée en fonction del’usage effectif qui était le sien à la date de référence, c’est-à-dire un an avant l’ouverture de l’enquête publique. C’estainsi qu’alors que le juge du fond avait, en vertu de cetterègle, exclu que le propriétaire de la grotte Chauvet où furenttrouvés des vestiges préhistoriques puisse en tirer une plus-value, la Cour de cassation, appliquant le principe de la répa-ration de l’intégralité du préjudice, a considéré que l’indem-

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nité devait tenir compte de la valeur du droit à l’image de lagrotte (Cass. 3e civ. 14 avril 1999, Helly et autres c/État fran-çais, JCP 1999, II, 10091, concl. J.-F. Weber – CA Toulouse26 mars 2001, Helly et a., Études foncières mars-avril 2001,n° 90, p. 6, obs. R. Hostiou).

Ce principe vise à exclure l’enrichissement sans cause etl’octroi d’une indemnité qui excède le montant du préjudicesubi (CA Paris 17 mars 1995, Plescoff, Gaz. Pal. 7-8 février1996, p. 26, obs. PB), ce qui, par exemple, exclut que le pro-priétaire d’un terrain nu qualifié de terrain à bâtir puisse êtreindemnisé du fait du préjudice agricole subi (infra dossier,III.980-7, 2).

● Caractères du préjudice indemnisable. — La détermina-tion des caractères du préjudice indemnisable pose toutefoisde nombreuses questions et a fait l’objet d’une abondantejurisprudence.

2 | Préjudice direct

● Principe. — Est indemnisable, en application de l’articleL. 321-1 du code de l’expropriation, le préjudice qui pré-sente un lien de causalité étroit avec l’emprise foncière résul-tant de l’expropriation.

Par contre, les dommages qui ne seraient que la conséquenceindirecte de celle-ci ne sont pas réparables, tout au moinsdans le cadre de l’indemnisation de l’expropriation.

● Préjudices indemnisables. — Doivent être considéréscomme des préjudices directs et indemnisables :

– la perte de loyer pour le bailleur ou le dommage d’exploita-tion pour le preneur s’ils résultent de la résiliation prématu-rée d’un bail directement provoquée par l’expropriation(Cass. 3e civ. 22 avril 1976, Bull. civ. III, n° 159, 124).S’agissant de la résiliation anticipée de baux commerciaux,cette solution s’applique même si le titulaire n’exploite paslui-même le fonds (Cass. 3e civ. 6 janvier 1993, Cnede Saint-Ouen, RDI 1994, 190). Ne peut être excluel’indemnisation pour perte de loyers d’une SCI au motif quel’exproprié pouvait tirer de l’indemnité qu’il perçoit des reve-nus équivalents aux loyers perdus, dès lors, qu’il lui appar-tiendrait de gérer de manière avisée le capital ainsi perçu etd’en tirer une ressource équivalente aux loyers perçus (Cass.3e civ. 7 avril 2015, pourvoi n° 13-27.547).

– la nécessité pour l’exproprié d’engager des frais nouveauxpour se procurer les locaux dont l’expropriation l’a privé (parexemple, nécessité de louer un garage : Cass. expro.27 novembre 1964, EPAD, Bull. civ. V, n° 12, p. 19) ;

– l’atteinte au surplus de la propriété résultant soit del’atteinte à une clôture ou de la dépréciation des possibilitésd’exploitation (CA Paris 20 mars 1980, Crts Sutour,JCP G 1980, IV, 290). Si cette atteinte revêt une importancesuffisante, l’exproprié dispose d’une alternative : demanderla réparation de ce préjudice ou l’emprise totale (voir infra).Est également indemnisable le préjudice résultant pour descopropriétaires de l’expropriation de parties communes dèslors qu’il en résulte « une dévalorisation de la partie privativedu lot » (Cass. 3e civ. 11 octobre 2006, Synd. des coproprié-taires Résidence Domaine de Falicon c/Communautéd’agglomération de Nice-Côte d’Azur, AJDA 2006,p. 2412, Bull. civ. III, n° 198, p. 165) ;

– le supplément de loyer supporté par des locataires bénéfi-ciant d’un bail particulièrement avantageux et qui ne peu-vent se reloger dans les mêmes conditions (Cass. 3e civ.4 décembre 1996, Établissement public de la Basse-Seine,JCP N, 663) ;

– peuvent également être indemnisés certains préjudicesaccessoires tels que les indemnités de licenciement qu’unemployeur devrait verser à ses salariés en raison de l’expro-priation de son entreprise (CA Paris 4 juillet 1986, Sté deplastiques Hercule, Gaz. Pal. 1988, 1, somm. 56 ; CA Paris27 juin 2002, SESM c/Ville de Cachan et SEMACA, Gaz.Pal. 17-19 novembre 2002, p. 25, note A. B.), les frais d’étu-des liés à des projets d’opérations d’urbanisme (construc-tions, lotissements, etc.) que l’exproprié se verrait empêchéde réaliser du fait de l’expropriation (CA Versailles21 novembre 1983, SCI La Tournade, Rev. dr. rural 1985,obs. Y. Jégouzo).

● Préjudice non indemnisable : préjudice résultant del’ouvrage public implanté sur l’emprise. — En principe, lesdommages qui sont occasionnés par la présence et le fonc-tionnement de l’ouvrage public qui est implanté à la suite del’expropriation ne sont pas indemnisables au titre de l’expro-priation.

Il appartient aux victimes qui pourraient invoquer un dom-mage de travaux publics de se retourner vers le juge adminis-tratif pour en obtenir réparation. Constituent ainsi des dom-mages de travaux publics le préjudice d’agrément qui résultedes nuisances provoquées par l’ouvrage (Cass. 3e civ.10 avril 1991, Ville de Marseille, AJPI 1992, 30), l’inconvé-nient provoqué par la disparition de certains accès à la voirie(Cass. 3e civ. 5 juillet 1989, Bull. civ. III, n° 157), les allon-gements de parcours qui résultent, en l’absence de touteemprise partielle, de l’absorption par l’ouvrage de certainscheminements (TC 15 janvier 1979, Outters, Rev. dr. rural

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1979, 350, obs. Y. Jégouzo), la disparition de droits à cons-truire qui sont la conséquence de servitudes instituées dansl’intérêt de l’ouvrage, l’obligation pour un propriétaire,exproprié en vue de la réalisation d’un cimetière, de suppri-mer un puits situé dans l’emprise de la servitude instituée parl’article L. 2223-1 du code général des collectivités territo-riales (Cass. 3e civ. 23 avril 1992, Cne Les Peintures, Dr.adm. n° 289), la nécessité de construire un mur de soutène-ment en limite de l’ouvrage public prévu (Cass. 3e civ.31 mai 1995, Épx Combe, AJPI 1995, 799, obs. A. B.), desdommages matériels provoqués par la réalisation des travaux(CAA Bordeaux 11 juin 2001, Moutama, Dr. adm. 2002,n° 59, note F. Brenet), etc.

La distinction avec les dommages indemnisables n’est pastoujours aisée. En effet, lorsque l’emprise foncière, indépen-damment de l’ouvrage qu’elle doit accueillir, est à l’origined’un préjudice, celui-ci doit être considéré comme indemni-sable. De manière générale, le juge de l’expropriation estainsi compétent pour connaître des conséquences préjudi-ciables de la modification de la configuration des lieux résul-tant de l’emprise (Cass. 3e civ. 4 avril 2002, Épx Leroux,RDI 2002, p. 199, chron. F. Donnat et C. Morel, nécessitéde se clore pour se protéger contre les risques provoqués parla réalisation d’un ouvrage public). Il en est ainsi, tout parti-culièrement, de la dépréciation du surplus de la propriété etdu préjudice d’exploitation (allongement de parcours résul-tant de ce démembrement, incidences sur l’utilisation dumatériel agricole, etc.) que subit une exploitation agricoled’un seul tenant scindée par un grand ouvrage public àcaractère linéaire (autoroute, etc. ; voir dossier V. III.980 ;TC 5 décembre 1977, Selo, Rec. CE, p. 669 ; TC 6 mai2002, Épx Dehond-Goudat, AJDI 2002, p. 788, obs.R. Hostiou ; AFDUH 2004, 325).

Cette distinction pose d’autant plus de problèmes quel’indemnisation par le juge de l’expropriation du préjudiceprovoqué par l’ouvrage public n’exclut pas une action posté-rieure en réparation du dommage de travaux publics devantle juge administratif (CAA Bordeaux 22 juin 1998, Dpt de laHaute-Garonne c/M. et Mme Nedjar, AJDI 1998, 232, obs.R. Hostiou ; AFDUH 1999, chron. R. Hostiou, p. 306 – CE4 octobre 2000, Dpt de la Haute-Garonne, LPA 23 janvier2001, n° 16, p. 20, note J. Morand-Deviller ; AJDI 2001,451, note R. Hostiou – CE 7 juillet 2006, B. Bossuyt, AJDA2006, 2195, Rec. CE, p. 909).

Dans le but d’éviter ces difficultés, le Tribunal des conflits afait récemment appel à la notion de « préjudice accessoire ».Il a ainsi considéré que le dommage causé par le sectionne-ment en deux parties d’une exploitation agricole par une

route dont le franchissement présente une dangerosité parti-culière constitue un préjudice spécial « accessoire à l’expro-priation des terrains servant d’assise à la route » dont la répa-ration appartient au juge judiciaire (TC 25 mai 1998,M. Lefèvre, AJDI 1998, 936, concl. J. Arrighi de Casanova,obs. C. Morel – Cass. 3e civ. 12 février 2003, SA FlammeEnvironnement c/État français, JCP 2003, IV, 1631 ; AJDI2003, p. 287 et 780, note C. Morel ; Bull. civ. III, n° 34,p. 34).

● Autres préjudices non indemnisables. — De manièregénérale, ne sont pas considérés comme constitutifs d’unpréjudice direct les dommages provenant :

– de l’application au surplus de la propriété non expropriéede règles d’urbanisme ayant pour effet d’interdire la recons-truction de l’immeuble exproprié (Cass. 3e civ. 7 mai 1986,Ville de Rennes, JCP 1986, IV, 199). Par contre, le jugeconsidère qu’il y a préjudice direct lorsque l’inconstructibi-lité résulte de ce que l’expropriation partielle a donné au ter-rain une configuration incompatible avec les règles d’urba-nisme relatives à la superficie des parcelles constructibles ouà l’implantation (Cass. 3e civ. 13 juin 1990, Provitolo, DH1991, IR 204, obs. P. Carrias) ;

– de l’application de législations fiscales désavantageuses et,en particulier, de l’imposition des plus-values immobilières(Cass. 3e civ. 11 février 1998, Sté des anciens établissementsLieutard, AJDI 1998, 535 ; Bull. civ. III, n° 32) ;

– des frais financiers afférents aux emprunts que les expro-priés souscrivent pour remplacer l’immeuble exproprié(Cass. 3e civ. 18 mars 1970, Nedelec, Bull. civ. III, n° 215,p. 518 – Cass. 3e civ. 25 février 1998, Mme Broutelle, épouseDadashi, AJDI 1998, 526, obs. A. B., s’agissant du rembour-sement anticipé d’un emprunt). En fait, le juge considèreque ce préjudice est couvert à la fois par le versement del’indemnité principale qui, normalement, doit permettre àl’exproprié d’acquérir un immeuble de remplacement et parl’indemnité de remploi ;

– du surcroît de loyer qu’un locataire relogé par l’expropriéprétendrait supporter si ce relogement n’excède pas les nor-mes HLM (Cass. 3e civ. 27 février 1991, RDI 1991, 193) ;

– de l’institution de servitudes de passage sur la partie d’unepropriété située hors de l’emprise expropriée (Cass. 3e civ.17 novembre 1993, Louis Gilbert, RDI 1994, 31). Parcontre, est indemnisable le préjudice résultant de la créationou de l’aggravation de servitudes par l’emprise nouvelle(Cass. 3e civ. 7 octobre 1998, SA Beynon, Juris-Datan° 003709).

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De même, ne constitue pas un préjudice directement lié àl’expropriation, c’est-à-dire à la privation de propriété, celuiqui résulte d’une faute qu’aurait commise l’expropriant dansla mise en œuvre de la procédure d’expropriation, dès lorsque cette faute aurait privé le propriétaire de certaines garan-ties de procédure : ce préjudice, s’il est indemnisable, le seraselon les règles de la responsabilité administrative (CAADouai 25 octobre 2001, Min. Équipement et Logement,RDI 2002, p. 254, chron. P. Soler-Couteaux).

3 | Préjudice matériel

● Non-indemnisation du préjudice moral. — L’articleL. 321-1 du code de l’expropriation exclut, de manière dis-cutable et discutée, toute réparation du préjudice moral subipar les expropriés. Bien que la jurisprudence de la CEDHn’exclut pas la réparation du préjudice moral (CEDH11 avril 2002, Lallement c. France, AJDA 2002, p. 686,note Hostiou), le Conseil constitutionnel saisi par la voied’une QPC a considéré « qu’aucune exigence constitution-nelle n’impose que la collectivité expropriante soit tenue deréparer la douleur morale éprouvée par le propriétaire en rai-son de la perte des biens expropriés » (C. const. 21 janvier2011, n° 2010-87 QPC M. Jacques, AJDA 2011, p. 447,note R. Hostiou). Le refus de réparer le préjudice moral neporte donc pas atteinte au principe de la réparation intégraledu préjudice.

Ainsi, l’ancienneté de l’occupation d’une maison (Cass.3e civ. 30 mai 1972, Crts Bourgeois, Bull. civ. III, n° 335,256) ou l’attachement qu’y portait son propriétaire ne sontpas constitutifs d’un préjudice indemnisable. Il en va demême pour le dispersement familial qui pourrait résulter del’expropriation (Cass. expro. 29 octobre 1965, Dame Scart,Bull. civ. V, n° 118, p. 96) ou de perte d’agrément que subi-rait une propriété. Par contre, dès lors que cette perte d’agré-ment entraînerait une dépréciation de la valeur vénale del’immeuble, ce préjudice matériel devient indemnisable. Ilen est ainsi de la dépréciation résultant de l’implantationd’un ouvrage public à proximité d’un château présentant unintérêt architectural et historique (Cass. 3e civ. 24 novembre1999, Sté La Bruyère, JCP N 1999, 1130, chron. A. Ber-nard).

Le préjudice moral ne peut être réparé par le versementd’une simple indemnité symbolique qui reviendrait alors àconsidérer que le préjudice est seulement moral (Cass.3e civ. 15 mai 1991, AJPI 1991, 680).

4 | Préjudice certain

● Notion. — N’est réparable que le préjudice qui peut êtreévalué précisément et dont la réalisation apparaît prévisibleavec certitude. Il en est ainsi, par exemple, de l’accroisse-ment des frais généraux que subira une entreprise expropriéedu fait de sa nouvelle implantation (Cass. 3e civ. 1er juillet1971, Assistance publique, Bull. civ. III, n° 431). Si le préju-dice subi, bien que certain, est futur et ne peut être appréciéau moment du jugement, le juge peut surseoir à statuer surce point (Cass. 3e civ. 8 mai 1978, Sté immobilière d’écono-mie mixte de la ville de Paris, Bull. civ. III, n° 192149). Ildoit, en toute hypothèse, s’interroger sur les incidences del’opération en cours sur la situation de l’exproprié. C’estainsi qu’en matière de remembrement, le juge doit « recher-cher comment les opérations de remembrement pourraientavoir pour effet de faire disparaître un préjudice d’ores etdéjà certain » pour se prononcer sur la dépréciation réelled’une exploitation agricole partiellement expropriée (Cass.3e civ. 3 décembre 2008, Mme Caulet, AJDI 2009, p. 369 ,obs. C. Morel).

● Préjudices éventuels non réparables. — Par contre, le pré-judice « éventuel », c’est-à-dire dont la réalisation est large-ment hypothétique, n’est pas indemnisable. Doivent êtreconsidérés comme tels ceux qui seraient susceptibles derésulter :

– de l’impossibilité de réaliser une construction sur le terrainenvisagé alors qu’aucun projet n’avait encore été étudié (CAVersailles 17 novembre 1987, Épx Martin, AJPI, 1988,525). Les difficultés liées aux perspectives de constructionportant sur les terrains expropriés sont largement réglées parles règles restrictives relatives à la qualification des terrains àbâtir (infra, dossier III.980-5). Compte tenu de la plus-valuequ’occasionne pour les terrains utilisés à des fins agricoles laqualification de terrains à bâtir, la Cour de cassation consi-dère que cette qualification exclut par principe la réparationdu préjudice d’exploitation ou l’octroi d’indemnités acces-soires pour perte de plantations (Cass. 3e civ. 7 mai 1997,Mme Fagnoni, D. 1998, somm. comm. 91, obs. P. Carrias,67). Il en va de même du préjudice qui résulterait de la pri-vation d’un droit de reconstruire non exercé par le titulaired’un bail à construction (Cass. 3e civ. 16 mai 2001, StéIntercoop, AJDI 2001, p. 719, note Morel) ;

– de pertes de loyers que prétendrait subir un propriétaired’un immeuble que ses locataires ont spontanément libérésans que ceci ait un quelconque lien avec l’expropriation réa-lisée (CA Versailles 23 octobre 1984, JCP G 1985, IV, 182) ;

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– de la perte de recettes d’exploitation provenant de ce quel’immeuble de remplacement n’offrirait pas les mêmes avan-tages que celui qui a été exproprié, ou encore de l’impossibi-lité alléguée par une entreprise d’obtenir un accroissementnon démontré de ses bénéfices (Cass. 3e civ. 4 décembre1996, Sté JJPA c/EPAD, AJPI 1997, 212, obs. AB) ;

– de ce qu’une entreprise prétendrait que l’expropriationdont elle est l’objet la prive de ses projets d’extension à plusou moins long terme (Cass. 3e civ. 21 octobre 1992, Sté Ri-vom c/Département de la Côte-d’Or, JCP 1992, IV, 3088) ;

– du loyer plus élevé que le locataire devra supporter pour sereloger par rapport à celui qu’il payait pour l’appartementexproprié (CA Versailles 7 mars 1995, Acrachoui, AJPI1996, 52, obs. AB).

● Prise en compte de la valeur du tréfonds. — La prise encompte des gisements (sable, gravier, argile, etc.) situés dansle tréfonds de l’immeuble exproprié soulève des problèmesparticuliers lorsque ces gisements ne sont pas exploités lorsde l’expropriation. En effet, le juge doit, dans cette hypo-thèse, écarter l’application de la règle de l’usage effectif (v.infra) et prendre en compte, quel que soit l’usage actuel del’immeuble, la plus-value certaine que lui donne la présencedu gisement (Cass. 3e civ. 3 octobre 1990, Crts Maubleu etautres, DH 1991, IR 205, obs. P. Carrias). Cette plus-valuen’existe, toutefois, que si le gisement est exploitable (Cass.3e civ. 25 mars 1997, Crts Soudais, AJPI 1997, 768, obs.A. B.). Elle doit être écartée ou, tout au moins, fortementminorée si l’exploitation est interdite par les règles d’urba-nisme en vigueur (CA Besançon 19 janvier 1994, Crts Mar-connet, AJPI 1995, 41, obs. A. B. – Cass. 3e civ. 7 mai 1997,Dumusais, JCP G 1997, 361), la législation sur les sites(Cass. 3e civ. 10 octobre 1984, AJPI 1985, 154), la régle-mentation sur la sécurité, ou encore, si le gisement n’est paséconomiquement exploitable (Cass. 3e civ. 18 décembre1991, M. Schumacher, JCP 1992, IV, 67, n° 628 – Cass.3e civ. 28 octobre 1992, Mme Talour, AJPI 1993, 355). Lejuge est toutefois tenu de préciser les dispositions légales quis’opposent à l’exploitation d’un gisement (Cass. 3e civ.4 octobre 2002, Sté Les Vacances provençales de l’étangde Villepey, Collectivités-Intercommunalité 2003, n° 7, noteL. Erstein).

En outre, constituent un préjudice éventuel non indemnisa-ble les bénéfices hypothétiques qu’aurait pu rapporterl’exploitation non encore commencée des gisements expro-priés. Il en est ainsi alors même que le propriétaire de cesgisements ou carrières serait un professionnel en ce domaine(Cass. 3e civ. 17 avril 1985, RDI 1986, 57).

En zone urbaine et compte tenu des utilisations économi-ques de plus en plus importantes qui peuvent être faites dessous-sols, le juge de l’expropriation peut indemniser le préju-dice qui naît de l’impossibilité de mettre en valeur le tré-fonds. Ainsi, revenant sur une jurisprudence antérieure (CAParis 7 octobre 1993, AJPI 1995, 855, note A. Lévy), la courd’appel de Paris considère que les trois premiers mètres deprofondeur en sous-sol conservent la même valeur que le ter-rain en superficie (CA Paris 7 décembre 1995, RATP, AJPI1996, 216, note A. Lévy), tout en affectant cette valeur d’uncertain nombre de correctifs liés à la nature géologique dusous-sol, à sa configuration et à sa constructibilité au regarddes règles d’urbanisme. La valeur du tréfonds est condition-née par sa « capacité à recevoir des constructions souterrai-nes et à leur potentiel de rentabilité, cette capacité, au jourdu jugement devant être appréciée indépendamment despossibilités financières ou des intentions immédiates des pro-priétaires » (CA Paris 25 septembre 1997, RATP, JCP N29 mai 1998, n° 22, p. 847, obs. D. Sizaire ; DH 1998, 343,obs. A. Robert). En outre, en cas d’expropriations successi-ves portant sur le tréfonds d’un même immeuble, l’expro-priant ne peut déduire de l’indemnité qui est due par lesecond expropriant celle qui a déjà été versée pour la précé-dente expropriation dès lors que les deux emprises portentsur des profondeurs différentes (Cass. 3e civ. 20 novembre1996, SNCF, Dr. adm. 1997, n° 17).

Enfin, le juge de l’expropriation doit également prendre encompte la plus-value que représente la présence d’une sourcesur le terrain exproprié sans qu’il soit nécessaire qu’elle soitexploitée, mais à la condition qu’elle soit exploitable (Cass.3e civ. 12 février 2003, Syndicat intercommunal d’adductiondes eaux de la source d’Entraigues, AJDI 2003, p. 286 ; RDI2003, p. 251, chron. F. Donnat et C. Morel).

5 | Prise en compte des seuls droitsjuridiquement protégés

● Non-indemnisation des constructions réalisées illégale-ment. — Les constructions réalisées sans permis de cons-truire ou en violation des règles d’urbanisme n’ouvrent pasdroit à indemnisation (CA Versailles, 15 mars 1982, ÉpxDrion, AJPI 1982, 670 – CA Versailles 13 juin 1995, StéSEMAVO, Juris-Data n° 047565). Par contre, le juge doitprendre en compte la valeur de ces constructions si l’infrac-tion pénale est prescrite, c’est-à-dire au bout de trois ans. Lesconstructions réalisées légalement mais en vertu d’un permisde construire délivré à titre précaire en application de l’arti-cle L. 433-1 du code de l’urbanisme n’ouvrent pas non plus

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droit à réparation et le constructeur doit les démolir à sesfrais ou accepter une indemnité diminuée du coût de ladémolition (CA Versailles 4 juillet 1983, Dame Lebon, AJPI1983, 677).

● Non-indemnisation des occupants et exploitants sans titre.— Ne peuvent obtenir réparation du préjudice occasionnépar l’expropriation de l’immeuble qu’ils occupent que ceuxqui disposent d’un titre régulier d’occupation. Ne peuventdonc être indemnisés :

– l’exploitant d’une station-service ne disposant pas, à la datede l’ordonnance, d’une autorisation d’occupation de la voirie(Cass. 3e civ. 15 juin 1977, Épx Petricci, Bull. civ. III,n° 266, 203 – Cass. 3e civ. 31 octobre 2001, Sté Ortelli-Côted’Azur, AJDA 2002, p. 234, obs. C. Morel ; RDI 2002,p. 533, note C. Morel) . La Cour de cassation a refusé latransmission d’une QPC contestant que soit exclue l’indem-nisation d’un fonds de commerce exploité au bénéfice d’uneautorisation de voirie devenue caduque au jour de l’ordon-nance et non renouvelée (Cass.3e civ. 18 novembre 2014,pourvoi n° 14-16.280, Soc. Total marketing services, RDI2015, n° 1, p. 26, note R. Hostiou) ;

– les locataires dont le bail a expiré et qui se seraient illégale-ment maintenus dans les lieux ou les titulaires de bauxconclus après l’ordonnance (Cass. 3e civ. 22 juillet 1987,SARL Honoré-Paris, DH 1988, somm. 47, obs. P. Carrias) ;

– les commerçants ayant cessé leur activité et radiés du regis-tre du commerce (Cass. 3e civ. 10 février 1993, Villede Saint-Ouen c/Chaumette, AJPI 1993, 518) ou ceux qui,ayant sous-loué leur fonds, ont perdu de ce fait tout droit aurenouvellement au bail (Cass. 3e civ. 6 février 1983, Bull. civ.III, pourvoi n° 354193). Toutefois, une décision isolée – etcontestable – accorde une indemnité d’éviction commercialeà un preneur qui avait sous-loué l’immeuble loué au motifque les sous-locataires n’avaient pas fait jouer leur droit àindemnisation (Cass. 3e civ. 10 février 1993, Ville de Saint-Ouen c/Gaignon, AJPI 1993, 518) ;

– le titulaire d’un bail autorisant un exploitant à déposer desdéblais dans des galeries souterraines alors que ses demandesd’autorisation de remblaiement avaient été rejetées et qu’iln’en avait pas sollicité de nouvelles (Cass. 3e civ. 13 février2008, SCI des Pays Bas, pourvoi n° 06-20.943, AJDI 2009,111).

Exceptionnellement, le juge atténue l’application de ce prin-cipe s’agissant d’un exploitant de gisements ne bénéficiantd’aucune autorisation administrative mais dont l’activitédurait depuis plus de vingt ans sans que les autorités compé-

tentes aient interdit l’exploitation (Cass. 3e civ. 7 mai 1996,Sté Fernando, AJPI 1996, 1027).

III.980-3 Déterminationde la consistance du bienexproprié

1 | Généralités

La détermination de la consistance matérielle et de la situa-tion juridique de l’immeuble exproprié doit être opérée par lejuge selon les règles posées par l’article L. 322-1 du code del’expropriation (ancien art. L. 13-14).

Article L. 322-1 : « Le juge fixe le montant des indemnitésd’après la consistance des biens à la date de l’ordonnanceportant transfert de propriété.

Toutefois, les améliorations de toute nature, telles que cons-tructions, plantations, installations diverses, acquisitions demarchandises, qui auraient été faites à l’immeuble, à l’indus-trie ou au fonds de commerce, même antérieurement àl’ordonnance d’expropriation, ne donnent lieu à aucuneindemnité si, en raison de l’époque à laquelle ces améliora-tions ont eu lieu, ou de toutes autres circonstances, il appa-raît qu’elles ont été faites dans le but d’obtenir une indem-nité plus élevée. Sont présumées faites dans ce but, saufpreuve contraire, les améliorations postérieures à l’ouverturede l’enquête prévue à l’article L. 1.

En cas d’expropriation survenant au cours de l’occupationd’un immeuble réquisitionné, il n’est pas non plus tenucompte des modifications apportées aux biens par l’État ».

Le principe est donc que la consistance du bien est fixée à ladate de l’ordonnance sous réserve des améliorations spécula-tives qui lui auraient été apportées.

2 | Date d’appréciation de la consistancede l’immeuble

● Détermination de la consistance au jour de l’ordonnance.— L’appréciation de la situation tant matérielle que juridi-que de l’immeuble exproprié s’effectue au jour de l’ordon-nance. Si celle-ci a été cassée, le juge de renvoi doit, cepen-dant, se reporter à la date de l’ordonnance annulée (Cass.3e civ. 6 janvier 1981, Thely, Bull. civ. III, n° 2).

Toutefois, ce principe doit être écarté dans deux hypothèses.La première est celle des cessions amiables. La date de la ces-

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sion se substitue à celle de l’ordonnance. La secondeconcerne les jugements d’indemnisation qui, en applicationde l’article L. 322-1 du code de l’expropriation, sont rendusavant l’ordonnance. Dans ce cas, la consistance du bien estdéfinie au jour du jugement d’indemnisation (Cass. 3e civ.11 octobre 1977, Épx Soulard, Bull. civ. III, n° 336, 255 –Cass. 3e civ. 25 février 1998, Sté Elf c/État français, AJDI1998, 939, obs. A. Lévy). Si des modifications importantessont, postérieurement au jugement, apportées à l’immeuble(destruction, etc.), les difficultés qui en résultent ne parais-sent susceptibles d’être réglées que dans le cadre des princi-pes généraux du droit civil et, notamment, par applicationdes règles de la responsabilité civile. Mais il faut considérerque le juge de l’expropriation reste compétent pour enconnaître.

● Consistance matérielle de l’immeuble. — Les caractéristi-ques matérielles de l’immeuble, l’existence ou non de cons-tructions, de plantations, d’installations diverses, leur étatd’entretien, de l’existence de pollutions, etc. doivent s’appré-cier au jour de l’ordonnance. Le juge de l’expropriation n’apas compétence pour évaluer et indemniser les bâtiments etinstallations détruits antérieurement au transfert de pro-priété (CA Paris 10 décembre 1981, Épx Levrat, JCP G1982, IV, 214). De même, les modifications apportées àl’immeuble postérieurement à l’ordonnance ne peuvent êtreprises en considération dans la détermination de l’indemnité.Toutefois, il résulte de l’article 1615 du code civil applicableégalement en matière d’expropriation que le propriétaireexproprié a l’obligation de livrer le bien avec ses accessoireset tout ce qui est destiné à son usage perpétuel. Dès lors, lesdégradations et soustractions opérées par l’exproprié aprèsl’ordonnance entraînent une minoration de l’indemnisationsauf si le préjudice n’est pas prouvé (CA Versailles 27 octo-bre 1994, AFTRP, RDI 1995, 297).

● Détermination de la situation juridique de l’immeuble. —L’article L. 322-1 du code de l’expropriation implique égale-ment que la situation juridique de l’immeuble soit fixée lejour de l’ordonnance d’expropriation ou à la date de réfé-rence équivalente (voir infra). Ainsi, le non-renouvellementavant cette date d’une permission de voirie conditionnantl’exercice d’une activité nécessitant l’utilisation du domainepublic exclut la prise en compte du préjudice commercialcausé à l’exproprié (Cass. 3e civ., 25 février 1998, Sté ElfFrance, AJDI 1998, 939, obs. A. Lévy ; Cass. 3e civ.,31 octobre 2001, Sté Ortelli-Côte d’Azur, AJDA 2002,p. 234, obs. C. Morel).

La constructibilité de l’immeuble au regard des règlesd’urbanisme faisant l’objet de dispositions particulières (v.infra III.980-5), les incidences de cette règle concernentessentiellement l’appréciation de la situation locative del’immeuble.

Les immeubles qui, à la date de l’ordonnance, font l’objet debaux de location doivent être considérés comme occupés etleur valeur vénale subit un abattement alors même qu’aujour du jugement d’indemnisation ils auraient été libérés(CA Paris 12 juillet 1984, AFTRP, Gaz. Pal. 2-4 juin 1985,11). Par contre, il n’y a pas lieu de procéder à un abattementsi le propriétaire a engagé normalement une procédured’expulsion, a obtenu un jugement en ce sens mais n’a pu lefaire exécuter du fait d’un manquement de la puissancepublique (CA Paris, 1er décembre 2011, SCI Mare Pyré-nées, n° 2011.027605).

Inversement, la résiliation des baux portant sur l’immeuble,antérieurement à l’ordonnance, doit conduire le juge à l’éva-luer comme libre d’occupation. Il n’en va autrement quedans l’hypothèse où la libération de l’immeuble et la réinstal-lation des occupants ont été prises en charge par l’expro-priant : l’immeuble doit alors être évalué comme occupé,toute autre solution revenant à faire bénéficier le propriétaired’une plus-value injustifiée (Cass. 3e civ. 7 avril 1976, DameGrandin, JCP G 1976, IV, 179 – Cass. 3e civ. 6 mai 1998,Épx Robert, AJDI 1998, 1087, obs. A. Lévy). De même, unaccord passé postérieurement à l’ordonnance entre l’expro-prié et un locataire titulaire d’un bail commercial et stipulantque l’exproprié prendra à sa charge le versement de touteindemnité due pour la résiliation du bail n’est pas opposableà l’expropriant (Cass. 3e civ. 26 septembre 2007, Soc.Équipement de la région montpelliéraine, AJDI 2008, 410,obs. Lévy).

S’agissant des baux commerciaux, ils sont transformés endroit à indemnité. Il devrait logiquement en être ainsi d’unfonds de commerce. Mais, la Cour de cassation opérant unedistinction entre le droit au bail et le fonds de commerce juge« que l’ordonnance d’expropriation, qui éteint le droit aubail, ne fait pas disparaître le fonds de commerce et que lacession de ce fonds emporte, sauf clause contraire inclusedans l’acte, cession de la créance d’indemnité d’éviction dueau cédant » (Cass. 3e civ. 20 mars 2013, Société Cité pein-ture, pourvoi n° 11-28.788).

La question est également complexe s’agissant des conven-tions d’occupation temporaire et, notamment, de celles quisont conclues sur les terres à usage agricole. En principe, lejuge doit considérer que l’existence de telles conventionsn’influe pas sur la situation juridique de l’immeuble. Celui-ci

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doit être considéré comme libre d’occupation. En fait, le jugeadopte, le plus souvent, une position intermédiaire : il appli-que des abattements pour occupation mais leur applique untaux réduit (CA Paris 28 avril 1988, Crts Muret, JCP G1988, IV, 331).De nombreuses difficultés se posent également lorsquel’immeuble exproprié abrite des occupants sans titre (squat-ters). La Cour de cassation considère, en général, que cetteoccupation justifie que soit opéré un abattement sur la valeurlibre de l’immeuble sans qu’il y ait lieu de considérer leséventuels efforts entrepris par le propriétaire pour expulserles occupants (Cass. 3e civ. 27 février 1991, SCI 1-5 ruede Boulainvilliers, AJPI 1991, 753), dès lors que la procé-dure d’expulsion n’a pas été menée à son terme (CA Ver-sailles 11 mai 1992, SEM 92, Gaz. Pal. 28-29 juillet 1993,p. 10, obs. A. B.).Il n’en va autrement que si le propriétaire peut apporter lapreuve que l’expropriant n’a pas eu à reloger les occupants(Cass. 3e civ. 19 juin 1985, Gaz. Pal. 1985, 2, pan. 130).

● Obligations de relogement instituées par l’article L. 314-2du code de l’urbanisme : incidences sur l’évaluation. —Depuis la loi n° 85-729 du 18 juillet 1985, l’article L. 314-2du code de l’urbanisme dispose que, dans le cadre des opé-rations d’aménagement, les occupants des locaux d’habita-tion, professionnels ou mixtes ont droit au relogement dansdes conditions que précise le code (voir dossier IV.1100,Occupants – Protection). Cette obligation comporte certainesincidences quant à l’évaluation des immeubles concernés.Les immeubles occupés par des propriétaires qui acceptentd’être relogés doivent être qualifiés d’occupés (circulairen° 87-60 du 7 juillet 1987).

3 | Améliorations présumées spéculatives

● Règle posée par l’article L. 322-1 alinéa 2. — Afin de pré-venir certaines manœuvres spéculatives des expropriés, l’arti-cle L. 322-1, alinéa 2 du code de l’expropriation apporte uncorrectif important au principe selon lequel la consistance dubien exproprié s’apprécie au jour de l’ordonnance en dispo-sant que les améliorations de toute nature ne donnent lieu àaucune indemnité si, en raison de l’époque à laquelle cesaméliorations ont eu lieu, « il apparaît qu’elles ont été faitesdans le but d’obtenir une indemnité plus élevée ». L’inten-tion frauduleuse résulte soit de la nature des améliorationsréalisées, soit de leur date, soit de la combinaison de ces deuxindices.

Cette disposition, souvent incomprise, a pour objet de péna-liser les propriétaires qui, informés par l’ouverture de

l’enquête publique, d’une probabilité d’expropriation, réali-seraient des travaux d’amélioration de leur bien dans le seulbut d’obtenir une indemnité plus élevée. Par contre, l’articleL. 322-1 du code de l’expropriation n’a pas pour objetd’interdire aux futurs expropriés d’entretenir leurs biensjusqu’au transfert de propriété ni même d’y apporter destransformations si celles-ci sont justifiées. L’article L. 322-1précité n’institue donc qu’une présomption simple. C’estnotamment pour cette raison que la Cour de cassation saisied’une QPC considère que l’article L. 13-4 (nouvel articleL. 322-1 du code de l’expropriation) ne porte pas uneatteinte injustifiée au droit de propriété des expropriés etn’est donc pas contraire à la Constitution. L’arrêt souligne àcet effet que « la présomption de fraude […] n’est pas irréfra-gable, a un domaine d’application encadré par la juris-prudence et est proportionnée au but d’intérêt général pour-suivi tendant à prévenir la spéculation foncière qui pourraitrésulter de l’annonce d’un projet d’expropriation » (Cass.3e civ. 25 juin 2015, pourvoi n° 15-40.013, publié au bulle-tin).

● Nature des améliorations concernées. — Peuvent êtreconsidérées comme frauduleuses non seulement les amélio-rations énumérées à l’article L. 322-1 du code de l’expro-priation (constructions, plantations, installations diverses,etc.), mais aussi toutes les opérations destinées à accroître lavaleur de l’immeuble. Il en est ainsi, par exemple, d’unregroupement de parcelles permettant de désenclaver un ter-rain (CA Versailles 10 mars 1981, AJPI 1982, 404), de lacréation d’un fonds de commerce, etc.

Par « améliorations », il faut entendre non seulement les opé-rations matérielles qui affectent la valeur de l’immeuble maisaussi les actes qui en modifient la situation juridique. Il en estainsi de la conclusion d’un bail d’une durée exceptionnelle etd’un montant très élevé (Cass. 3e civ. 28 janvier 1987, Tran-nin, JCP G 1988, II, 21008, note Bernard). Par contre, lalocation de locaux commerciaux, l’acquisition de fonds decommerce et de droits au bail ne peuvent être considéréescomme des améliorations suspectes en l’absence de fraudedémontrée par l’expropriant, le fait que le propriétaire ait euconnaissance de l’expropriation en cours ne pouvant êtreconsidéré comme telle (Cass. 3e civ. 29 avril 1981, Bull. civ.III, n° 8662 – Cass. 3e civ. 21 octobre 1992, SEMAVO,AJPI 1993, 266 – Cass. 3e civ. 22 juillet 1998, Épx Guindre,AJDI 1998, 1085, obs. A. Lévy – Cass. 3e civ. 28 février2001, Communauté de communes du Thouarsais, AJDI2001, p. 539).

L’article L. 322-1 du code de l’expropriation ne concernepas les simples travaux d’entretien de l’immeuble (ravale-

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ment, etc.). En outre, le propriétaire peut toujours apporterla preuve que les améliorations apportées n’étaient pas réali-sées à des fins spéculatives mais étaient nécessaires à labonne exploitation d’une entreprise (CA Paris 1er décembre1989, RDI 1989, 198), à l’amélioration des structures agri-coles, à une meilleure rentabilité de l’immeuble (CA Paris14 octobre 1999, Cne de Juvisy-sur-Orge, AJDI 2000, p. 26,note C. Morel), au renforcement de la sécurité, etc. Celle-cilui sera facilitée par le fait qu’il en ait fait la déclaration àl’administration sans que celle-ci ait formulé d’observations(CA Paris 7 février 2002, Semalilas, RDI 2002, 532, noteC. Morel).

Lorsqu’il prend en compte les travaux réalisés depuisl’ouverture de l’enquête publique, le juge du fond doit, souspeine de cassation, préciser en quoi ils étaient indispensablespour permettre la jouissance normale du bien (Cass. 3e civ.4 décembre 1996, Établissement public de la Basse-Seine,RDI 1997, 413, chron. P. Morel et M. Denis-Linton).

● Améliorations réalisées après l’ouverture de l’enquêted’utilité publique. — Le fait que l’exproprié ait connaissancede l’opération d’utilité publique constitue le meilleur indicede l’intention frauduleuse. Aussi le législateur a-t-il instituéune présomption selon laquelle toutes les améliorations réa-lisées postérieurement à l’ouverture de l’enquête d’utilitépublique sont réputées spéculatives. Une Cour d’appel aconsidéré que la date à prendre en considération pourl’appréciation de ces travaux était celle de la déclarationd’ouverture de chantier (CA Montpellier, 17 février 2004,Vianes c/Synd. Intercommunal de Garrigues Campagne). Ilen résulte qu’à partir de cette date, les expropriés ont toutintérêt à interrompre les travaux d’amélioration. Le juge entire une conséquence logique : à partir de l’ouverture del’enquête, un tiers ne peut reprocher à l’exproprié de ne pasréaliser les travaux qu’il s’était contractuellement obligé àréaliser (Cass. 3e civ., 31 janvier 1990, Debaisieux, DH1991, IR 206, obs. P. Carrias).

Toutefois, la présomption posée par l’article L. 322-1 ducode de l’expropriation n’est pas irréfragable. L’expropriépeut démontrer qu’il existe un motif sérieux de les poursui-vre ou de les entreprendre. Ainsi, des travaux réalisés en vued’assurer l’habitabilité correcte d’un immeuble de rapport neconstituent pas des améliorations au sens de l’articleL. 322-1 précité alors même qu’ils auraient été réalisés long-temps après le déroulement de l’enquête, le propriétairedémontrant qu’il ignorait que l’immeuble était menacéd’expropriation (CA Paris 11 juin 1998, Mme Buyaertc/Semavip, Gaz. Pal. 25-27 octobre 1998, p. 10, obs. A. B.).

● Améliorations antérieures. — Il n’y a pas de limitationsdans le temps quant à l’application de l’article L. 322-1 ducode de l’expropriation. Des travaux réalisés avant l’ouver-ture de l’enquête d’utilité publique peuvent être considéréscomme frauduleux dès lors que l’analyse du dossier démon-tre que le propriétaire était informé des projets de l’adminis-tration et que, par ailleurs, il n’avait pas de motif impératifd’apporter les améliorations contestées (Cass. 3e civ.22 novembre 1983, Épx Champeau, Bull. civ. III, n° 237,180).

III.980-4 Date d’évaluationdes biens expropriés

1 | Principe

● Évaluation à la date du jugement d’indemnisation. —L’article L. 322-2 du code de l’expropriation (ancienL. 13-15 I) pose un principe essentiel compte tenu des fluc-tuations importantes que connaissent certains marchésimmobiliers : « les biens sont estimés à la date de la décisionde première instance ». Le juge ne peut prendre en considé-ration des références postérieures à la date de la décision depremière instance (Cass. 3e civ. 16 avril 2013, Pongérard,pourvoi n° 007429). Cette règle s’applique sous réserve descorrectifs qui pourraient résulter de la prise en compte deleur usage effectif (voir infra) ou de l’exclusion de certainschangements de valeur à caractère spéculatif (voir infra). Larègle de l’article L. 322-2 du code de l’expropriation est deportée générale et s’applique également aux baux portant surl’immeuble, bien que ce soit normalement l’ordonnance quiy mette fin.

Il en résulte que l’appel n’a pas d’effet sur la date d’évalua-tion des biens expropriés : la cour d’appel doit se situer à ladate du jugement de première instance et non pas à la datede sa propre décision pour estimer la valeur du bien (Cass.3e civ. 20 octobre 1981, Sté industrielle et agricolede Pointe-à-Pitre, Bull. civ. III, n° 164). Il en va différem-ment si la cour d’appel annule la décision de première ins-tance : la cour doit alors se situer au jour où elle statue pourévaluer le bien exproprié (Cass. 3e civ. 26 septembre 2007,SEM Plaine commune Développement c/SCI Arthur Bis,Bull. civ. III, n° 154, p. 141, AJDA 2007, p. 2453). Ainsi,viole les dispositions de l’article L. 322-2 du code de l’expro-priation une cour d’appel qui se référerait à des accordsamiables déjà appréciés en première instance mais sans pren-

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dre en compte les éléments qui, depuis, auraient pu influersur la valeur des immeubles (Cass. 3e civ. 22 mai 2012, Mar-jolin, pourvoi n° 11-13.387, AJDI 2012, p ? 530, noteR. Hostiou).

Pour assurer le respect de cette règle, la Cour de cassationvérifie que l’arrêt de la cour d’appel précise bien la dated’évaluation retenue (Cass. 3e civ. 2 mars 1997, SCI LaPépinière, JCP G 1997, 360 – Cass. 3e civ. 4 février 2001,SCI L’Aspre, AJDI 2001, p. 1001). Toutefois, cette men-tion peut résulter implicitement de ce que l’arrêt d’appelconfirme en tous points le jugement de première instance(Cass. 3e civ. 25 février 1987, Grezalkowski, DS 1987, IR249, obs. P. Carrias – Cass. 3e civ. 7 mai 1997,Mme Fagnoni, JCP G 1997, 360 – Cass. 3e civ. 14 janvier1998, Sté Entreprise Pournin, AJDI 1998, 186, obs. A. B.).

Cela n’exclut pas, le préjudice ayant été fixé à la date du juge-ment de première instance, que l’exproprié puisse avancer,lors de l’appel, des éléments de nature à en justifier une nou-velle évaluation (Cass. 3e civ. 27 février 1991, RDI 1991,327).

2 | Correctifs

● Prise en considération du seul usage effectif. — L’articleL. 322-2 du code de l’expropriation introduit un premiercorrectif au principe de l’évaluation à la date du jugement.Le juge, pour estimer la valeur du bien exproprié, devra seréférer à ce qui était son « usage effectif » à la date de réfé-rence, c’est-à-dire, en règle générale, un an avant l’ouverturede l’enquête publique.

Contestée par la voie d’une QPC devant la Cour de cassa-tion, cette disposition a été jugée conforme à la Constitutiondans la mesure où elle est « destinée à assurer l’équilibreentre les intérêts des expropriés et ceux des expropriants,protégés de la spéculation foncière sur les biens concernéspar le projet après l’annonce de l’expropriation » (Cass.3e civ. QPC 21 octobre 2010, M. J. Séguier d’Agoult).

Cette date de référence lie le juge. Ainsi, dans l’hypothèse oùle bien exproprié a, depuis, perdu l’usage qui était alors lesien, il doit, néanmoins, être évalué en fonction de l’utilisa-tion qui en était faite (Cass. 3e civ. 27 mars 1996, Ciguret,Dr. adm. 1996, n° 372).

En sens inverse, la règle de l’usage effectif implique que lejuge ne peut prendre en compte ni la valeur vénale du bientelle qu’elle résulterait des possibilités d’utilisation qui exis-tent pour l’exproprié au jour du jugement d’indemnisation,ni, a fortiori, de l’utilisation qu’envisage de lui donner

l’expropriant (Cass. 3e civ. 10 mai 1984, Cne Mouilleron-le-Captif, AJPI 1984, 736 – Cass. 3e civ. 17 juin 1997, CnePont-du-Casse, AJPI 1997, 1084, obs. A. Lévy). Il doit seréférer exclusivement à l’usage qu’en faisait (ou qu’était sus-ceptible d’en faire) l’exproprié à la date de référence et écar-ter toutes les plus-values qui pourraient résulter de nouvellesperspectives d’utilisation. Il en est ainsi, notamment, de ter-res à usage agricole situées près des zones urbanisées, bienqu’elles soient promises par le projet d’aménagement et dedéveloppement durable d’un PLU à un reclassement futuren secteur constructible (Cass. 3e civ. 13 janvier 2009, Col-lectivité territoriale de la Corse c/Roger Marquet, pourvoin° 07-21.751, RDI 2009, p. 292, obs. CM).

La Cour de cassation vient de préciser utilement que l’usageeffectif est « celui qui résulte de la volonté du propriétaireexproprié ». Par voie de conséquence, celui-ci ne peut invo-quer une plus-value qui résulterait de travaux réalisés parl’administration sur la parcelle expropriée – en l’espèce, uneroute construite illégalement par la collectivité expropriante(Cass. 3e civ., 3 décembre 2008, M. Olivier Ponsoye, pourv.n° 08-11-213, AJDA 2008, p. 2311. Ce qui n’exclut pas uneindemnisation pour dépossession irrégulière).

En fait, cette règle est assez ambiguë quant à sa portée puis-que, d’une part, elle fait partiellement double emploi avec leprincipe de la non-indemnisation du préjudice éventuel (v.supra) et que, d’autre part, elle entre fréquemment en conflitavec d’autres dispositions du code de l’expropriation et,notamment, avec celles qui précisent que la consistance dubien s’apprécie au jour de l’ordonnance. Par ailleurs, sa por-tée a été réduite puisqu’en ce qui concerne l’hypothèse prin-cipale où elle est susceptible de s’appliquer, celle des terrainsagricoles situés dans la périphérie des agglomérations et pro-mis à l’urbanisation, son application est écartée au profit desdispositions spécifiques relatives aux terrains à bâtir (v. infra,III.980-5). Elle ne concerne donc, pour l’essentiel, que cer-tains immeubles à usage professionnel et les terrains agrico-les non constructibles qui, du fait de leur situation, seraientpromis à des utilisations plus rémunératrices (Cass. 3e civ.30 avril 1974, Sté d’économie mixte pour l’aménagement etl’équipement de la Bretagne, Rev. dr. rural 1974, 429, obs.Y. Jégouzo).

● Exclusion des changements de valeur intervenus depuis ladate de référence. — L’article L. 322-2 du code de l’expro-priation introduit un second correctif au principe de l’évalua-tion au jour du jugement en disposant que : « Quelle que soitla nature des biens, il ne pourra être tenu compte, même

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lorsqu’ils sont constatés par des actes de vente, des change-ments de valeur subis depuis cette date de référence, s’ils ontété provoqués :

– par l’annonce des travaux, ou opérations dont la décla-ration d’utilité publique est demandée ;

– par la perspective de modifications aux règles d’utilisationdes sols ;

– par la réalisation dans les trois années précédant l’enquêtepublique, de travaux publics dans l’agglomération où estsitué l’immeuble ».

Il faut considérer que ce correctif, contrairement à la règle del’usage effectif, joue également en ce qui concerne les ter-rains à bâtir. Sont ainsi exclus les « changements de valeurprovoqués » :

– les hausses spéculatives provoquées par l’annonce parl’expropriant de certaines opérations de mise en valeur dupérimètre concerné. Il est toutefois à noter que les moins-values liées à ces opérations et, notamment, aux nuisancesqui pourraient les accompagner doivent également être écar-tées ;

– « par la perspective de modifications aux règles d’utilisationdes sols ». Le juge ne peut ainsi retenir comme motif le faitque des parcelles « sont situées dans une région en voied’urbanisation » et « qu’elles ont vocation à être incluses dansune zone constructible » (Cass. 3e civ. 14 février 1996, Dptde Seine-et-Marne, pourvoi n° 95-70.006). Il appartient aujuge de déterminer la date à prendre en considération pourétablir le lien de causalité nécessaire entre la modification desrègles d’urbanisme et la hausse du prix des immeubles. Enrègle générale, ce sera la date de la délibération du conseilmunicipal prescrivant l’élaboration ou la révision du PLU oul’arrêté du maire le mettant en modification ;

– « par la réalisation dans les trois années précédantl’enquête publique, de travaux publics dans l’agglomérationoù est situé l’immeuble » sans qu’il y ait lieu de distinguer ici,à la différence de la première hypothèse, selon que ces tra-vaux sont ou non l’œuvre de l’expropriant. Doit ainsi êtreexclue la plus-value résultant de la réalisation de construc-tions nouvelles à proximité du secteur exproprié (CA Paris,4 février 1982, Jacques Chachuat, JCP G 1982, IV, 269).

Ces diverses dispositions doivent, toutefois, être interprétéesde manière restrictive et il appartient à l’expropriant dedémontrer que les changements de valeur suspects sont dus àl’annonce des opérations visées à l’article L. 322-2 I du codede l’expropriation (Cass. 3e civ. 30 mai 1969, AJPI 1970,452).

● Détermination de la date de référence – Règles générales.— La date de référence visée par l’article L. 322-2 du codede l’expropriation revêt une importance particulière pourl’évaluation des biens expropriés dans la mesure où s’y repor-tent non seulement la règle de l’usage effectif et les disposi-tions concernant les changements de valeur réputés spécula-tifs, mais aussi les règles relatives à la qualification desterrains à bâtir (infra, dossier III.980-5, Qualification des ter-rains à bâtir) et à l’incidence des servitudes d’urbanisme(infra dossier III.980-6). La fixation de cette date obéit à desrégimes assez divers selon la situation des immeubles expro-priés au regard des règles d’urbanisme. Compte tenu del’incidence de cette date sur l’évaluation des biens, le juge dufond doit, sous peine de cassation, préciser la date de réfé-rence qu’il a retenue (Cass. 3e civ. 25 mars 1997, D’Aubert,JCP G 1997, 361).

En règle générale, la date de référence se situe un an avantl’ouverture de l’enquête d’utilité publique ou, pour les opé-rations qui en sont dispensées en application de l’articleL. 122-4 (opérations intéressant la défense nationale), un anavant la déclaration d’utilité publique. Il faut considérer queces délais s’appliquent également dans l’hypothèse où ladéclaration d’utilité publique a été prorogée (supra,dossier III.920, Expropriation – Procédure administrative), àmoins qu’une nouvelle enquête doive précéder cette proro-gation. La Cour de cassation écarte, pour le calcul de cesdélais, les dispositions des articles 641 et 642 du nouveaucode de procédure civile. Dès lors, l’usage effectif du bien, savaleur « normale » ou les possibilités de construire qui s’yattachent doivent être appréciés au jour de l’année précé-dente qui portait le même quantième que celui de l’ouverturede l’enquête (Cass. 3e civ. 27 avril 1983, Ville de Dinard,DH 1985, IR 56, obs. P. Carrias). Par exemple, pour uneenquête qui s’ouvre le 1er août 1991, la date de référencesera le 1er août 1990 à 0 heure.

La date de référence est définie selon des règles particuliè-res (voir circulaire n° 89-45 du 8 août 1989, JCP N 1989,1074) si les immeubles expropriés sont situés dans deszones de préemption ou classés en emplacements réservéspour équipements publics (v. fasc. II.520, Emplacementsréservés).

● Détermination de la date de référence – Zones de préemp-tion. — S’agissant des immeubles situés dans des zones depréemption (ZAD, zones soumises au droit de préemptionurbain), les lois n° 89-550 du 2 août 1989 et n° 91-662 du13 juillet 1991 ont uniformisé les dates de référence. Désor-

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mais, elles sont identiques que l’immeuble soit préempté ouque, placé dans une zone de préemption, il fasse l’objet d’uneexpropriation. Le jeu combiné des articles L. 213-4 etL. 213-6 du code de l’urbanisme conduit à ce que la date deréférence varie selon qu’il est situé en ZAD ou soumis audroit de préemption urbain. Dans ce dernier cas qui est leplus fréquent, la date de référence est celle « à laquelle estdevenu opposable aux tiers le plus récent des actes rendantpublic, approuvant, révisant ou modifiant le POS ou approu-vant, modifiant ou révisant le PLU et délimitant la zone danslaquelle est situé le bien ». La Cour de cassation interprèterestrictivement cette disposition et considère, s’agissant deterrains situés dans une ZAC, que l’on ne peut retenircomme date de référence la date d’approbation d’un PAZ(Cass. 3e civ. 10 juillet 2002, Semalilas, pourvoin° 01-70.231). De même, lorsque la dernière modificationdu plan d’urbanisme qui est intervenue ne concerne pas laparcelle en cause, il n’y a pas lieu de retenir cette date (Cass.3e civ. 28 janvier 2009, Crts. Chevrier, pourvoin° 08-10.333, AJDA 2009, p. 901).

Il a été considéré que les mesures d’application anticipéedes règles d’urbanisme (sursis à statuer, notamment)n’avaient pas d’incidence sur la détermination de la date deréférence qui, d’après les dispositions d’ordre public del’article L. 322-2 du code de l’expropriation, est celle de lapublication du document d’urbanisme modifié ourévisé (Cass. 3e civ. 17 mars 1993, Cne de Gouvieux,req. n° 9270201 – Cass. 3e civ. 17 mars 1999, Districtdu plateau de Saclay, JCP G, 1999, n° 1889, p. 945).Selon la doctrine administrative, lorsqu’un POS ou unPLU est mis en compatibilité avec une DUP, la date de réfé-rence à prendre en considération est celle « à laquelleest devenu opposable aux tiers le plus récent des actes ren-dant publiques, l’approbation, la révision ou la modificationdu POS ou du PLU et la délimitation de la zone danslaquelle est situé le bien » (Rép. min. JOAN 1er décembre2009, p. 11410, Complément Aménagement n° 1, 2010,p. 38).

Pour les ZAD créées dans les communes dépourvues dedocuments d’urbanisme, la date de référence est fixée un anavant la publication de l’arrêté créant la ZAD (C. urb., art.L. 213-4) ou le périmètre provisoire de ZAD.

Il en va de même, par exception à la règle générale posée parles articles L. 213-4 et 6 du code de l’urbanisme, pour lesZAD créées avant la loi du 18 juillet 1985, qu’il existe ou nonun document d’urbanisme (Cass. 3e civ. 2 mars 1994,SEMA de Bures-Orsay, Dr. adm. n° 216) et celles qui sont

créées sous l’empire de la loi du 13 juillet 1991(dossier III.1200, Zone d’aménagement différé [ZAD]). Lemoyen selon lequel l’institution de la ZAD serait abusiven’est pas discutable devant le juge de l’expropriation (Cass.3e civ., 6 octobre 1993, Desforges, n° 1370D). Il appartientseulement aux propriétaires d’en contester la création devantle juge administratif dans le délai du recours pour excès depouvoir. Le fait que des ZAD puissent être instituées dansdes communes dotées d’un POS ou d’un PLU pose le pro-blème des concours de dates de référence lorsqu’une parcelleressort de deux régimes à la fois. Dans ce cas, la Cour de cas-sation a considéré que la date de référence afférente à la créa-tion de la ZAD (un an avant la publication de l’arrêté decréation) l’emporte sur celle consécutive à son inscriptionpar le POS en emplacement réservé (Cass. 3e civ. 6 novem-bre 1996, Cne de Montigny-les-Cormeilles, JCP G 1997, II,22761).

● Détermination de la date de référence – Emplacementsréservés. — En ce qui concerne les emplacements réservéspar un PLU, la date de référence est celle de la publication,de l’approbation, de la révision ou de la modification duPLU qui institue l’emplacement réservé pour les immeublesqui ont fait l’objet de cette procédure (C. expro., art.L. 322-2). Elle ne peut être fixée un an avant l’ouverture del’enquête publique (Cass. 3e civ. 5 juin 1991, Crts Le Berd,AJPI 1991, 755 – Cass. 3e civ. 14 avril 1999, Épx Cinesi,JCP N 1999, n° 2085, p. 1158).

Enfin, plus récemment et dans une hypothèse tout à faitparticulière, la loi n° 2010-597 du 3 juin 2010 a introduitdans le I de l’article L. 322-2 du code de l’expropriationune disposition selon laquelle la date de référence est « dansle cas des projets ou programmes soumis au débat publicprévu par l’article L. 121-8 du code de l’environnement oupar l’article 3 de la loi n° 2010-597 du 3 juin 2010 relativeau Grand Paris “le” jour de la mise à disposition du publicdu dossier de ce débat ». L’objectif poursuivi est de geler ladate de référence pour les emprises nécessaires aux grandesinfrastructures prévues par le projet du Grand Paris en lafixant au stade du débat public, c’est-à-dire en amont de laprocédure d’expropriation et de l’ouverture de l’enquêtepublique. Cette disposition a été considérée commeconforme à la Constitution pour des motifs équivalents àceux qui ont été invoqués pour rejeter la QPC introduitecontre la règle de l’usage effectif (supra et Cass. 3e civ.10 juillet 2012, Moreau, Constr. Urbanisme octobre 2012,comm. 146).

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III.980-5 Qualification des terrainsà bâtir

1 | Généralités

● Problème. — En raison de l’importante plus-value quirésulte du classement d’un bien dans cette catégorie, la défi-nition des terrains à bâtir fait l’objet de règles très précisesdéfinies à l’article L. 322-3 (ancien article L. 13-15 II) ducode de l’expropriation. Le juge de l’expropriation ne peutqualifier de terrain à bâtir que les parcelles qui remplissentles conditions cumulatives définies par ce texte. Cette défini-tion est commune au droit de l’expropriation et au droit depréemption. Ces qualifications connaissent, actuellement,une double évolution. D’une part, elles se réfèrent demanière croissante aux règles d’urbanisme délimitant leszones de constructibilité. D’autre part, elles font l’objetd’une amorce d’unification autour de la qualification légaledu terrain à bâtir que retient le code de l’expropriation.

● Évolution. — La qualification du terrain à bâtir par le codede l’expropriation a subi de très nombreuses évolutionsdepuis l’ordonnance du 23 octobre 1958. Successivement,les lois n° 65-559 du 10 juillet 1965, n° 72-650 du 11 juillet1972 et n° 75-1328 du 31 décembre 1975 ont enfermé cettequalification dans des conditions de plus en plus précisesédictées en réaction contre des jurisprudences de la Cour decassation considérées comme trop libérales. Ces différentstextes mettaient en œuvre deux critères alternatifs, un critèrematériel et technique de constructibilité, celui de la dessertedu terrain par des équipements, un critère juridique, celui desa localisation dans des secteurs rendus constructibles par lesrègles d’urbanisme. La loi n° 85-729 du 18 juillet 1985modifie fondamentalement cette qualification en faisant dela desserte et de la constructibilité juridique des conditionscumulatives.

• Définition du terrain à bâtir. — La définition actuelle duterrain à bâtir est donnée par l’article L. 322-3 (ancien art.L. 13-15 II) du code de l’expropriation disposant que :

« la qualification de terrains à bâtir, au sens du présent code,est réservée aux terrains qui, un an avant l’ouverture del’enquête prévue à l’article L. 1 ou, dans le cas prévu à l’arti-cle L. 122-4, un an avant la déclaration d’utilité publique,sont, quelle que soit leur utilisation, à la fois :

1° Situés dans un secteur désigné comme constructible parun plan d’occupation des sols, un plan local d’urbanisme, un

document d’urbanisme en tenant lieu ou par une cartecommunale, ou bien, en l’absence d’un tel document, situésdans une partie actuellement urbanisée d’une commune ;

2° Effectivement desservis par une voie d’accès, un réseauélectrique, un réseau d’eau potable et, dans la mesure où lesrègles relatives à l’urbanisme et à la santé publique l’exigentpour construire sur ces terrains, un réseau d’assainissement,à condition que ces divers réseaux soient situés à proximitéimmédiate des terrains en cause et soient de dimensionsadaptées à la capacité de construction de ces terrains.Lorsqu’il s’agit de terrains situés dans une zone désignée parun plan d’occupation des sols, un plan local d’urbanisme, undocument d’urbanisme en tenant lieu ou par une cartecommunale, comme devant faire l’objet d’une opérationd’aménagement d’ensemble, la dimension de ces réseaux estappréciée au regard de l’ensemble de la zone.

Les terrains qui, à la date de référence indiquée au premieralinéa, ne répondent pas à ces conditions sont évalués enfonction de leur seul usage effectif, conformément à l’articleL. 322-2.

Il résulte clairement de ce texte que les terrains à bâtir doi-vent répondre à une double condition de constructibilité(Cass. 3e civ. 11 juillet 2001, Dpt du Nord, AJDI 2001,p. 1001) : à la fois technique (desserte par des voies etréseaux) et juridique (possibilité de construire au regard desrègles d’urbanisme).

Cette définition s’applique à la fois aux terrains faisant l’objetd’une procédure d’expropriation et à ceux qui sont acquisdans le cadre des différents droits de préemption régis par lecode de l’urbanisme (dossiers III.400, Droit de préemptionurbain, III.1200, ZAD, et III.700, Espaces naturels sensibles)puisque les articles L. 142-5 (futur art. L. 215-5) et L. 213-4du code de l’urbanisme disposent qu’à défaut d’accord amia-ble, le prix d’acquisition est fixé par le juge « selon les règlesapplicables en matière d’expropriation ». Seule la date deréférence diffère selon que s’applique telle ou telle procé-dure.

La constitutionnalité de cette disposition a été admise parune décision du Conseil constitutionnel n° 85-189 DC du17 juillet 1985 confirmée depuis (Cass. QPC 28 septembre2010, afff. n° T 10-40.030)

● Caractère d’ordre public de la qualification des terrains àbâtir. — Les règles sur la qualification des terrains à bâtirsont d’ordre public. Elles s’imposent au juge qui, dès lorsque sont remplies les conditions légales, ne dispose d’aucunpouvoir d’appréciation quant à la qualification du terrain àbâtir (Cass. 3e civ. 11 mars 1987, Dlle Lejeune, DH 1987,

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somm. 250 – Cass. 3e civ. 3 octobre 2001, Mme Perret,veuve Soligny, Collectivités-Intercommunalité 2002, n° 10,note L. Erstein). De même, il ne peut qualifier de terrain àbâtir une parcelle qui ne répondrait pas aux conditions défi-nies à l’article L. 322-3, alors même que les parties s’accor-deraient à lui reconnaître cette qualité (Cass. 3e civ. 1er mars1977, Cne d’Orange, Bull. civ. III, n° 104).

Afin de permettre le contrôle par la Cour de cassation desqualifications opérées par le juge du fond, celui-ci doit moti-ver sa décision et préciser les circonstances de fait et les don-nées juridiques qu’il a retenues pour procéder à la qualifica-tion (Cass. 3e civ. 5 octobre 1976, Dpt du Gard, Bull. civ.III, n° 327).

• Terrains bénéficiant d’une situation privilégiée. — Lajurisprudence a toutefois assoupli les effets qui résultent desrègles de qualification des terrains à bâtir. Ainsi, lorsque desterrains qui ne remplissent pas les conditions nécessairespour être qualifiés comme tels mais bénéficient d’une situa-tion privilégiée du fait de leur proximité d’une zone urbaineou d’équipements publics présentant un intérêt pour sa valo-risation (voies publiques, équipements scolaires, etc.), lejuge, tout en leur refusant la qualification de terrains à bâtir,considère que « leur situation privilégiée » justifie qu’ilsbénéficient d’une plus-value par rapport à des terrains demême nature qui ne jouiraient pas des mêmes avantages(Cass. 3e civ. 14 février 1996, Dpt de Seine-et-Marne, JCP1996, IV, 810 ; AJPI 1996, 585, obs. CM – Cass. 3e civ.12 mars 2003, M. Priot, RDI 2003, p. 335, note C. Morel).Il en va ainsi, par exemple, de parcelles situées à proximitéimmédiate d’un réseau complet de communication (auto-route, voie ferrée, aéroport international) alors mêmequ’elles ne seraient pas constructibles (Cass. 3e civ. 10 mars2009, CCI du Grand Lille, pourvoi n° 08-12.281, RDI,2009, 349, obs. C. M.) ou encore de terrains situés dans unezone de protection (ND) d’un PLU mais bénéficiant d’unesituation privilégiée (Cass. 3e civ. 10 mars 2009, M. Cor-rieri, pourv. n° 07-21.492) ou également, bien qu’il nepuisse être qualifié de terrain à bâtir d’un terrain susceptibled’être compris à terme dans une opération d’urbanisation,bien desservi et comportant plusieurs points d’arrivée desources d’énergie (Cass. 3e civ. 28 mai 2013, SERM c. Mar-tinez, Études foncières, sept. -oct. 2013, p. 67).

Si le juge peut reconnaître le caractère privilégié d’un terrainpar ailleurs non qualifiable comme terrain à bâtir, il doit pré-ciser en quoi cette parcelle présente des caractéristiques quila différencie de celles qui ont fait l’objet de cessions amia-bles dans le même secteur (Cass. 3e civ. 25 mars 2014,Bérard).

2 | Date de référence

● Définition. — Quelle que soit la date à laquelle se place lejuge, et quelle que soit, à cette date, la constructibilité de laparcelle, peuvent seuls être qualifiés de terrains à bâtir ceuxqui, à la date de référence, étaient desservis par les équipe-ments requis et classés en zone constructible par les règlesd’urbanisme. Le juge ne peut ainsi qualifier un terrain à bâtiren se fondant sur les constatations qu’il a effectuées lors dutransport sur les lieux sans rechercher si les équipementsrequis existaient à la date de référence (Cass. 3e civ. 31 mai1995, Cne de Saint-Germain-du-Crioult, AJPI 1996, 52,obs. CM).

La règle de l’article L. 322-3 du code de l’expropriations’applique quel que soit l’usage des terrains en cause à la datede référence, la règle de l’usage effectif (voir supra) étantécartée lorsqu’il s’agit de terrains à bâtir (Cass. 3e civ. 15 juin1977, Jourdan, Bull. civ. III, n° 267, 204).

Pour les terrains qui font l’objet d’une expropriation, la datede référence se situe, en principe, un an avant l’ouverture del’enquête d’utilité publique, à moins que s’appliquent certai-nes dispositions particulières.

Pour les terrains qui sont préemptés, la date de référencevarie selon le droit de préemption mis en œuvre et l’existenceou non d’un PLU. En règle générale, la date de référence est,depuis la loi n° 89-550 du 2 août 1989 modifiée par la loin° 2000-1208 du 13 décembre 2000, celle « à laquelle estdevenu opposable aux tiers le plus récent des actes rendantpublic, approuvant, révisant ou modifiant le POS ou approu-vant, modifiant ou révisant le plan local d’urbanisme et déli-mitant la zone dans laquelle est situé le bien » (C. urb., art.L. 213-4). Cette date s’applique aux terrains préemptés dansles secteurs soumis au droit de préemption urbain et, dans lescommunes dotées d’un POS ou d’un PLU, en ZAD ainsique dans les zones de préemption délimitées au sein desespaces naturels sensibles (C. urb., art. L. 142-6). Pour lesterrains situés dans le périmètre de ZAD instituées dans descommunes dépourvues de document d’urbanisme, la date deréférence est fixée un an avant la publication de l’arrêté lescréant (Cass. 3e civ. 10 janvier 1990, AJPI 1990, 519, obs.AB). Les conditions d’application de ces dispositions sontprécisées par la circulaire n° 89-45 du 8 août 1989(JCP N 1989, prat. 1074).

3 | Équipements desservant le terrain

● Généralités. — Pour être qualifié de terrain à bâtir, un ter-rain doit être effectivement desservi à la date de référence par

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les équipements mentionnés à l’article L. 322-3 du code del’expropriation à savoir une voie d’accès, un réseau électri-que, un réseau d’eau potable et, dans la mesure où les règlesrelatives à l’urbanisme et à la santé publique l’exigent pourconstruire sur ces terrains, un réseau d’assainissement, àcondition que ces divers réseaux soient situés à proximitéimmédiate. L’exproprié doit avoir un accès à ces équipe-ments, c’est-à-dire soit en être propriétaire ou copropriétaires’agissant des voies privées ouvertes au public, soit disposerd’un droit d’accès en tant que riverain d’une voie publique,soit, enfin, en ce qui concerne les réseaux, disposer d’undroit à raccordement. Le juge doit vérifier l’existence de cedroit à raccordement (Cass. 3e civ. 27 avril 2004, CCId’Amiens, AJDI 2004, p. 569) et la faisabilité de la desserte :ainsi, un terrain dont l’accès depuis la voie publique néces-site de traverser un immeuble bâti édifié en totalité de lafaçade sur voie ne peut être qualifié de terrain à bâtir (Cass.3e civ. 5 mai 2009, Soc. Yasmine c/Communauté d’agglo-mération de Valenciennes-Métropole, pourvoin° 08-13.711, RDI 2009, p. 417, obs. C. M.)

● Desserte par une voie d’accès. — La desserte par une voieouverte au public constitue une condition toujours exigéepour qu’un terrain puisse être qualifié de terrain à bâtir. Par« voie ouverte au public », il faut entendre, naturellement, lesvoies publiques mais aussi les voies privées ouvertes aupublic. Toutefois, en ce qui concerne celles-ci, elles ne peu-vent être considérées comme répondant aux exigences del’article L. 322-3 qu’à la condition qu’elles soient reliées auxvoies publiques (Cass. 3e civ., 28 janvier 1981, Baudin, Gaz.Pal. 1981, 2, pan. jur. 189) et que le propriétaire puisse jus-tifier d’un droit d’accès permanent et reconnu à la voie. N’estpas suffisant l’accès à la voirie d’un lotissement privé si lepropriétaire n’a ni la qualité de coloti, ni un droit conven-tionnel d’accès (CA Paris, 24 février 1984, Dlle Lejeune,AJPI 1984, 332). Par contre, un terrain qui, sans être des-servi par une voie publique est limitrophe d’une parcelle quil’est doit être considéré comme un terrain à bâtir s’il est pro-priétaire de cette parcelle (Cass. 3e civ. 30 janier 1996, Épx.Mauvy, AJPI 1996, 584) ou s’il est en droit d’exiger un droitde passage.

En outre, la voie d’accès doit répondre à certaines caractéris-tiques techniques. Elle doit être carrossable (Cass. 3e civ.31 janvier 1978, Johnson, Rev. dr. rural 1979, 251, obs.Y. Jégouzo) et suffisamment large pour accueillir la circula-tion de véhicules automobiles (Cass. 3e civ. 24 janvier 1990,Crts Roche, AJPI 1990, 430). Par contre, la question desavoir si elle doit répondre aux conditions techniques défi-nies par le règlement d’urbanisme fait l’objet d’une juris-

prudence contradictoire. Il faut, à notre sens, considérer quecelles-ci ne s’imposent pas au juge mais qu’il peut les prendreen considération.

● Desserte par un réseau électrique. — Il y a là une autrecondition toujours exigée. Par réseau électrique, il fautentendre un réseau public auquel le propriétaire peut sebrancher. Ne peuvent être qualifiées de terrains à bâtir lesparcelles desservies par une ligne à haute tension voire mêmepar des lignes à moyenne tension si le propriétaire ne peutjustifier de la possibilité technique de s’y relier (Cass. 3e civ.17 janvier 1990, Cne de Portet-sur-Garonne, DH 1991, 206,obs. P. Carrias). Le réseau peut être privé si le propriétairepeut justifier d’un droit permanent de branchement (Cass.3e civ. 4 janvier 1990, Syndicat intercommunal pour l’amé-nagement de la zone Ilbarritz-Mouriscot, DH 1991, 206,obs. P. Carrias).

● Desserte par un réseau d’eau potable. — Il s’agit de latroisième condition toujours obligatoire. La notion de réseaud’eau potable est interprétée strictement par la jurisprudencequi considère ainsi que la présence de sources (CA Paris13 juin 1986, Lugues, JCP G 1987, IV, 227) ou d’un puits(Cass. 3e civ. 21 juillet 1975, Bull. civ. III, n° 263, 199) estinsuffisante, alors que l’article R. 111-11 du code de l’urba-nisme autorise la délivrance d’un permis de construire à cettecondition. Par ailleurs, la desserte doit être effective : la pré-sence d’une canalisation d’eau à haute pression (CA Ver-sailles, 17 février 1986, Dlle Cavau, JCP G 1987, IV, 113) àlaquelle il est impossible de se brancher est insuffisante pourentraîner la qualification d’une parcelle comme terrain àbâtir. La même solution est adoptée pour un terrain qui nepeut être raccordé au réseau qu’au prix de travaux impor-tants (franchissement d’une route : Cass. 3e civ. 27 novem-bre 1991, Groslambert, AJPI 1992, 211).

● Desserte par un réseau d’assainissement. — En règlegénérale, la desserte par ce type d’équipement n’est pasimpérative. Elle ne conditionne la qualification des terrains àbâtir que si ceux-ci sont situés dans une commune dont laréglementation d’urbanisme ou sanitaire impose que lesconstructions soient reliées à des réseaux collectifs d’assai-nissement (Cass. 3e civ. 18 février 1987, Crts Hémar, DH1987, somm. 250 – CA Paris 17 septembre 1998, Cned’Arpajon c/Crts Pierre, AJDI 1999, 535, obs. C. Morel). Ilappartient au juge de rechercher si cette condition est impo-sée par les textes. En outre, si le réseau existe, il faut encoreque le terrain puisse y être branché et, notamment, que lerelief le permette.

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● Capacité des équipements. — Il appartient au juge de véri-fier, lorsque la totalité des équipements requis par l’articleL. 332-3 du code de l’expropriation se trouvent réunis, siceux-ci sont de « dimensions adaptées à la capacité de cons-truction de ces terrains ». Ainsi, le juge doit-il prendre encompte la saturation des réseaux ou le diamètre des canalisa-tions (Cass. 3e civ. 6 novembre 1984, Dame Frindik, DH1986, IR 74, obs. P. Carrias).

La question se pose, toutefois, de savoir, lorsque les équipe-ments ne sont pas de dimensions adaptées, si cette insuffi-sance doit conduire à refuser la qualification de terrain à bâtirou si ses incidences se limitent à la minoration de l’évaluationde terrains cependant qualifiés de terrains à bâtir. Cetteseconde position est celle que retient l’administration fiscaledans une instruction du 14 novembre 1972 (BODGI,9F272). Elle est consacrée par la Cour de cassation quiconsidère que l’insuffisance des réseaux peut seulementinfluer sur la valeur du terrain, le juge devant s’expliquer surles incidences de la capacité des réseaux (Cass. 3e civ.20 novembre 1985, Établissement public d’aménagement dela ville nouvelle de Saint-Quentin-en-Yvelines, Rev. dr. rural1987, obs. Y. Jégouzo).

• Terrains devant faire l’objet d’une opération d’ensemble.— Le problème se pose différemment pour les terrains« situés dans une zone désignée par un POS ou un PLUopposable, un document d’urbanisme en tenant lieu ou parune carte communale comme devant faire l’objet d’une opé-ration d’aménagement d’ensemble ». Cette hypothèse, intro-duite par la loi n° 85-729 du 18 juillet 1985, désigne essen-tiellement les anciennes zones d’urbanisation future (NA)délimitées par un POS ou les nouvelles zones à urbaniser(AU) dont le règlement stipule qu’elles ne sont constructi-bles que dans le cadre d’opérations d’ensemble (lotisse-ments, ZAC, programme d’aménagement d’ensemble, etc.)comportant une surface hors œuvre nette minimale. Dans cecas, la circulaire n° 87-60 du 7 juillet 1987 (BOMELATTn° 87/20) considère que la qualification de terrain à bâtir nepourra être accordée qu’aux parcelles qui sont desservies pardes équipements correspondant aux besoins minimums desopérations prévues par le règlement du POS ou du PLU etceci au regard de l’ensemble de la zone (CA Rennes 7 juin2013, Mme Geneviève, Belhomme de Franqueville,n° 2013-020455) L’imprécision de la rédaction de l’articleL. 322-3 b du code de l’expropriation ne permet pas d’affir-mer que le juge retiendra obligatoirement cette interpréta-tion.

Le même problème est susceptible de se poser dans les zonesurbaines classées dans le périmètre d’une ZAC, étant précisé

que l’intégration d’une parcelle dans une ZAC ne suffit pas àelle seule à lui attribuer la qualification de terrain à bâtir(Cass. 3e civ. 28 avril 2011, EPAMSA, AJDA 2011,p. 1520).

● Équipements situés à proximité immédiate. — Ne peuventêtre qualifiés de terrains à bâtir que ceux qui sont situés « àproximité immédiate » des équipements requis. Si l’applica-tion de cette condition ne soulève pas de difficultés pour lesterrains qui sont au droit des voies et réseaux exigés, elle serévèle très délicate pour les terrains qui en sont très proches,le juge appréciant souverainement la distance en deçà delaquelle la desserte est considérée comme assurée (Cass.3e civ. 21 novembre 1984, JCP 1985, IV, 40).

• Critères. — En règle générale, ces réseaux doivent, saufcirconstances très particulières, se situer à quelques mètres,des distances de 10, 20 voire 30 mètres constituant, s’iln’existe aucun obstacle au branchement, des distances cou-ramment admises (CA Paris 27 mai 1982, Legendre, JCP G1982, IV, 340).

Mais, l’appréciation de cette distance varie considérable-ment selon les réseaux (une proximité plus immédiate estgénéralement exigée pour les réseaux d’eau et d’assainisse-ment, alors que des distances plus importantes peuvent êtreadmises pour les réseaux électriques). Elle varie égalementselon la présence ou non d’obstacles techniques ou juridi-ques au branchement. Ainsi, la présence à faible distanced’un réseau d’eau ou d’électricité ne permet pas de qualifierun terrain à bâtir dès lors que l’accès à ces réseaux est renduimpossible par la traversée d’une route (CA Paris 10 janvier1986, Crts Muret, JCP G 1987, IV, 112) ou nécessite la réa-lisation de travaux importants (Cass. 3e civ. 27 novembre1991, Groslambert, AJPI 1992, 211). De même, l’enclave-ment d’un immeuble peut conduire à lui refuser la qualifica-tion de terrain à bâtir en dépit de la présence à faible distancedes réseaux requis (Cass. 3e civ. 4 avril 1978, Dame Funel,Bull. civ. III, n° 147). Mais le juge ne peut se borner à cons-tater que le terrain est enclavé sans rechercher si le proprié-taire n’a pas la possibilité juridique ou technique d’obtenir ladesserte nécessaire (Cass. 3e civ. 4 avril 1978, Gaz. Pal.1978, 2, pan. jur. 273).

S’agissant d’apprécier la possibilité juridique d’opérer lebranchement, le juge met en avant le concept d’unité fon-cière. Une parcelle, bien propre d’un exproprié, ne constituepas une unité foncière avec d’autres parcelles contiguës dontl’exproprié n’est que le copropriétaire indivis (Cass. 3e civ.30 janvier 1996, Épx Maury, AJPI 1996, 584).

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4 | Situation du terrain au regarddes documents d’urbanisme

● Documents d’urbanisme visés. — Depuis la loi n° 85-729du 18 juillet 1985, les terrains desservis par des voies etréseaux divers situés dans les communes dotées d’un POS,d’un PLU ou d’un document d’urbanisme en tenant lieu nepeuvent être qualifiés de terrains à bâtir que s’ils sont situésdans « un secteur désigné comme constructible » par cedocument. Outre le POS et les PLU, les documents d’urba-nisme visés sont les plans de sauvegarde et de mise en valeurmis en place dans les secteurs sauvegardés et, dans le régimeantérieur à la loi SRU du 13 décembre 2000 qui les remplacedésormais par des secteurs de PLU, les plans d’aménage-ment de zone régissant les ZAC et les cartes communales. Lasituation au regard des documents d’urbanisme doit s’appré-cier à la date de référence (voir supra). Dès lors, le déclasse-ment ultérieur par un plan d’urbanisme d’un terrain qui, àcette date, était en zone constructible, ne lui enlève pas saqualité de terrain à bâtir (CA Paris 4 février 1988, AJPI1989, 88, note Morel). Inversement, il ne peut être tenucompte des possibilités de construire qu’aurait accordées unPOS en cours d’élaboration (Cass. 3e civ. 11 juin 1992, ÉpxGagé, AJPI 1993, 29).

S’agissant des communes dotées d’une carte communale, ondoit considérer que peuvent être qualifiés de terrains à bâtir,sous la réserve qu’ils soient effectivement desservis par deséquipements, non seulement les parties actuellement urbani-sées (voir infra) mais aussi « les secteurs où les constructionssont autorisées » au sens de l’actuel article L. 124-2. Ceciimplique toutefois que les dispositions de la carte commu-nale soient suffisamment précises quant à la constructibilitéou non du secteur. Il appartiendra, là encore, au juge del’expropriation d’apprécier cette constructibilité au vu del’examen des dispositions de la carte.

Par ailleurs, il a été jugé qu’un plan de prévention des risquesnaturels prévisible ne constitue pas un document d’urba-nisme au sens de l’article L. 332-3. Par conséquent, enl’absence d’un POS ou d’un PLU, un terrain classé en sec-teur inconstructible par un plan de prévention des risquenaturels prévisibles ne peut se voir dénier la qualité de terrainà bâtir s’il est équipé et situé dans la partie actuellementurbanisée de la commune. Par contre, sa valeur sera forte-ment minorée du fait de sa situation en zone inondable(Cass. 3e civ. 11 février 2009, Cne de Jausiers, BJDU1/2009, p. 27).

● Terrains situés en zone urbaine. — Les terrains situés enzone U du POS ou du PLU sont présumés terrains à bâtir

puisqu’en principe ne peuvent être classés en zone urbaineque les secteurs déjà urbanisés ou les secteurs dans lesquels« les équipements publics existants ou en cours de réalisationont une capacité suffisante pour desservir les constructions àimplanter » (C. urb., art. R. 123-5). Toutefois, dans l’hypo-thèse où, de manière anormale, seraient classées en zone Udes parcelles non desservies par des équipements, le jugeparaît lié par les dispositions de l’article L. 332-3 du code del’expropriation et doit refuser la qualification de terrain àbâtir. Il peut également, sans nier à une parcelle classée enzone U sa qualité de terrain à bâtir, l’évaluer par comparai-son avec les terrains inconstructibles s’il apparaît que lesdimensions du terrain ne permettent aucune construction(Cass. 3e civ. 11 février 2014, SA Entreprise Antoine Gime-nez et Cie, pourvoi n° 12.24.225).

Par contre, la question apparaît plus délicate pour ce qui estdes espaces boisés classés et des terrains cultivés à protégersitués en zone U. La circulaire n° 87-60 du 7 juillet 1987considère qu’ils ne peuvent être qualifiés de terrains à bâtir.Ce qui revient à dire qu’il peut exister, au sein des « zones »urbaines, des « secteurs » non constructibles. Il est possible, àl’inverse, de considérer que ces terrains ne constituent pasdes secteurs distincts de la zone constructible où ils ont étéclassés mais que, les restrictions au droit de construire qui lesaffectent sont à ranger au nombre des servitudes d’urba-nisme qui influent sur leur évaluation et non sur leur qualifi-cation.

● Terrains situés en zone à urbaniser. — S’agissant des ter-rains classés dans les zones d’urbanisation future des POSqui resteraient provisoirement en vigueur (zones NA), unedistinction doit être opérée. Dans les zones NA où sontimmédiatement autorisées les constructions se faisant selonun programme d’ensemble, les terrains peuvent être qualifiésde terrains à bâtir sous réserve que les équipements qui lesdesservent soient de dimensions adaptées à ce programme.Par contre, dans les zones NA dont l’urbanisation est condi-tionnée par une révision du POS, la création d’une ZAC oul’adoption d’un schéma d’organisation, il faut considérer queles terrains ne répondent pas aux conditions exigées parl’article L. 332-3 du code de l’expropriation (Cass. 3e civ.25 avril 1990, Épx Gouffault, AJPI 1990, 778, obs. AB).D’une manière générale, le juge doit apprécier l’existence etles dimensions des réseaux en se fondant sur le règlement dela zone à urbaniser. Ainsi, ne pouvait être qualifiée de terrainà bâtir une parcelle située en zone NA avec un COS trop fai-ble pour autoriser toute construction (CA Paris 28 juin2001, Cne de Breux-Jouy, Juris-Data n° 148828). Il en va demême s’agissant d’un terrain situé dans une zone NA autori-

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sant la réalisation de cinquante-six pavillons dès lors que leprojet d’aménagement de la zone exigeait la mise en place devoies privatives mais aussi de voies principales, inexistantes àla date de référence, ainsi que des réseaux de dimensionadaptée à ce programme, également absents (Cass. 3e civ.26 mai 2004, Jouault, AJDI 2004, p. 569).

La loi SRU du 13 décembre 2000 et le décret n° 2001-260du 27 mars 2001 ont remplacé les zones d’urbanisationfuture par les zones à urbaniser (AU) définies par l’articleR. 123-6 du code de l’urbanisme (dossier II.505, Pland’occupation des sols). Le changement principal vient de ceque l’actuel article R. 123-4 du code de l’urbanisme précisela distinction qui doit être opérée entre les différentes zones àurbaniser en fonction de la nature et de la densité des équipe-ments, qui soit les desservent, soit existent dans les zonesadjacentes. La première catégorie de zones à urbaniser com-prend les secteurs dans lesquels les voies publiques et lesréseaux d’eau, d’électricité et, le cas échéant, d’assainisse-ment « existant à la périphérie immédiate » de la zone ont unecapacité suffisante pour desservir les constructions à réaliserdans l’ensemble de la zone. Dans ce cas les constructionspeuvent y être autorisées soit dans le cadre d’une opérationd’aménagement d’ensemble, soit au fur et à mesure de la réa-lisation des équipements internes. Certains des terrainsconcernés peuvent alors, en fonction de leurs caractéristi-ques, être qualifiés de terrains à bâtir. Cette qualification nepeut en aucun cas être accordée aux terrains situés dans laseconde catégorie de zones distinguées par le codepuisqu’ici, compte tenu de l’absence d’équipements suffi-sants en périphérie, l’urbanisation est en principe subordon-née à une révision ou à une modification du PLU.

● Incidence des autres zonages. — Les terrains situés dansles zones de richesses naturelles (NC) ou dans les zones deprotection ou de risques (ND) délimitées par les POS ou,lorsqu’est institué un PLU, dans des zones agricoles (A) oudes zones naturelles (N) ne peuvent, en principe, être quali-fiés de terrains à bâtir alors même qu’ils seraient équipés etqu’ils ne seraient pas totalement inconstructibles (possibilitéd’y réaliser des constructions liées à l’agriculture, etc.). Telleétait tout au moins la solution admise jusqu’ici par la juris-prudence (Cass. 3e civ. 7 octobre 1992, JCP 1993, I,n° 3658, s’agissant de zone NC – Cass. 3e civ. 27 novembre1991, arrêt n° 1763D). Elle semble toutefois remise en causepar un arrêt récent de la Cour de cassation qui a admis quepouvait être qualifié de terrain à bâtir un terrain situé dansune zone NC dès lors que, d’une part, le règlement autorisaitla construction de bâtiments agricoles et que, d’autre part, la

parcelle était desservie par deux chemins vicinaux, desconduites d’eau potable et des lignes de distribution électri-que (Cass. 3e civ. 11 juillet 2001, Cne de Saint-Romain-de-Colbosc, D. 2002, n° 6, jurispr 511, note P. Carrias ; Gaz.communes 1er oct. 2001, p. 72, note F. Sartorio). Dans cecas, toutefois, l’évaluation de ce terrain à bâtir agricole devrase faire en tenant compte de ce qu’il ne peut accueillir quedes bâtiments d’exploitation ou, à la rigueur, la constructionà usage d’habitation de l’exploitant. En outre, suivant sa logi-que, la Cour de cassation déduit de cette qualification de ter-rain à bâtir que l’exploitant ne peut en même temps deman-der une indemnité d’éviction (même arrêt).

Les parcelles situées dans les zones d’urbanisation diffuse(zones NB) des POS posaient également des problèmes :dans la mesure où elles pouvaient être considérées commeterrains à bâtir dès lors qu’elles sont desservies par une voie,un réseau d’eau et un réseau d’électricité. En général, lesrèglements de ces zones n’exigent pas un branchement surdes réseaux d’assainissement. Cette difficulté devrait dispa-raître puisque ces zones ne peuvent plus exister dans lesPLU.

En toute hypothèse, il appartient alors au juge de l’expropria-tion d’examiner concrètement chaque règlement afin dedéterminer s’il rend le secteur constructible ou non. La plé-nitude de sa compétence paraît ici la même que celle dontil dispose pour se prononcer sur le caractère dolosif ounon de l’institution d’une servitude administrative (voirdossier II.800, Servitudes administratives. Non indemnisation).En outre, il doit refuser de tenir compte de l’inconstructibi-lité qui résulterait d’un POS, d’une révision ou d’une modi-fication de celui-ci qui auraient été annulés postérieurementpar le juge administratif (Cass. 3e civ. 11 décembre 1985,CRAMIF, Rev. dr. rural 1987, 381, obs. Y. Jégouzo).

5 | Conditions de constructibilité requisesen l’absence d’un document d’urbanisme

● Parcelles comprises dans les « parties actuellement urba-nisées ». — En règle générale, dans les communes nondotées de document d’urbanisme, ne peuvent être qualifiésde terrains à bâtir que ceux qui se trouvent dans les secteursdéjà urbanisés au sens de l’actuel article L. 111-1-2 du codede l’urbanisme. Les critères qui permettent de définir cessecteurs ont été définis par la jurisprudence administrative.Le juge de l’expropriation peut s’en inspirer. Mais il fautconsidérer qu’il conserve un assez large pouvoir d’apprécia-tion quant à l’analyse de cette notion.

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6 | Qualifications des terrains à bâtirdonnées par le code rural et de la pêchemaritime

● Exclusion des terrains à bâtir du champ d’application duremembrement. — L’article L. 123-3 du code rural et de lapêche maritime permet d’incorporer les terrains à bâtir dansles périmètres de remembrement. Mais, ceux-ci doivent, àl’issue de l’opération, être obligatoirement réattribués à leurspropriétaires, encore qu’ils puissent subir « les modificationsde limites indispensables à l’aménagement ».

Jusqu’à la loi n° 85-1496 du 31 décembre 1985, les terrainsétaient qualifiés de terrains à bâtir « en raison de leur situa-tion dans une agglomération ou à proximité immédiated’une agglomération et de leur desserte effective à la fois pardes voies d’accès, un réseau électrique, des réseaux d’eau et,éventuellement, d’assainissement, de dimensions adaptées àla capacité des parcelles en cause ». La qualité de terrain àbâtir s’appréciait donc au regard de la localisation de la par-celle et de sa desserte, mais la commission d’aménagementfoncier n’avait pas à tenir compte de la réglementationd’urbanisme. Elle pouvait qualifier de terrain à bâtir une par-celle classée en zone agricole par un document d’urbanisme.

La loi n° 85-1496 du 31 décembre 1985 relative à l’aména-gement foncier rural aligne la définition du terrain à bâtirqu’elle retient sur celle du code de l’expropriation. Désor-mais, sont considérés comme tels les « immeubles présen-tant, à la date de l’arrêté fixant le périmètre de remembre-ment, les caractéristiques d’un terrain à bâtir au sens du 1°du paragraphe II de l’article L. 13-15 (désormais L. 322-3)du code de l’expropriation ». Il appartient au juge adminis-tratif, juge du remembrement, de se prononcer sur cette qua-lification.

III.980-6 Règles d’évaluationdes biens expropriés

1 | Incidence des servitudesadministratives

● Principe de la non-indemnisation. — Jusqu’en 1975, endépit de certaines dispositions du code de l’expropriation et,surtout, du principe de non-indemnisation des servitudesd’urbanisme posé par l’article L. 160-5 du code de l’urba-nisme, le juge de l’expropriation évaluait les immeubles

expropriés en refusant de prendre en compte les moins-values qui pouvaient résulter des restrictions administrativesau droit de propriété et, principalement, au droit de cons-truire. En réaction contre cette jurisprudence, la loi du31 décembre 1975 a imposé au juge de l’expropriation deprendre en compte les incidences des servitudes administra-tives dans l’évaluation des terrains à bâtir. La loi n° 85-729du 18 juillet 1985 a étendu la portée de cette règle et en faitun principe général applicable à l’évaluation de tous les biensexpropriés. En application de l’alinéa 3 de l’article L. 322-2du code de l’expropriation, il doit être « tenu compte des ser-vitudes et des restrictions administratives affectant de façonpermanente l’utilisation ou l’exploitation des biens » à la datede référence « sauf si leur institution révèle, de la part del’expropriant une intention dolosive ».

L’article L. 322-4 du code de l’expropriation (ancien art.L. 13-15 I) applique cette règle mais en la précisant aux ter-rains à bâtir. Il dispose que « l’évaluation des terrains à bâtirtient compte des possibilités légales et « effectives de cons-truction qui existaient à la date de référence prévue à l’articleL. 322-3, de la capacité des équipements mentionnés à cetarticle, des servitudes affectant l’utilisation des sols et notam-ment des servitudes d’utilité publique, y compris les restric-tions administratives au droit de construire, sauf si leur insti-tution révèle, de la part de l’expropriant, une intentiondolosive. »

● Incidences des servitudes d’urbanisme. — En applicationde la disposition générale de l’article L. 332-2 du code del’expropriation, le juge doit évaluer les immeubles expropriésen prenant en compte les incidences qu’ont sur leur valeurles restrictions au droit de construire ou à toutes autres utili-sations (interdiction d’exploitation de carrières ou d’installa-tions classées, etc.) qui résultent des différentes règlesd’urbanisme applicables. Il doit considérer aussi bien lesrègles générales d’urbanisme (RNU, etc.) que les servitudesinstituées par les POS, les PLU ou les documents d’urba-nisme en tenant lieu. À cette fin, la Cour de cassation exigeque le juge du fond précise les règles d’urbanisme qu’il prenden considération ainsi que leur antériorité ou non à la date deréférence (Cass. 3e civ. 10 novembre 1987, Ville de Reims,AJPI 1988, 380). S’il y a un doute sur la réglementationapplicable, le juge doit soit surseoir à statuer en attendantque le juge administratif se prononce, soit fixer des indem-nités alternatives en fonction de l’application ou non de larègle. Le juge de l’expropriation ne peut non plus prendre encompte les atteintes aux droits acquis qui résulteraient del’institution des servitudes d’urbanisme, l’actuel articleL. 160-5 réservant au juge administratif la réparation de ce

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type de préjudice (voir dossier II.800, Servitudes administra-tives – Non-indemnisation).

Il appartient à l’expropriant de produire la décision adminis-trative qui fonde ces restrictions. Mais le juge peut en écarterl’application si l’opposabilité de cette décision n’est pasdémontrée. Il doit, notamment, refuser de prendre encompte les limitations au droit de construire qui résulteraientd’un POS annulé par le juge administratif et donner à cetteannulation un effet rétroactif (Cass. 3e civ. 11 décembre1985, CRAMIF, Rev. dr. rural 1987, 381, obs. Y. Jégouzo).Toutefois, si la décision annulée avait seulement le caractèred’une modification ou d’une révision d’un plan d’urbanisme,le juge, pour déterminer la situation juridique de la parcelleen cause, doit rechercher si l’annulation ne fait pas revivre lesdispositions antérieures du plan ainsi illégalement modifié(Cass. 3e civ. 16 mars 1994, Crts Laugée et a., D. 1995,IR 160, obs. P. Carrias). Il ne peut se borner à considérerque cette annulation remet simplement en application lesdispositions du RNU applicables en l’absence de documentd’urbanisme (Cass. 3e civ. 23 mars 1988, Crts Perritaz, AJPI1988, 776).

• Cas des terrains à bâtir. — L’évaluation des terrains à bâtirs’effectue, en règle générale, en fonction de l’état du marchéfoncier. Toutefois, lorsque ces terrains font l’objet d’uneexpropriation ou sont soumis à l’exercice du droit depréemption d’une collectivité publique, leur évaluation doitêtre effectuée selon les règles définies par l’article L. 322-4du code de l’expropriation.

Il est à souligner que cette évaluation est distincte de la qua-lification et que le jeu respectif des deux peut conduire à éva-luer comme terrains inconstructibles des terrains qualifiés deterrains à bâtir. Cette contradiction apparente résulte,notamment, de ce que l’évaluation des terrains à bâtir par lejuge doit prendre en compte les servitudes administratives etles restrictions administratives au droit de construire.

L’article L. 322-4 du code de l’expropriation dispose quel’évaluation des terrains à bâtir « tient compte des possibilitéslégales et effectives de construction » qui existaient à la datede référence, sauf si l’institution de celles-ci témoigne d’une« intention dolosive » de l’expropriant. Les conditionsd’application de cette règle qui n’est plus spécifique aux ter-rains à bâtir sont analysées ci-dessous.

● Incidences des autres restrictions administratives au droitde propriété. — Le juge doit également prendre en considé-ration les restrictions au droit de propriété qui résultent desservitudes d’utilité publique instituées en application des

diverses législations relatives aux équipements publics, à laprotection du patrimoine culturel, de l’environnement, etc.Il en est ainsi, notamment, des servitudes instituées autourdes grands axes routiers (Cass. 3e civ. 17 novembre 1982,Bull. civ. III, n° 228171), des servitudes affectant les zonesinondables (Cass. 3e civ. 9 mars 1982, Épx Karkatcharian,AJPI 1982, 749), etc.

● Exceptions. — La loi n° 75-1328 du 31 décembre 1975, sielle fait obligation de prendre en compte les moins-valuesrésultant du jeu des servitudes administratives, permet égale-ment d’écarter celles-ci dès lors qu’elles révèlent une inten-tion dolosive de l’expropriant ou s’agissant des immeublesqui font l’objet d’emplacements réservés dans un documentd’urbanisme.

• Exclusion des servitudes témoignant d’une intention dolo-sive. — Les servitudes administratives ne doivent pas êtreprises en compte par le juge de l’indemnisation dès lorsqu’elles révèlent une intention dolosive de l’expropriant. Cemoyen qui, longtemps, fut assez peu utilisé en raison desproblèmes juridiques qu’il pose, est, actuellement, fréquem-ment mis en œuvre. L’intervention dolosive doit être prouvéeet non seulement alléguée (Cass. 3e civ. 3 février 1999, Blumet a., Bull. civ. III, n° 29, p. 20 ; AJDI 1999, p. 809, obs.A. Lévy).

De la jurisprudence actuelle, il est possible de tirer trois cri-tères de l’intention dolosive.

Tout d’abord, le juge peut considérer qu’elle découle dudéroulement anormal de la procédure d’institution de la ser-vitude administrative et, notamment, de la chronologie sui-vie par l’expropriant. Il en est ainsi lorsque l’institution de laservitude précède immédiatement le recours à l’expropria-tion (Cass. 3e civ. 11 juin 1992, Destefani, AJPI 1993, 280)ou lorsque sa suppression la suit de peu. Une jurisprudenceabondante retient comme élément de l’intention dolosive deschangements apportés aux documents d’urbanisme précé-dant de peu l’ouverture d’une procédure d’expropriation(Cass. 3e civ. 17 mars 1993, Cne de Gouvieux, DS 1993, IRp. 96 ; Dr. adm. 1993, n° 221 ; AJPI 1994, 125, obs. CM –Cass. 3e civ. 31 mai 2000, Cne de Plescop, Collectivités-Intercommunalité 2000, n° 218, note L. Erstein). Un change-ment apporté au document d’urbanisme postérieurement àla date de référence ne suffit pas, toutefois, à démontrerl’existence d’une intention dolosive.

Le fait d’abandonner une procédure d’expropriation puis dedéclasser les immeubles concernés et de reprendre l’expro-priation de terrains dont la valeur a ainsi été minorée révèle

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une intention dolosive (CA Versailles, 7 novembre 1989,Crts Dupecher, DH 1991, IR 57, obs. P. Carrias).

De même, est constitutif d’une intention dolosive le fait,pour une commune, de retarder l’approbation d’un POSrévisé classant les terrains expropriés en zone NA puisd’appliquer ce POS par anticipation après l’expropriation(Cass. 3e civ., 26 février 1997, Dpt de Haute-Garonne, Dr.adm. 1997, n° 129). En l’hypothèse, le juge retient, d’unepart, la précipitation avec laquelle le conseil municipalconduit ces procédures et l’intérêt qu’il avait en communavec l’expropriant (le département) pour réaliser l’opérationvisée. Par contre, l’ancienneté de l’institution de la servitudesoupçonnée conduit généralement à écarter l’intention dolo-sive (Cass. 3e civ., 10 novembre 1998, Mme Quignon néeVarin, JCP G 1999, n° 10038, p. 423).

En toute hypothèse, le juge doit procéder à un examen dudéroulement dans le temps de la procédure en vue de vérifiersi les différentes modifications apportées au statut juridiquedes biens expropriés n’ont pas été introduites dans le butd’en diminuer la valeur (Cass. 3e civ., Giordan, pourv.n° 07-14.351, AJDI 2009, 140 note R. Hostiou).

Le second indice doit être recherché dans la conformité desrestrictions instituées par la servitude avec les caractéristi-ques objectives des parcelles en cause. Le juge considèreainsi qu’il y a intention dolosive lorsque l’expropriant a,préalablement à l’expropriation, classé en zone agricole desterrains équipés, impropres à une exploitation agricole etsitués dans un secteur construit (CA Caen, 21 octobre 1985,Goudier, Rev. dr. rural 1987, 381, obs. Y. Jégouzo ; a contra-rio : Cass. 3e civ., 6 juillet 1994, SARM, AJPI 1995, 413,obs. AB ; Cass. 3e civ., 22 juillet 1998, Crts Berjot-Daglia,AJDI 1999, 236). Pour se prononcer sur ce point, le jugesera souvent conduit à prendre en considération le fait que leclassement contesté touche spécifiquement l’emprise desti-née à l’expropriation. Ainsi, le fait de porter de 500 à5 000 mètres carrés le seuil de constructibilité de terrainssitués au centre d’une agglomération peu de temps avantl’expropriation d’une parcelle de 4 891 mètres carrés témoi-gne de l’intention dolosive de la commune expropriante (CAVersailles, 9 juin 1998, M. Ostarena, AJDI 1998, 1086, obs.A. Lévy). Par contre, l’intention dolosive devra, en règlegénérale, être écartée si la servitude concerne de manièrehomogène l’ensemble d’une zone plus étendue (Cass.3e civ., 13 juillet 1993, Mme Bruneau, AJPI, 1994, 124). Ellene peut résulter non plus « de la seule intention manifestée par lacommune d’exercer un droit de préemption qu’elle tient de la loi »puis d’exproprier des terrains classés dans la plus favorabledes zones urbaines (Cass. 3e civ., 3 février 1999, Blum et a.,

AJDI 1999, 806, obs. A. Lévy ; Gaz. Pal. 19-20 mai 1999,14). Il faut souligner qu’en procédant à cette appréciationdes caractéristiques des biens expropriés, le juge de l’expro-priation est conduit à opérer sur les servitudes administra-tives un contrôle fort proche de celui qu’opère le juge admi-nistratif par le jeu de la théorie de l’erreur manifested’appréciation.

Le dernier critère, enfin, résulte de la loi. Pour qu’il y aitintention dolosive, la servitude contestée doit avoir été insti-tuée par l’expropriant. Les servitudes mises en place pard’autres autorités ne peuvent, en principe, être écartées parle juge en se plaçant sur ce terrain (Cass. 3e civ., 19 juillet1988, Mme Wolff, DH 1991, somm. 43, obs. P. Carrias ; CAVersailles, 15 mars 1994, Martin, AJPI 1994, 930). Il nepourrait en être autrement que si l’exproprié peut démontrerune action concertée entre l’expropriant et l’autorité qui ainstitué la servitude, le juge ne pouvant se contenter, pourécarter l’intention dolosive, de constater qu’il n’y a pas coïn-cidence entre l’autorité expropriante et celle qui a instauré laservitude (Cass. 3e civ., 13 février 2008, Établissementpublic de la ville nouvelle de Melun-Sénart, pourv.n° 06-21.251, AJDI 2009, 138, note Hostiou). Il en est ainsid’une servitude de zonage imputable à la commune, auteurdu document d’urbanisme, mais établie en association avecle département bénéficiaire de l’expropriation (Cass. 3e civ.,11 juin 1992, Destefani, AJPI 1993, 180 ; v. égalementCass. 3e civ., 28 février 2001, M. et Mme Cinesi, AJDI 2001,539). Plus audacieusement encore, il a été admis que lemaintien par une commune en zone non constructible deterrains dont le schéma d’aménagement régional de la Réu-nion prévoyait l’ouverture à l’urbanisation révélait de la partde l’État une intention dolosive dans la mesure où il n’avaitpas exercé ses pouvoirs de la légalité lors de la révision duPOS (TC 31 mars 2008, M. B., AJDA 2008, 1487, noteHostiou). En toute hypothèse, cependant, c’est à l’expropriéde démontrer l’existence d’une collusion entre l’expropriantet l’autorité compétente pour instituer la servitude contestée(Cass. 3e civ., Établissement public de la ville nouvellede Melun-Sénart, préc.).

L’appréciation de ces critères et la décision de retenir l’inten-tion dolosive sont de la compétence du juge de l’expropria-tion alors même qu’elle le conduirait à se prononcer sur lalégalité des actes administratifs instituant les servitudescontestées. Longtemps discutée, cette question a été tran-chée par le Conseil constitutionnel : « Il appartient au juge del’expropriation d’écarter les servitudes et restrictions administra-tives affectant l’utilisation des biens si leur institution révèle de lapart de l’expropriant une intention dolosive » (Cons. constit.

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17 juillet 1985, déc. n° 85-189, JO 19 juill. 1985). Toute-fois, le juge ne peut soulever d’office ce moyen sans avoir aupréalable invité les parties à présenter leurs observations(Cass. 3e civ., 17 mars 1993, Communauté urbainede Brest, AJPI 1993, 354). En outre, s’il peut écarter les res-trictions administratives sur le fondement de l’intentiondolosive, le juge ne peut apprécier la légalité des classementsopérés par le POS (Cass. 3e civ., 3 juillet 1996, CneBonneuil-sur-Marne, AJPI 1996, 902, obs. AB).

• Immeubles classés en emplacements réservés. — La loin° 85-729 du 18 juillet 1985 introduit une seconde excep-tion à l’interdiction faite au juge d’écarter les restrictionsadministratives au droit de propriété. Les terrains réservéspar un plan d’urbanisme, en application de l’actuel articleL. 123-1-5 V du code de l’urbanisme (dossier II.520,Emplacements réservés), doivent, s’ils font l’objet d’une expro-priation, être évalués selon les règles posées par l’articleL. 322-6 du code de l’expropriation : disposant que« Lorsqu’il s’agit de l’expropriation d’un terrain comprisdans un emplacement réservé par un plan local d’urbanismeen application du V de l’article L. 123-1-5 du code de l’urba-nisme, par un document d’urbanisme en tenant lieu, ou parun plan d’occupation des sols en application du 8° de l’arti-cle L. 123-1 de ce code dans sa rédaction antérieure à la loin° 2000-1208 du 13 décembre 2000, le terrain est considéré,pour son évaluation, comme ayant cessé d’être compris dansun emplacement réservé.

La date de référence est alors celle de la publication, de lamodification ou de la révision du document d’urbanisme,qui ont eu pour effet de délimiter la zone où se trouvel’emplacement réservé (circulaire n° 87-60 du 7 juillet 1987et Cass. 3e civ. 14 avril 1999, Épx Cinesi, Bull. civ. III,n° 100, p. 67 ; AJDI 2000, p. 134, obs. A. Lévy). Dès lors,un terrain constructible, déclassé par un POS ou un PLU etplacé en emplacement réservé pour équipement public, doit,s’il est exproprié, être évalué comme terrain à bâtir (CA Paris4 février 1988, AJPI 1989, 88, note Morel).

2 | Incidences des accords amiables

● Généralités. — Les accords amiables passés entre l’expro-priant et les propriétaires du périmètre exproprié ont uneimportance considérable pour l’évaluation des indemnitéspuisqu’ils servent de termes de référence pour le secteurconcerné. Depuis la loi n° 75-1328 du 31 décembre 1975modifiée par la loi nº 85-729 du 18 juillet 1985, l’articleL. 322-8 du code de l’expropriation (ancien art. L. 13-16)

impose au juge de prendre en considération ces accordsamiables dans les termes suivants :

« Sous réserve de l’article L. 322-9, le juge tient compte, desaccords intervenus entre l’expropriant et les divers titulairesde droits à l’intérieur du périmètre des opérations faisantl’objet d’une déclaration d’utilité publique et les prend pourbase lorsqu’ils ont été conclus avec au moins la moitié despropriétaires intéressés et portent sur les deux tiers au moinsdes superficies concernées ou lorsqu’ils ont été conclus avecles deux tiers au moins des propriétaires et portent sur lamoitié au moins des superficies concernées.

Le juge tient compte des accords intervenus à l’intérieur deszones d’aménagement différé et des périmètres provisoires.

Cette disposition du code de l’expropriation qui encadre lespouvoirs du juge a été considérée comme compatible avec laConvention européenne des droits de l’homme dans lamesure où elle ne prive pas le juge de son pouvoir d’apprécia-tion de l’ensemble des références qui lui sont présentées et,notamment, des caractéristiques des biens ayant fait l’objetd’accords amiables (Cass. 3e civ. 25 octobre 2002,Mlle Petrini, AJDA 2002, 945, obs. F. Aubert ; AJDI 2003,p. 777, note Morel).

Il résulte de ce texte que le poids des accords amiables dansl’évaluation varie selon la part qu’ils représentent dans lazone expropriée, le juge devant selon les cas « en tenircompte » ou les « prendre pour base ».

● Accords amiables « dont il doit être tenu compte ». — Lejuge de l’expropriant « doit tenir compte des accords » réalisés àl’amiable à l’intérieur du périmètre des opérations faisantl’objet d’une déclaration d’utilité publique. De l’articleL. 322-8 du code de l’expropriation résulte que les accordsamiables ne doivent être pris en compte par le juge que s’ilsrépondent aux deux conditions énumérées : être passés avecl’expropriant et concerner le périmètre exproprié.

Par accords amiables, il convient d’entendre non seulementles ventes devenues définitives mais aussi les simples promes-ses de vente (Cass. 3e civ. 21 juin 1983, Cne de Horbourg-Wihr, Gaz. Pal. 1983, 2, pan. jur. 269). Mais l’accord doitêtre juridiquement conclu, ce qui exclut la prise en considé-ration de simples négociations non suivies d’effets (Cass.3e civ. 7 mars 1969, Aumasson, Bull. civ. III, n° 209). Cesaccords doivent avoir été conclus avec l’expropriant : les ces-sions amiables intervenues entre des tiers ou réalisées au pro-fit d’autres personnes publiques que l’expropriant n’entrentpas dans le champ d’application de l’article L. 322-8 du codede l’expropriation. Il en est ainsi des accords passés avec un

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aménageur chargé par convention de réaliser une ZAC s’iln’a pas, par ailleurs, la qualité d’expropriant (Cass. 3e civ.11 février 1998, Cne Othis c/Épx Taillade, Bull. civ. III,n° 31). Ne peuvent être pris en compte non plus les accordspassés avant la DUP (Cass. 3e civ. 10 janvier 2001, Mascari,JCP 2001, II, 10539, note A. Bernard ; RDI 2001, p. 142,obs. C. Morel).

Le juge peut, toutefois, s’inspirer de ces accords en tant quetermes de comparaison. En outre, le juge n’est obligé de seréférer qu’aux accords qui lui sont présentés par l’expro-priant, l’exproprié ou le commissaire du gouvernement etdont la date est précisée (Cass. 3e civ. 29 octobre 1986,Guillien, AJPI 1987, 460). Mais, s’il en a donné acte, il esttenu d’« examiner cet accord amiable » dès lors qu’ilconcerne un immeuble situé dans le périmètre exproprié etceci alors même que les parties n’avaient pas expressémentfait état de cet élément de comparaison (Cass. 3e civ., 3 octo-bre 1991, Chane Tou Ky, req. n° 8970248). De même, lefait que l’expropriant ait passé ces accords amiables avec despersonnes publiques ne doit pas le conduire à écarter l’appli-cation de l’article L. 322-8 (Cass. 3e civ. 15 janvier 1988,Crts Marconnet, Bull. civ. III, n° 11363).

Ces accords doivent concerner des immeubles qui sont loca-lisés dans le périmètre déclaré d’utilité publique. Si une opé-ration porte sur plusieurs communes, il n’est pas possible dedéduire l’application de l’article L. 322-8 du code del’expropriation du constat des accords amiables qui neconcerneraient qu’une seule commune (Cass. 3e civ.28 février 1996, Van de Kerkhove, pourvoi n° 94-70.061 –Cass. 3e civ. 19 février 2002, Flamand, RDI 2002, p. 199,obs. C. M.). Par ailleurs, le juge doit vérifier cette circons-tance (Cass. 3e civ. 11 mars 1987, Chane Tou Ky, AJPI1988, 89).

Ne doivent être pris en compte que les accords passés aprèsla publication de la DUP (Cass. 3e civ. 10 janvier 2001,AJDI 2001, p. 998, obs. A. L.). Toutefois, dans l’hypothèseoù une DUP ferait l’objet d’une prorogation (dossier III.920,Expropriation – Transfert de propriété), le juge peut égalementprendre en compte les accords amiables qui sont passés pos-térieurement à la publication de la DUP initiale alors qu’ilssont antérieurs à la décision de prorogation qui ne constituepas une nouvelle DUP (Cass. 3e civ. 13 novembre 2003,Ronat, AJDI 2004, p. 395, obs. A. Lévy).

• Accords réalisés dans les zones de préemption. — Le jugedoit également tenir compte des « accords réalisés à l’amiableà l’intérieur des zones d’intervention foncière, des zonesd’aménagement différé et des périmètres provisoires » (C.expro., art. L. 322-8 al. 2). Cette disposition nécessite deux

précisions. Depuis la loi du 18 juillet 1985 qui supprime leszones d’intervention foncière, il faut considérer que s’y sontsubstituées les zones soumises au droit de préemptionurbain. En outre, bien que le juge ne se soit pas encore pro-noncé sur ce point, il paraît logique de considérer qu’il nedoit tenir compte que des seuls accords intervenus dans lepérimètre déclaré d’utilité publique.

• Pouvoir d’appréciation du juge. — Le juge doit « tenircompte » des accords amiables qui répondent aux conditionsprécisées ci-dessus. Il doit donc les examiner et ne peut lesrejeter sans justifications (Cass. 3e civ. 7 juillet 1981, Bull.civ. III, n° 138100). Il ne peut non plus se limiter à mention-ner l’existence d’accords amiables sans préciser lesquels, etceci d’autant plus qu’ils ne figureraient pas dans le mémoireproduit par le commissaire du gouvernement (Cass. 3e civ.15 janvier 2003, Mme Barrière, épouse Rimbaud, RDI 2003,p. 162, obs. CM ; AJDI 2003, p. 438, obs. A. Bernard).Mais l’article L. 322-8 du code de l’expropriation ne le privepas de son pouvoir d’appréciation des accords qui lui sontsoumis. Il n’est pas lié par ces références et il peut les écarternon seulement en se fondant sur le fait qu’ils se rapportent àdes biens différents mais aussi en se fondant sur d’autres élé-ments de comparaison qui lui paraissent mieux appropriés(Cass. 3e civ. 8 octobre 1986, Cne Saint-Denis-de-la-Réunion, DH 1987, IR 241, obs. P. Carrias).

Le juge doit constater que les accords amiables auxquels seréfère l’expropriant ont bien été communiqués aux expro-priés et que le principe du contradictoire a ainsi été respecté(Cass. 3e civ. 9 janvier 2002, Sté des autoroutes du sud de laFrance, Bull. civ. III, n° 5, p. 4 ; AJDI 2002, 316).

● Accords majoritaires servant « de base » à l’évaluation. —Le juge de l’expropriation doit « prendre pour base » lesaccords amiables conclus avec l’expropriant lorsqu’ils ont étéconclus avec au moins la moitié des propriétaires intéresséset portent sur les deux tiers au moins des superficies concer-nées ou lorsqu’ils ont été conclus avec les deux tiers au moinsdes propriétaires et portent sur la moitié au moins des super-ficies concernées (C. expro., art. L. 322-8). Il appartient aujuge de vérifier que ces conditions de majorité sont remplieset il ne peut appliquer cette disposition qu’en visant l’intégra-lité des accords majoritaires (Cass. 3e civ., 30 octobre 1984,Crts Sordelli, DH 1986, IR 74, obs. P. Carrias). Ainsi, dèslors que l’opération concerne plusieurs communes, le juge nepeut calculer la double majorité requise par l’article L. 322-8du code de l’expropriation en ne retenant que les accordsamiables passés sur le territoire d’une seule des communesconcernées (Cass. 3e civ. 28 février 1996, Van de Kerkhove,

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Dr. adm. 1996, n° 270). Par ailleurs, les cessions gratuites deterrains qui peuvent être exigées pour l’obtention d’un per-mis de construire (dossier IV.520, Participations financières àl’aménagement – Participations non fiscales additionnelles à laTLE) ne constituent pas des accords amiables au sens del’article L. 322-8. Mais, les superficies cédées doivent êtreprises en compte dans le calcul des majorités requises (Cass.3e civ. 17 décembre 1997, Cne Juziers c/ÉtablissementsMerlin, AJDI 1998, 274, obs. C. Morel).

Si la double majorité prévue par l’article L. 322-8 du code del’expropriation est réunie, le juge est, en principe, lié par lesprix moyens qui se dégagent des accords amiables. Toute-fois, il n’en est ainsi que s’il s’agit d’immeubles identiques(CA Versailles 14 décembre 1993, Crts Erhlacher, AJPI,1994, 367). Il doit, par contre, prendre en considération lescaractéristiques spécifiques des biens qu’il est chargé d’éva-luer pour pondérer les chiffres qui résultent des accordsamiables (Cass. 3e civ. 25 février 1987, Michaud, JCP G1987, II, 20902, obs. A. Bernard). En outre, il peut se référeraux dates auxquelles les accords ont été conclus. Il a mêmeété jugé, de manière contestable au regard du texte de l’arti-cle L. 322-8 du code de l’expropriation, qu’il pouvait écarterl’application de cet article si la majorité des accords amiablesqui lui sont soumis ont été conclus préalablement à la décla-ration d’utilité publique (CA Besançon 19 juin 1986, Villede Lons-le-Saunier, JCP G, IV, 227).

La Cour de cassation, en vue de veiller à ce que l’évaluationdes biens expropriés se fasse bien à la date du jugement depremière instance (v. supra), exige que le juge du fond pré-cise la date des accords amiables auxquels il se réfère (Cass.3e civ., 10 avril 1986, Mme Vielle, JCP G 1986, IV, 162).

3 | Incidence des évaluationsadministratives et des déclarationsfiscales

● Dispositions générales de l’article L. 322-8 al. 3. — Le der-nier alinéa de l’article L. 322-8 du code de l’expropriationdispose que le juge doit également, sous la même réserve del’article L. 322-9 du code de l’expropriation (v. infra, Règledes mutations récentes), « tenir compte, dans l’évaluationdes indemnités allouées aux propriétaires, commerçants,industriels et artisans, de la valeur résultant des évaluationsadministratives rendues définitives en vertu des lois fiscalesou des déclarations faites par les contribuables avant l’ouver-ture de l’enquête.

Cette disposition permet au juge d’évaluer l’indemnitéd’expropriation en prenant en considération le chiffre d’affai-

res déclaré pour l’évaluation d’un fonds de commerce (CAParis, 14 février 1980, Épx Huart, Gaz. Pal. 1981, 1,somm. 49), les déclarations faites au titre de l’impôt sur lesgrandes fortunes (CA Versailles, 3 juillet 1984, AFTRP,Gaz. Pal. 1985, 1, somm. 65), les déclarations de revenus etde bénéfices, etc. Ces déclarations doivent être antérieures àl’ouverture de l’enquête publique, les déclarations postérieu-res pouvant être suspectées d’être faites en vue d’obtenir uneindemnité plus élevée.

● Pouvoir d’appréciation du juge. — Toutefois, à la diffé-rence de la règle des mutations récentes posée par l’articleL. 322-9 du code de l’expropriation (voir infra), cette dispo-sition laisse au juge un large pouvoir d’appréciation. Il peutécarter les déclarations qui ne lui paraissent pas significativesou qu’il suspecte (CA Paris 5 mai 1983, Boutchiche, AJPI1983, 471). En toute hypothèse, il peut retenir des valeurssupérieures ou inférieures à celles qui figurent dans les décla-rations et évaluations (CA Paris 22 novembre 1985, JCP1987, IV, 76) qui lui sont présentées. Mais, si le juge peutécarter ces estimations administratives, il a l’obligation depréciser les éléments qui l’y ont conduit (ancienneté exces-sive, contradiction avec les données du marché, etc.) et d’enfaire une analyse détaillée (Cass. 3e civ. 16 juin 1993, CrtsHalluin, D. 1993, IR 170).

4 | Incidence des évaluationsadministratives et des déclarationsfiscales – Règle des mutations récentesde l’article L. 322-9

● Règle de l’article L. 322-9. — L’article L. 322-9 du codede l’expropriation pose une règle particulièrement sévèrepour les expropriés en disposant que : « le montant del’indemnité principale ne peut excéder l’estimation faite parl’autorité administrative compétente, si une mutation à titregratuit ou onéreux, antérieure de moins de cinq ans à la datede la décision portant transfert de propriété, a donné lieu àune évaluation administrative, rendue définitive en vertu deslois fiscales, ou à une déclaration d’un montant inférieur àcette estimation, sauf à ce que l’exproprié apporte la preuveque l’estimation de l’administration ne prend pas correcte-ment en compte l’évolution du marché de l’immobilier.

Lorsque les biens ont, depuis cette mutation, subi des modi-fications justifiées dans leur consistance matérielle ou juridi-que, leur état ou leur situation d’occupation, l’estimation quien est faite conformément à l’alinéa précédent en tientcompte.

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Les modalités d’application du présent article, notammentlorsque l’expropriation porte soit sur une partie seulementdes biens ayant fait l’objet de la mutation définie au premieralinéa, soit sur des biens dont une partie seulement a faitl’objet de la mutation définie au premier alinéa, sont préci-sées par le décret en Conseil d’État prévu à l’articleL. 331-6 ».

Il y a là une règle d’ordre public que le juge de l’expropria-tion peut soulever d’office au vu des évaluations qui lui sontcommuniquées (Cass. 3e civ. 10 novembre 1987, Cnede Foecy, AJPI 1988, 379) et dont le commissaire du gou-vernement peut demander l’application alors même qu’unaccord serait intervenu entre l’exproprié et l’expropriant(TGI Paris 22 avril 1986, AJPI 1987, 18). Toutefois, cetterègle dérogeant au principe de la réparation intégrale du pré-judice d’expropriation, la Cour de cassation a tendance à enfaire une application restrictive.

• Conventionnalité de l’article L. 322-9. — La convention-nalité de l’article L. 322-9 du code de l’expropriation estcontestée par une partie de la doctrine (v. par exemple,R. Hostiou, « L’article 17 du code de l’expropriation et laConvention européenne des droits de l’homme », RDI 2009,p. 466). À cette disposition, il est reproché de contrevenir auprincipe du respect du droit de propriété posé par l’article 1er

du premier protocole additionnel à la CEDH et, notamment,au principe du « juste équilibre entre les exigences de l’intérêtgénéral et les droits fondamentaux de l’individu » (CEDH23 septembre 1982, Sporrong et Lonrôth) en faisant peserune « charge disproportionnée et excessive » sur l’exproprié.Un autre reproche fait à cette disposition est d’utiliserl’expropriation pour lutter contre la fraude fiscale, procédantainsi à un mélange des genres condamnable. Ces critiquessont prises en compte par la jurisprudence qui fait une appli-cation restrictive de la règle de l’article L. 322-9 du code del’expropriation conduisant à en exclure une utilisation abu-sive. Si on ajoute à cela que cette règle n’a pas pour objetdirect de constituer une sanction fiscale, l’expropriation nepouvant être réalisée dans ce but, la conventionnalité decette disposition ne semble pas devoir être remise en cause.C’est la position retenue de manière constante par le jugejudiciaire qui considère que la limitation de l’indemnité prin-cipale à l’estimation fixée par l’administration n’a pas poureffet de faire subir à l’exproprié une charge excessive auregard de l’article 1er du protocole additionnel n° 1 à laCEDH (Cass. 3e civ. 12 mars 2008, Crts Marro c/Cnede Nice, pourvoi n° 07-13.049, AJDI 2009, 43, note Alain-Lévy).

• Nature des mutations prises en compte. — Sont concer-nés, depuis la loi du 18 juillet 1985, tous les biens suscepti-bles de faire l’objet d’une mutation et pour lesquels est dueune « indemnité principale ». Ce qui englobe les mutationsimmobilières, les cessions de fonds de commerce (CA Paris,17 février 1983, Ville de Paris, AJPI 1983, 237), de partsd’une société civile immobilière, etc.

Par contre, la notion de mutation est interprétée assez res-trictivement par le juge. Sont certes des mutations au sens del’article L. 322-9 du code de l’expropriation les ventes,donations, transmissions par succession, apports en société(Cass. 3e civ. 1er juillet 1971, Bull. civ. III, n° 307), leséchanges, les apports à un groupement foncier agricole, etc.Par contre, l’article L. 322-9 précité ne s’applique pas auxpartages qui ont un effet simplement déclaratif (CA Ver-sailles 29 septembre 1998, M. Le Pechoux, AJDI 1998, 530,obs. A. Bernard, s’agissant du problème particulier de laliquidation des indivisions), à l’acquisition par adjudicationpublique, le juge considérant qu’en l’espèce, le prix ne donnelieu ni à déclaration ni à évaluation administrative (Cass.3e civ. 18 mai 1971, Dame Vincent, Bull. civ. III, n° 311), àl’utilisation par un fermier de son droit de préemption (Cass.3e civ. 17 juin 1980, Épx Lugon, Bull. civ. III, n° 11988).

● Délai de cinq ans. — Les mutations telles qu’elles sontdéfinies ci-dessus ne sont prises en considération que si ellessont intervenues moins de cinq ans à compter de l’ordon-nance « portant transfert de propriété ». Il en résulte quel’article L. 322-9 du code de l’expropriation est inapplicableaux cessions amiables alors même que, réalisées dans lecadre de la procédure d’expropriation, elles produiraient lesmêmes effets que l’ordonnance (Cass. 3e civ. 8 avril 1987,SEMAVO, DS 1988, IR p. 46, obs. P. Carrias). Par contre,le juge ne peut écarter d’office le jeu de l’article L. 322-9 ducode de l’expropriation au motif que l’ordonnance n’est pasencore intervenue. Il doit seulement fixer une indemnitéalternative selon que l’ordonnance sera ou non rendue avantl’expiration du délai de cinq ans (CA Paris 2 décembre 1994,Ville de Paris, AJPI 1995, 495, obs. AB). En outre, l’articleL. 322-9 précité s’applique en cas d’exercice du droit depréemption, nonobstant le fait que le transfert de propriéténe s’opère pas dans ce cas par voie d’ordonnance (Cass.3e civ. 23 novembre 1994, Ville de Paris, AJPI 1995, 594,obs. A. B.). Enfin, il a été jugé que l’article L. 314-6 du codede l’urbanisme relatif à la protection des occupants (dossie-r IV.1100, Occupants – Protection) touchés par des opéra-tions d’aménagement et qui dispose que les commerçantspeuvent demander à être indemnisés avant le transfert depropriété, ne fait pas obstacle à l’application de l’article

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L. 13-17 (aujourd’hui art. L. 322-9) (Cass. 3e civ., 7 octobre1998, M. Madjib Merakeb, AJDI 1999, 328, obs. C. Morel).

Le calcul de ce délai pose d’assez nombreux problèmes.Ainsi, s’agissant des promesses de vente sous condition sus-pensive, il faut considérer que, sauf stipulation contraireexpresse des parties, c’est la date de la convention initialequ’il conviendra de prendre en considération et non celle oùs’est réalisée la condition suspensive (CA Paris 5 janvier1977, AJPI 1977, 338). De même, lorsque le jugementd’indemnisation intervient avant que l’ordonnance ait étérendue, le juge ne pouvant se prononcer sur l’écoulement ounon du délai de cinq ans doit fixer une indemnité alternativeen fonction de la date à laquelle sera prononcé le transfert depropriété (CA Paris 19 décembre 1985, JCP 1987, IV, 86).Enfin, ne peut être retenue la circonstance qu’un bien expro-prié, objet d’une déclaration de succession moins de cinq ansavant le jugement d’indemnisation, ait fait l’objet d’unedonation à cause de mort à une date antérieure. Ceci ne peutavoir pour effet de faire rétroagir à cette date la mutationintervenue au moment du décès au profit du conjoint survi-vant. De même, le fait que le propriétaire ait, au cours de laprocédure d’expropriation, cédé à son fils, par licitation, sesdroits sur le bien exproprié ne saurait être considéré commeune seconde mutation au sens de l’article L. 322-9 du codede l’expropriation, la licitation entre cohéritiers ayant uneffet purement déclaratif (Cass. 3e civ. 3 octobre 1991, Poin-sot, req. n° 8970357).

•Mutations devant avoir fait l’objet de déclarations ou éva-luations administratives. — Les mutations ne sont opposa-bles en application de l’article L. 322-9 du code de l’expro-priation que si elles ont fait l’objet de déclarations del’exproprié ou d’évaluations administratives devenues défini-tives. S’agissant des déclarations, ne peuvent être prises encompte que les déclarations de l’exproprié concerné. Ladéclaration faite par un seul héritier, lors d’une succession,n’est pas opposable aux autres administrés (Rép. min., JOSénat, déb. 25 juin 1965, p. 859). De même, les attestationsd’officiers ministériels attribuant une valeur à un immeublene sont pas opposables en application de l’article L. 322-9du code de l’expropriation (CA Paris 2 décembre 1976,AJPI 1977, 162). Quant aux évaluations administratives,elles doivent être rendues définitives. Une simple notificationde redressement est insuffisante.

● Mode de calcul de l’indemnité. — Si les conditionsd’application de l’article L. 322-9 du code de l’expropriationsont réunies, la fixation de l’indemnité échappe au pouvoird’appréciation du juge. Celui-ci ne peut fixer une indemnité

principale (il conserve sa liberté d’appréciation pour ce quiest des indemnités accessoires) supérieure à l’évaluation faitepar l’administration si celle-ci est plus élevée que le chiffrequi ressort de la déclaration ou de l’évaluation administra-tive. Il lui est interdit, notamment, de majorer cette évalua-tion pour tenir compte de l’évolution du marché immobilier(CA Versailles 6 juin 1983, AFTRP, AJPI 1983, 681).L’article L. 322-9 du code de l’expropriation ne s’appliquepas, par contre, si l’estimation des domaines est égale (CAParis 17 décembre 1976, RDI 1988, p. 283) ou inférieure(Cass. 3e civ. 14 avril 1982, Bull. civ. III, n° 8861 – TGIBobigny 24 juin 1998, Ville de Montreuil, Gaz. Pal.12-13 mars 1999, 13, obs. A. B.). Dans l’hypothèse oùl’expropriation porte sur un ensemble de biens dont une par-tie seulement a fait l’objet d’une déclaration fiscale, le jugeretrouve, par contre, sa liberté d’appréciation et peut fixerdes valeurs différentes alors même que les biens sont demême nature (Cass. 3e civ. 8 octobre 2003, Corpelet, AJDI2003, 866).

Appliquant ici de manière restrictive l’article L. 322-9 ducode de l’expropriation, les juridictions de l’expropriation semontraient, jusqu’ici, très formalistes quant aux conditionsde production de l’estimation administrative (CA Besançon7 juillet 1982, Kouzimine, Gaz. Pal. 1983, 1, somm. 246 :insuffisance d’un simple avis). Mais, dans une décisionrécente (Cass. 3e civ. 3 octobre 1991, Poinsot, AJPI 1992,210), la Cour de cassation adopte une position plus libéraleet considère que la production d’une estimation même à titreofficieux suffit pour la mise en œuvre de l’article L. 322-9 ducode de l’expropriation. Il faut toutefois considérer que celle-ci, en application du principe du contradictoire, doit êtreproduite au débat afin que l’exproprié puisse l’examiner(TGI Paris 14 février 1986, Ville de Paris, AJPI 1986, 481).Par contre, et contrairement à ce qu’exigeaient de nombreu-ses juridictions, la Cour de cassation considère qu’aucunedisposition ne permet d’exiger la production d’une fiched’estimation signée et datée (Cass. 3e civ. 3 octobre 1990,SCI du Marais de la grande mare, DH 1991, somm. 207,obs. P. Carrias).

L’exproprié peut contester l’estimation du service desdomaines, mais le juge administratif n’est pas compétentpour recueillir un recours pour excès de pouvoir. C’est lejuge de l’expropriation qui est ici seul compétent pour enconnaître, la décision administrative d’évaluation étantconsidérée comme non détachable de la procédure d’indem-nisation.

•Modifications apportées à l’immeuble. — L’articleL. 322-8 du code de l’expropriation introduit un correctif

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nécessaire à la règle des mutations récentes en disposant quel’estimation administrative doit « tenir compte » des « modifica-tions justifiées » qui, depuis la date de la mutation, ont étéapportées à la « consistance matérielle ou juridique », l’état ou la« situation d’occupation » du bien exproprié (Cass. 3e civ.7 octobre 1998, M. Madjib Merakeb, AJDI 1999, 328).Cette disposition doit, évidemment, se combiner avec l’arti-cle L. 322-1, alinéa 2 qui exclut la prise en compte des amé-liorations présumées spéculatives (supra, III.980-3).Celles-ci sont exclues (CA Versailles 4 mars 1980, SEMA-RELP, AJPI 1980, 509).

Sous cette réserve, doivent être pris en compte les additionsde construction, les transformations intérieures importantes,les travaux de réparation et d’entretien significatifs (CA Paris21 mars 1980, Grosberg, AJPI 1980, 425), les additionsd’équipements, etc. Il appartient à l’exproprié d’apporter lapreuve de ces modifications. Doivent également être prisesen compte les modifications apportées à la situation juridi-que de l’immeuble et concernant, notamment, sa situationlocative. Une plus-value doit être accordée aux immeublesqui avaient fait l’objet de mutations en tant qu’immeublesoccupés et qui, depuis, ont été libérés (CA Paris 15 janvier1987, JCP 1987, IV, 277). Par contre, le fait qu’un fonds decommerce ait, depuis une mutation récente, connu uneimportante augmentation de son chiffre d’affaires ne consti-tue pas en soi une « modification » au sens de l’article L. 322-9du code de l’expropriation (CA Paris 17 février 1983, Villede Paris, AJPI 1983, 237).

En dépit de certains flottements de la jurisprudence, il fautconsidérer que la réalisation de modifications répondant àces conditions ne dispense pas le juge d’appliquer l’articleL. 322-9 du code de l’expropriation. Celui-ci doit se limiter àréajuster l’évaluation initiale pour tenir compte des plus-values apportées à l’immeuble exproprié (Cass. 3e civ.21 novembre 1969, AJPI 1970, 454). Toutefois, la questionse pose de savoir si le juge de l’expropriation est également liépar l’estimation que le service des domaines fait de cetteplus-value. Certaines décisions récentes considèrent qu’iln’en est rien, ce qui revient à laisser au juge une très grandeliberté d’appréciation quant à l’évaluation à retenir (CAParis 16 février 1989, RDI 1989, 198).

• Identité différente de l’immeuble exproprié. — Deuxhypothèses se présentent. Dans la première, l’immeuble afait l’objet de modifications si importantes qu’il n’y a plusaucune identité entre le bien exproprié et celui qui a faitl’objet d’une déclaration (construction sur un terrain nu,etc.). Dans ce cas, le juge est, le plus souvent, conduit à écar-

ter purement et simplement l’application de l’articleL. 322-9 du code de l’expropriation.

La seconde est prévue par l’article L. 322-9 alinéa 3. Elleconcerne les expropriations qui ne portent que sur une partiedu bien qui a fait l’objet d’une mutation ou sur des biensdont une partie seulement a fait l’objet d’une mutationrécente. Les articles R. 322-2 à R. 322-4 du code de l’expro-priation (anciens art. R. 13-43 à R. 13-45) prévoient quel’article L. 322-9 s’applique mais avec les aménagementssuivants :

Art. R. 322-2 : « Pour l’application du premier alinéa del’article L. 322-9 et pour tenir compte des modificationsmentionnées au deuxième alinéa de cet article, l’évaluationretenue lors de la mutation de référence est majorée, s’il y alieu, aux fins d’être comparée à l’estimation faite par le direc-teur départemental ou, le cas échéant, régional des financespubliques.

Lorsque les modifications mentionnées à l’alinéa qui précèdeont affecté la consistance ou l’état matériel des biens et leuront conféré une plus-value, la majoration applicable à l’éva-luation retenue lors de la mutation de référence est égale soitau coût des travaux, soit au montant de la plus-value sicelle-ci est supérieure au coût des travaux.

Les modifications survenues dans la consistance matérielleou juridique, l’état ou la situation d’occupation des biensainsi que, s’il y a lieu, le coût des travaux peuvent être établispar tous moyens de preuve ».

Article R. 322-3 : « Lorsque l’expropriation ne porte que surune partie des biens ayant fait l’objet de la mutation de réfé-rence, les dispositions de l’article L. 322-9 s’appliquent dèslors que l’estimation faite par le directeur départemental ou,le cas échéant, régional des finances publiques est supérieureà l’évaluation donnée à la totalité des biens lors de cettemutation ou à l’évaluation administrative des mêmes biensrendue définitive en vertu des lois fiscales ».

Art. R. 322-4 : « Lorsque l’expropriation porte sur des biensdont une partie seulement a fait l’objet de la mutation deréférence, les dispositions de l’article L. 322-9 s’appliquent àcette partie et l’indemnité principale correspondante faitl’objet d’une liquidation distincte ».

5 | Prise en compte des plus-values

● Plus-values concernées. — L’article L. 321-5 du code del’expropriation prévoit la possibilité de compenser en tout ouen partie avec l’indemnité d’expropriation les plus-valuesque les travaux déclarés d’utilité publique peuvent apporter

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au surplus de la propriété (réalisation de voies et réseaux ren-dant les terrains constructibles, etc.). Ce moyen doit êtreavancé par l’expropriant (Cass. 3e civ. 29 octobre 1979, CrtsRobineau, Bull. civ. III, n° 192). Cette disposition, assez iné-quitable puisqu’elle ne touche que les seuls expropriés, faitl’objet d’une application restrictive. Surtout, la plus-valueoccasionnée doit présenter une importance suffisante et elledoit se répercuter immédiatement sur la valeur vénale del’immeuble (Cass. 3e civ. 12 mars 1990, Cne de Tréguier,Bull. civ. III, n° 59 – CA Caen 18 janvier 1999, Mme Bos,req. n° 97810). Les plus-values futures, même si elles sontde réalisation certaine, n’ont pas à être prises en considéra-tion. On notera, dans le sens de cette interprétation restric-tive de la règle de non-indemnisation des plus-values, que laCour européenne des droits de l’homme considère que l’ins-titution d’une présomption de plus-values de caractère irré-fragable constitue une violation de l’article 1er du Protocolen° 1 (CEDH 25 mars 1999, Papachela c/Grèce,n° 31423/96, Dr. adm. 1999, n° 135).

● Incidences sur l’évaluation. — Si le juge considère qu’ilexiste une plus-value répondant aux conditions précisées parl’article L. 321-5 du code de l’expropriation, il doit statuersur cette augmentation par une disposition distincte (Cass.3e civ. 19 avril 1983, Cayrel, JCP 1984, II, 20252). Le jugeest souverain pour évaluer cette augmentation et procéder àla compensation totale (Cass. 3e civ. 21 mai 2003, Desgran-ges, AJDI 2003, 602 et 684, obs. Bernard) ou partielle avecl’indemnité due à l’exproprié. Il peut, ainsi, considérer que laplus-value dont bénéficie le surplus de la propriété compensela dépréciation que celui-ci enregistre par ailleurs (TGIBobigny 9 octobre 2002, Épx Oliveira, Gaz. Pal. 21-22 mars2003, p. 24, note A. Bernard).

6 | Fixation de l’indemnité dans la limitedes conclusions des parties

● Impossibilité de statuer ultra ou infra petita. — L’articleR. 311-22 du code de l’expropriation (ancien art. L. 13-35)reprend la règle traditionnelle qui interdit au juge de statuerultra ou infra petita. Tant en première instance qu’en appel, ildoit fixer l’indemnité dans les limites des conclusions desparties telles qu’elles résultent des mémoires. Il ne peut nonplus viser des éléments de référence que n’invoqueraient pasles parties (CA Paris 8 février 1990, RDI 1990, 479). Parcontre, les offres et demandes des parties doivent s’apprécierglobalement, ce qui permet au juge de modifier la répartitionde l’indemnisation entre indemnité principale et indemnités

accessoires (CA Paris 26 juin 1981, Cne de Sartrouville,AJPI 1982, 335).

Cette interdiction d’accorder à l’exproprié une indemnitéinférieure à l’offre de l’expropriant et supérieure à sademande comporte une conséquence : si l’exproprié faitdéfaut, le juge ne peut qu’entériner l’offre de l’expropriantou les conclusions du commissaire du gouvernement (Cass.3e civ. 17 juillet 1973, Maire de Beauvais, Bull. civ. III,n° 482351).

Le juge n’est pas lié par les mémoires des parties dans un cer-tain nombre d’hypothèses : lorsque l’expropriant fait uneoffre supérieure à l’avis du service des domaines sans l’avoirentérinée par la décision de « passer outre » prévue à l’arti-cle 9 du décret du 14 mars 1986 ou s’il applique d’office lesdispositions de l’article L. 322-9 du code de l’expropriation(v. supra). Il en va de même si le commissaire du gouverne-ment propose une évaluation inférieure à celle de l’expro-priant : il peut alors, sous certaines conditions de procédure,retenir cette estimation.

III.980-7 Méthodes d’évaluation

1 | Diversité des méthodes

Les méthodes d’évaluation des immeubles expropriés sontmultiples. Elles varient selon les catégories d’immeubles :terrains à bâtir, terrains industriels, tréfonds, terrains de cul-ture, forêts, immeubles bâtis, fonds de commerce, etc. Ellessont également différentes selon qu’il s’agit d’évaluerl’indemnité principale ou les indemnités accessoires.

Ces méthodes à caractère essentiellement économique nesont pas étudiées dans le Droit de l’aménagement. Il est possi-ble de se reporter à l’étude la plus complète qui existe en cedomaine, l’ouvrage de Michel Huyghe et Isidro Perez Mas,Traité de l’expropriation des biens (12e éd., 2014) et celuide Michel Huyghe, Traité de l’évaluation des biens (12e éd.2012), Éditions du Moniteur.

2 | Méthodes d’évaluation des terrainsà bâtir

Que le bien soit exproprié ou qu’il soit préempté, le juge estlibre de choisir la méthode d’évaluation des terrains à bâtirqu’il entend appliquer (Cass. 3e civ. 18 décembre 2001, Cned’Uturoa, AJDI 2002, p. 394, note Morel). Il se fonde le

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plus souvent sur le marché immobilier et, sous réserve de res-pecter les règles de l’article L. 322-3 du code de l’expropria-tion et des accords amiables, il a le libre choix des termes decomparaison qui lui paraissent le plus appropriés (Cass.3e civ. 4 juin 1985, DH 1986, IR 78, obs. P. Carrias).

Il peut également prendre en compte tous les facteurs quiconduisent à augmenter ou à minorer la valeur du terrain parrapport aux terrains voisins, tels que la configuration ou lasituation de la parcelle (façade sur rue, relief, etc.), sonencombrement, la nature du sol et du sous-sol, sa situationlocative, etc. Ainsi, la faible constructibilité d’une parcelle(Cass. 3e civ. 27 mai 1987, Cne de Bergerac, DH 1988, IR45, obs. P. Carrias) ou les risques d’inondation qui pèsentsur le terrain (Cass. 3e civ. 10 octobre 1992, Jourdan, Bull.civ. III, n° 422) peuvent conduire à évaluer un terrain à bâtirà un prix voisin des terrains agricoles. Inversement, il peuttenir compte de la situation privilégiée (v. supra) d’une par-celle juridiquement non constructible (Cass. 3e civ. 10 sep-tembre 2008, Mme Moras, pourvoi n° 07-14.302 s’agissantd’un terrain situé en zone NA).

Parmi les diverses méthodes qui sont utilisées pour l’évalua-tion des terrains à bâtir, sont principalement utilisées :

– la méthode de l’évaluation au lot qui consiste à fixer unevaleur globale pour un lot de terrain en fonction de la valeurvénale de lots comparables par leur situation, leur superficieou leur équipement ;

– la méthode d’évaluation par comparaison au prix moyendu mètre carré. Elle consiste à déterminer le prix moyen aumètre carré qui résulte des mutations à titre onéreux portantsur des terrains comparables par leur situation ou leuréquipement au bien qui doit être estimé et à l’appliquer à lasuperficie de la parcelle ;

– la méthode de l’estimation par la charge foncière corrige laprécédente par la prise en considération des possibilités deconstruction dont bénéficie la parcelle expropriée et desmutations de référence ;

– l’évaluation par zones consiste à découper la parcelle enzones, dans le sens de la profondeur, à partir des façades survoie, et à attribuer à chaque zone une valeur dégressive.Cette méthode qui s’applique pour les grandes parcelles posequelques problèmes dans la mesure où elle doit se combineravec les règles relatives à la qualification des parcelles. Eneffet, le juge a posé la règle de l’unicité du terrain à bâtir qui,s’agissant des grandes unités foncières, interdit au juge dequalifier une partie de la parcelle comme terrain à bâtir touten déniant cette qualité à d’autres parties (sous réservequ’elles bénéficient du classement par le document d’urba-nisme dans la même zone constructible). Toutefois, ceci ne

peut faire obstacle à ce que le juge, après avoir qualifiél’ensemble de la parcelle comme terrain à bâtir, affecte leszones les plus éloignées des équipements de valeurs sensible-ment réduites (Cass. 3e civ. 13 mai 1987, Fanien, DH 1988,IR 45, obs. P. Carrias).

3 | Liberté de choix du juge

À l’exception de certaines hypothèses (mutations récentes, v.supra, accords amiables majoritaires, v. supra, habitat insalu-bre), le code de l’expropriation n’impose au juge aucuneméthode d’évaluation précise, même si la règle de l’articleL. 322-8 l’incite à utiliser la méthode dite des comparaisonsen se référant aux accords amiables déjà conclus. Le juge dufond est donc libre, en fonction de la nature des biens qu’ildoit évaluer et des moyens avancés par les parties, de choisirla méthode qu’il entend utiliser (Cass. 3e civ. 27 avril 1988,Sté de grands hôtels de Cannes et a., DH 1990, somm. p. 41,obs. P. Carrias – Cass. 3e civ. 30 juin 1992, Paget, AJPI1993, 435).

Comment concilier cette liberté laissée au juge quant auchoix de la méthode d’évaluation avec le respect des règleslégales fixées par le code et exposées ci-dessus ? Un arrêtrécent de la Cour de cassation semble indiquer que le jugen’aurait pas à tenir compte de ces règles dès lors qu’il utilise-rait certaines méthodes d’évaluation, en l’espèce la méthodede la récupération foncière (méthode consistant, lorsque lavaleur d’un terrain bâti est très supérieure à celle de la cons-truction qui s’y trouve, à négliger celle-ci pour évaluer le bienà la seule valeur du terrain diminuée des frais de démolition)(Cass. 3e civ. 27 avril 1988, Sté de grands hôtels de Canneset a., DH 1990, somm. 41, obs. P. Carrias). Cette décisionne semble pas avoir fait jurisprudence.

III.980-8 Nature et calculde l’indemnisation

1 | Nature de l’indemnisation

● Principe de l’indemnisation en euros. — « Les indemnitéssont fixées en euros ». Ce principe posé par l’articleL. 322-12 du code de l’expropriation (ancien art. L. 13-20)a pour conséquence de faire de l’indemnisation en nature unmode dérogatoire de réparation. L’indemnisation en espècesne peut donc être écartée qu’avec l’accord de l’exproprié(Cass. 3e civ. 19 février 1980, Sté des carrières de la vallée

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heureuse et du Haut-Banc, Bull. civ. III, n° 4230). Ainsi, ense bornant à constater l’accord de l’expropriant pour recons-truire un mur de clôture et procéder à un raccordement auxréseaux d’eau et d’électricité sans avoir vérifié l’accord desexpropriés sur ces modalités d’indemnisation, le juge améconnu le principe de l’article L. 322-12 du code del’expropriation (Cass. 3e civ. 1er juillet 2008, Giordan, pour-voi n° 07-14.351, AJDI 2009, 140). Une disposition législa-tive expresse peut, toutefois, écarter le principe de l’indemni-sation en nature.

● Indemnisation en nature. — L’indemnisation en eurospeut toujours être écartée si l’exproprié conclut avec l’expro-priant une convention prévoyant une autre forme de répara-tion du préjudice subi (Cass. 3e civ. 26 mars 1997, CrtsOlive-Garcin, AJPI 1997, 766, obs. AB). L’indemnisationen nature ne saurait, toutefois, excéder la réparation du seulpréjudice subi et constituer un enrichissement sans cause(Cass. 3e civ. 30 octobre 1972, SCI La Butte, Bull. civ. III,n° 572). Les litiges qui concernent l’exécution de cesconventions sont de la compétence du juge de l’expropria-tion.

L’indemnisation en nature se rencontre de manière particu-lièrement fréquente en cas d’expropriation partielle. Il peuts’agir de la réalisation aux frais de l’expropriant de la clôturedu surplus de la propriété (Cass. 3e civ. 15 mai 1991, Talbot,DS 1991, IR 164, obs. CM ; AJPI 1991, 680, obs. CM ;Bull. civ. III, n° 142), de la constitution d’une servituded’accès à un barrage (Cass. 3e civ. 26 mars 1997, Crts Olive-Garcin, AJPI 1997, 767, obs. AB) ou, enfin de l’engagementde l’expropriant de réaliser les travaux nécessaires pour réta-blir les accès aux cultures (Cass. 3e civ. 10 novembre 1998,Crts Broche et SCA Broche-Leleu c/SNCF, AJPI 1999, 42,obs. A. Bernard). Ce type d’indemnisation n’est pas exclusifd’une indemnisation en espèces. Il faut toutefois rappelerque la réalisation de ces travaux aux lieu et place d’uneindemnisation en espèces est subordonnée à l’accord del’exproprié (Cass. 3e civ. 31 mai 2000, Sté CEVVR, AJDI2001, 154, note Lévy).

● Locaux de remplacement offerts aux commerçants, arti-sans ou industriels évincés. — « Toutefois, l’expropriantpeut, en lieu et place du paiement de l’indemnité, offrir aucommerçant, à l’artisan ou à l’industriel évincé un local équi-valent situé dans la même agglomération » (C. expro., art.L. 322-12). Il s’agit d’une faculté pour l’expropriant. Parcontre, l’exproprié qui se verrait offrir un local de remplace-ment dans les conditions définies par ce texte ne peut refusercette offre (Cass. 3e civ. 28 février 1996, Cne de Malakoff,

Dr. adm. 1996, n° 269), tout au moins sans démontrer que lelocal offert n’était pas équivalent à celui qui fait l’objet del’expropriation (Cass. 3e civ. 17 juin 1998, Mme Verdier,AJPI 1998, 1088). Les litiges portant sur cette équivalencesont de la compétence du juge de l’expropriation qui doitvérifier que le local se trouve bien dans la même aggloméra-tion et qu’il permet, sans être exactement identique au localexproprié, de retrouver des conditions de fonctionnement del’activité assez proches de la situation initiale (CA Besançon24 septembre 1980, Épx Bourdin, AJPI 1980, 799, noteBoussageon – CA Paris 19 septembre 1991, Ville de Saint-Ouen, req. n° 2000191 – CA Paris 7 février 2002, Semalias,AJDI 2003, 209, note C. Morel, s’agissant de l’impossibilitéde réinstaller un commerçant dans une situation équivalentecompte tenu de sa situation antérieure et de la nature del’activité).

En outre, les locataires peuvent prétendre à certaines indem-nités en espèces, indemnité de déménagement et indemnitépour privation de jouissance (C. expro., art. L. 322-12 al. 4).

• Droit au relogement – Protection des occupants. — Lesarticles L. 423-1 et suivants du code de l’expropriation fontdu relogement de l’exproprié et des occupants une desmodalités d’indemnisation en nature (dossier IV.1100,Occupants – Protection).

L’article R. 423-9 du code de l’expropriation précise qu’ilpeut être offert un local de relogement à un propriétaireexproprié et que ce relogement, s’il est accepté avant la fixa-tion des indemnités, permet au juge de tenir compte de cetteoffre lors de la fixation de l’indemnité d’expropriation, c’est-à-dire en clair de la réduire. Mais si la question n’est pas évo-quée devant le juge, celui-ci ne peut en déduire que les pro-priétaires ont renoncé à leur droit au relogement. De toutemanière, la Cour de cassation considère que le refus de relo-gement ne peut avoir une incidence sur le montant del’indemnité que s’il fait l’objet d’une « renonciation claire etnon équivoque des expropriés (Cass. 3e civ. 27 février 2013,Consorts Bauer, pourvoi n° 12-11.995).

Par ailleurs, les articles L. 314-1 et L. 314-2 du code del’urbanisme disposent que la personne publique qui a prisl’initiative de l’expropriation en vue de réaliser une opérationd’aménagement doit assurer le relogement des occupantsdes immeubles expropriés. Toutefois, cette obligation neconcerne que les occupants au sens de l’article L. 521-1 ducode de la construction et de l’habitation, c’est-à-dire les per-sonnes qui en vertu d’un bail ou d’un droit réel utilisentl’immeuble concerné pour l’habitation. Saisie d’un pourvoid’une société commerciale, expropriée des locaux dont elle

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était propriétaire, la Cour de cassation considère que lasociété requérante « qui exerçait une activité professionnelledans les locaux dont elle était propriétaire, ne pouvait êtreregardée ni comme un occupant au sens de l’article L. 521-1du code de la construction et de l’habitation ni comme lepreneur de ces locaux » : le droit au relogement ne joue doncpas dans cette hypothèse (Cass. 3e civ. 11 septembre 2013,pourvoi n° 12-23.03).

2 | Différents types d’indemnités

● Généralités. — L’indemnité accordée à l’exproprié devantréparer l’intégralité du préjudice subi (C. expro., art.L. 321-1), l’exproprié a droit non seulement à l’indemnitéprincipale qui correspond, en principe, à la valeur du bienexproprié, mais également à des indemnités accessoires quicouvrent les autres formes du préjudice subi. Pour garantircette indemnisation intégrale, le juge doit distinguer les dif-férentes indemnités qu’il accorde (C. expro., art. L. 321-3).Cette règle est considérée comme faisant partie des garantiesfondamentales pour les propriétaires. Elle est du seul ressortde la loi (Cons. constit. 10 mai 1988, JCP 1988, n° 61688).Sont donc exclues les indemnités forfaitaires ou globales(Cass. 3e civ. 14 décembre 1983, Dumel, Bull. civ. III,n° 262).

● Indemnité principale. — L’indemnité principale corres-pond, sous réserve des règles plus restrictives instituées par lelégislateur (v. supra), à la valeur vénale du bien exproprié.Elle varie en fonction des paramètres habituels du marchéimmobilier, état, localisation, utilisation, situation juridique,etc.

Toutefois, en cas d’usufruit, une seule indemnité est fixée.Les droits du nu-propriétaire et de l’usufruitier sont reportéssur l’indemnité qui se substitue au bien exproprié (C. expro.,art. L. 321-2). Il en va de même en cas d’indivision, l’indem-nité globale étant fixée au profit de celle-ci. Mais cetteindemnité est divisible et l’un des co-indivis peut faire appelde manière distincte des autres (Cass. 3e civ. 9 mai 1978,Épx Wurmser, Bull. civ. III, n° 200 ; Gaz. Pal. 1978, 2,somm. 272 – Cass. 3e civ. 13 décembre 1995, Mme Barbeau-Cheynel, Bull. civ. III, n° 260, p. 175 ; AJPI 1996, 488, obs.AB ; Gaz. Pal. 9-10 oct. 1996, p. 18).

L’indemnisation des droits accessoires attachés à l’immeu-ble, droit de chasse, droit de pêche, droit à usage de l’eau,etc. doit être comprise dans l’indemnité principale. La répa-ration du préjudice occasionné par la disparition de cesdroits ne peut faire l’objet d’indemnités accessoires (Cass.

3e civ. 21 novembre 1984, Épx Brugère, DH 1986, IR 76,obs. P. Carrias).

● Indemnité de remploi. — L’indemnité de remploi s’ajouteà l’indemnité principale en vue de couvrir « les frais de tousordres normalement exposés par l’acquisition de biens demême nature » que ceux qui ont été expropriés (C. expro.,art. R. 322-5).

Destinée à couvrir les frais que le propriétaire devra suppor-ter pour acquérir un bien de remplacement, elle constitue laprincipale indemnité accessoire dont il peut bénéficier. Ilconvient, par contre, de préciser que cette indemnité ne peutplus, en application de l’article L. 213-4 du code de l’urba-nisme, être versée aux propriétaires de biens préemptés ni àceux des immeubles expropriés dans le cadre de la procédurespéciale de résorption de l’habitat insalubre. L’indemnité deremploi ne peut non plus être attribuée pour la partie desimmeubles qui, en cas d’expropriation partielle, ont faitl’objet d’une réquisition d’emprise totale (dossier III.990,Expropriation – Emprise totale ; Cass. 3e civ. 29 mai 2002,RATP, AJDI 2002, n° 7-8 – Cass. 3e civ. 22 septembre2010, Sté Moulin La Fontaine, AJDA 2010, 2276).

• Conditions d’attribution de l’indemnité de remploi. —Bien que l’article R. 322-5 du code de l’expropriationparaisse lier l’attribution de l’indemnité de remploi à la cou-verture des frais d’acquisition d’un bien de même nature, laCour de cassation considère que l’exproprié peut y prétendresans avoir à démontrer l’acquisition d’un bien de remplace-ment ni même son intention d’y procéder (Cass. 3e civ.5 juillet 1977, Dame Manrot Le Goarnic, Bull. civ. III,n° 303230). Il en résulte que l’indemnité de remploi est duealors même que l’acquisition de biens de même nature appa-raît impossible. Il en est ainsi, par exemple, pour l’expropria-tion de servitudes (Cass. 3e civ. 25 février 1976, AJPI 1977,388), de constructions sur le terrain d’autrui, d’ouvrages telsqu’un pont, une digue, etc. L’indemnité de remploi est éga-lement due alors même qu’il paraît certain que l’exproprién’a pas l’intention d’acquérir un bien de remplacement(Cass. 3e civ. 30 mars 1989, Communauté urbaine de Lille,DH 1991, somm. 43, obs. P. Carrias, s’agissant de l’expro-priation d’un fonds de commerce qu’a abandonné sonexploitant – Cass. 3e civ. 4 juin 1998, Sté Semcodan, AJPI1998, 1088, expropriation conduisant à une cessation d’acti-vité, l’exproprié ne pouvant retrouver ailleurs les conditionsnécessaires à la poursuite de son exploitation).

Une indemnité de remploi est due pour l’expropriation deterrains frappés d’une servitude d’alignement alors même,

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d’une part, que la législation sur l’alignement (loi du 16 sep-tembre 1807, art. 50) dispose que le propriétaire des terrainsincorporés dans le domaine public n’est indemnisé que pourla seule valeur du terrain et que, d’autre part, il paraisse excluque l’exproprié puisse racheter un bien semblable (Cass.3e civ. 23 octobre 1991, Ville de Paris, JCP 1991, IV, 451).

• Exclusion de l’indemnité de remploi lorsque les biens sontdestinés à la vente. — Exceptionnellement, l’indemnité deremploi ne peut être accordée « si les biens étaient notoirementdestinés à la vente ou mis en vente » par l’exproprié au cours dessix mois ayant précédé la déclaration d’utilité publique (C.expro., art. R. 322-5). Il en est ainsi si l’exproprié a adressé àl’administration une déclaration d’intention d’aliéner en vuede purger son bien du droit de préemption (CA Paris9 février 1989, RDI 1989, 199), s’il fait l’objet d’une procé-dure de liquidation de biens à condition que celle-ci soitantérieure à l’ordonnance ou au jugement si celui-ci est pro-noncé préalablement (Cass. 3e civ. 7 janvier 1987, DH 1987,somm. 247, obs. P. Carrias), si les biens considérés ont étéacquis par un marchand de biens en exonération des droitsde mutation (Cass. 3e civ. 5 juillet 1989, AJPI 1990, 222 –CA Paris 24 avril 1997, Ville de Paris c/Merakeb, Gaz. Pal.31 mai-4 juin 1998, 23), si l’immeuble a fait l’objet d’unepromesse de vente dont la période de validité se trouvaitincluse dans le délai de six mois précédant la DUP (Cass.3e civ. 31 mars 1993, Mme Courty, AJPI, 1994, 44, obs.A. B.), s’il fait l’objet d’un contrat de crédit-bail (Cass.3e civ. 2 décembre 2009, Soc. Marco Polo, pourvoin° 08-19.542), etc. Il en va de même pour les biens qui,préalablement à l’expropriation, ont fait l’objet d’une décla-ration d’intention d’aliéner en application d’un des droits depréemption (Cass. 3e civ. 26 février 1997, SCI du 49 avenuedes Grésillons, AJPI 1997, 1089). Par contre, le fait que lesimmeubles expropriés appartiennent à une SCI dont l’objetsocial serait de les lotir ne suffit pas à démontrer qu’ils sontdestinés à être vendus, la preuve n’ayant pas été apportée quecette société avait cherché à les aliéner dans le délai précisé àl’article R. 13-46 (CA Angers 22 septembre 1989, DH 1991,somm. 204, obs. P. Carrias). Il en va de même s’agissantd’une mise en vente ancienne et n’émanant que d’un seul despropriétaires coindivisaires (Cass. 3e civ. 10 juillet 1996,Richepin, AFDUH 1996, 284).

• Calcul de l’indemnité de remploi. — L’indemnité de rem-ploi s’applique uniquement à la valeur vénale du bien expro-prié représentée par l’indemnité principale. Le juge est libred’en fixer le montant et il peut se fonder sur le détail des fraisque l’exproprié va devoir engager pour se procurer un

immeuble de remplacement (honoraires de notaires, frais derecherche, frais fiscaux, etc.). En pratique, l’indemnité deremploi est calculée de manière forfaitaire à un taux dégressifde 20 % de l’indemnité principale jusqu’à 5 000 euros et de10 % au delà de 15 000 euros pour les immeubles bâtis àusage d’habitation. Ces taux sont de 15 et 10 % pour les ter-rains nus acquis récemment et bénéficiant de la TVA ou dutaux réduit des droits d’enregistrement, de 15 et 10 % pourles forêts, de 15 et 10 % pour les terrains de plus de2 500 mètres carrés supportant un local d’habitation, pourles 2 500 mètres carrés servant d’assiette à la construction.

L’indemnité de remploi doit tenir compte« des avantages fis-caux dont les expropriés sont appelés à bénéficier lors del’acquisition de biens de remplacement » (C. expro., art.R. 322-5 ). Ainsi, lorsque le bien exproprié comporte à la foisdes locaux commerciaux et des locaux d’habitation, l’indem-nité de remploi doit être calculée en tenant compte durégime fiscal plus avantageux dont bénéficient ceux-ci,nonobstant la circonstance que l’ensemble immobilier ait faitl’objet d’un bail commercial (CA Paris 8 décembre 1995,Épx Steinkampf, AJPI 1996, 213, obs. A. B.).

Cette réduction de l’indemnité de remploi n’est appliquéepar le juge qu’à la condition que l’avantage fiscal soit certain(Cass. 3e civ. 21 juillet 1975, Dame Reynaud et a., Bull. civ.III, n° 264).

Lorsque l’expropriation porte sur plusieurs biens apparte-nant à un même propriétaire, l’indemnité de remploi n’estcalculée sur l’indemnité globale qu’à la condition que cesbiens constituent une unité foncière homogène. En règlegénérale, elle doit être liquidée sur l’indemnité principaledue pour chaque bien pris séparément, ce qui, compte tenudes taux dégressifs appliqués, représente un avantage certainpour l’exproprié (CA Paris 1er février 1990, Veuve Chèze,DH 1991, somm. 58, obs. P. Carrias).

● Indemnité de dépréciation du surplus. — Une indemnitéaccessoire destinée à couvrir la moins-value que subit le rested’une propriété partiellement expropriée est due en casd’emprise partielle. Elle ne peut être attribuée que s’il estdémontré que la valeur vénale de la propriété est effective-ment réduite par l’emprise. Ce n’est pas le cas si un bien deremplacement peut être acquis (CA Paris 16 février 1989,RDI 1989, 198) ou, s’agissant d’un terrain à bâtir, si le sur-plus reste constructible (CA Paris 9 novembre 1979, Théve-net, AJPI 1980, 113). Par contre, elle est due si la parcellerésiduelle est réduite à une surface inférieure à celle qu’exigele POS (ou le PLU) pour construire (Cass. 3e civ. 8 mars1995, Le Gall, Dr. adm. 1995, n° 356). Dans l’hypothèse où

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le surplus était constructible au regard du RNU en vigueur àla date de l’expropriation, il n’y a pas lieu de tenir compte dufait qu’ultérieurement, la publication d’un plan d’urbanismeait rendu la parcelle inconstructible, cette moins-valuen’étant pas la conséquence directe de l’expropriation (Cass.3e civ. 25 mars 1997, Mme Le Gall, épouse Conseil, AJPI1997, 768, obs. A. B.).

En outre, cette indemnité ne peut être exigée si l’expropriérequiert l’emprise totale (voir dossier III.990, Emprise totale).Elle ne peut non plus être demandée pour réparer les dom-mages qui pourront résulter de la présence de l’ouvragepublic implanté sur l’emprise expropriée.

● Indemnité de clôture. — Les clôtures et la plus-valuequ’elles peuvent entraîner pour une propriété sont, normale-ment, prises en compte. S’il y a expropriation partielle etnécessité d’établir une clôture en limite d’emprise, l’expro-prié peut, à défaut d’une réparation en nature par l’expro-priant (voir supra), exiger une indemnité accessoire pourperte de clôture dont le montant est égal au coût des travauxsans que puisse être prise en compte la vétusté de l’ancienneclôture (CA Paris 3 mars 1989, AJPI 1989, 864, obs. C. M.).Cette indemnité n’est due que sous réserve que la réglemen-tation d’urbanisme ne s’oppose par à l’édification de la clô-ture (Cass. 3e civ. 7 mai 1986, Ville de Rennes, DH 1986,somm. 333, obs. P. Carrias ; voir dossier V.500, Clôtures).Par contre, elle est due alors même que le terrain exproprié aété évalué en tant que terrain à bâtir (Cass. 3e civ. 27 novem-bre 1978, Crts Barnel c/État français, Bull. civ. III, n° 349).

La Cour de cassation rappelle qu’il appartient au juge dufond d’évaluer souverainement l’indemnité due au titre de lareconstitution de clôtures en cas d’expropriation partielle.Dès lors que celle-ci correspond bien à la réparation du pré-judice subi, il n’appartient pas à l’expropriant de reprocherau juge d’avoir choisi comme base le devis de reconstructionproduit par l’exproprié alors même qu’il serait beaucoup plusélevé que l’estimation retenue par l’administration (Cass.3e civ. 17 mars 1993, Communauté urbaine de Brest c/J.-L. Vigouroux, Bull. civ. III, n° 494).

● Indemnité de déménagement. — Celle-ci est de droit si lepropriétaire demande son relogement, l’immeuble étantalors évalué comme occupé. Mais, le juge, dans l’hypothèseinverse, est fréquemment conduit à considérer que l’indem-nité principale versée pour la dépossession d’un immeubleévalué comme libre n’exclut pas le versement d’une indem-nité accessoire complémentaire couvrant les frais de démé-nagement (CA Paris 28 septembre 1989, RDI 1990, 198).

Elle peut être accordée sur la base des devis produits et descaractéristiques des locaux évacués alors même que l’expro-prié a déjà quitté l’immeuble (Cass. 3e civ. 9 juillet 1997, StéSemcodan, AJPI 1997, 1086, obs. A. L.).

● Indemnités accessoires dues aux occupants. — Celles-cisont extrêmement diverses et varient selon la sécurité juridi-que qui est accordée aux occupants. Outre les solutions quisont mises en œuvre dans le cadre de la protection des occu-pants d’immeubles bâtis (v. cette rubrique), les indemnitésaccessoires les plus importantes sont celles auxquelles peu-vent prétendre les locataires qui exerçaient une activité éco-nomique dans les locaux expropriés et qui voient celle-ci soittotalement remise en cause, soit perturbée.

• Indemnités dues aux locataires de terrains agricoles. —Diverses indemnités accessoires peuvent être accordées auxagriculteurs locataires de terrains de culture. Ces indemnitésne sont pas dues dès lors que le propriétaire-exploitant estindemnisé sur la base d’une qualification de ses terrainscomme terrains à bâtir (Cass. 3e civ. 16 mars 1994, Cabe,AJPI, 1994, 540).

La principale est l’indemnité d’éviction destinée à réparer lepréjudice que subissent les agriculteurs dont le bail se trouveéteint prématurément du fait de l’expropriation. En principe,ne peuvent prétendre à cette indemnité que les agriculteursqui bénéficient du statut du fermage (Cass. 3e civ. 22 avril1976, JCP 1976, IV, 193). Toutefois, les occupants non pro-tégés (location verbale, location d’exploitations n’atteignantpas la surface minimum d’installation, etc.) peuvent se voiraccorder des indemnités d’éviction à taux réduit.

L’indemnité pour perte de récoltes doit compenser le préju-dice que subit l’exploitant qui ne pourrait effectuer la récoltesur pied dans l’hypothèse, assez rare, où l’expropriantn’attendrait pas que cette récolte soit terminée pour prendrepossession des terrains.

L’indemnité pour perte de fumures et façons culturales estplus importante. Elle est destinée à réparer le préjudice quesubit l’agriculteur qui se trouve privé du bénéfice des travauxqu’il a effectués sur l’exploitation pour assurer la mise envaleur des terrains (labours, défonçage, irrigation, amende-ments, etc.). Elle est particulièrement élevée en ce quiconcerne les terrains qui font l’objet de cultures spécialisées(pépiniéristes, horticulteurs, etc.).

L’indemnité pour dépréciation de l’exploitation n’est dueque si l’emprise est partielle. Elle doit couvrir le préjudiceque subit l’exploitant du fait de la réduction de la superficiedes terres exploitées et de l’accroissement du poids des char-

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ges fixes par rapport à la production qui en résulte générale-ment (difficultés d’amortissement du matériel et des équipe-ments, etc.) ou de toute autre difficulté d’exploitation(disparition de points d’eau, etc.). Si ce préjudice atteint cer-taines proportions, l’exploitant peut demander l’emprisetotale dans les conditions spécifiques prévues par l’articleL. 242-4 du code de l’expropriation. En outre, la réparationde ce dommage est assurée par la mise en œuvre des procé-dures spéciales de remembrement prévues par l’articleL. 122-3 du code de l’expropriation. Enfin, il convient derappeler que ce préjudice n’est réparable par le juge del’expropriation que s’il résulte de l’emprise. Les dommagesprovoqués par la présence de l’ouvrage (allongements deparcours, etc.) constituent des dommages de travaux publicsdont la réparation incombe aux juridictions administratives(v. supra).

La fixation de ces diverses indemnités résulte, le plus généra-lement, de barèmes forfaitaires établis par les protocolesd’accord nationaux ou régionaux conclus entre le service desdomaines et les organisations représentatives des exploitantsagricoles (chambres d’agriculture). Ceux-ci, toutefois, nes’imposent pas aux juridictions qui, en cas de litige entrel’expropriant et les exploitants, conservent une totale libertéd’appréciation pour fixer ces indemnités (CA Paris 8 mai1981, GFA Domaine de Maurevert, AJPI 1983, 675, obs.Y. Toutain).

• Indemnité pour trouble commercial. — Les exploitants defonds de commerce peuvent obtenir, en plus de l’indemnitéprincipale correspondant à la valeur du fonds, une indemnitépour trouble commercial destinée à couvrir le préjudice quirésulte de la cessation temporaire d’activités. Dans les hypo-thèses où cette indemnité est accordée (ce que n’admettentpas toutes les juridictions lorsqu’il est alloué au commerçantune indemnité principale représentant la valeur pleine de sonfonds), elle représente généralement trois mois de bénéficesdéclarés à l’administration fiscale. Le juge du fond ne peut sefonder sur le fait que la valeur du fonds de commerce a étéindemnisée pour refuser d’examiner si l’exproprié n’a passubi, du fait de l’interruption temporaire de son activité, unpréjudice commercial distinct du préjudice indemnisé parl’allocation d’une indemnité correspondant à la valeur dufonds de commerce (Cass. 3e civ. 25 juin 1997, SARL Éta-blissements Valerio, JCP G 1997, n° 1833).

• Indemnités pour licenciement. — Les commerçants ouindustriels qui doivent licencier des salariés qui refusent deles suivre au lieu de leur nouvelle implantation peuvent, si cepréjudice est certain (v. supra), accorder une indemnité pour

licenciement du personnel qui couvre celle que l’employeura pu être condamné à payer. Le juge doit, en règle générale,surseoir à statuer en attendant que les indemnités aient étédéfinitivement fixées dans le cadre de la législation sociale(Cass. 3e civ. 10 octobre 1984, OPHLM d’Ivry-sur-Seine,AJPI 1985, 156). Mais il peut les accorder directement au vudes pièces comptables démontrant le caractère direct et cer-tain de ce préjudice (Cass. 3e civ. 12 novembre 1993, Sami-ram, D. 1994, somm. comm. p. 73, obs. P. Carrias).

● Exclusion des indemnités incompatibles avec la qualifica-tion de terrain à bâtir. — Le fait qu’un terrain soit qualifié deterrain à bâtir, s’il entraîne en principe une plus-value, a pourconséquence d’exclure la réparation des préjudices quiseraient sans rapport avec cette qualification. Ainsi, le faitque ce terrain soit, à la date de référence, utilisé à des finsagricoles ne permet pas au propriétaire, par application de larègle de l’usage effectif dont il faut rappeler qu’elle est iciécartée, de demander une indemnité accessoire pour pertede revenus agricoles ou pour déséquilibre d’exploitation(Cass. 3e civ. 28 octobre 1987, Houillères du Bassin du Cen-tre et du Midi, AJPI 1988, 158). Il en va de même pourl’indemnité pour perte de plantations (Cass. 3e civ. 18 février1987, Crts Vialard, AJPI 1988, 29 – Cass. 3e civ. 6 février2002, Bischoff, AJDI 2002, 539, note C. Morel).

Par ailleurs, lorsque le terrain est loué à un exploitant,l’indemnité principale doit être minorée de l’indemnitéd’éviction de telle manière qu’elle n’excède pas le prix desterrains à bâtir libres (CA Paris 9 février 1978, Dame Poin-sot, DH 1978, IR 475, obs. A. Bernard).

III.980-9 Règlement de l’indemnité

1 | Bénéficiaires

● Principe. — Le juge doit prononcer des « indemnités dis-tinctes en faveur des parties qui les demandent à des titresdifférents » (C. expro., art. L. 321-2, art. L. 13-7 ancien). Lejuge doit donc être informé par l’expropriant des diversdroits qui sont touchés par l’emprise et de leurs titulaires afinqu’il puisse prononcer des indemnités distinctes (sur lesmodalités de cette communication, voir dossier III.960,Expropriation – Indemnisation – Procédure). Mais une seuleindemnité peut être allouée lorsque plusieurs titulaires dedroits se réunissent pour faire une demande unique.

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Les indemnités accessoires dues aux occupants non-propriétaires doivent leur être attribuées personnellement. Iln’appartient pas au propriétaire de se substituer à eux (Cass.3e civ. 25 octobre 1972, Crts Delossedat, JCP 1973, II,17391, note A. Homont).

● Pluralité de droits réels. — Des indemnités distinctes doi-vent être accordées aux divers titulaires de droits réels por-tant sur un même immeuble. Ainsi, les propriétaires indivispeuvent demander une indemnité distincte sauf si leursdroits ne sont pas nettement répartis au moment du juge-ment (Cass. 3e civ., 14 avril 1964, Dame Régis, Bull. civ. III,n° 185). En cas d’expropriation portant exclusivement surles parties communes d’une copropriété, l’indemnité estattribuée au syndic qui la redistribue entre les copropriétairesen fonction de leurs millièmes. Le fait que le syndicat ait qua-lité pour agir n’enlève pas aux copropriétaires d’agir en cettequalité (CA Paris 27 mars 2014, Jacquin, n° 2014-006901).Il en va de même lorsque plusieurs héritiers forment séparé-ment leurs demandes et produisent leur acte de partage etl’inscription sur la matrice cadastrale.

Par contre, s’il existe un usufruitier, une seule indemnité estaccordée. Les droits du nu-propriétaire sont reportés surl’indemnité versée à l’usufruitier qui est, toutefois, tenu delui donner une caution (C. expro., art. L. 321-2 al. 2).

Lorsque l’indemnité est consignée, l’expropriant est tenud’en informer l’exproprié par lettre recommandée avecdemande d’avis de réception (Cass. 3e civ. 18 juin 1997,Mme Couderc, JCP G 1997, n° 1737, p. 272).

● Expropriation contre inconnu. — Si le propriétaire estinconnu, l’article L. 321-2 du code de l’expropriation per-met au juge de « fixer l’indemnité pour le compte de qui ilappartiendra ».

2 | Modes de règlement de l’indemnité

● Paiement direct. — L’exproprié doit justifier son droit àindemnité et l’expropriant est seul qualifié pour recevoir etexaminer ces justifications sous le contrôle du juge (C.expro., art. R. 323-1 à R. 323-4).

L’indemnité est versée au propriétaire identifié comme teldans l’ordonnance d’expropriation sans qu’il ait à justifierson titre dès que l’état hypothécaire ne révèle aucun actetranslatif ou extinctif portant sur ce droit. Dans le cascontraire, il devra apporter les justifications utiles (acted’acquisition, attestation notariée, copies ou extraits délivrés

par le conservateur des hypothèques, extraits cadastraux,etc.) et prouver qu’il n’existe aucune inscription de privilègeou d’hypothèque sur l’immeuble. Si l’indemnité est infé-rieure à 7 600 euros, l’expropriant a la possibilité (sur lesconditions de l’utilisation de cette faculté, voir instruction du15 décembre 1987, Mon. TP 25 déc. 1987) de payerl’indemnité en dépit de l’existence d’obstacles au paiementtels que l’inscription de privilèges, etc. (C. expro., art.R. 323-4).

Les locataires doivent produire leur bail, leur conventiond’occupation, ou toute justification analogue.

Si l’indemnité est due par une collectivité territoriale, le pré-fet est en droit de procéder d’office à son mandatement encas d’inexécution (CE 5 juillet 2010, Cne d’Angerville, Rec.T. 809).

• Article L. 323-1. — « Les indemnités allouées aux expro-priés ainsi qu’aux locataires et occupants évincés de locauxde toutes natures en vue d’assurer leurs frais de déménage-ment sont payables aux intéressés nonobstant toutes opposi-tions de créanciers privilégiés ou non ». Le juge de l’expro-priation est seul compétent pour se prononcer sur les refusde l’expropriant de verser le montant de l’indemnité chez lenotaire désigné par le bénéficiaire (CE 22 février 1978,Duclos, AJDA 1978, II, p. 679).

● Consignation. — Si des obstacles au paiement direct seprésentent, l’expropriant peut consigner l’indemnité fixéepar le juge. Les cas où la consignation peut intervenir ont étémodifiés par le décret n° 2005-467 du 13 mai 2005. Ils sonténumérés à l’article R. 323-8 du code de l’expropriation quidispose que : dans tous les cas d’obstacle au paiement,l’expropriant peut, sous réserve des articles R. 323-6,R. 323-7, R. 323-11 et R. 323-12, prendre possession enconsignant le montant de l’indemnité.

Il en est ainsi notamment :

1° Lorsque les justifications mentionnées aux articlesR. 323-1 et R. 323-2 ne sont pas produites ou sont jugéesinsuffisantes par l’expropriant ;

2° Lorsque le droit du réclamant est contesté par des tiers oupar l’expropriant ;

3° Lorsque l’indemnité a été fixée d’une manière hypothéti-que ou alternative, notamment dans le cas prévu à l’articleL. 322-12 ;

4° Lorsque sont révélées des inscriptions de privilèges,d’hypothèques ou d’un nantissement grevant le bien expro-prié du chef du propriétaire et, le cas échéant, des précédentspropriétaires désignés par l’expropriant dans sa réquisition ;

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5° Lorsqu’il existe des oppositions à paiement ;

6° Lorsque, dans le cas où l’expropriant est tenu de surveillerle remploi de l’indemnité, il n’est pas justifié de ce remploi ;

7° Lorsqu’il n’est pas justifié soit de la réalisation de la cau-tion mentionnée à l’article L. 321-2, acceptée par lenu-propriétaire ou jugée suffisante par une décision de jus-tice opposable à ce dernier, soit de la renonciation expressedu nu-propriétaire au bénéfice de la caution prévue dans sonintérêt ;

8° Lorsque, l’exproprié n’ayant pas la capacité de recevoir lepaiement, ce dernier n’est pas réclamé par son représentantlégal justifiant de sa qualité ;

9° Lorsque, l’exproprié étant décédé après l’ordonnanced’expropriation ou la cession amiable, les ayants droit nepeuvent justifier de leur qualité ;

10° Lorsque l’exproprié refuse de recevoir l’indemnité fixée àson profit ;

11° Lorsque l’exproprié ou, le cas échéant, ses ayants droit,n’étant pas en mesure de percevoir l’indemnité, ontdemandé que son montant soit consigné.

Si un certain nombre de ces cas ne présentent pas de difficul-tés, d’autres posent des problèmes plus importants dans lamesure où ils laissent à l’expropriant un pouvoir d’apprécia-tion plus étendu. Il en est ainsi de l’absence de justificationssuffisantes, des contestations par des tiers ou par l’expro-priant du droit du réclamant, etc. C’est au juge de l’expro-priation et non au juge administratif (CE 25 mai 1983, Pou-chol, Dr. adm. 1983, n° 293) ou au juge de droit communqu’il appartient d’apprécier souverainement l’existence deces divers obstacles (Cass. 3e civ. 10 février 1988, DameCourtet, AJPI 1988, 604). Ainsi, ne constitue pas un réelobstacle au paiement le refus de l’exproprié de produire unrelevé d’identité bancaire (TGI Rennes 15 octobre 1986,RDI 1987, 207) ou de signer un traité d’adhésion à l’expro-priation (Cass. 3e civ. 27 novembre 1984, EPAREB, Bull.civ. III, n° 201). Par contre, en cas d’incertitude sur l’iden-tité des propriétaires du fait de l’état parcellaire, le juge doitconsigner la valeur globale des biens indivis sans se pronon-cer sur la répartition entre les intéressés (Cass. 3e civ. 24 juin2014, M. Schmitt, pourvoi n° 12.24.247).

• Effets de la consignation. — La consignation vaut paie-ment de l’indemnité opposable au décompte des intérêtsmoratoires (Rép. min. JOAN 27 févr. 1971, 537). L’expro-priant est tenu d’en informer immédiatement l’exproprié parlettre recommandée (C. expro., art. R. 323-9 – Cass. 3e civ.18 juin 1997, Mme Couderc, JCP N, 1997, 1432 – Cass.

3e civ. 18 juin 1997, Mme Jacqueline Salva, AJPI 1997,1086). La Caisse des dépôts et consignation doit, dès quesont levés les obstacles au paiement, en assurer le paiement.

Article R. 323-10 du code de l’expropriaiton : « Lorsquel’indemnité a été consignée, la Caisse des dépôts et consigna-tions assure le paiement de l’indemnité à l’exproprié désigné,sous sa responsabilité, par l’expropriant, dans les conditionsprévues à l’article R. 323-3. Lorsque le paiement lui estdemandé par les ayants droit de l’exproprié, elle ne l’effectueque sur justification de leur qualité ».

Mais l’exproprié doit en faire la demande lorsque l’obstacleau paiement est levé (Cass. 3e civ. 28 janvier 1998, ÉpxLaval et autres, JCP G 1998, somm. jur. n° 1605 ; AJDI1998, 626, obs. C. Morel ; Bull. civ. III, n° 21).

La consignation de l’indemnité produisant les mêmes effetsque le paiement, l’expropriant peut prendre possession del’immeuble (v. infra).

3 | Obligation de payer ou consignerl’indemnité avant la prise de possession

● Principe de l’indemnisation préalable. — Si l’ordonnancea pour effet de transférer la propriété du bien à l’expropriant(dossier III.940, Expropriation – Transfert de propriété),celui-ci ne peut prendre possession de l’immeuble qu’unmois après avoir payé ou consigné l’indemnité (C. civ., art.545 et C. expro., art. L. 231-1). Ce délai part du jour dupaiement effectif (jour où le compte bancaire de l’expropriéest crédité) ou de la réception de la lettre recommandéeinformant que le paiement est effectué).

● Prise de possession après consignation . — Dans sa rédac-tion antérieure (art. L. 15-1 et L. 15-2), le code de l’expro-priation permettait la prise de possession après que l’indem-nité ait été simplement consignée. Mais, une décisionn° 2012-226 QPC du 6 avril 2012 du Conseil Constitution-nel avait conclu à l’inconstitutionnalité de ces articlesL. 15-1 et L. 15-2 au motif que la prise de possession nepouvait intervenir dans ces conditions sans méconnaître leprincipe posé par l’article 17 de la déclaration des droits del’homme selon lequel nul ne peut être privé de sa propriétéque sous la condition d’une juste et préalable indemnité.

Compte tenu de l’ampleur des conséquences de cette déci-sion sur les expropriations en cours ou urgentes, l’article 42de la loi n° 2013-431 du 28 mai 2013 a modifié l’articleL. 15-1 (devenu le nouvel article L. 231-1 du code del’expropriation). Il dispose désormais que « dans le délai

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d’un mois, soit du paiement de l’indemnité ou, en cas d’obs-tacle au paiement ou de refus de recevoir, de sa consignation,soit de l’acceptation ou de la validation de l’offre d’un localde remplacement, les détenteurs sont tenus d’abandonnerles lieux. Passé ce délai qui ne peut, en aucun cas, être modi-fié, même par autorité de justice, il peut être procédé àl’expulsion des occupants ». Surtout, l’article L. 15-2 (actuelart. L. 331-3 du code de l’expropriation) ajoute qu’en casd’appel « du jugement fixant l’indemnité, lorsqu’il existe desindices sérieux laissant présumer qu’en cas d’infirmation,l’expropriant ne pourrait recouvrer tout ou partie des som-mes qui lui seraient dues en restitution, celui-ci peut êtreautorisé par le juge à consigner tout ou partie du montant del’indemnité supérieur à ce que l’expropriant avait proposé.Cette consignation vaut paiement. La prise de possessionintervient selon les modalités définies à l’article L. 231-1(ancien art. L. 15-1) ». Ce n’est donc plus seulement àl’expropriant qu’il appartient d’apprécier s’il existe des indi-ces sérieux laissant présumer qu’en cas d’infirmation enappel du jugement de première instance, l’expropriant nepourrait recouvrer tout ou partie des sommes qui lui seraientdues en restitution. C’est au juge, saisi par la voie de l’appelqu’il appartient d’en juger et c’est seulement s’il en décideainsi que la consignation peut être assimilée à un paiement.

Toutefois, une prise de possession anticipée peut toujoursintervenir avec l’accord de l’exproprié.

● Sanctions de l’occupation illégale. — Considéré commeune garantie essentielle de l’exproprié puisqu’elle lui assurela libre jouissance de son bien jusqu’au paiement effectif del’indemnité qui lui permet d’acquérir un bien de remplace-ment, le principe du paiement préalable de l’indemnité estplacé sous le contrôle du juge judiciaire. Toutefois, la juris-prudence semble partagée, quant à la nature de l’irrégularitéainsi commise et quant à sa sanction, la tendance allant tou-tefois dans le sens de l’emprise irrégulière, la voie de faitn’étant admise que de manière plus restrictive.

• Hypothèses où il y a voie de fait. — La voie de fait est cer-taine lorsque l’expropriant prend possession de terrainsdébordant de l’emprise expropriée et non compris dansl’arrêté de cessibilité ni dans l’ordonnance (Cass. 3e civ.24 novembre 1993, Georges Gaillard, RDI 1994, 30, obs.C. Morel). Certaines décisions du juge judiciaire adoptaientla même solution lorsque l’expropriant prend possession deterrains expropriés antérieurement au paiement de l’indem-nité, que cette occupation s’accompagne ou non de l’exécu-tion de travaux, de la démolition d’immeubles, etc. (Cass.3e civ. 2 février 1983, Mme Jacquillard, Bull. civ. III, n° 33 –

Cass. 3e civ. 5 novembre 1997, Cne Toulon, Juris-Data n° 004365, s’agissant de la prise de possession d’unimmeuble et de sa démolition en dehors de toute procédured’expropriation et sans accord du propriétaire).

Dans un arrêt du 17 juin 2013, le Tribunal des conflits aadopté une position plus restrictive considérant qu’il n’y avoie de fait de la part de l’administration « que dans lamesure où l’administration soit a procédé à l’exécution for-cée dans des conditions irrégulières d’une décision mêmerégulière portant atteinte à la liberté individuelle ou aboutis-sant à l’extinction du droit de propriété, soit a pris une déci-sion qui a les mêmes effets d’atteinte à la liberté individuelleou d’extinction d’un droit de propriété et qui est manifeste-ment insusceptible d’être rattachée à un pouvoir dont dis-pose l’administration ». Ce qui n’est pas le cas de l’implanta-tion même sans titre de l’implantation d’une ouvrage publicsur une propriété privée (TC 17 juin 2013, Begoend, AJDA2013, 1569, chron. Domino et Bretonneau).Ce sont, dès lors, les juridictions judiciaires de droit communqui sont compétentes pour condamner l’expropriant à la res-titution des biens ainsi occupés et à la réparation du préju-dice subi. Elles peuvent enjoindre à l’expropriant de libérerles lieux et ordonner, sous astreinte, l’interruption des tra-vaux (CA Versailles 28 octobre 1993, Sté Semag, AJPI1993, 367, obs. CM). En outre, le juge de droit commun acompétence pour réparer le préjudice ainsi subi (Cass. 3e civ.2 février 1983, Mme Jacquillard c/Cne de La Brigue, Bull.civ. III, n° 33), et l’administration ne peut bénéficier de laprescription quadriennale (Cass. 3e civ. 5 novembre 1997,Cne Toulon, Juris-Data n° 004365).

• Solution de principe. — En dehors des hypothèses où iladmet la voie de fait (voir supra), le Tribunal des conflitsconsidère plutôt que ces occupations anticipées sont consti-tutives d’emprises irrégulières. Cela comporte des consé-quences importantes. Dès lors qu’il y a emprise et non voiede fait, les juridictions judiciaires de droit commun ne peu-vent ni ordonner la restitution du terrain, ni l’interruptiondes travaux sous astreinte. En outre, seul le juge de l’expro-priation est compétent pour fixer l’indemnité de déposses-sion (Cass. 3e civ. 30 avril 2002, Vayaboury, AJDI 2002,p. 540, note R. Hostiou).

Si l’hésitation est permise s’agissant des prises de possessionanticipées, cette solution est certaine dans l’hypothèse oùl’expropriant a payé l’indemnité mais occupé le bien dans lecadre d’une expropriation illégale (annulation postérieure del’ordonnance : Cass. 3e civ. 9 juin 1970, Crts Maurel, DH1971, 203, note A. Homont – Cass. 3e civ. 30 juin 1998,M. Vadivel Vayaboury, AJDI novembre 1998, obs. A. Lévy).

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Dans le cadre des procédures spéciales d’extrême urgence etd’élimination de l’habitat insalubre, la prise de possessionpeut être préalable au paiement de l’indemnité.

● Prise de possession de l’immeuble exproprié. — Dans ledélai d’un mois à compter du paiement, de la consignationou de l’acceptation de l’offre de relogement, les occupantsdoivent abandonner les lieux (Cass. 3e civ. 11 octobre 1995,Viviez de Chatelard, JCP N 1996, II, 273). En cas de refus,l’expropriant peut demander au juge de l’expropriation d’enordonner l’expulsion (Cass. 3e civ. 28 juin 1989, JCP 1991,n° 21607, obs. A. Bernard) après que le juge a procédé auconstat du paiement ou de la consignation. L’expulsion estprononcée par ordonnance de référé du juge de l’expropria-tion (CA Paris 9 mai 1980, Dame veuve Gauthier, AJPI1980, 579). En outre, le maintien dans les lieux de l’expro-prié, devenu occupant sans titre, engage sa responsabilité surla base de l’article 1382 du code civil (Cass. 3e civ. 29 janvier1985, SEMARBO, DH 1987, IR 247, obs. P. Carrias).

Il faut, par ailleurs, noter que, depuis l’arrêt de section duConseil d’État du 18 mai 1990, Ville de Nice (AJDA 1990,p. 524), l’ordonnance d’expropriation est considérée commeun titre habilitant l’expropriant à solliciter directement del’autorité administrative le concours de la force publiquepour procéder à l’expulsion. Cette solution apparaît fort dis-cutable.

4 | Délais de paiement

● Acomptes. — Les propriétaires occupant des locauxd’habitation ou à usage professionnel, les locataires et pre-neurs commerçants, artisans, industriels ou agricoles peu-vent obtenir des acomptes représentant 50 % de l’offre del’expropriant après la saisine du juge de l’expropriation et leprononcé de l’ordonnance (C. expro., art. L. 323-3). Il faut,pour cela, qu’il n’y ait pas d’obstacle au paiement. Le juge del’expropriation étant compétent pour apprécier celui-ci(TGI Paris 15 mars 1994, SCI 63 et 65 rue de Patay, AJPI1994, 752), l’expropriant ne peut se soustraire au paiementdes acomptes si les conditions exigées par l’article L. 323-3du code de l’expropriation sont remplies (Cass. 3e civ.4 mars 1992, Bull. civ. III, n° 75). Cette disposition ne jouepas si le relogement ou la réinstallation sont assurés parl’expropriant.

● Retards de paiement. — Il appartient en principe au seuljuge judiciaire de mettre en œuvre les procédures visant àobtenir le paiement de l’indemnité qui est due. C’est ainsi

que le Conseil d’État a considéré que le juge des référés étaitmanifestement incompétent pour connaître d’un référé-liberté tendant à ordonner à l’expropriant de payer les som-mes dues (CE 1er août 2008, Indivision Estrope Lucien, req.n° 319035, RDI 2008, 543, obs. R. Hostiou). Par contre, lejuge administratif est compétent pour connaître de la légalitéde l’arrêté par lequel le préfet a mandaté d’office le montantde l’indemnité d’expropriation qui est due par une commune(CE 5 juillet 2010, Cne d’Angerville, req. n° 309 355).

Sous cette réserve, les retards de paiement peuvent être sanc-tionnés de plusieurs manières :

• Intérêts moratoires. — Bien que la principale sanction dunon-paiement de l’indemnité soit l’impossibilité pourl’expropriant de prendre possession de l’immeuble, lesretards dus aux rigidités de la comptabilité publique consti-tuent, pour les expropriés, un préjudice supplémentaire quereconnaît d’ailleurs la Cour européenne des droits del’homme. Celle-ci considère que le fait pour l’expropriant dene pas indemniser l’exproprié « dans un délai raisonnable »constitue une violation de l’article 1er du Protocole n° 1(CEDH 21 février 1997, Guillemin c/France, AJDA 1997,p. 399, note R. Hostiou). Pour sa part, le code de l’expro-priation contient diverses dispositions visant à réduire lesretards de paiement.

Il en est ainsi, notamment, de l’article R. 323-14 du code del’expropriation, qui prévoit la possibilité pour l’exproprié dedemander le paiement d’intérêts moratoires.

Article R. 323-14 :

« Si, dans un délai de trois mois à partir de la signification dela décision définitive fixant le montant de l’indemnité ou dela signature de l’acte authentique de cession amiable,l’indemnité n’a pas été intégralement payée ou consignée,l’exproprié a droit, sur demande adressée par lettre recom-mandée avec demande d’avis de réception à l’expropriant, aupaiement d’intérêts. Ces intérêts sont calculés au taux légalen matière civile sur le montant définitif de l’indemnité,déduction faite, le cas échéant, des sommes déjà payées ouconsignées, à compter du jour de la demande jusqu’au jourdu paiement ou de la consignation.

Lorsque, en application de l’article L. 323-4, il a été statué ànouveau, de façon définitive, sur le montant de l’indemnité,ces intérêts sont calculés à compter du jour de la revalorisa-tion sur la base de la nouvelle indemnité.

Lorsque l’ordonnance d’expropriation intervient postérieu-rement à la décision définitive fixant le montant de l’indem-nité, le délai de trois mois fixé au premier alinéa du présent

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article court à compter de la date de l’ordonnance d’expro-priation ou, si celle-ci fait l’objet d’un pourvoi en cassation,de la date où l’ordonnance est passée en force de chosejugée. »

Il faut entendre par décision définitive celle qui n’est pas sus-ceptible de voies de recours ordinaires, c’est-à-dire soit lejugement de première instance non frappé d’appel, soitl’arrêt de la cour d’appel.

L’exproprié doit en faire la demande par lettre recommandéeou par huissier (Cass. 3e civ. 9 mai 1983, SEMARBO, Bull.civ. III, n° 10885).

Les intérêts ne courent qu’à l’expiration du délai de troismois et ceci alors même que la demande serait antérieure(Cass. 3e civ. 9 mai 1983, SEMARBO, préc.). En outre, si lejugement devenu définitif est antérieur à l’ordonnance, lesintérêts ne sont décomptés qu’à partir de l’expiration d’undélai de trois mois suivant l’ordonnance (Cass. 3e civ.1er juillet 1990, Épx Lamarre, Bull. civ. III, n° 12996). Ilssont dus jusqu’au jour du paiement ou de la consignationdans les conditions précitées.

Les intérêts moratoires sont calculés au taux légal en matièrecivile (C. civ., art. 1907) appliqué au montant de l’indemnitéprincipale minoré, le cas échéant, des sommes déjà payées.Ces intérêts produisent eux-mêmes intérêt au taux légal (C.civ., art. 1154) s’il s’agit d’intérêts échus et dus depuis plusd’un an (Rép. min. JOAN 21 mars 1983, 1433).

• Réévaluation de l’indemnité. — L’exproprié peut deman-der qu’il soit à nouveau statué sur le montant de son indem-nité si celle-ci n’a pas été payée ou consignée (Cass. 3e civ.20 mai 1992, Mme Baret, Dr. adm. n° 288) dans le délai d’unan à compter de la décision définitive (C. expro., art.L. 323-4). Cette disposition vise à garantir les expropriéscontre des retards plus importants que ne suffirait pas à com-penser le versement d’intérêts moratoires. Une majorationne peut toutefois être exigée en cas de stagnation du marchéimmobilier (Cass. 3e civ. 8 juin 1994, Mme Garrec, AJPI1995, 217).

Les points de départ et d’achèvement du délai se calculent dela même manière qu’en ce qui concerne les intérêts moratoi-res mais, à la différence de ceux-ci, la demande est recevablealors même que l’ordonnance d’expropriation n’aurait pasété rendue (CA Paris 21 février 1980, SAERP, AJPI 1980,347).

L’action en révision constitue une demande nouvelle qui viseà reconsidérer totalement la première décision d’indemnisa-tion. L’article L. 323-4 du code de l’expropriation imposedonc au juge de fixer la valeur actuelle du bien en fonction del’évolution du marché immobilier, sans pouvoir en diminuerla valeur mais aussi sans automatiquement affecter l’indem-nité initiale d’indices de réévaluation (Cass. 3e civ. 25 janvier1975, Gaz. Pal. 1977, 1, somm. 171). Il appartient au juged’apprécier souverainement la méthode de révision à mettreen œuvre (Cass. 3e civ. 13 mai 1979, SEMBIE, Bull. civ. III,n° 374286). La procédure est précisée à l’article R. 323-14du code de l’expropriation mais, en toute hypothèse, elledoit, comme pour la fixation de l’indemnité principale, res-pecter le principe du contradictoire (CA Paris 17 octobre1980, Cne de Bobigny, AJPI 1980, 985).

La révision doit s’appliquer à la totalité de l’indemnité ini-tiale alors même qu’une partie de celle-ci aurait été payée ouconsignée. Les sommes payées s’imputent seulement sur lemontant de la nouvelle indemnité (Cass. 3e civ. 25 janvier1977, Synd. intercommunal de Paray-Athis, Bull. civ. III,n° 4130). D’autre part, les intérêts moratoires qui seraientdus, par ailleurs, ne doivent pas être intégrés dans la nouvelleindemnité (Cass. 3e civ. 3 mai 1989, JCP 1989, IV, 248),l’article 1254 du code civil étant ici inapplicable (Cass.3e civ. 23 avril 1992, SCI Carrière du Merlan, AJPI 1993,179).

Il faut considérer, en dépit de certaines hésitations jurispru-dentielles, que l’article L. 323-4 du code de l’expropriations’applique également aux indemnités résultant d’accordsamiables (CA Paris 24 février 1984, Sté Transports rapidesautomobiles, AJPI 1984, 411), toute discrimination entre lesdivers procédés de fixation de l’indemnité apparaissant, à cetégard, sans justification.

● Déchéance quadriennale. — En cas de non-paiement del’indemnité d’expropriation dans les quatre années qui sui-vent l’année au cours de laquelle les droits ont été acquis,l’exproprié peut se voir opposer la déchéance quadriennaledans les conditions fixées par la loi du 31 décembre 1968(Cass. 3e civ. 13 mai 1987, JCP 1987, IV, 334). Mais, ledélai de quatre ans ne peut courir tant que l’ordonnanced’expropriation n’a pas été régulièrement notifiée (Cass.3e civ. 10 avril 1991, RDI 1991, 323).

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