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32 L’ÉQUIPE MAG Nº 1546 3 MARS 2012 U N PRÉLEVEUR ASSERMENTÉ m’a un jour confié qu’il était forcément plus tentant d’aller faire des contrôles antidopage là où ça se passait bien. Comprenez : là où l’on peut sans peine mettre les pieds et revenir avec des échantillons d’urine dans les valises. Je n’ai pas eu envie de passer trop de temps à méditer sur le sens profond de cette confession, préfé- rant penser qu’à chaque fois qu’un contrôle antidopage avait lieu dans les parages, un autre se pratiquait à l’autre bout de la planète. Quoi qu’il en soit, il faut croire que nous savons rece- voir et que les nageurs niçois sont de protocole agréable, si l’on en juge par le nombre de contrôles auxquels ils ont dû se plier ces derniers jours. En deux semaines, Elle n’ira probablement pas jusqu’à dire que l’exercice est agréable, mais elle sait néanmoins aujourd’hui se plier à la contrainte avec plus de réussite et de promp- titude que jadis. PourYannick, le dernier contrôle antidopage s’est déroulé sans ménagement : à 6 heures du matin, chez lui, les préleveurs ont débarqué une seringue à la main. Pour ceux qui l’ignorent, les sportifs de haut niveau sont tenus d’adresser au Système d’administration et de gestion antidopage une tranche horaire quotidienne comprise entre 6 heures et 23 heures, pendant laquelle ils s’en- gagent à pouvoir être contrôlés dans un endroit précis ! Une liberté surveillée qui laisse peu de place à l’im- provisation, vous en conviendrez. Mais un prix qu’il faut peut-être payer pour que les médailles reviennent à ceux et à celles qui se contentent de s’entraîner… Il y a des contrôles qui font appel un autre liquide : l’encre. Jeux Olympiques ou pas, la benjamine de l’équipe de France, Charlotte Bonnet, a aussi pour préoccupation de réussir sa 1 re S. En plus de ses maillots de bain, la camarade d’entraînement de Camille doit aussi user les bancs d’école et préparer son bac français sur un chemin pourtant censé la mener à Londres. En France, celui qui entreprend la réussite du double projet scolaire et sportif s’attaque à une montagne. Mais notre lycéenne a la chance folle de pouvoir bénéficier du soutien bien intentionné de personnes qui n’ont jamais voulu attendre que soient réglés les interminables et douloureux débats sur les aménagements des rythmes scolaires. Sur les traces encore fraîches de ses prédécesseurs niçois que sont Yannick Agnel, Camille Muffat ou encore Clément Lefert, « Chacha » fréquente avec bonheur les classes sportives de la Fondation Don Bosco de Nice. Un petit paradis pour écoliers, dans un pays où la scola- rité sait si bien mettre les sportifs au tapis. Situé à 200 m de notre bassin olympique, cet établissement sous contrat avec l’Éducation nationale met avec passion et patience son équipe pédagogique à disposition des sportifs et des artistes. Une démarche rare et discrète sans laquelle notre aventure olympique n’existerait peut- être pas. La tradition de notre petit groupe de nageurs niçois veut que chacun ait son baccalauréat et décroche une sélec- tion olympique. C’est dire, entre deux contrôles, si la pression est grande sur les épaules de la jeune Charlotte à l’approche de nos sélections nationales. Je suis certain qu’une petite carte postale en provenance de Londres ferait le plus grand plaisir à son professeur d’anglais… Camille Muffat est déjà passée quatre fois au crible urinaire etYannick Agnel, en plus de faire don du même liquide, a dû présenter ses veines pour remplir de son sang quelques tubes à essai. Grâce a été faite aux préleveurs de passer des heures avant d’accéder au Graal. Je me souviens d’un temps où nous manquions chaque fois de rater l’avion lorsque Camille était contrôlée à l’issue de ses finales en compé- tition. Il nous est déjà arrivé de passer plus de deux heures sur un bassin à attendre qu’un seul et bien modeste échantillon puisse être fourni. Dieu merci, Camille n’a pas progressé que dans l’eau, ces dernières années. Elle est aujourd’hui capable de s’acquitter de sa tâche post-effort en moins de deux, ou presque. JOURNAL DE BORD À tour de rôle, les nageurs niçois Yannick Agnel et Camille Muffat, ainsi que leur coach, Fabrice Pellerin, nous racontent, jusqu’à l’ouverture des JO de Londres, leur quête de médailles olympiques. Avec leurs mots et leurs photos. Une préparation sous contrôle CHARLOTTE BONNET (À DR.), 17 ANS, BENJAMINE DE L’ÉQUIPE DE FRANCE, EST EN 1 re S À LA FONDATION DON BOSCO DE NICE. RAOUT PRÉOLYMPIQUE POUR MUFFAT, STROHMEYER, BONNET, LEFERT, AGNEL ET GASTALDELLO (DE G. À DR .), LE 10 FÉVRIER. 25 HEURES DE COURS HEBDO POUR CHARLOTTE. Par Fabrice Pellerin ENTRAÎNEUR DE CAMILLE MUFFAT ET YANNICK AGNEL

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32 L’ÉQUIPE MAG Nº 1546 3 MARS 2012

UN PRÉLEVEUR ASSERMENTÉ m’a un jourconfié qu’il était forcément plus tentant d’allerfaire des contrôles antidopage là où ça se passait

bien. Comprenez : là où l’on peut sans peine mettreles pieds et revenir avec des échantillons d’urine dansles valises. Je n’ai pas eu envie de passer trop de tempsàméditer sur le sens profond de cette confession, préfé-rant penser qu’à chaque fois qu’un contrôle antidopageavait lieu dans les parages, un autre se pratiquait à l’autrebout de la planète.Quoi qu’il en soit, il faut croire que nous savons rece-voir et que les nageurs niçois sont de protocole agréable,si l’on en juge par le nombre de contrôles auxquels ilsont dû se plier ces derniers jours. En deux semaines,

Elle n’ira probablement pas jusqu’à dire que l’exerciceest agréable, mais elle sait néanmoins aujourd’hui seplier à la contrainte avec plus de réussite et de promp-titude que jadis.PourYannick, le dernier contrôle antidopage s’est déroulésans ménagement : à 6 heures du matin, chez lui, lespréleveurs ont débarqué une seringue à la main. Pourceuxqui l’ignorent, les sportifs de haut niveau sont tenusd’adresser au Système d’administration et de gestionantidopage une tranche horaire quotidienne compriseentre 6 heures et 23 heures, pendant laquelle ils s’en-gagent à pouvoir être contrôlés dans un endroit précis !Une liberté surveillée qui laisse peu de place à l’im-provisation, vous en conviendrez.Mais un prix qu’il fautpeut-être payer pour que lesmédailles reviennent à ceuxet à celles qui se contentent de s’entraîner…Il y ades contrôles qui font appel un autre liquide : l’encre.Jeux Olympiques ou pas, la benjamine de l’équipe deFrance, Charlotte Bonnet, a aussi pour préoccupationde réussir sa 1re S. En plus de ses maillots de bain, lacamarade d’entraînement deCamille doit aussi user lesbancs d’école et préparer son bac français sur un cheminpourtant censé la mener à Londres. En France, celuiqui entreprend la réussite du double projet scolaire etsportif s’attaque à une montagne. Mais notre lycéennea la chance folle de pouvoir bénéficier du soutien bienintentionnédepersonnes qui n’ont jamais voulu attendreque soient réglés les interminables et douloureux débatssur les aménagements des rythmes scolaires.Sur les traces encore fraîches de ses prédécesseurs niçoisque sont Yannick Agnel, Camille Muffat ou encoreClément Lefert, « Chacha » fréquente avec bonheur lesclasses sportives de la Fondation Don Bosco de Nice.Un petit paradis pour écoliers, dans un pays où la scola-rité sait si bienmettre les sportifs au tapis. Situé à 200mde notre bassin olympique, cet établissement souscontrat avec l’Éducation nationale met avec passionet patience son équipe pédagogique à disposition dessportifs et des artistes. Une démarche rare et discrètesans laquelle notre aventure olympique n’existerait peut-être pas.La tradition de notre petit groupe de nageurs niçois veutque chacun ait son baccalauréat et décroche une sélec-tion olympique. C’est dire, entre deux contrôles, si lapression est grande sur les épaules de la jeuneCharlotteà l’approche de nos sélections nationales. Je suis certainqu’une petite carte postale en provenance de Londresferait le plus grand plaisir à son professeur d’anglais…

Camille Muffat est déjà passée quatre fois au cribleurinaire etYannick Agnel, en plus de faire don dumêmeliquide, a dû présenter ses veines pour remplir de sonsang quelques tubes à essai.Grâce a été faite aux préleveurs de passer des heuresavant d’accéder auGraal. Jeme souviens d’un temps oùnous manquions chaque fois de rater l’avion lorsqueCamille était contrôlée à l’issue de ses finales en compé-tition. Il nous est déjà arrivé de passer plus de deuxheures sur un bassin à attendre qu’un seul et bienmodeste échantillon puisse être fourni. Dieu merci,Camille n’a pas progressé que dans l’eau, ces dernièresannées. Elle est aujourd’hui capable de s’acquitter desa tâche post-effort en moins de deux, ou presque.

JOURNAL DE BORDÀ tour de rôle, les nageurs niçois Yannick Agnel

et Camille Muffat, ainsi que leur coach,Fabrice Pellerin, nous racontent, jusqu’à l’ouverture

des JO de Londres, leur quête de médaillesolympiques. Avec leurs mots et leurs photos.

Une préparationsous contrôle

CHARLOTTE BONNET (À DR.), 17 ANS, BENJAMINE DE L’ÉQUIPE DE FRANCE, EST EN 1re S À LA FONDATION DON BOSCO DE NICE.

RAOUT PRÉOLYMPIQUE POUR MUFFAT, STROHMEYER, BONNET,LEFERT, AGNEL ET GASTALDELLO (DE G. À DR .), LE 10 FÉVRIER.

25 HEURES DE COURS HEBDO POUR CHARLOTTE.

Par Fabrice PellerinENTRAÎNEUR DE CAMILLE MUFFATET YANNICK AGNEL

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